Skip to main content

Full text of "Revue de Gascogne ; bulletin bimestrial de la Société historique de Gascogne"

See other formats


Google 


This  is  a  digital  copy  of  a  book  thaï  was  prcscrvod  for  générations  on  library  shelves  before  it  was  carefully  scanned  by  Google  as  part  of  a  project 

to  make  the  world's  bocks  discoverablc  online. 

It  has  survived  long  enough  for  the  copyright  to  expire  and  the  book  to  enter  the  public  domain.  A  public  domain  book  is  one  that  was  never  subject 

to  copyright  or  whose  légal  copyright  term  has  expired.  Whether  a  book  is  in  the  public  domain  may  vary  country  to  country.  Public  domain  books 

are  our  gateways  to  the  past,  representing  a  wealth  of  history,  culture  and  knowledge  that's  often  difficult  to  discover. 

Marks,  notations  and  other  maiginalia  présent  in  the  original  volume  will  appear  in  this  file  -  a  reminder  of  this  book's  long  journcy  from  the 

publisher  to  a  library  and  finally  to  you. 

Usage  guidelines 

Google  is  proud  to  partner  with  libraries  to  digitize  public  domain  materials  and  make  them  widely  accessible.  Public  domain  books  belong  to  the 
public  and  we  are  merely  their  custodians.  Nevertheless,  this  work  is  expensive,  so  in  order  to  keep  providing  this  resource,  we  hâve  taken  steps  to 
prcvcnt  abuse  by  commercial  parties,  including  placing  lechnical  restrictions  on  automated  querying. 
We  also  ask  that  you: 

+  Make  non-commercial  use  of  the  files  We  designed  Google  Book  Search  for  use  by  individuals,  and  we  request  that  you  use  thèse  files  for 
Personal,  non-commercial  purposes. 

+  Refrain  fivm  automated  querying  Do  nol  send  automated  queries  of  any  sort  to  Google's  System:  If  you  are  conducting  research  on  machine 
translation,  optical  character  récognition  or  other  areas  where  access  to  a  laige  amount  of  text  is  helpful,  please  contact  us.  We  encourage  the 
use  of  public  domain  materials  for  thèse  purposes  and  may  be  able  to  help. 

+  Maintain  attributionTht  GoogX'S  "watermark"  you  see  on  each  file  is essential  for  informingpcoplcabout  this  project  and  helping  them  find 
additional  materials  through  Google  Book  Search.  Please  do  not  remove  it. 

+  Keep  it  légal  Whatever  your  use,  remember  that  you  are  lesponsible  for  ensuring  that  what  you  are  doing  is  légal.  Do  not  assume  that  just 
because  we  believe  a  book  is  in  the  public  domain  for  users  in  the  United  States,  that  the  work  is  also  in  the  public  domain  for  users  in  other 
countiies.  Whether  a  book  is  still  in  copyright  varies  from  country  to  country,  and  we  can'l  offer  guidance  on  whether  any  spécifie  use  of 
any  spécifie  book  is  allowed.  Please  do  not  assume  that  a  book's  appearance  in  Google  Book  Search  means  it  can  be  used  in  any  manner 
anywhere  in  the  world.  Copyright  infringement  liabili^  can  be  quite  severe. 

About  Google  Book  Search 

Google's  mission  is  to  organize  the  world's  information  and  to  make  it  universally  accessible  and  useful.   Google  Book  Search  helps  rcaders 
discover  the  world's  books  while  helping  authors  and  publishers  reach  new  audiences.  You  can  search  through  the  full  icxi  of  ihis  book  on  the  web 

at|http: //books.  google  .com/l 


Google 


A  propos  de  ce  livre 

Ceci  est  une  copie  numérique  d'un  ouvrage  conservé  depuis  des  générations  dans  les  rayonnages  d'une  bibliothèque  avant  d'être  numérisé  avec 

précaution  par  Google  dans  le  cadre  d'un  projet  visant  à  permettre  aux  internautes  de  découvrir  l'ensemble  du  patrimoine  littéraire  mondial  en 

ligne. 

Ce  livre  étant  relativement  ancien,  il  n'est  plus  protégé  par  la  loi  sur  les  droits  d'auteur  et  appartient  à  présent  au  domaine  public.  L'expression 

"appartenir  au  domaine  public"  signifie  que  le  livre  en  question  n'a  jamais  été  soumis  aux  droits  d'auteur  ou  que  ses  droits  légaux  sont  arrivés  à 

expiration.  Les  conditions  requises  pour  qu'un  livre  tombe  dans  le  domaine  public  peuvent  varier  d'un  pays  à  l'autre.  Les  livres  libres  de  droit  sont 

autant  de  liens  avec  le  passé.  Ils  sont  les  témoins  de  la  richesse  de  notre  histoire,  de  notre  patrimoine  culturel  et  de  la  connaissance  humaine  et  sont 

trop  souvent  difficilement  accessibles  au  public. 

Les  notes  de  bas  de  page  et  autres  annotations  en  maige  du  texte  présentes  dans  le  volume  original  sont  reprises  dans  ce  fichier,  comme  un  souvenir 

du  long  chemin  parcouru  par  l'ouvrage  depuis  la  maison  d'édition  en  passant  par  la  bibliothèque  pour  finalement  se  retrouver  entre  vos  mains. 

Consignes  d'utilisation 

Google  est  fier  de  travailler  en  partenariat  avec  des  bibliothèques  à  la  numérisation  des  ouvrages  apparienani  au  domaine  public  et  de  les  rendre 
ainsi  accessibles  à  tous.  Ces  livres  sont  en  effet  la  propriété  de  tous  et  de  toutes  et  nous  sommes  tout  simplement  les  gardiens  de  ce  patrimoine. 
Il  s'agit  toutefois  d'un  projet  coûteux.  Par  conséquent  et  en  vue  de  poursuivre  la  diffusion  de  ces  ressources  inépuisables,  nous  avons  pris  les 
dispositions  nécessaires  afin  de  prévenir  les  éventuels  abus  auxquels  pourraient  se  livrer  des  sites  marchands  tiers,  notamment  en  instaurant  des 
contraintes  techniques  relatives  aux  requêtes  automatisées. 
Nous  vous  demandons  également  de: 

+  Ne  pas  utiliser  les  fichiers  à  des  fins  commerciales  Nous  avons  conçu  le  programme  Google  Recherche  de  Livres  à  l'usage  des  particuliers. 
Nous  vous  demandons  donc  d'utiliser  uniquement  ces  fichiers  à  des  fins  personnelles.  Ils  ne  sauraient  en  effet  être  employés  dans  un 
quelconque  but  commercial. 

+  Ne  pas  procéder  à  des  requêtes  automatisées  N'envoyez  aucune  requête  automatisée  quelle  qu'elle  soit  au  système  Google.  Si  vous  effectuez 
des  recherches  concernant  les  logiciels  de  traduction,  la  reconnaissance  optique  de  caractères  ou  tout  autre  domaine  nécessitant  de  disposer 
d'importantes  quantités  de  texte,  n'hésitez  pas  à  nous  contacter  Nous  encourageons  pour  la  réalisation  de  ce  type  de  travaux  l'utilisation  des 
ouvrages  et  documents  appartenant  au  domaine  public  et  serions  heureux  de  vous  être  utile. 

+  Ne  pas  supprimer  l'attribution  Le  filigrane  Google  contenu  dans  chaque  fichier  est  indispensable  pour  informer  les  internautes  de  notre  projet 
et  leur  permettre  d'accéder  à  davantage  de  documents  par  l'intermédiaire  du  Programme  Google  Recherche  de  Livres.  Ne  le  supprimez  en 
aucun  cas. 

+  Rester  dans  la  légalité  Quelle  que  soit  l'utilisation  que  vous  comptez  faire  des  fichiers,  n'oubliez  pas  qu'il  est  de  votre  responsabilité  de 
veiller  à  respecter  la  loi.  Si  un  ouvrage  appartient  au  domaine  public  américain,  n'en  déduisez  pas  pour  autant  qu'il  en  va  de  même  dans 
les  autres  pays.  La  durée  légale  des  droits  d'auteur  d'un  livre  varie  d'un  pays  à  l'autre.  Nous  ne  sommes  donc  pas  en  mesure  de  répertorier 
les  ouvrages  dont  l'utilisation  est  autorisée  et  ceux  dont  elle  ne  l'est  pas.  Ne  croyez  pas  que  le  simple  fait  d'afficher  un  livre  sur  Google 
Recherche  de  Livres  signifie  que  celui-ci  peut  être  utilisé  de  quelque  façon  que  ce  soit  dans  le  monde  entier.  La  condamnation  à  laquelle  vous 
vous  exposeriez  en  cas  de  violation  des  droits  d'auteur  peut  être  sévère. 

A  propos  du  service  Google  Recherche  de  Livres 

En  favorisant  la  recherche  et  l'accès  à  un  nombre  croissant  de  livres  disponibles  dans  de  nombreuses  langues,  dont  le  français,  Google  souhaite 
contribuer  à  promouvoir  la  diversité  culturelle  grâce  à  Google  Recherche  de  Livres.  En  effet,  le  Programme  Google  Recherche  de  Livres  permet 
aux  internautes  de  découvrir  le  patrimoine  littéraire  mondial,  tout  en  aidant  les  auteurs  et  les  éditeurs  à  élargir  leur  public.  Vous  pouvez  effectuer 
des  recherches  en  ligne  dans  le  texte  intégral  de  cet  ouvrage  à  l'adressefhttp:  //book  s  .google .  coïrïl 


REVUE 


DK 


GASCOGNE 


REVUE 


DE 


GASCOGNE 


I3TJIL.i:."ETl]Sr    MENSUEL 


DB  LA 


SOCIETE  HISTORIQUE  DE  GASCOGNE. 


Tome  XXX. 


AUCH 

IMPRIMERIE   ET   LITHOQRAPHIE   Q.    FOIX,    RUE   BALGUERIE 

1889 


B ^ 


REVUE 


DE 


GASCOGNE 


LA  GASCOGNE 

ET   LES   PAYS  LIMITROPHES 

DANS  LA  LÉGENDE  CAROLINGIENNE 


Dans  la  légende  carolingienne^  la  Gascogne  et  ses  amorces 
sont  présentées  comme  le  théâtre  d'événements  qui  me  sem- 
blent mériter  une  étude  spéciale  et  détaillée.  Je  vais  donc 
dépouiller  et  commenter,  à  ce  point  de  vue,  quatre  sources 
d'informations  :  V  la  Chanson  de  Roland  et  le  Pseudo-Tur- 
pin;  ir  les  Passages  interpolés  dans  les  anciennes  versions 
françaises  du  Pseudo-Turpin;  IIP  les  Auteurs  des  xvn% 
xvin*  et  xix*  siècles;  YSf""  les  Prétendus  monuments  de  la  litté- 
rature populaire. 


I 


CHANSON  DE  ROLAND  ET  PSEUDO-TURPIN. 

Il  est  probable,  mais  non  pas  certain,  que  la  Chanson 
de  Roland  appartient  au  dernier  tiers  du  xi*  siècle.  C'est, 
selon  M,  Léon  Gautier,  l'œuvre  d'un  normand,  qui  séjourna 
sans  doute  en  Angleterre.  A  la  différence  du  Pseudo-Turpin, 


—  6  — 

qui  est  de  source  ecclésiastique^  la  Chanson  de  Roland  est 
d'origine  laïque. 

Le  litre  exact  du  Pseudo-Turpin  est  :  Turpini  hislma 
Karoli  magniel  Rotholandi.  Il  a  certainement  existé  un  prélat 
du  nom  de  Turpin,  qui  gouverna  le  diocèse  de  Reims,  et  qui 
vivait  au  temps  de  la  déroute  de  Farrière- garde  de  l'armée  de 
Charlemagne  par  les  Vascons,  dans  les  défilés  des  Pyrénées 
occidentales  (778).  Mais  ce  Turpin,  personnage  historique, 
n'a  rien  de  commun  que  le  nom  avec  celui  de  la  légende 
carolingienne,  auquel  on  a  longtemps  attribué  le  texte  du 
PseudO'Turpin.  M.  Gaston  Paris  distingue  cette  rédaction  en 
deux  parties,  dont  la  première,  qui  comprend  les  cinq  pre- 
miers chapitres,  aurait  été  écrite  vers  le  milieu  du  xi*  siècle 
par  un  moine  de  Compostelle.  Les  autres  chapitres  seraient 
l'œuvre  d'un  moine  de  Saint-André-de- Vienne,  qui  les  aurait 
composés  entre  1109  et  1119  (1). 

M.  Dozy  admet  que  le  Pseudo-Tiirpin  est  Tœuvre  de  deux 
auteurs.  Mais  il  a  prouvé,  contre  M.  Gaston  Paris,  que  la 
première  partie  du  texte  est  d'une  époque  pins  récente  que 
1050.  Elle  date  de  la  domination  des  Almora vides,  qui  com 
mença  en  Espagne  à  la  fin  du  xr  siècle.  Donc,  «  en  donnant 
la  date  de  1050,  M.  Paris  s'est  trompé  de  plus  de  quatre- 
vingts  ans.  > 

M.  Dozy  a  également  démontré  que  ce  premier  auteur  n'é- 
tait pas  espagnol,  mais  français,  comme  celui  qui  a  écrit  la 
seconde  partie  du  Pseudo-Turpin.  Le  premier  donne,  en  effet, 
maintes  preuves  d'une  profonde  ignorance  de  l'histoire  de  la 
Péninsule.  Sa  nationalité  se  trahit  de  diverses  façons.  Ainsi  l'or 
et  l'argent  acquis  par  Charlemagne  en  Espagne,  servent  pour 
«  l'église  de  Notre-Dame  à  Aix-la-Chapelle,  et  pour  celles  de 
Saiut-Jacques  qui  sont  à  Toulouse,  en  Gascogne  entre  Ax  (2) 


(1)  Gaston  Paris,  De  Psoudo-Turpino,  passim. 

(2)  Ainsi  écrit  par  M.  Dozy,  confonnément  à  Tancienne  orthographe.  On  dit 
aujourd'hui  Dax,  qui  est  une  ville  du  d<^partement  des  Landes. 


et  Saint- Jean-de-Sorde  sur  l6  chemin  de  Saint- Jacques,  et  à 
Paris  entre  la  Seine  et  Montmartre.  D'autres  manuscrits  y 
ajoutent  les  églises  de  Saint-Jacques  à  Âix-la-Chapelle  et  à 
Béziers  ».  Si  c'est  un  français  qui  parie  ainsi,  continue 
M.  Dozy,  à  la  bonne  heure.  «  Mais  il  est  peu  vraisemblable 
qu'un  moine  espagnol  de  laj)remière  moitié  du  xii*  siècle  ait 
eu  connaissance  de  toutes  ces  localilés,  sans  compter  qu'il 
n'aurait  guère  approuvé  l'usage  que  flt  Gharlemagne  des  tré- 
sors de  sa  patrie.  »  L'auteur  montre  aussi  son  origine  par 
son  orthographe,  qui  ne  saurait  être,  pour  certains  mots, 
celle  d'un  espagnol  du  xu*  siècle.  Aussi  M.  Dozy  admet-il 
que  la  première  partie  du  Pseudo-Turpin  a  été  écrite  à  Saint- 
Jacques  de  Gompostelle  mais  par  un  moine  français. 

La  seconde  a  certainement  pour  auteur  un  moine  de  Saint- 
André-de- Vienne.  Mais  tout  en  adoptant  là-dessus  l'opinion 
de  M.  Gaston  Paris,  M.  Dozy  prouve,  contre  cet  érudit,  que  la 
rédaction  de  ce  texte  ne  doit  pas  être  circonscrite  entre  1109 
et  1119,  et  qu'elle  est  un  peu  postérieure  à  1134(1). 

Tous  les  monuments  littéraires  du  moyen-âge. où  est  rap- 
portée la  mort  de  Roland,  se  divisent  en  deux  groupes  impor- 

« 

tants,  dont  l'un  procède  de  la  Chanson  de  Roland,  et  l'autre 
du  Pseudo-Turpin.  Il  est  inutile  de  chercher  ailleurs  que 
dans  ces  deux  textes  le  récit  des  événements  dont  la  Gasco- 
gne aurait  été  le  théâtre  d'après  l'antique  légende  carolin- 
gienne. 

Gela  dit,  j'ai  hâte  de  passer  à  l'analyse  et  au  commentaire 
de  la  Chanson  de  Roland  et  du  Pseudo-Turpin.  Il  va  de  soi 
que,  sur  les  événements  étrangers  à  mon  domaine,  je  me 
borne  à  l'indispensable,  sauf  à  insister  autant  qu'il  le  faut 
sur  les  choses  qui  intéressent  la  Gascogne  et  les  pays  adja- 
cents. 


(1)  V.  là-dessus  R.  Dozy,  Recherches  sur  l'histoire  et  la  littérature 
de  l'Espagne  pendant  le  moyen-dge  (3*  édition),  ii.  Le  faum  Turpin,  p.  872- 
431. 


—  8  — 


§  1 .   CHAJHSON  DE  ROLAjn). 

Charles,  maître  de  presque  toute  TEspagne,  assiège  Sara- 
gosse,  Le  roi  sarrazin  Marsile  convoque  ses  barons,  et  leur 
demande  comment  il  doit  agir  pour  n'être  pas  écrasé  par 
Tempereur  des  Francs.  Â  la  suite  de  ce  conseil,  Blancandrin 
vient  demander  la  paix  à  Gharlemagne,  qui  assemble  aussi 
les  principaux  de  son  entourage^  parmi  lesquels  figure  Âcelin, 
comte  de  Gascogne  {fiuascmgne,  xii,  173).  Dans  ce  conseil, 
Roland  outrage  Ganelon,  qui  est  désigné  pour  aller  vers  Mar- 
sile et  qui  se  promet*de  tirer  vengeance  du  neveu  de  Tem- 
pereur.  Garielon  ,part  et  se  concerte  avec  xMarsile.  t  Le  roi 
sera  aux  meilleurs  défilés  de  Gizre  (Lî  reis  serai  as  meillors 
portz  de  Sizré),  et  derrière  lui  sera  son  arrière-garde.  Là  sera 
son  neveu,  le  puissant  comte  Roland  (1).  »  La  petite  troupe 
de  ce  héros,  cernée  par  l'innombrable  armée  des  Sarrazins, 
détruira  ses  premiers  agresseurs.  Mais  d'autres  bandes  d'in- 
fidèles récraseront. 

Ganelon  retourne  vers  Gharlemagne,  et  lui  annonce  que 
Marsile  a  promis  de  se  soumettre.  Les  Francs,  joyeux,  se 
préparent  à  rentrer  en  France.  Mais  la  nuit  venue,  Uempereur 
s'endort,  hanté  de  songes  sinistres  et  prophétiques. 

L'armée  des  Francs  se  met  en  marche.  «  Hautes  sont  les 
montagnes,  ténébreuses  sont  les  vallées,  la  roche  est  noire, 
terribles  sont  les  défilés.  Ge  jour  même  les  Français  y  passè- 
rent, non  sans  grande  douleur;  à  quinze  lieues  de  là  on  enten- 
dit le  bruit  de  leur  marche.  Mais,  lorsqu'en  se  dirigeant  vers 
la  grande  terrre,  ils  virent  la  Gascogne  (Guascuigné),  le  pays 
de  leur  seigneur,  alors  le  souvenir  les  saisit,  celui  de  leurs 
fiefs  et  de  leurs  domaines,  de  leurs  nobles  femmes  et  de  leurs 
petites  filles  (2).  » 

(1)  La  Chatison  de  Roland,  édit.  Léon  Gautier,  xlvi,  583-85. 

(2)  Id.,  Lxx,  814-21. 


—  9  — 

Mais  le  roi  païen  d'Espagne  a  mandé  tons  ses  barons.  Ils 
chevauchent  d'un  furieux  effort  par  la  Terre  Certeine  {Tere 
Certeine)  ou  Cerdagne,  et  les  vaux  et  les  monts;  et  parmi 
eux  le  neveu  de  Marsile^  qui  jure  d'affranchir  TEspagne  depuis 
les  ports  d'Aspre  jusqu'à  Durestant  {Des  les  porz  d'Aspre 
entrequ'a  Durestant)  (1). 

Les  païens  assaillent  l'arriëre-garde  de  l'armée  chrétienne. 
Dans  la  bataille,  «  Engelier,  le  gascon  de  Bordeaux  {li  Guas- 
coinz  de  Burdele),  pique  des  deux^on  cheval,  lui  lâche  les 
rênes,  et  va  frapper  Escrerais  de  Valtierra  (2).  Il  met  en  pièces 
l'écu  qu'il  porte  au  cou,  lui  déchire  la  venlailUe  du  haubert, 
le  frappe  en  pleine  poitrine  entre  les  deux  épaules  et,  à 
pleine  lance,  l'abat  mort  sur  la  sellCr  «  Vous  êtes  tous  per- 
dus, s'écrie-t-il  (3).  »  Esperveris  était  là,  le  fils  de  Borel  :  il 
meurt  de  la  main  d'Engelier  de  Bordeaux  {Engeliers  de 
Burdel)  (4).  Mais  celui-ci  ne  tarde  guère  à  succomber.  «  Gli- 
morin  est  assis  sur  son  cheval  Barbamouche^  plus  rapide 
qu'épervier  et  qu'hirondelle.  Il  l'éperonne,  il  lui  lâche  les 
rênes  et  va  frapper  Engelier  de  Gascogne  {Guascuigne).  Hau- 
bert, ëcu,  rien  n'y  fait.  Le  païen  lui  plante  au  corps  le  fer  de 
sa  lance,  et  si  bien  le  frappe  que  la  lance  passe  tout  entière 
de  l'autre  côté.  A  pleine  lance  il  le  retourne  à  terre,  raide 
mort  (5).  » 

La  bataille  finit  par  la  mort  des  douze  pairs,  et  enfin  par 
celle  de  Turpin  et  de  Roland.  Mais  avant  de  mourir,  le  neveu 
de  Charlemâgne,  las  d'abattre  les  païens  sous  les  coups  de 
sa  Durendal,  a  sonné  du  cor  pour  appeler  au  secours.  A  trente 
lieues  Charles  et  toute  l'armée  entendent  l'appel.  •  Nos  hom- 
mes ont  bataille  » ,  dit  l'empereur.  Mais  Ganelon  lui  répond  : 
«  Si  c'était  un  autre  qui  le  dit,  on  le  traiterait  de  menteur. 

(1)  La  Chanson  de  Roland,  lxxii»  856. 

(2)  /d.,  Lxxiii,  Ô70. 

(3)  W.,  cvi,  1289-96. 

(4)  Id.,  cxii,  1388-89. 

(5)  /rf.,  cxxix,  1491-98. 


.  -  10  — 

Le  comte  Roland,  à  grand'  peine,  à  grande  angoisse  et  très 
douloureusement,  sonne  de  son  olifant.  De  sa  bouche  jaillit  le 
sang  vermeil,  et  de  son  front  la  tempe  est  rompue  (1).  » 
Charlemagne  accourt,  mais  il  n'arrive  qu'au  moment  où 
Roland  expire. 

La  douleur  est  grande  à  Roncevaux  (Bencesvals)  (2).  Charle- 
magne et  l'armée  se  lamentent.  Le  traître  Ganelon  soupçonné 
est  chargé  de  chaînes.  Les  païens  ont  payé  la  mort  de  vingt 
mille  Francs  par  la  destruction  totale  de  deux  armées  et 
d'une  partie  de  la  troisième.  Parmi  les  colonnes  de  Sarrazins 
énumérëes  à  cette  occasion  par  la  Chanson  de  Roland,  je 
signalerai  les  deux  d'Argoilles  et  de  Clarbune  {Voidme  est 
d'ArgoUles,  la  noefme  de  Clarbune)  (3).  Ailleurs  il  est  parlé 
des  chevaliers  arabes  :  «  Ceux  d'Occiant,  ceux  d'Argoille  et  de 
Bascle  {Cels  d'Occianl  e  d" Argfnlles  et  de  BasclelJ  (4).  »  Le  roi 
Marsile,  à  qui  Roland  a  coupé  le  bras,  s'enfuit  vers  Saragosse. 
Quand  Charles  et  ses  soldats  arrivent  à  Roncevaux,  on  aper- 
çoit au  loin,  sur  la  route,  la  poussière  soulevée  par  les  der-» 
niers  païens  qui  ont  pris  la  fuite.  L'empereur  les  poursuit  et 
les  extermine  au  bord  de  l'Èbre.  Puis  les  Francs  retournent  à 
Roncevaux,  ou  les  pleurs  et  les  lamentations  recommencent. 
Par  trois  fois,  Charles  désespéré  se  pâme  sur  le  corps  de 
Roland.  On  enterre  les  morts  chrétiens,  et  on  emporte,  après 
les  avoir  embaumés,  le  corps  et  les  entrailles  de  Roland, 
d'Olivier  et  de  Turpin. 

Cela  fait,  l'empereur  et  les  siens  retournent  en  France, 
Vivement  et  en  vainqueurs  ils  passent  Narbonne  {Passent 
Nerbone  par  force  e  par  vigur)  (5),  puis  arrivent  à  Bordeaux 
{Burdele)  (6).  C'est  là  que  sur  l'autel  du  baron  saint  Séverin 


(1)  La  Chanson  de  Roland^  clvi,  1753-64. 

(2)  Jd„  ccv,  2418. 

(3)  /rf.,  ccLxi,  3259. 

(4)  Id.,  ccLXXix,  3474. 

(5)  /rf.,  ccxciv,  3683. 

(6)  ld„  CCXCIV,  3684. 


—  11  — 

Charles  dépose  roUfaDt  qu'il  avait  rempli  d'or  et  de  man- 
gons.  Sur  de  grandes  nefs,  lui  et  les  siens  traversent  ensuite 
la  Gironde  {Gironde)  (1),  pour  conduire  à  Blaye  (Blaive)  (2) 
le  corps  de  Roland,  d'Olivier  el  de  Turpin.  On  dépose  ces 
trois  morts  dans  des  tombeaux  de  marbre  blanc  à  Saint- 
Romain  {Seinl'Ramain)  (3),  où  maintenant  gisent  encore 
ces  barons.  Après  quoi,  Charles  prend  la  roule  d'Aix.  Le 
poème  se  termine  par  le  jugement  et  le  supplice  du  traître 
Ganelon. 

Tel  est  le  résumé  de  la  Chanson  de  Roland,  rédigé  sur- 
tout au  point  de  vue  de  la  Gascogne  et  des  pays  limitrophes. 
Il  s'agit  maintenant  de  mettre  en  lumière  la  géographie  histo- 
rique contenue  dans  cet  abrégé. 

Certes,  bien  d'autres  avant  moi  se  sont  inquiétés  de  ce 
sujet.  Néanmoins  je  renonce  à  signaler  ici  les  travaux  anté- 
rieurs à  1867,  époque  où  M.  Adolphe  d'Avril  donna  son  édi- 
tion de  La  Chanson  de  Roland,  traduction  nouvelle  avec  une 
introduction  et  des  notes.  La  publication  de  cet  érudit  ne 
larda  pas  à  provoquer,  au  point  de  vue  gascon,  un  débat  où 
prirent  part  le  regretté  P.  Raymond  (4),  M.  Gaston  Paris  et 
M.  François  Saint-Maur. 

Le  travail  de  Raymond  a  paru  dans  la  Revue  de  Gascogne. 
On  y  trouve  la  preuve,  tirée  du  texte  même  de  la  Chanson  de 
Roland,  que  c'est  en  Navarre  qu'a  eu  lieu  le  combat  de  Ron- 
cevaux.  M.  d'Avril  était  embarrassé  par  le  vers  :  Li  reis  serai 
as  meillurs  porz  de  Sizre  (xlvï,  583),  c'est-à-dire  «  le  roi 
sera  aux  meilleurs  défilés  de  Cize.  »  Ne  pouvant  identifier 
ce  nom  de  Sizre,  M.  d'Avril  prit  le  parti  fort  commode  de  le 
supprimer  dans  sa  traduction.  Or  le  mot  Cizer  est  précisé- 
ment le  -seul  qui  peut  indiquer  le  lieu  de  la  bataille.  Dans 

(1)  La  Chanson  de  Roland,  ccxciv,  3688. 

(2)  Id„  CCXCIV,  3689. 

(3)  /a.,  CCXCIV,  3693. 

(4)  P.  Raymond,  La  question  de  Ronceoaax,  dans  la  Rooue  de  Gascogne,  x, 
365-68, 


—  12  — 

une  certaine  mesure^  Génin  Pavait  pressenti(l),  mais  il  s'était 
arrêté  sur  la  bonne  voie.  «  La  mesure  et  Tassonnance,  dit-il, 
avertissent  qu'il  faut  transporter  IV  et  prononcer  Sire;  le 
ms.  de  Venise  écrit  Cesire  et  Cisre.  »  Je  réserve  la  discus- 
sion de  ce  point  pour  le  moment  où  j'étudierai  le  travail  de 
M.  François  Saint-Maur.  En  attendant  je  constate  que  Ray- 
mond prouve  avec  toute  la  clarté  désirable  que  les  portz  de 
Sizre  ne  sont  autre  chose  que  les  défilés  ou  ports  de  Cize, 
pays  de  la  Navarre  française,  tout  proche  de  Roncevaux.  Cette 
démonstration  résulte  d'une  série  d'appellations,  tirées  des 
documents  anciens,  et  applicables  à  la  Cize  même,  sur  laquelle 
Raymond  ne  fournit  pourtant  pas  lous  les  renseignements 
désirables.  Or,  comme  je  dois  un  peu  plus  bas  réparer  ces 
omissions,  je  n'insiste  plus  ici  sur  la  contrée  dont  s'agit,  me 
réservant  d'utiliser  en  temps  plus  opportun  cette  portion  des 
recherches  de  Raymond. 

A  la  fin  de  son  article,  cet  érudit  «  propose  de  traduire 
les  mots  cels  (TArguillie  ou  d'Arguille  par  les  habitants  des 
ArbaUles.  On  appelait  Arbailles  une  partie  de  la  Soûle  qui 
borde  à  l'est  le  pays  de  Cize.  Cela  tendrait  à  prouver  que 
l'armée  franque  fut  attaquée  par  deux  tribus  basques,  les 
Navarrais  et  les  Souletains.  » 

Voilà,  ce  me  semble,  de  la  très  haute  fantaisie.  Je  vais 
tâcher  de  le  prouver. 

Et  d'abord  rétablissons  le  texte.  La  Chanson  de  Roland 
(ccLxi,  3252-64)  contient  l'énumération  de  dix  corps  de  l'ar- 
mée des  païens  envoyée  contre  les  Francs.  On  lit  au  vers 
3259  :  Voidme  est  d'Argoilles,  la  noefme  de  Clarhone.  Tra- 
duction :  «  Les  hommes  d'Argoilles  composent  le  huitième, 
et  ceux  de  Clairbonne  le  neuvième  (corps).  » 

Il  est  clair  qu'ici  Raymond  a  suivi  une  leçon  défectueuse, 
car  il  écrit  celz  d'Argoiltes  au  lieu  de  est  d'Argoilles.  Mais  ceci 

(1)  GÉNIN,  Roland,  poème  de  Théroulde,  364. 


—  13  — 

est  de  peu  d'importance,  et  j'ai  hâte  d'arriver  aux  Arhailles, 

dont  j'emprunte  la  toponymie  à  Raymond  lui-même. 

• 

Arbailles  (La  Forêt  des),  couvre  une  partie  des  communes  de 
Camou-Cihigue,  Aussurucq,  Ordiarp,  Musculdy,  Saint-Just-Ibarre  et 
Béhorléguy. 

Le  nom  à^ Arbailles  s'appliquait  autrefois  à  une  division  de  la  val- 
lée de  Soûle  :  la  messagerie  (ïArball  (1),  1359  (rôles  gascons).  — 
Arbaylhe^  1479  (ch.  du  chap.  de  Bayonne).  —  Arbalhe,  fin  du  xv* 
siècle  (contrats  d'Ohix,  f**  3). 

Il  y  avait  deux  Arbailles  :  la  Grande  Arbaille,  qui  comprenait  sept 
paroisses  :  Idaux,  Menditte,  Mendy,  Ossas,  Saint-Etienne,  Sauguis, 
Suhare;  la  Petite  Arbaille,  qui  se  composait  de  quatre  paroisses  : 
Ausculdy,  Musculdy,  Ordiarp  et  Pagolle. 

La  deguerie  d'Arbaille  (2)  pour  la  Grande  Arbaille  et  la  deguerie 
de  Peyriède  pour  la  Petite  Arbaille  formaient  chacune  un  des  sept 
vies  de  la  Soute  (3). 

Telles  sont  les  Arbailles  que  Raymond  propose  d'identifier 
avec  les  ArgoiUes  de  la  Chanson  de  Roland. 

Si  Raymond  s'est  laissé  influencer^  dans  l'identification 
^ArgoiUes  et  d^ Arbailles,  par  une  certaine  homophonie,  cela 
prouve  uniquement  que,  cette  fois,  il  s'est  contenté  trop  faci- 
lement. En  effet  le  g  A'Argoilles  et  le  b  d' Arbailles  opposent  à 
ridentification  de  ces  deux  noms  une  résistance  d'autant  plus 
invincible  qn' Argoilles  est  sans  variantes  dans  tous  les 
manuscrits  de  la  Chanson  de  Roland. 

Nous  ne  pouvons,  dit  à  bon  droit  M.  Léon  Gautier,  admettre  des 
assimilations  aussi  précises  dans  un  poème  qui  l'est  si  peu,  et  où  d'ail- 
leurs tous  les  ennemis  des  Français  sont  représentés  comme  venant 
d'Afrique,  à  la  suite  de  l'émir  de  Babylone,  c'est-à-dire  du  Caire  (4). 


(1)  Le  nom  de  messagerie  vient  de  l'office  de  messager,  sorte  de  procureur 
royale  chargé  de  la  surveillance  de  cette  partie  de  la  Soûle.  Note  do  Raymond. 

(2)  Le  nom  de  deguerie  vient  de  degan  ou  degain,  jurât  (decanus).  Note  de 
Raymond. 

(3)  Raymond,  Dictionnaire  topographique  du  département  des  Basses-Pyré- 
nées, article  Arbailles. 

(4)  Léon  Gautier,  La  Chanson  de  Roland,  p.  804-5,  note  correspondant  au 
vers  3259. 


—  14  — 

Après  celle  note  si  claire  el  si  sensée,  M.  Pelit  de  Julie  ville 
s'est  pourtant  demandé  «  comment  les  habitants  d'Arbailles, 
pour  venir  à  Roncevaux  dans  leur  propre  pays,  auraient  été 
s'embarquer  à  Alexandrie  (1)?  »  Mais  cet  érudit  ajoute: 
«  Toutefois  il  est  curieux  que  ce  nom  se  rencontre  à  côté  de 
Bascle  (qui  ressemble  fort  à  Basque)  au  vers  3474.  »  Voici 
d'ailleurs  le  passage  :  «  Il  fait  beau  voir  les  chevaliers  païens, 
—  ceux  d'Occiant,  ceux  d'Arguilles  et  de  Bascle  {cels  d'Oc- 
ciant  e  (TArguiUes  e  de  Bascle  f)  —  frapper  dans  la  mêlée  de 
beaux  coups  de  lance.  » 

En  écrivant  que  «  Bascle...  ressemble  fort  à  Basque  », 
M.  Petit  de  JuUeville  est  encore  plus  dans  le  vrai  qu'il  ne  sem- 
ble le  croire.  Il  y  a  longtemps,  en  effet,  qu'Oïhenart  a 
prouvé  (2)  qu'après  les  temps  carolingiens  et  jusqu'au  xv*  siè- 
cle, le  nom  de  Vaccei  s'applique  aux  seuls  Basques.  Divers 
passages  du  Cartulaire  de  l'abbaye  de  SainWean  de  Sordes  ne 
laissent  aucun  doute  sur  ce  point.  Or,  ces  textes  sont  d'autant 
plus  probants  que  ladite  abbaye  était  à  peu  près  sise  entre  le 
pays  basque  français  {Vascitania)  et  la  Gascogne  romane 
{Gascoma)  (3).  Ces  Vaccei  ou  Basques  deviennent  ensuite  les 
Vasd,  diminutif  Vascali.  Par  contraction  on  arriva  à  Vascli 
ou  Bascli,  car  dans  l'idiome  basque,  comme  dans  le  gascon, 
dialecte  du  provençal,  d  =  6. 

M.  Pelit  de  JuUeville  a  donc  raison  de  trouver  que  «  Bascle. . . 
ressemble  fort  à  Basque  »  qu'il  connaît,  et  à  Vascli  ou  Bascli 
qu'il  ne  connaît  pas.  Mais  cette  ressemblance  ne  remonte  pas 
plus  haut  que  le  xv  siècle.  Elle  est  d'ailleurs  absolument  for- 
tuite, et  ne  saurait  compter  par  conséquent  comme  raison 
d'identifier  les  ArgoiUes  (4)  et  les  Arbailles. 


(1)  Petit  de  Julleville,  La  Chanson  de  Roland,  notes,  p.  453. 

(2)  Léon  Gautier,  La  Chanson  de  Roland,  cclxix,  3473-75. 

(3)  OîHENART,  NotltUe  utriusque  Vasconiœ,  397-400. 

(4)  Sur  le  mot  catalan  argollas  ou  anneau;c  de  fer  scellés  sur  le  sommet  des 
montagnes  pour  marquer  les  limites,  v.  Jean-François  Bladé,  Etudes  géogra- 
phiques sur  la  oallée  d'Andorre,  85-87. 


—  15  — 

Ailleurs,  el  à  propos  du  vers  856,  Tere  Cerleine  e  les  valz 
et  les  munz,  c'est-à-dire  :  «  A  travers  la  Cerdague,  par 
vaux  et  par  monts  » ,  M.  Petit  de  JuUeville  a  rédigé  la  note 
suivante  : 

On  ne  peut  guère  traduire  autrement  que  par  Cerdagne,  et  pourtant 
il  est  infiniment  probable  que  le  passage  eut  lieu  à  Fautre  extrémité  des 
Pyrénées  où  la  tradition  Ta  toujours  placé,  où  subsistent  les  défilés  de 
Cùe  et  de  val  Carlos  depuis  huit  siècles  au  moins.  Ou  la  Cerdagne 
s'étendait  plus  loin  qu'au  siècle  dernier,  ou  le  poète  a  employé  ce  nom 
géographique  au  hasard,  comme  il  a  fait  plusieurs  autres.  Toute  la  ré- 
gion pyrénéenne  occidentale  a  conservé  le  nom  de  Roland.  La.  pierre  de 
Rolandy  Itpa^  de  Roland^  la  brèche  de  Roland^  toutes  ces  désigna- 
tions dispersées  de  Cauterets  à  Tarbes,  et  de  Tarbes  à  Biarritz,  sont 
encore  en  usage  aujourd'hui  et  remontent  certainement  à  une  haute 
antiquité;  mais  dispersées  sur  un  vaste  espace,  elles  ne  peuvent  fournir 
aucun  renseignement  précis  (1). 

Nous  verrons  plus  bas  ce  qu'il  faut  penser  de  ces  affirma- 
tions. 

Dans  la  Reoue  critique,  numéro  du  11  septembre  1869, 
M.  Gaston  Paris  a  pris  aussi  la  parole  sur  la  Géographie  de  la 
Chanson  de  Roland  et  félicité  Raymond  sur  «  la  précieuse 
réponse  qu'il  a  fournie.  »  A  la  bonne  h(mre.  Mais  iî  faut 
pourtant  excepter  ce  que  Raymond  a  écrit  sur  ArgoUlie  et  sur 
les  Àrbailles. 

2^  Chanson  de  Roland,  dit  aussi  M.  Gaston  Paris,  s'appuie  évidem- 
ment sur  des  souvenirs  historiques  d'une  grande  précision  et  qui  ne 
peuvent  être  que  contemporains  des  faits.  Plusieurs  textes  mentionnent 
les  ports  d^AspCy  qui  sont  situées  non  loin  des  ports  de  Cizer.  Dans 
un  passage  précieux  (xiv,  196  ss.),  qui  appellerait  une  critique  et  un 
commentaire,  Roland  rappelle  les  villes  qu'il  a  conquises  pendant  les 
sept  ans  que  les  Français  ont  combattu  en  Espagne;  or,  malgré  la  pré- 
tention du  premier  couplet,  d'après  lequel  Charlemagne  aurait  conquis 
toute  l'Espagne,  son  neveu  cite  surtout  des  viUes  situées  entre  Ronce- 


Ci)  Petit  db  Jullbvillb,  La  Chanson  de  Roland,  p.  418,  note  correspondant 
au  vers  S56. 


—  16  — 

vaux  et  Saragosse  ou  aux  environs  de  cette  dernière,  comme  Valierne 
(Valtierra),  Tuele  (Tudela),  et  la  terre  de  Pine  qui,  si  je  ne  me  trompe, 
doit  se  laisser  retrouver  dans  les  environs  de  ces  deux  villes.  Balagued 
(Balaguer)  parait  être  le  point  le  plus  lointain  où  aient  atteint  ses 
armes. 

M.  Paris  discute  également  d'autres  passages  du  poème, 
où  Ton  trouve  des  noms  de  lieux  difficiles  à  identifier.  Cor- 
dres  (v,  71;  vu,  97,  etc.),  par  exemple,  ne  saurait  être  Cor- 
doue.  Des  données  gépérales,  il  conclut  que  le  poème,  d'ac- 
cord avec  riiistoire,  place  entre  Saragosse  et  la  Gascogne  le 
théâtre  des  événements  qu'il  raconte. 

Cordres,  Gaine,  Roncevaux  et  les  ports  de  Cize  lui  parais- 
sent situées  sur  une  ligne  oblique  qu'on  tracerait  de  Saragosse 
à  la  Gascogne. 

C'est  aussi,  dit  M.  Paris,  sur  cette  ligne  que  se  trouve  l'endroit 
appelé  Val  Charlon,  Vallis  Caroli  dans  Turpin,  le  Val  de  Charles 
dans  le  Kaizerchronick  (Hist.  poét.  de  Charlemagney  p.  278). 
M.  Raymond  m'apprend  que  la  partie  de  la  Navarre  espagnole  qui 
longe  le  pays  de  Cize  s'appelle  aussi  le  Val  Carlos;  et  cette  dénomina- 
tion remonte  très  haut  :  outre  les  auteurs  mentionnés  ci-dessus,  on  la 
trouve  dans  la  chronique  d'Alphonse  X  au  xiii®  siècle  (ffisL  poéi.  de 
Charlem.y  p.  283),  et  je  la  remarque  dans  la  carte  de  l'Espagne  arabe 
qui  fait  partie  de  V Atlas  historique  de  Spruner,  et  qui  est  dressée  sur- 
tout d'après  des  documents  arabes 

A  cet  ensemble  de  passages  qui  me  paraissent  concluants,  s'en  oppo- 
sent deux  :  quand  les  pdens  s'avancent  en  partant  de  Saragosse,  pour 
surprendre  Tarrière-garde  française  daîis  les  gorges  des  Pyrénées, 
ils  chevauchent,  dit  le  poète,  Tere  Certeine  e  les  vais  e  les  munz 
(lxix,  858),  et  aussitôt  après  ce  vers  vient  celui  où  ils  découvrent  de 
loin  les  «  gonfanons  »  de  ceux  de  France.  Or,  Tere  Certeine  paraît 
bien  être  la  Cerdagne.  Y  a-t-il  eu  mélange  de  traditions  diverses  ? 
Le  nom  de  la  Cerdagne  a-t-il  eu  peut-être  une  extension  plus  large 
qu'aujourd'hui?  C'est  ce  qu'il  faudrait  étudier  de  près.  —  Quand  Char- 
lemagne  revient  en  France,  il  va,  comme  nous  l'avons  dit,  de  Sara- 
gosse à  Bordeaux  (cclxxiii,  3683)  :  Passent  Nerbonne  par  force  e 

par  vigur Je  soupçonne  ici  une  interpolation,  faite  par  un  scribe  qui 

connaissait  l'histoire  du  siège  de  Narbonne,  et  qui  a  peut-être  remplacé 


—  17  — 

par  Nerbone  un  autre  nom^  et,  à  ce  que  je  croirais,  un  nom  de  fleuve  (à 
cause  du  xerhe  passer,  cf.  v.  3688  :  Passet  Gironde;  de  la  sorte  par 
force  e  par  vigur  s'expliquerait,  le  passage  d'un  fleuve  dans  nos  vieux 
poèmes,  étant  toujours  une  très  grande  affaire),  peut-être  le  nom  de 
TAdour  (1). 

Telle  est  eo  somme  la  doctrine  de  M.  Gaston  Paris,  sur 
laquelle  j'ai  quelques  observations  à  produire. 

Et  d'abord,  cet  érudit  confesse  avoir  appris  de  Raymond 
«  que  la  partie  de  la  Navarre  espagnole  qui  longe  le  pays  de 
Cize  s'appelle  Val  Carlos.  »  Cet  aveu  m'étonne  et  m'édifie  tout 
à  la  fois  de  la  part  du  commentateur  du  Pseudo-Turpin,  où 
la  vallis  quœ  Karoli  dkilur,  c'est-à-dire  Val  Carlos,  se  trouve 
précisément  désignée  au  chapitre  23.  Or,  la  plupart  des  dic- 
tionnaires géographiques  et  historiques  d'Espagne,  notam- 
ment le  DicciofiarU)  geographico-histôrico  de  Espana  de  Pas- 
cual  Madoz,  contiennent  sur  Val  Carlos  des  articles  d'ailleurs 
insuffisants. 

Seconde  remarque  :  «  Le  nom  de  Cerdagne,  dit  M.  Gaston 
Paris,  a-t-il  eu  peut-être  une  extension  plus  large  qu'aujour- 
d'hui? C'est  ce  qu'il  faudrait  étudier  de  près.  »  Le  savant 
académicien  voudra  bien  m'excuser;  mais  cette  étude  est 
faite  et  bien  faite  depuis  longtemps,  par  Çurita,  Blanca, 
Marca,  les  auteurs  de  l'Histoire  générale  de  Languedoc ^  etc., 
etc.,  dont  la  doctrine  se  trouve  en  partie  résumée  dans  VArt 
de  vérifier  les  dates,  ii,  332-34.  Un  diplôme  publié  d'abord 
par  Baluze  (2),  et  depuis  beaucoup  plus  correctement  par 
Vitlanueva  (3),  contient  déjà  une  description  détaillée  de  la 
Cerdagne.  Il  est  vrai  que  Baluze  date  la  pièce  de  818  au  lieu 
de  840;  mais  c'est  une  erreur  que  j'ai  déjà  réfutée  (4).  Or,  de- 


(1)  Gaston  Paris,  la  Géographie  de  la  Chanson  de  Roland,  daas  la  Reoue  cri- 
tique, 11  septembre  1869,  t.  viii,  p.  173. 

(2)  Marca  Hispanica,  762-66. 

(3)  ViLLAKUEVA,  Vioje  literario  a  las  Iglesias  de  Espana,  IX,  append.  xxvii. 

(4)  Jean-François  Bladé,  Église  d'Urgel,  dans  VHistoire  générale  de  Lan-' 
guedoc  (édition  Privât),  IV,  note  clxvii,  pp.  903-4. 

Tome  XXX.  —  Janvier  1889.  2 


-  18  — 

puis  840^  époque  bien  antérieure  à  la  rédaction  de  la  Chanson 
de  Roland  jusqu'en  1659,  date  où  une  portion  de  la  Cerdagne 
passa  à  la  France  en  vertu  du  traité  des  Pyrénées,  on  suit 
sans  interruption  les  destinées  de  ce  comté,  et  notamment 
sa  géographie  historique,  où  tout  dément  «  cette  extension 
plus  large  qu'aujourd'hui  *,  que  M.  Gaston  Paris  admet 
à  titre  d'hypothèse. 

Cet  érudU,  commentant  le  vers  déjà  cité,  Passent  Ne)*bonne 
par  force  e  par  vigur,  propose,  pour  les  raisons  que  l'on  sait, 
de  remplacer  Nerbonne  par  Adour.  S'il  s'agissait  d'un  texte 
historique  et  non  pas  légendaire,  ce  changement,  conforme  à 
la  géographie  physique,  ne  me  répugnerait  pas.  Mais,  sans 
aller  chercher  d'autre  exemple  que  celui  de  Tere  Cerleine  ou 
Cerdagne,  sur  lequel  je  viens  de  m'expliquer,  l'auteur  de  la 
Chanson  de  Roland  se  laisse  souvent  prendre  en  faute  sur  la 
géographie.  M.  Paris  en  convient  lui-même  implicitement 
dans  le  passage  précité,  où  après  avoir  tracé  cette  «  ligne 
oblique  »  de  Saragosse  à  la  Gascogne,  il  propose  dans  toute 
leur  force  deux  objections  à  rencontre  de  son  système. 

Après  M.  Gaston  Paris,  M.  François  SaintMaur  s'est  aussi 
inquiété  du  même  sujet  en  1870,  dans  sa  brochure  intitulée 
Roficevaux  et  la  Chanson  de  Roland,  simple  réponse  à  une 
question  de  géographie  historique. 

Comme  Raymond,  M.  François  Saint-Maur  identifie  à  bon 

« 

droit  les  porz  de  Sizer  et  les  ports  de  Cize,  proposant  de 
supprimer  l'r  de  Sizer  pour  la  régularité  du  mètre.  Ce  qu'il 
dit  là-dessus  semble  concluant,  sauf  une  réserve.  Dans  son 
travail  intitulé  Roncevaux  (1852),  Génin,  qui  ne  se  gênait 
guère  pour  avancer  des  hypothèses  gratuites,  propose  de 
transposer  IV  et  de  prononcer  Sire.  Mais  il  ne  faut  pas 
ici  chercher  la  rime,  par  exemple  en  rapprochant  Sizer  de 
accise.  L'assonnance  est  seule  requise.  Or,  elle  est  obtenue 
sans  suppression  proprement  dite,  en  prononçant  Sizcf%  l'ac- 
cent tonique  sur  l'i.  «  11  est  du  reste  très  permis  de  supposer 


—  lo- 
que IV  ne  se  prononçait  point  du  tout;  elle  n'en  était  pas 
moins  légitimement  écrite  comme  lettre  étymologique,  ainsi 
que  le  prouvent  les  formes  Sizara,   Osera...  citées  par 
M.  Raymond  (1).  » 

Evidemment  influencé  par  l'article  inséré  par  M.  Gaston 
Paris  dans  la  Bfvue  critique  de  1869,  M.  François  Saint-Maur 
a  cru  devoir  s'exercer  sur  le  vers  déjà  cité  :  Passent  Nar- 
bonne  par  force  et  par  vigur.  Ici,  l'histoire  et  le  contexte  exi- 
geraient un  nom  voisin  du  pays  basque.  M.  Gaston  Paris  a 
proposé  de  lire  Passent  l'Adour.  M.  Saint-Maur  propose  une 
autre  correction.  «  Serait-il  permis,  dit-il,  de  supposer  que 
ce  pourrait  être  Arbonne,  situé  non  loin  de  Bayonne,  et  entre 
les  Pyrénées  et  l'Adour?  —  La  forme  Narbonne  ou  Nerbonne 
pour  Arbonne  nous  est  donnée  par  deux  textes  authentiques  : 
l'un  tiré  du  cartulaire  de  Bayonne,  cité  par  M.  Raymond 
{Dicl.  topogr.  des  Basses- Pyrénées);  l'autre  de  1507,  pris 
dans  le  testament  de  Dominique  de  Hanz,  évêque  de  Bayonne, 
où  on  lit  :  «  Je  lègue  30  sols  à  l'église  de  Narbonne,  de  mon 
diocèse  (J.  Balasque,  Eludes  hist.  sur  la  ville  de  Bayonne, 
t.  %  p.  569).  * 

Ainsi,  d'après  M.  François  Saint-Maur,  Nerbonne  ou  Nar- 
bonne que  les  Francs  passent  par  force  e  par  vigur,  pourrait 
être  tout  bonnement  Arbonne,  commune  de  724  habitants, 
comprise  dans  le  canton  d'Ustarits  (Basses-Pyrénées),  et  sise 
entre  les  Pyrénées  et  l'Adour.  Sur  la  toponymie  ancienne  de 
cette  localité,  Raymond  ne  fournit  que  les  renseignements 
suivants  :  «  Arbonne,  canton  d'Ustaritz.  —  Narbona,  1186 
(cart.  de  Bayonne,  f*»  82).  —  Constante,  1793  (2).  » 

Admettons  donc  qu' Arbonne  se  soit  autrefois  appelé  Nar- 
bonne. Est-il  pour  cela  raisonnable  de  croire  que  l'auteur 
de  la  Chanson  de  Boland  ait  voulu  désigner  celte  localité? 


(1)  Léonce  Couture,  Reçue  de  Gascogne,  xi,  383. 

(2)  Raymond,  Dictioimaire  topographique  des  Basses-Pyrénées,  art.  Nar- 
bonne. 


—  20  — 

Mais  Arbonne  ne  fut  jamais  et  n'est  encore  qu'un  village 
sans  importance,  au  point  de  vue  de  la  topographie,  comme 
à  celui  de  Thistoire  de  l'ancien  pays  de  Labourd.  Elle  se 
trouvait  incontestablement  sur  le  passage  de  l'armée  fran- 
que;  mais  est- il  raisonnable  de  croire  que  le  nom  d'une  aussi 
inOme  localité  fut  connu  hors  du  sud-ouest  de  la  France  à 
l'époque  où  la  Chanson  de  Roland  fut  composée? 

Les  commentateurs  de  la  Chanson  de  Roland  auraient 
donc  tort  de  se  prévaloir  de  cette  circonstance  fortuite  qu'il 
existe,  sur  la  route  suivie  par  l'armée  franque,  une  petite  loca- 
lité jadis  appelée  Narbonne,  tandis  que  la  grande  ville  du 
même  nom  ne  se  trouve  pas  sur  la  route  des  Pyrénées  à 
Bordeaux. 

Quant  à  nous/ dit  très  sensément  M.  Léon  Gautier,  nous  croyons 
naïvement  que  notre  poète  ignorait  la  géographie.  Une  légende  de  son 
temps  attribuait  la  conquête  de  Narbonne  à  Charlemagne  revenant 
d'Espagne  :  ne  voulant  pas  raconter  la  légende,  le  poète  se  contente  de 
dire  que  Tempereur  passa  cette  ville  par  force  et  par  vigur,  c'est-à- 
dire  qu'il  la  prit.  Telle  est  notre  hypothèse.  Dans  une  carte  du  xii"  siè- 
cle qui  se  trouve  en  une  Apocalj'pse  appartenant  à  M.  Didot,  Narbonne 
est  marquée  tout  près  de  Saragosse,  sur  le  chemin  de  France  (1). 

Après  avoir  ainsi  discuté  le  plus  récent  état  de  la  doctrine 
sur  la  géographie  de  la  Gascogne  et  des  pays  limitrophes 
dans  la  Chanson  de  Roland,  je  crois  devoir  insister  plus  que 
mes  prédécesseurs  sur  trois  localités  mentionnées  au  décours 
de  ce  poème,  savoir  :  l""  La  Cize;  2^  Roncevaux;  3*^  La  val- 
lée d'Aspe. 

Jean-François  BLÀDÉ. 
{A  suivre). 


(1)  Léon  Gautirr,  La  Chanson  de  Roland,  p.  337,  note  correspondant  au 
vers  3683.  Cf.  dans  le  même  volume,  p.  416-21,  l'Eclaircissement  IV  sur  la 
géographie  de  Rolland.  V.  aussi  Petit  de  Jullelille,  La  Chanson  de  Roland, 
455,  note  correspondant  au  vers  3683. 


MARINS  BASQUES  &  BEARNAIS 

ESQUISSES  BIOGRAPHIQUES 


II 


MM.  DE  CHARRITTE. 


La  famille  de  Charrilte,  dont  le  nom  patronymique  est 
Casamajor,  est  une  des  plus  honorables  sinon  des  plus 
anciennes  du  Bèarn.  Ses  diverses  branches  ont  fourni  des 
conseillers,  des  présidents  à  mortier  et  un  chef  suprême  au 
parlement  de  Navarre;  des  offlciers  de  terre  d'un  mérite  dis- 
tingué; des  marins  dont  la  réputation  de  bravoure  et  d'audace 
persiste  encore. 

Originaire  de  Rivehaute  (1),  cette  famille  remonte,  par 
Gliation  prouvée,  à  Jean  deCasamajor,  seigneur  de  la  mai- 
son noble  de  ce  nom  à  Rivehaute,  lequel  rendit  hommage, 
le  31  janvier  1538,  à  Jacques  de  Foix,  évêque  de  Lescar, 
lieutenant  général  et  commissaire  député  de  Henri  II,  roi  de 
Navarre. 

Guicharnaud  {Guiche- Arnaud),  son  fils  aîné,  décédé  en 
1612,  est  tour  à  tour  qualifié  seigneur  des  maisons  nobles 
de  Casamajor  de  Rivehaute,  de  Gestas,  de  Jasses,  de  Vielle- 
nave,  d'Araux  et  d'Araujuzon,  trésorier  et  secrétaire  du  roi 
Henri  III  de  Navarre  et  contrôleur  des  réparations,  fortifica- 
tions et  artilleries  des  places  du  royaume.  De  ses  deux  maria- 
ges il  eut,  entre  autres  enfants,  quatre  garçons  : 

1*  Jean  de  Casamajor- Rivehaute,  écuyer,  seigneur  de 

(1)  Canton  de  Navarrenx,  Basses-Pyrénées. 


—  22  — 

MongastoD,  auteur  de  lâ  branche  de  Gestas;  son  dernier 
représentant,  le  comte  Henri  de  Gestas,  dont  plusieurs  de 
nos  lecteurs  se  souviendront  certainement,  est  mort  en  1847. 
—  A  cette  branche  appartenait  encore  Jean,  seigneur  de 
Gestas,  lieutenant-colonel  au  régiment  de  Marche-Prince,  bri- 
gadier des  armées  du  roi,  chevalier  de  Saint-Louis,  premier 
jurat-gentilhomme  de  la  ville  de  Bordeaux; 

2"  Josué  de  Casamajor,  qui  va  suivre; 

3"  Pierre,  lige  du  rameau  des  marquis  de  Jasses,  égale- 
ment éteints  (1); 

4*^  Jacques,  seigneur  de  Nabas,  Bisquey  et  Disse,  successive- 
ment avocat,  conseiller,  puis  procureur  général  au  parlement 
de  Navarre.  Sa  postérité  prit  fin  à  la  deuxième  génération. 

Le  15  août  1608,  dans  la  maison  de  la  Hire,  à  Saint- Palais, 
en  présence  d-'une  nombreuse  assistance,  Josué  de  Casamajor 
épousait  noble  demoiselle  Jehanne  de  Charritte,  unique  héri- 
tière des  anciens  potestals  de  ce  nom  (2).  D'après  les  clau- 
ses insérées  au  contrat  de  mariage,  les  enfants  issus  de  cette 
union  devaient  porter  le  nom  et  les  armes  de  Charritte. 

Isaac  de  Casamajor,  seigneur  de  Charritte  et  autres  lieux, 
fils  aine  de  Josué,  prit  à  son  tour  alliance,  le  6  août  1645, 
avec  Marie  de  Maytie,  sœur  d'Arnaud  de  Maytie,  alors  abbé 
de  Saint-Pé  et  depuis  évéque  d'Oloron.  De  ce  mariage  naqui- 
rent huit  enfants,  parmi  lesquels,  Henry,  potestat  de  Charritte, 
qui  n'eut  qu'un  fils  mort  sans  postérité,  et  Jean-Pierre  de 
Charritte,  dont  nous  allons  esquisser  Tintéressante  physio- 
nomie. 


(1)  Sur  les  derijiers  représentants  des  branches  de  Gostas  et  de  Jasses,  con- 
sulter l'ouvrage  si  attachant  de  M.  G.  de  Lagrèze,  La  société  et  les  mœurs  en 
Béarn,  Pau,  G.  Cazaux,  1886. 

(2)  La  cour  de  Licharre  (Cort  deu  noguer  de  Licharro),  qui  avait  dans  sa 
juridiction  le  pays  de  Soûle,  était  présidée  par  le  châtelain  de  Mauléon  et  se 
composait  de  dix  juges,  qui  portaient  le  nom  depotestats  :  c'étaient  les  seigneurs 
du  Domec,  de  l^carry,  de  Himein,  du  Domcc  de  Sibas,  d'Olaïby,  du  Doniec 
d'Ossas,  d'Amichalgue,  de  Gcntein,  de  la  Salle  de^  Charritte  y  d'Espés  et  du 
Domec  de  Chéraute.(P.  Raymond,  Irwentaire  sommaire  des  Arcfiices  des  B,  P.). 


—  23  — 


J.-P.  DE  CHARRITTE 

UEUTENANT  GÉNÉRAL  DU   ROI  AU  GOUVERNEMENT  DE  SAINT-DOMINGUE 

Né  an  château  de  Charritte  el  baptisé  en  Téglise  parois- 
siale de  ce  lieu  le  10  septembre  1648,  Jean-Pierre  de  Casama- 
jor  de  Charritte  fut  nommé  enseigne  de  vaisseau  en  janvier 
1689,  et,  après  un  long  stage  en  mer,  promu  lieutenant  le 
1"  juin  1693.  L'année  suivante,  il  recevait  le  commandement 
de  la  frégate  royale  te  Lutin,  avec  mission  d'établir  une  croi- 
sière dans  les  parages  de  l'île  de  Groix  (1). 

Au  cours  de  celle  campagne,  et  pendant  qu'il  escortait 
une  tlollille  marchande  d'environ  cent  cinquante  voiles,  il  fut 
assailli  par  une  Flessingeoise  de  22  bouches  à  feu  et  par  deux 
corvettes  espagnoles  de  10  à  12  canons  chacune.  Trois  fois, 
par  de  rapides  et  savantes  manœuvres,  M.  de  Charritte 
sut  éviter  un  abordage  :  l'on  aurait  cru  que  le  Z^wftn  jouait 
avec  ses  formidables  ennemis.  A  une  quatrième  attaque, 
repoussée  avec  le  même  succès,  le  capitaine  eut  le  cou  percé 
d'outre  en  outre  par  une  balle  de  fauconneau,  et  l'épaule  et 
la  mâchoire  fracassées  par  une  décharge  de  mousquet.  En 
revanche,  il  eut  l'insigne  bonheur  de  sauver  le  convoi  et  de 
faire  entrer  les  cent  cinquante  voiles  dans  la  Gironde.  Depuis 
ce  jour,  M.  de  Charritte  ne  vécut  plus  que  d'aliments  liquides. 

La  nouvelle  de  ce  brillant  fait  d'armes  parvint  rapidement 
à  Versailles.  Le  roi  Louis  XIV,  «  désirant  gratifier  et  favora- 
»  blement  traiter  le  sieur  de  Charritte,  en  considération  de 
»  ses  services  et  de  ses  grandes  blessures  » ,  lui  fit  délivrer  Je 
brevet  d'une  pension  annuelle  et  viagère  de  cinq  cents  livres, 
payable  sur  le  Trésor  (1"  janvier  1697)  (2). 

(1)  Ile  de  l'Océan,  située  eu  face  de  rembouchure  du  Blavet,  à  16  kilomètres 
de  Lorient. 

(2)  Biblioth.  nationale.  CoUect.  Dom  ViUevielle,  vol.  26269. 


—  24  - 

Quelques  mois  après,  M.  de  Charritle  était  nommé  lieute- 
nant du  roi  à  l'île  de  Sainte-Croix,  et  recevait  le  commande- 
ment de  la  Pf^essanle,  belle  frégate  armée  de  douze  pièces  de 
canon  et  montée  par  cinquante  hommes  d'équipage.  Avant 
de  gagner  son  poste,  il  avait  ordre  de  conduire  et  de  proté- 
ger, de  La  Rochelle  à  Bordeaux,  un  important  convoi  de 
navires  marchands.  M.  de  Charritle  devait,  dans  cette  circons- 
tance, se  couvrir  d'une  gloire  nouvelle  :  l'énergie,  l'intrépi- 
dité, le  sang-froid  qu'il  déploya  dans  le  combat  acharné  qu'il 
eut  à  soutenir  contre  trois  corsaires  ennemis  firent  l'admira- 
tion de  tous  les  hommes  de  mer  de  cette  belle  période  du 
règne  de  Louis  XIV. 

Le  jour  même  de  son  départ  de  La  Rochelle,  le  matelot  de  vigie  ap- 
per^ut  trois  bâtiments  portant  pavillon  étranger.  M.  de  Charritle  se  tint, 
dès  lors  à  l'arrière  du  convoi  pour  attendre  les  méchants  voiliers.  Le 
plus  grand  des  trois  corsaires  se  détacha  des  autres  pour  le  reconnoître, 
et,  comme  il  vit  qu'il  n'y  avoit  qu'une  frégate  de  convoi,  il  6i  signal 
aux  autres  bâtiments  d'approcher.  C'étoit  une  frégate  de  22  pièces  de 
canon  et  de  160  hommes  d'équipage.  Les  deux  autres  étoient  des  cor- 
vettes, l'une  de  8  pièces  de  canon  et  de  70  hommes  d'équipage,  et  l'au- 
tre de  6  pièces  et  de  60  hommes.  La  frégate  attaqua  M,  de  Charritte 
aussitôt  qu'elle  fut  à  portée  de  canon,  et,  quand  elle  put  se  servir  du 
mousquet,  elle  fit  grand  feu  de  tous  les  deux.  Plein  de  sang-froid, 
M.  de  Charritte  ne  fit  d'abord  tii^er  aucun  coup;  mais  lorsque  les  deux 
frégates  furent  à  la  demi-portée  du  pistolet  l'une  et  l'autre,  il  commanda 
un  feu  si  terrible  que  le  corsaire  n'osa  jamais  tenter  l'abordage  pendant 
plus  de  demi-heure  que  le  coiùbat  dura  seul  à  seul;  mais  la  corvette  étant 
venue  à  son  secours,  il  fit  tous  ses  efforts  à  trois  différentes  reprises 
pour  aborder,  et  trois  fois  M.  de  Charritte  le  repoussa  avec  une  telle 
vigueur  qu'il  le  força  bientôt  de  se  retirer.  Ce  n'étoit  point  fini  :  la  cor- 
vette de  six  canons,  qui  s'étoit  mise  à  la  poursuite  d'un  bâtiment  de  la 
flottille,  vint  se  joindre,  après  l'avoir  pris,  à  la  grande  corv^ette,  et  tous 
trois  ensemble  chargèrent  de  nouveau  notre  frégate.  M.  de  Charritte 
soutint  si  avantageusement  ce  choc  que  le  combat  ne  fut  pas  de  si  lon- 
gue durée  que  l'autre.  Les  ennemis  se  retirèrent,  désespérant  de  pou- 
voir vaincre  un  homme  d'un  tel  courage. 


—  26  — 

La  croix  de  Saint-Louis  fut  la  récompense  de  cette  belle 
action  (1). 

Nommé  en  1707  au  gouvernement  supérieur  de  Tîle  de 
Sainte-Croix  et  commandant  des  colonies  françaises  au  quar- 
tier du  Cap  et  côte  de  Saint-Domingue  (2),  en  remplacement 
de  M.  de  Galiifet  (5),  M.  de  Charritte  fut  chargé,  Tannée  sui- 
vante, de  la  délimitation  des  frontières  de  la  colonie  de 
Saint-Domingue.  Il  devait  s'entendre,  sur  ce  sujet  plein  de 
dangers,  avec  Témissaire  particulier  de  la  cour  d'Espagne. 

Dom  Guillelmo  Morphy,  —  écrivait  le  29  février  M.  de  Pontchar- 
train  au  gouverneur  de  Sainte-Croix,  —  que  je  vous  ay  mandé  avoir 
esté  choisy  par  le  Roy  d'Espagne  pour  remplir  la  présidence  de  Saint- 
Domingue,  se  prépare  à  partir  pour  s'y  rendre  et  m'escrit  pour  m'as- 
seurer  auparavant  qu'il  est  dans  les  meilleures  dispositions  qu'on  peut 
souhaiter  pour  entretenir  une  bonne  correspondance  avec  les  comman- 
dants et  officiers  des  quartiers  françois  et  pour  travailler,  de  concert 
avec  eux,  à  réprimer  les  nègres  et  vagabonds  fugitifs  qui  se  sont  sou- 
levés. Il  me  fait  encores  asseurer  qu'il  donnera  ses  soins  pour  terminer 
l'affaire  des  limites  et  oster  par  là  toute  sorte  de  prétextes  et  d'occasions 
de  mésintelligence  et  de  discussion  entre  les  deux  nations.  Je  vous  en 
fais  part,  de  mesme  qu'à  M.  le  comte  de  Choiseul  (4),  pour  vous  exhor- 
ter à  profiter  de  cette  situation  pour  establir  une  confiance  mutuelle  et 
réciproque  entre  vous  et  les  habitans  :  c'est  le  moyen  le  plus  seur  pour 
les  attirer  dans  les  colonies  françaises  et  lier  un  commerce  qui  ne  peut 
que  nous  estre  très  avantageux.  Je  mande  aussi  à  M.  de  Choiseul  de 
vous  charger  de  la  négociation  sur  les  limites,  parceque  vous  êtes  plus 

(1)  Hist.  de  Vordre  royal  et  militaire  de  Saint-Louis^  pai'  C.  d'Aspect,  tome 
ni,  p.  241.  —  Biblioth.  nationale  :  collect.  Dom  Villevielle. 

(2)  On  trouvera  dans  le  P.  de  Charlevoix  {Histoire  de  l'isle  espagnole  ou  de 
Saint-Domingue,  Paris,  1731,  in-4",  tome  ii,  p.  582)  une  curieuse  description  de 
Tile  de  Sainte-Croix  à  l'époque  où  M.  de  Charritte  y  fut  appelé. 

(3)  Joseph  de  Galiifet,  d'abord  commandant  de  l'ile  de  la  Tortue,  occupait  le 
poste  de  Sainte-Croix  depuis  le  16  mai  1698.  Il  mourut  à  Paris  le  26  mai 
1706. 

(4)  François-Joseph  de  Choiseul-Beaupré,  appelé  le  comte  de  Choiseul,  capi- 
taine de  vaisseau,  chevalier  de  Saint-Louis,  gouverneur  de  l'île  de  la  Tortue  et 
de  toute  la  côte  de  Saintr-Domingue.  En  1711,  revenant  en  France  sur  un  bateau 
tiansport,  il  fut  attaqué  par  une  flottille  ennemie.  A  peine  le  combat  était-il  com- 
mencé que  M.  de  Choiseul  recevait  une  balle  de  fauconneau;  il  succombait 
'treize  jours  après.  Il  était  le  cingt-huitième  de  sa  maison  tué  au  seroice  du  roi 

Louis  XIV, 


—  se- 
au iait  de  cette  affaire  que  luy.  Ce  sera  à  vous  à  la  conduire  de  manière 
que,  sans  trop  demander,  nous  conservions  le  port  de  Bayaha  et  Tes- 
tendue  de  terre  qui  est  nécessaire  pour  la  colonie  du  Cap  et  pour  sa 
sécurité  et  tacher  d'avoir  des  bornes  fixes.  Vous  m'informerez  avec 
punctualité  de  tout  c€  qui  se  passera  sur  ce  sujet  et  des  mesures  que 
vous  prendrez  pour  establir  le  commerce.  J'attends  avec  impatience  le 
retour  de  Vlndien  pour  scavoir  ce  dont  vous  serez  convenu  avec 
MM.  de  Choiseul  et  Deslandes  sur  les  affaires  principales  de  la  colonie. 

Je  suis,  Monsieur,  etc.  (1). 

M.  de  Charritte  ne  sut  pas  mettre  dans  cette  délicate  négo- 
ciation tout  Tesprit  de  justice  et  de  conciliation  nécessaire  à 
une  réussite  parfaite.  D'autre  part,  la  hauteur,  la  dureté,  les 
exigences  qu'il  apportait  parfois  dans  son  gouvernement  par- 
ticulier, provoquèrent  bientôt  des  plaintes  nombreuses.  Une 
enquête  fut  ordonnée  et  le  résultat  en  fut  si  défavorable  que 
M.  de  Choiseul  crut  devoir  prononcer  contre  M.  de  Charritte 
une  interdiction  temporaire  (2). 

En  1711,  M.  de  Charritte  fut  désigné  pour  remplacer  M.  de 
Cabaret  (3)  dans  le  gouvernement  de  la  Martinique.  Mais 
quoique  ce  poste  fut  alors  considéré  comme  le  plus  important 
de  TAmérique,  le  nouveau  titulaire  ne  put  se  résigner  à  l'oc- 
cuper (4).  Les  intérêts  qu'il  possédait  à  Saint-Domingue,  les 


(1)  Biblioth.  nation.;  ibid. 

(2)  «  A  Monsieur  de  Charritte.  —  Bien  loing,  Monsieur,  de  couvrir  de  mon 
»  manteau  ny  vous,  ny  tous  ceux  qui  sont,  comme  vous,  convaincus  de  vexer 
»  les  sujets  du  Roy  dedans  le  gouvernement  qu'il  m*a  faict  Thonneur  de  me  con- 
»  fier,  par  la  protection  de  Monsieur  le  comte  de  Pontchartrain,  son  ministre, 
»  ennemy  juré  de  l'injustice,  —  par  Tauthorité  qui  m'est  donnt'^e,  je  vous  interdis 
»  de  votre  commandement  du  Cap  jusqu'à  ce  qu'il  plaise  à  la  Cour  d'en  ordon- 
»  ner,  et  vous  fais  deffense  de  vous  ingérer  et  de  vous  mesler  d'aucune  afïaii*e 
»  de  Sa  Majesté,  ny  de  ses  bons  sujets,  dedans  toute  l'estendue  de  mon  gouver- 
»  nement,  afin  que  les  ordres  que  nous  distribuons  pour  rétablir  l'équité  et  la 
»  bonne  foy  ne  soient  point  troublés,  et  que  les  sujets  lassent  leur  commerce  en 
»  paix,  vos  violences  et  vos  excez  estant  par  ceste  voye  arrestés. 

»  Fait  au  Petit-Gouavc  le  23  Mai  1708.  —(Signé:)  Chotseul-Deaapré,  » 

(3)  Louis  de  Cabaret,  capitaine  de  vaisseau  en  1653,  lieutenant  général  en  1689, 
avait  lui-  même  succédé  à  Ducassc  dans  le  gouvernement  général  de  la  Marti- 
nique. 

(4)  Le  P.  de  Charlevoix  (Hist.  de  Visio  de  Saint-Domingue,  tome  ii,  p.  338) 
laisse  entendre  que  M.  de  Charritte  ne  quitta  point  Sainte-Croix,  n'ayant  jamais 


—  $7  — 

plantations  et  les  essais  de  colonisation  dont  il  y  poursuivait 
le  développement  avec  les  plus  louables  efforts  et  aussi  le 
mauvais  état  de  sa  santé,  lui  faisaient  préférer  les  fonctions 
plus  modestes  qu'il  occupait  depuis  1707.  Il  demanda  et 
obtint,  non  sans  de  grandes  difficultés,  de  quitter  la  Martinique 
et  de  revenir  à  Sainte-Croix.  Un  acte  irréfléchi,  un  zèle 
trop  ardent,,  devaient  bientôt  le  priver  du  gouvernement  de 
cette  île. 

Sollicité,  en  1713,  par  Ducasse  (1),  qui  espérait  donner  ou 
conquérir  à  la  France  toute  Tîle  de  Saint-Domingue  (2),  M.  de 
Charritte,  on  le  comprendra  facilement,  prit  à  cœur  ce  grand 
projet,  et,  pour  le  mieux  faire  réussir,  voulut  lui-même  entre- 
prendre un  voyage  d'exploration  dans  la  partie  espagnole  de 
Tîle.  De  ses  deniers  personnels  il  équipe  une  petite  troupe, 
se  munit  de  toutes  les  choses  nécessaires  et  franchit,  grâce  à 
un  déguisement,  la  ligne  frontière.  Mais  trahi  par  son  guide, 
mal  secondé  par  les  hommes  de  son  escorte,  dont  plusieurs 
s'enfuirent  honteusement,  emportant  avec  eux  les  armes  et 
les  provisions  de  bouche,  le  gouverneur  est  bientôt  forcé 
d'abandonner  cette  expédition  et  de  rentrer  précipitamment 


reçu  ses  provisions  de  gouverneur  de  la  Martinique.  Il  y  a  là  une  double  erreur; 
les  lettres  patentes  portent  la  date  du  premier  septembre  1711  et  furent  visées  trois 
mois  après,  jour  pour  jour,  par  le  Conseil  supérieur  de  Tile.  En  voici  le  dispositif  : 

«  Louis,  etc..  Le  gouvernement  de  nostre  isle  de  la  Martinique  estant  à  présent 
»  vacant  par  la  nouvelle  destination  du  sieur  Gabaret,  nous  avons  estimé  qu'il 
»  estoit  important  au  bien  de  notre  service  de  remplir  cette  charge  d'une  per- 
»  sonne  sur  la  suffisance  et  la  fidélité  de  laquelle  nous  puissions  nous  reposer 
»  de  la  conduite  de  nos  sujets  establis  en  la  dite  isle  et  de  tout  ce  qui  peut  aug- 
»  menter  leur  commerce,  et  que  nous  ne  pouvions  faire,  pour  cet  eflfet,  un  meil- 
»  leur  choix  que  de  la  personne  du  sieur  Char  rite,  gouverneur  de  l'isle  de  Sainte- 
»  Croix;  à  ces  causes,  nous  avons »(Biblioth.  nation.;  coliect.  Dom  Ville- 
vielle). 

(1)  J.-B.  Ducasse,  mort  en  juillet  1715  lieutenant  général  des  armées  de  terre 
et  de  mer,  commandeur  de  Saint-Louis  et  chevalier  de  la  Toison  d'or.  Nous  don- 
nerons plus  tard  sur  cet  audacieux  marin  quelques  notes  inédites  et  toutes 
intimes. 

(2)  Découverte  par  Colomb  en  1492,  l'ile  de  Saint-Domingue  (appelée  d'abord 
Hispaniola  et  aujourd'hui  Haïti) y  fut  occupée  par  les  Espagnols  en  1495.  Au 
dix-septième  siècle,  les  flibustiers  la  ravagèrent  et  s'y  établirent  sous  la  protec- 
tion de  la  France,  à  laquelle  elle  fut  en  partie  cédée  par  le  traité  de  Ryswik.  Les 
Espagnols  conservèrent  toute  la  partie  orientale  de  l'ile. 


—  28  — 

à  Saînle^roix.  Appelé  à  Paris  pour  rendre  compte  de  sa  con- 
duite, M.  de  Charritte  s'embarqua  aussitôt  pour  la  France.  La 
justification  d'un  acte  désavoué  hautement  par  le  gouverne- 
ment français,  fut  longue  et  difficile  à  être  écoutée.  Une  des 
nombreuses  lettres  adressées  par  M.  de  Charritte  au  ministre 
de  la  marine  nous  initie  aux  difficultés  qu'il  rencontra  à  la 
cour  du  Régent  (1  )  : 

De  Paris,  le  12  février  1715,  rue  des  Lions,  chez  M.  Erraud. 

Monseigneur, 

Il  y  a  deux  mois  et  demy  que  je  suis  retenu  dans  une  chambre  par 
des  indispositions  dont  j'ay  desja  eu  l'honneur  de  vous  informer,  et 
par  surcroy  de  disgrâce  je  ne  puis  espérer  qu'elles  me  permettent  de  res- 
pirer le  grand  air  qu  après  la  fin  des  rigueurs  de  l'hiver,  auquel  j'en  dois 
attribuer  une  partie  et  le  reste  au  mauvais  sang  que  je  fais  depuis  que 
j'ai  eu  le  malheur  de  perdre  vos  bonnes  grâces  pendant  que  je  croiois 
ne  rien  faire  qui  ne  vous  fut  agréable  et  qui  ne  me  fit  mieux  mériter 
votre  protection.  Dans  cette  triste  situation,  trouvez  agréable  que  je 
prenne  la  liberté  de  supplier  très  humblement  Votre  Grandeur  d'oublier 
cette  faute  que  je  n'ai  commise  que  par  un  excès  de  zèle  pour  le  service 
qui  estoit  si  grand  que,  non  seulement  j'entrepris  le  voyage  des  quar- 
tiers espagnols  de  l'isle  de  Saint-Domingue  sans  son  agrément,  mais 
mesme  sans  faire  attention  aux  fatigues  que  j'y  ay  essuyé  et  aux  ris- 
ques que  j'ay  couru  pour  ma  vie.  L'unique  objet  de  cette  caravanne 
estoit  pour  informer  Votre  Grandeur,  par  mes  propres  connoissances,  de 
la  qualité  des  terrains,  de  la  situation  des  bourgs,  villes,  villages,  et  de 
Testât  de  forces  qu'il  y  avoit.  J'adjousteray  que  je  ne  l'entrepris  que  par 
le  conseil  de  M.  du  Casse  et  sur  les  assurances  qu'il  me  donna,  quand 
il  toucha  à  Saint-Domingue  revenant  de  Carthagène,  il  a  environ  deux 
ans  et  demy,  qu'il  l'approuveroit  et  vous  en  aviseroit.  Je  le  crus  d'au- 
tant mieux  qu'il  me  fit  entendre  qu'il  avoit  commencé  une  négotiation 
à  la  cour  d'Espagne  pour  que  toute  Tisle  restât  aux  Français,  et  que,  à 
son  arrivée  en  Europe,  il  travailleroit  à  la  finir.  Je  ne  scay  s'il  Ta  suivie, 
mais  il  seroit  à  souhaitter  qu'il  fut  venu  à  bout  de  ce  travail  dont  la 
réussite  me  paroit  aujourd'huy  aussi  douteuse  que  je  l'aurois  crue 

(1)  Archives  de  la  marine;  fonds  Colonies, 


—  29  — 

facille  il  y  a  quelques  années  ;  mais  il  en  a  esté  autrement  que  ce  que 
luy  et  moy  en  avions  pensé.  Votre  Grandeur  a  désaprouvé  ce  que  j'ay 
fait  dans  cette  occasion  ;  je  reconnois  ma  faute  et  je  la  supplie  de  me  la 
pardonner,  Tesseurant  que,  si  elle  a  cette  bonté  pour  moy,  rien  ne  con- 
tribuera plus  efficacement  à  faire  dissiper  les  douleurs  de  mon  esprit  et 
à  me  fortifier  contre  celles  de  mon  corps  qu'en  obtenant  le  pardon  que 
je  luy  demande. 

Je  prends  la  liberté  de  luy  envoyer  ci-joint  un  Mémoyre  touchant 
une  grattiffication  qu'elle  m'a  voit  fait  la  grâce  de  me  procurer  du  Roy, 
il  y  a  environ  seize  ans,  et  je  la  supplie  très  humblement  d'y  avoir 
esgard.  J'estois  en  l'Amérique  quand  elle  me  fut  accordée,  et  je  n'en 
eus  des  nouvelles  que  deux  ou  trois  ans  après.  Je  la  destine  pour  l'em- 
ployer à  un  beau  tableau  de  Saint-Louis ,  pour  l'église  de  ma  paroisse, 
à  laquelle  nous  avions  donné  ce  saint  pour  patron,  et  dès  ce  temps-là 
je  priais  le  R.  P.  Gouze,  jésuite,  de  recevoir  la  dite  gratification 
et  de  l'employer  au  présent  que  je  voulois  faire,  —  ce  que  j'expose 
dans  le  dit  Memoyre  et  sur  les  témoignages  que  M.  Lefèvre, 
greffier,  et  M,  Pinconneau,  trésorier  dudit  ordre  de  Saint-Louis,  m'ont 
donné. 

Il  y  a  deux  jours  que  j'ay  reçu  la  lettre  que  Votre  Grandeur  m'a  fait 
l'honneur  de  m'escrire  du  27  du  mois  dernier.  Je  la  prye  de  croire  que 
je  me  coaformeray  aux  ordres  qu'elle  contient,  et  j'ose  l'assurer  qu'il 
ne  luy  reviendra  jamais  que  j'y  ay  contrevenu.  Mais  si  elle  vouloit  me 
permettre  de  luy  dire  mon  sentiment  h  leur  occasion,  fondé  par  Texpé- 
rience  que  je  puis  avoir  de  ce  qui  se  passe  sur  les  vaisseaux  qui  intro- 
duisent des  nègres  à  nos  colonies^  elle  trouveroit  peut-être  à  propos  d'y 
changer  quelque  chose. 

Je  suis  avec  un  très  profond  respect 

De  Charritte. 

Vainqueur  de  mesquines  jalousies^  M.  de  Charritte  obtint 
enfin,  le  28  juin  1716,  Pautorisation  de  retourner  en  Amé- 
rique. Il  emportait  avec  lui  son  brevet  de  lieutenant  du 
roi  au  gouvernement  général  de  Saint-Domingue;  ainsi,  désor- 
mais, il  allait  pouvoir  prêter  un  appui  officiel  aux  nombreux 
essais  de  plantations  et  de  fabrications,  dont  les  heureux  résul- 
tats devaient  faire  de  Saint-Domingue  une  des  colonies  les 
plus  riches  des  Antilles. 


—  30  — 

Il  est  impossible  de  ne  pas  parler  de  M.  de  Charritte,  —  écrit  Moreau 
de  Saint-Mery  (l),  —  lorsqu'on  décrit  la  partie  française  de  l'île  de 
Saint-Domingue.  Le  gouverneur  était  doux,  populaire,  ennemi  du  des- 
potisme. Ce  fut  lui  qui  implanta  le  premier  les  cannes  à  sucre  dans 
la  plaine  du  Cap.  Depuis,  on  continua  leur  culture  en  cet  endroit 
et  presque  toujours  avec  un  succès  constant.  M.  de  Charritte  fit 
venir  d'Europe  un  raflSneur  instruit,  et  ce  fut  sur  son  habitation,  au 
quartier  Morin  (2),  que  fut  établie  la  première  purgerie  de  la  colonie 
française.  Il  obtint  bientôt  des  sucres  raffinés^  qui  furent  classés 
parmi  les  premières  marques  (3).  Pour  engager  les  autres  habitants  à 
rimiter,  il  établit  une  poterie  où  l'on  faisait  des  formes  pour  le  sucre, 
et  ce  fut  encore  à  lui  qu'on  dut  une  manu  facture -de  tuiles  et  une  autre 
de  briques.  Ces  exemples  furent  heureux  et  la  reconnaissance  doit  les 
publier. 

M.  de  Charritte  avait  aussi  fait  venir  de  la  Havane  des  ouvriers  pour 
établir  une  manufacture  de  tabacs  en  poudre;  mais  les  colons,  à  qui 
cette  fabrique  n'offrait  point  de  débouchés  et  pour  qui  les  gains  d'une 
sucrerie  avaient  plus  d'attrait,  ne  goûtèrent  pas  celte  nouvelle  tentative, 
qui  n'eut  aucun  succès. 

Ce  n'est  pas  tout  :  l'église  du  quartier  Morin,  une  des  plus  jolies  et 
des  mieux  entretenues  de  la  colonie,  doit  la  plus  grande  partie  de  ses 
ornements  aux  libéralités  de  M.  de  Charritte.  Il  y  avait  fait  construire, 
à  ses  frais,  une  chapelle  latérale,  du  côté  du  Nord,  sous  Tinvocation  de 
saint  Jean-Baptiste,  son  patron.  Pour  reconnaître  tant  de  bienfaits,  les 
paroissiens  avaient  donné  à  perpétuité  cette  chapelle  à  M.  de  Charritte. 
Les  descendants  de  celui-ci  en  jouissent  encore^  sans  autre  obligation 
que  celle  souscrite  au  début,  d'entretenir  cette  chapelle  et  de  faire  les  frais 
de  l'office  divin  qui  y  est  célébré  le  jour  de  la  fête  patronale  de  Saint-Jean . 

(1)  Deacrlption  topographique ^  physique,  clolle,  politique  et  historique  de  la 
partie  française  de  Vile  de  Saint- Domingue,  Philadelphie,  1797,  in-4%  pp.  235 
et  246.  —  Voir  aussi  aux  Archives  de  la  marine  le  Dossier  personnel  indiciduel 
de  Charritte. 

(2)  Le  P.  Labat  (Nouceau  voyage  aux  Isles  d^ Amérique,  Paris,  1723,  iii-12, 
tome  V,  p.  124)  donne  une  très  curieuse  description  de  l'habitation  de  M.  de  Char- 
ritte au  Cap  Français. 

(3)  On  sait  que  l'art  de  rqffiner  le  sucre  a  pris  naissance  chez  les  Vénitiens. 
Amsterdam  et  Hambourg  acquirent  ensuite  une  grande  supériorité  et  devinrent 
le  centre  du  raffinage  européen.  Mais,  depuis  le  commencement  de  ce  siècle,  la 
France  s'est  emparée  de  cette  industrie  et  y  réussit  avec  beaucoup  de  succès.  — 
Avant  1789,  les  sucres  bruts  de  Saint-Domingue  tenaient  le  premier  rang  parmi 
les  sucres  des  Antilles.  Aujourd'hui  l«*s  habitants  de  oette  ile  en  négligent  la 
culture  et  ne  fournissent  que  des  sucres  gras,  gommeux  et  de  mauvaise  qualité  ; 
on  les  range  dans  la  classe  des  Martinique. 


—  31  — 

/ 

Ces  belles  et  précieuses  qualités  étaient  malheureusement 
ternies  par  une  cupidité  insatiable,  dont  plusieurs  auteurs 
constatent  les  effets  déplorables.  Ainsi,  au  moment  de  sa  mort, 
M.  deCharritle  possédait  le  tiers  du  quartier  Morin,  mille  toi- 
ses carrées  dans  la  paroisse  de  la  Pelile-Anse,  toute  la  savane 
de  la  Limonade,  de  nombreuses  forets  et  encore  presque  tout 
le  territoire  des  paroisses  d'Acul  et  de  Port-Margot.  «  Mal- 
»  gré  tout,  conclut  Moreau  de  Saint-Mery,  on  ne  lui  a  pas 
»  moins  des  obligations  très  réelles,  et  dont  le  souvenir  res- 
»  tera  toujours.  » 

Cet  excellent  administrateur  mourut  le  17  octobre  1723,  à 
Fàge  de  soixante-quinze  ans,  au  moment  ou  on  lui  faisait 
espérer,  comme  récompense  de  ses  services,  le  cordon  rouge  et 
le  grade  de  capitaine  de  vaisseau.  De  Marie-Louise  de  Ladou- 
bard  de  Beaumanoir,  sa  femme,  qu'il  avait  épousée  au  Cap  le 
vingt-huit  décembre  1698,  M.  de  Charritle  laissait  trois 
enfants  : 

l'*  Jean-Vincent,  titré  marquis  de  Charritte  en  1743  (1); 

2**  Marie-Louise,  alliée  à  Louis-Joseph  de  Menou,  maréchal 
des  camps  et  armées,  commandant  pour  le  roi  dans  la  Haute- 
Bretagne; 

3**  Charles  de  Casamajor  de  Charritte,  d'abord  conseiller 
(1725),  puis  président  à  mortier  (1732)  au  parlement  de 
Navarre.  Marié  en  1722  à  Marguerite  Françoise  d'Andoins, 
Charles  de  Charritte  eut  douze  enfants,  parmi  lesquels  nous 
mentionnerons  : 

François,  marquis  de  Charritte,  qui  fut  le  dernier  Premier 
Président  de  l'ancienne  cour  de  Navarre; 

Joseph-Guillaume,  appelé  le  chevalier  de  Charritte,  cadet  à 
Rocheforl  en  1745,  enseigne  dans  les  troupes  de  Saint-Domin- 

(1)  Les  lettres  d'érection  du  marquisat  de  Charritte  ont  été  rapportées  par 
MM.  Dufau  de  Maluquet  et  J.-B.  E.  de  Jaurgain  dans  leur  beau  travail,  en  cours 
de  publication  dans  la  Reoue  des  Basses-Pyrénées  et  des  Landes,  sous  ce  titre  : 
Armorial  général  db  1696;  Béarn. 


—  32  — 

gue  en  1790,  lieutenant  au  même  corps  en  1754,  capitaine 
en  1756,  aide-major  au  Cap  en  1758,  major  audit  lieu  en 
1762,  réformé  en  1753.  De  retour  en  France,  il  se  flxa  à  Mau- 
léon,  où  il  épousa,  croyons-nous,  une  demoiselle  de  Bêla, 
dont  il  eut  deux  garçons.  Il  mourut  en  1779  (1); 

Louis,  comte  de  Charritte,  vice-amiral,  dont  la  notice  va 
suivre. 

A.  COMMUNAY. 

{La  fin  au  prochain  numéro.) 


(1)  La  lettre  suivante,  adressée  au  ministre  de  la  marine,  a  pour  signataire 
Michel-François  de  Charritte,  décédé  chevalier  de  Saint-Louis  et  maréchal  de 
camp  des  armées.  Il  était  le  cinquième  des  fils  du  président  de  Charritte  et  de 
Marguerite- Françoise  d'Andoins. 

«  Monseigneur,  Vous  êtes  le  protecteur  des  enfans  dont  les  pères  ont  servi  et 
»  qui  ont  mérité  les  grâces  du  Roi.  Les  services  d'un  de  nos  frères,  autrefois 
»  major  au  Cap  François,  Tavoient  rendu  susceptible  d'une  pension  de  retraite  de 
»  1,500  livres  sur  les  colonies.  Mon  frère  vient  de  mourir;  il  laisse  deux  garçons 
»  avec'une  fortime  très  médiocre,  Tun  âgé  de  dix  ans,  l'autre  de  six.  Leur  mère, 
»  plongée  dans  le  chagrin,  se  joint  à  moi.  Monseigneur,  pour  réclamer  vos  bontés 
»  pour  ses  enfants  en  veuillant  bien  leur  accorder  ce  que  vous  jugerés  à  propos 
»  de  la  pension  de  leur  père  pour  fournir  à  leur  éducation,  et,  dans  la  suite,  aux 
»  dépenses  du  service  du  Roy  auquel  ils  sont  déjà  destinés.  Permettez,  Mon- 
»  seigneur,  que  je  vous  recommande  plus  particulièrement  le  plus  jeune,  pour  le 
»  dédommager  d'une  coutiune,  très  rigoureuse  pour  les  cadets,  qui  leur  laisse  a 
»  peine  la  subsistance.  Je  n'ay  nulle  protection  auprès  de  vous,  Monseigneur; 
»  mais  peut-il  en  être  une  meilleure  que  la  confiance  que  j'ay  dans  votre  justice? 

»  Les  services  du  père  de  ces  enfants,  ceux  de  notre  grand-père  dans  la  marine, 
»  dans  ce  moment  encore  ceux  de  mon  père,  capitaine  de  vaisseau,  qui  a  res- 
»  senti  plusieurs  fois  les  effets  de  votre  bonté,  si  j'ose  le  dire,  les  miens,  peuvent 
»  être  auprès  de  vous.  Monseigneur,  des  titres  favorables  à  mes  neveux.  Ils 
»  payeront  un  jour  les  intérêts  de  ce  que  vous  voudrez  bien  faire  pour  eux  par 
»  les  services  qu'ils  rendront.  Ce  sera  à  jamais  un  motif  de  reconnaissance  qu'ils 
»  vous  auront  et  je  la  partagerai  bien  sincèrement.  Je  suis  avec  respect,  Monsei- 

»  gneur (Signé  :)  le  Chevalier  de  Charritte.  —  Honfleur,  ce  14  septembre 

»  1779.  »  (Archicea  de  la  marine,  fonds  colonial). 


Est. 


"«    S: 
cl 


[j 

i — ^     0 


D 


B 


jyU 


w 


0 


E 


t   • 


«      • 
•      ■ 


Ouest 

A,  Ja//e5  décrites   e/ans  Ut  /l.^^f  6a SC,   c^c  jutY/eà- OLOïc/  /âSd . 

C  .   Il  u mes  encore  mex/i/orees . 
JJ,    Canut , 
JJ .   roftfatnç.  . 

Il,  Mur  e^  mosatfues  , 

À  .  Mur  etL   171  o  eu  on  . 

6.  laosai^ues, 

IL,  Mur  en  pierre  c/e^/te/it -^t/i/rctrei/. 


VILLA  GALLO-ROMAINE 

AU  GI^ÉSIA,  PRÂ8  MONTRÉAX.-DU-GBRS 


NOUVELLES  DÉCOUVERTES 


Ainsi  que  nous  en  exprimions  naguère  l'espoir  ici  même  (1),  des 
découvertes  nouvelles  ont  été  faites  au  Glésia.  Les  travaux  pratiqués 
durant  l'automne  autour  des  salles  de  la  villa  gallo- romaine  (A)  ont 
amené  d'heureux  résultats. 

Au  nord  de  ces  salles  et  à  40  mètres  environ,  sur  le  sommet  du 
coteau,  on  a  mis  au  jour  une  salle  entière (B),  dont  les  murs,  en  pierre  de 
moyen  appareil,  se  dessinent  très  bien  sur  leurs  quatre  côtés,  avec  une 
hauteur  moyenne  de  0",  70.  La  salle  elle-même  a  4",  70  de  largeur  sur 
4",  20  de  longueur.  Elle  se  distingue  surtout  des  voisines  déjà  décrites 
par  rhypocauste  qui  y  a  été  trouvé  en  un  état  de  conservation  parfait^ 
Malheureusement  cet  hypocauste  a  été  détruit  presque  aussitôt  que 
découvert,  et  il  n'est  plus  permis  de  le  décrire  que  d'après  ce  qu'en 
attestent  à  la  fois  et  ses  débris  et  le  propriétaire.  Il  avait  60  centimètres 
de  hauteur;  de  nombreux  piliers,  les  uns  de  pierre  et  monoUthes,  les 
autres  de  brique,  soutenaient  l'aire  de  l'appartement  supérieur.  Plus 
résistants  à  l'action  du  feu,  les  piUers  de  pierre  étaient  placés  au  milieu 
de  rhypocauste,  près  du  foyer  même;  les  piliers  de  brique  au  contraire 
se  trouvaient  près  des  murs.  Ces  derniers  étaient  faits  de  briques  creu- 
ses superposées^  ayant  30  centimètres  de  hauteur  sur  17  de  largeur  et 
30  de  longueur,  et  percées,  au  point  central,  d'un  petit  orifice  rectangu- 
laire destiné  à  laisser  pénétrer  dans  l'intérieur  de  ces  piliers  creux  la 
chaleur  ambiante  de  l'hypocauste.  Tous  ces  piliers  étaient  aussi  sur- 
montés d'énormes  briques  plates  formant  entablement.  Au-dessus  s'é- 
tendait un  carrelage  en  briques  très  grandes.  Et  sur  ce  carrelage  avait 

(1)  Reoue  de  Gasc.  de  juillet-août  1888,  p.  323. 

(A)  Cette  majuscule  et  celles  qui  suivront  dans  le  courant  de  l'article  renvoient 
au  croquis  approximatif  inséré  ci-après  et  destiné  simplement  à  faciliter  l'intel- 
ligence de  nos  escplications. 

Tome  XXX.  3 


—  34  — 

été  posée  une  couche  de  ciment  ou  de  béton  fait  de  brique  pilée,  d'une 
épaisseur  de  8  centimètres  environ.  Ce  ciment  formait  le  sol  de  la  salle. 
Au  niveau  de  ce  sol  élaient  incrustées  dans  le  mur  des  tuiles  à  rebords 
qui,  jointes  Tune  à  l'autre  par  leurs  rebords,  déterminaient  une  sorte 
de  petit  canal  large,  mais  très  étroit;  on  en  voit  deux  sur  le  mur  du 
nord,  trois  sur  le  mur  de  l'ouest,  trois  sur  le  mur  de  Test,  et  deux  sur 
celui  du  midi.  Ces  canaux  ou  tubes  descendaient  un  peu  au-dessous  du 
carrelage  et  prenaient  naissance  dans  l'hypocauste  même. 

Sur  les  points  adjacents  à  celte  salle,  vers  l'est,  se  voient  déjà  d'au- 
tres débris  de  murs  et  de  briqueterie  (C),  dont  la  disposition,  telle  qu  elle 
paraît,  fait  supposer  que  là  encore  se  trouve  un  second  hypocauste.  Il 
est  aussi  à  noter  que  dans  l'hypocauste  précédent,  et  au  milieu,  on  a 
relevé  de  nombreux  ossements  humains,  particulièrement  des  osse- 
ments d'enfants,  tous  calcinés.  Les  briques  elles-mêmes  des  sommets 
des  piliers  et  jusqu'aux  piliers  en  pierre,  tout  paraît  avoir  subi  l'action 
d'un  feu  violent. 

Ajoutons  qu'un  canal  (D),  se  dirigeant  vers  la  fontaine  qui  se  trouve  au 
sommet  du  coteau,  mais  à  un  niveau  légèrement  inférieur  à  notre  salle, 
part  de  l'angle  sud-ouest  de  cette  salle.  Il  est  formé  de  tuiles  à  rebords 
jointes  les  unes  aux  autres  :  au-dessus  de  ces  tuiles,  pour  les  protéger 
contre  tout  éboulement,  on  avait  placé  de  larges  pierres.  L'eau  coulait 
donc  dans  ce  canal,  glissant  sur  les  tuiles  entre  les  rebords  et  sous  les 
pierres  supérieures.  A  mesure  que  le  canal  s'éloigne  de  la  salle  et  se 
rapproche  de  la  fontaine,  il  s'enfonce  davantage  dans  le  sol.  Le  canal 
lui-même  est  creusé  entre  deux  murs  de  petit  appareil  qui  le  bordent. 
A  une  dizaine  de  mètres  environ  avant  d'arriver  à  la  fontaine,  le  sys- 
tème de  construction  du  canal  se  complique  un  peu  plus.  On  voit  en 
efïet  qu'au-dessus  des  pierres  recouvrant  les  tuiles,  avait  été  établi  un 
ciment  de  brique  pilée  semblable  à  celui  qui  formait  le  sol  de  la  salle. 
La  longueur  du  canal  est  d'environ  35  mètres. 

La  nouvelle  salle  est  située  à  10  mètres  environ  d'altitude  au-dessus 
de  celles  de  VOceanus;  et  cette  différence  de  niveau  ne  permet  guère  de 
croire  qu'elle  leur  fût  rattachée.  C'était  sans  doit  te  ici  le  balnéaire  de  la 
villa.  On  y  a  découvert,  dans  les  débris,  de  nombreuses  poteries.  Or, 
toutes  ces  poteries  étaient  das  fragments  de  vases  minuscules  en  terre 
samienne  ou  en  terre  grise,  tels  qu'on  nous  représente  les  unguentaria, 
sorte  de  vases  tout  petits  destinés  à  renfermer  des  parfums,  des  onguents 
et  diverses  essences  pi-écieuses,  qu'on  employait  soit  pour  laver  ou 
parfumer  le  corps  des  baigneurs  soit  pour  leur  donner  de  l'élasticité.  Il 
est  donc  à  croire  que  c'était  ici  une  salle  de  bains. 


-  35  — 

A  100  mètres  environ  des  salles  déjà  connues,  au  nord-ouest,  on  a 
exhumé  d'autres  mosaïques  (E).  Mais  ici  les  fouilles  sont  encore  à  l'état 
initial .  On  peut  cependant  augurer  qu'on  y  trouvera  de  nouveaux  appar- 
tements. Déjà  deux  coins  de  salles  différentes  apparaissent,  séparés  par 
un  mur  de  refend  de  petit  appareil  et  revêtus  de  mosaïques.  La  mosaï- 
que du  premier  est  fort  détériorée,  celle  du  second  est  au  contraire  très 
bien  conservée;  elle  dessine,  au  point  où  elle  disparaît  sous  le  sol  végé- 
tal qui  recouvre  encore  le  reste  de  Tappartement,  un  commencement 
d'hémicycle.  On  y  voit  une  large  bordure,  faite  de  carrés  blancs  bordés 
de  bleu,  qui  portent  à  leur  centre  des  sortes  de  croix  pattées,  rouges  et 
bleues,  posées  en  sautoir.  Au-delà  de  la  bordure  se  montrent  des  pointes 
de  feuillage,  des  bouts  d'enroulements  :  le  reste  se  cache  sous  terre. 
Sous  celte  dernière  mosaïque  règne  un  canal  (1),  lequel  s'étend  entre 
deux  murs  souterrains  et  est  d'une  largeur  de  30  centimètres  environ, 
avec  une  brique  énorme,  semblable  à  celles  de  l'hypocauste  décrit  plus 
haut,  placée  sous  la  mosaïque.  On  retrouve  la  même  disposition  un  peu 
plus  bas,  sous  un  ciment  qui  paraît  supporter  la  suite  encore  cachée  de 
celte  mosaïque.  Observons  aussi  qu'un  mur  perpendiculaire  à  ces 
mosaïques  (F)  descend  en  ligne  droite  d'un  point  situé  à  2. mètres  environ 
au-dessus  de  ces  dernières  mosaïques  jusque  presque  au  fond  du  coteau, 
sur  une  longueur  d'une  cinquantaine  de  mètres  environ.  Mais  les 
débris  de  ce  mur  ne  sont  pas  en  pierre  de  petit  appareil;  on  n'y  trouve 
que  du  moellon. 

Il  y  a  encore,  un  peu  plus  loin  à  Test  de  ces  deux  salles,  un  pavé  de 
mosaïque  (G)  qui  se  laisse  déjà  voir,  mais  dans  un  état  bien  informe 
encore.  Terminons  en  signalant  un  mur  de  pierre  de  petit  appareil  (H) 
qui  s'étend  à  mi-coteau,  non  loin  des  salles  de  l'Oceanus^  et  leur  est 
oblique  :  c'est  tout  près  de  ce  mur  que  reposent  les  sarcophages  dont 
nous  avons  parlé  précédemment. 

Toutes  ces  ruines  se  trouvent  dans  le  même  champ,  sur  la  pente 
du  coteau,  et  à  des  niveaux  très  différents.  Aussi  pensons-nous 
qu'elles  ont  appartenu  presque  toutes  à  des  corps  de  bâtiments  dis- 
tincts et  séparés,  quoiqu'ils  fissent  évidemment  partie  do  la  villa. 
L'emplacement  limité  par  le  périmètre  autour  duquel  elles  ont  été 
découvertes  mesure  environ  une  cinquantaine  d'ares  au  moins.  On 
voit  par  là  que  cette  villa  n'était  pas  des'  plus  méprisables.  Mais  la 
double  question  se  pose  toujours  :  qui  donc  a  pu  élever  une  telle  villa 
en  un  lieu  si  dépourvu  de  charmes,  et  pourquoi  ? 

(1)  Ce  qui  parait  encore  un  canal  n'est  peut-être  que  l'interstice  s'étendant 
entre  deux  piliers  de  pierre  d'un  nouvel  bypocauste. 


—  36  — 

Le  propriétaire  m'affirmait  naguère  qu'on  trouva  dans  ce  champ,  il  y 
a  quelques  années,  un  buste  en  marbre  surmonté  d'une  tête  d'homme 
aux  cheveux  courts.  Mais  buste  et  tête  ont  disparu  complètement.  Une 
autre  trouvaille,  faite  dans  les  déblais  de  la  salle  de  Thypocauste,  four- 
nit quelques  éléments  de  solution  sur  Tépoque  de  la  villa.  On  y  releva 
en  effet  deux  monnaies  :  Tune,  très  fruste,  qui  est  un  grand  bronze  de 
Trajan  ou  d'Adrien;  l^autre,  beaucoup  mieux  conservée,  qui  est  un 
petit  bronze  d'Hélène,  fille  de  Constantin  et  épouse  de  Julien  d'Aposlaf . 
A  l'avers,  la  princesse  est  représentée  avec  un  diadème  enroulé  dans 
les  cheveux  qui  se  relèvent  sur  la  nuque  (comme  à  la  mode  d'aujour- 
d'hui) et,  sur  les  épaules,  un  manteau  brodé  rappelant  assez  par  sa 
forme  et  ses  ornements  les  chapes  ecclésiastiques;  on  lit  à  l'exergue  : 
FLCaoia)  HELENA  AVGVSTA.  Le  revers  porte  une  femme  en  pied 
avec  les  attributs  de  la  Sécurité;  l'exergue  est  :  SECVRITAS  PU- 
BLICA.  Sous  les  pieds  delà  Sécurité  on  lit  :  PTRE,  marque  de  fabri- 
que des  monnaies  frappées  à  Trêves. 

A.  BREUILS. 


BIBLIOGRAPHIE  HISTORIQUE. 


I 

Catalogue  des  actes  dk  François  I".  Tome  1.  Paris,  impr.  nationale,  nov. 
1887.  In>4*  de  734  pages. 

L'Académie  des  sciences  morales  et  politiques  a  résolu,  aux  applau- 
dissements du  monde  savant,  d'achever  un  des  plus  beaux  monuments 
de  rérudition  française,  la  collection  des  Ordonnances  des  rois  de 
France,  à  laquelle  se  rattache  le  souvenir  de  ces  illustres  travailleurs 
qui  s'appellent  Laurière,  Secousse,  Villevault,  Bréquigny,  Pastoret. 
L'ouvrage  s'arrêtait,  aveclexxi«  volume  (1849j,  au  règne  de  Louis  Xll 
inclusivement.  L'Académie  a  dressé,  comme  oeuvre  préparatoire  d'une 
continuation  que  tous  les  amis  de  notre  histoire  attendaient  impatiem- 
ment, un  Catalogue  des  actes  de  François  /«*•,  dont  le  tome  P**  a 
paru  depuis  quelque  temps.  J'emprunte  à  ce  volume,  contenant  Ténu- 


—  37  — 

mération  de  3,834  documents  compris  entre  ces  deux  dates  :  !•''  janvier 
1515,  31  décembre  1530,  un  certain  nombre  d'indications  qui  pourront 
être  utiles  aux  chercheurs  du  bon  pays  de  Gascogne.  ^ 

Ph.  Tamizey  de  Larroque. 


N°  46.  —  12  janvier  1515  :  Continuation  et  confirmation  de  Toffice 
de  juge-mage  en  la  sénéchaussée  d'Armagnac,  en  faveur  d'Antoine 
Guinhard,  licencié  es  lois  et  bachelier  en  décret,  juge-mage  on  ladite 
sénéchaussée. 

N°  173.  —  Mars  1515  :  Règlement  pour  les  privilèges  des  habitants 
de  Bayonne. 

N°  271.  —  Mai  1515  :  Confirmation  des  coutumes  et  privilèges  des 
habitants  de  Lectoure. 

N°  285.  —  19  juin  1515  :  Déclaration  portant  défense  de  frapper 
aucunes  monnaies  d'or  et  d'argent,  sauf  dans  les  ateliers  monétaires  de 
Paris,  Rouen,  Lyon  et  Bayonne. 

N<»  364.  —  15  octobre  1515  :  Lettres  enjoignant  aux  gens  du  Grand 
Conseil  de  casser  les  arrêts  rendus  par  le  parlement  de  Toulouse  au 
sujet  de  la  compétition  de  Manaud  de  Martory  ei  de  Roger  de  Montant 
à  l'évêchiJ  de  Tarbes,  depuis  que  cette  affaire  avait  été  évoquée  audit 
Grand  Conseil. 

N"  367.  —  21  octobre  1515  :  Confirmation  accordée  par  la  duchesse 
d'Angoulème,  régente,  aux  habitants  de  Saint- Jean-de-Luz,  de  l'af- 
franchissement des  droits  d'assise  et  d'issue,  pour  dix  nouvelles  années. 

N"  421 .  —  33  février  1516  :  Mandement  au  parlement  de  Dauphiné 
pour  Tenregistrement  des  bulles  et  pouvoirs  du  cardinal  Guillaume  de 
Clermont,  archevêque d'Auch,  légal  du  pape  à  Avignon  et  dans  les  pro- 
vinces de  Vienne  et  d'Embrun. 

N°  451.  —  28  mars  1516  :  Ordonnance  portant  que  la  sénéchaus- 
sée d'Armagnac  ressortira  de  la  cour  de  Parlement  de  Toulouse,  ainsi 
qu'elle  avait  fait  par  ci-devant. 

^  N°  476.  —  2  mai  1516  :  Mandement  aux  généraux  des  finances  de 
payer  la  somme  de  5,000  hommes  de  guerre  de  pied,  gascons,  navar- 
rais,  aventuriers  français  et  autres,  qui  ont  servi  dans  les  armées  du 
roi  en  Milanais. 

N°  488.  —  Mai  1516  :  Confinnation  des  privilèges,  franchises  et 
libertés  des  habitants  de  Condom  (1). 

N°  509.  —  Août  1516  :  Confirmation  des  droits  de  haute  justice  de 
la  Imronnie  de  Came  et  de  la  seigneurie  de  Monthory  en  faveur  de 
Roger  de  Grammout,  chambellan  du  roi. 

N®  525.  —  Septembre  1516  :  Confirmation  des  privilèges  octroyés 
aux  habitants  des  baronnies  de  Labarthe  et  de  Termes,  et  aux  seigneurs 
d'Aure,  Magnoac,  Barousse  et  Nestes. 

(1)  Disons,  à  ce  sujet,  combien  il  serait  désirable  que  M.  Soubdès  publiât  les 
coutumes  de  la  ville  de  Condom,  dont  il  a  si  bien  préparé  le  texte  et  le  com- 
mentaire. 


—  38  — 

N°  564.  —  7  décembre  1516  :  Provisions  de  TofGce  de  bailli  du  pays 
de  Labour  en  faveur  de  Jean  de  Saint-Pé,  au  lieu  de  Louis  de  Hurte- 
bye,  décédé. 

N°  579.  —  Décembre  1516  :  Suppression  et  abolition  de  la  cour  et 
sénéchaussée  d'Amiagiiac,  avec  faculté  accordée  au  duc  d'Alençon, 
comte  d'Armagnac,  pair  de  France,  et  à  Marguerite  de  France,  sœur 
du  roi  et  épouse  dudit  duc,  d'avoir  et  instituer,  au  lieu  de  leurs  juges 
d'appeaux  et  sénéchal  d'Armagnac,  lieutenant  général  et  particulier, 
avocat  et  procureur  et  autres  officiers  nécessaires,  par-devant  lesquels 
ressortiront  toutes  les  appellations. 

N*751.  —  3  décembre  1517  :  Confirmation  de  don  à  Roger  de 
Grandmont,  chambellan  du  roi,  de  la  moitié  des  deniers  de  la  coutume 
de  12  deniers  tournois  par  livre  établie  à  Bayonne,  à  Saint- Jean- de- 
Luz  et  à  Cap-Breton,  et  de  la  moitié  des  25  sols  qui  se  lèvent  auxdits 
lieux  sur  chaque  pièce  de  vin,  à  la  sortie. 

N°  784.  —  24  février  1518  :  Confirmation,  en  faveur  des  habitants 
de  Bayonne,  de  la  jouissance  do  moitié  de  la  coutume  de  12  deniers 
par  livre  sur  toutes  les  marchandises  vendues,  tant  en  la  ville  que  dans 
les  ports  de  Saint-Jean-de  Luz  et  de  Cap-Breton,  et  de  moitié  de  25 
sous  tournois  par  tonneau  de  vin,  à  eux  ci-devant  accordés  pour  être 
employés  eux  réparations,  fortifications  et  affaires  communes  de  la 
ville.  ' 

N°  1,036.  —  Mai  1519  :  Confirmation  des  privilèges  des*  habitants 
de  Lectoure,  avec  confirmations  antérieures,  datées  de  1498  et  de  juin 
1501  (1). 

N°  1,058.  —  1519  :  Concession  à  Jean  de  Gramont  du  droit  de 
haute  et  moyenne  justice  en  sa  seigneurie  de  Monthory,  pays  de  Soûle. 

N°  1,101. —  30  octobre  1519  :  Révocation  du  placet  accordé  au 
cardinal  de  Clermont,  archevèciue  d'Auch,  légat  d'Avignon, 

N°  1,197.  —  14  juin  1520.  Commission  adressée  à  Jean  de  Calvi- 
mont,  président,  et  à  François  Cadenet,  conseiller  au  parlement  de 
Bordeaux,  à  l'effet  d'aller  à  Bayonne  et  à  Fontarabie  s'aboucher  avec 
les  envoyés  du  roi  d'Espagne  et  l'informer  des  dépradations  faites  par 
les  sujets  des  deux  rois  les  uns  contre  les  autres,  pour  en  faire 
justice. 

N^  1,238.  —  6  septembre  1520  :  Commission  au  sénéchal  d'Arma- 
gnac, ou  à  son  lieutenant,  pour  faire  la  i-echerche  des  fiefs  acquis  par 
les  non  nobles,  gens  d'église  et  autres  gens  de  mainmorte 

N°  1,333.  —  5  mars  1521  :  Lettres  portant  |X>uvoir  au  comte  d'Ar- 
magnac de  nommer  les  receveurs  des  aides  et  tailles  et  autres  officiers 
royaux  du  comté  d'Armagnac. 

N°  1,766.  —  26  février  1552  :  Letti*cs  qui  enjoignent  au  baron  de 
Saint-Blancard,  vice-amiral  du  Levant,  de  tirer  des  prisons  des  séné- 
chaussées de  Languedoc  des  hommes  condamnés  à  mort  ou  à  de  graves 
punitions  corporelles  (sauf  pour  lèse-majesté,  incendie,  viol,  fausse 


(1)  Voir  le  fascicule  ix  des  Archiccs  historiques  de  la  Gascogne  :  Archioes 
de  la  cille  de  Lectoure,  Coutumes,  statuts  et  records  du  xiii*  au  xiv*  siècle. 
Documents  inédits  publiés  par  P.  Druilhet,  Auch,  1885. 


—  39  — 

monnaie  et  sacrilège)  et  de  les  faire  monter  sur  quatre  galères  en  arme- 
ment au  port  de  Marseille. 

N°  1,796.  —  1***"  avril  2522  :  Provisions  de  l'office  de  juge  mage  ou 
lieutenant  criminel  du  sénéchal  d'Agenais,  pour  Jean  d'Estrades,  juge 
ordinaire  du  Condomois  (1). 

N*' 1,908.  —  26  septembre  1523  :  Traité  d'alliance  entre  Fran- 
çois I®**  et  Henri,  roi  de  Navarre.  La  ratification  du  roi  de  Navarre  est 
du  16  octobre  1523,  à  Orthez. 

N**  1 ,959.  —  Décembre  1523  :  Confirmation  des  privilèges  et  fran- 
chises des  habitants  de  Pauilhac,  au  comté  de  Gaure. 

N*^  2,0.25.  —  Avant  le  30  juin  1524  :  Lettres  imposant  aux  Agenais 
des  corvées  pour  la  fortification  do  Leotoure,  mentionnées  pour  avoir 
été  lues  aussitôt  après  leur  réception  dans  rassemblée  de  la  jurade 
d'Agen,  tenue  le  30  juin  1524. 

N°  2,026.  —  30  juin  1524  :  Nomination  de  Pierre  Secondât  à 
Toffice  de  rece^'eur  des  tailles  du  roi  dans  le  comté  d'Armagnac. 

N«  2,247.  —  Octobre  1525  :  Création  par  la  régente  de  quatre  foires 
par  an  et  d'un  marché  chaque  semaine  à  Mugron,  à  la  requête  de  Mar- 
tin de  Tauna  (sic  pour  Caunaf),  seigneur  du  dit  lieu. 

N**  2,314.  —  11  avril  1526  :  Confirmation  des  privilèges,  franchises 
et  lil)ertés,  et  particulièrement  de  Texeraption  du  droit  d'assise,  accordée 
aux  habitiints  de  Saint -Jean- de-Luz. 

N*^  2,338.  —  Avril  1526  :  Confirmation  des  privilèges,  franchises 
et  coutumes  accordés  aux  habitants  de  Réjaumont  tant  par  les  comtes 
de  Gaure  que  par  les  rois  de  France  (2). 

N°  2,343.  —  Avril  1526  :  Institution  de  deux  foires  chaque  année 
et  d'un  marché  hebdomadaire  à  Mauvoisin-en-Bazadais,  à  la  requête 
d'Amanieu  Ferrand,  seigneur  dudit  lieu  (3). 

N°  2,375.  —  Mai  1526  :  Etablissement  de  deux  foires  par  an  à  Paren- 
lis,  dans  les  Landes. 

N°  2409.  —  Juin  1526  :  Don  à  Jean  de  Balaguiers,  Sr  de  Montsal- 


(1)  Voir  sur  ce  d'Estrades  V Introduction  à  la  relation  inédite  de  la  défense 
de  Dankerque  par  le  maréchal  d'Estrades  (Collection  méridionale,  tome  IIF, 
1872,  p.  3). 

(2)  Sous  le  nnméro  précédent  et  à  la  même  date,  mention  est  faite  de  la  confir- 
mation des  privilèges,  franchises  et  coutumes  accordés  aux  habitants  de  Fran- 
cescas  en  Agenais,  par  Louis,  duc  dWnjou,  gouverneur  de  l^nguedoc.  A  propos 
de  l'Agenais,  n'oublions  pas  de  signaler  (n*  730)  le  don  fait,  le  26  septembre 
1517,  à  René  do  Puyguion,  seigneur  de  Bois-René,  de  l'office  de  sénéchal  vacant 
j>ar  la  mort  de  Rigault  d'Oreille.  Voir  sur  ce  dernier  personnage,  dans  la  Reçue 
cùi  l'Agenais  de  1887,  un  article  de  celui  qui  écrit  ces  lignes  et  un  article  de 
\!.  le  docteur  Jules  de  Bourrousse  de  I^affore. 

(3)  Voir  Notice  sur  le  château^  les  anciens  seigneurs  et  la  paroisse  de  Mau- 
roiin  par  l'abbé  Alis,  1887,  p.  133.  Je  suis  heureux  de  dire  que  les  éloges  ici 
donnés  à  cette  monographie  par  M.  Léonce  Couture,  ont  été  confirmés  dans  le 
Bulletin  critique  du  15  juin  1888  par  un  juge  dont  les  appréciations  jouissent 
partout  d'une  grande  autorité,  M.  le  marquis  de  Laurière,  un  maitre  en  archéo- 
logie. 


—  40  — 

lès,  porte-enseigne  du  grand  éciiyer  de  France,  des  biens  confisqués 
sur  Gaspard  Gautier,  coupable  d'homicide. 

N°  2,427.  —  9  août  1526  :  Lettres  portant  exécution  d'un  arrêt  du 
parlement  de  Toulouse  intervenu  à  la  suite  d'un  procès  entre  le  syndic 
des  consuls  et  des  habitants  de  Mirande,  la  comtesse  d'Astarac  et^  Jean 
de  Foix,  son  fils. 

N**  2,495.  —  6  décembre  1526  :  Lettres  d'évocation  et  de  renvoi  au 
parlement  de  Toulouse  d'un  procès  pendant  au  parlement  de  Bordeaux 
entre  Charles  de  Caumont  et  le  roi  de  Navarre,  louchant  les  terres  et 
seigneuries  de  Samazan  et  de  Montpouillan  [en  Agenais]. 

N°  2,621.  —  Mars  1527  :  Confirmation  des  privilèges,  franchises  et 
exemptions  du  comté  de  Cominges. 

N°  2,653.  —  23  avril  1527  :  Pouvoirs  donnés  à  Gabriel  de  Gra- 
mont,  évèque  de  Tarbes,  au  vicomte  de  Tui'enne,  etc.,  pour  négocier 
avec  les  ambassadeurs  d'Henri  VIII,  un  traité  destiné  à  resserrer  l'al- 
liance entre  la  France  et  l'Angleterre. 

N°  2,667.  —  17  mai  1527  :  Mandement  au  trésorier  de  l'épargne  de 
payer  à  Gabriel  de  Gramont,  évoque  de  Tarbes,  624  livres  par  lui 
déboursées  dans  le  voyage  qu'il  a  fait  en  Angleterre  comme  ambassa- 
deur du  roi. 

N"  2,695.  —  Juin  1527  :  Lettres  de  légitimation  accordées  à  Etienne 
d'Albret,  sénéchal  de  Foix,  fils  naturel  de  Gilles  d'Albret  et  de  Jean- 
nette Du  Soher. 

N°  2,717.  —  Lettres  de  légitimation  et  de  naturalisation  accordées  à 
Tristan  de  Clermont,  fils  naturel  de  François  de  Clermont,  archevêque 
d'Auch,  né  à  Rome,  et  alors  étudiant  à  T  Université  de  Paris,  âgé  d'en- 
viron seize  ans. 

N*'  2758.  —  25  septembre  1527  :  Pouvoirs  et  créance  donnés  à 
Anne  de  Montmorency,  à  Jean  du  Bellay,  évèque  de  Bayonne,  etc.,  pour 
aller  recevoir  le  serment  du  roi  d'Angleterre  et  lui  porter  les  lettres  de 
ratification  du  traité  conclu  entre  lui  et  François  P'*. 

N**  2766.  —  Septembre  1527  :  Lettres  par  lesquelles  le  roi  nomme 
Henri,  roi  de  Navarre,  son  lieutenant  général  à  l'occasion  du  voyage 
que  celui-ci  va  faire,  avec  sa  femme  Marguerite  de  France,  dans  les 
pays  d'Armagnac,  Bigorre  et  autres,  pour  le  service  du  roi. 

N°  2,779.  —  24  octobi-e  1527  :  Lettres  d'évocation  d'un  procès  pen- 
dant au  parlement  de  Bordeaux  entre  Antoine  de  Grossolles,  Sr  do 
Buzet,  et  Louis  Delard,  touchant  la  seigneurie  de  Birac,  en  Agenais, 
et  renvoi  au  Grand  Conseil. 

N^  2,841.  —  14  janvier  1527  :  Don  à  Camille  d'Orsini,  comte  de 
Monopollo,  de  la  terre  et  seigneurie  de  Marmande,  en  Agenais,  en 
récompense  de  ses  terres  du  royaume  de  Naples  tombées  entre  les 
mains  de  l'Empereur  (1). 

N°  2,899.  —  10  mars  1527  :  Pouvoirs  conférés  à  Jean  Du  Bellay, 
évoque  de  Bayonne,  et  k  Charles  Du  Solicr  de  Morette  pour  négocier 

(1)  Voilà  de  quoi  combler  une  des  trop  nombreuses  lacunes  de  ma  Notice  sur 
la  cille  de  Marmande  (1872). 


—  41  — 

avec  les  délégués  de  l'empereur  un  traité  touchant  le  commerce  entre 
les  sujets  impériaux  et  ceux  du  roi  de  France. 

N°  2,928.  —  Mars  1528  :  Institution  de  deux  foires  annuelles  et 
d'un  marché  hebdomadaire  à  Castera,  en  faveur  de  M.  de  La  Roque, 
baron  de  Casteron. 

N°  2,981.  —  19  mai  1528  :  Pouvoirs  conférés  à  Jean  Du  Bellay, 
évèque  de  Bayonne,  ambassadeur  près  le  roi  d'Anglerre,  pour  négocier 
et  conclure  une  trêve  avec  l'empereur  et  la  gouvernante  des  Pays-Bas. 

N°  2,984.  —  20  mai  1528  :  Commission  donnée  k  Anioine  Raffin, 
dit  Pothen,  sénéchal  d'Agenais  (1),  de  veiller  avec  l'évêque  d'Aire  à  ce 
que  toutes  les  mesures  de  défense  soient  prises  dans  la  Guyenne. 

N°  3,002.  —  Mai  1528  :  Création  d'un  second  marché  à  Gimont, 
le  samedi  de  chaque  semaine. 

N°  3,037.  —  Juin  1528  :  Lettres  portant  attribution  à  Antoine 
Raffin,  seigneur  de  Puycalvary,  dit  Pothon,  sénéchal  d'Agenais  et  de 
Gascogne,  de  tons  droits  de  confiscation  et  saisie  appartenant  au  roi  sur 
les  biens  de  Gilles  de  Berthelot,  naguère  président  en  la  Chambre  des 
comptes. 

N°  3,050.  —  10  juillet  1528  :  Mandement  au  trésorier  de  l'épargne 
de  payer  à  Jean  du  Bellay,  évoque  de  Bayonne,  ambassadeur  du  roi 
en  Angleterre,  la  somme  de  1,025  livres  pour  dépenses  faites  dans 
l'exercice  de  sa  charge. 

N^  3,065.  —  14  jutllet  1528  :  Don  à  Pierre  de  Castrevau,  Adrien 
d'Aspremont  et  Gabriel  de  Castéjac,  pages  de  l'écurie  du  roi,  d'une 
somme  de  180  livres  tournois,  pour  se  rendre  aux  compagnies  des 
ordonnances,  où  ils  doivent  servir  désormais. 

N°  3,101.  —  13  août  1528  :  Mandement  au  trésorier  de  l'épargne 
de  payer  à  Gabriel  de  Gramont,  èv^\ue  de  Tarbes,  la  somme  de  7,340 
livres  pour  le  voyage  qu'il  a  fait  en  qualité  d'ambassadeur  auprès  du 
roi  d'Espagne,  et  qui  a  duré  du  20  juin  1527  au  30  juin  1528. 

N**  3,127.  —  31  août  1528  :  Provisions  d'un  office  de  maître  des 
requêtes  de  l'hôtel  pour  Gabriel  de  Gramont,  évèque  de  Tarbes,  au 
lieu  d'Ambroise  de  Pleurano,  décédé. 

N°  3,185.  —  Août  1528  :  Création  d'un  marché  chaque  quinzaine 
dans  la  vicomte  de  Soûle. 

N°  3,251.  —  Novembre  1528  :  Création  de  quatre  foires  annuelles 
et  d'un  marché  hebdomadaire  à  Prat,  dans  les  Pyréçiées,  en  faveur  de 
Germain  de  Mauléon. 

N"  3,301.  —  22  janvier  1529  :  Lettres  de  don  au  roi  de  Navarre  de 
l'office  d'amiral  do  Guyenne,  vacant  par  le  décès  du  marquis  de  Sa- 
luces. 

N°  3,348.  —  24  mars  1529  :  Lettres  enjoignant  aux  parlements  de 


(1)  M.  Joseph  Beaune,  ancien  magistrat,  membre  de  la  Société  historique  de 
Gascogne,  mon  cher  voisin,  confrère  et  ami,  prépare  avec  beaucoup  de  soin» 
à  l'aide  des  vieux  papiers  de  la  maison  de  Rafiin,  une  généalofçie  de  cette  maison, 
généalogie  qui  sera  enrichie  de  documents  historiques  parmi  lesquels  j*aime  à 
signaler  d'avance  une  lettre  de  Biaise  de  Monluc. 


—  42  — 

Toulouse  et  de  Bordeaux  de  livrer  entre  les  mains  de  Bertrand  d*Orne- 
zan,  baron  de  Saint-Blancard,  350  prisonniers  valides  pour  le  service 
des  galères. 

N°  3,371.  —  7  mai  1529  :  Mandement  au  trésorier  de  l'épargne  de 
payer  4,000  livres  à  Jean  Du  Bellay,  évêquede  Bayonne,  ambassadeur 
de  François  P**  auprès  du  roi  d'Angleterre. 

N°  3,407.  —  25  juin  1529  :  Mandement  au  trésorier  de  l'épargne  de 
payer  la  somme  de  4,100  livres  à  Gabriel  de  Gramont,  évèque  de  Tar- 
bes,  pour  un  voyage  qu'il  va  faire  à  Rome  comme  ambassadeur  du  roi 
auprès  du  Pape. 

N°  3,443.  —  1^4  août  1529  :  Confirmation  des  lettres  de  don  fait  par 
les  tuteurs  et  curateurs  du  comté  de  Foix,  de  l'office  de  sénéchal  de 
Comrainges  à  François  de  Mauléon,  baron  et  seigneur  dudit  lieu,  en 
remplacement  de  Germain  de  Mauléon,  son  père,  ces  dernières  datées 
de  Cambrai,  le  17  juillet  1529. 

N°  3,447.  —  16  août  1529  :  Pouvoirs  donnée  à  Jean  Du  Bellay, 
évêque  de  Bayonne,  et  à  Guillaume  Du  Bellay,  seigneur  de  Langey, 
son  frère,  pour  régler  conformément  au  traité  de  Cambrai  le  rembour- 
sement des  sommes  avancées  à  l'empereur  par  le  roi  d'Angleterre,  en 
échange  de  joyaux  baillés  par  François  P'*. 

N"  3,485.  —  21  septembre  1529  :  Mandement  au  trésorier  de  l'épar- 
gne de  payer  à  Potbon  Raffin,  sénéchal  d'Agenais  et  capitaine  de  cent 
archers,  15  livres  6  sous  tournois  qu'il  avait  déboursés  pour  la  nourri- 
ture et  la  conduite  d'un  prisonnier  à  la  Bastille. 

N°  3,588.  —  5  janvier  1530  :  Mandement  au  trésorier  de  l'épargne 
de  payer  à  Gabriel  de  Gramont,  évêque  de  Tarbes  et  ambassadeur  du 
roi  auprès  du  pape  et  de  l'empereur,  4,100  livres  pour  les  dépenses  qu'il 
fera  dans  l'accomplissement  de  sa  charge. 

N''  3,590.  —  19  janvier  1530  :  Lettres  autorisant  la  levée  des  droits 
de  souchet  et  de  boucherie  à  Condom,  pour  la  réparation  des  murailles. 

N*^  3,686.  —  12  mai  1530  :  Mandement  au  trésorier  de  l'épargne  de 
payer  à  Jean  Du  Bellay,  évêque  de  Bayonne,  4,276  livres  5  sous 
6  deniers  pour  les  dépenses  qu'il  a  faites  pendant  son  ambassade  auprès 
du  roi  d'Angleterre. 

N°  3,754.  —  8  août  1530  :  Pouvoirs  donnés  à  Jean  Du  Bellay, 
évèque  de  Bayonne,  et  à  Jean  Joachim  de  Passano,  seigneur  de  Vaux, 
pour  faire  un  nouveau  traite  avec  l'Angleterre. 

N°  3,755.  —  8.aoùt  1530  :  Mandement  au  trésorier  de  l'épargne  de 
payera  Jean  Du  Bellay,  évêque  de  Bayonne,  1,515  livres  pour  les 
dépenses  d'un  voyage  qu'il  va  faire  en  Angleteri'e. 

N"  3,757.  —  9  août  1530  :  Lettres  portimt  décharge  en  faveur 
d'Anne  de  Montmorency,  maréchal  et  grand-maître  de  France,  de  la 
somme  de  1,200,000  écus  soleil  par  lui  payée,  à  Bayonne,  aux  envoyés 
de  l'empereur,  pour  la  rançon  du  roi  et  de  ses  fils.  Avec  les  comptes  de 
la  rançon. 

N°  3,794.  —  Octobre  1530  :  Institution  de  deux  foires  chaque  année 
et  d'un  marché  de  quinzaine  en  quinzaine  à  Doazit,  ians  les  Landes. 

N*»  3,795.  —  Etablissement  de  deux  foires  par  an  et  d'un  marché 
chaque  semaine  à  Montant,  dans  les  Landes.  • 


! 


—  43  — 


II 

L'IsLE-EX-DoDON,  cliâtelleiiie  du  Comminges,  par  M.  l'abbé  B.  Magre, 
aumônier  du  couvent  de  la  Sainte-Famille  du  Rouergue.  Toulouse,  Ed. 
Privât,  1888.  Grand  in-8*  de  xxxviij-256  p. 

M.  l'abbé  Magre  vient  de  donner  à  ses  confrères  un  bon  exemple  et 
un  beau  modèle,  en  mettant  au  jour  cette  monographie  étendue  de  sa 
ville  natale  et  des  lieux  environnants.  Autant  qu'un  autre,  il  avait  oui 
dire  que  rien  ne  subsistait  du  passé  de  sa  petite  patrie  et  que  c'était  une 
tâche  impossible  d  en  retracer  les  annales.  Il  a  fini  par  ne  pas  s'en  rap- 
porter à  ce  «  sophisme  paresseux  »  qui  retient  dans  l'inaction  tant 
d'amis  platoniques  de  l'histoire  locale  et  prive  peut-être  notre  histoire 
nationale  elle-même  d'éléments  précieux.  Il  a  cherché  résolument  et  son 
zèle  a  été  presque  aussitôt  amplement  récompensé.  «  On  nous  avait 
affirmé,  dit-il  lui-même,  qu'il  n'existait  aucun  dossier  relatif  à  notre 
ville,  que  tous  les  documents  avaient  été  lacérés  ou  brûlés  pendant  la 
Terreur.  Néanmoins,  poussé  par  la  curiosité,  nous  priâmes  un  jour 
l'agent  de  police  municipale  d'atteindre  le  sommet  d'une  étagère  où 
s*entassaient  des  monceaux  de  paperasses  et  de  jeter  en  bloc  ces  manus- 
crits sur  le  parquet.  Grande  fut  notre  joie,  lorsque  au  milieu  de  ce  fatras 
nous  découvrîmes  de  vieux  parchemins,  des  lettres  précieuses  et  les 
fascicules  des  délibérations  communales  depius  l'an  1610.  » 

Depuis  le  dix-septième  siècle,  en  effet,  les  informations  de  l'historien 
sont  à  peu  près  complètes;  maiâ,  même  pour  les  temps  antérieurs,  il 
fournit  bien  des  faits  intéressants.  Je  ne  parle  pas  du  Comminges  en 
général,  sur  lequel  il  a  réuni,  en  manière  d'introduction,  les  notions 
les  plus  essentielles.  Mais  de  la  ville  même,  peu  s'en  faut  qu'il  ne 
nous  fasse  toucher  du  doigt  l'origine  précise.  L'Isle-en-Dodon  lui  paraît 
à  juste  titre  porter  le  nom  de  Dodon  ou  Odon  de  Samatan,  mort  sous 
l'habit  monastique  à  Feuillans.  en  1187.  Toutefois  le  château  de  l'Isle 
est  encore  plus  ancien  :  dès  1150,  avec  celui  de  Cazères,  il  constitua 
l'apanage  de  Bernarde,  fille  de  Bernard  IV  de  Comminges,  mariée  au 
vicomte  de  Carcassonne. 

L'église  encore  debout,  dont  une  vue  satisfaisante,  en  photogravure, 
orne  ce  volume,  fut  bâtie  en  1307  par  Bernard  VIII  de  Comminges, 
pour  l'usage  du  château  :  l'Isle  avait  alors  une  autre  église  paroissiale, 
qui  ne  fut  démolie  qu'en  1790.  L'église  actuelle,  qui  ne  manque  pas  de 
caractère  et  où  subsistent  de  précieux  vitraux  du  seizième  siècle,  ne 
répond  malheureusement  plus  par  son  étendue  aux  besoins  de  la  popu- 


—  44  — 

lalion  paroissiale.  M.  Magre  a  retrouvé,  sauf  quelques  lacunes,  la  liste 
des  curés  depuis  1500.  Le  dernier  curé  de  Tancien  régime,  Tabbé  Las- 
martres,  fut  député  à  l'Assemblée  Nationale  par  le  clergé  du  Commin- 
ges,  avec  son  évoque,  M.  d'Osmont.  Il  émigra  depuis  en  Angleterre  (1), 
tandis  qu'un  jeune  curé  intrus  donnait  à  sa  paroisse  des  scandales  qu'il 
ne  rétracta  qu'à  son  lit  de  mort. 

Parmi  les  institutions  religieuses  de  l'Isle-en-Dodon,  il  faut  mettre 
au  premier  rang  le  couvent  des  Jacobins  et  l'hôpital  de  Sainte-Quitterie, 
dus  encore  l'un  et  l'autre  à  la  libéralité  du  comte  Bernard  VIIL  L'his- 
toire des  Dominicains  de  l'Isle  n'est  pas  longue,  parce  que  leurs  archi- 
ves ont  péri;  mais  on  sait  que  leur  église  était  l'asile  funèbre  des  meil- 
leures familles  du  pays  et  que  lorsque,  sous  Louis  XV,  la  trop  fameuse 
commission  des  Réguliers  fit  craindre  la  suppression  du  couvent  de 
risle,  cette  nouvelle  jetta  la  «  consternation  »  dans  la  paroisse.  «  La 
ville,  déclarait  le  maire,  y  perdrait  quatre  mille  livres  de  dépenses,  les 
pauvres  des  bienfaiteurs  généreux,  les  fidèles  un  sujet  permanent 
d'édification,  l'église  une  source  inépuisable  de  prédicateurs,  le  curé  des 
collaborateurs  infatigables.  »  Il  faut  dire  cependant  que  ces  bons  reli- 
gieux avaient  donné  lieu  à  quelques  plaintes  au  sujet  de  la  qualité  du 
pain  que  fournissait  aux  habitants  le  four  banal  dont  ils  avaient  la 
jouissance  depuis  leur  fondation.  —  Quant  à  l'hôpital,  il  fut  desservi 
successivement  par  les  hospitaliers  d'Aubrac  (Rouergue),  par  TOrdre 
religieux  et  militaire  de  N.-D.  du  Mont-Carmel  et  de  saint  Lazare  de 
Jérusalem,  enfin  par  les  chanoines  réguliers  de  Chancelade,  qui  le 
quittèrent  vers  1730;  il  ne  tarda  pas  h.  tomber  en  ruines. 

Les  six  chapitres  consacrés  par  M.  Magre  à  l'histoire  profane  de 
risle  (2)  ne  le  cèdent  ni  pour  l'intérêt  ni  pour  l'abondance  des  rensei- 
gnements aux  six  premiers  qui  renferment  l'histoire  religieuse.  Je  me 
contente  de  signaler,  dans  le  chapitre  des  Juges  royaux,  des  pages 
extrêmement  curieuses  sur  la  dynastie  locale  des  Palissard;  le  mot  n*est 
pas  trop  fort,  puisque  cette  famille  fournit  treize  générations  de  juges, 
depuis  1360  jusqu'à  la  Révolution  française.  M.  Magre  a  eu  la  lionne 
pensée  de  transcrire  sur  l'un  d'eux,  Jean  de  Palissard,  ex-mousque- 
taire de  Louis  XIV,  et  sur  ses  démêlés  avec  la  mairie  de  l'Isle-en-Dodon 


(1)  Voir  rexcellent  ouvrage  de  M .  l'abbé  Plassc  :  Le  clergé  français  réfugié 
en  Angleterre.  Paris,  V.  Palmé,  1866,  2  vol.  in-8*. 

(2)  VII,  Administration  comma/ia^e  (consuls,  maires); —  viii,  Juges  royaux; 
—  IX,  Impôts  et  budget  communal;  —  xi.  Police  et  coutumes  municipales;  — 
XII,  Enseignement  public;  —  xiii,  Histoire  antérieure  au  xvii*  siècle;  —  xiv, 
xvir  et  xviii*  siècle. 


—  45  — 

au  sujet  du  banc  consulaire  et  du  banc  de  justice,  un  des  plus  piquants 
récits  de  *  Frédéric  Thomas,  dans  ses  Petites  causes  célèbres.  Je 
recommande  également  à  qui  de  droit  les  pages  sur  renseignement 
public,  quoique  les  renseignements  topiques  n'y  soient  pas  aussi  nom- 
breux qu'on  pourrait  le  désirer;  la  liste  des  régents  de  TIsle-en-Dodon 
conunence  aux  premières  années  du  xvi«  siècle. 

Les  chapitres  relatifs  à  la  Révolution  et  à  la  période  contemporaine 
seront  lus  avec  d'autant  plus  d'intérêt  que  les  événements  et  les  pas- 
sions du  temps  s'y  reflètent  dans  un  cadre  étroit,  mais  par  là-mème 
facile  et  curieux  à  regarder  de  près.  Je  ne  veux  pas  y  toucher  ici,  non 
plus  qu'aux  dix-neuf  chapitres  qui  forment  la  seconde  partie  de  lou- 
vrage  et  où  sont  esquissées  avec  plus  ou  moins  de  détail,  suivant  l'im- 
portance du  sujet  et  l'abondance  des  documents,  la  statistique  et  This- 
toire  de  toutes  les  locahtés  de  la  châtellenie  et  du  canton  actuel  de 
risle.  Rien  de  plus  méritoire  que  ce  laborieux  inventaire,  rien  de  plus 
intéressant  même,  au  moins  pour  les  habitants  de  la  région  où 
M.  Magre  trouvera  sans  doute  le  plus  de  lecteurs.  Mais  la  multitude 
des  faits  résiste  à  toute  analyse  et  il  suffit  de  recommander  ces  pages 
comme  une  source  inépuisable  d'informations. 

Un  éloge  sans  mélange  de  critique  serait  peut-être  suspect  ici,  parce 
qu'un  tel  travail  comporte  presque  nécessairement  des  défaillances  par- 
tielles, M.  l'abbé  Magre  a  laissé  sans  doute  échapper  quelques  fautes. 
Le  savant  directeur  de  la  Revue  de  CommingeSj  M.  Julien  Sacaze,  en 
a  relevé  deux  ou  trois  dans  une  lettre  imprimée  en  tête  de  Touvrage,  et 
l'historien  de  l'Isle  lui  en  doit  d'autant  plus  de  reconnaissance  qu'à 
cotte  occasion  M.  Sacaze  a  tracé  une  sorte  d'épigraphie  gallo-romaine 
régionale  (cinq  inscriptions),  qui  porte  l'empreinte  de  sa  parfaite  com- 
pétence et  qui  constitue  un  complément  très  précieux  de  cette  utile 
monographie.  —  Pour  ma  part,  s'il  fallait  absolument  y  noter  encore 
quelques  parties  faibles,  je  signalerais,  d'une  manière  générale,  trop  peu 
de  recherches  dans  les  imprimés  au  sujet  de  tel  ou  tel  chapitre  (1);  et 
puis,  en  particulier,  parmi  les  étymologies  assez  nombreuses  qui  sont 
semées  dans  ce  livre  et  qui  témoignent  habituellement  d'une  grande 
prudence,  quelques  cas  où  les  linguistes  ne  seront  pas  pleinement  satis- 
faits. Le  nom  même  de  TIsle-en-Dodon  est  un  de  ces  cas;  en  n'y  est 


(1)  Par  exemple  Fabas^  sur  lequel  M.  Magre  a  d'ailleurs  un  bon  chapifre 
p.  192-197),  avait  été  déjà  l'objet  de  deux  études  importantes  qui  lui  ont  échappé^ 
l'une  de  M.  V.  Fons  dans  la  Recae  de  Toulouse,  l'autre  de  M.  O.  de  la  Hitte  dans 
la  Reoue  de  Gascogne;  sans  parler  du  Gallia  christiana,  qui  n'est,  ce  me  sem- 
ble,  jamais  cité  dans  la  monographie  de  l'Isle-en-Dodon, 


—  46  — 

pas  une  préposition,  mais  un  titre;  en  (pour  mossen,  dit-on),  voulait 
dire  seigneur  :  TIsle-en-Dodon,  c'est  l'île  du  seigneur  Dodon  ou  Odon; 
comme  Tlsle-en-Jourdain,  l'île  du  seigneur  Jourdain.  Pour  Tétymolo- 
gie  difficile  de  Comminges,  l'explication  de  M.  Magre  n'est  pas  plus 
exacte;  mais  il  a  toute  raison  de  renvoyer  à  M.  Ant.  Thomas,  profes- 
seur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Toulouse,  qui  va,  je  crois,  revenir  bien- 
tôt sur  ce  problème  plus  gros  de  conséquences  qu'il  n'en  a  Tair. 

Toutefois,  le  plus  grave  reproche  que  mon  patriotisme  gsscon  tienne 
à  adresser  à  l'auteur,  c'est  d'avoir  appelé  le  patois  de  son  pays  un 
«  dialecte  bas-languedocien  »  (p.  118).  Ce  n'est  pas  du  languedocien, 
c'est  du  gascon  I  Un  seul  exemple  :  le  toulousain  dit  uno  fsnno;  le  lis- 
lois  dit  uio  henno.  Voilà  déjà  deux  caractéristiques  essentielles  du 
gascon  :  la  chute  de  Vn  médiane,  le  changement  de/ en  A.  Nul  dia- 
lecte languedocien  n'oflFre  aucun  de  ces  deux  faits  phonétiques. —  Après 
cela  et  malgré  cela,  je  suis  heureux  de  conclure  que  M.  Tabbé  Magre 
n'en  a  pas  moins  fait  œuvre  de  bon  gascon  dans  cette  remarquable 
monographie,  qui  constitue  un  excellent  apport  à  l'histoire  féodale, 

paroissiale  et  municipale  de  la  Gascogne. 

LÉONCE  COUTURE. 


BIBLIOGRAPHIE  SCIENTIFIQUE 


Travaux  de  M.  Tabbé  Luoante. 

M.  l'abbé  Lucante,  curé  de  Courrensan  (Gers),  secrétaire  général  de 
la  Société  française  de  botanique,  membre  de  plusieurs  Sociétés  savan- 
tes, est  l'auteur  de  nombreux  travaux  scientifiques^  dont  l'appréciation 
dépasse  ma  compétence,  mais  que  je  veux  faire  connaître  du  moins 
par  une  énumération  complète  (1). 

I.  —  Notes  entomologiques.  —  Rennes,  Oberihur  impr.,  1878, 
in-4°,  34  pp. 

Cet  ouvrage  se  compose  des  articles  suivants  : 

1°  Excursion  à  vol  d'oiseau  dans  l'Ariège  et  les  Pj^énées  (août 
1874),  écrit  qui  parut  d'abord  dans  la  Feuille  des  Jeunes  Naturalistes 
et  etit  un  tirage  à  part  (1874,  în-8°,  8  pp.); 

(1)  M.  J.  Andrieu  a  inséré  un  article  sur  M.  Tabbé  Lucante  dans  sa  remar- 
quable Bibliographie  générale  de  l'Agenais . 


—  47  — 

2^  Note  sur  VAdelops  meridionalis,  Jacq.  Du  val.  Extr.  de  la  même 
Feuille; 
3*^  Chasse  aux  coléoptères  dans  les  inondations; 
4°  Bibliographie; 
5*^  Chasses. 

IL  —  Catalogue  raisonné  des  arachnides  observés  jusqu'à  ce 

JOUR  DANS  LES  DÉPARTEMENTS  DU  SUD-OUEST  DE  LA  FrANCE. 

Première  partie,  Bordeaux,  Soriano  impr.,  1879,  in-S*^^  36  pp. 

Deuxième  partie,  s,  l,  n.  d,,  in-8^,  pp.  37  à  44. 

Troisième  partie,  Bordeaux,  Durand  impr,,  1880,  in-8^,  pp.  45 
à  63. 

La  publication  de  cet  ouvrage,  extrait  du  Bulletin  de  la  Société 
entomologique  de  la  Gironde,  a  été  interrompue  par  la  disparition  de 
cette  Société.  Mais  M.  Tabbé  Lucanteen  donnera  plus  tard  une  seconde 
édition  complète. 

IIL  —  Tableau  synoptique  des  arachnides  observés  jusqu'à  ce 
JOUR  dans  le  sud-ouest  de  la  France  et  leur  distribution  dans 
chaque  département.  —  Bordeaux,  Durand  impr.,  1880,  in-8°, 
VIII  pp. 

Le  Tableau  complète  le  Catalogue  raisonné,  première  partie,  et 
peut  lui  servir  de  table  des  matières, 

IV.  —  Une  Chasse  dans  les  cavernes,  par  A.  Lucante  et 
G.  Mestre.  —  Bordeaux,  Soriano  impr,,  1880,  in-8®,  16  pp.  — 
Extr.  du  Bulletin  de  r Association  scientifique  de  la  Gironde. 

On  trouve  dans  cet  ouvrage  la  description  de  deux  espèces  nouvelles 
découvertes  par  notre  auteur.  M.  de  Saulcy  a  donné  à  Tune  le  nom  du 
savant  entomologiste,  professeur  au  collège  de  Gimont,  M.  l'abbé 
Delherm  de  Larcenne  (Trechus  Delhermi),  et  à  Tautre  le  nom  de 
M.  Tabbé  Lucante  (Machoerites  Lucantei).  Ce  dernier  coléoptère, 
avec  ses  élytres  «  à  ponctuations  fines  et  éparses  »,  est,  paraît-il,  un 
vrai  bijou;  on  le  trouve  dans  la  grotte  de  Betharram  (1). 

V.  —  Essai  géographique  sur  les  cavernes  de  la  France  et  de 
l'étranger.  —  Angers,  Germain  et  G,  Grassin,  in-8°,  202  pp.  — 
Extr.  du  Bulletin  de  la  Société  d'études  scientifiques  d'Angers, 

Première  partie  :  France,  région  du  sud,  1880,  76  pp.  —  Deuxième 

(1)  Deux  autres  insectes  portent  le  nom  de  notre  savant  compatriote  :  un 
coléoptère,  Bathyscia  Lucantei  (Abeille  Pcrrin),  et  un  Arachnide,  Ischyropsalia 
Lucantei  (Eugène  Simon). 


—  48  — 

partie  :  France,  régions  de  Vest,  du  centre,  du  nord  et  de  Vouest, 
1882,  pp.  77  à  202.  —  La  troisième  partie  n'a  pas  encore  paru. 

M.  Léonce  Couture  a  rendu  compte  de  cet  ouvrage,  qui  est  le' plus 
important  de  notre  auteur,  et  cité  Télogieuse  appréciation  de  M.  Car- 
taillac  et  d'autres  savants  (1). 

VL  —  Desiderata  d'un  naturaliste  de  province.  —  Bordeaux, 
Fora^tié  impr,^  s.  d,  (1881),  in-8*',  8  pp.  —  Extr.  du  Bulletin  de 
la  Société  entomqlogique  de  la  Gironde  et  du  Sud-Ouest. 

Cette  publication  développe  un  ingénieux  système  de  catalogues  pour 
faciliter  les  échanges  entre  naturalistes. 

VIL  —  Revue  de  Botanique,  bulletin  mensuel  de  la  Société 
française  de  botanique  (cx)tisation  annuelle,  10  francs),  Auch,  G. 
Foix,  impr.,  in-S*'.  —  Le  premier  numéro  a  paru  en  juillet  1883;  le 
vu*  volume  est  en  cours  de  publication. 

M.  l'abbé  Lucante,  secrétaire  général  de  la  Société  française  de  bota- 
nique, est  le  gérant,  le  rédacteur  en  chef,  Tâme  de  cet  important  recueil. 

La  Revue  de  Botanique  ne  renferme  point  ses  études  dans  les  limi- 
tes d'une  région,  dans  une  catégorie  spéciale  de  plantes;  tous  les  végé- 
taux de  l'univers,  depuis  le  chêne  jusqu'aux  algues  de  la  mer,  rentrent 
dans  son  domaine;  en  sorte  que  ses  articles  offrent  une  très  grande 
variété. 

Je  tiens  à  signaler  particulièrement  le  travail  tiré  à  part  et  intitulé  : 
(vu  bis)  Etude  sur  la  flore  du  département  du  Gers,  première 
PARTIE.  —  Auch,  G.  Foix,  impr,,  1883,  in-8^,  30  pp. 

Cet  ouvrage  n'est  qu'un  catalogue  de  plantes  mentionnées  dans  la 
Florule  publiée  par  M.  labbé  Dupuy  en  1868.  Il  a  été  dressé,  par 
M.  Lucante,  pour  faciliter  les  échanges  entre  botanistes  suivant  la 
méthode  exposée  dans  les  Desiderata  d'un  naturaliste  de  province. 

La  seconde  partie  de  ce  travail  sera  la  plus  intéressante,  elle  nous 
dira  de  combien  d'espèces  s'est  enrichie  la  flore  de  notre  département 
depuis  1868. 

M.  l'abbé  Lucante  a  inséré  dans  sa  Revue  de  nombreux  articles  plus 
ou  moins  étendus.  Je  ne  puis  omettre  son  mémoire  tiré  à  part  : 

(vu  ter)  Projet  de  création  d'un  musée  départemental  d'histoire 
NATURELLE  A  AucH.  —  Auch,  G.  Foix,  impr.,  1888,  in-8°,  6  pp. 

Nous  devons  tous  souhaiter  la  réalisation  de  ce  projet,  qui  serait  si 
profitable  à  la  science. 

(1)  Rco.  de  Gasc,  xxii,  p.  298;  xxiii,  p.  464. 


—  49  — 

On  doit  encore  à  M.  Tabbé  Lucante  la  table  décennale  (1870-1880) 
delà  Feuille  des  Jeunes  naturalistes.  Enfin  il  a  été  le  collaborateur  de 
M.  Tabbé  Delherm  de  Larcenne  pour  son  très  remarquable  Catalogue 
des  insectes  coléoptères»  On  ne  saurait  trouver  dix  pages  dans  ce  livre 
où  le  nom  de  M.  Lucante  ne  paraisse  plusieurs  fois. 

Avec  l'entomologie  et  la  botanique,  notre  savant  compatriote  fait  mar- 
cher de  front  des  études  historiques  considérables,  où  il  apporte  son 
esprit  méthodique  et  sa  puissance  de  travail. 

A  l'inverse  de  la  plupart  des  historiens,  il  a  étudié  tout  d'abord  les 
temps  actuels  pour  remonter  graduellement  les  siècles,  marchant  ainsi 
du  connu  à  la  découverte  de  l'inconnu.  J'ai  vu  cette  prodigieuse  quan- 
tité de  fiches,  garnies  de  notes  et  admirablement  ordonnées.  Déjà  son 
oeuvre  remplirait  des  volumes.  Que  je  serais  heureux  d'en  voir  sortir 
une  bonne  petite  histoire  du  clergé  dans  le  département  du  Gers,  depuis 
1789  jusqu'au  rétablissement  de  Tarchevèché  d'Auch  ! 

A.  LAVERGNE. 

NOTES  DIVERSES. 


C ex XX IX.  M.  Denis  de  Thèsan. 

Mon  excellent  ami,  M.  Ph.  Lauzun,  a  eu  Toccasion  d'annoncer  ici  (t.  xxix, 
p.  514)  la  nouvelle,  déjà  vieille  de  deux  ans,  de  la  mort  d'un  de  nos  coUabora- 
teurs.  M.  le  comte  Victor-Marie  de  Thézan-Gaussan,  plus  connu  sous  le  nom 
de  Denis  de  Thézan,  est  décédé  à  Paris,  le  27  novembre  1886,  dans  sa  soixante- 
treizième  année.  Un  heureux  hasard  m'a  fait  rencontrer  ces  jours-ci  le  discours 
prononcé  à  ses  funérailles  par  notre  compatriote,  M.  J.  Nouions,  au  nom  de  la 
Société  des  Gens  de  Lettres,  à  laquelle  ils  appartenaient  l'im  et  l'autre.  Les 
lecteurs  de  la  Reçue  de  Gascogne,  j'en  suis  sûr,  le  liront  avec  le  même  plaisir 
qu'il  m*a  causé  à  moi-même.  —  L.  C. 

«  Messieurs, 

»  Je  viens,  au  nom  de  la  Société  des  Gens  de  Lettres,  rendre  les  derniers 
devoirs  et  dire  un  suprême  adieu  à  l'un  des  nôtres,  à  Denis  de  Thézan,  qui  fut 
\m  vaillant  dans  les  travaux  d'érudition  où  la  notoriété  est  difficile  à  conquérir. 
La  majeure  partie  de  sa  carrière  fut  remplie  par  les  exigences  d'une  fonction 
administrative;  le  reste  fut  consacré  aux  études  historiques.  Il  avait  surtout  exploré 
et  fouillé  l'âge  féodal  et  particulièrement  la  période  des  croisades.  Toutes  les 
chartes  et  tous  les  documents  relatifs  aux  expéditions  de  l'Occident  contre 
rOrient,  avaient  été  dépouillés  par  lui  avec  une  curiosité  ardente  et  une  persé- 
vérance de  Breton.  Il  était,  en  effet,  né  en  1814  à  Quimper,  dans  le  Finistère,  où 
son  père,  cadet  d'une  antique  race  méridionale,  s'était  implanté  par  suite  d'alliance. 

»  C'est  en  maniant  et  remaniant  les  vieux  diplômes,  en  respirant  leur  pous- 
sière qu'il  s'était  imprégné  de  ce  milieu  et  épris  du  passé.  Sa  ferveur  pour  les 
temps  évanouis  avait  fini  par  le  rendre  amer  pour  le  présent  et  pessimiste  pour 
l'avenir. 

Tome  XXX.  4 


—  50  — 

»  M.  de  Thézan  avait  collaboré  au  Journal  des  Villes  et  Campagnes  en 
1840;4l  et  occasionnellement  au  Figaro  en  1854,  à  divers  journaux  de  départe- 
ments où  ses  articles  sur  M"'  de  Montespan  à  Petit-Bourg,  sur  1* Abbaye  de 
Saint'-Denis,  sur  Emile  Souvestre  furent  remarqués,  de  même  que  sa  Légende 
du  bienheureux  Kérlolet.  II  avait  également  publié  dans  la  Reoue  d'Aquitaine  . 

et  dans  celle  de  Gascogne  des  études  sur  les  commanderies  de  Saint-Jean  de 
Jérusalem,  des  notices  archéologiques  et  nobiliaires,  des  monographies  de  villes,  I 

intéressantes  au  plus  haut  degré  pour  tous  ceux  qui  s'occupent  des  annales  de  j 

nos  provinces.  Son  œuvre  principale  est  une  Histoire  de  la  maison  de  Plœuc,  \ 

rédigée  ei  approfondie  avec  une  conscience  et  une  science  bénédictines.  Sa  prose, 
même  en  ces  arides  sujets,  était  vive  et  élégante.  Un  volume  de  poésies  intitulé 
Fol  et  Passé,  dans  lequel  il  aflQrme  ses  croyances,  fut  bien  accueilli  de  Pie  IX, 
qui  lui  envoya  Tordre  de  Saint-Grégoire. 

»  Les  vers  sont  restés  dans  sa  vieillesse,  comme  dans  ses  jeunes  années,  un  de 
ses  exercices  favoris;  mais  ici  encore  l'influence  des  cartulaires  et  des  anciens 
uécrologes  se  faisait  sentir,  car  sa  note  habituelle  trahissait  un  esprit  morose  et 
tourné  au  nuir. 

»  Au  comité  de  la  Société  des  Gens  de  Lettres,  il  se  montra  toujours  soucieux 
de  contrôle,  d'économie  et  de  prévoyance.  Dans  la  vie  privée,  il  sut  toujours  subor- 
donner ses  besoms  k  la  modicité  de  ses  ressources.  Cette  sagesse  pratique,  pre- 
mière condition  d'indépendance,  surtout  pour  les  gens  de  lettres,  lui  permit,  en 
ces  derniers  temps,  de  se  livrer  tout  entier  à  ses  recherches  de  prédilection.  Il  a 
ordonné  sa  mort  comme  il  avait  ordonné  sa  vie,  en  réglant  lui-même  les  moin- 
dres détails  de  la  translation  de  son  corps  dans  un  cimetière  de  Bretagne,  voisin 
de  Notre-Dame  d'Auray. 

»  Nos  regrets  l'accompagneront  dans  le  long  et  solitaire  pèlerinage  qui  va  pré- 
céder sa  mise  au  tombeau.  » 

CCXL.  Sur  une  lacune  des  «  Faits  d'armes  de  Vivant.  » 

Gontaud,  10  novembre  1888. 
Mon  cher  directeur  et  ami, 

Au  moment  même  où  je  venais  d'achever  la  lecture  de  votre  si  intéres- 
sant article  sur  les  Faits  d'armes  de  Geoffroy  de  Vivant  (1),  j'ai  eu  une 
petite  recherche  à  faire  dans  V Histoire  des  Guerres  civiles  de  Francey  par 
Davila,  et  un  heureux  hasard  m'a  tout  droit  amené  au  récit  de  la  bataille 
de  Coutras.  Quelle  n'a  pas  été  ma  surprise  en  trouvant  là  une  indication 
très  précise  sur  un  point  important  négligé  par  le  narrateur!  Davila  nous 
révèle  le  nom  de  l'auteur  de  la  principale  des  blessures  que  reçut  le  vaillant 
capitaine  «  dans  le  petit  ventre,  au-dessous  du  nombril,  »  malgré  la  gra- 
vité de  laquelle  «  il  se  tint  pourtant  tousiours  à  cheval  armé  et  ne  voulut 
partir  du  champ  de  la  bataille  qu'il  ne  veit  le  canon  des  ennemis  pris  et  les 
chefs  morts  et  eux  en  route.  »  «  Le  capitaine  Mercure,  »  dit-il  (tome  ii  de 
la  traduction  publiée  par  M.  l'abbé  M...,  in-4",  Amsterdam,  1757,  p.  280), 
«  blessa  dangereusement  Vivans,  maréchal  de  camp  »  (2). 

Je  ne  terminerai  pas  cette  note  sans  vous  dire  combien  clialeareusement 

Cl)  liacue  de  Gasc,  de  novembre  1888  (t.  xxix),  p.  526. 

(2)  Quel  est  ce  capitaine  Mercure?  Davila  (p.  279)  nous  apprend  que,  dans 
l'armée  catholique^  les  chevaux  légers  étaient  commandés  par  Montigni  et  par  le 
capitaine  «  Mercure  Bua,  »  et  que,  dans  l'armée  du  roi  de  Navarre,  le  duc  de 
la  Trémouille  et  V'ivant,  maréchal  de  camp,  commandaient  la  cavalerie  légère. 


—  51  — 

je  m'associe  aux  éloges  que  vous  donnez  à  l'excellente  publication  de  mon 
savant  ami,  M.  Adolphe  Magcn.  Là,  comme  toujours,  vous  vous  êtes  mon- 
tré le  «  critique  aussi  fin  que  judicieux  »  que  saluait  récemment  le  Poly- 
biblion  dans  une  note  sur  les  spirituelles  fables  de  M.  Tabbé  Dulac.  Je  tiens, 
du  reste,  à  rappeler,  lier  d'avoir  été  d'avance  d'accord  avec  un  juge  comme 
vous,  que  j'ai  rendu  compte,  voilà  déjà  plusieurs  mois,  avec  les  mêmes 
éloges,  de  l'édition  des  Faits  d'armes  de  Geojfroij  de  Vivant, .  dans  un 
Journal  d'Agen  qui,  de  littéraire  et  très  litéraire  qu'il  était,  devient  politi- 
que, le  Sud-Ouesty  mais  qui  sera  désormais  remplacé  par  VEcho  de  Gas- 
cogne, auquel  je  souhaite  les  plus  heureuses  destinées  (1).        T.  de  L. 

CCXLI.  Une  aventure  de  Jean  de  Monlnc,  évèque  de  Valence. 

Quelqu'un  me  disait  dernièrement  :  «  Vous  reviendrez  donc  toujours  à 
vos  Monluc?  »  Je  répondis  tfvec  la  vivacité  d'un  bon  gascon  :  De  Monlucis 
nunquam  saiis.  Ce  sujet,  en  effet,  n'est-il  pas  inépuisable?  et,  qu'il  s'agisse 
du  grand  capitaine,  ou  du  grand  diplomate,  ne  trouve-t-on  pas  sans  cesse 
quelque  chose  à  joindre  à  la  moisson  déjà  engrangée?  C'est  ainsi  que,  dans 
l'excellente  édition  des  Mémoires  d'Achille  Gamon,  acocat  d'Annonay 
en  Vioarais  (1552-1 586)  j  publiés  pour  la  première  fois  d'après  le  manus- 
crit original  aisec  une  introduction  et  des  notes  par  h  Brun-Durand 
(Valence,  1888,  grand  in-8'),  on  remarque  (p.  19-21)  le  récit  détaillé  et  fort 
piquant  d'un  épisode  bien  peu  connu  de  la  vie  du  remuant  prélat.  En 
empruntant  à  cette  édition  qui,  soit  par  son  texte  intégral,  soit  par  son 
savant  commentaire,  remplace  si  avantageusement  les  maigres  résumés  do 
la  curieuse  chronique  publiée  jusqu'à  présent,  je  suis  heureux  de  compléter 
sur  un  point  important  mes  Notes  et  documents  inédits  pour  servir  à  la 
biographie  de  Jean  de  Monluc,  En  matière  d'histoire,  comme  en  matière 
de  morale,  il  faut  le  plus  possible  chercher  à  réparer  les  péchés  d'omis- 
sion... et  les  autres.  T.  DE  L. 

«  Au  mois  d'aoust  dudict  an  1562,  Jean  de  Monluc,  evesque  de  Valence, 
conseiller  du  Roy  en  son  privé  conseil,  personnage  de  grande  authoritê,  de 
maison  illustre  et  de  bonnes  lettres,  venant  de  la  cour  pour  ainsy  qu'il 
disoit  se  retirer  audict   Valence,  fut  poursuivy  par  le  gouverneur  de 

Je  ne  retrouve  le  capitaine  Mercure  dans  aucun  de  mes  livres  sur  le  xvi*  siècle. 
Mgr  le  duc  d'Aumaïe,  dans  son  beau  récit  de  la  bataille  de  Coutras,  n'a  nommé 
ni  Mercure,  ni  Vivant  (Histoire  des  princes  de  Condê,  1869,  t.  ii,  p.  167-177). 
Si  j'osais  interpeller  ici  notre  éminent  compatriote,  M.  le  baron  de  Ruble,  je  lui 
demanderais  s'il  ne  voudrait  pas  nous  faire  connaître  le  personnage  au  nom 
mythologique. 

(1)  Je  recommande  d'autant  plus  vivement  ce  petit  frère  de  la  Reçue  de  Gas- 
cogne à  la  sympathie  de  tous  mes  chers  lecteurs,  que  VEcho  aura  pour  rédacteur 
en  chef  M.  Jules  Andrieu,  qui  a  fait  preuve  de  tant  de  zèle  et  d'habileté  dans 
la  direction  du  S«rf-Oa(?«^  J'ajoute  que  l'auteur  de  \3i  Bibliographie  générale  de 
l'Agenais  ser3  suivi,  dans  le  nouveau  recueil,  par  tous  ses  anciens  collabora- 
teurs, heureux  de  rester  fidèles  à  leur  vaillant  capitaine. 


—  52  — 

Tienne  (1),  tenant  le  party  de  la  Religion,  jusques  à  Sablon  (2)  où  il  passa 
le  Rosne  et  se  vint  rendre  audict  Annonay.  Les  habitans  le  receurent  fort 
humainement  pour  la  bonne  opinion  qu'on  a  voit  de  lu  y  et  pour  autant 
que  la  ville  es  toit  journellement  menassée  par  ceux  du  contraire  party;  il 
promit  s'employer  envers  eux,  de  façon  que  de  leur  part  elle  n'auroit  rien 
à  creindre,  comme  aussy  les  habitans  luy  donnoient  seureté  de  sa  personne, 
tant  qu'il  seroit  avec  eux.  Il  fréquentoit  journellement  les  presches,  com- 
bien que  les  ministres  luy  donnassent  plusieurs  atteinctes  manifestes,  dont 
il  n'estoit  guères  content  Sur  ces  entrefaictes  les  consuls  receurent  une 
lettre  signée  par  le  baron  des  Adrets,  qui  se  disoit  commander  en  Langue- 
doc, Daulphiné  et  Provence  pour  le  service  de  Dieu  et  du  Roy,  où  il  man- 
doit  aux  consuls  et  Ijabitans  de  bien  garder  ledict  sieur  de  Valence  et  ne  le 
rendre  à  aultre  qu'à  luy,  aultrement  qu'il  rempliroit  ladicte  ville  de  corps 
morts,  qu'il  y  mettroit  le  feu  et  la  raseroit.  Là  dessus  fut  prins  deslibera- 
tion  par  Icsdicts  habitants,  qui  se  résolurent  de  tenir  parole;  mais  cepen- 
dant le  sieur  de  Valence  adverti  desdicts  rigoureux  mandemens  et  crai- 
gnant estre  plus  estroictement  arresté,  ainsy  qu'on  disoit  le  presche  un 
dimanche  matin,  monta  à  cheval  avec  tous  ses  gens  et  passant  par  la  porte 
du  champ,  au  m  illieu  de  la  garde,  comme  s'il  alloit  esbattre  selon  sa  cous- 
tume,  prenoit  le  chemin  de  Bouïg  quand  trois  de  la  ville  envoyez  pour  luy 
faire  entendre  la  resolution  susdicte,  le  suivirent  jusques  au  lieu  appelle  la 
Croisette,  entre  les  vignes,  où  il  descendit  de  cheval,  les  ouyt  fort  benigne- 
ment  et  après  long  discours,  de  leur  instante  prière,  contre  l'advis  de  ses 
gens  retourna  dans  la  ville  et  dans  la  maison  du  seigneur  de  Peloux  où  il 
estoit  logé.  Toutesfois  le  lendemain  devant  jour,  l'on  trouva  que  luy  et 
toute  sa  suite  avec  leurs  chevaux,  estoient  esvadez  par  un  trou  de  nouveau 
faict  en  la  muraille  de  la  dicte  maison,  joignant  aux  fossez  (3),  dont  toute 
la  ville  fut  fort  effrayée  craignant  les  menaces  du  sieur  des  Adrets.  » 

(1)  François  du  TeiTail,  seigneur  de  Bernin,  gentilhomme  de  la  famille  de 
Bavard.  Ayant  embrassé  le  protestantisme,  il  devint  un  des  plus  fougueux  lieu- 
tenants de  François  de  Beaumont,  baron  des  Adrets,  et  fut  chargé  par  ce  dernier 
du  gouvernement  de  la  ville  de  Vienne  le  3  mai  1562. 

(2)  Commune  du  canton  de  Roussillon  (Isère). 

(3)  Ce  tour  si  bien  joué  rappelle  les  épithètes  appUquées  par  Brantôme  à  Jean 
de  Monluc  «  fin,  deslié,  trinquât,  etc.  »  M.  le  comte  Hector  de  La  Ferrière,  que 
j'ai  jadis  surnommé  —  souvenir  d'Ovide  —  implger  Hector,  s'est  occupé  de 
notre  homme  dans  la  livraison  du  1"  octobre  1888  de  la  Reçue  des  questions 
historiques  (L'élection  du  duc  d'Anjou  au  trône  de  Pologne).  En  reprodui- 
sant les  dernières  Ugnes  de  son  étude,  je  constaterai,  non  sans  une  patrio- 
tique fierté,  que  plusieurs  des  noms  par  lui  glorifiés  sont  des  noms  gascons  : 
«  Voilà  la  grande  œuvre  de  Catherine...  C'est  J 'apogée  de  sa  fortune  politique, 
c'est  Je  triomphe  le  plus  éclatant  de  la  diplomatie  française  inspirée  par  elle  et 
servie  par  des  hommes  qu'on  ne  saurait  trop  louer  et  qu'il  suffira  de  nommer  : 
les  deux  N cailles,  du  Ferrier,  Vulcob,  Ferais,  Lansac,  Schomberg,  Mondoucet» 
Vivonne  de  Sainl-Gouard,  Monluc,  La  Mothe-Féuelon,  de  Foix  et  Mauvissière, 
dont  nous  avons,  à  toutes  les  pages  de  cette  étude,  cité  les  dépêches.  » 


PIERRE  SOUFFRON 

MAITRB-ARCHITBCTB  DB  LA  VILLE  D'AUCH 


Qaand  on  parle  de  la  Renaissance  et  des  splendides  édifices 
dont  elle  a  couvert  la  France,  on  ne  manque  jamais  d'évo- 
quer, avec  les  noms  des  princes  qui  les  ont  habités,  ceu^ 
des  hommes  de  génie  qui  les  ont  construits.  On  cite  surtout 
les  architectes  des  demeures  royales  et  princières,  les  Du 
Cerceau,  les  Philibert  Delorme,  les  Pierre  Lescot.  Vivant  au 
centre  de  la  France,  encouragés  et  soutenus  par  de  riches  et 
puissants  mécènes,  ceux-là  ont  légué  à  la  postérité  des  noms 
illustres.  La  province  ne  peut  suivre  que  de  loin  l'exemple  de 
la  capitale.  Elle  eut  aussi  ses  grands  seigneurs,  protecteurs 
des  arts,  et  ses  artistes  de  valeur;  mais  ces  derniers,  trop 
éloignés  de  Paris,  fixés  dans  un  pays  maltraité  par  la  guerre, 
ont  vécu  plus  obscurs  et  sont  restés  presque  ignorés. 

Parmi  ceux  dont  le  savoir  et  le  talent  ont  fait  briller  en 
Gascogne  au  moins  un  reflet  du  grand  art  des  architectes  du 
nord  de  la  France,  nous  pouvons  placer  Pierre  Souffron. 

A  part  quelques  privilégiés  parmi  ceux  qui  s'occupent  de 
notre  histoire  provinciale,  Souffron  est  inconnu  de  nos  jours, 
et  bien  que  son  nom  ait  été  cité  plusieurs  fois  dans  ce  re- 
cueil, nul  n'a  été  tenté  de  raconter  sa  vie  et  sa  carrière 
artistique.  Nous  n'avons  pas  nous-même  cette  prétention  au- 
jourd'hui; nous  voulons  simplement  grouper  autour  des 
renseignements  déjà  connus  quelques  faits  nouveaux  (1), 
destinés,  dans  notre  pensée,  à  venir  en  aide  au  futur  historien 

(1)  Nous  devons  déclarer  ici  que  la  plupart  des  indications  qui  nous  ont  servi 
pour  ce  petit  travail  nous  viennent  de  M.  Adrien  Lavergne,  vice-président  de 
la  Société  historique  de  Gascogne,  dont  Tobligeance  dépasse  encore  le  savoir. 

Tome  XXX.  —  Février  1889.  5 


—  54  — 

de  Tart  en  Gascogne.  Ce  sera,  dans  tous  les  cas,  un  premier 
tribut  payé  au  souvenir  de  cet  homme  modeste,  qui  a  con- 
tribué à  caractériser  dans  notre  pays  cette  belle  pèi*iode  de 
l'art  français,  en  le  dotant  de  monuments  toujours  debout, 
dont  notre  orgueil  provincial  se  flatte  et  s'honore.  Si  nous, 
Âuscitains,  nous  sommes  justement  fiers,  en  particulier,  de 
notre  cathédrale,  n'est-ce  pas  un  devoir  pour  nous  de  rendre 
hommage  au  goût  et  au  talent  de  ceux  qui  nous  ont  légué  ce 
bel  édifice? 

Pierre  Souffron  (i),  l'un  des  architectes  les  plus  recom- 
mandables  du  Midi  de  la  France  au  xvi*  siècle,  naquit,  dit-on, 
à  Auch,  vers  4555  ou  4565;  on  ne  sait  pas  grand'chose  *de 
sa  vie  privée.  11  épousa  Barlhélemye  de  Rouéde,  dont  il  eut 
une  fille,  que  nous  verrons  mariée  à  un  sieur  Nogaro. 

Certains  auteurs  lui  ont  attribué  une  origine  italienne.  On 
a  tant  de  fois  italianisé  nos  artistes  français,  on  a  si  souvent 
rapporté  à  des  étrangers  les  œuvres  de  nos  architectes  et  de 
nos  sculpteurs  nationaux,  qu'on  doit  se  tenir  en  garde  contre 
de  pareilles  affirmations,  surtout  quand  elles  ne  reposent  que 
sur  de  vagues  probabilités.  Prosper  Lafforgue  (2),  l'historien 
de  la  ville  d'Aur.h,  partisan  de  l'origine  italienne  de  Souffron, 
en  donne  comme  preuve  la  consonnance  italienne  de  son 
nom.  Mais  cette  observation  est  contestable,  et  nul  document, 
nul  acte  authentique  ne  venant  à  l'appui,  nous  croyons  de- 
voir écarter  cette  opinion  (3). 

Faut-il  admettre  encore  que  Souffron  appartenait  à  la  no- 
blesse? Nous  l'avons  trouvé  qualifié  «  fiable  Pieirc  Souffron, 
sieur  de  la  maison  noble  du  Cros.  »  Le  P.  Montgaillard,  son 
contemporain,  s'exprime  ainsi  :  «  Pelrus  Souphronus,  nobilis 

(1)  On  trouve  aussi  Sqffron,  Le  P.  Montgaillard  et  dom  Bnigèles  écrivent 
ce  nom  ph,  au  lieu  de  Jffy  probablement  à  cause  de  cette  idée  que  Tidiome 
gascon  n'admet  pas  1/. 

(2)  Recherches  sur  les  arts  et  les  artistes  en  Gascogne  au  xvi*  siècle,  p.  34. 

(3)  U  s'appellerait  Sufroni  (on  sait  qu'en  italien  u  se  prononce  ou);  mais  le 
nom  de  Souffron  (rac.  soufre  f)  parait  français  et  pas  du  tout  italien. 


_  55  — 

nastrœ  mtalis  latomiis,  et  ipse  auscitanus  civis  (1).  »  Mais 
dans  le  lalin  du  chroniqueur  jésuite,  nobilis  veut  peut-être 
dire  simplement  illustre,  distingué.  Dom  Bru  gèles  Ta  inter- 
prète dans  le  sens  de  noble.  Ce  qui  semble  plus  décisif,  dans 
le  procès-verbal  du  18  mai  1609  de  l'état  de  la  cathédrale, 
fait  par  de  Lestanc,  conseiller  du  roi,  on  lui  donne  ce  litre  (2). 

Malgré  tout,  il  est  fort  difficile  de  se  prononcer.  Les  actes 
authentiques  concernant  Souffron,  comme  le  contrat  de  ma- 
riage de  sa  sœur  Madeleine  et  les  registres  paroissiaux  de 
Sainte-Marie  d'Auch,  ne  lui  attribuant  aucun  titre  nobiliaire, 
on  ne  peut  accepter  la  qualification  de  noble  qu'il  obtient 
ailleurs  que  sous  toute  réserve.  On  sait  qu'il  était  assez 
d'usage  en  province  d'anoblir  dans  les  actes  publics  les  per- 
sonnages marquants;  c'est  ce  qu'on  appelait  «  titre  de  cour- 
toisie » . 

Nous  ne  savons  sous  quel  maître  notre  artiste  apprit  l'ar- 
chitecture, ni  à  quelle  époque  il  reçut  son  brevet  de  «  maître 
ès-arts  de  construire  » .  Son  nom  nous  apparaît  pour  la  pre- 
mière fols  en  1594,  dans  un  document  où  il  est  question 
d'une  œuvre  qui  ne  demandait  pas  une  grande  pratique  de 
Tari  :  la  démolition  du  château  de  Rabastens,  en  Bigorre  (3). 
Souffron  n'était  pas  cependant  à  ses  débuts,  puisqu'il  portait 
le  titre  de  maître-architecte. 

Le  château  de  Rabastens,  pris  par  les  Huguenots,  sous  la 
conduile  du  baron  de  Castelnau-Chalosse  (4),  et  rendu  moyen- 
nant rançon,  était  un  sujet  de  crainte  pour  le  pays.  Les  Etats 

(1)  Hist.  ms.  Vase.,  f*  75.  Bibl.  de  la  ville  de  Toulouse. 

(2)  Manuscrits  d'Aignan.  Biblioth.  de  la  yille  d'Auch. 

(3)  Les  Huguenots  en  Bigorre,  p.  208. 

(4)  «  Jacques  de  Castille,  baron  de  Castelnau-Chalosse,  était  fils  du  baron  de 
Castelnau  qui  mourut  si  tragiquement  à  Amboise.  Capitaine  de  cinquante  hom- 
mes d'armes,  gentilhomme  de  la  Chambre,  chevalier  de  l'Ordre  et  sénéchal  du 
Béarn,  tantôt  ligueur  et  tantôt  royaliste,  il  eut  une  vie  fort  agitée.  Forcé  de  se 
démettre  de  sa  charge  de  sénéchal  devant  la  résistance  du  Parlement  do  Béarn, 
il  lut,  en  1597,  gouverneur  de  Mont-de-Marsan.  Catholique  à  la  Cour,  protes- 
tant à  La  Rochelle,  il  mourut  au  petit  village  de  Dieupentale,  au  retour  du  siège 
de  Montauban,  en  1621.  U  fut  enseveli  à  Geaune,  dans  les  Landes.  »  J.  de  Car- 
salade  du  Pont,  Mémoires  d'Antras,  p.  163. 


—  66  — 

obtinrent  du  roi  la  permission  de  le  faire  démolir.  Ils  passè- 
rent dans  ce  but  un  traité  avec  Pierre  Souffron,  «  maîlre- 
architecle  de  la  ville  d'Auch  »,  et  P.  Lemoyne,  architecte  du 
lieu  de  Luc,  en  Bigorre.  Nous  croyons  devoir  publier  ce  traité  : 

Bail  à  desmolir  le  chasieau  de  Rahaatenx, 

Comme  ainsin  soyt  que  à  la  prière  et  requeste  qu'auroyt  esté  faicte 
par  les  depputés  du  pais  et  comté  de  Bigorre  au  Roy,  aux  fins  qu'il  luy 
pleust  ordonner  et  permettre  pour  le  bien  et  soulagement  du  d.  pais,  la 
dôsmolition  du  chasteau  de  Rabastenx;  et  à  icelle  requeste  Sa  d.  Ma- 
jesté et  Monsieur  de  Matignon,  mareschal  de  France,  gouverneur  et 
lieutenant  gênerai  en  Guienne  inclinant,  auroient  ordonné  la  d.desmo- 
lition  estre  faicte  au  plus  tost;et  pour  faire  travailler  à  icelle  auroient 
commis  le  seigneur  de  Benac,  seneschal  et  gouverneur  pour  Sa  d. 
Majesté  au  d.  païs  de  Bigorre,  ainsin  que  des  d.  ordonnances  appert,  en 
datte  à  Bordeaus,  le  vingt-neufviesme  octobre  au  présent,  signées  du  d. 
sieur  Mareschal.  A  quoy  le  d.  seigneur  seneschal,  voulant  procéder 
effectuellement,  suivant  la  volonté  de  Sa  d.  Majesté,  ordonnances  du 
d.  s**  mareschal  et  délibérations  sur  ce  prinzes  par  les  estatz  du  d.  païs, 
est-il  qu'aujourd*huy  dix-septiesme  du  mois  de  décembre,  après  midy, 
Tan  mil  cinq  cens  quatre  vingts  quatorze,  en  Tarbe  et  boutique  de  moy, 
notaire,  et  presens  les  tesmoins  baz-nommés,  estantz  presentz  le  d. 
seigneur  seneschal  et  M«  Pierre  Lacase,  scindic  gênerai  du  d.  païs; 
lesquelz,  avec  Tadvis  et  assistence  de  vénérable  homme  messire  Saubat 
d'Iharse,  evesque  de  Tarbe,  messire  Anthoine  de  Begolle,  s**  du  d. 
lieu,  de  Marceillan,  et  ayant  le  droict  du  Roy  en  la  baronnie  de  Bar- 
bazan-Dessus,  M®®  Jean  Lanusse  et  Jean  Boerie,  consuls  de  Tarbe,  de 
leur  gré  et  volonté  ont  baillé  et  baillent  à  desmolir  le  d.  chasteau  de 
Rabastenx  à  Pierre  Souffron,  maistre  architecte,  habitant  de  la  ville 
d'Aux,  et  Pierre  Lemoyne,  aussy  architecte,  du  lieu  de  Luc,  au  présent 
païs  de  Bigorre,  presens  stipulans  et  acceptans,  lesquelz  ont  promis  et 
promettent  par  teneur  dez  présentes  faire  la  d.  desmolition,  tant  des 
quatre  tours  et  courtines  liées  à  icelle,  que  le  donjon,  fauloe-porte,  re- 
bellin  et  deffenoes  qui  reguardent  à  la  porte  de  l'entrée  du  d.  chasteau, 
le  tout  à  la  fleur  du  chemin  par  lequel  on  passe  entre  la  faulce,  vraye, 
et  muraille  des  d.  courtines  et  tours  ;  et  dans  la  fin  du  mois  d'avril 
prochainement  venent,  et  à  leurs  costz  et  despens,  périls  et  fortunes, 
réservé  que  le  bois  des  pilotins  leur  sera  baillé  sur  le  lieu^  et  aussy 


—  57  — 

pour  vrusler  iceulx,  lesquelz  pilotins  les  d.  maistres  seront  tenus  tailler 
et  accomoder,  comme  sera  requis,  pour  les  mettre  en  besogne,  à  leurs 
costz  et  despens.  Et  pour  les  frais  de  lad.  desmolition,  journées  et  vac- 
cations  qu'il  leur  conviendra  expouzer  en  icelle,  les  d.  sieur  senes- 
chal  et  scindic  ont  promis  et  promettent  par  teneur  de  ces  présentes 
leur  payer  et  bailler  la  somme  de  quatre  mile  livres  tournois,  dans  le 
d.  temps  à  mesure  et  à  proportion  mesmes  cent  escus  par  sepmaine 
qu'ils  travailleront  en  la  d.  besoigne,  despuis  qu'ils  auront  commancé 
icelle  jusques  à  rentier  paiement  du  d.  prix;  et  moyennant  ce  aussy 
lesd.  maistres  promettent  de  jecter  la  ruine  dud.  ediffice  dans  le  fossé, 
du  moins  la  plus  grand  partie  qui  pourroit  tumber  dans  la  basse  court. 
Et  pour  ainsin  le  tenir,  garder  [et]  observer,  lesd.  parties,  en  ce  qui  à 
chapcune  dlcelles  touche  et  apartient,  sans  faire  division  de  debte  ny 
discussion  de  biens,  ont  obligés,  scavoir  :  lesd.  M**,  leurs  biens  et  per- 
sonnes, et  les  d.  s"  seneschal  et  scindic  du  d.  pais  leurs  biens  et  ceulx 
du  d.  pais,  que  à  cest  effect  ont  soubzmis  à  la  justice  des  courtz  tempo- 
Telle[s]  du  présent  royaulme  de  France,  renonçant  à  toutes  exceptionz 
de  droict  et  de  faict  à  ce  contraires.  Et  ainsin  l'ont  juré  aux  Sainctz 
Evangilles  de  Nostre  Seigneur.  Presens  noble  Bernard  d'Estomès, 
abl^é  lay  d'Angosse,  habitant  de  Sempé,  et  Arnaud  Latappie,  de  Tarbe 
habitant,  signés  avec  les  d.  parties  et  moy.  —  Ph[ilipp]e  Monthault, 
La  Case,  contractant,  Souffron,  S.  Noguès,  notaire,  Le  Moyne,  de 
Boerie,  consul,  Lanusse,  consul,  d'Angosse,  Latappie. 

Quittance. 

Le  treiziesme  jour  du  mois  d'avril  mil  cinq  cens  quatre  vingtz  quinse, 
lesd.  parties  en  ce  que  à  chascun  d'eulx  touche  ont  dict  et  declairé  avoir 
esté  satisfaict  au  contenu  et  clauses  portéas  par  le  présent  conctract,  et 
partant  concentent  à  la  cancellation  d'iceluy.  En  foy  de  quoy,  à  Tarbe 
au  Bourg-Vieulx,  sur  la  rue  et  en  la  place  de  Sainct- Jehan,  presens 
M®  Jacques  Laporte  et  Menault  de  Prat,  du  d.  Tarbe,  aussy  signés.— 
Ph[ilipp]e  Monthault,  La  Case,  Souffron,  Lemoyne,  Laporte  tesmoing, 
M"^  de  Pratj  présent  (1). 

De  1597  au  20  juin  1601,  Pierre  Souffron  consl^it  le  pont 
de  Saint-Subra  ou  Saint-Cyprien,  à  Toulouse  (2).  Ce  pont, 

« 

(1)  Archives  de  M*  Duguet,  notaire  à  Tarbes;  minutes  S.  Noguès,  1593-1594, 
f-  146  v-148  T\ 

(2)  P.  Lafforgue,  op,  cit.,  p.  61. 


—  58  — 

commencé  par  Nicolas  Bachelier  et  continué  par  son  fils, 
fut  parachevé  par  Souffron.  Les  travaux  durèrent  quatre 
années.  L'activité  que  déploya  Souffron,  rinlelligence  quMl 
montra  affermirent  sa  réputation  dans  le  pays  et  la  propa- 
gèrent même  au  delà  des  limites  de  la  Gascogne,  et  jusqu'à 
la  cour. 

Henri  IV,  heureux  de  pouvoir  donner  à  un  de  ses  braves 
Gascons  une  preuve  de  bienveillance,  autorisa  P.  Souffron  à 
prendre  le  titre  d'  «  architecte  et  ingénieur  des  bastiments  de 
»  la  Maison  deNavarre  »>  ,et  d'  «  architecte  pourleroyenladuché 
»  d'Albret  et  terres  de  Tancien  domaine  et  couronne  de 
»  France  » .  Ce  ne  fut  pas  la  seule  marque  de  la  faveur  royale. 
Depuis  longtemps  Henri  IV,  à  la  fois  pour  occuper  sa  noblesse 
orgueilleuse  et  tracassière  et  pour  épuiser  ses  ressources,  invi- 
tait les  grands  qui  Tentouraient  à  se  faire  construire  des  rési- 
dences princières;  il  recommanda  Souffron  d'une  manière  toute 
particulière  au  duc  d'Epernon  (1). 

L'ancien  mignon  de  Henri  III,  ce  cadet  de  La  Valette  de- 
venu duc  d'Epernon  et  alors  tout-puissant  à  la  cour,  suivit 
les  conseils  du  roi,  et  se  fit  bâtir  un  château  digne  de  sa 
fortune  colossale  et  de  sa  haute  situation.  Ce  fut  Cadillac, 
sur  les  bords  de  la  Gironde,  qu'il  choisit  pour  y  faire  élever 
sa  fastueuse  résidence  (2).  Souffron  en  dressa  les  plans,  et 
pendant  les  premières  années,  depuis  d597  jusqu'en  1603, 
il  en  dirigea  la  construction.  Nous  ne  parlerons  pas  ici  de  ces 
importants  travaux;  ce  sujet  a  été  déjà  traité  de  main  de 
maître  par  M.  Braquehaye,  dans  son  excellent  ouvrage  sur 
les  Arlhies  du  duc  d'Epernon  (3).  Mais  nous  devons  men- 
tionner à  cette  place  le  mariage  de  sa  sœur  Madeleine  avec 
Domingo  de  la  Porterie,  auquel  il  assista  avec  Eymeric,  son 

(1)  Ch.  Braquehaye,  Los  Artistes  du  duc  d'Epernon,  p.  119. 

(2)  Le  château  de  Cadillac,  dans  le  département  de  la  Gironde,  est  aujourd'hui 
la  Maison  centrale. 

(3)  Bordeaux,  Feret. 


—  69  — 

frère  (1).  Ce  fut  le  6  avril  1603  qu'eut  lieu  celte  céré- 
monie. 

Au  même  jour  se  rapporte  un  contrat  d'apprentissage  que 
nous  empruntons  à  M.  Braquehaye,  comme  un  document  in- 
téressant sur  les  habitudes  professionnelles  des  artistes  de  ce 
temps.  L'apprenti  de  Souffron  dont  il  est  question  ici,  Pierre 
Delherm,  fut  plus  tard  architecte  de  Bazas  : 

Ledict  Soffron  a  promis  rapprendre  et  enseigner  au  mieux  de 

son  pouvoir  Testât  de  masson  et  tailleur  de  pierres,  comme  un  bon 
maistre  est  tenu  faire,  et  œ  pendant  le  temps  et  espace  de  sept  années 

complètes  et  révolues  l'une  après  Taultre A  promis  le  nourrir  et 

entretenir,  tant  d'abitz  que  de  nourriture,  et  tenir  blanc  et  net,  sans  que 
ledict  Delerm  soit  teneu  lui  bailler  ny  payer  aultre  choze  pour  ledict 
aprantissage,  ne  nourriture  ni  entreteuement,  sauf  une  coiste  et  ung 

traversin  remply  de  plumes  pesant ,  deux  linceulx  pour  coucher  le 

dict  apranti  [que  Souffron  s'engageait  à  restituer  à  la  fin  des  sept  an- 
nées]. 

Si  Souffron  ne  termina  pas  la  construction  de  Cadillac, 
c'est  qu'il  dut  abandonner  son  œuvre  à  la  suite  d'un  procès 
au  criminel  contre  le  serrurier  du  duc,  Arn.  Descoubes,  dans 
lequel  il  déposa  comme  témoin  à  charge.  Le  duc  d'Epernon 
prit  fait  et  cause  pour  le  serrurier  et  se  brouilla  avec  l'archi- 
tecte. A  partir  de  ce  moment  le  nom  de  Souffron  disparait 
des  comptes  de  la  maison  du  duc.  Il  fut  remplacé  par  messire 
Gilles  de  la  Touche-Aguesse,  écuyer,  architecte  du  Roy. 

Il  revint  alors  à  Auch.  Le  seigneur  de  Bezolles  cherchait 
justement  un  architecte  capable  de  diriger  la  construction  de 
son  château  de  Beaumont(2).  Il  passa  dans  ce  but  un  accord 


(1)  16  avril  1603.  Contrat  de  mariage  de  Madeleine,  «  veulve,  habitante  que 
dessus  (Cadillac),  qui  promet  prendre  pour  mari  Domenge  de  la  Porterie,  maistre 
masson,  habitant  à  présent  audict  Cadilhac,  avec  rauthorité  et  eu  présence  de 
Eymeric  et  Pierre  Souffron,  ses  frères,  de  Pierre  de  la  Porterie,  frère  dudict 
conjonicl,  de  Pierre  Delerm  et  Pierre  Peraudeau,  maistres  massons.  »  Les 
Artistes  du  duc  d'Epernon,  p.  122  et  123.  On  voit  que  les  Souffron  ne  pren- 
nent encore  aucun  titre  nobiliaire. 

(2)  Canton  de  Condom  (Gers). 


-LuJ 


—  60  — 

avec  Pierre  Souffron.  Les  conditions  dn  traité  sont  assez  inté- 
ressantes pour  que  nous  croyions  devoir  leS  publier  : 

Accord  entre  le  seigneur  de  Bezolles  et  Pierre  Soffron^  pour 

ledijice  du  chasteau  de  Boumont, 

L'an  mil  six  cens  six  et  le  troisième  jour  du  mois  de  juing,  dans  le 
chasteau  de  Bezolles,  en  Fezensac,  dioceze  d'Aux  et  sénéchaussée 
d'Armaignac,  avant  midy,  régnent  Henry,  par  la  grâce  de  Dieu  roy  de 
France  et  de  Navarre,  pardevant  moy,  notaire  royal  et  tesmoings  bas 
nommés,  a  esté  establi  en  sa  personne  Pierre  Soufifron,  architecte  de 
Teglize  Sainte-Marie  d'Aux  et  conducteur  du  pont  de  Saint-Subran  de 
Tholoze,  lequel  de  son  bon  gred  et  volonté  a  promis  et  par  ces  pré- 
sentes promet  à  messyre  Jean  de  BezoUes,  seigneur  dud.  lieu,  Bou- 
montjMoissanet  autres  places,  icy  présent,  slipullent  et  acceptant,  savoir 
est  faire  un  lieu  à  fere  les  vins,  et  au-dessus  chambm  et  garde-robbe. 
A  costé  un  degré  de  cinq  paulmes  de  marbre  dans  œuvre  de  pierre,  et 
à  suitte  fere  une  cave,  une  escurye,  le  tout  voûté.  Au  dessus  ce  fera 
greniers,  au-dessus  desdits  greniers  une  gallerie  de  la  largeur  de  quatre 
cannes  et  vingt  et  dus  de  long,  le  tout  dans  œu\Te,  et  laditte  gallerie 
montera  aussy  hault  que  faict  la  salle  pour  le  jourd'huy.  Aussy  fera 
ung  aultre  degré  pour  monter  et  descendre  aus  chambres  et  à  laditte 
salle,  d'une  canne  dans  œuvre,  aussy  de  pierre.  Aussy  fera  la  quantité 
de  vingt-six  croisées,  quatre  lucannes,  dix  demy  croisées,  doutze 
aube-jours,  trois  cheminées,  quatre  portais,  dix-sept  portes.  Le  tout 
dans  le  chasteau  de  Boumont.  Et  pour  satisfere  à  ce  dessus,  ledit 
seigneur  de  BezoUes  sera  teneu  lu  y  fere  randre  toutes  matières  à  ce 
dessus  necesseres  pour  fere  led.  bastiment  sy  près  de  Tœuvre  que  che- 
vauls  et  charrettes  se  pourront  approcher.  Aussy  luy  fera  fere  tous 
desmoUissements  comme  est  de  tuiles,  boix,  meurailhes,  fere  tous  vui- 
danges  de  décombres,  de  terre  pour  les  fondements  desdittes  meurai- 
lhes, tant  pour  lad.  gallerye  et  le  lieu  à  fere  les  vins.  Comme  aussy 
luy  fere  fomir  de  tonals  boix  necesseres  à  fere  les  ponts  ou  chafaudages, 
comme  aussy  pour  fere  les  engins  ou  machines  pour  lever  la  pierre, 
aussy  de  cables  et  guydes,  les  pâlies  et  semais  a  fere  le  mortier.  De 
mesme  sera  teneu  led.  sieur  luy  fere  faire  les  scindres,  tant  pour  fere 
le  lieu  a  fere  la  voulte  des  vins,  que  de  la  cave  et  escuerie.  Aussy  luy 
fornira  de  logis  commode  pour  loger  les  ouvriers,  avec  le  boix  à  chaufer 
pour  fere  cuire  le  repas  ou  cuire  le  pain ,  luy  bailher  licts  et  linseuls 
pour  fere  retirer  les  ouvriers  qui  feront  laditte  œuvre  jusques  au  nom- 


-.  61  — 

bre  de /lesquels  liots  et  linges  seront  randeux  à  la  fin  de  l'œuvre 

en  Testât  qu'ils  se  trouveront.  Ensemble  luy  bailbera  pour  subvenir  à 
la  despence  pour  la  fabrication  de  ce  dessus  dict  la  quantité  de  dus 
cens  cartals  de  bled,  cent  pipots  vin,  vingt-quatre  cartals  fèves  mesure 
de  Condom  et  trois  mille  six  cent  livres  toum.  Laquelle  quantité  de 
bled,  vin,  fèves  et  argent  led.  seigneur  de  BezoUes  sera  teneu  payer 
audit  Souffron  à  proportion  qu'il  advancera  Tœuvre.  Laquelle  œuvre 
led.  Souffron  a  promis  randre  parfaicte  dans  dix-huit  mois  prochens  à 
conter  du  jour  et  datte  du  présent  instrument.  Et  pour  tout  ce  dessus 
tenir,  garder  et  observer,  lesdites  parties  ont  respectivement  obligé  tous 
et  chescuns  leurs  biens  presens  et  advenir,  lesquels  ont  soubzmis  aus 
forces  et  rigeurs  du  présent  roj'aulme  de  France,  l'un  pour  l'autre  non 
cessant  ont  renoncé  aus  renonsciations  à  ce  présent  instrument.  Ainsin 
l'ont  promis  et  juré;  presens  à  ce  :  Jacques  Lebe,  cappitaine,  habitant 
de  la  ville  d'Aux,  Dominique  Ayrenx,  costurier,  et  Berthomieu  Costau, 
de  Saintr-Lary  et  BezoUes  habitens,  signés  avec  lesd.  parties  et  moy. 

Signés  :  Besolles,  Souffron,  Jacques  Lebbé, 
Cousteau,  Ayrenx. 

De  Ayrenx,  notaire  royal  (1). 

On  voit  encore,  à  une  clef  de  voûle  de  Tescalier  du  château 
de  Beaumont,  au-dessus  de  la  date  1606^  des  sigles  et  des 
signes  lapidaires,  qui  semblent  être  la  signature  de  notre 
architecte.  En  voici  une  reproduction  exacte  au  1/4. 


(1)  Cette  pièce  est  extraite  du  fonds  de  M' Jehan  Raymond  D'Ayrenx,  notaire 
à  BezoUes,  qui  se  trouve  aujourd'hui  à  Tétude  de  M*  Gelas,  notaire  à  Roques. 
Nous  en  devons  la  copie  à  M.  l'abbé  Broconat,  curé  de  BezoUes. 


—  65  — 

Après  la  construction  du  château  de  Beaumont,  Souffron 
revint  encore  à  Auch.  C'est  alors  qu'il  fut  élu  consul.  ¥* 
Lafforgue  et  Pabbë  Monlezun  mentionnent  dans  la  liste  des 
consuls  de  Tan  1606-1607  uti  Piene  Sou/froy.  Ce  nom  de 
Souffray  pourrait  laisser  supposer  qu'il  s'agit  d'un  autre 
personnage.  Mais  nous  trouvons  dans  le  manuscrit  de  Jehan 
Asclafer  (1),  conservé  à  la  Bibliothèque  de  la  ville  d'Auch,  la 
preuve  du  contraire.  Le  bon  notaire  a  écrit  une  relation  de 
la  cérémonie  de  la  pose  de  la  première  pierre  de  l'église  des 
Capucins,  le  13  mai  1617.  Les  consuls  y  assistèrent  en  robe 
rouge,  et  parmi  eux  P.  Souffron  (2). 

L'année  suivante  eut  lieu  Téreclion  de  la  Chambre  des  élus 
d'Armagnac.  S'il  faut  en  croire  certains  écrivains,  Souffron, 
nommé  par  Henri  IV,  en  aurait  été  président.  Jehan  de  Solle, 
dans  son  journal  (3),  s'exprime  ainsi  : 

Le  16  janvier  de  Tan  1608,  la  Chambre  de  MM.  les  esleus  d'Arma- 
gnac feust  érigée  en  lap  resente  ville  par  M.  de  Prugnes,  conseiller  du 
roy  et  thrésorier  général  de  Bourdeaux,  lequel  mist  les  esleus  en  pos- 
session de  leur  charge  dans  la  maison  de  ville  (4),  qui  estoient  savoir  : 
Irois  esleus,  MM.  Martial  d'Aignan,  juge  temporel;  Jean  Soffron, 
maître-architecte  de  la  Fabrique  de  Teglise  Notre-Dame,  et 

Bien  que  Jean  de  Solle  ait  écrit,  par  distraction  peut-être, 
Jean  Soffron^  il  ne  peut  être  question  que  de  notre  artiste. 
Nous  le  voyons,  en  effet,  quelque  temps  après,  chargé  par 
l'archevêque  Léonard  de  Trappes,  des  travaux  de  clôture 


(1)  Actes,  mémoires  et  instructions  recueillies  en  ce  libre  par  M*  Jehan 
Asclqfer,  notaire  royal  de  la  cille  et  citté  dAuœ,  pour  luy  sorcir  et  au  public 
comme  de  raison,  Bibl.  de  la  ville  d'Auch,  mss.,  n*  24. 

(2)  Deux  pierres  commémoratives  rappelèrent  la  cérémonie,  l'une  pour  les 
dignitaires  ecclésiastiques,  l'autre  pour  les  autorités  civiles.  Chacune  portait  une 
inscription;  celle  des  consuls  est  ainsi  conçue  ;  Nobiles  DD.  cioitatis  Aux, 
consules  qui  prœerant,  G.  Laburguièro^  P.  Paulis,  P.  Ramon^  G.  Allemant, 
F.  Lassus,  P.  Souffron,  A.  Spiau,  anno  D.  1607.  xiii  malt,  in  pietatis  monu^ 
menium  œre  perennius,  hune  superposuere  lapidem.  Mss.  Asclafer,  f*  186  V. 

(3)  Le  Journal  de  Jean  de  Solle,  docteur  et  aoocat  de  la  cille  d'Auch,  publié 
par  J.  de  Carsalade  du  Pont,  p.  13. 

(4)  Le  bureau  de  l'élection  existe  encore  à  Auch,  rue  des  Pénitents  Bleus. 


—  83  — 

orientale  du  chœur  de  la  cathédrale  et  dom  Brugèles  (1)  nous 
dit  que  «  le  rétable  du  mattre  autel  fut  désigné  et  conduit 
»  par  noble  Pierre  Sophron,  président  à  Télection  d'Auch.  » 
Il  n'y  a  donc  pas  de  doute  possible,  le  Jean  Soffron  de  Jean 
de  Solle  est  bien  notre  artiste;  on  ne  connaît  pas  d'autre 
architecte  de  Sainte-Marie  d'Auch  portant  le  nom  de  Souffron. 

La  construction  du  maftre-autel  du  chœur  de  la  cathédrale 
d'Auch  est  sans  contredit  une  des  œuvres  capitales  de  Souf- 
fron. Cette  œuvre,  où  Tordre  corinthien  domine,  riche  en 
marbres  et  en  sculptures  classiques  d'un  mérite  incontesta- 
ble, se  distingue  surtout  par  Télégance  et  la  pureté  du  dessin. 
Mais  ces  beautés  ne  sauraient  compenser,  aux  yeux  des  archéo- 
logues, le  complet  désaccord  du  style  avec  les  boiseries  (2). 
€e  travail  demanda  beaucoup  de  temps.  Il  était  terminé  le 
18  mai  1609,  ainsi  que  le  prouve  le  procès-verbal  de  recon- 
naissance qui  en  fut  fait  (5). 

Les  nombreuses  sculptures,  fouillées  avec  art,  qui  ornent 
Tautel  et  la  clôture  orientale  du  chœur  ont  fait  supposer  que 
Souffron  était  non  seulement  un  habile  architecte,  mais  encore 
un  sculpteur  de  talent.  C'est  l'opinion  de  P.  Lafforgue.  Mais 
on  peut  supposer  plutôt  qu'il  dirigea  les  sculptures  comme  il 
avait  dirigé  la  construction  de  l'autel.  Désigner  et  conduire, 
dit  dom  Brugèles,  c'est-à-dire  concevoir,  surveiller,  diriger, 
telle  a  été  l'œuvre  de  Souffron  et  c'est  l'œuvre  d'un  architecte. 
On  doit  cependant  reconnaître  que  le  vieux  mot  désigner, 
signiflant  proprement  dessiner,  tend  à  montrer  l'action  de 
Souffron  comme  tout  à  fait  prépondérante  (4). 

Après  le  chœur  vinrent  les  travaux  du  collège.  Les  Jésuites, 


(1)  Chroniques  du  diocèse  d'Auch,  p.  4. 

(2)  On  nous  pardonnera  de  ne  pas  insister  sur  cet  autel.  Il  a  été  admirable- 
ment décrit  par  l'historien  de  notre  cathédrale,  M.  Tabbé  Cauéto,  dans  sa  Mono- 
ffraphie  de  Sainte-Marie  d'Auch.  Y  revenir  après  lui  serait  une  tâche  à  la  fois 
difficile  et  superflue  ;  nous  renvoyons  nos  lecteurs  à  ce  savant  ouvrage. 

(3)  Mss.  d'Aignan.  Bibl.  de  la  ville  d'Auch. 

(4)  On  peut  faire  valoir,  en  faveur  de  l'opinion  de  P.  ï^flforgue,  le  nom  de 
Seopas,  sculpteur  grec,  que  nous  allons  voir  donner  à  notre  artiste. 


—  64  — 

établis  à  Âuch  par  lettres  patentes  du  roi,  firent  construire 
le  bâtiment  qui  de  nos  jours  sert  de  Lycée.  Souffron  fut  chargé 
de  dresser  les  plans.  Sa  capacité,  les  nombreuses  preuves 
d'habileté  quMl  avait  données  en  maintes  circonstances,  son 
titre  d'architecte  de  la  métropole  d'Auch,  tout  le  désignait  au 
choix  de  la  Compagnie.  La  chapelle  eut  tous  ses  soins.  L'ar- 
chevêque Léonard  de  Trappes  en  posa  la  première  pierre  en 
grande  cérémonie^  le  10  septembre  1624.  En  quatre  ans  tout 
fut  terminé,  et  la  bénédiction  solennelle  en  fut  faite  le  jour 
de  saint  Ignace,  le  31  juillet  1627  (t).  L'aulel,  exécuté  d'après 
les  [)lans  de  SoutTron,  se  distingue  par  Télégance  et  par  la 
richesse.  Couvert  de  dorures,  d'ornements,  de  sculptures,  orné 
de  nombreuses  statues,  il  fait  un  très  grand  effet;  on  y  recon- 
naît la  main  qui  a  tracé  avec  tajit  de  goût  le  rétable  de  la  ca- 
thédrale. Un  contemporain,  professeur  du  collège  d'Auch,  le 
P.  Aubéry,  dans  son  poème  sur  notre  ville  (2),  en  a  fait  la 
description;  dans  son  enthousiasme  il  va  jusqu'à  comparer 
Souffron  à  Scopas  (3).  Voici  son  texte  : 

Non  me  modo  templi 
Structura  immanis  capîat  ;  non  maxima  nectat 
Ara  moras,  Christi  cruce  nec  pendentis  imago, 

Quodque  Scopas  alius  sculpsit  tibi  mausoleum , 
Heic  ubi  inauratas  rutilanti  luce  parentis 
Ignati  dextra  Navarreique  sinistra 
Xaverii  effigiejs,  arae  majoris  utrumque 
Spectabis  stipare  latus,  mediamque  lueri 
Qua  Christus  panis  specie  latet  abditus  arcara , 
Centum  succinctam  statuts,  auroque  corusami  (4). 

(1)  «  Le  dernier  jour  de  jeiiilletl627  feste  de  St  Ignace  ledit  seigneur  archevesqae 
a  dit  la  première  messe  en  icelle  chapelle.  »  Journal  cle  Jean  de  Solle,  p.  34. 

(2)  Augusta  Auscorum,  auctore  Jo.  H.  Auberio,  Borbonio,  e  S.  J.  Auscis, 
apud  Arn.  a  Sancto  Bonneto,  in -4'.  32  p.  1632.  Bibl.  de  la  ville  d'Auch.  Lç  poème 
du  P.  Aubéry  a  été  traduit  en  partie  par  M.  Léonce  Couture.  .Voir  Reotie  de 
Gascofjne,  année  1865,  p.  447. 

(3)  Scopas,  surnommé  l'artiste  de  la  vérité,  né  h  Paros  vers  460  av.  J.-C. 

(4)  Je  ne  veux  pas  me  laisser  captiver  maintenant  par  la  vaste  structure  du 
temple,  ni  retenir  par  le  grand  autel,  ni  par  l'image  du  Christ  attaché  à  la  croix 


—  65  — 

Souffron  ne  devait  pas  contribuer  seulement  à  Tembellis- 
sement  du  collège,  il  devait  trouver  place  aussi  parmi  les 
bienfaiteurs  de  la  maison.  Nous  avons  rencontré^  en  faisant 
quelques  recherches  aux  archives  de  THôtel -de- Ville  d'Auch, 
la  note  suivante  : 

M.  Souffron  architecte  fit  travailler  à  ses  fraix  les  peintures  de 
réglise  (1)  et  de  la  basse  cour,  qui  ont  esté  estimées  2,000  livres,  et 
donna  en  argent  20  livres  et  offrit  un  grand  cierge  de  cire  blanche,  et 
sa  fille  mariée  à  M.  Nogaro  donna  une  nappe  de  dix  pans  de  longueur 
et  de  six  de  Jarge  avec  un  devant  d'autel  de  damas  violet  (2). 

C'est  probablement  ici  le  moment  de  parler  des  bâtiments 
de  Garaison.  On  connaît  les  circonstances  qui  amenèrent  au 
commencement  du  xvi*  siècle  la  fondation  de  cette  chapelle  si 
célèbre  dans  notre  pays,  et  qui  contribua  si  puissamment  à 
y  augmenter  la  dévotion  à  la  Vierge  pendant  les  deux  siècles 
suivants.  Pierre  Geoffroy,  chapelain  (3),  chargea  Souffron 
d'édifier  le  sanctuaire  de  la  Vierge.  A  quelle  époque?  nous 
n'avons  pas  de  date  précise,  mais  tout  nous  porte  à  croire 
que  ce  fut  entre  1630  et  1635,  époque  de  la  mort  de  Pierre 
Geoffroy  (4). 

A  peu  près  vers  le  même  temps  Souffron  aurait,  paralt-il, 
fait  élever  Péglise  des  religieuses  carmélites,  récemment  instal- 
Jées  à  Auch.  La  grande  fortune  qu'apportèrent  les  dames  Le 
Mazuyer  en  entrant  en  religion  servit  à  la  construction  de 
la  chapelle  du  couvent,  P.  Lafforgue  attribue  à  notre  artiste 

ni  par  le  mausolée  qu'un  autre  Scopas  t'a  sculpté  ici,  6  Christ  1  Vous  verrez 
deux  images  dorées,  éblouissantes  de  lumière,  à  droite  notre  père  Ignace,  à  gau- 
che le  navarrais  Xavier,  garder  les  deux  flancs  de  Tautel  et  regarder  au  milieu 
le  tabernacle  qui  renferme  le  Christ  caché  sous  l'espèce  du  pain,  tabernacle  sou- 
tenu par  cent  statues  et  tout  brillant  d'or. 

(1)  Ces  peintures  furent  exécutées  par  le  peintre  Desalingues. 

(2)  Fonds  du  collège,  aux  Archives  de  l'Hôtel-de- Ville.  Liber  benqfactorum, 
p.  2  V. 

(3)  Pierre  Geoffroy,  curé  de  Montléon,  fut  le  fondateur  de  ce  dévot  établisse- 
ment en  1625.  Il  mourut  en  odeur  de  sainteté.  Voir  dom  Brugèles,  Chron.  du 
dioc.  d'Auch,  p.  399. 

(4)  Abbé  Cazauran,  Berceau  des  PP,  de  iV.-D.  de  Lourdes  ou  N,-D,  do  Garai- 
son,  p.  97. 


-j 


l-    I 


—  e«  — 

la  porte  et  même  la  chapelle  tout  entière,  aujourd'hui  Biblio* 
thëque  municipale. 

Après  avoir  terminé  ses  travaux  dans  la  ville  d'Auch,  ity  a 
tout  lieu  de  croire  que  Souffron  entreprit  dans  la  province  de 
nouvelles  constructions.  C'était  le  moment  où,  après  les  der- 
nières victoires  de  Richelieu,  la  France  renaissait  de  ses  ruines 
et  les  relevait.  La  vie  nouvelle  que  Tapaisement  religieux  et 
.politique  imposait  à  nos  gentilshommes  de  province  fut  Tocca- 
sion  d'une  transformation  qui  s'opéra  dans  les  demeures  sei- 
gneuriales. Les  vieilles  forteresses  devenues  inutiles  se  trans- 
formèrent en  élégants  châteaux,  en  maisons  de  plaisance. 
Nous  citerons  comme  type  de  cette  transformation  dans  notre 
pays  le  magnifique  château  de  Caumont,  Tune  des  nom- 
breuses résidences  du  duc  d'Epernon.  Peut-être  faut-il  attri- 
buer à  Souffron  la  restauration  de  ce  château.  Ses  anciennes 
relations  avec  le  châtelain  de  Cadillac,  ajoutées  à  certains 
détails  d'architecture  rappelant  le  goût  de  notre  artiste,  ren- 
dent cette  conjecture  assez  probable. 

Nous  savons  peu  de  chose  des  dernières  années  de  Souf- 
fron. Nous  ne  pouvons  que  signaler  la  mort  de  sa  femme  (4) 
en  août  1642,  et  sa  présence  en  juin  1644  au  mariage  d'un 
nommé  Pierre  Nogaro,  peut-être  son  petit-fils  :  il  signe  l'acte 
avec  les  parents  (2). 

Ce  sont  les  dernières  pièces  que  nous  avons  pu  trouver 
ayant  trait  à  Souffron.  La  date  et  le  lieu  de  sa  mort  sont 

(1)  Registres  paroissiaux  de  Sainte-Marie.  Série  G  G  1.  Arch.  de  THôtel-de- 
Ville.  «  Le  21  aoust  1642  est  morte  mademoiselle  Barthélémy e  de  Rouède, 
femme  à  M.  Souffron,  M*  Architecte,  entre  sept  et  huit  heures  du  matin,  et  fut 
ensevehe  le  lendemain  22'  après  la  messe  grande  dans  la  présente  église,  tout 
contre  le  pilier  où  sont  les  orgues.  Les  messieurs  du  chapitre  y  assistoient. 
M.  Bernard  de  Vacquier  precenteur  faisant  Toffice.  Anima  ejus  requiescat  in 
pace.  Amen,  —  Roques  p'"  et  v".  » 

(2)  Id.  Série  G  G  2.  «  Le  27*  juin  1644  ont  espousé  de  parolle  de  pnt  M'  Pierre 
de  Noguaro,  de  la  pnt  paroisse  et  Dam*"*  Marie  de  Chanaille  dans  la  maison  de 
M'  Chanaille,  la  cérémonie  a  esté  faicte  par  M'  Estienne  d'Aignan,  vie*  gàl  de 
monseig'  Tarchevesque,  en  près,  de  M'  de  Chanaille  père  grand,  Estienne  Cha- 
naille père  de  la  c*,  Pierre  Souffron,  Jacques  Prunières,  Aignan  s'  du  Sendat 
et  beaucoup  d'autres  parents.  » 


—  67  — 

inconnus.  Asclafer,  dans  son  livre  de  raison^  a  inscrit^  près 
des  noms  des  consuls  ses  contemporains,  la  date  de  leur  mort; 
quelques-unes  manquent,  entre  autres  celle  de  Souffron,  qui 
peut-être  lui  a  survécu.  Il  mourut  très  âgé,  puisque  déjà  en 
1594  il  était  architecte  de  la  ville  d'Auch. 

Telles  sont  les  quelques  notes  qu'il  nous  est  permis  de 
publier  sur  cet  artiste  (1).  Appartient-il,  comme  on  le  dit,  à 
récole  italienne?  Evidemment  son  œuvre  se  ressent  de  cette 
renaissance  italienne  qui  a  eu  une  si  grande  influence  sur 
Tarchitecture  française  de  la  fin  du  xvi*  et  du  commencement 
du  xvn*  siècle.  Elle  conserve  néanmoins  un  cachet  d'origi- 
nalité qui  accuse  chez  notre  artiste  de  la  spontanéité  et  une 
certaine  indépendance  à  Tégard  des  principes  et  des  formes 
de  Part  italien. 

Si  la  ville  d'Auch  ne  peut  pas  avec  certitude  se  flatter 
d'avoir  donné  le  jour  à  Soufîron,  elle  doit  le  revendiquer 
comme  un  de  ses  plus  habiles  architectes  et  un  de  ses  meil- 
leurs magistrats.  A  ce  double  titre  nous  devions  essayer  d'ar- 
racher à  Toubli  son  nom  trop  longtemps  ignoré.  Il  termine 
dignement  la  série  de  ces  artistes  qui  accomplirent  chez  nous 
de  si  beaux  travaux  au  xvf  et  au  commencement  du  xvn*  siè- 
cle, et  qui  donnèrent  à  notre  pays  une  part  notable  dans  cette 
grande  période  de  Part  français. 

Charles  PALANQUE. 


(1)  On  retrouve  avec  lui  les  noms  d'autres  «  maistres  massons  »,  comme  on 
disait  au  xvi'  siècle,  qui  furent  non  pas  ses  égaux  mais  ses  émules.  M.  Braque- 
haye  cite,  entre  beaucoup  d'autres,  Bernard  Despéche,  de  Pavie,  qui  travailla 
avec  Souflron  à  Cadillac. 


MARINS  BASQUES  &  BEARNAIS 

ESQUISSES  BIOGRAPHIQUES 


II 

MM.  DE  CHARRITTE  ''' 


LOUIS,  Comte  de  CHARRITTE, 
Vice-amiral,  grand-croix  de  P ordre  de  Sainl- Louis. 

A  dix-sept  ans  (2),  il  faisait  sa  première  campagne,  comme 
garde  de  la  marine,  à  bord  du  Saint- Laurent,  magnifique 
vaisseau  de  64  commandé  par  M.  de  Beaufremont.  Succes- 
sivement embarqué  sur  te  Conquérant,  le  Protliée^  VEme- 
raude,  le  Palmier,  le  Défenseur,  le  Formidable^  le  Courageux, 
r Eveillé,  le  Brillant,  le  Solitaire  et  te  Triton,  le  jeune  de  Char- 
rille  était  promu  enseigne  de  vaisseau  en  1755,  lieutenant  en 
i763  et  capitaine  en  1777.  A  ce  moment,  il  comptait  déjà 
cent  deux  mois  de  service  effectif  sur  mer.  Les  Archives  de  la 
marine  (dossier  Charritte)  possèdent  plusieurs  de  ses  rapports, 
datés  du  bord  de  la  corvette  V Hirondelle,  qu'il  commanda  de 
1771  à  1775.  Ces  documents,  fort  savamment  rédigés,  con- 
tiennent les  résultats  des  différentes  missions  qui  lui  furent 
confiées  :  levée  de  plan  de  la  rade  du  Port-au-Prince;  expé- 

(1)  Voir  au  numéro  précédent,  p.  21. 

(2)  Extrait  des  Registres  de  Véglise  de  Sainte-Catherine  de  Susmion  et 
Castelnau  :  «  L'an  mille  sept  cent  trente  trois  et  le  premier  novembre,  est  né 
»  Charles  Charritte,  de  Castelnau,  fils  légitime  de  François  Charritte  et  de  Mar- 
»  guérite  Dandoins,  dudit  Castelnau,  et  fut  baptisé  le  même  jour  dans  l'église  de 
»  Susmion.  Ses  parrain  et  marraine  :  Charles-François  et  Marie-Louise  Charritte, 
»  frère  et  sœur,  du  même  lieu  de  Castelnau.  (Signé)  Duboy,  curé.  —  Pour 
»  ewtrait  conforme  à  l'original,  eau/ les  qualités  féodales  qui  ont  été  supprir 
»  mées  :  A  Susmion,  le  5  frimaire  an  xi  de  la  République  française.  (Signé) 
»  Lageyre,  maire.  » 


—  69  — 

ditioû  secrète  à  Saint-Marc  et  à  Saint-Nicolas;  sondage  de  la 
rade  du  Cap;  examen  attentif  de  la  flotte  anglaise  et  de  la 
nourriture  que^  sous  le  climat  meurtrier  des  Antilles,  cette 
nation  accordait  aux  hommes  composant  l'équipage  de  ses 
vaisseaux,  etc. 

Capitaine  de  haut  bord  dans  la  flotte  placée  sous  les  ordres 
du  comte  de  Grasse,  M.  de  Charritte  fit  avec  lui  la  guerre  de 
r indépendance  d'Amérique. 

En  1784,  —  écrit  notre  futur  amiral  (1),  —  je  fus  fait  brigadier,  et 
le  lendemain  chef  d'escadre,  à  raison  des  combats  auxquels  je  pris  part, 
commandant  la  Bourgogne,  que  j'avois  fait  peindre  en  noir;  ce  vais- 
seau se  fît  teUement  remarquer  des  Anglois  qu*ils  ne  m'appeloient  plus 
que  le  capitaine  du  Vaisseau  noir.  A  Chesapeak,  les  Anglois  s'étant 
présentés  devant  la  baie,  nous  en  sortîmes  avec  le  signal  de  former  la 
ligne  de  vitesse,  Messieurs  d'Albert  (2),  de  Castellanne  (3)  et  moi.  Nous 
nous  trouvâmes  bientôt  à  la  tête  et  fûmes  combattus  par  sept  navires 
anglois  pendant  ime  heure  avant  que  nos  autres  vaisseaux  nous  vins- 
sent rejoindre,  ce  qui,  d'après  le  compte  qu'en  rendit  au  roi  M.  le  comte 
de  Grasse,  procura  une  pension  de  douze  cents  livres  à  M.  d'Albert,  et  de 
mille  livres  pour  M.  de  Castellanne  et  moi.  Après  la  prise  de  Yorcktown, 
nous  nous  rendîmes  à  la  Martinique  où  nous  eûmes,  les  10  et  12  avril 
1782,  ces  deux  célèbres  batailles  dans  lesquelles,  après  avoir  eu 
l'avantage  dans  le  premier  combat,  nous  fûmes  battus  dans  le  second  (4). 


(1)  Lettre  datée  de  Tours  le  16  juin  1814  et  adressée  au  ministre  (Archives  de 
la  marine,  dossier  Charritte). 

(2)  François  Hector,  comte  d'Albert  de  Rions,  né  à  Avignon  en  1788.  Monté 
sur  le  Pluton,  il  se  distingua  par  le  secours,  inutile  d'ailleurs,  qu'il  porta  au  comte 
de  Grasse,  lors  du  combat  des  Saintes  (12  avril  1782).  Chef  d'escadre  en  1784, 
directeur  général  du  port  de  Toulon,  commandeur  de  Saint-Louis  en  1788,  con. 
tre-amiral  en  1792,  le  comte  d'Albert  mourut  le  3  octobre  1802. 

(3)  Louis  de  Castellanne-Majastre,  alors  capitaine  de  vaisseau,  mort  chef  d'es. 
cadre.  U  devait  lui  aussi  prendre  une  part  glorieuse  à  la  journée  des  Saintes. 

(4)  Cette  bataille  de  la  Dominique  ou  des  Saintes  fut  surtout  meurtrière  pour 
les  Français^  qui  perdirent  trois  mille  hommes,  c'estrà-dire  les  deux  tiers  déplus 
que  l'ennemi.  Six  commandants  furent  tués  :  ce  furent  MM.  Des  Cars,  du  Pavil- 
lon, de  la  Clocheterie,  de  Marigny,  La  Vicomte  et  de  Saint- Césaire.  Sur  les  cinq 
vaisseaux  capturés  par  les  Anglais,  trois  seulement  purent  être  ramenés  ;  les 
deux  autres  coulèrent  bas  dans  la  soirée. 

Nous  aurons  occasion  de  raconter  plus  longuement  quelques  incidents  de  ce 
mémorable  combat,  où  deux  autres  Béarnais,  que  nous  étudierons  à  leur  tour» 
jouèrent  un  grand  rôle  :  le  baron  d'Arros  d'Argelos,  matelot  de  l'amiral  en  chef, 
et  l'enseigne  de  Labay-Viella, 

Tome  XXX.  6 


—  70  — 

L'escadre  de  Tamiral  Bougainville  (1)  se  trouvant  sous  le  vent, 
ainsi  que  plusieurs  autres,  je  me  trouvois  matelot  d*aoant  du  géné- 
ral de  Grasse,  qui,  au  coucher  du  soleil,  me  donna  Tordre  d'aller 
joindre  M.  de  Vaudreuil  (2),  pour  lui  dire  que  son  vaisseau  se  trouvant 
entièrement  démonté  et  faisant  eau  de  toutes  parts,  il  se  trouvait  forcé 
de  se  rendre  (3).  Je  me  dirigeai,  à  travers  la  flotte  ennemie,  vers  M.  de 
Vaudreuil  et  lui  fis  part  de  ce  que  M.  de  Grasse  mavoit  dit.  Celui-ci 
fit  alors  route  pour  se  rendre  au  Cap,  où  nous  arrivâmes  sans  être 
poursuivis. 

La  belle  conduite  de  M.  de  Charritte  provoqua^  aussi  bien 
en  France  qu'à  Tétranger,  une  vive  explosion  d'admiration. 
Les  Etats  de  Bourgogne,  qui  avaient  offert  a  Louis  XV  le  vais- 
seau commandé  par  notre  Béarnais,  se  réunirent  en  séance 
générale  et  votèrent  au  brave  capitaine  des  remerciments 
enthousiastes. 


Extrait  des  Registres  des  Décrets  des  Etats  généraux  de 

Bourgogne. 

Du  vendredi  6  août  1784  (du  matin). 

Sur  ce  qu'il  a  été  observé  aux  Etats  Généraux  que  M.  le  chevalier  de 
Charritte,  capitaine  des  vaisseaux  du  Roy,  avoit,  pendant  la  dernière 

(1)  Louis-Antoine  de  Bougainville,  chef  d'escadre,  commandant  la  troisième 
division  de  la  flotte. 

(2)  Lorsque  la  flotte  anglaise,  composée  des  escadres  de   l'amiral  Rodney  e 
du  vice-amiral  Hood,  eut,  par  une  manœuvre  hardie,  réussi  i\  couper  la  lign 
des  vaisseaux  français,  le  marquis  de  Vaudreuil,  qui  se  trouvait  à  l'avant,  fi® 
signal  à  toute  l'armée  d'arriver  à  sa  suite  :  presque  aussitôt  la  bataille  s'engageait 
Après  le  combat,  MM.  de  Bougainville  et  de  \'audreuil  rallièrent  la  flotte:  le 
premier  se  dirigea  vers  Saint-liustache  avec  les  navires  qui  avaient  le  plus 
besoin  de  réparation  ;  le  second  fit  voile  avec  les  autres  vers  Saint-Domingue.  A 
peine  arrivé,  le  marquis  de  Vaudreuil  adressait  un  rapport  détaillé  au  ministre 
de  la  marine. 

(3)  Le  comte  de  Grasse  montait  la  Ville  do  Paris.  L'effort  principal  des  Anglais 
»e  porta  sur  ce  malheureux  vaisseau;  plus  de  400  canons  le  foudroient  à  la  fois 
de  leurs  leux  combinés.  Vainement  le  Triomphant,  le  Platon,  l'Hercule,  le 
Céaar  et  l'Hector  viennent  se  sacrifier  pour  leur  amiral.  Attaqué  à  l'arrière  et 
des  deux  bords,  ayant  ses  munitions  épuisées  et  à  peine  trois  hommes  valides, 
l'amiral  compris,  la  Ville  de  Paris  cosse  toute  résistance,  après  douze  heures  de 
combat.  «  Ooyant  avoir  assez  fait  pour  l'honneur,  le  comte  de  Grasse  se  rendit 
»  au  coucher  du  soleil.  //  donna  ainsi  le  premier  exemple  d'un  amiral  français 
»  accomplissant  ce  triste  acte  de  soumission.  »  (Rapport  du  marquis  de  Vau- 
dreuil). 


-  71  — 

campagne^  commandé  le  vaisseau  la  Bourgogne  avec  la  plus  grande 
distinction;  que  pendant  la  journée  du  12  avril  1782,  il  avoit  déployé 
la  plus  haute  valeur  et  les  manœuvres  les  plus  savantes,  ayant  cons- 
tamment couvert  de  son  feu  plusieurs  des  vaisseaux  du  Roy  et  n'ayant 
quitté  le  combat  qu'à  la  nuit;  que  sa  conduite  avoit  inspiré  tant  d*estime 
et  d'admiration  aux  amiraux  anglois,  les  lords  Rodney  et  Hood,  et  à 
tous  les  officiers  de  Tarmée  ennemie,  qu'ils  avoient  expressément  char- 
gé un  officier  françois,  fait  prisonnier  dans  cette  journée,  d'aller  porter 
leurs  compliments  au  braoe  capitaine  du  vaisseau  noir^  ne  connois- 
sant  encore  que  la  bonne  conduite  de  M.  le  chevalier  de  Charritte  et 
ignorant  son  nom  et  celui  du  vaisseau  ;  que  ces  compliments  flatteurs 
lui  avoient  été  faits  au  Cap  François,  chez  M.  de  Bellecombe,  gouver- 
neur de  Saint-Domingue,  en  présence  des  officiers  de  terre  et  de  mer 
des  armées  £rançoises  et  espagnoles;  que  cet  hommage  honorable  et  le 
suffrage  de  l'armée  angloise  avoient  été  consignés  dans  la  Gazette  de 
la  Jamaïque,  en  date  du  mois  de  mai  de  la  même  année; 

Les  Etats  ont  décidé  de  charger  Messieurs  les  élus  de  faire  leurs 
compliments  à  M.  le  chevalier  de  Charritte  pour  la  gloire  que  le  vais- 
seau la  Bourgogne  a  acquise  sous  ses  ordres. 

Fait  et  arrêté  en  l'assemblée  des  Etats  Généraux  des  Bourgogne,  à 
Dijon,  le  6  août  1784. 

Signé  :  T.  Y.  A.,  év.  d'Autun, 
le  vicomte  de  Virieu, 
et  Bernard  de  Chanteau,  secrétaire  en  chef  desdits  Etats  (1). 

En  1790,  M.  de  Charritte  obtint  lalieutenance  générale  de 
la  seconde  escadre^  placée  sous  les  ordres  immédiats  de 
M.  d'Albert.  Mais  sa  mauvaise  santé  l'obligea  bientôt  à  rési- 
gner ces  fondions,  de  même  que  celles  de  directeur  général 
du  port  de  Rocbefort,  auxquelles  il  fut  appelé  en  1792.  Choisi 
par  le  Directoire  pour  faire  partie  du  Conseil  supérieur  de 
marine,  établi  à  Paris  en  l'an  vi,  il  remplit  ce  poste  «  avec 
9  tout  le  zèle  que  Ton  peut  attendre  d'un  citoyen  dévoué  à 
»  sa  patrie  (2).  »  Mis  depuis  en  disponibilité,  avec  suppres- 
sion entière  de  traitement,  M.  de  Charritte,  à  qui  également 


(1)  Archives  de  la  marine  ;  dossier  Charritte. 

(2)  Ibld. 


.    —  72  — 

on  avait  saisi  toutes  ses  propriétés  de  Saint-Domingue,  n'ob- 
tint une  pension  de  trois  mille  francs  qu'à  Tavènement  au 
trône  de  Napoléon  V\  Fixé  alors  sur  une  terre  sise  en  Tou- 
raine,  il  continua  de  vivre  dans  cette  retraite  jusqu'en  1844; 
à  cette  époque  il  fut  nommé  membre  de  la  députation  du 
collège  électoral  d'Indre-et-Loire,  et  peu  après  Louis  XVIII 
lui  délivrait  les  brevets  de  vice-amiral  et  de  grand'croix  de 
Saint-Louis. 

M.  de  Gharritte  devait  jouir  peu  de  temps  de  cette  double 
récompense.  Il  mourut  au  mois  de  janvier  1816.  Sa  fille  uni- 
que était  alors  mariée  au  comte  de  Puységur,  fils  d'un  des 
anciens  camarades  d'armes  du  valeureux  commandant  de 
la  Bourgogne  (1). 


A.  COMMUNAY. 


QUESTION 


252.  Sur  le  lieu  de  naissince  dn  D*  Cabiran. 

La  notice,  ou  plutôt  la  série  de  notices,  publiée  par  feu  M.  Gatien- 
Arnoult,  dans  les  Mémoires  de  l'Académie  des  sciences,  inscriptions  et 
belles-lettres  de  Toulouse  de  1880  (1"  semestre),  sous  ce  titre  :  Les  Fau- 
teuils de  l* Académie  (p.  34),  renferme  plusieurs  noms  d'académiciens 
qui  appartiennent  à  la  Gascogne.  Sur  l'un  d'eux,  une  question  se  présente 
tout  d'abord,  que  je  veux  porter  aux  lecteurs  de  cette  Revue,  Le  D'  Nicolas 
Cabiran  (1759-1 839),  médecin  estimé,  membre  de  plusieurs  sociétés  savantes 
de  Toulouse,  est  dit,  par  M.  Gatien-Arnoult  (p.  6),  né  «  à  Armagnac,  en 
Gascogne  (aujourd'hui  dans  le  département  du  Gers),  d'une  famille  plus 
honorable  que  fortunée...  »  Le  lieu  d* Armagnac  (Gers)  doit  aller  rejoindre 
dans  la  géographie  imaginaire  celui  de  Cassagnac  (Gers),  où  tant  de  bio- 
graphes ont  fait  naître  l'historien  des  Causes  de  la  Résolution  française. 

Mais  quel  est  donc  le  vrai  lieu  de  naissance  du  D'  Cabiran? 

J.  B. 

(1)  I^  branche  de  Casamajor  de  Gharritte  subsiste  encore  en  Béarn  ;  elle  a 
pour  représeatant  Charles-François-Bomard,  marquis  de  Gharritte,  ancien  con- 
seiller à  la  cour  d'appel  de  Pau,  chevalier  de  la  légion  d'honneur.  Son  frère  cadet, 
Charles- Victor,  était  lieutenant  de  vaisseau  et  chevalier  de  la  légion  d'honneur, 
lorsqu'il  mourut,  à  bord  du  Magellan,  le  26  juillet  1848. 


ÉGLISES  ET  PAROISSES 

D'ARMAaNÂC,   EAUZAN,  QABARDAN  ET  ALBRET 

D'APRÈS  UNE  ESNQUÊTE  DE  1548  (') 


IV 

V  Enquête  à  Pouydragitin,  Termes,  Sarragachies,  Isotges,  La 
Leugtie,  JUaiitichore,  Arparens,  Mauriel,  Caumonl,  Tarsac 
et  Riscle. 

Les  pages  qui  précèdent,  écrites  d'après  le  plan  adopté  par 
le  rédacteur  du  Procès-Verbal ,  ont  fait  voir  les  divers  détours 
et  les  procédures  variées  de  la  commission  dans  son  enquête. 
On  a  pu  suivre  ainsi  jour  par  jour  et  pas  à  pas  M*  Arnaud 
Claverie  et  ses  compagnons.  Il  était  en  effet,  sinon  nécessaire, 
du  moins  assez  intéressant,  croyons-nous,  de  connaître  au 
milieu  de  quelles  formalités  et  dans  quel  ordre  se  déroula 
Tenquéte.  Mais,  ce  point  accordé  aux  curieux,  comme  d'ail- 
leurs rien  ne  ressemble  plus  à  la  suile  et  au  terme  de  Ten- 
quéte  que  son  commencement,  au  moins  quant  à  la  marche 
suivie,  nous  arrêterons  ici  ce  résumé  qui  s'est  astreint  à  repro-  ' 
duire  le  plus  fidèlement  possible  notre  manuscrit  dans  ses 
développements  successifs.  Poursuivre  ainsi  ce  travail,  enche- 
vêtrer les  visites  d'églises  et  les  audiences  des  fabriciens  en 
les  coupant  de  faits  étrangers  aux  paroisses  en  vue,  serait, 
nous  semble-t-il,  nuire  a  la  clarté  et  peut-être  à  l'intérêt  du 
récit.  Aussi  nous  attacherons-nous  désormains  à  grouper 
simplement,  sous  le  nom  de  chaque  paroisse,  les  renseigne- 
ments donnés  par  notre  Procès-Verbal.  Parla  sera  évitée  toute 
apparence  de  confusion;  sans  compter  que  les  recherches, 
pour  ceux  qui  auraient  le  désir  ou  le  besoin  de  les  tenter  et 

(•)  Voir  au  tome  précédent,  livraison  de  décembre,  p.  537. 


—  74  — 

la  patience  de  les  faire,  deviendront  beaucoup  plus  faciles. 
Le  vendredi  19  novembre,  nos  commissaires  s'éloignèrent 
du  Camp  et  allèrent  dîner  à  Termes  (1),  en  la  maison  d'Ar- 
naud de  Lamaison,  où  ils  s'installèrent.  Tout  en  cheminant 
vers  Termes,  ils  avaient  trouvé  sur  leur  route  l'église  Saint- 
Césaire  de  Pouydraguin,  qu'ils  visitèrent  (2).  Ils  nous  la  dépei- 
gnent «  duement  bastie,  voultée  de  bois,  avec  force  pinctures 
autour  de  la  dicte  esglise.  •  Convoqués  à  Termes  pour  le  jour 
même,  Guiraud  Coudyer,  fabricien,  Guillaume  Sabalhier  et 
Sanfeux  de  la  Pomaréde,  consuls  de  Pouydraguin,  comparais- 
sent devant  la  commission.  Cette  année  ils  ont  recueilli  6 

(1)  Termes,  ancienne  paroisse  de  Tarchidiaconé  d'Armagnac,  Ecclesia  do 
Terminis,  sur  les  hauteurs  dominant  la  live  droite  de  TAdour.  On  sait  que  la 
seigneurie  de  Termes  appartint  pendant  de  longs  siècles  à  une  branche  cadette 
de  la  Maison  d'Armagnac  dont  feu  M.  Paul  La  Plagne-Barris  a  établi  la  généa- 
logie dans  le  premier  volume  des  Sceaux  gasconSy  p.  132  et  suiv.  Le  vieux  châ- 
teau des  seigneurs  de  Termes  existe  encore  en  partie.  C'est  surtout  depuis  une 
trentaine  d'années  que  les  ruines  s'y  sont  multipliées,  à  la  suite  d'un  fait  dont 
l'histoire  semblerait  empruntée  à  quelque  conte  des  Mille  et  une  Nuits,  si  des 
témoins  des  plus  respectables  n'étaient  encore  là  pour  l'attester.  Il  ne  s'agit  de 
rien  moins  que  d'un  trésor  considérable  qui,  étant  tombé  par  héritage  entre  les 
mains  du  propriétaire  du  vieux  castel  vers  1850,  fut  alors  enfoui  par  lui  dans 
quelque  cachette  de  ces  murs  antiques.  Or,  cette  cachette  est  toujours  restée 
inconnue;  notre  Harpagon,  qui  allait  souvent  se  repaitre  de  la  vue  de  sa  pré- 
cieuse cassette,  mourut,  emportant  son  secret  dans  la  tombe  et  au  moment 
même  où,  décidé  par  un  médecin  de  ses  amis,  il  allait  lui  montrer  l'endroit  où 
reposait  le  fameux  trésor.  Ses  héritiers  démolirent,  fouillèrent  et  retournèrent 
en  tous  sens  la  plus  grande  partie  du  château,  et  toujours  l'or  tant  cherché  est 
resté  introuvable.  On  assurait  naguère  que  les  recherches,  et  par  conséquent  les 
démolitions,  doivent  se  poursuivre  durant  cet  été.  Actuellement,  il  ne  reste  plus 
debout  que  quelques  murs  et  le  donjon  féodal,  dominant  au  loin  la  plaine  de 
l'Adour. 

(2)  Pouydraguin,  paroisse  de  l'archidiaconô  d'Armagnac;  les  Pouillés  du 
moyen  âge  la  désignent  sous  ces  deux  noms  :  Ecclesia  de  Artlieyas,  aliaa  de 
Podio  Draguino.  Dans  un  acte  du  10  mai  1553  (Etude  Castay,  à  Gondrin)  on 
trouve  que  M.  Bernard  du  Castaing,  «  prestrede  l^nnepax  »  et  recteur  de  Pouy- 
draguin, résigne  la  cure  «  de  l'esglise  parrochielle  de  Monsieur  Sainct  Cezère 
d'Artigues  dudit  lieu  de  Pouydraguin  avec  son  annexe  de  Monsieur  Sainct 
Barthélémy  de  Crotte,  en  faveur  de  M"  Jean  Sabathier,  prestre  dudit  Pouydra- 
guin. »  L'église  de  Croûte,  Ecclesia  de  Crota»  aujourd'hui  paroisse  du  doyenné 
de  Plaisance,  possède,  dit  une  tradition  du  pays,  sous  son  chevet,  une  crypte  où 
reposent  les  restes  d'un  missionnaire  du  temps  de  la  première  prédication  de  la 
foi  en  ces  contrées.  Un  fait  certain,  c'est  qu'en  frappant  le  sol  du  sanctuaire,  on 
obtient  des  résonnances  qui  permettant  de  croire  à  l'existence  de  cavités  sous 
le  sanctuaire.  Le  nom  môme  de  Croûte  (crupta,  crypta)  vient  à  l'appui  de  cette 
croyance.  Quant  à  l'église  de  Pouydraguin,  elle  est  actuellement  à  peu  près 
dans  l'état  de  1546;  elle  a  toujours  sa  voûte  de  bois;  mais  les  peintures  oiit 
presque  toutes  disparu. 


—  75  — 

pipols  de  vin,  1  sac  froment,  1  sac  mesture,  4  quarts  de  mil, 
et  30  fagots  de  lin.  «  Et  n'ont  point  aultre  chose,  hors  l'ar- 
gent du  bassin,  qui  est  de  petite  valleur.  »  Toute  la  cueillette 
a  été  vendue,  sauf  le  mil  et  le  lin,  moyennant  7  ëcus  petits, 
desquels  ils  ont  acheté  à  Bernard  Deberl  une  chape  qui  leur  a 
coûté  6  écus.  Il  leur  restait  donc  le  septième  écu  avec  le  mil 
et  le  lin  pour  tout  trésor.  Ils  offrirent  cependant  de  donner  au 
collège  sur  ces  légers  restes  4  l.  15  s.  ;  ce  qui  fut  accepté,  et 
on  leur  laissa  le  demeurant  pour  leur  église.  Ils  durent  néan- 
moins verser  8  sols  pour  obvier  aux  frais  et  dépens  de  la 
commission. 

On  visita  ensuite  l'église  paroissiale  Saint-Pierre  de  Termes, 
qui  fut  trouvée  «  bien  et  honorablement  baslie.  »  Le  curé  de 
Termes,  M*  Raymond  Payssé,  dit  «  n'y  avoir  pour  lors  besoing 
d'aucune  réparation,  fors  de  faire  quelques  bancs  grossiers 
pour  les  parrochiens  d'icelle  quy  ne  pourroient  couster  plus 
hault  de  huict  à  neuf  livres  tournois  (1).  »  Les  fabriciens  du 
lieu  s'étaient  empressés  de  fuir  leurs  habitations  pour  n'avoir 
pas  à  répondre.  Avant  de  quitter  Termes,  la  Commission  fait 
porter  chez  eux  des  assignations  à  comparaître  le  lendemain 
à  Sarragachies,  où  elle  alla  s'établir  dans  la  soirée  chez  Ber- 
nard Duporté.  L'un  d'eux,  Arnaud  de  La  Maison,  se  rendit  à 
la  convocation,  accompagné  de  son  curé.  Il  déclara  que  le 
revenu  annuel  de  la  fabrique  était  de  30  à  35  sous  petits; 
cette  année  ils  en  ont  eu  34,  «  desquels  ils  ont  délibéré  ache- 
ter certains  bois  pour  faire  les  sièges  nécessaires  en  ladite 
esglise  pour  les  parrochiens  d'icelle.  »  Mais  les  procureurs  se 
déchaînent  contre  cette  prétention  de  faire]ces  bancs  avec  l'ar- 
gent de  la  fabrique.  «  Sy,  disent-ils,  lesdits  habitans  veulent 
sièges,  que  lesdits  fassent  à  leurs  despans,  et  non  aux  des- 
pans de  ladite  fabrique.  »  Le  prononcé  du  jugement  fut  ren- 

(1)  I/égîise  de  Termes,  toute  voisine  de  l'antique  castel,  a  été  presque  entiè- 
rement renouvelée,  il  y  a  vingt  ans  environ;  à  cette  époque  elle  était  fort 
délabrée.  Quant  aux  vienx  bancs  de  chêne  de  1546,  il  n'en  reste  aucune  trace. 


—  76  — 

Yoyè  au  lendemain  :  nos  infortunés  Termois  y  perdirent  leurs 
sièges.  Ils  se  virent,  en  effet,  condamnés  à  appliquer  au  col- 
lège non  seulement  tous  les  fruits  décimaux  de  la  fabrique, 
mais  encore  les  deux  tiers  de  ses  créances,  faisant  un  lotal  de 
1301.  56  s.  Parmi  ces  créances  nous  citerons  celle  de  «  noble 
Anne  d'Armagnac  (1),  damoizelle  de  Termes  »,  qui  s'élevait 
à  la  somme  de  119  écus  petits  15  s.  1/2,  et  celle  de  Messires 
Pierre  et  Arnaud  de  Maulx,  dont  le  montant  était  de  5  écus 
petits,  5  s.  et  5  liards. 

Le  lendemain,  samedi  20  novembre,  le  sergent  de  la  com- 
mission courut  de  très  bonne  heure  instrumenter  à  La  Lon- 
gue, Mauriet,  Isotges,  Maulicherre  et  Arparens.  La  veille  au 
soir,  après  leur  souper,  nos  magistrats  avaient  tenu  une 
audience  de  nuit  pour  entendre  Bernard  de  Sallabits,  fabri- 
cieu  de  Téglise  Saint-Barthélémy  de  Sarragachies,  et  Bernard 
de  La  Fontan,  consul  dudit  lieu.  Ceux-ci  exposèrent  qu'ils 
avaient  coutume  de  rendre  compte  de  la  gestion  d2s  fruits  de 
la  fabrique  chaque  année,  par-devant  le  clavaire  d'Armagnac 
à  Nogaro.  Or,  en  ce  moment,  ils  ont  l'intention  de  recons- 
truire le  clocher  de  1  église  «  qui  est  trop  petit»  et  comptent 
consacrer  à  ce  travail  les  produits  de  cinq  années.  Us  ont 
aussi  acheté  une  cloche,  qu'ils  ont  payée  avec  le  revenu  de 
l'année  passée,  lequel  a  été  de  56  écus  petits.  A  la  vérité,  les 
fruits  décimaux  de  l'année  présente  sont  encore  en  leur  pou- 
voir. Mais,  comme  on  les  a  mêlés  avec  ceux  de  Parchevêque 
d'Auch  (2)  et  du  curé  de  Sarragachies  et  que,  sur  l'ensemble 
ainsi  formé,  la  fabrique  tire,  pour  sa  part,  «  de  seize  neuf», 
il  leur  restera  15  sacs  froment,  10  sacs  mesture,  10  sacs 
milhet,  une  pippe  (5)  de  vin  pur,  et  8  fagots  de  lin;  ce  qui 

(1)  La  généalogie,  citée  plus  haut,  des  Armagnac-Termes,  s'arrête  à  Anne 
d'Armagnac,  mariée  en  1501  à  Jean  de  Bilhères-Camicas;  il  est  probable  que 
notre  «  damoizelle  de  Termes  »  de  1546  était  issue  de  ce  mariage. 

(2)  On  sait  que  les  archevêques  d'Auch  prenaient  anciennement  une  i>artie 
de  la  dime  do  la  plupart  des  paroisses  de  leur  diocèse. 

(3)  Ainsi  qu'on  le  verra  plus  loin  par  les  comptes  de  la  fabrique  de  Mauli- 
cherre, la  pipe  valait  40  cruches.  Chaque  cruche  contenant  16  litres,  suivant  la 


^Tf  — 

peut  valoir  environ  57  éciis  petits.  C'est  là  d'ailleurs  le  revenu 
habituel  de  Tannée. 

Dans  la  matinée  du  jour  suivant^  on  visita  Téglrse  de  Sar- 
ragachies,  «  laquelle  est  assez  bien  reparée,  et  n'y  avons 
cogneu  pour  lors  y  eslre  besoing  d'aulcune  grande  répara- 
tion (1).  »  Les  fabriciens,  présents  à  la  visite,  insistent  dere- 
chef pour  démontrer  la  nécessité  urgente  de  construire  un 
nouveau  clocher.  Mais  les  procureurs  repoussent  vivement  ces 
allégations,  dans  lesquelles  ils  ne  voient  que  ruses  et  sub- 
terfuges visant  à  écarter  toute  obligation  de  contribuer  à 
l'œuvre  du  collège.  Us  déclarent  donc  que  «  icelluy  clocher 
est  encore  suffisant  pour  les  cloches  dudit  lieu.  »  Finalement, 
la  cause  du  clocher  de  Sarragachies  succomba,  et  la  fabrique 
de  celte  paroisse  s'entendit  condamner  à  payer  au  collège  les 
deux  tiers  de  ses  revenus  annuels,  plus  60  écus  petits  6  s. 
6  d.  à  prendre  sur  les  créances  dues  à  la  fabrique  et  s'élevant 
dans  leur  ensemble  à  177  écus  petits  17  s.  6  d. 

Le  même  jour,  20  novembre,  Vidal  de  Broqua,  consul 
d'Isotges,  Jehan  de  Broqua  et  Bernard  du  Bois,  fabriciens  de 
l'église  Notre-Dame  d'Isotges,  se  présentèrent  à  Sarragachies 
devant  la  commission.  Ils  exposent  qu'ils  n'ont  jamais  fait 
aucun  règlement  de  comptes,  prenant  le  revenu  à  mesure 
qu'il  arrivait  et  s'en  servant  «  pour  bastir  et  ediffier  leur  dicte 


mesure  encore  universellement  en  usage  en  Armagnac,  on  voit  qu'une  pipe 
renfermait  640  litres.  La  pipe  n'était  donc  pas  autre  chose  qu'une  double  bar- 
rique b<^amaise;  la  barrique  du  Béam,  en  effet,  adoptée  pour  le  mesurage  des 
vins  en  Armagnac  depuis  des  temps  fort  anciens  jusqu'à  nos  jours  inclusive- 
ment, était  et  est  demeurc'e  d'une  contenance  de  20  cruches  ou  320 litres.  Comme 
la  pipe  est  une  mesure  qui  revient  souvent  dans  les  documents  du  moyen  âge 
et  d'époque  plus  récente,  nous  avons  cru  qu'il  était  intéressant  d'en  fixer  ici  la 
contenance  précise,  d'après  le  texte  de  notre  procès-verbal. 

(1)  Sarragachies,  paroisse  de  l'ancien  archidiaconé  d'Armagnac  :  Ecclesia  de 
Sarragaycia,  L'église  est  romane;  sa  voûte  en  pierre  a  existé  jusqu'en  1835;  à 
cette  époque,  comme  elle  menaçait  fortement  ruine,  on  la  démolit.  Il  n'y 
avait  d'autre  clocher  qu'une  charpente  en  bois  établie  sur  les  murs  du  cou- 
chant au-dessus  de  la  tribune;  les  plans  de  construetion  de  clocher,  que  formaient 
eu  1546  nos  gens  de  Sarragachies,  n'avaient  donc  jamais  été  exécutés;  actuelle- 
ment l'église  de  Sarragachies  possède  un  bel  et  bon  clocher  en  pierre  et,  de 
plus,  elle  a  été  fort  agrandfe  par  l'adjonction  de  deux  chapelles  latérales. 


—  78  — 

esglise.  »  Celle  année,  ils  onl  oblenu  20  carions  de  froment, 
2  sacs  de  mesture,  le  lout  valanl  14  l.  1/2  environ,  qu'ils 
n'onl  pas  encore  vendu.  En  outre,  il  leur  est  dû  10  francs 
bons,  19  liards,  2  deniers.  Arnaud  Claverie  leur  ayant 
demandé  de  lui  décrire  leur  église,  ils  certifient,  sous  la  foi  du 
serment,  que  «  la  dicte  esglise  est  à  présent  duemenl  bastie 
et  ediflîée  de  pierre,  et  voullée  de  boys  (1).  »  La  Commission 
se  contenta  de  celle  attestation  et  ne  visita  pas  Téglise  d'Isol- 
ges.  Elle  émil  seulement  une  ordonnance  par  laquelle  la  moi- 
tié des  produits  annuels  de  cette  fabrique  dut  revenir  au  col- 
lège (2). 

On  entendit  ensuite  Manaulon  de  Bétons,  fabricien  de  La 
Leugue,  et  Guillaume  de  Bétons,  consul  du  même  lieu.  Le 
revenu  annuel  de  la  fabrique,  dirent-ils,  était  en  moyenne  de 
16  écus  petits;  mais  cette  année  et  rannce  précédente  «  le 
masson  qui  répare  leurd.  esglize  a  tiré  la  moylié  du  revenu 
d'icelle,  et  l'autre  moylié  feust  arrendée  chascune  desdites 
années  à  quinze  escus  petits  par  les  consuls  dud.  lieu  quy 
répartirent  ledit  argent  aux  pauvres  dud.  lieu,  combien  qu'ayt 
besoing  leurd.  esglise  d'estre  reparée,  et  lesd.  consuls  n'en 
onl  rendu  aucun  compte.  »  Aussi,  à  la  requête  des  procu- 
reurs, fut-il  décrôté  que  les  consuls  de  ces  deux  années  com- 
parailraient  devant  la  commission.  En  attendant,  on  procéda 
à  la  visite  de  l'église  Notre-Dame  de  La  Leugue,  «  à  laquelle 
y  a  bien  besoing  de  réparations,  car  est  fort  pauvrement  bas- 
tie, toutes  fois  lousiours  le  masson  besongne  pour  icelle  répa- 
rer; bien  est  couverte  de  Ihuile  à  canal  sans  estre  voullée  (3).  » 

Suivant  l'ordonnance  précédente,  Jean  de  Gougère,  fabri- 

(1)  Isotges,  Ecclcsia  de  Yogos,  ancienne  paroisse  de  rarchidiaconé  d'Arma- 
gnac. L'ôglise  d' Isotges  est  encore  à  peu  près  dans  le  même  état  qu'en  1546  et 
exigerait  de  nombreuses  réparations,  qu'il  est  d'ailleurs  question  d'exécuter. 

(2)  Témoms  :  M'  Pierre  de  MalLx,  curé  de  Sarragachies,  et  Bernard  Duporté. 
l'amphitryon  de  nos  magistrats. 

(3)  l.a  Leugue  (Gers),  annexe  de  Sarragachies,  Enrîosla  de  Levca,  ancienne 
paroisse  de  l'archidiaconé  d'Armagnac.  L'église  existe  encore,  et  est  à  peu  près 
dans  le  même  état  qu'en  1546.  tille  a  toujours  sa  voûte  de  bois,  fort  basse,  et  est 
demeurée  d'aspect  très  modeste. 


-  79  — 

cien,  et  Guillaume  de  Goffin,  consul  de  La  Langue  Tannée 
passée^  se  présentèrent  devant  la  commission  quelques  jours 
après,  à  Riscle,  le  23  novembre,  et  rendirent  leurs  comptes. 
Ils  démontrèrent  que  les  quinze  écus  petits,  qu'ils  avaient 
reçus  l'année  passée,  ils  les  avaient  répartis  «  aux  habilans 
dud.  lieu  pour  la  nécessité  du  mauvais  temps,  et  despuis  en 
auroient  esté  remboursés,  et  en  auroienl  fourny  pour  les 
affaires  de  lad.  esglise.  »  Il  leur  restait  encore  3  I.  12  s.  Or, 
les  créances  de  la  fabrique  s'élevaient  à  53  écus  petits,  42  s. 
6d.,  et  parmi  elles  il  s'en  trouvait  une  de  M.  Marsac,  cha- , 
noine  de  Nogaro,  qui  se  montait  à  32  écus  petits  47  s.  Il  fut 
donc  ordonné  que  la  fabrique  donnerait  désormais  au  col- 
lège d'Âuch  la  moitié  de  ses  fruits  décimaux;  la  créance  du 
chanoine  de  Nogaro  dut  aussi  être  réservée  au  collège. 

Les  affaires  de  La  Leugue  paraissaient  terminées,  lorsque 
plusieurs  habitants  de  ce  lieu,  qui  étaient  venus  à  la  séance 
avec  les  fabriciens,  s'unirent  à  ces  derniers  pour  dire  «  que 
jaçoil  longtemps  y  a  ils  ayent  prins  et  tiré  les  fruicts  de  lad. 
fabrique,  toulesfois  leurd.  esglise  est  pauvrement  bastie  pour 
ce  que  les  ouvriers  et  marguilhers  presloient  lesd.  fruicts  aux 
habitans  et  faisoient  tout  fondre  en  charroys  et  manœuvres 
qui  disoient  avoir  faicts  pour  lad.  esglise.  »  C'est  pourquoi 
ils  demandèrent  qu'on  nommât  un  receveur,  chargé  de  pren- 
dre et  de  garder  le  revenu  de  la  fabrique  «  et  les  deniers  et 
esmoluments  qu'ils  enquaissent  aux  bassins  et  couppes  de 
lad.  esglise,  lesquels  deniers  seront  levés  et  régis  par  les 
ouvriers  pour  entretenir  le  luminaire  de  lad.  esglise,  comme 
est  accoustumé,  et  tout  le  demeurant  sera  régi  et  gouverné  par 
led.  recepveur,  auquel  sera  enjoinct  de  le  faire  applicquer  a  la 
réparation  de  lad.  esglize  et  non  ailheurs,  nommant  pour 
led.  recepveur  M'  Pierre  de  Belhous,  notaire,  et  pour  réadju- 
teur  M' Jehan  de  Ferrato,  gens  de  bien.  »  M'Claverie  approuva 
ces  nominations,  et  les  nouveaux  dignitaires  prêtèrent  entre 
ses  mains  le  serment  de  bien  remplir  leurs  fonctions. 


—  80  — 

Ayant  ainsi  visité  La  Leugue  dans  la  matinée,  la  commis- 
sion rentra  à  Sarragachies  pour  dîner.  Là,  elle  donna  au- 
dience aux  fabriciens  de  Téglise  Saint-Michel  de  Maulicherre, 
Peyron  de  Pandellé  et  Arnaud  de  Luc,  accompagnés  d'un  de 
leurs  concitoyens,  Jehan  de  La  Baye,  notaire.  Ceux-ci  com- 
mencèrent par  s'excuser  de  n'être  pas  venus  plus  tôt  :  ils 
avaient  dû  aller  à  Barcelonne  chercher  les  clefs  du  coffre  qui 
contenait  le  livre  des  dettes  de  leur  fabrique,  chez  «  icelluy 
qui  les  retenoit  et  quy  se  trouvoit  aud.  lieu  de  Barcelonne 
pour  ses  affaires  particulières.  »  Ils  ajoutèrent  qu'ils  n'avaient 
pas  trouvé  le  dépositaire  de  ces  comptes  et  demandèrent 
délai  pour  les  produire.  Sur  quoi,  les  deux  procureurs  décla- 
rèrent que  ce  n'était  là  que  subterfuges  et  que  ceux  de  Mau- 
licherre vouldient  essaver,  comme  on  l'avait  fait  en  d'autres 
paroisses,  de  tromper  la  commission  et  de  lui  rendre  l'en- 
quête impossible;  aussi  demandèrent-ils  qu'ils  tinssent  «  l'arr 
rest  jusques  qu'ayent  remis  les  livres  des  debtes  de  lad. 
fabrique.  »  Effrayés  de  cette  menace  et  voyant  leurs  plans 
découverts,  nos  paysans  se  rendirent  et  exhibèrent  à  l'instant 
leurs  comptes.  Les  revenus  annuels  de  la  fabrique  furent 
estimés  à  20  ou  23  écus  petits  environ.  Cette  année,  on  a 
recueilli  6  sacs  froment,  12  quarts  seigle,  1/2  quart  bailhar, 
1  quart  avoine,  12  quarts  milhel,  28  cruches  vin  rouge,  12 
cruches  vin  blanc,  «  le  tout  faisant  une  pipe  »  et  15  fagots 
de  lin.  En  dehors  de  cela,  ils  n'ont  eu  «  que  les  aulmosnes 
que  les  bonnes  gens  donnent  pour  la  luminalion  au  bassin 
de  lad.  esglise.»  Tous  ces  fruits  peuvent  valoir,  dirent-ils,  de 
22  à  25  écus  petits.  Mais  ils  ont  déjà  employé  pour  l'église 
le  prix  de  2  sacs  froment,  2  sacs  seigle,  1  sac  1/2  millet, 
et  les  12  cruches  de  vin  blanc.  Us  gardent  le  reste  «  pour 


(l)  Maulicherre  (Oeis),  ^cc^esta  de  Maure  Serra,  canton  de  Riscle,  ancienne 
paroisse  de  Tarchidiaconé  d'Armagnac.  L'église  est  ancienne  et  n'a  qu'un  pla- 
fond en  bois.  Le  chœur  est  orné  d'un  rétable  du  xvii*  siècle,  comme  on  en  voit 
en  plusieurs  autres  vieilles  églises  de  l'Armagnac.  Quant  au  clocher,  que  l'on 
commençait  à  bâtir  en  1546,  il  est  resté  à  l'état  de  projet. 


—  81  - 

estre  employé  u  la  continuation  du  clocher  qu'ils  ont  faict 
commencer  d'édiffier  au  devant  la  porte  de  lad.  esglise,  pour 
ce  que  icelluy  quy  est  pour  le  presant  n'estre  poinct  suffisant 
pour  les  cloches  quy  sont,  car  est  ung  peu  trop  petit  et  mal 
fondé,  et  que  quand  on  veult  sonner  lesdictes  cloches  à  grand 
bandol,  led.  clocher  tremble.  » 

La  visite  de  Téglise  de  Maulicherre,  faite  le  lundi  22  novem- 
bre^ confirma  cette  dernière  déposition.  On  la  trouva  en  effet 
«  assez  mal  baslie  et  ediffiée,  et  en  icelle  avoir  besoing  de 
grandes  réparations,  mesme  à  paracTiever  le  clocher  d'icelle 
quy  n'a  guère  esté  que  commancé,  pour  ce  que  celluy  quy  y 
est  de  longtemps  est  trop  faible  pour  porter  la  charge  des 
cloches  qui  y  sont.  »  L'ordonnance,  qui  suivit  la  visite,  con- 
damna les  marguilliers  de  Maulicherre  à  donner  au  collège 
6  écus  sur  la  cueillette  de  Tannée  présente,  et  la  moitié  des 
revenus  des  années  futures. 

Vint  ensuite  Pierre  de  La  Razet,  marguillier  de  Téglise  Saint- 
Michel  d'Arparens  (1).  Il  dit  qu'il  n'y  a  point  en  ce  moment 
de  revenu  appartenant  à  la  fabrique  «  pour  ce  que  quatre  ans 
sont  passés  le  revenu  d'icelle  feust  bailhé  à  ung  M"*  massx)n 
en  payement  de  certaines  murailhes  qu'il  avoit  faictes  en 
leurd.  esglise,  et  le  retirera  encore  pour  l'année  prochaine 
venante,  comme  peut  apparoir  par  instrument  sur  ce  passé  et 
retenu  par  M*  Pierre  Bethous,  notaire  de  La  Leugue.  »  Ce 
revenu  ne  dépasse  pas  d'ailleurs  en  moyenne  six  ou  sept  écus 
petits,  non  compris  les  aumônes  données  par  les  bonnes 
gens  pour  le  luminaire  de  l'église.  «  Lesquelles  ils  ont  employé 
pour  l'entretenement  des  luminayres  de  leurd.  esglise,  à 
laquelle  pour  le  presant  n'a  gueres  besoing  de  réparation,  car 
Font-ils  tousiours  faict  reparer  le  mieulx  qu'ils  ont  peu  du 
revenu  de  lad.  fabrique  et  dehles  d'icelle.  »  M' Claverie  accepta 

(1)  Arparens  (Gers),  annexe  de  Fusterouau,  canton  d'Aignan.  Cette  église 
n'est  pas  mentionnée  dans  lés  Fouillés  d'Auch  du  moyen  âge,  non  plus,  d'ail- 
leurs, que  quelques  autres,  qui  cependant  existaient  à  Tépoque  des  Fouillés. 
L'église  d'Ari>aren8  est  actuellement  en  très  bon  état,  comme  en  1546. 


—  8Ô  — 

pleinement  ce  rapport,  et,  sans  aller  y  voir  autrement,  or- 
donna que  la  moitié  du  revenu  de  cette  fabrique  serait  à  l'ave- 
nir appliqué  au  collège  d'Auch. 

«  Et  tout  incontinant  »  se  présentèrent  les  fabriciens  de 
l'église  Saint-Pierre  de  Mauriel  (1),  Pierre  de  Baillenx  et 
Jehan  de  La  Fonlan,  portant  deux  livres  de  comptes,  Tun 
«  vieulx,  couvert  de  parcbemyn,  presque  du  tout  moysi», 
l'autre  «  couvert  de  peau  rouge,  »  Ils  déclarent  que  le  revenu 
de  la  fabrique  est  de  38  écus  petits  environ.  Mais  cet  argent 
et  celui  de  l'année  pas^sée,  c'est-à-dire  77  écus  petits,  ont 
été  donnés,  comme  il  appert  d'un  acte  retenu  par  Labadie, 
notaire  de  Maulicherre,  «  pour  la  réparation  à  neuf  de  leurd. 
esglise,  quy  est  à  presant  bien  reparée  et  en  tel  estât  que  n'y 
a  besoing  grandes  réparations,  fors  que  conviendra  encore  y 
employer  quatre  à  cinq  escuts  petits  pour  parachever  deux 
petits  pilliers  quy  sont  fort  anciens,  et  y  a  assez  matière  pour 
les  achever.J]»  Devant  ce  [rapport,  la  commission  s'abstint, 
comme  pour  Arparens,  de  visiter  Mauriet,  et  M«  Claverie  ren- 
dit une  ordonnance  par  laquelle  tous  les  fruits  décimaux  de 
l'église  furent  adjugés  au  collège;  la  fabrique  ne  conserva 
pour  elle  que  les  créances  diverses  qui  lui  étaient  dues. 

Toutes  ces  ordonnances  avaient  été  rendues  à  Sarragachies. 
Le  lundi  22  novembre,  dans  la  matinée,  nos  magistrats  quit- 
tèrent ce  dernier  village  et  se  mirent  en  route  vers  Riscle. 
Ils  prirent  un  chemin  qui  les  conduisit,  non  sans  faire  un 
détour  considérable,  par  Caumont,  Maulicherre  et  Tarsac,  à 
Riscle,  où  ils  firent  séjour,  pour  y  entendre  les  marguilliers 

des  paroisses  environnantes. 

A.  BREUILS. 
{A  suivre.) 

(1)  Mauriet  (Gers),  annexe  de  Saint-Martin,  canton  de  Nogaro,  Ecclesla  de 
MaurietOy  ancienne  paroisse  de  Tarchidiaconé  d'Armagnac.  L'église  possède  une 
vieille  voûte  en  brique,  et  on  n'y  voit  point  trace  de  piliers.  Les  piliers,  mention- 
nés dans  le  Procès- Verbal,  devaient  être  ceux  d'un  cloitre  qui  existe  encore^ 
quoique  très  ancien,  et  s'appuie  à  l'un  des  murs  de  l'église,  formant  ainsi  un 
porche  très  vaste. 


DIVERSES  LETTRES  INÉDITES 


DliS 


FILS  DE  BLAISE  DE  MONLUC 


xc) 

Lettre  de  Fabien  de  Mordue^  dernier  fila  du  maréchal^  à  Robert 
de  Goniaut,  prieur  de  Sainte-Licrade  (1). 

Monsieur,  le  anvoye  mon  frère  (2)  devers  vous  pour  vous  dire  Tese 
et  le  conlantemant  que  ie  eu  ayant  antandu  que  Monsieur  de  Monluc 
vous  avoyet  choisy  pour  avoyr  l'evesché  de  Condom  (3).  Au  reste  ie 
luy  ey  dit  quelque  chose  pour  vous  dire  de  ma  part;  ie  vous  prie  le 
croyre  comme  moy  mesmes,  e  espérant  que  vous  vouldrés  montrer 
an  cecy  mon  amy,  comme  ie  veus  fere  an  vostre  endroyt  an  tout  ce  que 
me  sera  possible^  ne  vous  feré  plus  longe  lettre,  remetant  le  reste  au 


(•)  Les  chiffres  romains  placés  en  tcte  de  ces  lettres  font  suite  à  ceux  des 
Deux  lettres  de  Joachim  de  Monluc  (Voir  au  t.  préc,  p.  523). 

(1)  Sur  Fabien  de  Monluc  voir  les  Commentaires ^  tome  i,  p.  15;  tome  m, 
passim.  Sa  biographie  a  été  très  bien  résumée  par  M.  de  Ruble  (tome  i,  p.  15, 
note  1).  Contentons- nous  de  rappeler  qu'il  suivit  son  frère  Pierre-Bertrand  dans 
la  malheureuse  expédition  d'Afrique;  qu'il  épousa,  le  9  janvier  1570,  «  l'héritière 
de  Montesquiou  »,  comme  dit  Biaise  de  Monluc  (tome  i,  p.  15);  qu'il  fut  blessé 
au  siège  de  Uabasteins  et  tué  (septembre  1573)  à  l'assaut  de  Nogaro. 

(2)  Ce  frère  devait  être  le  chevalier  Jean  de  Monluc,  futur  successeur  de 
Robert  de  Gontaut  sur  le  siège  de  Condom. 

(3)  M.  le  comte  Hector  de  La  Perrière  (Lettres  de  Catherine  de  Médicis, 
tome  II,  18S5,  p.  235)  cite  notre  document  en  une  note  sous  une  lettre  de  la 
reine-mère  à  l'auteur  des  Commentaires  touchant  l'évêché  de  Condom  (22  novem- 
bre 1564)  et,  se  trompant  plusieurs  fois,  il  présente  ce  document  comme  «  une 
lettre  de  Charles  de  Monlac  félicitant  Sainte-Liorade  (sic  pour  le  prieur  de 
Sainte-Livrade),  un  desjils  d'Antoine  de  Noailles,  de  ce  que  Biaise  de  Monluc 
lui  a  assuré  l'évêché  de  Condom  ».  On  voit  par  la  lettre  de  Catherine  de  Médicis 
à  Biaise  de  Monluc  que  ce  dernier  fut  obligé  de  partager  l'éoêché  de  Condom 
avec  Jean  de  Morvillier,  évèque  d'Orléans.  Conférez  les  lettres  de  Biaise  de 
Monluc,  tome  iv,  p,  360;  tome  v,  p.  13  et  suiv. 


—  84  — 

presant  portur,    me  recomandant  bien  humblemanl  à  vostre  bonne 
grâce,  priant  Dieu, 

Monsieur,  que  an  santé  vous  doynt  uruse  et  loungue  vie. 
De  Flamarens,  ce  disiesme  de  desambre  1564. 

Vostre  meilleur  amy  prêt  à  vous  fere  service, 

F.    DE   MONLUC. 

le  ne  vous  manderé  rien  de  la  maladie  de  Monsieur  de  Monluc, 
m'asurant  que  mon  frei*e  vous  dira  comme  tout  et  pasé  (1). 


XI 

Lettre  de  Fabien  de  Monluc  à  Robert  de  Goniaut,  éoéque  de 

Condom» 

Monsieur,  Il  y  a  un  marchant  de  Condom  nomé  Langlade  auquel  ie 
doys  135  livres  18  sols.  Si  vous  avez  le  moyen  après  la  racolte  de  les 
luy  payer,  me  feriez  un  bien  grand  plesir  (2).  le  vous  prie  ne  trouver 
estrange  que  ie  vous  emploie  si  souvant  :  car  la  necessyté  là  où  ie  me 
trouve  me  le  commande.  En  recompance  de  tant  de  biens  et  plaisirs  que 
ie  resoys  de  vous,  ie  vous  en  rendrai  toute  ma  vie  amytié  et  service, 
autant  que  à  tous  les  omes  du  monde.  le  espère  vous  aller  voyr  devant 
mon  partemant,  qu'et  fin  (3)  après  m'estre  recommandé  de  bien  bon 
cur  à  vostre  bonne  grâce,  priant  Dieu, 

Monsieur,  que  an  santé  vous  doynt  uruse  et  loungue  vie. 
De  Bourdeaux,  ce  12  de  juillet  1566. 

Vostre  millur  neveu  prêt  à  vous  fere  service, 

F.  DE  Monluc  (4). 

(1)  Bibliothèque  Nationale,  fonds  français,  n*  20,462,  f*  145.  Copie. 

(2)  On  voit  que  déjà,  à  cette  époque,  les  neveux  considéraient  les  oncles 
comme  on  les  considère  dans  la  spirituelle  variante  du  vers  de  Legouvé  : 

«  Un  oncle  est  un  caissier  donné  par  la  nature.  » 

(3)  C'est-à-dire  :  «  ce  qui  est  la  fin  de  ma  lettre.  » 

(4)  Bibliothèque  Nationale,  fonds  français,  n'  20,462,  M15.  Copie. 


—  85  — 


XII 

Lettre  du  chevalier  Jean  de  Monluc,  troisième  fils  du  maréchal  (!)_, 
«  A  madame  la  duchesse  de  Ferrare  »  (Renée  de  France). 

Madame,  j'ai  comendement  de  monseigneur  le  duc  d'Anjou  de  me 
aler  mètre  dedens  Montargy  avec  des  companies  de  mon  régiment  pour 
le  service  du  Roy,  et  m'a  dict  qu'il  vous  a  escript  et  faict  escrire  à  la 
magesté  du  Roy  pour  vous  prier  de  me  recepvoyr  pour  faire  son  dict 
cervice  et  vostre;  et  à  ceste  cause,  madame,  je  vous  envoyé  ce  gentil- 
home  présent  porteur  pour  vous  le  faire  entendre  et  pour  vous  suplier 
très  humblement  me  mander  incontinent  vostre  voulounté  et  vous 
assurer  qu'il  n'y  eust  seu  envoyer  personne  qui  soyst  plus  prest  à  vous 
faire  très  humble  cervice  que  moy  quand  il  vous  plairra  me  co- 
mender. 

Madame,  je  prierai  Dieu  vous  donner  en  perfaicte  santé  très  heu- 
reuse et  longue  vie. 

De  Sans,  ce  vi«  de  février  1568. 

Vostre  très  humble  serviteur, 
Le  chevalier  de  Monluc  (2). 


(1)  Sur  Jean  de  Monluc,  chevalier  de  Malte,  prince  de  Chabanais,  évêque  de 
Condom  de  1571  à  1581,  voir  les  Commenlaires,  passim,  mais  surtout  tome  i, 
p.  15,  où  Ton  trouve  cet  éloge  de  sa  vertu  guerrière  :  «  Et  croy  que  s*il  eust 
suivy  les  armes,  il  n'eust  guières  esté  moingz  que  ses  frères,  car  son  commen- 
cement l'a  démonstré,  tant  pour  la  réputtation  qu'il  a  acquize  au  siège  de  Mal- 
the,  que  là  où  il  s'est  trouvé  par  deçà  ».  M.  de  Ruble  (note  de  la  page  14)  fait 
mourir  Jean  de  Monluc  en  1585.  Voici  ce  que  dit  à  ce  sujet  M.  Philippe  Lauzun 
(Lettres  inéditea  de  Marguerite  de  Valois,  xi*  fascicule  des  Archices  histori- 
qties  de  la  Gascogne,  p.  31,  note  2)  :  «  Il  résulte  des  Archives  de  Condom  et 
des  minutieuses  recherches  que  notre  savant  compatriote  M.  J.  Gardère  y  a 
bien  voulu  faire  pour  nous,  que  l'évéché  de  Condom  devint  vacant  en  ce  temps- 
là  par  la  mort  du  titulaire,  Jean  de  Monluc.  qui  arriva  le  6  août  1581,  à  quatre 
heures  du  soir,  et  non  à  la  Un  de  janvier  1582,  comme  le  dit  dans  son  Supplé- 
ment à  VHistoire  de  la  Gascogne,  p.  571,  le  chanoine  Monlezun.  Le  lendemain, 
les  consuls  annoncent  cet  événement  à  la  jurade.  »  Les  auteurs  du  Gallia  chris- 
tiana  (tome  ii,  colonne  969}  n'avaient  pas  donné  la  date  de  la  mort  de  Jean  de 
Monluc.  Voir  à  V Appendice  (n*  m)  un  Extrait  du  testament  de  Jean  du  Che- 
min,  éoêque  de  Condom,  relatif  à  son  prédécesseur  et  bvei\faiteur  le  comman- 
deur de  Monluc. 

(2)  Bibliothèque  Nationale,  fonds  français,  n*  2,218,  f*  76.  Original. 

Tome  XXX.  7 


—  8«  — 


XIII 
Lettre  de  Fabien  de  Monluc  au  duc  d^ Anjou. 

Monseigneur,  suyvant  le  commandement  qu'il  vous  pleust  me  fere 
estant  à  la  court  je  suyz  en  ce  payz  aveq  Monsieur  l'Admirai  (1).  Mays 
entendant  que  vous  faictes  armée  je  me  prépare  pour  vous  aller  trou- 
ver aveques  ma  compaignye;  car  vous  estant  monmaistre,  jene  pretendz 
bien  ny  honneur  d'aultre  que  de  vous,  et  par  mesme  rayson  j'y  veulx 
bazarder  ma  vye  et  celle  de  mes  amys  auprès  de  vous,  supliant  très 
humblement  vostre  grandeur  de  m'onorer  tant  de  me  commender  que 
je  vous  ailhe  trouver  (2).  Monsieur  de  Monluc  mon  père  s'en  va  vous 
trouver  aveques  grand  volonté  de  vous  fere  service,  comme  je  espère  que 
cognoistrez  (3).  Je  me  tiendray  tout  prest  pour  marcher  à  vostre  premier 
commandement. 

Monseigneur,  je  supplye  le  Créateur  qu'il  maintienne  Vostre  Gran- 
deur en  toute  prospérité  et  vous  doint  tout  ce  que  dessirez. 

De  Montesquieu  (4),  ce  xxvi  décembre  (1572)  (5). 

Vostre  très  humble  et  très  obeisant  serviteur, 
Fabian  de  Monluc  (6). 

(1)  Honorât  de  Savoie,  marquis  de  ViUars,  lut  amiral  de  France  depuis  la  fin 
d'août  1572  jusqu'en  1578.  Il  mourut  maréchal  de  France  en  1580.  Il  avait  suc- 
cédé à  Biaise  de  Monluc  dans  le  gouvernement  généml  de  la  Guyenne.  L'auteur 
des  Commentaires  a  dit  deux  mots  de  son  successeur  (tome  m,  p.  434  et  527). 

(2)  En  réponse  à  cette  prière,  le  duc  d'Anjou  écrivit  à  F.  de  Monluc,  le  27  jan- 
vier 1573,  de  venir  le  joindre  devant  la  Rochelle.  Voir  Commentaires,  tome  m, 
p.  527,  note  4. 

(3)  Biaise  de  Monluc,  accompagnant  le  duc  d'Anjou,  arriva,  le  12  février  1573, 
devant  la  Rochelle.  Voir,  dans  Quelques  pages  inédites  de  Biaise  de  Monluc,  le 
mémoire  qu'il  rédigea  au  sujet  de  ce  siège  et  qu'il  adressa  au  futur  Henri  III 
(p.  6-15). 

(4)  Aujourd'hui  chef-lieu  de  canton  de  l'arrondissement  de  Mirande,  à  20 
kilomètres  d'Auch.  On  écrivait  tantôt  Montesquieu,  tantôt  Montesquieu.  La 
terre  de  Montesquieu  avait  été  apportée  à  Fabien  de  Monluc  par  sa  femme.  Anne 
de  Montesquieu,  qui  devint  par  la  mort  de  ses  frères  Tunique  héritière  de  Jean  II, 
baron  de  Montesquieu. 

(5)  Quelques  mois  plus  tard,  F.  de  Monluc  mourut  dans  des  circonstances 
qu'il  faut  laisser  raconter  à  son  père  (Commentaires,  tome  m,  p.  527)  :  «  Je  per- 
dis, pour  mon  dernier  malheur,  mon  fllz  Fabian,  seigneur  de  Montesquieu, 
lequel,  voulant  forcer  une  barricade  de  Nogaro,  feust  blessé  d'une  arquebusade. 
de  laquelle  il  mourut.  Encor  qu'il  feust  mon  fils,  je  puis  dire  qu'il  estoit  bien  né 
et  valeureux.  Cela  me  cuida  accabler  d'ennuy  ;  mais  Dieu  me  donna  le  couraige 
de  le  pourter,  non  pas  comme  je  de  vois,  mais  comme  je  peuz.  »  Conférez  Bran- 
tôme, Grands  capitaines  français,  tome  iv  de  l'édition  de  M.  Lud.  Lalane,  p.  44. 

(6)  Bibliothèque  Nationale,  fonds  trançais,  n*  15,558,  f  217.  Original. 


—  87  ^ 


XIV 

Lettre  de  Marguerite  de  MonluCy  fille  du  maréchal  (1),  à  Robert 

de  Gontaut,  évêque  de  Condom, 

Monseigneur,  i'ay  réseau  la  lettre  qu'il  vous  a  pieu  m'escripre  et 
vous  remercie  très  humblement  de  la  peyne  qu'il  vous  plaict  prendre 
pour  moy.  Il  ne  m'est  possible  faire  vostrecontentemant  si  tost  que  me 
mandés  par  vostre  lettre  à  cause  que  sommes  icy  toutes  seuUes  sans 
aucqu'une  monture.  Monsieur  le  capitayne  Monluc  (2)  s'en  a  tout 
amenné  à  Mages  (3)  il  y  a  quinze  iours.  Des  que  i'eus  resseu  les  lettres 
de  Monsieur  et  Madame  de  Monluc,  qui  feut  mardy  de  matin,  madame 
de  Caupenne  (4)  luy  dcspescha  pour  les  luy  apporter  affin  qu'il  nous 
envoyast  des  chevaux;  n'en  avons  encores  heu  nulles  nouvelles;  y  en 
mandons  un  autre  sur  l'eure  presante  des  incontinent  ne  faire  faute  de 
partir  s'il  est  besoing;  par  quoy,  monsieur  (5),  puis  que  l'élection  tumbe 


(1)  Marguerite  était  la  fille  ainée  de  Biaise  de  Monluc  (premier  lit).  Tout  ce 
que  Ton  savait  d'elle  jusqu'à  ce  jour,  c'est  qu'elle  fut  religieuse  au  monastère 
de  Prouilhan  (diocèse  de  Condom).  La  présente  lettre  nous  aidera  à  un  peu 
mieux  la  connaître.  Rappelons  qu'une  de  ses  soetirs,  Marie,  fut  religieuse  au 
monastère  du  Paravis  (diocèse  d'Agen),  et  qu'une  autre  sœur  (du  même  lit), 
nommée  Françoise,  épousa  (janvier  1555)  le  baron  de  Fontenilles,  déjà  mentionné 
dans  les  notes  précédentes.  Les  trois  demi-sœurs  de  Marguerite,  filles  d'Isabeau 
de  Beauville,  furent  :  1*  Charlotte- Catherine,  mariée  (décembre  1581)  avec 
Aymeric  de  Voisins,  baron  de  Montant;  2'  Suzanne,  mariée  (décembre  1581) 
avec  Henri  de  Uochechouart-Barbazan,  baron  de  Faudoas  ;  3*  Jeanne-Françoise, 
mariée  (octobre  1587)  avec  Daniel  de  Talleyrand-de-Griguols,  prince  de  Cba- 
lais. 

(2)  C'était  Pierre-Bertrand  de  Monluc,  second  fils  du  premier  mariage  de 
Biaise.  11  avait  été  fait  capitaine  à  l'âge  de  17  ans,  comme  on  le  voit  dans  une 
lettre  de  l'évêque  de  Valence  (p.  47  de  mon  recueil);  il  fut  tué  à  Madère  en  août 
1566.  Il  était  toujours  appelé  le  capitaine  Monluc.  Voir  sur  cet  intrépide  aven- 
turier une  étude  spéciale  de  M.  Paul  Gaffarcl  dans  la  Reoue  historique  de  juillet 
1879  (p.  273-332)  sous  ce  titre  :  Le  capitaine  Peyrot  Monluc. 

(3)  Peut-être  Magescq,  commune  du  département  des  Landes,  arrondissement 
de  Dax,  canton  de  Soustons,  à  68  kilomètres  de  Mon t-de- Marsan. 

(4)  C'était  la  belle-mère  du  capitaine  Monluc,  lequel  avait  épousé,  le  6  juillet 
1563,  Marguerite  de  Caupenne.  Cette  belle-mère  s'appelait  Françoise  de  Cauna;eUe 
était  mariée  à  François,  seigneur  de  Caupenne.  Voir  Gènéaîogio  de  la  maison 
de  Caupenne,  dans  le  tome  ni  de  V Armoriai  des  Landes,  par  le  baron  de  Cauna 
(Paris  et  Bordeaux,  1869,  p.  193). 

(5)  Marguerite,  après  avoir  donné  du  Monseigneur  à  Robert  de  Gontaut  au 
commencement  de  sa  lettre,  croit  avoir  fait  assez  et  se  contente  de  l'appeler 
monsieur:  seulement  elle  revient  au  titre  de  Monseigneur  dans  la  formule 
finale. 


—  88  — 

vendredy  qui  est  demain  (1),  ie  voudrais  scavoir,  si  estoit  voslre  bon 
plaisir,  comme  elles  en  auront  arresié  puisque  ne  m'y  puis  trouver  en- 
core, pour  ne  prandre  point  unne  mocquerie.  Aussi,  monsieur,  ie  vous 
vouldrois  suplier  très  humblemant  adviser  si  en  prennant  ceste  charge 
ce  pourra  estre  gueres  mon  ayse  ny  advantage.  J*ay  telle  fiance  en 
vous,  monsieur,  que  ne  me  prouchasserez  iames  chose  que  ie  ne  m'en 
doy  ve  contenter  et  me  tiens  fort  obligée  de  ce  bien  et  autre  qu'ay  resseu 
de  vous  pour  vous  en  faire  toute  ma  vie  très  humble  service.  A  quoy 
m'employeray  en  toutz  les  endroictz  qu'il  vous  plaira  me  comander  et 
que  Dieu  m'en  donrra  le  moyen,  d  aussi  bon  cœur  que  luy  prie, 

Monseigneur,  vous  donner  en  santé  longue  vie  et  à  moy  vostre  bonne 
grâce,  laquelle  sallue  de  mes  très  humbles  affectionnées  reconunanda- 
tions. 

De  Cauna  (2),  ce  15. 

Par  vostre  très  humble  obéissante  cousine, 

M.    MONLUC. 

Madame  de  Cauna  (3)  m'a  com^ndé  vous  présenter  ces  très  humbles 
recommandations  à  vostre  bonne  grâce  (4). 

ph.  tamizey  de  LARROQUE. 


(1)  S'agissait-U  de  Télection  d'une  abbesse  ou  de  quelque  autre  dignitaire  du 
monasti^re  de  Prouilhan?  Malheureusement  les  auteurs  du  Gallia  christiana 
n'ont  pas  consacré  de  notice  à  ce  monastère  et  lui  ont  seulement  accordé  une 
mention  de  deux  lignes  (tome  ii,  colonne  960)  :  «  An.  1277  conditur  nobile  cœno- 
bium  de  Ponte- Viridi,  seu  de  Prulliano,  monialium  ordinis  Dominicani  a 
Vienna  de  Gontaldo  ». 

(2)  Commune  du  département  des  Landes,  canton  et  arrondissement  de  Saint- 
Sever,  à  8  kilométrée  de  cette  ville,  à  23  kilomètres  de  Mont-de-Marsan. 

(3)  M"*  de  Cauna  devait  être  Jeanne  d'Abzac  de  Ladouze,  qu'Etienne  de  Cauna, 
seigneur  de  Cauna,  épousa  après  avoir  perdu  sa  première  femme  Eléonore  de 
Pouylehaut.  La  seconde  M"*  de  Cauna  était  donc  la  belle-mère  (ou  marâtre)  de 
M"'  de  Caupenne. 

(4)  Bibliothèque  Nationale,  fonds  français,  n*  20,462,  f*  103.  Copie. 


BIBLIOGRAPHIE  HISTORIQUE. 


Publications  du  département  des  Basses-Pyrénéqs. 

I 

Recherches  historiques  sur  le  pays  basque,  par  Tabbé  Haristoy,  curé 
d'Irissarry.  Tome  u:  V  galerie  basque  de  personnages  de  renom;  2* les 
fors  et  coutumes  des  trois  provinces  basques  cis-pyrénéennes.  Bayonne, 
E,  Lasserre;  Paris,  H,  Champion,  1884.  1  vol.  in-8*  de  vi-568  p. 

La  Revue  de  Gascogne  a  parlé,  en  1884  (1),  du  premier  volume  de 
ces  ReckercheSy  publié  Tannée  précédente.  Elle  est  bien  en  retard  avec 
le  second,  qui  lui  est  par\enu  vers  la  fin  de  1885.  Pour  tout  dire,  je 
Tai  perdu  longtemps  de  vue  par  un  accident  qui  n'étonnera  pas  ceux  qui 
me  connaissent.  Je  puis  ajouter,  heureusement,  que  le  livre  est  de  ceux 
qui  gardent  durant  de  longues  années  leur  fraîcheur  et  leur  intérêt  et 
qui,  vieax  ou  jeunes,  méritent  une  bonne  place  dans  les  bibliothèques 
provinciales  et  une  mention  honorable  dans  les  recueils  comme  celui-ci. 

Des  deux  parties  qui  composent  ce  volume,  la  seconde  n'a  besoin  que 
d'être  indiquée  pour  attirer  l'attention  des  hommes  studieux.  Elle  est 
composée  de  textes  juridiques  et  ne  renferme,  sauf  un  petit  nombre  de 
notes  utiles,  aucun  commentaire  personnel.  J'aurais  voulu  seulement 
que  l'auteur  ajoutât  une  bibliographie  explicite  et  complète  au  sage  et 
modeste  avertissement  (p.  379-380)  qui  précède  sa  traduction  des  trois 
codes  du  pays  basque  cis-pyrénéen  :  Fors  de  la  Soûle;  Fors  du 
Labourd  ;  Fors  de  la  Basse-Navarre,  D'autres  auraient  préféré  le 
texte  original  à  une  traduction  française;  mais  la  masse  des  lecteurs 
auxquels  s'adressait  M.  Haristoy  avait  sans  doute  d'autres  désirs,  qu'il 
a  bien  fait  de  satisfaire. 

Les  personnes  peu  familières  avec  l'histoire  du  droit  dans  nos  con- 
trées ne  seront  pas  fâchées  de  trouver  ici  les  quelques  indications  qui 
précèdent,  dans  ce  volume,  les  trois  fors  du  pays  basque,  rédigés  et 
imprimés  tous  les  trois,  au  xvi®  et  au  xvii®  siècles,  en  béarnais. 

Les  Coutumes  générales  de  la  Soûle  furent  «  publiées  et  accordées 
par-devant  M®  Jean  Dibarrola  »,  conseiller  du  roi  au  Parlement  de  Bor- 

(1)  Wicuc  de  G.,  t.  xxv,  p.  234-242. 


.^ 


_  92  — 

bonne  à  citer  ici,  parce  que  la  première  édition  des  Lettres  édifiantes 
ne  se  trouve  pas  partout  : 

«  Le  P.  Jean-Baptiste  du  Haldeétoit  depuis  trente-deux  ans  chaîné 
du  soin  de  recueillir  les  mémoires  de  nos  missions...,  lorsqu'il  mourut 
en  1743,  âgé  de  70  ans.  —  Vous  sçavez  avec  quel  succès  il  a  fourni 
cette  longue  carrière.  Dix-huit  tomes  qu'il  a  publiés,  et  qui  sont  égale- 
ment goûtés  des  sçavants  et  des  personnes  vertueuses,  prouvent  jus- 
qu'où alloicnt  ses  soins,  ses  recherches  et  ses  connoissances.  ^-  Il 
avoit  acquis  à  cet  égaini  des  lumières  si  sûres  et  si  abondantes  qu'il  se 
trouva  en  état  de  donner  au  public  en  1735  une  description  générale  do 
l'Empire  de  la  Chine  et  de  la  Tartarie  chinoise,  en  quatre  volumes 
in-folio;  grand  et  magnifique  ouvrage,  dont  le  projet  et  l'exécution  ne 
demandoient  rien  de  moins  qu'un  esprit  étendu,  aisé,  versé  dans  les 
langues,  actif  et  laborieux. 

.  »  Tel  fut  en  effet  le  P.  du  Halde.  Il  se  distingua  toute  sa  vie  par  un 
goût  fin  et  délicat  pour  les  belles-lettres,  par  sa  pénétration  dans  les 
hautes  sciences,  et  par  un  travail  constant  qu'il  ajouta  aux  heureuses 
dispositions  qu'il  avoit  reçues  de  la  nature.  Mais  il  se  distingua  encore 
plus  par  les  qualités  du  cœur.  C'était  un  homme  doux,  sociable,  obli- 
geant^ plein  de  probité  et  de  droiture.  Caractère  solide  qui  lui  concilia 
une  estime  universelle  et  qu'il  sçut  rehausser  par  toutes  les  vertus  qui 
font  le  religieux  régulier  et  parfait.  —  Ce  zèle  qu'il  célébmit  si  bien 
dans  les  autres,  il  en  étoit  lui-même  tout  pénétré.  Une  congrégation 
fervente  étoit,  pour  ainsi  dire,  sa  chère  mission.  Il  la  cultiva  pendant 
plus  de  trente  ans;  et  il  le  fit  avec  cette  ardeur  vive  et  infatigable  qui 
caractérise  les  ouvriers  vraiment  apostoliques.  » 

Je  ne  veux  pas  quitter  les  Recherches  historiques  sur  le  pays  bas- 
que sans  dire  que  ce  modeste  et  méritoire  travail  avait  obtenu,  après 
le  suffrage  de  l'évêque  diocésain,  signalé  dans  mon  premier  article, 
l'approbation  fortement  motivée  du  métropolitain  de  la  province,  Mgr  de 
Langalerie,  de  sainte  et  douce  mémoire. 


II 

La  commanderie  et  l'hôpital  d'Ordiarp,  dépendance  du  monastkre  de 
RoNCEVAUx,  EN  SouLE  \Basses-Pyrénêea);  étude  historique  sur  les  rela- 
tions de  Tabbaye  espagnole  avec  les  diocèses  d'Oloron,  de  Bayonne  et  de 
Parapelune,  les  souverains  de  Navarre  et  les  rois  de  France,  depuis  le 
xn*  siècle  jusqu'au  xix*,  par  M.  Tabbê  V.  Dubarat,  aumônier  du  lycée 
de  Pau.  Pau,  Léon  RlbatU;  Paris,  Alpfu  Picard,  1887.  1  vol.  gr.  in-8' 
de  vi-345  p. 


—  93  — 

L'ancien  couvent  des  Carmes,  de  Bayonne,  par  le  même.  Bayonne,  imp, 
Lamaignére,  1887.  Gr.  iii-8'  de  60  p. 

Vie  du  serviteur  de  Dieu  Louis  Brroz,  frère  convers  bamabite...,  par  le 
R.  P.  Innocent  Gobio,  trad.  de  Titalien  par  le  même.  Pau,  imp,  Vigncm- 
cour,  1887.  In-18de  x-138  p. 

Ordiarp  est  une  localité  bien  modeste  du  pays  de  Soûle;  les  diction- 
naires géographiques  et  les  histoires  provinciales  sont  muets,  ou  peu 
s'en  faut,  sur  cette  vieille  petite  ville  basque.  Cependant,  comme  elle  a 
eu  jadis  une  «  commanderie  (1)  »  dépendant  de  Tillustre  abbaye  de 
Roncevaux,  M.  l'abbé  Altharbe,  curé  d'Ordiarp,  a  été  curieux  d'en  pos- 
séder l'histoire;  et  son  cousin,  M.  l'abbé  V.  Dubarat,  aumônier  du 
lycée  de  Pau,  grâce  aux  conseils  et  aux  communications  de  quelques 
chercheurs  passionnés,  mais  surtout  avec  le  secours  des  riches  Archives 
départementales  des  Basses-Pyrénées,  a  pu  la  lui  offrir,  non  pas  dans 
une  mince  plaquette,  comme  il  y  avait  lieu,  ce  semble,  de  s'y  attendre, 
mais  dans  un  beau  et  solide  in-8°,  dont  les  340  pages  compactes  ne 
renferment  rien  de  trop.  D'ailleurs  l'intérêt  qui  s'attache,  d'une  part  à 
rhospitalité  du  moyen  âge,  d'autre  part  au  nom  épique  de  Roncevaux, 
semble  relever  l'importance  du  sujet. 

Il  faut  ajouter  tout  de  suite  que  l'histoire  proprement  dite,  la  narra- 
tion, n'absorbe  pas  la  moitié  du  volume,  dont  le  reste  est  occupé  par  des 
pièces  inédites,  au  nombre  de  près  de  cent,  quelques-unes  très  intéres- 
santes, toutes  utiles.  Dans  la  partie  narrative  elle-même,  je  crois  devoir 
passer  par-dessus  les  premières  pages,  relatives  soit  à  la  Soûle  en  géné- 
ral, soit  à  Roncevaux.  Sur  l'histoire  de  la  Soûle,  il  y  aurait  bien  quel- 
que chose  à  dire;  mais  après  tout  ce  n'est  qu'un  résumé  sans  grande 
conséquence.  Sur  Roncevaux,  M.  Bladé  a  déjà  promis  aux  lecteurs  de 
la  Revue  des  notions  sommaires  et  précises,  sur  lesquelles  il  serait 
oiseux  d'anticiper.  Parlons  seulement  d'Ordiarp. 

L'histoire  de  cette  commanderie  n'occupe  pas  moins  de  vingt  chapi- 
tres (lII-XXIIl). 

La  population  de  la  commune  d'Ordiarp  est  évaluée  aujouixi'hui  à 
900  habitants.  La  ville  (2)  est  située  à  5  kilomètres  S.-O.  de  Mauléon 

(1)  Il  est  peut-être  bon  d'écarter  ici,  au  moins  dans  une  note,  l'idée  chevale- 
resque, militaire,  que  beaucoup  de  lecteurs  seraient  portés  à  donner  à  ce  mot. 
Les  établissements  dépendant  pour  le  spirituel  et  le  temporel  de  Roncevaux  s'ap- 
pelaient commandcries.  et  les  ecclésiastiques  qui  en  étaient  titulaires  portaient 
le  nom  de  commandeurs,  l^  commanderie  d'Ordiarp  n'est  donc  autre  chose  que 
l^ôpital  du  même  nom,  quoique  certaines  personnes  fassent  mal  à  propos,  même 
sur  les  lieux,  cette  distinction. 

(2)  Ordiarp  ou  Urdiarp  (racine  urdla»  cochon,  arpia,  retraite)  possède  encore, 
quoique  en  mauvais  état,  son  église  romane  à  trois  nefs  sous  le  titre  de  Saint- 


—  94  — 

de  Soûle,  dans  un  pays  très  montueux.  Là  s'élevait  au  moyen  âge,  loin 
de  toute  route  battue,  im  hôpital,  ou  maison  hospitalière  pour  les  pau- 
vres et  les  pèlerins,  mentionnée  dès  1270.  Un  acte  plus  ancien  de  près 
d'un  siècle  (1189)  révèle  simplement  l'existence  à  Ordiarp  d'une  com- 
munauté paroissiale.  L'hôpital  aété  fondé  entre  ces  deux  dates.  L'historien 
réfute  fort  bien  les  opinions  qui  attribuent  cette  fondation  soit  à  Char- 
lemagne,  soit  aux  croisés,  soit  aux  seigneurs  de  Soûle,  etc.  et  raisonne 
ensuite  de  la  sorte  :  Depuis  le  13®  siècle,  le  monastère  de  Roncevaux 
dessert  la  paroisse  d'Ordiarp  à  titre  de  curé  primitif;  or  jusqu'en  1189 
au  moins,  c'est  une  communauté  étrangère  à  Roncevaux  qui  faisait  ce 
service;  donc  cette  communauté  a  dû  céder  ses  droits  et  ses  charges- à 
l'abbaye  espagnole.  Et  cette  uniof,  des  deux  bénéfices  a  dû  avoir  lieu 
peu  avant  1270;  car  les  Statuts  de  Roncevaux  de  1282  semblent  encore 
compter  l'hôpital  d'Ordiarp  parmi  les  acquisitions  nouoelles  (1)  et  l'his- 
torien inédit  de  Roncevaux,  Huarte,  les  interprète  en  ce  sens,  — 
Disons  ici  que  l'acte  de  1189  (Jugement  de  Géraud,  archevêque  d'Auch, 
en  faveur  d'Ordiarp),  et  des  extraits  des  statuts  de  Roncevaux  de  1282^ 
figurent  au  premier  rang  des  pièces  justificatives. 

L'histoire  d'Ordiarp  se  déroule  naturellement  sous  la  série  de 
ses  commandeurs  ou  prieurs,  à  partir  de  1270.  Il  y  a  là,  malgré  les 
obscurités  que  le  temps  ne  manque  pas  de  faire  sur  le  passé  d'un 
établissement  d'ordre  inférieur,  une  foule  de  traits  précis  d'histoire 
ecclésiastique  et  féodale,  de  mœurs,  de  géographie,  de  droit  local.  Ce 
qui  domine  la  destinée  d'Ordiarp,  c'est  la  question  de  sa  dépendance  par 

Michel,  et  tout  autour  des  constructions  sans  caractère.  Toutefois,  les  deux 
maisons  nobles  qui  s'élevaient  autrefois  dans  sa  juridiction,  subsistent,  quoique 
déchues  de  leurs  titres  ;  Tune,  imposante  encore  par  sa  forte  masse,  est  passée  à 
l'état  de  métairie,  c'est  Geintein;  l'autre  se  nomme  Ahetze.  M.  de  Jaurgain,  si 
profondément  versé  dans  l'histoire  nobiliaire  du  pa>s  basque,  a  communiqué  à 
M.  l'abbé  Dubarat,  qui  leur  a  donné  place  vers  la  fln  de  son  volume,  les  impor- 
tantes généalogies  des  seigneurs  de  Geintein  et  des  Tardets  d'Ahetze. 

(1)  Un  curieux  tableau  (Arch.  des  Basses-Pyr.,  G  219),  reproduit  sous  le  nom- 
bre I  aux  Pièces  justificatives  de  ce  volume,  offre  un  coup  d'œil  saisissant  des 
principales  possessions  françaises  de  Ronoevaus.  —  Sur  la  ligne  du  milieu  qui 
tombe  verticalement  sur  la  chaîne  des  Pyrinbs  montes  et  sur  Vhospital  gênerai 
de  Roncocaux,  on  lit  :  Burdeaus,  RecaUIoa,  Arçoriz,  Yerralarre  et  cette  expli- 
cation :  «  commanderies  avec  hospitaux.  »  —  Sur  la  ligne  obliqua  de  gauche,  se 
dirigeant  comme  la  précédente  vers  Roncevaux  :  Baco/ia,  Bonloc,  Vidarray, 
Boneofiseil,  et  cette  rubrique  :  «  Toutes  ces  commanderies  sont  granges  ou 
administrations,  sauf  Bonloc  qu'est  bénéfice,  et  en  toutes  il  y  a  un  petit  hospital 
pour  recevoir  les  pèlerins  passans;  et  les  revenus  sont  portés  à  Roncevaux.  t% 
—  Enfin,  sur  la  ligne  oblique  de  droite,  aboutissant  toujours  à  Roncevaux  : 
Tolosa,  Samatan,  Casaus,  Urdiarbe  et  Alçu:  «  il  y  a  obligation  de  tous  ces 
hospitaux  porter  à  Roncevaux  les  pèlerins  passans  malades  à  chival,  aux  despeua 
de  Roncevaux.  » 


—  t6  — 

rapport  à  Ronoevaux.  Une  bulle  de  Sixte  IV  (pièce  justificative  vu), 
obtenue  en  1477  par  le  chapitre  de  Ronoevaux,  lui  maintient  expressé- 
ment le  droit  exclusif  de  nommer  les  titulaires  de  toutes  les  conunan- 
deries  qu'il  possède  à  cette  date  et  au  nombre  desqudles  figure  Ordiarp. 
Rien  ne  semblait  plus  simple^  plus  clair  et  plus  décisif.  Et  en  effet  les 
ebanoines  de  Ronœvaux  se  succèdent  dans  l'adminiâtration  de  ce 
bénéfice  (sous  Tun  d'eux,  D.  Pedro  de  Saint-Jean,  est  rédigé  en  espa- 
gnol un  curieux  dénombrement  de  la  commanderie,  inséré  en  entier, 
sous  le  nombre  ix^  aux  pièces  justificatives).  Arnaud  de  Béon,  évèque 
d'Oloron,  vise  la  bulle  de  Sixte  IV  au  commencement  du  xvi^  siècle. 
Les  rapports  des  deux  bénéfices  ne  paraissent  pas  même  troublés  pen- 
dant la  guerre  de  1512-1523  entre  la  France  et  l'Espagne.  Mais  dès 
1530  un  prétendant,  en  vortu  d'un  titre  obtenu  en  cour  de  Rome,  fait 
échec  à  l'élu  du  chapitre  de  Roncevaux,  et  pendant  assez  longtemps  la 
succession  des  commandeurs  présente  des  difficultés  que  l'historien 
n'est  pas  arrivé  à  résoudre  toutes,  quoiqu'il  ait  obtenu,  ce  semble,  toute 
la  lumière  possible  avec  les  documents  subsistants.  La  période  des 
guerres  de  religion  augmente  encore  le  désordre  de  toutes  les  adminis- 
trations ecclésiastiques  et  les  embarras  de  l'histoire* 

Tout  semble  s'éclairer  à  partir  d'Arnaud  de  Maylie,  fils  de  ce  terrible 
catholique  qui  fit  tomber  à  coups  de  hache  la  chaire  où  prêchait  l'évo- 
que demi-huguenot  Gérard  Roussel.  Arnaud  est  investi  de  la  comman- 
derie  d'Ordiarp  par  l'évèque  d'Oloron  en  1590;  la  raison  canonique  de 
cette  nomination,  c'est  que  le  bénéfice  vaquait  depuis  longtemps  par  la 
mort  du  titulaire.  Malgré  toutes  les  réclamations  de  Roncevaux,  le  nou- 
veau commandeur  se  maintient  et  défend  sa  cause  devant  la  cour  de 
Lixarre,  dont  l'arrêt  (1592)  sépare  à  jamais  Ordiarp  de  l'abbaye  espa- 
gnole. Arnaud  de  Maytie  essaya  lui-même,  il  est  vrai,  de  rétablir 
l'union,  mais  il  mourut  (1622)  sans  que  la  négociation  eût  abouti. 

Roncevaux,  cependant,  ne  disparaît  pas  tout  de  suite  de  l'histoire 
d'Ordiarp.  Un  long  procès  entre  un  élu  du  chapitre  espagnol,  Pierre  de 
Uriz,  et  deux  titulaires  diocésains,  Pierre  d'Etchart  et  Dominique  de 
Chabos,  est  vidé  en  1627  au  profit  du  dernier.  La  guerre  entre  la  France 
et  l'Espagne  et  les  conférences  qui  suivent  la  paix  des  Pyrénées  achè- 
vent de  fixer  le  nouvel  état  de  la  commanderie  émancipée.  Roncevaux 
fait  néanmoins  valoir  encore  ses  droits  sur  tel  ou  tel  bénéfice  du  dio- 
cèse de  Rayonne.  Mais  dans  les  longues  guerres  entre  la  France  et 
l'Espagne,  «  les  chapitres  de  Rayonne  et  de  Roncevaux  voyaient  leurs 
biens  sans  cesse  confisqués  par  des  lettres  de  représailles,  et  des  procès 
sans  fin  épuiser  leurs  ressources.  On  comprit  de  part  et  d'autre  qu'un 


-^  9è  — 

échange  de  biens  réciproque  mettrait  fin  à  des  revendications  incessan- 
tes. L'accord  se  fit  et  le  contrat  fut  conclu  au  palais  épiscopal  de 
Bayonne,  le  12  février  1712.  »  Cet  acte  important  pour  la  géographie 
ecclésiastique  fut  ratifié  par  les  deux  couronnes  et  confirmé  par  le  pape 
Clément  XL 

Peu  après  (1715),  Thôpital  d'Ordiarp  fut  transporté  à  Mauléon.  L'his- 
torien en  étudie  les  règlements  nouveaux,  qui  ont  certes  leur  intérêt, 
comme  les  très  nombreux  détails  relatifs  à  l'histoire  des  deux  derniers 
siècles  que  je  passe  entièrement  sous  silence  pour  abréger.  Quelque 
étroit  que  paraisse  le  cadre  imposé  par  son  sujet  à  Thistorien  d'Ordiarp, 
j'ai  fait  au  moins  entrevoir  que  Thistoire  diocésaine  de  Bayonne  et 
même  celle  des  rapports  entre  la  Gascogne  et  l'Espagne  sont  souvent 
intéressées  dans  ses  recherches.  Il  n'est  que  juste  d'ajouter  que  ces  recher- 
ches ont  été  très  bien  dirigées,  très  fructueuses  et  très  convenablement 
présentées, 

Cet  ouvrage  est  à  peu  près  un  début,  si  je  ne  me  trompe;  mais  c'est 
un  début  des  plus  brillants.  Il  reste  ça  et  là  quelque  trace  d'inexpérience, 
par  exemple  au  sujet  des  généalogies  de  la  charte  d'Alaon.  Mais  l'usage 
familier  et  intelligent  des  textes  inédits,  l'étendue  des  vues,  la  sûreté 
ordinaire  du  coup  d'oeil  y  trahissent  déjà  une  vraie  vocation. 

—  La  curiosité  historique  du  savant  aumônier  s'est  portée  sur  bien 
d'autres  parties  de  l'histoire  ecclésiastique  et  surtout  monastique  de  son 
pays.  Malheureusement  beaucoup  de  ses  recherches,  confiées  à  des 
feuilles  locales  ou  à  l'excellent  Bulletin  catholique  de  Pau,  qui  édifie 
deux  ou  trois  diocèses,  mais  qui  ne  subsistera  peut-être  presque  nulle 
part  en  collection,  risquent  bien  de  ne  pas  arriver  à  bon  nombre  de  lec- 
teurs fort  intéressés  à  leur  faire  bon  accueil.  Voici  du  moins  une  notice 
sur  l^ Ancien  couvent  des  Carmes  de  Bayonne  qu'un  tirage  à  part  nous 
permet  de  mettre  et  de  conserver  à  son  rang  parmi  les  monographies 
conventuelles  de  notre  pays. 

La  partie  historique  de  cette  notice  n'est  pas  aussi  riche  qu'on  pour- 
rait le  désirer.  C'est  peut-être  un  peu  la  faute  du  temps  et  des  hommes, 
qui  ont  trop  peu  respecté  les  monuments  de  l'histoire  des  Carmes  de 
Bayonne.  Il  faut  dire  cependant  que  les  Archives  départementales  des 
Basses-Pyrénées  renferment  bien  des  pièces  dont  M.  Dubarat  n'a  pas 
voulu  faire  usage,  pour  se  restreindre  dans  des  Hmites  qui  lui  étaient 
peut-être  imposées.  Mais  qu'il  prenne  ailleurs  sa  i-evanche  et,  non 
content  de  nous  livrer,  comme  il  Ta  fait  ici,  l'acte  de  fondation  du 
premier  couvent  des  Carmes  de  Bayonne  en  1264,  qu'il  nous  montre 
aussi  ce  qu'il  nous  fait  seulement  entrevoir  :  «  les  privilèges  consi- 


—  9T  — 

dérablcs  accordés  à  ces  religieux  par  les  Souverains  Pontifes,  de 
'Boniface  VIII  à  Paul  II,  les  conflits  et  les  accords  du  Chapitre  épis- 
copal  avec  cet  Ordre,  les  constitutions  de  rente  et  les  reconnaissances 
de  cens  faites  en  faveur  des  Carmes,  les  fondations  d'obits  et  les  lettres 
patentes  de  nos  rois,  et  enfin  la  copie  des  curieux  statuts  de  la  con- 
frérie de  Notre-Dame  instituée  dans  Téglise  de  Tarride  en  1352.  » 

Tarride  était  le  nom  d'un  quartier  situé  hors  des  murs  de  Bayonne, 
«  non  loin  de  la  corderie  actuelle  »,  où  s'éleva  le  premier  carmel  bayon- 
nais,  qui  subsista  jusqu'en  1510.  Le  duc  de  Longueville,  gouverneur 
de  Guienne,  le  fit  démolir  à  cette  date  par  suite  de  préoccupations  stra- 
tégiques. Les  Cannes  demandèrent  alors  et  finirent,  non  sans  longues 
discussions,  par  obtenir  un  autre  emplacement  dans  l'intérieur  des 
murs.  La  première  pierre  du  nouveau  carmel  fut  posée  le  1 3  mai  1513, 
par  un  bienfaiteur  insigne  du  couvent,  nommé  Boniface  d'Albayts. 
L'établissement  prospéra  et  s'accrut  de  nombreuses  acquisitions.  «  Au 
XVIII®  siècle^  le  couvent  des  Carmes,  beau  et  vaste,  s'étendait  de  la  rue 
actuelle  des  Carmes  jusqu'à  la  rue  Lormand  environ.  Il  comprenait 
en  1752  une  grande  église  dédiée  à  la  Sainte- Vierge,  avec  de  nom- 
breuses chapelles  latérales...  Le  nombre  des  religieux  était  de  15  ordi- 
nairement, sans  compter  4  ou  5  étudiants  et  3  frères  convers.  Il  y  en 
avait  17  en  1740,  parmi  lesquels  11  approuvés  par  l'évoque  pour  la 
prédication  et  la  confession.  » 

M.  l'abbé  Dubarat  nous  fait  connaître,  d'après  un  inventaire  de  1668 
et  un  autre  de  1678,  le  mobilier  du  couvent,  riche  surtout  en  tableaux, — 
dont  rénumération  deviendrait  bien  plus  utile  et  intéressante  si  l'on 
pouvait  en  .dire  la  valeur  et  indiquer  s'ils  subsistent  encore  et  en  quel 
lieu;  —  l'argenterie  et  les  ornements  gardés  à  la  sacristie;  —  surtout  le 
catalogue  de  la  Bibliothèque.  Cette  liste  bibliographique  ne  remplit  pas 
moins  de  vingt-quatre  pages.  Dans  une  brochure  qui  n'en  compte  pas 
soixante  en  tout,  on  trouvera,  je  suppose,  que  c'est  trop.  Pour  moi,  je 
l'ai  lue  tout  entière  et  je  n'ai  pas  eu  grand  mérite  à  cela,  n'étant  que 
trop  coutumier  de  lectures  pareilles.  Je  dois  dire  cependant  qu'au  bout 
du  compte,  la  publication  de  ce  catalogue  est  difficile  à  justifier,  pour 
deux  motifs  :  premièrement,  il  n'est  pas  fort  instructif  en  lui-même;  les 
livres  de  quelque  curiosité  (hérétiques,  littérature  profane,  orateurs  et 
poètes  français)  pouvaient  être  signalés  en  moins  d'une  page,  en  négli- 
geant le  reste  ou  en  marquant  simplement  le  nombre  des  ouvrages  de 
chaque  genre.  En  second  lieu,  la  teneur  de  ce  catalogue  nous  donne, 
<  surtout  en  ce  qui  concerne  les  noms  d'auteurs,  une  médiocre  estime 
du  copiste  chargé  de  [le]  rédiger.  »  Qui  parle  de  la  sorte?  C'est  M.  l'abbé 


Dubamt  luir-mfime*  Mais  du  moins  il  a  dû  corriger  de  son  mieux 
rorthographef  Pas  du  tout^  il  Ta  «  scrupuleusement  conservée,  »  ce' 
sont  enoore  ses  propres  termes.  Singulier  scrupule  !  Car  enfin  les  fautes 
d*un  pauvre  ignorant  ne  peuvent  avoir  absolument  aucun  intérêt  en 
ellesrmêmes,  et  elles  n'ont  d'autre  résultat  que  de  créer  des  problèmes 
pour  les  oisifs.  Ainsi,  que  peut  bien  être  un  volume  de  la  bible  en 
litiera  trusonicaf  Je  propose  teuionica  (gothique),  et  je  demande  une 
récompense.  £t  «  Richissime  tableau  pour  le  roi  »  ?  Lisez  Richeome, 
Tableau  votif  pour  le  roy  Louis  XIII y  ou  imposez-moi  un  gage,  si 
j'ai  choppé.  Et  un  traité  de  Senèque  <  avec  les  lettres  de  Malturbe  »  ? 
Malturbet  Malherbe  !  c'est  évident  1  Mais  tout  le  monde  corrigera-t-il 
Taiarchi  pour  Tararetif,.  Et  comme  je  ne  veux  pas  me  faire  plus 
habile  que  je  ne  suis  à  débrouiller  ce  genre  tout  nouveau  de  devinettes, 
je  déclare  en  toute  sincérité  qu'il  y  en  a  ici  beaucoup,  mais  beaucoup, 
pour  lesquelles  je  donne  ma  langue  aux  chiens,  quoique  j'aie  dû  acquérir 
une  certaine  érudition  livresque  en  lisant  depuis  quelque  quarante  ans 
une  déplorable  quantité  de  catalogues  de  bouquins. 

Malgré  cette  faute, — car  c'est  évidemment  une  faute  de  publier  sans 
le  corriger  un  inventaire  plein  d'erreurs,  —  la  brochure  de  M,  Dubarat 
est  un  bon  premier  apport  à  l'histoire  des  Carmes  de  Bayonne.  Qu'il  la 
reprenne  quelque  jour  et  la  mène  tout  entière  à  bien  et  nous  lui  devrons 
trop  de  reconnaissance  pour  garder  le  moindre  souvenir  d'une  pec- 
cadille sur  laquelle  j'ai  trop  insisté. 

—  Pour  le  moment  il  prépare  un  travail  sur  un  bien  beau  sujet  qui 
m'avait  tenté  dans  le  temps  et  pour  lequel  il  a,  aujourd'hui  surtout, 
plus  de  loisirs  que  moi  et  plus  de  matériaux  à  sa  portée.  Je  v^ux  parler 
des  Bamabitesde  Béam.  Un  béarnais  illustre,  ou  qui  du  moins  mérite- 
rait de  l'être,  Fortuné  Colom,  nouveau  converti,  entré  dans  la  congré- 
gation sur  le  conseil  du  cardinal  d'Ossat  et  rappelé  dans  sa  province 
par  Henri  IV  et  par  les  évèques  de  Lescar  et  d'Oloron,  établit  les  mis- 
sions de  Béam,  fonda  le  collège  de  Lescar  (1624)  et  fut  le  premier 
provincial  des  Barnabites  de  France  et  de  Piémont.  Il  mourut  le  7 
mars  1631,  d'après  une  notice  inédite  trouvée  Tan  dernier  à  Bologne 
et  qui  m'a  été  signalée  par  M.  Dubarat.  Les  belles  e(  curieuses  relations 
qu'il  écrivit  lui-même  de  ses  travaux  apostoliques  sont  citées  longue- 
ment dans  les  Mémoires  italiens  de  sa  congrégation  par  le  P.  Barelli, 
et  c'est  cette  lecture  qui  m'avait  mis  en  goût,  il  y  a  déjà  de  longues 
années,  de  retracer  cette  guerre  pacifique. 

Or,  parmi  ses  aides  les  plus  modestes,  mais  les  plus  élevés  en 
sainteté,  se  trouvait  un  irère  oonvers  nommé  Louis  Bitoz,  né  à  Bayon, 


—  Ô9  — 

dans  le  diocèse  de  Nancy,  en  1578,  et  qui  mourut  en  1617  à  Monein. 
Dans  cette  petite  ville  que  Henri  IV  appelait  le  Paris  du  Béarn  et  ou 
les  Barnabites  eurent  leur  premier  établissement  béarnais,  frère  Louis 
avait  déjà  séjourné  de  1611  à  1613.  Il  s'occupa  surtout  alors  de  l'en- 
seignement du  catéchisme,  fit  appliquer  les  règlements  de  saint  Charles 
Borromée  sur  cette  matière  et  composa  même  une  traduction  béarnaise 
de  la  Doctrine  chrétienne  du  diocèse  de  Lescar,  qui  était  en  français  et 
dont  on  ne  connaît  pas  aujourd'hui  un  seul  exemplaire.  Il  fit  depuis  un 
séjour  à  Saintes,  mais  il  retourna  dès  1614  à  Monein  pour  y  passer  le 
reste  de  sa  vie,  pleine  d'oeuvres  édifiantes,  d'héroïques  vertus  et  d'in- 
signes faveurs  célestes.  Il  y  mourut  en  odeur  de  sainteté  le  7  septembre 
1617,  à  peine  âgé  de  trente-neuf  ans.  «  Encore  aujourd'hui,  écrivait 
en  1630  le  P.  Colom,  sa  mémoire  est  en  vénération  auprès  de  tous  : 
les  regrets  qu'il  a  laissés  sont  toujours  si  vifs  qu'il  n'y  a  personne  qui 
ne  pleure  sa  perte  et  ne  dise  que  la  mort  de  Louis  a  été  un  grand 
malheur  pour  l'église  de  Béarn.  » 

On  savait  que  ce  grand  serviteur  de  Dieu  avait  été  enseveli  dans  la 
diapellede  Saint-Jean-Baptiste,  où  s'était  exercé. longtemps  son  zèle 
de  catéchiste.  Or,  plusieurs  indices  avaient  fait  croire  à  M.  Dubarat 
que  cette  chapelle  correspondait  à  la  sacristie  actuelle  de  l'église  parois- 
siale de  Monein.  Il  y  a  donc  fait  pratiquer  des  fouilles  avec  l'espoir  de 
retrouver  le  corps  du  frère  Louis,  et  peut-être  de  voir  autoriser  le  culte 
de  ses  reliques  :  le  renom  de  sainteté  qui  l'entourait  à  sa  mort,  qui 
persévéra  à  Monein  jusqu'à  la  Révolution  française  et  qui  est  encore 
très  vivant  en  Italie,  autorisait  cette  pensée  et  attachait  le  plus  vif 
intérêt  à  des  recherches  qui  ont  été  jusqu'ici  infructueuses,  mais  qui  ne 
le  seront  sans  doute  pas  toujours.  H  y  a  eu  erreur  sur  l'emplacement 
de  l'oratoire  de  Saint-Jean-Baptiste;  mais  la  vérité  sur  ce  point  finira 
par  être  connue. 

Le  titre  de  vénérable  a  déjà  été  donné  à  Louis  Bitoz  dans  de  vieilles 
gravures  faites  en  Italie  et  en  Autriche  et  qui  le  représentent  s'abreu- 
vant  à  la  blessure  du  côté  de  Notre-Seigneur.  Ce  titre  n'est  pas  cano- 
nique, puisque  la  cause  de  sa  béatification  n'a  pas  été  jusqu'à  ce  jour 
introduite  à  Rome;  mais  il  témoigne,  ainsi  que  ces  œuvres  d'art  et 
d'autres  en  assez  grand  nombre  traitant  le  même  sujet,  de  la  piété  popu- 
laire pour  le  jeune  religieux.  M.  Dubarat  a  fait  reproduire  deux  de  ces 
œuvres  dans  ce  petit  volume  :  l'une  est  un  tableau  très  remarquable 
conservé  au  noviciat  des  Barnabites  de  Monza,  l'autre  une  gravure 
récemment  publiée  à  Bologne. 

La  congrégation  à  laquelle  appartint  l'humble  serviteur  de  Dieu  a 


—  100  — 

conservé,  comme  on  voit,  sa  mémoii^e,  j'allais  dire  son  culte.  Si  le 
Béam  a  oublié  le  frère  Louis,  c'est  que  les  Barnabites  n'y  ont  pas 
reparu  depuis  la  Révolution.  Mais  les  travaux  de  M.  Dubarat  l'ont 
définitivement  remis  en  lumière,  et  sans  doute  auront  encore  de  nou- 
veaux succès. 

La  Vie  qu'il  a  publiée  est  l'œuvre  récente  d'un  barnabite  italien,  le 
P.  Inn.  Gobio,  qui  a  recueilli  avec  soin  et  non  sans  talent  tout  ce  qui 
avait  été  dit  avant  lui  sur  ce  sujet  (1).  Mais  le  traducteur  a  fait  à  ce 
travail  plus  d'une  correction  et  il  y  a  joint,  outre  une  préface  ins- 
tructive, des  notes  et  des  pièces  justificatives  qui  méritent  l'attention 
des  amateurs  de  notre  histoire.  —  Je  lui  reprocherai  seulement  d'avoir 
fait  naître  d'Ossat  à  Cassagnabère,  tandis  que  des  documents  certains 
fixent  sa  naissance  à  Larroque-Magnoac. 

Le  premier  biographe  de  Louis  Bitoz  fut  son  supérieur,  le  P.  Colom; 
j'avoue  même  que  je  préférerais  à  toute  autre,  sans  la  connaître  autre- 
ment que  par  le  titre  (2),  la  biographie  que  publia  ce  vénérable  mis- 
sionnaire. M.  V.  Dubarat  nous  rappelle  qu'elle  fut  imprimée  à  Lescar, 
chez  Jean  de  Saride,  en  1630,  en  un  volume  petit  in-4°  de  x-197-iij 
pages,  dont  l'exécution  est  vantée  par  M.  Louis  Lacaze  (3).  M.  Du- 
barat cite  de  plus  une  seconde  édition  de  cette  Vie  latine,  faite  à*  Flo- 
rence, en  1655  (in-8°  de  220  pp.,  plus  la  préface  et  l'index),  et  une 
traduction  française  par  le  P.  Savinien  Ozon,  publiée  dans  le  courant 
du  XVII®  siècle,  mais  dont  je  crois  qu'on  n'a  pas  retrouvé  encore  un 
seul  exemplaire.  Il  y  en  a  une  version  italienne  du  P.  Piazza  (1717); 
il  existe  aussi  une  Vie  allemande  de  Louis  Bitoz,  par  le  P.  F.  Axen- 
brunner  (Vienne,  1721). 

Notre  province  déploie  depuis  quelques  années  un  zèle  frappant  et 
vraiment  louable  pour  illustrer  ses  monuments,  compléter  ses  annales, 
renouveler  le  souvenir  de  ses  hommes  célèbres.  Il  est  juste  que  les 
saints  aient  leur  part  privilégiée  dans  ce  beau  mouvement  de  recon- 
naissance et  de  résurrection.  En  voilà  un  qui  était  absolument  oublié, 
au  moins  chez  nous.  Félicitons  le  pieux  et  savant  aumônier  du  Lycée 
de  Pau  de  nous  l'avoir  révélé  et  faisons  des  vœux  pour  que  son  œuvre 
aboutisse  au  couronnement  complet  de  ses  espérances  ! 

(A  suivre.)  Léonce  COUTURE. 

(1)  Vita  del  servo  di  Dio  Lodovico  Bitoz,  Converso  Baraabita.  Milano, 
E.  Besozzi,  1859.  ln-12  de  vi  72  p. 

(2)  Vita  Ludovici  Bitosli  conversi  coDgrc^tionis  clericorum  S.  Pauli,  per 
R.  P,  D.  FortunatumColumbumpalenscm  ipsius  confossorem,  ejusdem  congreg. 
in  Galliis  et  Pedemonte  provincialem,  etc. 

(3)  Les  imprimeurs  et  les  libraires  en  Béam,  p.  93. 


LARCHIDÏACONÉ  DU  CORRENSAGUET 


(diocèse  d'auch) 


AUX  XIV'   ET  XV'   SIECLES. 


Les  actes  du  xiv®  et  du  xv®  siècle  mentionnent  souvent  un  archi- 
diâconé  du  diocèse  d'Auch,  désigné  sous  le  nom  de  Corrensaguet, 
Archidiaconaius  de  CorrensagueiOy  dont  il  n'est  plus  question  après 
les  guerres  religieuses  du  xvi«  siècle.  A  défaut  d'informations  précises, 
nous  avions  cru  qu'il  se  confondait  avec  le  Corrensac,  plusieurs  fois 
mentionné  dans  le  cartulaire  de  l'abbaye  de  Gimont,  qui  s'étendait  de 
Saint-Guiraut  à  Mauvezin,  le  long  des  rives  de  la  Gimone,  et  dont  était 
seigneur  Gérault  du  Brouilh,  fondateur  de  l'abbaye.  Nous  ne  tardâmes 
pas  à  reconnaître  notre  erreur,  d'autres  actes  nous  ayant  appris  qu'Au- 
biet,  Marsan,  Nougaroulet  et  même  Montant,  étaient  de  l'archidiaconé, 
quoique  certainement  hors  du  Corrensac.  Nous  en  étions  encore  là, 
lorsque  une  bienveillante  communication  de  M.  Cyprien  La  Plagne- 
Barris  est  venue  mettre  un  terme  à  nos  incertitudes  et  nous  faciliter  le 
moyen  de  reconstituer  en  quelque  sorte  cet  archidiaconé,  d'en  détermi- 
ner les  limites,  et  de  faire  connaître  les  paroisses  qui  en  faisaient  partie, 
soit  celles  qui  existent  encore,  soit  celles  qui  ont  été  supprimées  à  diverses 
époques,  particulièrement  au  Concordat  de  1801.  En 'parlant  de  ces 
paroisses,  nous  aurons  l'occasion  de  signaler  nombre  d'églises  aujour- 
d'hui disparues  et  dont  le  souvenir,  le  plus  souvent,  est  même  perdu, 
qui  ont  été  jadis  sur  leur  territoire.  Les  informations  ne  nous  manquent 
pas  pour  les  paroisses  à  notre  portée;  mais  il  n'en  est  pas  de  même 
des  autres,  et  nous  serions  heureux  que  ceux  de  nos  confrères  qui  les 
occupent  voulussent  bien  nous  faire  part  des  renseignements  soit  écrits, 
soit  traditionnels,  qu'ils  pourraient  avoir  recueillis.  Le  travail  qui  paraît 
aujourd'hui  ne  contient  que  les  paroisses  de  notre  voisinage  entre  la 
Gimone  et  la  Rats.  Celles  qui  se  trouvent  sur  la  rive  gauche  de  cette 
Tome  XXX.  —  Mars  1889.  8 


—  102  — 

rivière  nous  fourniront  la  matière  d'un  second  article  ;  et  dans  un  troi- 
sième nous  parlerons  de  celles  qui  sont  le  long  du  Gers,  depuis  Montant 
jusqu'à  Miramont.  C'est  surtout  pour  ces  dernières  que  nous  sollicitons 
le  bienveillant  concours  de  nos  confrères. 


I 

Limites  et  vue  d'ensemble  de  VArchidiaconé  de  Corrensaguet. 

Au  levant,  à  partir  de  la  limite  de  Mauvezin,  alors  du  diocèse  de 
Lombez,  l'archidiaconé  de  Corrensaguet  avait  pour  limite  la  Gimone, 
jusqu'à  Fangeau,  qui  était,  avec  Bédéchan,  Aurimont  et  Mazères,  les 
paroisses  limitrophes  du  côté  du  midi.  De  là,  laissant  à  gauche  Cas- 
telnau-Barbarens  et  Pépieux,  on  se  dirigeait  vers  le  couchant  et  on 
arrivait  au  ruisseau  de  l'Arson,  qui  sépare  Pessan  de  Montégut;  ce 
môme  ruisseau  servait  aussi  de  limite  à  l'archidiaconé  jusqu'à  son 
embouchure  dans  le  Gers.  A  ce  point  on  suivait  le  Gers  jusqu'à  la 
limite  nord  de  Montastruc,  pour  passer  sur  la  rive  gauche  de  cette  rivière, 
où  se  trouvaient,  autour  de  La  Sauvetat,  quelques  paroisses  ressortis- 
sant du  Corrensaguet,  entre  autres  Réjaumont  et  Saint-Lary.  On 
revenait  ensuite  sur  la  rive  droite,  pour  arriver  par  la  limite  de  Mira- 
mont,  dernière  paroisse  du  diocèse  d'Auch,  à  celle  qui,  au  levant, 
séparait,  jusqu'à  Saint-Antolin  (c'est  ainsi  qu'on  écrivait  à  cette  époque), 
ce  diocèse  de  celui  de  Lectoure.  De  là,  par  la  limite  de  Mauvezin,  on 
arrivait  à  la  Rats  qu'on  franchissait  pour  revenir  au  point  de  départ 
sur  la  Gimone. 

Il  y  avait  dans  l'archidiaconé  de  Corrensaguet  deux  archiprêtrés  : 
celui  de  Lussan  à  l'extrémité  sud  ;  et  celui  de  Miramont  à  l'extrémité 
opposée.  Ils  se  partageaient,  nous  ne  savons  dans  quelle  proportion, 
les  paroisses  qui  dépendaient  de  l'archidiaconé.  Elles  étaient  au  nombre 
de  cinquante,  que  nous  ferons  connaître  successivement  dans  les  para- 
graphes qui  vont  suivre. 

Nous  avons  de  ces  paroisses  trois  nomenclatures  différentes,  que  nous 
devons  à  l'obligeance  de  M.  Cyprien  La  Plagne-Barris.  Elles  sont 
extraites  du  Livre  rouge  du  Chapitre  d'Auch,  dont  il  prépare  la  publi- 
cation. La  première  de  ces  listes  remonte  au  ponti&cat  du  pape  Urbain  V 
(1362-1370);  la  seconde  à  l'année  1405;  la  troisième,  un  peu  plus 
moderne,  est  paiement  de  la  première  moitié  du  xv^  siècle. 


—  103  — 


II 

Paroisses  de  Varchidiaconé  de  Corrensaguei,  entre  la  Gimone 

et  la  Rats. 


1°  Ecclesia  de  Maxeriis.  —  C'est  aujourd'hui  la  petite  église  sans 
titre  de  Mazères-Campeils,  dans  la  paroisse  de  Castelnau-Barbarens. 
Sa  condition  n'a  pas  toujours  été  la  même.  Dans  la  première  de  nos 
listes  elle  est  desservie  par  un  prêtre  qui  a  le  titre  de  Capellanus.  Or, 
ce  titre  n'était  donné  qu'aux  prêtres  desservant  les  églises  matrices, 
comme  on  a  dit  plus  tard  :  Capellanus  de  Alhineto..,de  S^^  Salvio,., 
de  Nugarolio.,,  de  Marsano,  etc.  Pour  les  prêtres  attachés  aux  églises 
secondaires,  on  les  quaUfiait  de  Rector  :  Rector  S^^  Stephanide  Mar- 
monte,,.  S^^  Bartholomei  de  Miramonte,,,  S^^  Antolini, 

Cependant  cette  église  ne  figure  pas  sur  les  listes  postérieures.  Pour- 
quoit  c'est  ce  qu'il  ne  nous  est  pas  possible  de  dire.  Il  y  avait  tout 
auprès,  et  il  y  a  encore  un  château  seigneurial,  qui  est  présentement  la 
propriété  d'un  bordelais,  M.  Dufour. 

La  paroisse  de  Castelnau,  qui  a  pour  patronne  sainte  Quitterie,  se 
rend  processionnellement,  le  jour  de  sa  fête,  à  l'église  de  Mazères,  pour 
demander  à  Dieu  la  conservation  des  fruits  de  la  terre,  qui  courent  en 
ce  moment  les  plus  grands  dangers.  On  s'y  rend  encore  à  d'autres  épo- 
ques de  l'année,  particulièrement  le  8  septembre,  fête  de  la  Nativité  de 
la  Sain  te- Vierge,  ce  qui  nous  fait  penser  que  cette  église  est  sous  le 
patronage  de  la  Mère  de  Dieu. 

2**  Ecclesia  de  Fangonis,  Faiigeau.  —  Cette  église  figure  dans  la 
liste  d'Urbain  V.  Il  semble  même  qu'à  cette  époque  Fangeau,  dont  le 
souvenir  est  aujourd'hui  presque  entièrement  effacé,  était  une  paroisse 
importante,  ayant  dans  sa  circonscription  Aurimont,  Tirent,  Bédé- 
chanet  Saint-Guiraut.  C'est  toujours  là  qu'est  l'église  matrice  jusqu'à 
la  fin  du  siècle  dernier.  Aurimont  ne  parait  avec  un  titre  distinct  que 
dans  la  dernière  liste,  sous  cette  dénomination  :  ecclesia  de  Alto  monte, 
nom  primitif  qu'on  rencontre  plusieurs  fois  dans  le  cartulaire  de 
Gimont,  et  dont  le  nom  moderne  doit  être  la  corruption.  Saint-Gui- 
raut  n'y  parait  qu'à  raison  de  son  union  avec  Fangeau  ;  et  dans  le 
xvn*  siècle  jusqu'à  la  fin  de  l'ancien  régime,  c'est  toujours  Fangeau 
qui  a  la  prééminence  et  le  titre  d'église  matrice,  avec  Bédéchan,  Auri« 


—  104  — 

mont,  Pontéjac  et  Saint-Guiraut  pour  annexes.  Bédéchan,  cependant, 
se  trouve  dans  les  listes,  avec  un  titre  séparé,  sous  cette  dénomination  : 
ecclesia  de  BeyssanOy  de  Bedeyssano;  et  môme  dans  celle  d'Urbain  V, 
on  donne  au  prêtre  servant  le  titre  de  Capellanus,  En  résumé,  ce  qui 
paraît  de  plus  clair  par  rapport  à  ces  églises,  c'est  que  leur  condition, 
dans  les  temps  anciens,  a  subi  bien  des  variations.  Fangeau  néan- 
moins n'en  est  pas  aussi  affecté  que  les  autres  et  conserve  jusqu'à  la 
fin  le  premier  rang.  Les  mêmes  variations  se  font  remarquer  dans  les 
temps  modernes.  A  l'organisation  qui  suivit  le  Concordat  de  1801, 
Aurimont  et  Saint-Guiraut,  dont  le  rôle  avait  été  auparavant  si  effacé, 
eurent  seules  le  titre  de  paroisse.  Bédéchan  ne  Test  devenu  que  plus 
tard,  avec  Fangeau  pour  annexe;  Pontéjac  et  Tirent  sont  aujourd'hui 
réunis,  l'un  à  Saramon,  l'autre  à  Boulaur. 

3**  Ecclesia  S^^  CaprasiL  Ecclesia  de  Castro  de  Cumbaprofunda. 
—  C'étaient  autrefois  deux  paroisses  distinctes,  qui  n'en  font  aujourd'hui 
qu'une  seule,  Saint-Caprais.  Celle  de  Castets,  dont  il  est  souvent  parlé 
dans  le  cartulaire,  avait  son  église  auprès  d'un  château,  au  sommet 
de  la  colline  qui  domine  la  vallée  entre  Juilles  et  Saint-Caprais,  connue 
sous  le  nom  bien  justifié  de  Cumha  profunda.  Elle  s'étendait  vers 
l'orient  jusqu^à  la  Gimone,  tandis  que  Saint-Caprais,  de  la  limite  qui 
la  séparait  de  Castets,  arrivait  du  côté  opposé  jusqu'à  la  Rats.  Aujour- 
d'hui, Saint-Caprais  réunit  les  deux  territoires. 

Le  château  féodal  bâti  sur  la  colline  eut,  pendant  les  guerres  du  xvi* 
siècle,  le  sort  de  bien  d'autres  dans  la  contrée,  il  fut  détruit;  du  moins 
il  n'en  est  plus  fait  mention  après  cette  époque.  L'éghse  elle-même, 
aussi  bien  que  celle  de  Saint-Caprais,  furent  incendiées  et  ruinées, 
comme  à  peu  près  toutes  celles  qui  se  trouvaient  à  la  portée  de  Mauve- 
zin;  et  lorsque  après  les  guerres,  l'archevêque  Léonard  de  Trapes  voulut 
relever  les  ruines  qu'il  rencontrait  de  toutes  parts,  dans  l'impossibilité 
011  il  se  vit  de  reconstruire  toutes  les  églises,  il  fut  contraint  de  se 
borner  aux  plus  indispensables  et  de  supprimer  un  certain  nombre  do 
paroisses,  qu'il  réunit  à  d'autres  dont  l'église  était  rebâtie.  Nous  trou- 
vons plusieurs  exemples  de  ces  réunions  dans  la  contrée,  et  de  ce  nom- 
bre sont  Saint-Caprais  et  Castets.  On  réunit  en  une  les  deux  paroisses, 
en  supprimant  Castets  et  donnant  le  titre  à  Saint-Caprais,  qui  était  plus 
central  et  d'un  accès  plus  facile  pour  la  généralité  des  paroissiens.  La 
nouvelle  église  fut  bâtie,  sinon  sur  l'emplacement  de  lancienne,  du 
moins  à  une  distance  assez  rapprochée. 

Saint-Caprais  et  Castets  dépendaient  de  l'abbaye  de  Gimont,  en  vertu 


—  105  — 

des  donations  qui  lui  avaient  été  faites  en  ce  lieu  dans  les  années  qui  sui- 
virent sa  fondation.  Elle  en  avait,  comme  de  toutes  celles  qui  se  trou- 
vaient dans  le  ressort  de  sa  juridiclion  temporelle,  le  patronage  et  la 
collation.  Advenant  vacance  du  poste,  c'était  elle,  ou  pour  mieux  dire, 
Tabbé  qui  choisissait  le  sujet  qui  lui  convenait  pour  le  remplir  et  le 
présentait  à  Tarcbevèque  pour  l'institution .  Dans  les  premiers  temps 
il  arrivait  assez  souvent,  du  moins  pour  les  paroisses  à  proximité  du 
monastère,  que  Télu  était  un  moine.  Mais  ensuite  cela  changea  et 
depuis  le  xiv®  siècle  on  ne  rencontre  guère  pour  curés  de  ces  églises 
que  des  prêtres  séculiers. 

4°  Ecclesia  de  Juilliis,  Ecclesia  de  Marrox.  —  Juilles  et  Marrox, 
comme  leurs  voisines  de  Castets  et  de  Saint- Caprais,  étaient  autrefois 
deux  paroisses  de  même  catégorie.  Chacune  avait  son  Capellanua* 
Mais  à  la  réorganisation  de  Léonard  de  Trapes  les  choses  changèrent: 
Marrox  fut  maintenu  comme  église  matrice  et  Juilles  lui  fut  donné 
comme  annexe  avec  un  simple  vicaire  pour  le  service.  La  condition  des 
deux  églises  demeura  telle  jusqu'à  la  fin  de  l'ancien  régime;  mais  au 
Concordat  de  1801  il  y  eut  un  nouveau  changement  :  Juilles  devint 
paroisse,  et  Marrox,  dépouillé  de  son  titre,  lui  fut  donné  pour  annexe. 

Il  y  avait  dans  la  même  région  deux  autres  églises  :  Saint-Etienne 
de  Marmont  (1)  et  Sainte-Marie  de  Cahuzac.  Le  prêtre  qui  en  faisait 
le  service  est  dit  simplement  rector.  Lorsque  l'abbaye  de  Gimont  fut 
bien  établie,  l'église  de  Sainte-Marie  de  Cahuzac  devint  un  sujet  de 
contestations  et  de  procès  interminables  entre  les  archevêques  et  les 
moines.  On  en  peut  voir  les  diverses  péripéties  dans  un  article  qui  a 
paru  dans  cette  Revue  (2).  Nous  ne  donnons  ici  que  la  conclusion  défi- 
nitive, qui  se  fît  attendre  des  siècles.  On  dut,  pour  en  finir,  se  résoudre  à 
une  transaction  à  lamiable,  définitivement  arrêtée  et  conclue  le  25  avril 
1604.  Cette  transaction  donna  lieu  à  l'établissement  de  la  petite  paroisse 
de  Saint-Sauveur,  en  remplacement  de  l'ancienne  paroisse  de  Sainte- 
Marie  de  Cahuzac,  dont  on  fit  l'annexe  de  Marrox.  Elle  fut  supprimée 
en  1801  et  réunie  à  Gimont. 

Quant  à  Saint- Etienne  de  Marmont,  il  n'en  est  fait  aucune  mention 
depuis  le  xvi*»  siècle.  Nous  remarquons  seulement  qu'au  xvni®,  en  par- 
lant de  Tecclésiaste  de  Miramont,  on  dit  et  on  écrit  souvent  «  Marmont  » 
pour  Miramont. 

(1)  Marmont.  aujourd'hui  la  Tour  blanque,  en  Manor,  était  un  château  où 
Gérault  du  Brouilh,  fondateur  de  l'abbaye  de  Gimont,  faisait  sa  résidence  ordi- 
naire avec  sa  famille.  De  là  est  datée  la  charte  de  fondation. 

(2)  T.  XXVI,  1885,  p.  52,  183. 


—  108  — 

5^  Ecclesia  S*  Mariœ  de  Baurens.  Sainte-Marie.  —  Nous  avons 
eu  d'abord  assez  de  peine  à  reconnaître  ceUe  paroisse  dans  les  listes.  Il 
s'y  trouve  bien,  il  est  vrai,  plusieurs  églises  portant  le  nom  de  Sainte- 
Marie  :  Ecclesia  Beatœ  Mariœ  deAzelens.,,  Beatœ  Mariœ  de  Pega- 
Ihano...  Beatœ  Mariœ  de  Baurens,  Mais,  au  premier  abord,  aucune 
de  ces  dénominations  ne  nous  paraissait  convenir  à  la  paroisse  de 
Sainte-Marie  du  canton  de  Gimont,  qui,  au  temps  ^e  la  fondation  de 
Tabbaye,  s'appelait  :  Ecclesia  Beatœ  Mariœ  de  Manvilla.  Il  nous  vint 
enfin  en  mémoire  qu'à  une  époque  assez  rapprochée  de  leur  première 
installation  dans  ces  contrées,  il  avait  été  fait  aux  moines,  non  loin  de 
là,  des  donatioijs  considérables  et  que,  pour  l'exploitation,  ils  y  avaient 
construit  une  grange  dont  ou  voit  encore  des  restes,  qu'ils  appelèrent  et 
qu'on  appelle  encore  la  Grange  de  Barés  (1).  De  Barés  à  Baurens  il 
n'y  a  pas  loin,  il  est  même  très  vraisemblable  que  ce  n'est  que  le  môme 
nom  avec  une  légère  modification  d'orthographe.  Or,  l'église  de  Sainte- 
Marie  n'est  pas  éloignée  de  cette  grange.  Quoi  d'étonnant  qu'avec  le 
temps  l'usage  ait  prévalu  de  la  désigner  sous  cette  dénomination, 
«  ecclesia  B.  Mariœ  de  Baurens  »,  ^ouv  Baurés  on  Barés,  comme  on 
dit  aujourd'hui?  Pour  nous,  nous  considérons  la  chose  comme  certaine 
et  nous  demeurons  bien  convaincu  que  c'est  la  paroisse  de  Sainte- 
Marie  que  désigne  cette  dénomination. 

Dans  cette  même  paroisse  de  Sainte-Marie  se  trouve  une  autre  égUse 
dite  de  Saint-German.  Elle  est  sans  titre  ;  mais  avant  les  bouleverse- 
ments de  la  fin  du  dernier  siècle,  c'était  une  église  paroissiale.  La 
paroisse,  d'un  territoire  peu  étendu,  se  trouvait  resserrée  entre  la  Gimone 
qui  la  bornait  au  levant,  Escornebœuf  au  midi,  Sainte-Marie  et  Saint- 
Martin  à  l'ouest,  et  Mauvezin  au  nord.  Cette  église  figure  dans  les 
listes  sous  ce  nom  :  Ecclesia  de  Piamonte,  Ce  nom  lui  était  venu  de 
ce  que  la  famille  de  Piémont,  qui  probablement  l'avait  fait  bâtir^  avait 
sa  résidence  seigneuriale  aux  alentours.  Le  lieu  précis  ne  nous  est  pas 
connu;  mais  les  indications,  un  peu  vagues  il  est  vrai,  du  cartulairede 
l'abbaye,  qui  compta  cette  famille  de  Piémont  parmi  ses  plus  insignes 
bienfaiteurs,  nous  portent  à  croire  que  c'était  à  Encoudrille,  aujour- 
d'hui propriété  de  M.  d'Orcival  de  Pey relongue,  ou  au  moins  non  loin 
de  là  (2). 


(1)  La  grange  de  Barés,  en  Blanquefort,  voisine  de  Sainte-Marie,  appartient 
aujourd'hui  à  M.  le  baron  de  Ruble,  qui  a  succédé  à  la  famille  de  Lomagiie.  La 
partie  existante  des  anciens  bâtiments  sert  d'habitation  au  colon. 

(2)  Le  même  caitulaire  nous  apprend  que  c<ïlte  famille  avait  une  part  à  la  sei- 
gneurie de  Pis,  alors  du  diocèse  de  Lectoure,  et  qu'eu  cette  qualité  elle  percevait 


—  107  — 

• 

6®  Eccleaia  5"  Martini,  Ecclesia  S^  Pétri  de  Bosco,  —  Saiat- 
Martin  du  Hourc,  ou  d'Herbielle,  est  le  nom  qu'on  donnait  très  ancien- 
nement à  la  première  de  ces  deux  paroisses,  qui  aujourd'hui  n'en  font 
qu'une.  Dans  les  listes  elle  est  ainsi  caractérisée  :  ecclesia  de  sancto 
MartinOy  sita  propre  Malum  vicinum,  Saint-Martin  n'est,  en  effet, 
qu'à  environ  quatre  kilom.  de  Mauvezin.  La  seconde.  Saint- Pé  du 
Bosc,  est  aussi  appelée  quelquefois  eccleaia  de  Peireto -de-Bosco, 

Depuis  rérection  récente  de  la  paroisse  de  Saint-Martin-Saint-Pé, 
formée  de  la  réunion  des  deux  anciennes,  les  églises  particulières  de 
chaque  section  ont  été  démolies  et  remplacées  par  une  nouvelle,  sur  un 
autre  emplacement,  commune  aux  deux  sections.  Cette  église,  dont,  à 
bon  droit,  la  paroisse  se  montre  fière,  est  due  principalement  au  zèle  et 
à  rindustiie  intelligente  de  M.  l'abbé  Brousté,  son  curé  actuel,  à  qui  nous 
souhaitons  cordialement  que  Dieu  fasse  la  grâce  de  jouir  longtemps  en 
parfaite  santé  du  fruit  de  ses  travaux. 

En  procédant  à  la  démolition  des  anciennes  églises,  en  grande  partie 
bâties  en  terre,  il  a  été  facile  de  reconndtre  qu'on  n'avait  là  que  des  cons- 
tructions destinées  à  pourvoir  aux  nécessités  du  culte,  après  les  ravages 
des  protestants,  qui  avaient  incendié  et  détruit  jusqu'aux  fondements 
les  deux  églises  primitives.  A  Saint-Pé  surtout,  on  retrouva,  sur  quel- 
ques pans  de  mur  qui  étaient  restés  des  anciennes  constructions,  des 
marques  évidentes  d'incendie,  et  on  reconnut  que  l'église  qui  avait 
remplacé  la  première  reposait  sur  ses  fondements.  Nous  fûmes  invité 
à  visiter  les  travaux,  et  nous  trouvâmes  là  la  confirmation  éclatante  de 
cette  vérité  historique  que  nos  recherches  antérieures  nous  avaient  déjà 
dévoilée  :  qu'aux  environs  de  Mauvezin,  au  temps  de  la  prétendue 
réforme,  tout  avait  été  ravagé,  et  que,  des  églises  répandues  dans  les 
campagnes,  bien  peu,  s'il  y  en  eut,  avaient  échappé  à  la  fureur  des 
sectaires. 

N'oublions  pas  de  dire  que  l'église  de  Saint-Pé  n'a  pas  entièrement 
disparu  :  on  a  sagement  conservé  son  clocher,  qui  était  probablement 
un  reste  de  l'église  primitive,  au-dessous  duquel  se  trouvait  la  porte 
d'entrée,  avec  le  fond  de  la  nef  dont  on  a  fait  une  chapelle  où  la  messe 
se  dit  de  temps  en  temps  pendant  la  semaine. 

A  l'occasion  de  Saint-Pé,  il  convient  de  dire  un  mot  d'une  autre 
église  qui  existait  autrefois  dans  son  voisinage,  mais  dont  il  ne  reste 

le  quart  des  dîmes  de  cette  paroisse,  distraction  faite  de  la  part  de  Tévéque. 
Pis  sVcrivait  autrefois  Piis,  probablement  de  ce  qu'en  latin  on  disait  «  ecclesia 
de  Plis  ^.  M.  l'abbé  Martet,  mort  il  y  a  peu  d'années  à  N.-D.  de  Cahuzac,  fit, 
étant  curé  de  Pis,  d'inutiles  efforts  pour  faire  rétablir  l'orthographe  primitive. 


—  108  — 

aujourd'hui  aucune  trace.  Le  souvenir  n'en  est  pas  cependant  tout  à 
fait  perdu  ;  ce  qui  tient  sans  doute  que  cette  église  fut  autrefois  un  but 
de  pèlerinage  et  de  dévotion  populaire,  qui  se  manifeste  encore  timide- 
ment de  temps  en  temps.  Elle  est  connue  sous  le  nom  de  Saint-Gilibert, 
et  nous  la  trouvons,  en  effet,  sous  ce  nom  dans  les  listes  :  Ecclesia 
S"  Giliberii  de  Gojono  (1).  Auprès  de  l'église  était  une  fontaine  répu- 
tée miraculeuse,  où  les  mères  qui  avaient  des  enfants  estropiés  ou 
marchant  difficilement  à  cause  de  la  difformité  de  leurs  mcmbi-es, 
venaient  les  baigner,  espérant  obtenir  leur  guérison  par  Tinlercession 
de  saint  Gilibert.  Cette  fontaine  n  a  pas  disparu  comme  Téglise;  on  la 
voit  dans  une  prairie  qui  longe  la  route  de  Mauvezin,  à  quelques  cen- 
taines de  mètres  du  croisement  de  cette  route  avec  celle  de  Gimont. 
Quoiqu'elle  n'ait  pas  aujourd'hui  la  renommée  d'autrefois,  il  n'est  pas 
rare  de  voir  encore  des  mères  qui  s'y  rendent  pour  le  même  motif  qui 
y  attirait  celles  des  temps  anciens.  Après  y  avoir  baigné  leurs  enfants, 
à  défaut  de  l'église  de  Saint-Gilibert,  elles  vont  faire  leurs  dévotions 
à  l'église  de  Saint- Pé  qui  n'est  pas  éloignée. 

7°  Ecclesia  de  Blancaforte.  Blanquefort.  —  Cette  paroisse,  sous  ce 
nom,  figure  sur  les  trois  listes,  et  toutes  donnent  au  prêtre  qui  en  fait 
le  service  le  nom  de  Capellanus,  Dans  la  dernière  seulement,  on  lui 
adjoint  Saint-Pé-du-Bosc  comme  annexe.  Au  xviii®  siècle,  elle  en  a 
une  seconde,  l'église  du  Través.  Cette  église,  sous  ce  nom,  ne  figure 
dans  aucune  liste;  mais  il  y  a  tout  lieu  de  croire  que  c'est  a  ecclesia  de 
Salis  propè  Blancamfortem  »,  que  porte  celle  de  1405.  Alors  elle  avait 
une  existence  indépendante,  mais  le  prêtre  servant  n'avait  que  le  litre  de 
Hector. 

L'église  de  Blanquefort  n'a  pas  toujours  été  là  où  elle  est  aujourd'hui. 
Elle  fut  transportée  en  ce  lieu  sur  la  fin  du  xvni®  siècle  par  les  soins 
de  la  famille  de  Lomagne,  à  qui  appartenait  alors  le  château  du  Bruca, 
en  ce  moment  propriété  de  M.  le  baron  de  Ruble.  L'église  primitive  se 
trouvait  au  milieu  des  prairies,  sur  la  rive  droite  de  la  Rats,  à  environ 
cent  mètres  du  chemin  d'Ansan,  qui  la  séparait  du  presbytère  qu'on 
voyait  encore,  tout  en  ruines,  il  n'y  a  que  peu  d'années,  au  nord  de  ce 


(1)  n  y  avait  à  Goujon  une  abbaye  bénédictine  de  femmes,  dont  les  ruines  se 
voient  encore  dans  la  paroisse  d'Auradé,  canton  de  l'Isle-Jourdain.  Cette  abbaye 
avait  des  ftefs  dans  Saint-Sauvy,  dont  dépendait  le  terrain  sur  lequel  était  b;\tie 
l'église  de  Saint-Gilibert.  Lorsque  cette  abbaye  disparut,  vers  la  même  époque 
que  celle  qni  se  trouvait  dans  la  paroisse  d'Escornebœuf,  au  lieu  qui  porte  encore 
le  nom  de  Saint-Jean  de  las  Moungcs,  ce  fut  l'abbaye  de  Gimont  qui  profita  des 
biens  ôt  revenus  qui  en  dépendaient. 


—  109  —       . 

chemin.  C'est  principalement  pour  mettre  cette  église  à  l'abri  des  inon- 
dations auxquelles  elle  était  exposée  qu'eut  lieu  le  déplacement.  Une 
croix  a  été  érigée  sur  le  terrain  qu'elle  occupait  pour  en  perpétuer  le 
souvenir.  Personne  n'a  su  nous  dire  quel  était  le  patron  de  l'ancienne 
église.  La  nouvelle  est  sous  le  vocable  de  sainte  Thérèse,  patronne  de 
madame  de  Lomagne,  l'aïeule  de  M.  le  baron  de  Ruble,  qui  avait  pris 
à  sa  charge  les  frais  de  la  construction  et  de  l'ameublement. 

8**  Ecclesia  Albineti»  Aubiet.  —  Cette  paroisse  aujourd'hui  s'étend 
à  peu  près  également  sur  les  deux  rives  de  la  Rats.  Elle  a  une  surface 
de  près  de  4000  hectares,  ce  qui  en  rend  pour  le  curé  le  service  onéreux 
et  difficile.  Ses  limites  sont  à  peu  près  partout  celles  qu'avait  eues  de 
toute  antiquité  la  juridiction  consulaire  et  que  la  commune  moderne  a 
conservées.  Sur  cette  vaste  surface  il  y  avait  autrefois  cinq  paroisses, 
trois  sur  la  rive  droite  et  deux  sur  la  rive  gauche  de  la  Rats,  qui  la  tra- 
verse du  midi  au  nord.  1°  La  paroisse  centrale,  composée  seulement 
du  bourg  et  de  sa  banlieue,  qui  ne  s*étendait  qu'à  une  médiocre  distance 
au  nord,  au  levant  et  au  sud.  Son  église  gothique,  du  xiii®  siècle,  autant 
qu'on  peut  en  juger  par  les  débris  de  sculpture  qu'on  trouve  encore  çà 
et  là,  était  dédiée  à  saint  Martin  de  Tours;  mais  la  paroisse,  depuis  le 
X"  siècle,  avait  adopté  pour  ses  patrons  les  saints  martyrs  persans 
Abdon  et  Sennen,  dont  la  fête,  le  30  juillet,  se  célébrait  avec  grande 
pompe  et  attirait  un  grand  concours  d'étrangers.  2°  Saint-Barthélémy 
de  Miramont,  au  sud-est,  comprenant  le  terroir  d'Uzan.  3^  Saint-Jean- 
de-Bascous  —  de  Bascolls,  de  Bascols  —  qui  avait  autrefois  appar- 
tenu aux  chevaliers  de  Saint-Jacques  de  l'Épée.  4"  Sainte-Catherine, 
comprenant  le  terroir  de  Labarthe,  la  Verdale  et  Léchaux.  5°  Dagnan 
—  de  Agnano.  L'église,  dédiée  à  saint  Jean,  était  bâtie  à  la  limite  sud 
de  la  paroisse,  sur  le  versant  nord  du  coteau  qui  limitait  en  cet  endroit 
le  bois  de  la  Verdale.  Elle  fut  de  tous  les  temps  connue  sous  le  nom  de 
Saint- Jean-de- Verdale  y  et  nous  tenons  pour  certain  qu'elle  était  bâtie 
sur  le  théâtre  même  du  martyre  de  saint  Taurin.  Toutes  ces  églises 
sans  exception  furent  détruites  par  les  Religionnaires.  De  celle  de 
Sainte-Catherine  il  était  resté,  du  côté  du  sanctuaire,  un  pan  de  mur 
auquel  était  adossé  l'autel.  On  conserva  ces  restes,  qu^on  arrangea  de 
façon  à  en  faire  un  lieu  de  station,  où  l'on  se  rendait  en  procession  à 
diverses  époques  de  l'année,  jusqu'en  1789. 

Par  les  soins  du  seigneur  de  Dagnan,  Roch  de  Hélies,  l'église  de 
Saint-Jean-de- Verdale,  qui  ne  se  releva  pas  de  ses  ruines,  fut  rempla- 
par  une  nouvelle,  bâtie  près  du  château.  Elle  fut  dédiée  sous  le  voc>able 
de  saint  Laurent  et,  dès  qu'elle  fut  en  état,  le  service  paroissial  y  fut 


—  110  — 

transporté  et  organisé  par  l'archevêque  Dominique  de  Vie,  successeur 
de  Léonard  de  Trapes,  de  concert  avec  le  curé  d'Aubiet  et  le  seigneur 
de  Dagnan.  Le  curé  devait  envoyer  un  de  ses  vicaires  pour  faire  à 
Dagnan  les  offices  paroissiaux  tous  les  dimanches  et  fêtes,  et  le  seigneur 
Je  son  côté  s'engageait  à  recevoir  ce  jour-là  le  vicaire  à  sa  table. 

Dans  le  bourg  il  y  avait  trois  églises  :  celle  de  Saint-Martin,  parois- 
siale, celle  de  N.-D.  de  Charité  ou  de  Piété,  objet  d'une  grande  véné- 
ration pour  la  population,  et  la  chapelle  particulière  attachée  à  l'hôpital 
Saint-Nicolas.  Toutes  avaient  été  ruinées  et  démolies.  Il  n'en  restait 
pas  une  où  l'on  put  faire  les  offices.  Dans  l'impossibilité  de  les  réta- 
blir toutes,  on  donna  la  préférence  à  celle  de  N.-D.  de  Charité,  qu'on 
agrandit  pour  en  faire  l'église  paroissiale;  c'est  celle  que  nous  avons 
trouvée,  bien  délabrée,  à  notre  arrivée  dans  la  paroisse. 

Les  églises  de  Saint-Barthélémy  de  Miramont  et  de  Saint-Jean  de 
Bascous,  détruites  aussi  de  fond  en  comble,  ne  furent  pas  rétablies. 
L'archevêque  Léonard  de  Trapes  aima  mieux  supprimer  ces  paroisses, 
d'une  importance  secondaii-e,  et  en  rattacher  la  population  à  celle  d'Au- 
biet.  Du  même  coup  il  érigeait  en  bénéfice  simple,  sous  le  titre  d'ecclé- 
siaste,  le  territoire  de  ces  paroisses,  en  gardait  les  revenus  à  sa  dis- 
position, sans  rien  laisser  au  curé  à  qui  il  donnait  toute  la  charge. 
Le  curé,  Jean  Monbernard,  ne  l'entendait  pas  ainsi  ;  fort  mécontent  de 
ces  dispositions,  il  se  plaignit  à  l'archevêque,  qui  ne  l'écouta  pas  et  passa 
outre.  Sans  se  déconcerter,  Monbernard  en  appela  à  Rome.  Le  pape 
renvoya  l'afïaire  à  Tévêque  de  Tarbes,  qu'il  commit  pour  la  juger.  La 
cause  s'instruisit  longuement  devant  son  officialité  et  finalement  l'ar- 
chevêque fut  condamné  à  payer  au  curé,  sur  les  revenus  des  paroisses 
supprimées,  une  indemnité  convenable  pour  le  surcroit  de  charge  qu'il 
lui  imposait  (1). 

9**  Insuleita  Saurimonda.  Eccleaia  de  Arneslo.  —  L'Isle-Sauri- 
monde  ou  l'Islette.  Eglise  annexe  d'Arné,  aujourd'hui  simplement  l'Isle- 
Arné.— Ces  deux  églises,  jusqu'à  1789,  ont  eu  chacune  leur  prêtre  pour 
en  faire  le  service  :  l'un,  celui  de  l'Islette,  curé,  l'autre,  celui  d'Arné, 
vicaire,  l'église  d'Arné  n'étant  considérée  que  comme  annexe  de  l'Islette. 
Aujourd'hui  les  deux  sections  sont  réunies  en  une  seule  paroisse;  mais, 
à  l'inverse  de  ce  qui  était  autrefois,  c'est  Arné  qui  a  le  titre  de  paroisse, 
tandis  que  l'Islette  n'est  considérée  que  conune  annexe.  C'est  au  Cou- 
Ci)  Nous  avons  retrouvé  une  pièce  importante  qui  faisait  partie  du  dossier 
présenU^  pour  sa  défense  par  le  curô  Monbernard.  Nous  la  donnons  en  appen- 
dice à  la  suite  de  cet  article. 


—  111  — 

cordât  de  1801^  sous  la  pression  d'influences  locales  dont  on  dut  tenir 
compte,  que  ce  changement,  regrettable  à  bien  des  ^ards,  fut  accompli. 
La  même  chose  eut  Heu  pour  Juilles  et  Marrox.  Les  résultats  de  ce 
changement  ne  furent  pas  plus  heureux  dans  un  cas  que  dans  l'autre. 
Il  s'ensuivit,  comme  il  fallait  s'y  attendre,  un  vif  mécontentement  chez 
les  habitants  de  la  section  dépossédée,  et  ce  mécontentement,  qui  dure  en- 
core, produisit  des  rivalités  fâcheuses,  toutes  préjudiciables  à  l'union  et 
à  la  bonne  entente  qu'il  devrait  y  avoir  entre  habitants  d'une  même 
paroisse.  Les  curés  qui  se  sont  succédé  à  Juilles  et  à  TIsle-Arné  depuis 
1801  ont  bien  pu  en  savoir  quelque  chose,  et  nous  croyons  pouvoir 
alBrmer  que  ceux  qui  en  ont  aujourd'hui  la  charge  ne  nous  contredi- 
raient pas. 

R.  DUBORD, 

Curé  d'Aubiet. 


APPENDICE 


Procès  dn  cnré  d^Aabiet  Jean  Monberoard  avec  rarchevéque 

Léonard  de  Trapes. 


AUX.  —  AUBÏET 

Faits  pour  M®  Jean  Monbernard,  recteur  d'Aubiet,  contre  M*"  l'ar- 
chevêque d'Aux  et  autres. 

Articulant  ses  faicts  devant  vous  Monsieur  Tévesque  de  Tarbe,  juge 
délégué  du  S*  Siège  apostolique,  M®  Jean  Monbernard  recteur  de  l'église 
parochelle  M^  S*^  Martin  d'Aubiet,  contre  Mgr  l'Archevesque  d'Aux,  le 
Prieur  de  S*  Orens,  M«  Hannibal  Pagan  et  M®  Estienne  du  Solier, 
aux  qualités  que  sont  pris  au  procès  (1). 

1°  Dict  qu'il  est  recteur  titulaire  et  possesseur  de  lad.  église  en  la 
ville  d'Aubiet  par  vertu  de  la  résignation  qui  lui  a  esté  faite  de  lad. 

(1)  Le  Prieur  de  Saint-Orens,  principal  décimaleur  en  Daignan  ;  Pagan  et  du 
Solier,  titulaires  des  nouveaux  ecclésiastes  de  Saint-Barthélemy-de-Miramont 
et  de  Saint-Jean-de-Bascous. 


—  112  — 

cure  en  cour  de  Rome  par  autre  Jean  Monbernard,  et  comme  tel  qu'il 
est  tenu,  sauf  légitime  dispense,  de  s'y  trouver  et  résider  en  personne, 
tant  qu'il  peut;  et  tant  présent  que  absent,  y  entretenir  quatre  vicaires 
et  coadjuteurs  pour  faire  le  divin  service  et  les  salarier  tous,  parce  que 
les  charges  et  oflBces  de  lad.  église  sont  grands  et  importants. 

2°  Car  premièrement,  il  est  tenu  d'administrer  les  saints  sacrements 
à  tous  les  habitants  dépendans  de  Tecclésiaste  de  S*  Barthélémy  de 
Miramont  duquel  M**  Hannibal  Pagan  se  dit  titulaire,  qui  sont  au  nom- 
bre de  cent  quarante  six  de  cormnunion  ou  d'avantage,  et  est  tenu  de 
les  ensevelir  dans  son  église  d'Aubiet. 

3°  Comme  aussi  il  est  teneu  de  faire  le  service  et  administrer  les 
saints  sacrements  à  tous  les  habitants  qui  sont  bâtis  et  possèdent  en 
Tecclésiaste  du  d.  Solier  (S*^  Jean-de-Bascous)  sans  qu'il  y  fasse,  non 
plus  que  led.  Pagan,  aucun  office  ni  service.  Lesquels  tenanciers, 
sans  comprendre  les  petits  enfants,  sont  soixante-neuf  en  nombre, 
auxquels  par  ses  vicaires  led.  Monbernard  administre  comme  recteur 
d'Aubiet. 

4^  Et  pour  vous  faire  voir  qu'il  lui  est  nécessaire  d'entretenir  lesd. 
quatre  vicaires  et  coadjuteurs  pour  s'acquitter  de  son  debvoir,  met  par 
faict  qu'il  est  chargé  de  dire  ou  faire  dire  tous  les  samedis  vespres  et 
complies  et  le  salut  ;  et  les  dimanches  messe»  au  matin,  avec  la  béné- 
diction de  l'eau  et  l'aspersion  à  haulte  voix,  et  à  dix  heures  faire  célé- 
brer messe  haulte  parochelle  et  publier  les  mandements  du  prône  et  le 
soir  vespres  à  haute  voix. 

5°  Tous  les  lundis  doit  faire  célébrer  messe  haulte  de  morts,  et  faire 
procession  led.  jour.  Et  faire  procession  tous  les  jours  de  feste  com- 
mandée par  l'Eglise;  et  la  veille  d'icelles  festes  dire  vespres  haultes,  et 
le  jour  de  la  feste  aussi;  et  le  matin  messe  haulte  parochelle. 

6°  Est  teneu  de  célébrer  et  faire  dire  Toffice  solennel  toutes  les  festes 
solemnes  et  les  veilles;  comme  aussi  les  jours  des  s.  s.  Abden  et  Sen- 
nen  martyrs,  avec  procession  générale  par  toute  la  ville  d'Aubiet, 
portant  les  bourdons  et  chapes. 

7^  Depuis  la  feste  S^®  Croix  du  mois  de  mai  jusqu'à  pareille  feste  eu 
septembre,  est  teneu  de  faire  la  procession,  et  à  doutze  heures  faire  les 
prières  à  l'église  à  haulte  voix,  et  toute  la  caresme,  chaque  jour  com- 
plies à  haulte  voix.  Le  jour  de  Pasques  fleuries,  TolTice  soleimel  et 
procession,  et  toute  la  sepmaine  Sainte  l'office  à  haulte  voix  comme  en 
église  collégiale;  et  le  lendemain  de  Pasques  et  de  Pentecoste,  proces- 
sion; comme  aussi  le  troisiesme  jour  des  Rogations  faut  faire  procession 
à  la  chapelle  S*^^®  Catherine,  distante  d'Aubiet  d'un  quart  de  lieue. 

8^  Aux  quatre  festes  de  Nostre-Dame,  Annonciation,  Nativité,  Puri- 
fication et  Assomption,  est  teneu  faire  célébrer  messe  basse  et  haulte  à 
diacre  et  soubsdiacre  et  dire  !**«*  et  2^®»  vespres  et  les  veilles  des  d.  fes- 
tes, avec  les  cérémonies  de  l'encencement  au  Magnificat. 


—  113  — 

9^  De  mesme  est  teneu  de  faire  dire  vespres  les  veilles  des  fesles  de 
Pasques,  Pentecoste,  de  la  Trinité,  de  la  Feste-Dieu,  le  jour  de  TAscen- 
sion,  de  S^  Jean-Baptiste  et  de  La  Toussainls  et  autres  fesles  solen- 
nelles, et  faire  célébrer  messe  haulte  à  diacre  et  soubsdiacre  ;  et  tous  les 
samedis  de  Tannée  vespres  haultes;  et  les  dimanches  messe  haulte  et 
le  prosne;  et  ainsin  le  fait-il  observer  par  sesd.  vicaires  et  coadjuteurs. 

lO*  Et  pour  s'acquitter  de  cette  charge  il  est  contraint  d'entretenir  lesd. 
quatre  vicaires,  à  chacun  desquels  baille  la  somme  de  cinquante  livres 
toumoises  et  tout  le  pied  de  Tautel.  Et  oultre  entretient  un  sacristain 
pour  sonner  les  cloches,  auquel  pour  an  il  donne  quatre  escuts  sol, 
comprinse  sa  part  du  pain  des  offrandes  qui  est  le  premier  offert. 

11°  Oultre,  led.  recteur  est  teneu  nourrir  de  bouche  le  prédicateur 
l'avant  et  le  caresme,  que  lui  revient  pour  le  moins  à  trente  escuts  sols, 
si  est  leneu  de  payer  les  décimes  et  contribuer  à  la  nourriture  des  pau- 
vres. 

12**  Est  mis  en  faict  que  Téglise  d'Aignan  est  annexe  de  celle  d'Au- 
biet,  et  qu'en  icelle  le  dit  Monbernard  tient  un  vicaire  pour  faire  le 
servie»  aux  parochiens  d'icelle,  et  qu'avant  que  lad.  église  ne  feust 
nexée  à  celle  d'Aubiet  les  habitants  d'Aignan  venoient  aud.  Aabiet  ouir 
messe  ce  que  ne  font  à  présent;  ains  led.  recteur  leur  fait  administrer 
aud.  lieu;  ce  qui  lui  apporte  une  grande  charge. 

13°  Dict  que  au  temps  jadis,  auquel  led.  sieur  archevesque  pose  que 
le  recteur  d'Aubiet  prenoit  cinq  cent  livres  du  revenu  de  sa  cure,  les 
vicaires  faisoient  le  service  sans  autre  salaire  que  du  pied  de  l'autel  ;  ou 
à  présent  led.  Monbernard  en  paye  deux  cents;  et  les  décimes  et  autres 
charges  sont  accrues  d'un  tiers  ou  demoidé  (ajouté  d'autre  mam.- mais 
à  présent  ne  veulent  lesd.  vicaires  faire  led.  service  à  moins  de  vingt 
escuts  par  an  chasquun). 

14°  Que  par  tout  le  diocèse  d' Aux  les  recteurs  prennent  la  quatriesme 
partie  dç  touts  les  fruicts  décimes  et  primiciaux,  et  l'entier  Verrouil, 
Et  aux  diocèses  de  Toulouse  et  Lombez,  la  moitié  bien  quitte,  n'ayant 
tant  de  charge  qu'il  a. 

15°  Et  néanmoins  tout  ce  qu'il  prend  de  sad.  cure  ne  vaut  d'affermé 
annuel  cent  dix  escuts  sol.  Car  il  ne  prend  rien  du  vin  au  quartier  de 
Daignan,  sauf  la  quatriesme  partie  des  fruicts  décimaux.  Et  au  terroir 
d'Aubiet  ne  prend  qu'en  certains  lieux  lad.  quatrième  partie,  et  rien  du 
^in  réservé  au  parsan  appelé  aux  grands  camps,  où  il  ne  sauroit 
recueillir  une  barrique  de  vin. 

16°  Au  contraire  led.  s*^  Archevesque  prend  en  lad,  paroisse  d'Aubiet 
les  fruicts, qu'il  afferme  chacun  an  neuf  cents  escuts  sol;  et  aux  terroirs 
appelée  Hermentières,  Bats  et  Lagarlon,  il  prend  tout  le  vin  de  dixme. 

17°  Et  le  Prieur  de  S*  Orens  prend  en  une  partie  de  la  paroisse,  à 
la  Corne,  au  Bosc;  au  Plan,  d'arreu  Castet,  à  la  Boubée  et  Escomeloup, 


~  114  — 

de  quatre  parties  les  trois  du  vin  ;  et  mr  TArchevesque  le  reste,  sans 
faire  aucun  service.  (Ajouté:  et  sans  que  led.  recteur  en  preigne  rien). 

18^  Led.  de  Solier  prend  en  lad.  paroisse,  et  terroir  appelé  de  Bas- 
cous,  la  qualriesme  partie  des  f ruicts,  et  M^  TArchevesque  les  trois  pai^ 
ties  restantes.  Lequel  terroir  de  Bascous  consiste  en  quinze  ou  setze 
métairies,  aux  habitants  desquelles  ils  ne  font  aucun  service,  ains  led. 
recteur  et  ses  vicaires  seuls. 

19°  Et  led.  Pagan  prend  le  quart  de  tous  les  fruicts  et  tout  le  foin 
de  Tecclésiaste  de  S^  Barthélémy  et  mr  TArchevesque  les  trois  autres 
quarts.  Lequel  terroir  consiste  en  dix-huit  métairies,  aux  tenanciers 
desquelles  ils  n'administrent,  ains  le  dit  recteur,  sans  qu'ils  lui  laissent 
rien  prendre. 

20°  Comme  de  mesme  lesd.  sieurs  Arche vesque,  Prieur  de  S' Orens 
et  titulaire  de  Saint-Jean-de-Bascous  preignent  l'entier  dixme  du  lin, 
sauf  qu'en  d'Aignan  et  partie  d'Aubiet  le  demandeur  en  prend  le  quart 
pour  le  service  qu'il  seul  y  fait,  sans  que  les  autres  susnommés  y  en 
fassent  aucun. 

21°  Dict  qu'il  ne  se  trouvera  aucun  excusât  au  terroir  d'Aubiet.  Bien 
est  vrai  que  sur  led.  dixmaire  dud.  Prieur  de  S^  Orens,  il  lui  a  laissé 
choisir  d'un  champ  seulement  ;  auquel  terroir  led.  s*"  Archévesque  prend 
les  quarts. 

22°  Car  quant  à  autre  quartier  qu'est  appelé  proprière,  encore  qu'il 
en  preigne  la  dixme  et  prémices,  ce  n'est  pas  par  forme  à'excusai,  ains 
pour  avoir  esté  de  tous  temps  lad.  dixme  propre  aud.  recteur.  (Ajouté  : 
dont  il  tient  le  nom  de  proprière). 

23°  Ne  se  trouvera  aussi  qu'il  preigne  dixme  ou  dixmaire  de  Marsan, 
car  il  y  a  curé  particulier;  sinon,  comme  a  esté  ci-devant  desduict, 
comme  aussi  le  champ  des  Prestres  et  autres  mentionnés  en  son  escrit. 

Ce  dessus  estant  véritable  persiste  que  les  fins  et  conclusions  ci- 
devant  prises  par  son  résignant  en  ses  sentiments,  lui  doivent  estre 
adjugées,  avec  despens  et  autres  plus  pertinentes.  —  A.  Laffont. 

Certifié  conforme  à  l'original  qui  est  en  nos  mains.  —  R.  D. 


L'ABBAYE  DE  FLARAN 


II 


PARTIE  HISTORIQUE. 
Suite  (*).' 

Si,  roalgré  nos  laborieux  efforts,  nous  n'avons  pu  décou- 
vrir la  première  charte  de  fondation  de  Tabbaye  de  Flaran  en 
4154,  en  revanche  nous  avons  eu  la  bonne  fortune  de  trouver, 
aux  archives  municipales  de  Condom  (1),  plusieurs  des  dona- 
tions qui  furent  faites  à  Tabbaye  dès  Fèpoque  de  sa  naissance. 
Ces  litres  furent  présentés,  en  4745,  par-devant  le  bailli  de 
Condom,  Silvaire  Joubert,  comme  pièces  d'un  procès  qu'avait 
intenté  l'abbé  de  Flaran,  noble  Joseph  de  Mauvesin  de  Mou- 
chan,  contre  les  consuls  de  Condom,  au  sujet  de  la  nobilité 
des  biens  possédés  par  ledit  abbé  dans  la  juridiction  de  la 
ville,  et  notamment  de  la  grange  de  Hillet. 

Collation  des  présents  titres  a  esté  faite,  —  dit  la  pièce  de  procédure, 
—  sur  les  originaux  en  parchemin,  de  la  longueur  de  quatre  pieds  onze 
pouces,  sur  cinq  pouces  de  largeur,  en  trois  pièces  attachées  Tune  au 
bas  de  l'autre  par  du  parchemin  qui  sert  de  couture. 

Vu  leur  importance  (car  ils  nous  font  connaître  une  des 
premières  donations  faites  à  l'abbaye  de  Flaran,  en  même 


(■)  Voir  le  vol.  précédent,  liyr.  de  novembre,  p.  504. 
(1)  Archives  mun.  de  Ck>ndom,  série  F.  F.  62. 


•"l 


\>  ^ 


.'     4 


—  116  —  ' 

temps  que  les  noms  des  trois  premiers  abbés),  nous  deman- 
dons à  nos  lecteurs  la  permission  d'en  citer  tout  d'abord 
quelques  extraits,  leur  longueur  nous  empêchant  malheu- 
reusement de  les  reproduire  tous  in  extenso. 

Nous  donnons  du  moins,  en  note,  le  texte  entier  du  premier, 

qui  est  de  H55  (1).  C'est  la  cession  aux  moines  de  Flaran 

de  deux  ou  trois  emplacements  dans  la  terre  du  Hlllet,  pour  y 

bâtir  une  «  grange  » ,  y  planter  un  vignoble,  etc.  L^abbé  donne 

.'. v'V  V  -^    en  retour  10  sous  morlas  et  un  cheval  de  30  sous  et  promet 

,.  .     au  bienfaiteur,  Forton  del  Tilh,  et  à  son  fils  une  part  dans 

')  '^     1  les  prières  de  la  communauté. 

Le  second  acte  est  de  ilo7.  Le  même  Forton  del  Tilh  donne 
en  gage  à  Tabbaye  de  Flaran  et  à  son  premier  abbé  Guil- 
laume la  totalité  de  la  terre  de  Hillet  pour  deux  cents  sols 
morlas,  qui  devront  être  payés  le  jour  de  la  fête  de  tous 
les  saints.  Sont  nommés  par  lui  fîdéjusseurs  :  Pierre 
de  Saint-Orens,  Bertrand  de  Béraut  et  Emendat  de  Roque- 
pine. 

Dans  le  troisième  acte,  de  1158,  Forton  del  Tilh  donne  en 
outre  à  Tabbaye  de  Flaran  et  à  son  abbé  Guillaume  le  bois 

(1)  In  Domini  nomine,  sciendum  est  quod  Porto  Del  Tîlh,  per  se  et  per  omnes 
Buccessores  suos  prsesentes  atque  futuros,  dédit  Domino,  et  Beatsû  Marias  Fla- 
rani,  et  Guillelmo  abbati,  et  conventiii  ejusdem  loci  prsesenli  et  future,  locum 
et  terrain  ad  aedificandum  et  faciendum  grangiam  in  territorio  de  Hillet,  deter- 
minatum  terminis  suis,  et  ingressum  et  egressum...  per  totara  terram  de  Hill«t. 
Dédit  etiam  ipse  Forto  Del  Tilh  in  eodem  territorio  de  Hillet  terram  ad  plantan- 
dam  et  possidendam  vineam  determinatam  terminis  suis  ;  et  pro  his  donis,  sci- 
licet  pro  loco  grangiae,  et  pro  loco  ubi  viridarium  est,  et  pro  loco  ubi  plassatum 
est,  dédit  prœdictus  Guillelmus  abbas  Flarani  praedicto  Fortoni  Del  Tilh  decem 
solidos  de  bonis  Morlanis  ;  et  pro  terra  ubi  vinea  plantaretur,  dédit  unum  equum, 
triginta  solidos  valentem,  et  recepit  eum  in  orationibus  ordinis  ;  et  ut  fratres 
Flarani  faciant  pro  anima  ejus  et  pro  anima  fllii  sui,  videlicet  tantum  quantum, 
pro  uno  mouacho,  haec  dona  praedicta  dédit  praedictus  Forto  Del  Tilh  prsedictia 
Iratribus  Flarani  sine  omni  retentione,  quam  ibi  non  fecit.  Et  ut  habeant  pr«- 
dicta  dona  fratres  Flarani  et  possideant  omni  tempore  in  pace  sine  omni  contra- 
dictione,  et  mandavit  et  promisit  per  se  et  per  omnes  successores  suos  bonam  et 
firmam  garentiam  omni  tempore.  Hujus  rei  testes  sunt  Oddo  de  Mayald,  Beziata 
f rater  ejus,  Senald  Orodlan,  Emendatus  de  Rocapina  et  Bassier,  Raymundus  de 
Labarana  monachus  Flarani,  et  frater  Oddo,  conversus.  Facta  caria  anno  ab 
incamatione  Domini  millesimo  centesimo  quinquagesimo  quinto,  Ludovic©  rege 
Francorum,  Guillelmo  Venerabili  auscitano  archiepiscopo,  et  hoc  idem  Sancius 
monachus  scripsit. 


—  117  — 

quad  vocatur  Arligaberd.  Il  reçoit  en  échange  cent  vingt  sols 
morlas.  Sont  témoins  :  Pierre  de  Saint-Orens,  Emendat  de 
Roquepine  et  Bertrand  de  Béraut. 

Trois  ans  après,  en  1161,  il  engage  à  nouveau  en  faveur 
de  l'abbé  de  Flaran,  Guillaume^  et  pour  deux  cents  sols  mor- 
las,  toute  sa  terre  de  Hillet.  Sont  fldéjusseurs  f  Oddon  de 
Lomagne,  Bernard  de  Pardeillan  et  Géraud  de  Casaubon,  en 
présence  de  Tarchidiacre  d'Auch,  de  Guillaume  de  Tro  et  de 
Bernard  de  Yillalongue. 

La  cinquième  donation,  qui  date  de  1173,  est  faite  à 
Etienne,  deuxième  abbé  de  Flaran,  successeur  de  Guillaume. 
Elle  consiste  dans  trois  portions  de  la  dîme  de  Hillet,  en 
échange  de  cent  sols  morlas.  Sont  témoins  :  Oddo  de  Mayald, 
Frichet,  Guillaume  Bernard  de  Sainte-Gemme,  Raymond  de 
Labrane  et  frère  Oddo  de  Seysos. 

La  quatrième  portion  de  ladite  dîme  de  Hillet  lut  donnée 
par  le  même  Forton  del  Tilh  à  Tabbè  Etienne,  Tannée  sui- 
vante, avec  consentement  de  Vital  de  Bragayrac  et  de  Bonete 
sa  sœur,  qui  reçurent  en  échange  trente-trois  sols  morlas. 
Furent  témoins  :  Arnaud  del  Tilh,  Raymond  de  Labrane, 
moine,  de  Flaran,  Guillaume  Bernard  de  Sainte-Gemme  et  le 
frère  Oddon  de  Seysos. 

L'année  suivante,  1175,  le  même  Forton  del  Tilh  donne  à 
Tabbaye  de  Flaran  et  à  son  abbé  Etienne,  outre  cent  dix 
sols  morlas,  tout  ce  qu'il  possède  et  peut  posséder  sur  sa  terre 
de  Hillet,  à  savoir  : 

Terram  cultam  et  incultam,  homines  et  feminas,  nemora,  aquas, 
pascua  et  prata,  dominium,  servitium,  census  et  usaticos,  et  quidquid 
ad  venatum  pertinet,  et  quidquid  habebat  vel  aliquomodo  habere 
debebat. 

Il  nomme  comme  fidéjusseurs  :  Raymond  Bernard  de  Gelas, 
Guillaume  Arnaud  son  frère  et  Oddon  de  Mayald.  Furent  en 
outre  témoins  :  Bernard  de  Bald,  Guillaume  Bernard  de 

Tome  XXX.  9 


—  118  — 

Sainte-Gemme,  Frichet,  Larroqae,  Raymond  de  Labrane  et 
frère  Oddon  de  Seysos. 

La  même  année  Vuillinodas,  Forton  de  Massencôme  et 
Guillaume  et  Bernard  de  Fillet,  rogati  a  domino  sua  Forlone 
del  Tilh,  donnèrent  à  Pabbaye  de  Flaran  tout  ce  qu'ils  pou- 
vaient posséder  sur  celte  même  terre  de  Hillet;  en  présence 
de  Pierre  de  Balboso,  de  Forton  de  Torslan,  de  Pierre  d'Aurié- 
bat,  de  Irère  Oddon  de  Seysos,  d'Allius  de  Pontéjac  et  de 
Bernard  de  Lassierre. 

Enfin,  cinq  ans  après,  en  1180,  le  même  Forton  del  Tilh 
couronne  toutes  les  donations  qu'il  avait  faites  depuis  trente 
ans  à  Tabbaye  en  se  donnant  lui-même  et  en  revêtant  Tbabit 
moine.  Il  demeurait  alors  au  Sempuy  (1). 

Cette  terre  de  Fillet  ou  de  Hillet  était  située  sur  le  haut  pla- 
teau qui  domine  Flaran  à  l'ouest,  à  trois  kilomètres  environ 
de  l'abbaye  et  à  un  kilomètre  au  nord-est  de  la  petite  ville  de 
Gassagne.  Elle  faisait  partie  de  la  juridiction  de  Condom. 

Le  Hillet  était  une  grange,  ainsi  que  l'indique  un  des  actes 
précédents.  On  sait  qu'on  appelait  granges  ou  villas  les  métai- 
ries ou  fermes  de  l'abbaye,  «  occupées  par  des  frères  convers 
et  des  valets,  sous  la  direction  d'un  religieux  qui  avait  le  titre 
de  frère  hospitalier;  car,  dans  ces  villas,  comme  dans  les  sim- 
ples granges  isolées,  l'hospitalité  était  assurée  au  voyageur 
attardé,  et  à  cet  effet,  une  lampe  brûlait  toute  la  nuit  dans 


(1)  In  Domini  nomine,  sciendum  est  quod  Forto  del  Tilh  apud  Alsumpoy 
misit  ad  abbatem  Flarani  Atigeoinum,  et  pra^dictus  abbas  cum  aliis  fratribus 
Tenit  ante  eum,  et  praedictus  Porto  obtulit  se  prsedicto  abbati  ad  faciendum 
monachum.  Et  abbas  praedictus  bénigne  atque  dévote  recepit  eum  cum  cseteiis 
fratribus  suis  quiibi  erant,  et  fecit  eum  portare  cum  magno  honore  ad  Flaranum. 
Et  tune  ipse  Forto  dédit  et  concessit  praidiclo  abbati  Angevino  et  cunctis  fratri- 
bus  Flarani»  centum  solidos  de  bonis  Morlanis  super  pignus  de  Fillet,  et  re- 
cognovit  quod  pnedicti  fratres  de  Flarano  habebant  cum  praedictis  centum  solidis 
de  qulnquaginta  solidis  super  pignus  de  Fillet.  Hujus  rei  testes  sunt  :  Amaldus 
de  Progola,  capellanus  de  Alsumpoi,  et  Vitalis  Scot,  Amaldus  del  Til,  Amaldus 
de  Florenza,  Beraardus  de  Villalonga,  Raymundus  Belon,  Fortsancius,  Amaldus 
de  Leveda,  Amaldus  de  Bearn,  monachus,  Guillelmus  Bernardus  de  Sancta- 
Goma,  conversus.  Facta  carta  anno  incarnationis  Domini  millesimo  centesimo 
OCtuagesimOy  Ludovico  rege  Francorum^  et  Geraldo  ausoitano  arcbiepiscopo. 


—  119  — 

une  petite  niche  pratiquée  aa-dessus  ou  à  côté  de  la  porte  de 
ces  bâtiments  ruraux,  comme  un  fanal  destiné  à  guider  le 
pèlerin  et  à  ranimer  son  courage  (1).  »  Ces  frères  convers  ne 
prononçaient  que  des  vœux  simples.  Ils  étaient  sans  cesse  en 
contact  avec  le  peuple,  et  formaient  une  sorte  d'intermédiaire 
entre  le  cloître  et  le  monde.  C'étaient  des  fils  de  laboureurs, 
d'artisans,  tandis  que  les  frères  profës  descendaient  des  plus 
illustres  familles.  Lorsque  ces  granges,  prenant  de  l'exten- 
sion, arrivaient  à  pouvoir  nourrir  treize  religieux  ou  moines, 
elles  avaient  droit  au  titre  d'abbaye.  En  deçà,  elles  conser- 
vaient cette  dénomination  de  villa  ou  de  grange. 

Si  nous  nous  sommes  si  longuement  étendu  sur  cette 
donation  de  la  grange  du  Hillet,  c'est  que  nous  avons  voulu 
la  présenter  comme  un  spécimen  des  libéralités  qu'octroyè- 
rent, dès  ses  débuts,  à  l'abbaye  de  Flaran  les  seigneurs  du 
voisinage.  En  moins  de  cinquante  ans,  la  nouvelle  abbaye 
acquit  une  très  grande  importance,  et  dès  les  commencements 
du  siècle  suivant,  elle  possédait  déjà  tout  un  vaste  territoire, 
qui  s'étendait  :  sur  la  rive  gauche  de  la  Baïse,  jusqu'aux  hau- 
teurs de  Cassagne,  du  Busca,  de  Massencôme,  et  dont  les  prin- 
cipales métairies  étaient  :  la  Madeleine,  la  Bourdille,  le  Gibra, 
Higaro,  leMoutouet,  le  Hillet,  leMian,  S.  Caprasy,  Polignac,  et 
d'autres  terres  encore  jusqu'à  Gondrin;  sur  la  rive  droite, 
tout  le  territoire  de  Valence,  le  Coulleou,  Trouillon  et  plus 
tard  Lauzit.  Et  nous  n'énumérons  ici  que  les  terres  avoi- 
sinant  Flaran,  ses  abbés  ayant  étendu  plus  tard  leurs  pos- 
sessions dans  leCondomois,  la  Lomagne  et  jusqu'aux  portes 
d'Âuch. 

En  même  temps  accourait  de  tous  côtés  dans  ses  murs  un 
nombre  considérable  de  moines,  les  uns  sortis  des  bas  fonds 
de  la  société,  les  autres  issus  des  plus  grandes  familles  du 
pays.  Dégoûtés  du  monde  qui  ne  leur  offrait  que  les  horreurs 

(1)  Viollet-le-Duc>  Dietionn.  d'architecture,  t.  i.  Voir  aussi  les  Annales  ciê» 
terciennee,  I.  ii^  p.  50. 


—  120  — . 

delà  guerre  ou  un  travail  ingrat,  ils  se  donnaient  librement 
à  Dieu,  ainsi  que  le  montre  Pacte  suivant  de  1176  : 

Notum  sit  omnibus  hominibus  quod  Guillelmus  Becairena  dédit 
semetipsum  Deo  et  Beatae  Marias  de  Flarano,  cum  omnibus  habitatori- 
bus  hujus  loci  (?)  Deo  servientibus,  et  Angevino  abbati,  ad  faciendum 
suum  usum.  Insuper  dédit  duas  culturas  (1),  unam  culturam  vocatam 
Gasalbon  et  alteram  culturam.  De  hoc  facto  et  de  hoc  dono  testes  sunt  : 
Bernardus  de  Bretalonga,  Bernardus  de  Bonas,  S.  de  Gigon,  frater 
Oddo  de  Seysos,  fr.  R.  Dascos,  frater  Béret,  G.  de  las  Vignas,  Guillel- 
mus Capdebesa,  frater  V.  de  Canterac.  Anno  millésime  centesîmo 
septuagesimo  sexto  (2). 

Les  textes  qui  précèdent  nous  fournissent  les  noms  des 
trois  premiers  abbés  de  Flaran.  Le  troisième  était  jusqu'à 
ce  jour  resté  inconnu.  Nous  allons,  dans  la  suite  de  ce 
travail,  à  l'exemple  de  dom  Brugèles  (3),  dresser  chronolo- 
giquement leur  liste,  et  rattacher  à  chacun  d'eux,  ou  à 
l'époque  de  leur  gouvernement  respectif,  les  divers  docu- 
ments que  nous  avons  été  à  même  de  connaître  sur  l'his- 
toire de  l'abbaye. 

Les  armes  de  l'abbaye  de  Flaran  étaient  :  «  d'azur  à  une 
Notre-Dame  d'argent  et  une  bordure  de  même,  sur  laquelle 
est  escrit  en  lettres  de  sable  :  Monasterium  BEATiB  MARiiE  de 
Flarano  » .  C'est  la  description  et  le  dessin  qu'en  donne 
d'Hozier  dans  son  Armoriai  général  (4).  A  ce  dessin  mo- 
derne nous  préférons  de  beaucoup  celui,  bien  plus  ar- 
chaïque, qu'a  déjà  donné  dans  son  remarquable  travail  sur 

(1)  Ce  mot  (ca^^ura- couture)  désigne  une  petite  métairie,  nne  super^ 
ûcie  relativement  restreinte  de  terre,  pouvant  être  cultivée  par  une  seule 
famille. 

(2)  Archives  mun.  de  Condom,  F.  F.  62.  Pièces  justificatives  de  la  procédure 
de  1715,  déjà  citée  plus  haut. 

(3)  Chroniques  ecclésiastiques  du  diocèse  dAuchy  p.  348. 

(4)  Bibliothèque  nationale,  manuscrits  :  d'Hozier,  Armoriai  général,  t.  xiv 
(Toulouse-Montauban),  p.  350,  n'  149.  idem.  Dessins,  volume  n*  xiv,  p.  1039, 
n-140. 


—  121  — 

les  Sceaux  Gascons  (1)  le  très  regretté  M.  Paul  La  Ptagne 
Barris,  et  dont  la  matrice  originale  se  trouve  au  Musée  de 
Toulouse. 


C'est  ce  sceau  du  commencement  du  xv  siècle,  représentant 
la  Vierge  tenaal  de  son  bras  gaucbe  l'enfant  Jésus  et  de  sa 
main  droite  une  tige  à  trois  boutons  ou  fleurs  (allusion  au 
nom  de  l'abbaye?),  et  portant  pour  légende  :  SigUlum  Con- 
vènlus  :  Monasterii  de  Florano,  que,  grâce  à  la  bienveil- 
lance de  M.  Joseph  La  Plagne-Barris,  nous  sommes  heureux 
de  pouvoir  reproduire  ici. 

P.  Benouville,  Pb.  Lkvzm. 
(A  suivre). 

(1)  Archives  historiques  de  Is  Gascogne,  Sceaux  Gaeoom  du  moyen  Oge. 


y 


ÉTUDE 

SUR 


L'INSTRUCTION   PUBLIQUE 

(•) 


CHAPITRE  VI. 

Etat  et  description  du  collège  de  Lectoure.  —  Aperçu  sur  Tinstruction  et 
l'éducation  au  xvii'  siècle.  —  Académies.  —  Représentations  théâtrales. 
—  Soutenances  de  thèses. 


C'esl  donc  «  toul  d'une  commune  voix  »  que  le  clergé,  la 
noblesse,  les  consuls  et  les  jurats  demandaient  le  maintien 
d'un  établissement  dont  Texislence  fut  pendant  longues 
années  à  Tabri  de  toute  vicissitude.  La  commune  et  les  Doc- 
trinaires exécutèrent  scrupuleusement  les  conditions  du 
contrat  du  12  octobre  4630  et  c'est  sans  doute  à  cette  bonne 
harmonie  que  nous  devons  le  profond  silence  qui,  pendant 
près  d'un  siècle  (1668-1759),  se  fait  autour  du  collège  lec- 
tourois  (1).  Nous  en  profilerons  pour  donner  la  description 
des  bâtiments  scolaires,  tels  que  nous  avons  pu  les  reconsti- 
tuer d'après  un  rapport  d'experts  du  17  août  1770  (2),  et 
pour  tracer  un  rapide  aperçu  sur  l'instruction  publique  et 
l'éducation  de  la  jeunesse  au  xvn*  siècle. 

Le  collège  de  Lectoure  formait,  lors  de  sa  première  construc- 

(•)  Voir  au  tome  précédent,  p.  550. 

(1)  Le  livre  des  records  municipaux  présente  une  lacune  de  quatre  ans,  de 
1686  à  1690. 

(2)  Arch.  mun„  35  pages  in  folio.  Rapport  dressé  par  Raymond  aine  et  Jean 
BrcssoUes  cadet,  entrepreneurs  architectes  à  Toulouse,  sur  l'état  des  construc- 
tions du  collège.  Il  conclut  à  la  reconstruction  entière  des  bâtiments. 


—  123  — 

tion,  un  rectangle  à  peu  près  parfait,  limité  au  midi  par  la 
grande  rue  Droite,  au  couchant  par  remplacement  de  Tan- 
cienne  église  du  Saint-Esprit  transformée  en  cimetière,  au 
nord  par  la  rue  Déserte  ou  de  Reillas  et  au  levant  par  une 
ruelle  qui  reliait  cette  dernière  avec  la  rue  Droite.  Il  était 
séparé  du  cimetière  du  Saint-Esprit  par  un  mur  contre  lequel 
était  adossée  une  travée  de  cloîtres  intérieurs  supportés  par 
des  piliers  en  pierre, 

La  porte  principale  de  rétablissement,  placée  entre  deux 
piliers  surmontés  d'une  plate-bande,  s'ouvrait  au  moyen  d'un 
double  vantail  et  donnait  accès  dans  un  couloir  à  ciel  ouvert 
entouré  de  deux  murs.  Celui  de  gauche  le  séparait  du  cime- 
tière et  celui  de  droite  de  ('église,  dans  laquelle  on  entrait  par 
une  porte  ouvrant  sur  un  tambour  en  bois  de  chêne  et  de 
sapin.  L'autel  placé  en  face,  était  surélevéde  deux  marchesetle 
lambris  en  bois,  supporté  par  cinq  poutres,  était  couvert  d'une 
peinture  blanche  à  la  colle.  Celte  église,  orientée  du  couchant 
au  levant,  était  éclairée  au  moyen  de  plusieurs  baies  placées 
en  regard  les  unes  des  autres  et  prenant  le  jour  au  midi  sur 
la  grande  rue  Droite  et  au  nord  sur  la  principale  cour  inté- 
rieure. La  sacristie  placée  à  gauche  du  sanctuaire  était  formée 
de  quatre  murs,  dont  un  en  pans  de  bois,  et  était  éclairée 
sur  la  même  cour  par  une  fenêtre  trop  large  pour  sa  hauteur. 
Les  carreaux  losanges  du  châssis  étaient  retenus  entre  eux 
par  des  bandes  de  plomb  munies  d'une  double  rainure.  Trois 
portes  s'ouvraient  dans  cette  sacristie;  celle  de  droite  con- 
duisait dans  une  chapelle  de  congrégation,  dite  des  artisans, 
éclairée  par  une  fenêtre  au  levant  sur  une  petite  cour  appelée 
cour  de  la  souillarde,  séparée  de  la  rue  Droite  par  un  mur  de 
six  toises  environ;  la  seconde,  placée  en  face  de  celle  qui 
communiquait  avec  l'église,  menait  au  passage  de  la  cloche 
réglementaire,  et  la  troisième  correspondait  avec  le  grand 
escalier. 

En  sortant  de  l'église,  on  revenait  au  couloir  d'entrée,  clô- 


—  124  — 

taré  au  nord  par  une  claire-voie  placée  en  face  de  la  porte 
principale  et  ouvrant  sur  la  grande  cour  intérieure.  Cette 
cour,  pavée  sur  toute  son  étendue,  était  formée  au  midi  par 
le  mur  de  Téglise  et  aux  trois  autres  côtés  par  un  cloître  ou 
galerie  couverte,  éclairée  par  des  baies  en  forme  d'arceau 
reposant  sur  des  piliers  de  pierre.  Quelques-uns  de  ces  piliers 
étant  trop  faibles  pour  supporter  le  poids  et  la  poussée  des 
murs,  un  certain  nombre  d'arceaux  avaient  dû  être  maçon- 
nés. C'est  par  cette  galerie  qu'on  entrait  dans  les  classes. 
Celles  de  philosophie,  de  rhétorique,  d'humanités  et  de  troi- 
sième, éclairées  sur  la  rue  de  Reillas,  étaient  placées  au  nord 
et  en  face  de  l'église.  Le  réfectoire  venait  ensuite,  ainsi  que 
la  cuisine,  qui  formait  l'angle  nord-ouest  et  prenait  jour  sur 
la  cour  de  la  «  souillarde.  »  La  partie  du  cloftre  adossé  au 
mur  du  levant  permettait  d'entrer  dans  les  classes  de  quatrième 
et  de  cinquième  et  dans  une  tour  qui  renfermait  un  escalier 
dérobé  en  pierre,  par  lequel  on  descendait  dans  les  caves. 
Derrière  cette  tour  se  trouvait  un  puits,  un  lavoir  et  la  pro- 
cure ou  économat  de  l'établissement. 

La  classe  de  cinquième  était  placée  près  du  grand  escalier, 
dans  lequel  on  arrivait  par  un  large  arceau  dont  les  côtés 
s'appuyaient,  au  nord,  sur  le  mur  de  la  classe  de  cinquième, 
et  midi  sur  celui  de  la  sacristie  et  de  la  chapelle  des  arti- 
sans. En  face  et  sur  une  élévation  formée  par  deux  marches, 
une  portedonnait  accès  dans  la  cour  de  la  «  souillarde  »  et  dans 
le  clocher  de  l'église  bâti  au  levant.  Le  premier  palier  du 
grand  escalier  était  éclairé  par  une  large  croisée  au  levant.  A 
gauche  de  ce  palier,  une  porte,  placée  sur  deux  marches  en 
pierre,  s'ouvrait  dans  un  premier  dortoir  planchéié  et  aéré  à 
l'aide  de  trois  ouvertures.  Sur  la  gauche  de  ce  dortoir,  établi 
au-dessus  des  cloîtres  et  de  la  classe  de  quatrième,  on  trou- 
vait trois  portes,  dont  la  première  et  la  troisième  conduisaient 
dans  des  chambres  et  la  seconde  dans  l'infirmerie,  éclairée  au 
couchant  par  une  fenêtre  unique.  En  face  de  la  troisième  de 


ces  portes,  c'est-à-dire  à  droite,  une  autre  porte  s'ouvrait  sur 
un  second  dortoir  placé  au-dessus  de  la  classe  de  quatrième, 
du  réfectoire  et  de  la  cuisine,  et  éclairé  par  une  croisée.  A 
droite  et  à  gauche  de  ce  second  dortoir  s'étendaient  huit  cham- 
bres éclairées  au  couchant  et  au  levant,  et  servant  selon  tonte 
probabilité  au  logement  des  professeurs.  Pour  sortir  de  ce 
second  dortoir,  il  fallait  nécessairement  traverser  le  premier, 
par  lequel  on  pouvait,  en  allant  droit  devant  soi,  revenir  sur 
le  premier  palier  du  grand  escalier,  ou,  en  prenant  la  gauche, 
arriver  à  Tescalier  dérobé  par  lequel  on  entrait  dans  la  biblio- 
thèque. Celte  pièce,  certainement  la  plus  confortable  du  col- 
lège, était  planchéiée,  éclairée  par  trois  fenêtres  et  garnie 
d'une  cheminée.  Le  haut  de  Tescalier  dérobé  se  terminait  en 
forme  de  pavillon  recouvert  de  tuile  à  crochet.  De  là,  on 
arrivait  au  galetas  qui  occupait  tout  le  haut  du  grand  corps  de 
logis,  c'est-à-dire  le  dessus  des  dortoirs,  de  Tinfirmerie  et  des 
chambres  placées  à  droite  et  à  gauche  de  ces  dortoirs.  Reve- 
nant ensuite  au  premier  palier  du  grand  escalier,  on  gravis- 
sait quelques  marches  et  on  trouvait  à  gauche  une  porte 
ouvrant  sur  un  autre  galetas,  qui  s'étendait  au  dessus  de  la 
sacristie  et  de  la  chapelle  de  la  congrégation  des  artisans.  Par 
une  seconde  porte  placée  sur  le  même  palier,  on  descendait 
au  moyen  de  quelques  marches  dans  la  tribune  de  l'église, 
appliquée  contre  le  mur  du  nord,  à  gauche  du  sanctuaire  et 
du  maître-autel. 

Telle  était,  aussi  exactement  décrite  que  possible,  la  dispo- 
sition intérieure  du  premier  collège  de  Lectoure;  examinons 
maintenant  la  vie  de  l'enfant  et  le  système  d'éducation  qui 
lui  était  donnée  au  moment  où  ce  collège  fut  établi. 

L'éducation  au  xvn*  siècle  avait  un  but  supérieur  à  tout 
autre  :  former  l'âme  plutôt  que  le  corps  de  l'enfant,  et  l'aguer- 
rir, en  rélevant  rudement,  contre  les  maux  et  les  difficultés 
de  la  vie.  Tout,  dans  ses  premières  années,  fait  naître  et  déve- 
loppe le  sentiment  religieux.  On  l'encourage  aux  jeux  qui  rap- 


—  126  — 

pelleiit  les  traditions  cbrètiennes;  on  se  plaît  à  loi  voir  dresser 
des  crèches,  des  paradis  et  des  reposoirs.  Les  processions 
surtout  sont  en  grand  honneur,  et  Racine,  le  meilleur  des 
pères,  ne  dédaigne  pas  d'y  prendre  part  avec  ses  enfants  :  ses 
filles  étaient  le  cierge,  son  fils  Louis  le  cure,  et  Fauteur 
d'Àthalie,  chantant  avec  eux,  portait  la  croix  (1).  Les  parents 
fournissaient  des  ornements  qui  servaient  à  ces  jeux  édifiants, 
que  récolier  reprenait  avec  joie  quand  un  jour  de  congé  Téloi- 
gnait  momentanément  du  collège.  La  première  instruction, 
presque  toujours  donnée  par  les  parents,  était  bientôt  rem- 
placée par  celle  du  maître  ou  de  la  maîtresse  d'écriture,  qui 
prenait  Tenfant  en  pension  et  se  chargeait,  moyennant  60 
livres  par  an,  de  lui  apprendre  la  lecture  et  les  rudiments  du 
calcul.  Plus  tard  le  même  enfant  était  admis  chez  un  maître 
latiniste,  qui  le  recevait  à  certaines  conditions  stipulées 
d'avance  et  à  peu  près  invariables  dans  nos  contrées.  N'ayant 
trouvé  aucun  contrat  do  pension  passé  à  Lectoure,  nous  nous 
permettrons  de  publier  le  suivant,  à  l'aide  duquel  on  pourra 
être  fixé  sur  le  prix,  le  mode  de  rétribution  et  les  obligations 
des  régents  latinistes  de  la  Gascogne  : 

Sera  mémoyre  que  le  13  febvrier  1641,  j'ay  convenu  avec  M.  de 
Colomès  de  luy  bailher  mon  fils  Isaac  en  pension  chez  luy,  lequel  il 
m'a  promis  de  nourrir  et  entretenir  de  bouche  sullement  et  Tapprandre 
et  instruyre  aux  bonnes  lettres,  et  ce  moyennant,  j'ay  promis  de  luy 
payer  annuellement  la  quantité  de  neuf  cartaux  de  bled,  neuf  escutz  ea 
argent  faisant  vingt-sept  livres,  douze  charges  de  boys  fagot,  un  quar- 
tier de  lard,  une  oye  et  une  barrique  de  vin,  payable  la  susdite  pension 
en  deux  parts,  la  moytié  avant  may  et  l'autre  dans  six  moys,  sur  quoy 
luy  ay  baillé  dix-huict  livres,  et  nous  sommes  soubssignés  (2). 

(1)  L.  Racine,  Mémoires  dans  les  Œuores  de  J,  Racine,  éd.  Mcsnard,  1. 1, 
p.  202. 

(2)  Livre  de  raison  de  Guillaume  Plieux,  procureur  du  roi  au  siège  présidial 
et  sénéchaussée  de  Condom  (1580-1650).  —  Arnaud  Marquevieilhe,  régent  au  col- 
lège de  Condom,  prend  chez  lui  Pierre  Ducosso,  écolier,  né  à  Lauraot,  «  pour  le 
»  nourrir  et  entretenir  de  bouche  etcx)uche  pendant  le  temps  et  espace  d'un  an 
»  moyennant  la  quantité  de  9  cartals  blé,  24  livres  d'argent,  2  barriques  de  vin, 
»  12  charges  de  bois  et  un  quartier  de  lart,  le  tout  payable  par  trois  mois,  pro- 


—  127  — 

Le  raaftre  écrivain  et  le  latiniste  cpnstilaaieQt  les  deux 
étapes  qu'on  franchissait  avant  d'arriver  au  collège,  «  en  la 
»  nourriture  duquel  le  père  de  famille  avoit  un  double  regard, 
»  Tun  à  la  conservation  de  la  jeunesse  gaie  et  innocente,  Tau- 
»  tre  à  la  scholastique  pour  faire  oublier  les  mignardises  de  la 
»  maison  et  comme  pour  dégorger  en  eau  courante  (1).  »  Au 
xvu*  siècle  Tinternat  était  à  peu  près  inconnu,  surtout  dans 
les  petits  collèges  de  province,  et  nous  savons  que  les  consuls 
de  Lectoure  avaient  défendu  aux  Doctrinaires  de  recevoir  des 
pensionnaires.  Il  n'y  avait  donc  que  des  externes,  appelés 
Galoches  ou  Martinets  (2),  rentrant  chez  eux  tous  les  soirs,  et 
ayant  le  double  avantage  de  la  vie  de  famille  et  de  instruction 
publique. 

Il  est  vrai  qu'il  en  résultait  aussi  parfois  une  certaine  dis- 
sipation^ par  suite  des  allées  et  venues  quotidiennes  de  la  mai- 
son au  collège.  L'écolier  allait  souvent  seul  dans  les  rues  de 
la  ville,  livré  à  lui-même  et  sans  aucune  surveillance,  les 
bourgeois  chez  lesquels  il  était  logé  se  souciant  assez  peu  de 
l'accompagner  lorsqu'il  sortait  pour  se  rendre  aux  classes. 
De  là,  ces  «  charivaris  à  bassins  et  sonnettes  » ,  dans  lesquels 
il  était  trop  souvent  surpris  par  les  agents  du  guet,  malgré  la 
salutaire  terreur  que  lui  inspirait  la  férule  ou  le  martinet.  Il 
était  externe  et  pouvait  par  suite  assister  aux  spectacles  et 
aux  représentations  de  toute  nature  qui  se  donnaient  dans  la 
ville  qu'il  habitait.  Les  exercices  du  cheval  avaient  pour  lui 
un  attrait  tout  particulier,  et  c'était  une  vraie  fêle  que  de  voir 

• 

»  mettant  de  le  nourrir  et  entretenir  ainsy  qu'un  bon  pantionnaire  doibt  estre 
»  entreteneu  ».  (Acte  du  9  septembre  1617,  Bézian,  notaire  à  Condom,  étude  de 
M'  Préchac).  —  Alexandre  Silvy,  maître  écrivain,  prend  en  apprentissage  Pierre 
Marcadé  pour  lui  apprendre  «  à  bien  lire,  escripre,  compter  et  l'art  d'agrimen- 
»  seur  »  pendant  une  durée  de  quatre  ans  et  moyennant  la  somme  de  160  livres. 
(Acte  du  15  janvier  1651,  Lacave,  notaire  à  Condom;  étude  de  M*  Préchac). 

(1)  Mémoires  inédits  <f  Henri  do  Mesmes,  dans  les  Variétés  historiques  et 
littéraires,  t.  x,  p.  151. 

(2)  Pasquier,  Recherches,  1.  ix,  p.  792,  dans  l^curne.  ■—  Jean  Labarthe, 
«  hoste  d  de  Lectoure,  fournissait  à  François  Réginon,  écolier,  sa  dépense  pour 
une  année  complète  moyennant  25  écus  sols.  (Acte  du  6  août  1606,  Lapèze  no- 
taire à  Lectoure;  étude  de  M*  Latour). 


—  128  — 

arriver  un  <  acâdëmiste  »  avec  sa  suite  de  chevaux  et  de  sal- 
timbanques. Les  hommes  d'âge  mûr  partageaient  cet  enthou- 
siasme de  la  jeunesse  et  les  consuls  trouvaient  autant  de 
bénéfice  que  d'honneur  à  recevoir  dans  leurs  murs  les  troupes 
équestres,  qui,  y  faisant  un  long  séjour,  constituaient  pour 
la  ville  une  somme  de  revenus  considérables.  Un  de  ces  aca- 
démistes,  nommé  de  Boyssac  (1),  manifesta  le  désir  de  venir 
à  Lectoure  dans  le  courant  du  mois  de  juillet  4645,  et  sur 
sa  demande  d'un  logement,  la  jurade  prit  le  28  du  même  mois 
la  délibération  suivante  : 

M.  de  Jolis  expose  qu'un  academiste  a  esté  en  ville  pour  tascher  de 
s'y  loger  s'il  peult  et  demande  la  mesme  grâce  qu'on  luy  a  faict  en 
d'autres  villes,  mesme  en  celle  de  Condom  (2)  où  il  est  presanlement, 
qu'on  luy  donne  logement,  escuryes  et  couvert  pour  faille  le  man^e 
des  chevaux  et  l'on  dict  que  ceste  cadémye  apportera  du  bien  et  utillité 
à  la  ville  par  le  grand  abord  et  l'agrément  des  personnes  qui  fairont  et 
suyvront  cest  exercisse,  qui  y  despensseront  leur  argent  et  donnront  à 
gaigner  aux  hostelleries  et  artisans,  ce  quy  fera  reflection  sur  le  corps 
et  communaulté,  oultre  que  la  ville  en  sera  honnorée. 

iM.  de  Lucas,  juge  criminel,  dit  : 

Pour  la  cademiste  qui  désire  de  se  loger  en  ceste  ville,  il  est  notoire 
que  l'exercisse  de  son  ac^demye  sera  utile  et  honorable  à  la  ville  puis- 
qu'un bon  nombre  de  gens  de  noblesse  y  viendront  loger  et  y  despen- 
seoir  leur  bien  et  ainsy  Tutillité  en  sera  grande  soict  aux  artisans  et 
aultres  personnes  oultre  le  divertissement  honnorable  qui  se  pourra 
faire  de  son  exercisse  par  beaucoup  de  personnes;  que  sy  à  Condom  et 
aultres  lieux  où  il  a  logé  jusques  icy,  on  luy  a  donné  logis,  escurye  et 
couvert  pour  faire  son  manège,  il  serait  d'advisde  luy  accorder  le  logis 
sy  tant  est  qu'à  Condom  on  le  luy  ait  donné,  de  quoy  les  dits  sieurs 
consuls  se  doibvent  préalablement  informer  et  pour  le  loage  de  son 
logis  luy  donner  40  ou  50  livres  pour  le  louer  luy-même  sans  que  la 


(1)  Record  du  15  juillet  1646. 

(2)  MM.  de  Cavaignan  et  de  Lartigue,  gentUshommes  d'Armagnac,  avaient 
établi  à  Condom,  en  1604,  une  académie  de  cette  nature  «  pour  servir  à  Tins- 
»  tniction  de  la  jeunesse  en  plusieurs  actes  de  vertu  et  à  la  commodité  des  habi  - 
»  tants  »  (Délibérations  des  22  novembre  1604  et  31  janvier  1605). 


—  129  — 

ville  soyt  tenue  respondre  aulcunement  du  dict  logis  ny  des  ruynes  et 
deterioiations  qui  y  pourroient  arriver  au  propriétaire  ny  aultre  per- 
sonne que  ce  soit. 

Sur  cette  proposilion,  la  jurade  décida  quelle  payerait  à 
racadèmisle  une  somme  de  40  ou  50  livres,  mais  pour  un 
an  seulement  et  sans  que  la  responsabilité  de  la  ville  pût  être 
engagée  par  son  fait  (1).  Il  est  probable  que  les  élèves  du  col- 
lège de  Lectoure  ne  perdirent  pas  l'occasion,  alors  si  rare 
dans  nos  provinces  reculées,  d'assister  aux  exercices  de 
cette  troupe  composée  vraisemblablement  d'un  «  artiste  », 
d'un  maître  d'armes^  d'un  joueur  de  luth,  d'un  baladin  et 
de  chevaux  dressés  en  liberté. 

Les  travaux  de  l'esprit  sous  toutes  les  formes,  la  musique 
reUgieuse  ou  profane^  la  danse,  étaient  aussi  très  appréciés 
par  la  jeunesse  du  xvn*  siècle.  Guillaume  Amat  (2),  Jean 
Larroque  (3),  Ramond  Gautier  (4)  et  Bernard  Balanges  (5) 
donnaient  de  1609  à  1660  des  leçons  de  violon  aux  enfants 
de  Lectoure.  Arnaud  Labat  (6),  Jean  de  Rizon  (7),  Géraud 
Chaubet  (8),  Antoine  (9),  Jean  (10)  et  Bernardin  Peyronel  (11), 

(1)  Record  du  2B  juillet  1645.  La  ville  paya  en  réalité  72  livres  pour  le  logement 
et  l'écurie  de  Tacadémiste  (Record  du  15  juillet  1646). 

(2)  Guillaume  Amat  s'était  marié  le  1*'  avril  1607  avec  Ramonde  Darreyx, 
fille  de  Bernard  Darreyz,  praticien  et  d'Audide  Duguassin  (Lapèze  notaire  de 
Lectoure;  étude  de  M*  Latour). 

(3)  Arch.  de  Saint-Gervais.  Registre  de  la  confrérie  du  Corpore  Chrlsti,  1609 . 

(4)  Acte^  des  20  janvier  1611  et  12  septembre  1630  (Lapèze  notaire  de  Lectoure; 
étude  M*  Latour). 

(5)  Actes  des  12  novembre  1620,  15  janvier  1651  et  5  lévrier  1652  (Lapèze 
notaire  de  Lectoure;  étude  de  M*  Latour). 

(6)  Arch.  de  Saint-Gervais.  Registre  de  la  confrérie  du  Corpore  Christl,  1609. 

(7>  Id.  Jean  de  Rizon,  prêtre,  est  qualifié  dans  certains  actes  de  maître  de  musi- 
que, de  maître  de  la  psallette  et  de  la  musique  de  Saint-Gervais  (Actes  des  6 
novembre  1652,  Lapèze,  notaire,  12  mai  1655, 12  janvier  1656  et  31  juillet  1658, 
Labat,  notaire;  étude  de  M*  Latour). 

(8)  Arch.  de  Saint-  Gervais.  Registre  de  la  confrérie  du  Corpore  Christl,  1610, 
1633,  et  1638. 

(9)  Acte  du  23  décembre  1665,  Labat,  notafre  de  Lectoure  (Etude  de  M*  Latour), 

(10)  Jean  Peyronel,  maître  de  la  psallette  de  Saint-Gervais,  marié  avec  Dau- 
phine  Gautier  (.\cte  du  29  janvier  1672,  Labat  notafre;  Etude  de  M*  Latour). 

(11)  Bernardin  Peyronel,  marié  avec  Jeanne  Coué  (Actes  des  10  juin  1672,  27 
juin  1687,  23  mai  1689,  9  mai  1694,  22  mai  1714, 14  septembre  1716,  Labat,  notafre. 
et  29  octobre  1702,  Bétous,  notafre;  étude  de  M*  Latour). 


—  130  — 

Pierre  Durand  (1)  leur  enseignaient  la  musique  (2),  tandis 
que  Louis  (3)  et  Jean  Molinier  (4),  Sicard  fils  aîné  (5), 
François  Thierry  (6)  et  Jean  Artiguemilh  (7),  maîtres  sculp- 
teurs sur  bois,  ornaient  la  chapelle  de  Notre-Dame  de  TAs- 
somption  d'un  rétable  artistement  fouillé  et  de  gradins  dorés^ 
qui  étaient  Tobjet  de  leur  admiration.  --Mais  rien  ne  passion- 
nait les  jeunes  gens  comme  le  théâtre  et  les  discussions  phi- 
losophiques. 

Non  seulement  les  écoliers  jouaient  des  tragédies  ou  des 
comédies,  mais  ils  en  composaient  eux-mêmes.  C'est  ainsi 
qu'en  1682  «  messieurs  les  escoUiers  philosophes  »  dédient 
aux  consuls  une  comédie,  qu'ils  désirent  faire  jouer  en  ville,  si 
celle-ci  veut  toutefois  se  charger  de  monter  le  théâtre  et  de 


(1)  Pierre  Durand,  prêtre,  docteur  en  théologie,  maître  de  musique  et  direc- 
teur de  la  psallette  de  Saint-Gcrvais,  fit  son  testament  le  8  juin  1666.  Il  vivait 
encore  le  23  mai  1670  (Labat,  notaire  de  Lectoure;  étude  de  M*  Latour). 

(2)  Parmi  les  autres  maîtres  de  musique  qui  se  sont  succédé  à  Lectoure,  nous 
remarquons  : 

Henri  Boret  (actes  des  18  novembre  1759,  8  avril  1761,  6  janvier  1763,  Comin. 
notaire,  23  mai  1761,  Labat,  notaire  et  30  décembre  1736,  Bétous,  notaire  ;  étude 
de  M*  Latour), 

Joseph  Duoergé  (acte  du  23  août  1764,  Comin,  notaire  ;  même  étude); 

Pierre  Bellaucq  (acte  du  7  mars  1771,  Comin,  notaire  ;  même  étude); 

Pierre-Christophe  Locré  (actes  des  11  septembre  1771, 16  juin  1772  et  6  février 
1775,  Comm,  notaire;  même  étude); 

Jean  Mouchez  (actes  des  29  août  1775,  Comin,  notaire  et  22  mars  1776,  Bétous^ 
notaire;  même  étude); 

Arnaud  Ruamps  (actes  des  17  octobre  1702  et  29  avril  1731,  Bétous,  notaire; 
même  étude); 

Jean  Lacouiure,  maître  à  danser  (acte  du  13  octobre  1731,  Bétous,  notaire  ; 
même  étude); 

Joseph  Lachapelle  (actes  des  19  mars  1735  et  26  avril  1738,  Bétous,  notaire  ; 
même  étude). 

(3)  Arch.  de  Saint-Gervais.  Registre  de  la  confrérie  de  N.-D.  de  rÂssomption, 
1705-1709. 

(4)  Jean  Molinier,  né  à  Bruil-de-Maigné,  juridiction  de  la  Rochelle,  se  maria 
le  10  juin  1684,  à  Lectoure,  avec  Anne  Rouillan,  flUe  de  Dominique  Rouillan^ 
maître  arquebusier  (Actes  des  23  septembre  1685,  Labat,  notaire,  et  24  mars  1709, 
Bétous,  notaire;  étude  de  M*  latour). 

(5)  Arch.  de  Saint-Gervais.  Registre  de  la  confrérie  de  N.-D.  de  l'Assomption, 
1705-1709. 

(6;  François  Thierry,  né  à  Bourges,  se  maria  le  23  septembre  1685  à  Lectoure, 
avec  Jeanne  Desvaux  (Labat,  notaire;  étude  de  M'  Latour). 

(7)  Jean  Artiguemilh,  maître  sculpteur  de  Lectoure,  fit  en  1672,  un  tabernacle 
pour  le  grand  autel  de  l'église  Saint-Barthélémy  de  Condom,  au  prix  de  60  livres 
(acte  du  23  septembre  167;^,  de  Bizou,  notaire  de  Condom  ;  étude  de  M*  Préchac). 


—  131  — 

fournir  une  collation  aux  acteurs.  Sur  une  demande  si  flat- 
teuse, la  jurade  «  donna  aux  consuls  pouvoir  de  faire  le  tèatre 
>  aus  dits  escoliers  et  de  leur  donner  la  collation,  le  tout  aux 
»  despens  de  la  communauté  (1)  ».  Quelques  années  plus 
tard,  ce  sont  les  professeurs  qui  offrent  à  leur  tour  aux  consuls 
une  comédie  de  leur  composition,  pour  la  représentation  de 
laquelle  la  ville  leur  offrit  «  le  téatre  et  les  chandelles  (2)  ». 
La  soutenance  des  thèses  avait  lieu  à  la  fin  du  cours  de 
logique  et  les  consuls  en  acceptaient  rhommage(3),  de  même 
quMls  étaient  flattés  d'assister  aux  discussiojis  philosophiques 
qui  avaient  lieu  dans  les  couvents.  Le  Provincial  des  Jacobins 
ayant  prévenu  les  consuls  de  Lectoure  que  le  Chapitre  de 
rOrdre  allait  être  tenu  dans  leur  ville,  ils  acceptèrent  la  dédi- 
cace des  thèses  que  le  P.  Roques,  professeur  de  philosophie, 
se  proposait  de  faire  soutenir  par  les  religieux  (4).  En  recon- 
naissance de  cet  honneur,  la  ville  fit  aux  religieux  une  au- 
mône de  60  livres  (5).  On  pouvait  voir  dans  les  représenta- 
tions théâtrales  et  dans  la  discussion  des  hautes  questions 
philosophiques  les  avantages  et  les  défectuosités  de  rensei- 
gnement classique,  tel  qu'il  était  donné  dans  nos  collèges  de 
province  et  qui  tendait  à  former  des  orateurs,  des  prédica- 
teurs ou  des  avocats,  plutôt  que  des  hommes  destinés  à  remplir 
des  fonctions  plus  modestes  (6).  Et  cependant,  cet  enseigne- 
ci)  Record  du  20  mai  1682. 

(2)  Aroh.  mun.  Quiltanoe  du  30  juin  1692.  Record  du  13  juin  1717. 

(3)  Record  du  10  juin  1663.  «  Voté  30  livres  pour  les  tesses  que  les  escolliers 
»  ont  desdié  à  la  communauté  ». 

(4)  Record  du  30  mars  1734.  Trois  de  ces  thèses  furent  l'objet  d'une  vive  dis- 
cussion dans  les  facultés  de  théologie.  Les  Nouvelles  ecclésiastiques  du  1*' 
septembre  1734  en  formulent  ainsi  l'exposé  :  a  Les  Dominicains  de  Lectoure, 
»  pendant  la  tenue  du  Chapitre  provincial,  ont  soutenu  (le  20  mai)  que  le  juste 
»  peut  rester  juste  sans  la  grâce  actuelle,  pourvu  que  ce  ne  soit  pas  pendant 
»  longtemps;  neqae  dlu  stabit  justus  sine  tali  aucoilio,  —  Que  l'homme  (thèse 
»  du  21  mai)  peut  sans  un  secours  spécial  de  Dieu  observer  un  ou  deux  préceptes 
B  de  la  loi  naturelle  ;  unum  aut  alterum.  —  Et  dans  celle  du  24  mai  :  Dieu  se 
»  communique,  dit>on,  à  tous  les  hommes  autant  qu'il  est  en  lui;  la  grâce  suffî- 
»  santé  ne  manque  à  personne,  et  cette  grâce  (donnée  à  tous)  donne  (à  tous)  un 
»  pouvoir  pfvchain,  complot  et  dégagé  ». 

(5)  Arch.  mun.  Quittance  du  25  mai  1734. 

(6)  A.  Babeau»  Lm  Bourgeois  d'atUr^ois,  p.  298. 


—  132  — 

ment,  malgré  ses  imperfeclious,  ne  valaiHI  pas  mieux  que 

notre  internat  moderne,  dans  lequel  la  vie  de  famille  et  les 

traditions  du  foyer  domestique  sont  oubliées  par  la  plupart 

des  élèves?  et  n'est-ce  pas  trop  souvent  le  cas  de  répéter  avec 

Mercier  :  «  Rien  n'étonne  plus  un  étranger  que  la  manière 

»  leste  et  peu  respectueuse  avec  laquelle  un  fils  parle  ici  à 

»  son  père.  11  le  plaisante,  le  raille....  On  ne  saurait  distinguer 

»  le  père  de  famille  dans  son  propre  logis...;  s'il  ouvre  la 

»  bouche,  son  gendre  le  contredit  et  ses  enfants  lui  disent 

»  qu'il  radote...  (1)  ». 

A.  PLIEUX. 
{A  suivre.) 


LE  CARNAVAL  A  EAUZE  EN  1630 


Le  carnaval  de  1630  s'annonça  sous  de  fâcheux  auspices.  La  peste 
menaçait  de  troubler  la  saison  joyeuse,  si  chère  aux  habitants  d'Eauze. 

On  racontait  déjà  depuis  de  longs  mois  que  «  les  maladies  contagieuses  » 

• 

s'étaient  manifestées  sur  plusieurs  points  delaprovince  deGuienne;néaa- 
moins  l'épidémie  n'avait  pas  encore  paru  en  Armagnac.  Mais,  comme  les 
vendanges  allaient  sur  leur  fin,  le  14  octobre  1629,  la  nouvelle  éclata  à 
Eauze  «  que  la  contagion  estoit  en  Thostellerie  appelée  de  Marrast  entre 
Gondrin  et  Lauraët,  non  sullement  en  ce  lieu,  mais  encore  à  Bour- 
deaux,  Tholose  et  autres  lieux  ».  Aussitôt  le  premier  consul,  Arnaud 
Paulmé,  élu  par  le  quartier  de  Carbonas  (2),  fit  publier  aux  lieux 
accoutumés  par  les  trompettes  de  la  ville  que  les  jurats  devaient  à  se  ren- 


(1)  Tableau  de  Paris,  chap.  319. 

(2)  La  ville  et  juridiction  d'Eauze  était  divisée  en  quatre  quartiers,  que  Ton 
désignait  par  le  nom  des  quatre  portes  de  la  viUe;  et  chaque  quartier  élisait  un 
consul.  Il  y  avait  ainsi  les  portes  et  quartiers  de  Carbonas  au  nord,  de  Saint^uly 
à  Test,  du  Lac  au  midi,  et  de  Nogaro  à  l'ouest.  La  porte  de  Carbonas  communi- 
quait avec  les  routes  du  Gabardan,  du  Bazadais  et  du  Bordelais;  la  porte  de 
Saint-July,  avec  celles  du  Condomois,  de  l'Agenais  et  de  la  Lomagne;  la  porte 
du  Lac,  avec  celles  du  Fezensac,  de  l'Âstarac  et  du  Languedoc;  la  porte  de 
Nogaro,  avec  ceUe3  de  l'Armagnac,  de  Rivière-Basse,  du  Béam  et  de  la  Chalosse. 


—  138  — 

dre  immédiatement  à  la  maison  commune,  où  le  corps  de  ville  aurait  à 
délibérer  sur  les  mesures  à  prendre  en  cette  grave  occurrence.  La  jurade 
se  réunit  en  effet;  à  Tunanimité  il  est  arrêté  qu'on  fera  la  garde  «  le 
plus'exacteinent  que  faire  se  pourra  aux  portes  de  ceste  ville,  qui  s'ou- 
vriront sur  le  jour,  par  rang,  et  que  le  consul  de  chasque  pourtal  y  assis- 
tera, et  que  les  bresches  se  fermeront  aux  palissades  et  murailles.  » 
Malgré  cette  décision,  les  étrangers,  franchissant  fossés  et  palissades, 
continuaient  à  s'introduire  dans  la  ville. 

Cependant  la  peste  sévissait  de  plus  en  plus.  Le  28  octobre,  la 
jurade  se  tint  de  nouveau  et  rendit  une  ordonnance  plus  sévère.  Tous 
les  marchés  du  jeudi  et  la  foire  d'après  la  Toussaint  furent  supprimés, 
et  défense  fut  faite  aux  marchands  d'Eauze  de  se  rendre  aux  marchés 
et  foires  du  voisinage.  En  outre,  on  condamna  toutes  les  portes  de  la 
ville,  sauf  celle  de  Nogaro  qui,  seule,  resta  ouverte.  Pour  combler  la 
mesure,  un  article  de  l'édit  consulaire  décréta  la  fermeture  des  auberges, 
cabarets  et  hôtelleries  quelconques,  «  avec  deffense  aux  hostes  de  ne  les 
ouvrir  pour  y  recepvoir  personne  quel  que  ce  soyt,  à  peyne  de  cin- 
quante livres  d'amende.  »  Mes  lecteurs  devinent  comment  ceci  fut  reçu 
en  un  pays  où  «  l'huile  de  sarment  »  a  toujours  été  tenue  en  très  spécial 
honneur.  11  paraît  bien  que  ce  point  délicat  ne  fut  pas  plus  observé  que 
celui  qui  prohibait  les  promenades  aux  marchés  voisins,  et  particulière- 
ment à  ceux  de  Nogaro  et  de  Labastide,  et  dont  il  ne  fut  guère  tenu 
compte,  ainsi  qu'en  témoignent  diverses  délibérations  subséquentes. 
Nos  compatriotes  étaient  presque  tous  sans  doute  de  l'avis  que  le  poète 
d'Astros  devait  exprimer  six  ans  plus  tard  : 

Très  dits  de  bin  blous  tout  dejun, 
Auta  plan  en  ger  (janvier)  coum  en  jun, 
Haran  la  moûo  à  toute  pesto, 
A  tout  berenc  e  tout  le  reste  (1). 

Aussi,  le  carnaval  venu,  auberges  et  cabarets  s'ouvrirent  et  s'empli- 
rent de  monde,  La  jeunesse  dorée  de  la  ville,  circulant  de  jour  et  de 
nuit  sous  les  déguisements  que  la  saison  autorise,  s'y  arrêtait  volontiers 
et,  après  quelques  rasades,  se  précipitait  au  dehors,  se  hvrant  à  toute 
sorte  de  folies.  Les  consuls  prirent  l'alarme  et  firent  proclamer  «  def- 
fenses  et  inhibitions  de  ne  se  déguiser  en  mascarades  ny  faire  des  inso- 
lances  par  la  ville  de  jour  ny  de  nuit,  à  cause  du  temps  et  contagion  qui 

(1)  Playdeiata  de  las  quoûate  Sasous.  La  première  édition  de  ce  poème  est 
de  1636.  Voyez  Reçue  de  Gasc,  t.  xxv,  1884,  p.  285. 

Tome  XXX.  10 


—  134  — 

est  en  ceste  province  de  Guienne.  »  Autant  en  emporta  le  vent.  La  sévé- 
rité municipale  ne  fit  qu'exciter  les  jeunes  gens  contre  les  consuls  et  les 
barbes  grises  de  la  jurade. 

Un  dimanche  du  carnaval  de  1630,  le  27  janvier,  «  plusieurs  mas- 
ques et  déguisés  couroient  et  battoient  le  pavé  dans  ceste  ville.  »  Sur  la 
place,  un  des  consuls,  Amadou  Ducos,  consul  de  la  porte  et  quartier 
de  Saint-July,  causait  avec  quelques  amis,  jurats  de  la  cité,  le  capitaine 
Labarthe,  Bernard  Moncaup,  et  Pierre  Lagardère,  sieur  de  la  maison 
noble  de  Riberon,  en  Maignan,  qui  était  venu  à  Eauze  prendre  l'air  du 
carnaval.  Tout  à  coup,  nos  masques  s'approchent  d'eux  et  se  mettent 
a  à  passer  et  repasser  arrogament  devant  led.  s*"  Ducos  avec  de  gran- 
des arrogances  et  mesprix.  »  Les  jurats  goûtèrent  peu  ces  bravades;  ils 
allumèrent  leur  consul,  qui  ne  demandait  qu'à  prendi'e  feu;  et  voilà 
maître  Amadou  qui  se  revêt  en  hâte  de  sa  livrée  consulaire  et  marche 
vers  les  délinquants  «  pour  les  arrester.  »  Malheureusement  pour  la 
majesté  de  la  loi,  nos  masques  se  hâtèrent  de  prendre  leurs  jambes  à 
leur  cou,  toql  en  lançant  les  traits  du  Parthe.,  bardant  le  pauvre  con- 
sul de  leurs  brocards  «  et  continuant  leurs  mesprix  et  arrogances.  »  Sur 
quoi  le  magistrat,  se  piquant  au  jeu,  s'élança  à  leur  poursuite,  et  Ton 
vit  dans  les  rues  d'Eauze  une  vraie  chasse  aux  masques.  Il  finit  par 
mettre  la  main  sur  un  des  criminels,  et,  lui  ayant  arraché  son  déguise- 
ment, il  reconnut...  horreur!  un  apothicaire,  Bernard  Dambès.  «  Et  le 
voilant  mesner  en  prison  »,  Amadou  Ducos  se  vit  en  un  clin  d'œil 
entouré  d'une  nuée  de  pierrots,  amis  et  complices  dudit  apothicaire, 
«  qui  y  seroient  accourus  et,  avec  grands  mesprix  à  l'authorité  du  consul, 
auroient  osté  et  faict  évader  ledit  Bernard  Dambès  des  mains  dudit 
sieur  Ducos.  Mesmes  luy  auroient  donné  plusieurs  secousses  et  pous- 
sades  et,  à  raison  d'icelles,  faict  tomber  sa  livrée  consulaire  et  icelle 
foliée  à  leurs  pieds.  »  Le  scandale  était  criant.  Mais  contre  de  tels  fous 
que  vouliez-vous  que  fît  notre  homme?  Vaincu,  ayant  relevé  ses  insi- 
gnes enoore  souillés  de  la  poussière  du  champ  de  bataille,  il  courut 
dresser  procès-verbal  «  de  tous  ces  excès  »  et  fit  convoquer  la  jurade 
pour  le  lendemain  lundi  28  janvier. 

Bientôt,  les  noms  de  ces  beaux  masques  furent  connus  et  volèrent 
sur  toutes  les  bouches.  Dans  le  nombre,  —  nouveau  scandale,  —  on 
citait  Jacques  Thore,  le  propre  fils  du  premier  consul  d'Eauze,  Marquis 
Thore,  représentant  du  quartier  de  Carbonas.  On  parlait  aussi  d'Arnaud 
Gounère,  fils  d'un  marchand  du  quartier  de  Nogaro.  Eux  du  moins 
pouvaient  invoquer  l'excuse  de  l'âge,  car  c'était  des  poussins  sortant  à 
peine  de  leur  coque;  ils  avaient  encore,  selon  le  mot  du  pays,  <  du  lait 


—  135  — 

au  bout  du  nez.  t  Mais  il  était  un  compagnon  qui,  de  ce  côté,  méritait 
beaucoup  moins  qu'eux  Tindulgence  des  gens  de  bien.  Il  avait  mené 
toute  la  troupe,  dirigé  le  combat  et  réparti  les  coups  ;  et  c'était  un  ado- 
lescent de  37  ans,  Bertrand  Dambès,  frère  aîné  du  prisonnier  d'un  ins- 
tant, et,  qui  plus  est,  apothicaire  comme  lui;  car  il  semble  que  tous  les 
hoirs  de  cette  famille  appartenaient  par  droit  de  naissance  aux  œuvres 
et  aux  pompes  de  M.  Purgon. 

La  jurade  se  réunit  donc  le  lendemain  pour  trancher  le  cas.  «  A  quoy 
délibérant  par  commune  voix  et  oppinion  de  lad.  assamblée,  a  esté  con- 
clud  et  arresté  que  led.  Dambès  et  autres  seront  vivement  poursuivis 
pour  les  faire  punir  en  justice  desd.  excès  et  que  led.  s*"  Ducos  s'en  ira 
au  Busca  trouver  Monsieur  le  président  de  Maniban,  auquel  il  priera 
voir  ledit  verbal  et  se  conseiller  avec  luy.  »  Mais  il  y  eut  bien  pis.  Les 
jurats,  encore  sous  le  coup  de  l'indignation  contre  un  tel  attentat  à  la 
majesté  consulaire,  s'en  prirent  au  carnaval  lui-même  et  décrétèrent 
«  que  inhibitions  et  deffenses  seront  faictes  à  toutes  sortes  de  gens  de 
De  se  desguiser  ny  masquer  dans  la  présente  ville,  ny  marcher  la  nuict 
par  les  rues  après  les  sept  heures  sans  avoir  chandelles  ou  flambeaux 
allumés,  à  peyne  de  vingt-cinq  livres  et  de  tenir  prison,  et  que  ce  sera 
placardé  et  publié  à  son  de  trompe  affin  qu'il  soit  notoire  à  chascun; 
n'ayant  ledit  sieur  Marquis  Thore,  consul,  opiné  au  présent  acte,  pour 
s'eslre  récusé.  »  Ce  qu'il  advint  de  l'affaire,  et  si  le  carnaval  se  contint 
depuis  dans  les  bornes  étroites  que  lui  assignait  la  jurade,  nous  l'igno- 
irons.  En  tout  cas,  il  est  certain  qu'on  ne  tint  pas  longtemps  rigueur  à 
Bertrand  Dambès  de  ses  pasquinades  du  carnaval  de  1630;  il  fut,  en 
effet,  inscrit  sur  la  liste  des  candidats  au  consulat  pour  l'année  1634  et 
élu  consul  par  le  quartier  de  Saint-July. 

Quant  à  la  peste,  elle  continua  à  sévir  dans  l'Armagnac  et  sur  ses 
confins.  Durant  les  vendanges  de  1631,  les  consuls  d'Eauze  la  signa- 
lent à  Estang,  Montguilhem,  Mauléon,  Mont-de-Marsan  et  Louspey- 
roux  (Lot-et-Garonne).  Ils  prirent  contre  elle  de  nouveaux  arrêtés,  «  en 
attendant  que  Dieu  la  veuille  faire  cesser  ».  Elle  disparut  enfin.  Mais, 
plus  fort  qu'elle,  le  carnaval  résista  victorieusement  à  la  mauvaise 
humeur  des  consuls  et  jurats  d'Eauze,  et  l'on  dit  même  que  le  bon- 
homme vit  encore. 

A.  BREUILS. 


BIBLIOGRAPHIE 


I 

La  dévote  chapelle  de  Notre-Dame  de  Piétat,  a  Condom^  diocèse 
d'Auch.  Notice  historique  et  descriptive  de  ce  sanctuaire  et  de  la  dévo- 
tion dont  il  est  le  siège,  par  Tabbé  Ferran  ,  aumônier  du  couvent  de 
Piétat.  Condom,  imprimerie  Dupouy,  S.  D.  (1887).  1  vol.  in-18  de 
288  pp. 

Piétat  correspond,  dans  notre  parler  provincial,  au  français  Pitié 
dans  le  titre  de  Notre-Dame-de-Pitié,  synonyme  de  celui  qui  a  prévalu 
en  liturgie,  Notre-Dame  des  Sept-Douleurs.  Parmi  les  nombreuses 
chapelles  de  dévotion  érigées  en  Gascogne  sous  ce  vocable  au  xvi®  et  au 
xvii^  siècle,  celle  qui  s'élève  encore. près  de  Condom,  à  Tembranche- 
ment  du  chemin  de  la  gare  avec  la  route  de  Nérac,  n'est  pas  des  moins 
célèbres.  Il  est  vrai  qu'à  la  dévotion  populaire,  qui  déjà  la  recomman- 
dait aux  pieux  chrétiens,  est  venue  se  joindre  de  nos  jours  la  juste 
renommée  d'une  institution  de  premier  ordre  pour  l'éducation  des 
jeimes  filles.  Par  une  heureuse  inspiration,  l'aumônier  du  couvent  des 
Filles  de  Marie  de  Piétat  a  voulu  se  faire  l'historien  de  la  dévote  cha- 
pelle. Je  n'ai  pas  attendu  jusqu'à  ce  moment  pour  déclarer  qu'il  y  a 
fort  bien  réussi;  mais  je  suis  toujours  en  demeure  de  faire  connaître 
au  moins  quelques-uns  des  principaux  traits  de  cette  histoire. 

11  y  a  d'abord  la  question  des  origines,  question  obscure  et  difficile, 
dont  le  judicieux  écrivain  se  débrouille  à  merveille.  Un  document  très 
respectable,  mais  relativement  très  récent  (1688),  plaçait  la  fondation 
de  la  chapelle  de  Piétat  en  1320;  il  y  avait  là  un  gros  anachronisme  : 
on  ne  peut  la  faire  remonter  au  delà  du  xvi^  siècle.  C'est  probablement 
en  1520  qu'un  bourgeois  de  Condom  en  fit  le  vœu  dans  la  conjoncture 
rappelée  par  le  document  cité.  Une  furieuse  tempête  le  surprit  à  l'en- 
droit même  où  s'élève  aujourd'hui  la  chapelle,  non  loin  d'un  «aubier  » 
sur  lequel  se  voyait  une  image  de  la  Vierge.  «  Le  sieur  Berenjou 
étant  donc  arrivé  devant  cette  image,  la  foudre  tomba  au  pied  de  son 
cheval  et  le  renversa  par  terre  sans  aucun  danger;  le  susdit  Berenjou, 
3e  voyant  sans  aucun  accident,  se  prosterna  à  genoux  devant  celte 


—  137  — 

image  et  promit  par  un  vœu  qu'il  bâtirait  une  chapelle  sous  le  nom  de 
Notre-Dame  de  Piétat,  ce  qu'il  fit...  »  D'après  des  documents  d'une 
incontestable  authenticité,  la  chapelle  existait  déjà  en  1536;  Raymond 
de  Berenjon  (évidemment  l'auteur  du  vœu),  par  son  testament  de  1545, 
ordonna  qu'elle  fût  voûtée  de  pierre,  aux  dépens  de  sa  succession,  dans 
les  deux  ans  qui  suivraient  son  décès  ;  et  il  mourut  au  commencement 
de  l'année  suivante.  Dès  ces  origines,  la  dévotion  à  Notre-Dame  de 
Pitié  se  développa  largement  à  Condom  et  fit  affluer  à  Piétat  les  prêtres 
et  les  fidèles.  L'évêque  Hérard  de  Grossoles  y  contribua  sans  doute  en 
établissant  dans  sa  cathédrale  une  Confrérie  des  Cinq-Plaies  de  Notre- 
Seigneur  et  des  Sept-Douleurs  de  la  Sainte-Vierge.  Une  procession 
générale  de  la  ville  à  Piétat,  le  soir  de  Pâques,  est  signalée  dès  1584, 
comme  déjà  consacrée  par  l'usage;  M.  Ferran  conjecture,  avec  beau- 
coup de  vraisemblance,  que  cet  usage  remontait  à  l'année  1538,  ou  R. 
de  Berenjon  fut  consul  de  la  ville.  Le  protestantisme,  qui  fit  à  Condom 
tant  de  ruines  morales  et  matérielles,  n'épargna  pas  Piétat;  la  voûte  en 
fut  démolie,  comme  celles  des  églises  de  la  ville,  par  les  troupes  de 
Montgonmery,  mais  la  sainte  image  fut  sauvée,  et  sitôt  le  calme  rétabli, 
la  dévotion  populaire  reprit  son  cours. 

Je  ne  fais  maintenant  que  signaler  les  événements  qui  changèrent  à 
diverses  dates  l'état  de  la  chapelle,  et  dont  chacun  fournit  un  chapitre 
à  l'historien.  En  1611  et  1612,  les  «  gardes  »  ou  fabriciens  de  la  cha- 
pelle, parmi  lesquels  on  rencontre  les  noms  les  plus  honorables  de  Con- 
dom, la  firent  agrandir  et  lui  donnèrent  à  peu  près  l'aspect  qu'elle 
oflfre  encore;  mais  ils  s'opposèrent  à  l'établissement  d'un  chapelain, 
que  voulait  y  placer  l'évêque  Jean  Du  Chemin.  —  Il  y  eut  mieux  quel- 
ques années  plus  tard  :  deux  prêtres  pieux,  Nicolas  Pasquier,  d'Eauze, 
et  Pierre  Lassus  furent,  sur  leur  demande,  nommés  chapelains  à  vie 
par  ordonnance  épiscopale  d'Antoine  de  Cous  (5  février  1628);  un  peu 
plus  tard  (1633),  le  même  évêque  établissait  la  Société  perpétuelle  des 
Chapelains  de  Piétat.  Mais  cette  pieuse  compagnie  ne  prospéra  pas; 
il  fut  question  d'abord  de  la  remplacer  par  des  Prêtres  delà  Mission; 
ce  furent  définitivement  les  fi'ères  de  Saint-Jean  de  Dieu,  administra- 
teurs de  l'hôpital  de  Notre-Dame,  qui  furent  installés  aussi  à  Piétat 
(10  juillet  1655).  —  Ces  bons  religieux  ne  négligèrent  rien  pour  orner 
le  sanctuaii-e  de  la  Vierge  et  pour  encourager  la  dévotion  populaire. 
M.  Ferran  donne  ici  des  indications  très  intéressantes,  soit  sur  divers 
travaux  d'art  exécutés  à  Piétat,  soit  sur  les  pratiques  édifiantes,  — 
pnxîessions  générales,  pèlerinages  annuels  de  diverses  paroisses,  pèle- 
rinages privés,  fêtes  de  la  Sainte- Vierge,  —  soit  enfin  sur  les  grâces 


—  138  — 

signalées  et  les  autres  heureux  fruits  de  la  dévotion  à  Notre-Dame  de 
Piétat,  dont  il  a  retrouvé  le  souvenir  dans  la  tradition  et  dans  les  docu- 
ments écrits. 

La  Révolution  fat  encore  plus  funeste  à  Piétat  que  le  protestantisme. 
Le  dernier  prieur,  le  P.  Bourjot,  s'y  maintint  comme  administrateur 
de  rhôpital  jusqu'en  1792,  grâce  à  la  tolérance  a<îcordée  çà  et  là  aux 
corporations  charitables.  Mais  après  l'abolition  officielle  du  culte  (no- 
vembre 1793),  la  dévote  chapelle  fut  dépouillée  de  tout  son  mobilier  et 
servit  de  grange  pendant  quelques  années.  Grâce  à  la  piété  de  plusieurs 
Condomois  et  au  zèle  de  Bourjot  lui-même,  qui  sut  réparer  ainsi  plu- 
sieurs actes  de  faiblesse,  elle  fut  remeublée  et  réconciliée  après  le 
Concordat,  et  le  culte  public  y  rentra  au  plus  tard  le  1®^  avril  1803. 11  re- 
trouva tout  son  éclat,  avec  un  surcroît  d'édification,  en  1824,  quand 
M"®*  Adèle  de  Batz-TrenqueUéon  et  Lolotte  de  Lachapelle  y  établirent 
un  pensionnat  des  Filles-de-Marie,  ordre  religieux  enseignant  fondé 
par  la  première  de  ces  deux  saintes  filles. 

J'arrête  ici  ce  sec  résumé,  qui  n'est  qu'une  esquisse  historique  sur 
un  lieu  de  dévotion  très  digne  d'être  connu.  Mais  je  ne  prétends  ni 
dispenser  mes  lecteurs  de  recourir  au  livre  que  je  viens  d'extraire,  ni 
•leur  avoir  donné  une  idée  exacte  de  ses  mérites.  Ils  y  trouveront,  outre 
le  détail  des  faits  que  j'ai  à  peine  touchés,  nombre  de  récits  intéressants 
et  de  discussions  bien  menées  que  j'ai  dû  passer  sous  silence,  et  surtout 
des  descriptions  d'art  qui  montrent  le  savant  et  pieux  historien  doublé 
d'un  véritable  archéologue. 

II 

Un  sermon  inédit  d'une  hlle  du  roi  Henri  IV,  publié  par  Ph.  Tamizey 
DE  Larroque  pour  le  mariage  de  M"*  Madeleine  Delpit  et  de  M.  René 
Delpit,  lieutenant  de  vaisseau,  chevalier  de  la  légion  d'honneur.  Salnt- 
Etienney  impr.  Ch.  Roy,  1888,  in-8*  de  [viii]-viii-22  p.  (Tiré  à  100  ex. 
dont  aucun  ne  sera  vendu). 

Un  grand  amateur  français  du  dix-septiéme  siècle  Fabri  de  Peiresc, 
par  LÉopoLD  Deusle,  membre  de  l'Institut.  Etude  suivie  du  Testament 
INÉDIT  DE  Peiresc,  publié  et  annoté  par  Ph.  Tamizey  de  Larroque,  cor- 
respondant de  Tinstitut.  Toulouse,  Ed.  Prioat,  1889.  Gr.  in-8'de31  p. 

J'ai  eu  déjà,  une  fois  au  moins  (1),  et  je  me  suis  hâté  de  saisir  l'oc- 
casion de  louer  et  de  recommander  l'imitation  en  France  d'un  charmant 
usage  italien,  qui  consiste  à  profiter  d'une  fête  nuptiale  pour  publier 

(1)  A  propos  d'un  opuscule  de  M.  P.  de  Nolhac,  R.  de  G.,  t.  xxix,  p.  48. 


—  139  — 

quelque  rareté,  quelque  curiosité  bibliographique.  Il  n'y  aura  jamais 
trop  de  bijoux  de  ce  genre  mis  au  jour.  Je  me  permets,  en  particulier, 
de  croire  que  la  mariée  du  12  décembre  dernier  aura  prisé  aussi  haut 
que  les  plus  précieux  joyaux  de  sa  corbeille  de  noces  Télégante  pla- 
quette, au  titre  alléchant,  que  son  ami  et  le  nôtrq  lui  adresse  avec  une 
lettre  toute  chaude  de  bonne  vieille  affection  pour  elle  et  pour  ses 
parents.  Je  le  remercie  à  mon  tour,  pour  la  Reoue  de  Gascogne  et  pour 
moi,  d'un  don  amical  qui  me  permet  de  faire  participer  un  peu  nos  chers 
lecteurs  à  la  bonne  aubaine  de  la  jeune  bordelaise  qui  embellit  de  sa 
présence  notre  grande  réunion  de  1886,  à  Tarchevêché  d'Auch,  où  elle 
représentait,  avec  sa  mère,  ce  digne  vétéran  des  études  historiques  du 
sud-ouest  de  la  France,  M.  Jules  Delpit. 

Le  Sermon  inédit  est  bien  un  sermon,  quoique  composé  par  une 
femme  et  non  prononcé  en  chaire.  Les  dimensions  en  sont  modestes, 
il  est  vrai  (p.  7-22),  et  on  pourra  l'appeler,  si  Ton  veut,  une  simple 
instruction  ;  en  tout  cas,  c'est  un  morceau  très  édifiant,  et  d'un  bon 
style,  une  sorte  de  méditation  sur  le  texte  :  Mirabilis  Deua  in  sanctis 
suis  y  écrite  pour  la  Toussaint  de  1657.  L'auteur  est  Jeanne-Baptiste 
de  Bourbon,  allé  légitimée  de  Henri  IV  et  de  Charlotte  des  Essars  de 
Romorantin,  née  le  22  février  1608,  abbesse  de  Fontevrault  en  1637, 
morte  en  1670.  Le  manuscrit  d'où  M.  T.  de  L.  a  tiré  ce  discours  en 
renferme  six  autres  du  môme  auteur,  qui  tous  ont  dû  être  répandus, 
sans  passer  par  l'impression,  dans  les  couvents  de  l'ordre  de  Fontevrault 
pour  l'édification  des  religieuses.  Le  volume  in-12  utilisé  par  notre 
savant  collaborateur  vient  très  probablement  du  couvent  du  Para  vis, 
près  Sos;  il  est  aujourd'hui  la  propriété  de  M.  l'abbé  Lapujade  (1), 
curé  de  Viane,  qui  consentirait  à  le  céder  à  une  bibliothèque  publique 
ou  particulière,  «  Je  regrette,  ajoute  M.  T.  de  L.,  de  n'être  pas  assez 
riche  pour  joindre  ce  volume  à  ma  modeste  collection.  » 

Je  prends  à  peu  près  au  hasard  une  page  du  Sermon^  pour  donner 
quelque  idée  de  l'esprit  et  du  style  de  Tauteur  :  «...  Ne  nous  y  trom- 
pons pas.  Dieu  ne  demande  pas  de  nous  toute  sorte  de  sainteté,  mais 
celle  qui  est  conforme  à  notre  état.  Celle  des  Chartreux  n'est  pas  la 
nôtre,  ni  celle  des  Anachorètes,  ni  des  mendiants,  etc.  La  sainteté  que 
Dieu  demande  de  nous,  c'est  Tobservance  de  nos  règles,  qui  contien- 


(1)  La  similitude  des  noms  me  rappelle  ici  que  le  poète  agenais  Antoine  la 
Pujade  Cû&ocred  chrestiennes,  1604)  dédia  un  de  ses  poèmes  (Vision,  f  430- 
450)  auat  Dames  du  ParaoLs»  parmi  lesquelles  il  nomiùo  M""  Marie  de  Monluc, 
de  ('apdequi,  de  Lésignan,  de  Cours,  Jeanne  de  Malvin,  de  la  Scale,  de  Fimar- 
con,  de  Roquepine,  Giliberte  de  Montagnac,  d'Anglade,  etc. 


>« 


—  140  — 

nent  les  moyons  de  notre  sainteté  :  garder  le  silence  aux  heures  et  aux 
lieux  ordonnés;  vaquer  à  la  prière  aux  temps  qui  y  sont  destinés; 
dormir,  manger^  vous  divertir  aux  heures  prescrites;  visiter  les  mala- 
des, exercer  la  charité  selon  ce  qui  est  pertnis,  et  tout  le  reste  qui  com- 
pose la  vie  religieuse  .dans  cet  ordrt.  Faire  ces  choses  avec  un  esprit 
intérieur  ;  entrer  autant  qu'il  se  peut  dans  celui  par  lequel  Dieu  veut 
être  honoré  et  servi  dans  ce  saint  ordre;  en  garder  les  austérités  quand 
vous  le  pouvez;  si  vous  êtes  dans  l'infirmité,  la  souffrir  avec  humilité 
et  patience;  prendre  garde  de  ne  pas  faire  de  notre  infirmité  la  croix  et 
le  supplice  des  autres;  prendre  avec  soumission  et  en  esprit  d'obéis- 
sance les  dispenses  et  soulagements  dont  vous  avez  besoin  ;  travailler 
à  la  cuisine  et  aux  offices  humbles  du  monastère,  selon  sa  professioa 
et  Tordre  des  supérieurs  :  voilà  le  moyen  d'être  saints;  c'est  ce  que 
nous  avons  toutes  promis  librement;  il  le  faut  garder.  » 

On  voit  que  la  fille  d'Henri  IV  écrit  d'un  style  qui  n'est  pas  pour 
démentir  son  origine,  et  surtout  que  ses  sentiments  répondent  à  la 
sainteté  de  son  état.  M.  T.  de  L.  a  mis  en  tète  de  cet  échantillon  de 
littérature  pieuse  de  bonnes  pages  préliminaires  ;  le  temps  seul,  je  sup- 
pose, lui  a  interdit  un  travail  d'annotation,  qui  d'ailleurs  n'était  nulle- 
ment requis  en  pareil  sujet;  mais  la  hâte  imposée  à  l'imprimeur, 
M.  Ch.  Boy,  avantageusement  connu  par  des  travaux  d'un  autre 
ordre  (1),  ne  Ta  pas  empêché  de  donner  à  cette  plaquette  le  plus  gra- 
cieux aspect. 

—  Je  ne  veux  qu'annoncer  ici  une  autre  nouveauté  de  notre  infatigable 
collaborateur,  celle-ci  relative  à  cet  illustre  savant  du  dix-septième  siè- 
cle, Peiresc,  dont  M.  T.  de  L.  a  déjà  commencé  à  publier  la  volumi- 
neuse correspondance.  J'ai  parlé  de  mon  mieux  du  volume  déjà  paru, 
dans  la  Revue  critique  du  3  décembre  dernier.  M.  Léopold  Delisle  avait 
parlé  de  Peiresc,  quelques  jours  avant,  à  une  séance  publique  de  l'Aca- 
démie des  Inscriptions  de  Belles- Lettres,  «  avec  autant  de  charme  que 
d'autorité  ».  Cette  communication  d'un  des  maîtres  de  l'érudition  fran- 
çaise, a  paru  dans  le  premier  numéro  des  Annales  du  Midi  (2),  avec  le 
Testament  de  Peiresc,  annoté  par  notre  savant  ami,  et  vraiment  digne, 
par  la  richesse  et  la  sûreté  du  commentaire,  de  figurer  en  si  noble  com- 
pagnie. 


(1)  La  Reoue  de  Gascogne  a'  parlé  d'un  de  ses  opuscules  (t.  xx,  1879,  p.  431). 

(2)  Voir  sur  cette  savante  revue  la  première  des  Notes  dicerses  imprimées  à 
la  suite  de  cette  bibliographie. 


—  141  — 


III 

La  qaieté  de  Baluze,  documents  biographiques  et  littéraires,  par  M.  G. 
Clément-Simon,  Paris,  Honoré  Champion,  1888.  Gr.  in-8'  de  88  p., 
plus  un  tableau. 

Si  nous  considérons  M.  Clément^Simon  comme  un  demi-compa- 
triote (l)y  nous  ne  pouvons  regarder  comme  un  étranger  Le  grand 
érudit  Baluze,  qni  fut  <  domestique  »  d'un  de  nos  archevêques  avant 
d'être  le  secrétaire  de  Pierre  de  Marca,  et  dont  plusieurs  écrits,  surtout 
les  Vitœ  paparum  avenionensium,  sont  consultés  par  tous  ceux  qui 
s'occupent  de  l'histoire  de  Gascogne.  Il  est  donc  juste  d'accorder  ici  au 
moins  une  petite  page  à  cette  curieuse  brochure,  qui  nous  fait  connaître, 
sous  le  savant  si  justement  vanté,  l'homme  spirituel  et  facétieux.  On 
a  confondu  quelquefois  Baluze  avec  ses  austères  amis  les  Bénédictins. 
11  avait  leurs  goûts  studieux,  mais  avec  une  pointe  d'humeur  gaillarde 
peu  monastique,  quoique  toujours  contenue  par  le  bon  ton  et  l'honnê- 
teté. La  notice  préliminaire  de  M.  Clément-Simon  renferme  de  piquants 
souvenirs  de  la  «  gaieté  de  Baluze.  »  Les  pièces  inédites  qui  forment 
le  corps  de  sa  publication  exciteront  la  curiosité  de  tous  les  amis  du 
bon  vieux  temps.  Ce  sont  surtout  des  plaisanteries,  disons  le  mot,  des 
bouffonneries  malicieuses  à  l'adresse  de  certains  dignitaires  ecclésiasti- 
ques de  la  ville  de  Tulle.  Imitant  en  charge  leur  rhétorique  lourde  et 
pédantesque,  Baluze  n'a  pas  craint  de  mettre  sous  leur  nom  dçs  haran- 
gues de  fantaisie,  qui  sont  des  chefs-d'œuvre  de  pathos  et  d'ineptie. 
Heureux  temps,  où  les  compliments  trop  solennels  de  M.  le  doyen  du 
chapitre  ou  de  M.  l'official  devenaient  le  thème  le  plus  fécond  de  dis- 
cussions et  de  malices  dans  les  cercles  de  nos  bonnes  villes  I 

Outre  l'agréable  et  solide  étude  de  M.  Clément-Simon  et  les  onze 
«  opuscules  burlesques  »  de  Baluze,  cette  brochure  renferme  :  1°  un 
beau  portrait  du  grand  érudit  et  des  facsimilés  de  son  écriture  à  diver- 
ses époques  ;  2**  un  appendice  sur  l'histoire  de  sa  famille  :  M.  Clément- 
Simon  y  corrige  bien  des  données  acceptées  par  M.  Louis  Guibert  dans 
son  édition,  d'ailleurs  très  savante  et  très  utile,  du  Livre  de  raison 
des  Baluze  (Tulle,  1888);  il  y  montre,  en  particulier,  que  le  premier 
Baluze  connu,  Pierre,  qui  vivait  à  la  fin  du  xv«  siècle,  fut  libraire  et 
nonécuyer;  3**  un  tableau  généalogique,  depuis  Pierre  Baluze  jusqu'au 

(1)  Voir  R^ue  de  Gase,  de  décembre  dernier,  p.  576. 


—  u%  — 

dernier  représentent  mftle  de  la  famille^  Léonard  de  Baluze  du  Mayne^ 

mort  en  1840. 

Cette  publication  satisfera  de  tout  point  les  curieux  et  les  délicats.  Je 

n'y  ai  aperçu  qu'une  petite  tache  :  une  faute  d'impression,  deux  fois 

répétée,  qui  fausse  le  sens  et  la  mesure  du  second  de  ces  deux  vers 

(p.  39)  : 

En  ce  monde  il  eut  tant  de  maux 

Qu'on  ne  croit  pas  qu'il  y  revienne. 


IV 

Eloge  funèbre  de  M.  Paul  Lacave  La  Plagne-Barris,  conseiller  à  la 
cour  d'appel  de  Paris,  prononcé  dans  Téglise  do  Montesquieu,  le  11 
décembre  1888,  jyar  M.  Tabbé  de  Carsalade  du  Pont,  chanoine  de  la 
cathédrale  d'Auch.  Auch,  inxpr.  CocharauXy  1888.  Grand  in-S*  de 
53  p. 

Le  comte  de  Maulêon,  ancien  conseiller  du  Grers.  Auch,  impr,  A.  Thi- 
bault, 1889.  13  p.  in-8". 

La  Revue  de  Gascogne  a  perdu  vers  la  fin  de  l'année  dernière  deux 
de  ses  plus  éminents  amis,  en  la  personne  de  M.  le  cx)nseiller  Paul 
La  Plagne  et  de  M.  le  comte  Alphonse  de  Mauléon.  Elle  a  déjà  payé 
son  tribut  à  la  mémoire  du  premier,  mais  un  tribut  trop  légej  pour  ne 
pas  profiter  des  occasions  de  revenir  sur  un  sujet  si  cher;  elle  remercie 
M.  l'abbé  de  Carsalade  de  lui  en  fournir  une,  et  des  plus  heureuses, 
comme  elle  est  reconnaissante  à  M.  de  Puget  de  lui  avoir  adressé 
sur  M.  de  Mauléon  une  notice  bien  courte,  mais  pleine  de  sens  et 
de  cœur. 

A  notre  grand  regret,  le  cadre  étroit  de  nos  bulletins  bibliographi- 
ques ne  nous  permet  guère  qu'une  mention  fugitive  de  deux  opuscules, 
que  nous  recommandons  du  moins  à  tous  les  amis  du  bien.  L'oraison 
funèbre  de  M.  Paul  La  Plagne  a  obtenu  déjà  des  éloges  bien  vifs;  elle 
les  justifie  tous,  et  au  delà,  par  la  noblesse  des  pensées  et  du  langage, 
par  la  chaleur  et  l'émotion  du  sentiment.  J'en  aurais  cité  quelque  chose 
si  l'excellente  Semaine  religieuse  d'Auch  ne  l'avait  communiquée 
tout  entière  à  ses  lecteurs,  dont  beaucoup  sont  aussi  les  nôtres.  J'aime 
mieux  les  avertir  qu'ils  trouveront  de  plus,  dans  la  belle  édition  impri- 
mée chez  MM.  Cocharaux,  une  douzaine  de  pages  très  compactes  sous 
le  titre  de  Noies,  oh  abondent  des  renseignements  instructifs  et  curieux 
que  la  forme  oratoire  de  l'éloge  excluait,  et  en  particulier  des  extraits 


—  143  — 

Vraiment  inappréciables  des  Souvenirs  de  jeunesse  du  savant,  spirituel 
et  saint  magistrat. 

Je  veux  rappeler  seulement  ici,  à  titre  d'information  utile,  quel- 
ques données  sur  les  hommes  illustres  de  sa  famille.  Soii  grand-oncle, 
le  baron  Barris,  né  à  Monlesquiou  en  1769,  député  à  l'Assemblée  l^s- 
lative  (1791-2),  mourut  président  à  la  Cour  de  cassation  en  1824,  et 
son  éloge  fut  prononcé  par  le  premier  président  Desèze,  qui  lui  attri- 
buait à  juste  titre  de  bien  rares  qualités  :  «  Talents  brillants,  instruction 
profonde,  expérience  consommée,  jugement  sûr,  pénétration  vive,  saga- 
cité admirable,  facilité  surtout  qui  tenait  du  prodige...  ».  Une  des 
sœurs  du  président  Barris  épousa  l'illustre  jurisconsulte  Tarrible,  trop 
oublié  parmi  nous,  mais  sur  lequel  il  y  a  un  bon  article  dans  le  sup- 
plément de  la  Biographie  universelle.  Une  autre  sœur  épousa  Bar- 
thélémy Lacave,  sieur  de  La  Plagne;  de  ce  mariage  naquirent  :  1°  Le 
baron  Lacave  La  Plagne-Barris  (fils  adoptif  du  président  Barris),  pair 
de  France  et  président  à  la  Cour  de  Cassation,  mort  à  Montesquieu  en 
1858;  2°  M.  Lacave  La  Plagne^  ministre  des  finances  sous  Louis-  Phi- 
lippe. Celui-ci  est  le  père  du  sénateur  actuel  du  Gers.  —  L'autre  est 
le  père  de  notre  regretté  confrère.  M.  de  Carsalade  cite  sur  ce  grand 
magistrat  une  notice  de  M.  Cuvillier-Fleury  (Journal  des  Débais, 
4  déc.  1857),  qui  heureusement  a  été  reproduite  par  Téminent  critique 
dans  ses  Dernières  études  historiques  et  littéraires  (Paris,  Lévy, 
1859,  2  V.,  t.  II,  p.  212-223).  C'est  dans  l'inlérêt  des  lecteurs  sagement 
curieux  que  j'indique  cette  source  très  accessible,  en  notant  que  le 
morceau  est  des  plus  dignes  d^étre  lus,  par  la  richesse  du  fond  comme 
par  l'éloquence  du  langage, 

—  M.  le  comte  de  Mauléon,  né  à  Gimont  le  6  avril  1810,  y  est 
mort  le  3  novembre  dernier.  Elève  de  l'Ecole  polytechnique  (promotion 
de  1829),  condamné  h  la  vie  privée  par  l'attitude  que  prit  en  1830  son 
père,  alors  député  du  Gers,  et  qui  répondait,  sinon  aux  légitimes  aspi- 
rations du  fils,  au  moins  à  ses  idées  sévères  d'honneur  et  de  fidélité,  il 
n'eut  guère  à  remplir  d'autres  mandats  officiels  que  ceux  de  maire  de 
son  village  et  de  conseiller  général  de  son  département.  Mais  il  ne  cessa 
d'aimer  et  de  cultiver  l'es  études  historiques,  dont  le  culte  est  hérédi- 
taire dans  sa  noble  famille,  et  les  sciences  qui  avaient  passionné  sa 
jeunesse  (1).  Use  dévoua  surtout,  avec  un  zèle  actif  et  un  absolu  désin- 

(1)  Je  ne  connais  d'autre  travail  imprimé  de  M.  A.  de  Mauléon  qu'une 
Description  de  la  chanelle.,.  de  Cahusac  (p.  1-20),  en  t-Mc  du  Tableau  de  la 
miraculeuse  chapelle.,,,  de  Jean  Duclos^  réimpression  de  1853  (Toulouse, 
A.  Manavit.  In-18  de  100  p.). 


—  144  — 

téressementy  à  la  cause  du  bien,  et  ne  refusa  jamais  son  concours  à 
aucune  œuvre  de  religion  ou  de  bienfaisance.  «  Nous  qu'il  honora  de 
son  affection,  dit  éloquemment  M.  de  Puget,  nous  savons  que  sa  géné- 
rosité était  discrète  comme  elle  était  prodigue,  nous  savons  qu'il  s'ef- 
façait pour  donner,  nous  savons  enfin  qu'il  avait  la  pudeur  de  la  bonté; 
mais  ce  qu'il  a  fait  de  bien,  ce  que  sa  main  a  répandu  d'aumônes,  ce 
que,  dans  son  cabinet  toujours  ouvert  à  toutes  les  infortunes,  il  a  dis- 
tribué de  consolations  et  de  conseils,  Dieu  seul  le  sait  I  » 


Revue  des  Pyrénées  et  de  la  France  méridionale,  organe  de  TAssocia- 
tion  pyrénéenne  et  de  TUnion  des  Sociétés  savantes  du  Midi,  publication 
illustrée  paraissant  chaque  deux  mois,  dirigée  par  Julien  Sacaze  et  le 
D'  F.  Garrigou,  avec  la  collaboration  de  membres  de  l'Institut,  de  pro- 
fesseurs des  Facultés  de  Paris,  Toulouse,  Bordeaux  et  Montpellier,  et 
de  plusieurs  érudits  de  la  région.  Toulouse,  Ed.  Prioat  (*)  (n*  1,  jan- 
vier-février 1889,  140  p.  gr.  in-80. 

La  Revue  de  Gascogne,  saluée  avec  sympathie  dès  le  premier 
numéro  de  la  Revue  des  Pyrénées,  a  bien  d'autres  raisons  de  signaler 
et  de  recommander  ce  nouveau  périodique  régional.  Toulouse,  qui 
n'avait  pas  de  revue  si  vante,  en  produit  tout  d'un  coup  deux  à  la  fois  ; 
on  aurait  tort  de  s'en  effrayer,  car  ces  deux  organes,  également  voués 
aux  études  sérieuses,  ont  d'ailleurs  un  caractère  assez  différent  et 
même  un  domaine  diversement  limité.  Nos  lecteurs  connaissent  le 
sens  très  large  que  M.  Ant.  Thomas,  fondateur  des  Annales  du  Midi^ 
donne  à  l'expression  France  méridionale,  et  les  préoccupations  exclu- 
sivement historiques  et  philologiques  de  sa  revue.  Celle  de  MM.  J. 
Sacaze  et  J.  Garrigou  n'a  pour  champ  d'études  que  «  les  Pyrénées 
françaises  et  espagnoles  et  la  région  du  midi  de  la  France  comprise 
dans  les  ressorts  académiques  de  Toulouse,  Bordeaux  et  Montpellier.  » 
En  revanche,  rien  de  plus  étendu  que  son  pmgramme  :  «  Géographie, 
histoire,  anthropologie,  ethnographie,  archéologie,  philologie,  Uttéra- 
ture,  art,  alpinisme,  géologie,  paléontologie,  botanique,  zoologie, 
hydrologie  et  médecine,  météorologie  et  climatologie,  agriculture  et 
questions  d'intérêts  locaux  et  généraux  au  point  de  vue  commer- 
cial, industriel,  économique,  »  C'est  beaucoup,  ce  serait  même  peut- 

(*)  Voir  à  la  troisième  page  de  notre  couverture  pour  les  conditions  d'at>on-> 
nement. 


—  145  — 

être  trop,  si  la  Revue  des  Pyrénées^  au  rebours  des  Annales  du  Midi^ 
ne  paraissait  devoir  être,  au  moins  habituellement,  plutôt  un  organe 
de  \  ulgarisation  qu'un  recueil  strictement  scientifique. 

Il  suffira  pour  aujourd'hui  de  signaler  quelques-uns  des  articles 
publiés  dans  cette  première  livraison  :  Hébert,  de  l'Institut.  La 
Faune  primordiale  dans  la  Montagne  noire.  —  A.  Couret.  Les 
Méridionaux  compagnons  d'armes  de  Jeanne  d'Arc,  (Beaucoup  de 
noms  gascons.  L'auteur  de  ce  savant  travail  aurait  trouvé  des  rensei- 
gnements sur  quelques-uns,  en  particulier  sur  Girault  de  la  Paillière, 
dans  la  Revue  de  Gascogne).  —  D^  F.  Garrigou.  Avenir  des  stations 
thermales  des  Pyrénées.  —  Julien  Sacaze.  Inscriptions  inédites. 
(Six  insc.,  toutes  du  Comminge).  —  Spécimens  comparatifs  des 
idiomes  pyrénéens  (traductions  en  six  parlers  locaux,  par  six  auteurs 
différents,  de  la  légende  de  Barbazan,  proposée  en  1887,  comme  sujet 

d'exercice,  par  M.  J.  Sacaze). 

LÉONCE  COUTURE. 


NOTES  DIVERSES. 


CCXLIII  (1).  Un  nom  de  trop  dans  la  liste  des  évoques  de  Dax. 

Dans  un  court  mais  solide  article  du  premier  numéro  de  ses  Annales  du 
midi,  M.  Antoine  Thomas,  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Toulouse, 
vient  de  restituer  au  siège  d'Angoulême  un  èvèque  du  septième  siècle  qui 
avait  été  attribué  mal  k  propos  à  celui  de  Dax.  Il  est  vrai  que  son  inscrip- 
tion sur  le  catalogue  dacquois  était  récente  et  encore  à  x)eine  connue;  mais 
comme  j'ai  pu  contribuer  pour  ma  part  à  répandre  Terreur,  je  veux  la 
rex)ou8ser  à  mon  tour,  en  profitant  du  travail  de  M.  A.  Thomas. 

J'ai  publié  ici  même,  en  1869,  un  article  intitulé  :  Un  Concile  inédit  de 
Bordeaux  et  neuf  évoques  inconnus  de  la  province  d'Eauze  au  wn'  siècle. 
Ce  concile  venait  d'être  édité,  d'après  une  copie  de  Baluze,  par  M.  Larrieu, 
supérieur  du  grand  séminaire  de  Bordeaux.  —  Il  ignorait,  et  j'ignorais 
comme  lui,  une  édition  donnée  en  1849  par  M.  Pardessus  et  que  M.  Tho- 
mas dit  être  la  première.  Je  crois  qu'il  y  en  avait  une  et  peut-être  deux 
plus  anciennes,  mais  dont  je  ne  retrouve  pas  en  ce  moment  l'indication.  — 
Quoi  qu'il  en  soit,  ce  concile  est  fort  intéressant  pour  notre  histoire  par 
divers  détails,  dont  j'exposai  quelques-uns  dans  ma  modeste  étude.  Mais  les 
noms  de  plusieurs  évèques  inconnus  de  la  Novempopulanie  révélés  par  leurs 

(1)  Errata.  Les  chiffres  romains  placés  en  tête  des  trois  Notes  diverses  de 
notre  livraison  de  janvier  dernier  (p.  49,  50,  51)  doivent  être  augmentés  cha- 
cun d'une  unité. 


—  146  — 

signatures  auraient  suffi  pour  éveiller  Tattention.  Seulement  j'ai  eu  tort  — 
M.  Pardessus  et  d'autres  avaient  commis  la  même  erreur  —  d'en  compter 
neuf;  il  n'y  en  a  que  huit.  Celui  que  je  comptais  pour  le  huitième  et  avant- 
dernier  a  signé  :  Tomianus  acquilesiminensis  urbis  episcopus.  Je  prenais 
dcquilesiminensis  pour  synonyme  de  aquensis  (de  Dax),  en  avertissant 
que  cette  forme  étrange  ne  se  trouvait  pas  ailleurs.  M.  Thomas  montre  fort 
bien  que  c'est  une  déformation  assez  légère  à'Acquilisinensis  (d'Angou- 
lême).  —  Il  ajoute  : 

«  Dans  l'ôvêque  d'Auch  appelé  Leviadus  par  le  concile  de  Bordeaux, 
M.  L.  Couture  propose  de  reconnaître  saint  Léotade  en  corrigeant  Leviadus 
en  Levtadius.  Nous  nous  associons  pleinement  à  cette  conjecture  et  nous 
ferons  remarquer  que  la  correction  ne  doit  porter  que  sur  une  lettre,  un  t 
au  lieu  d'un  i,  car  la  forme  Leutadus  est  plus  ancienne  que  Leuta- 
dius,  » 

Je  profite  de  cette  occasion  pour  recommander  vivement  aux  amateurs 
d'histoire  et  de  linguistique  méridionales  la  nouvelle  publication  trimes- 
trielle fondée  et  dirigée  par  l'un  de  nos  romanistes  les  plus  éminents.  Si  elle 
obtient  l'accueil  qu'elle  mente,  elle  deviendra  le  lien  solide  et  autorisé  des 
divers  périodiques  provinciaux  du  Midi  de  France.  Déjà,  pour  notre  part, 
nous  avons  trouvé  plus  d'une  note  utile  à  prendre  dans  cette  première 
livraison  (1),  L,  C. 


CCXLIV.  Cours  de  littératare  étrangère,  professé  à  rinstitut 
catholique  de  Toulouse  (tous  les  mardis  de  février  et  mars,  4  h.  1.2 
par  M.  Léonce  Couture,  doyen  de  la  Faculté   des  lettres.  — 

Sources  et  origines  de  la  poésie  romane  :  les  chansons  populaires. 

Le  professeur  continue  &  étudier  la  litérature  orale  des  peuples  du  Midi 
comme  source  de  la  poésie  cultivée  des  trois  nations  romanes  :  France,  Italie, 
Espagne. 

Il  a  traité  l'an  dernier  des  contes  populaires,  mais  considérés  seulement 
en  eux-mêmes,  avec  les  questions  d'origine  qui  s'y  rattachent.  Il  emploiera 
cette  année  une  ou  deux  leçons  à  montrer  la  part  qu'ils  ont  eue  dans  les 
premières  poésies  narratives  des  littératures  du  Midi.  Cette  part  est  nulle, 
ou  à  peu  près,  dans  l'épopée  primitive;  mais  elle  est  appréciable  dans  les 
compositions  épiques  plus  récentes  et  dominante  dans  les  poèmes  et  romans 

(1)  Ainsi  j'y  apprends  (p.  115)  que  la  Lettre  de  Montaigne  publiée  par 
M.  Em.  du  Boys,  et  dont  j'ai  dit  un  mot  en  décembre  dernier  (xxix,  576),  n  est 
pas  de  l'auteur  des  Essai  s ,  mais  d'un  nain  de  la  cour  à  qui  on  avait  do  une  plai- 
samment ce  sobriquet.  C'est  M.  Em.  du  Boys  qui  a  corrigé  lui-même  la  fausse 
attribution  qu'il  avait  commise.  —  Dans  le  consciencieux  dépouillement  de  la 
R.  de  G.  de  Tan  dernier  (v.  96-99;,  je  ne  prends  aujourd'hui  que  les  quelques 
mots  relatifs  à  l'article  de  M.  Breuils  sur  le  Glésia  :  «...  Il  montre,  par  de  bonnes 
raisons  et  en  s'appuyant  de  documents  du  moyen  àce,  que  l'emplacement  de  la 
villa  appartenait  a  1  époque  gallo-romaine  à  la  cité  a'Agen.  Il  est  singulier  oue, 
dans  un  texte  de  1450  qu'il  donne  en  note,  il  n'ait  pas  reconnu  la  ville  de  Ber- 
gerac sous  la  forme  ancienne  Bragayrao,  » 


—  147  — 

d'aventures.  Elle  n'est  pas  moins  sensible  dans  Tapologue  et  la  nouyelle, 
en  Espagne  et  en  Italie  comme  en  France. 

Abordant  la  chanson  populaire,  comme  source  de  la  lyrique  cultivée  des 
nations  romanes,  le  professeur  étudiera  les  débris  de  chansons  latines  que 
Tantiquitô  et  le  haut  moyen  âge  nous  ont  transmis,  pour  y  relever  le  rythme 
poétique  dont  les  langues  néo-latines  ont  hérité.  11  s'occupera  ensuite  des 
divers  genres  de  chansons  populaires  :  cliants  de  prière,  de  travail,  de 
noces,  de  danse,  chants  funèbres^  chants  hisloriques,  etc.  Il  tâchera  de 
définir  et  d'expliquer  les  différences  de  fond  et  de  forme  qu'offre  la  lyrique 
populaire  comparée  de  l'Espagne,  des  deux  parties  de  la  France  et  des  trois 
j>arties  de  l'Italie. 

Enûn,  il  profitera  des  derniers  travaux  de  la  critique  pour  étudier,  dans 
leur  rapport  avec  les  chants  populaires,  les  premiers  essais  lyriques  des 
quatre  littératures  romanes  :  française,  provençale,  italienne,  espagnole. 


CCXLV.  Encore  Dom  B.  de  Montfikacon  et  Dom  Martianay. 

Le  prince  Emmanuel  de  Broglie  a  publié,  l'an  dernier,  un  ouvrage  d'un 
grand  intérêt,  d'un  grand  charme,  intitulé  :  Mabillon  et  la  Société  de 
l'Abbaye  de  Saint-Germain-des-Prés  à  lajin  du  xvn'  siècle  (Paris,  Pion, 
1888,  2  vol.  in-8*).  J'emprunte  à  cet  ouvrage,  que  l'on  a  partout  beaucoup 
loué  (1),  une  remarquable  notice  sur  notre  grand  Montfaucon  (p.  269-272). 

«  Mais  à  côté  de  Thierry  Ruinart,  Mabillon  voyait  arriver  à  la  pleine 
maturité  de  leur  âge  et  de  leur  talent  plus  d'un  bénédictin  bien  différent  de 
ceux  qu'il  avait  connus  dans  sa  jeunesse.  Tout  autre,  en  effet,  est  la  figure 
de  Montfaucon,  que  nous  voyons  grandir  à  côté  de  celle  de  Mabillon,  et  qui 
devait  à  son  tour  s'acquérir  une  véritable  renommée  dans  l'histoire  de  l'éru- 
dition. Nous  n'avons  pas  à  faire  dans  le  détail  le  portrait  de  l'illustre 
auteur  de  V Antiquité  expliquée  et  des  Monuments  de  la  Monarchie.  Mais 
il  nous  faut  dire  quelques  mots  de  cette  physionomie  si  originale,  qui  res- 
sort vivement  dans  le  cadre  grave  qui  l'entoure.  Car,  avec  son  infatigable 
ardeur  au  travail,  qu'il  sut  conserver  au  delà  des  limites  ordinaires  de  l'âge, 
avec  sa  fougue  qui  étonne  chez  un  érudit  et  sa  singulière  adresse,  Mont- 
faucon est  un  des  personnages  les  plus  caractéristiques  de  la  société  des  éru- 
dits,  et  fort  différent  de  Mabillon. 

»  D'une  ancienne  famille  noble  du  Midi,  Dom  Bernard  de  Montfaucon 
avait  débuté  dans  la  vie  par  la  carrière  militaire,  et,  bien  qu'il  eut  échangé 
de  bonne  heure  la  cuirasse  contre  la  robe  de  moine,  il  lui  était  toujours  resté 

(1)  J'ai  eu  le  plaisir  de  faire  ma  partie  dans  le  concert  (Reçue  des  Questions 
historiques  du  1"  juillet  1888).  Si  j'osais  continuer  la  métaphore,  je  dirais  que 
nous  avons  eu  pour  chef  d'orchestre  le  très  savant  critique  du  journal  La  Monda, 
Dom  Piolin. 


—  148  — 

quelque  chose  de  son  premier  métier.  Ses  saillies  gasconnes,  la  vivacité 
d'expression  dont  il  se  servait  souvent,  rappelaient  parfois  la  brusquerie  de 
Fancien  cadet  aux  gardes.  Mabillon  Ten  plaisantait  et  l'appelait  le  sieur  de 
la  Rochetaillade,  du  nom  de  la  terre  de  sa  famille.  Montfaucon  n'était,  en 
effet,  rien  moins  qu'endurant,  surtout  lorsqu'il  s'agissait  d'érudition  et  de 
documents.  Il  faillit  une  fois  s'en  prendre  même  à  l'archevêque  de  ReimSy 
qui  avait  gardé  pour  son  usage  personnel  une  boite  de  médailles  antiques, 
envoyées  de  Rome  par  un  clés  membres  de  la  petite  colonie  bénédictine  du 
Monte-Pincio.  Fort  en  colère  de  ce  qu'il  regardait  comme  un  abus  d'au- 
torité, Montfaucon  envoie  à  son  collègue  cette  vive  sortie  (1)... 

»  L'ardente  curiosité  d'érudit  chez  Montfaucon,  son  acharnement  au  tra- 
vail avaient  quelque  chose  de  militaire  dans  leur  vivacité.  Il  montait  à  l'as- 
saut de  l'érudition  comme  il  eût  escaladé  une  place  forte^  s'il  fût  resté  dans 
son  métier,  avec  une  verve  et  un  entrain  incroyables.  Envoyé  en  Italie, 
quelques  années  après  Mabillon,  il  y  passa  deux  ans  entiers,  abattant 
durant  ce  temps  une  besogne  considérable,  avec  une  fur  ia  toute  française, 
et  réunissant  les  matériaux  pour  son  livre  V Antiquité  expliquée,  qui  ne 
parut  que  vingt  ans  plus  tard.  Cet  ouvrage,  qui  depuis  a  été  fort  dépassé 
par  l'érudition  moderne^  mais  qui  contenait  alors  de  véritables  découvertes, 
eut  un  succès  prodigieux;  en  deux  ans,  l'édition  complète  de  1,800  exem- 
plaires, soit  18,000  volumes  in-folio,  fut  épuisée.  C'est  le  plus  grand  succès 
de  librairie  pour  un  ouvrage  de  cette  sorte,  durant  le  xvtu*  siècle...  (2).  > 

Le  prince  de  Broglie  n'a  pas  eu  l'occasion  de  s'occuper  de  Dom  Martianay, 
mais  je  trouve  un  mot  sur  notre  bénédictin  landais  dans  une  récente  et 
curieuse  brochure  de  M.  Ernest  Jovy  (Etudes  et  recherches.  Guillaume 
Prousteau,  fondateur  de  la  bibliothèque  publique  d'Orléans  et  ses  lettres 
inédites  à  Nicolas  Thoynardy  Paris,  1888,  in-8',  p.  22).  Ce  mot  est  tiré 
d'une  lettre  écrite  par  le  docte  abbé  Eusèbe  Renaudot  à  Thoynard  au  sujet 
de  l'édition  de  saint  Jérôme  :  «  Je  ne  sais  si  on  vous  a  envoyé  le  projet  de 
l'édition  nouvelle  de  saint  Jérôme.  C'est  le  P.  Martianay  qui  s'en  mêle.  Je 
ne  suis  point  content  de  sa  préface.  Il  y  a  une  forfanterie  qui  n'est  point  du 
caractère  de  nos  amis  ses  confrères  et  qui  sent  le  gasconisme  trop  fortement. 
Il  commence  à  fesser  sur  Erasme,  Amerbach  et  autres.  Il  me  semble  que 
je  vois  un  régent  de  sixième  qui  essaye  une  férule  neuve  sur  le  premier 
venu.  » 

T.  DE  L. 


(1)  Je  ne  reproduis  pas  cette  lettre,  que  l'on  peut  rapprocher  de  divers  docu- 
ments publiés  dans  notre  chère  Revue  (t.  xix,  1878,  passim), 

(2)  Voici  un  billet  du  premier  président  du  parlement  de  Paris,  M.  de  Har- 
lay,  qui  prouve  que  nos  Bénédictins  allaient  parfois  diner  en  ville  :  «  Ce  2'  décem- 
bre 1705.  Les  R.  Pères  D.  B.  de  Montfaucon  et  Anselme  ayant  bien  voulu  pro- 
mettre à  M.  le  premier  président  de  venir  dîner  avec  lui  vendredi,  4*  du  mois, 
il  supplie  les  R.  Pères  D.  J.  Mabillon  et  Thierry  de  lui  faire  le  même  honneur.  » 


LES  ÉCOLES  DE  FILLES 


A  GONDOM 


Autrefois  rinstruction  de  la  femme  n'était  pas  aussi 
développée,  aussi  répandue  surtout  que  de  nos  jours,  et  nos 
pères  croyaient,  non  sans  raison  peut-être,  que 

Former  aux  bonnes  mœurs  Tesprit  de  ses  enfants, 
Faire  aller  son  ménage,  avoir  Tœil  sur  ses  gens, 
Et  régler  la  dépense  avec-  économie, 
Doit  être  son  étude  et  sa  philosophie. 

Or,  les  soins  du  ménage  et  la  bonne  éducation  des  enfants 
s^apprennent  dans  la  famille  encore  mieux  qu'à  Técole. 

Il  ne  faudrait  pas  s'imaginer  pourtant  qu'on  pensât  à  Con- 
dom,  avec  le  personnage  de  Molière, 

qu'une  femme  en  sait  toujours  assez 

Quand  la  capacité  de  son  esprit  se  hausse 

A  connaître  un  pourpoint  d'avec  un  haut-de*chausse. 

Nos  aïeux  raisonnaient  autrement  que  Chrysale;  ils  s'inté- 
ressèrent toujours  à  l'instruction  de  la  femme,  et  si  nous  ne 
pouvons  constater  à  une  date  reculée  l'existence  d'écoles  spé- 
ciales de  filles  à  Condom,  c'est  que  la  ville  ne  fournit  jamais 
de  subvention  aux  institutrices. 

La  première  école  de  filles  que  nous  rencontrons  à  Condom 
remonte  aux  premières  années  du  xvu'  siècle;  elle  fonction- 
nait au  couvent  de  Sainte-Glaire. 

Nous  avons  entendu,  en  effet,  en  1605,  un  conseiller  au 

Tome  XXX.  —  Mars  1889.  11 


—  150  — 

Prèsidial  déclarer,  ii  Tappui  d'une  demande  de  secours  adres- 
sée à  la  ville  par  les  religieuses  Clarisses  pour  réparer  la  clô- 
ture de  leur  couvent,  que  ces  religieuses  rendaient  de  grands 
services  en  instruisant  les  filles.  «  L'abbesse,  dil-il,  est  une 
fort  honnorable  femme  qui  sert  de  beaucoup  en  ceslc  ville 
parce  qu'elle  instruit  de  Qlhes  des  babitans  de  lad.  ville  qui 
n'ont  pas  moyen  de  les  envoyer  ailheurs  pour  les  faire  ins- 
truire (i).  » 

A  cette  époque,  les  Clarisses,  dont  rétablissement  à  Con- 
dom  remonte  au  xin*  siècle,  venaient  de  rentrer  dans  leur 
couvent  abandonné  depuis  quelques  années;  mais  il  est  pro- 
bable qu'antérieurement  elles  s'occupaient  déjà  d'éducation. 

Quoi  qu'il  en  soit,  Condom  ne  tarda  pas  à  avoir  d'autres 
institutrices.  Dans  le  courant  de  Tannée  16J3,  les  religieuses 
Ursulines,  vouées  particulièrement  par  élat  à  Tinstruction 
gratuite  des  petites  filles  (2),  vinrent  fonder  un  couvent  dans 
notre  ville  où  les  atliraient  «  les  désirs  passionnés  de  iMesieurs 
les  babitans  »,  qui  comprenaient  «  la  nécessité  indispensable 
d'avoir  des  écoles  peubliques  »  de  filles  (3);  la  jurade  générale 
du  14  juin  1727  le  déclare  expressément  «  et  avec  plaine 
connaissance  de  cause,  »  dans  les  termes  les  plus  flatteurs 
pour  ces  religieuses  : 

Il  a  esté  délibéré  d'une  commune  voix,  lisons-nous  dans  l'arrêté  de 
jurade,  que  le  motifs  intéressent,  qui  a  engagé  à  faire  faire  Testabliss^- 
ment  dudit  monastère  en  cette  ville,  a  esté  la  nécessité  indispensable 
d'avoir  dans  une  ville  episcopale  et  capitalle  d'une  seneschaussée,  où 
il  y  a  nombre  de  jeunes  filles  à  élever,  des  Ecoles  peubliques  où  Ton 


(1)  V.  jurade  du  16  avril  1603.  L'abbcsse  était  alors  Marie  Didriard. 

(2)  l^  jurade  du  4  juillet  1633,  qui  consentit  à  leur  établissement, nous  apprend 
que  ces  religieuses  «  oultre  les  excrcisses  ordinaires  que  font  les  aultres  corn- 
munaultés  religieuses  en  prières  et  oraysons,  ofroint  d'instruire  à  la  piété  et 
bonnes  mœurs,  escripteure,  lecteure,  les  jeunes  fllhes  de  la  communauté » 

(3)  Voir  la  requête  adressée,  le  4  octobre  1633,  à  rarchevêque  d'Auch,  par 
sœurs  Jeanne  de  Lataste,  Marie  d'Israël  et  Jeanne  de  Verdusan,  ursiUines  du 
couvent  de  Gondrin  ;  cette  requête,  ainsi  que  la  plupart  des  documents  de  l'an- 
cien couvent  des  ursulines  de  Condom,  se  trouve  dans  l'Etude  de  M'  L&gorce, 
notaire.  V.  également  les  jurades  du  4  juillet  1633  et  du  14  juin  1727. 


—  151  — 

peut  en  seureté  envoyer  les  jeunes  filles  pour  y  aprendre  le  cateschisme, 
à  lire,  à  escrire,  et  ce  qu'il  convient  qu'une  jeune  fille  aprene  pour  une 
bone  éducation;  et  comme  les  Religieuses  Ursulines  font  une  prof esion 
expresse  d'avoir  des  clases  ouvertes  à  cest  usage,  Testablissement  des 
religieuses  de  cest  ordre  feut  jeugé  alors  comme  on  le  jeuge  encore  à 
présent  indispensablement  nécessaire  à  Condom,  et  on  doit  rendre  ce 
témoignage  à  la  vérité  que  les  dittes  dames  se  comportent  en  véritables 
religieuses  et  qu'elles  ont  exactement  remply  leur  devoir  dans  l'éduca- 
tion spirituelle  et  temporelle  qu'elles  donnent  tous  les  jours  assidue- 
ment  aux  jeunes  filles  confiées  à  leurs  soins  dans  leurs  clases,  sans  que 
pourtant  la  communeauté  soit  obligée  de  leur  rien  donner  à  l'avenir, 
comme  on  ne  leur  a  rien  donné  par  le  passé 

(Suivent  49  signatures). 

Les  Dames  de  la  Foi,  que  Mgr  Milon  appela,  en  1696,  pour 
soigner  les  malades  de  THôpital  général  ou  Manufacture  et 
qui  furent  chargées  de  Tinstruction  des  enfants  de  cet  établis- 
sement, instruisaient  aussi  quelques  filles  du  dehors.  Mgr 
d'Anterroches,  il  est  vrai,  le  leur  interdit  formellement  en 
i776,  d'après  les  termes  du  Règlement  qu'il  leur  donna; 
mais,  si  nous  en  croyons  les  traditions  de  notre  famille,  on 
ne  tint  pas  rigoureusement  compte  de  cette  interdiction  (1). 


(1)  Notre  grand'mère  matemeUe,  née  en  1776,  fut  instruite  à  Técoie  de  l'hôpi- 
tal par  ces  bonnes  sœurs. 

Voici  des  extraits  du  règlement  précité,  relatifs  à  l'éducation  des  enfants  de 
rtiôpital  et  à  la  défense  d'instruire  les  filles  étrangères  à  l'établissement  : 

III 

Toutes  les  sœurs  doivent  se  remettre  souvent  devant  les  yeux  qu'elles  ne  sont 
venues  dans  l'hôpital  que  pour  faire  leur  salut,  pour  travailler,  pour  servir  les 
pauvres,  pour  former  et  pom*  instruire  les  enfans,  et  qu'il  faut  par  conséquent 
de  leur  part  l'exemple  le  plus  soutenu  et  la  plus  grande  assiduité. 

XI 

Elles  ne  se  détourneront  point  sous  prétexte  de  se  rendre  utiles  à  des  per- 
sonnes du  dehors;  ainsi  nous  défendons  à  toutes  les  sœurs  de  se  charger  de 
l'instruction  de  quelque  fille  étrangère  sous  quelque  prétexte  que  ce  soit  ;  d'au- 
tres conununautés  (les  Clarisses  et  les  Ursulines)  sont  dévouées  à  cette  bonne 
cBUvre  et  s'en  acquittent  à  notre  satisfaction  et  à  celle  du  public;  mais  pour  les 
sœurs  de  la  Manufacture,  elles  doivent  se  regarder  comme  uniquement  consa- 
crées au  service  des  malades  et  à  l'instruction  des  pauvres  de  la  maison;  elles 
doivent  toutes,  en  effet,  contribuer  avec  zèle  à  leur  éducation  et  profiter  de  toutes 
les  occasions  de  leur  parler  utilement;  il  faut  pour  cela  qu'elles  leur  parlent  avec 


—  152  — 

Nous  ferons  remarquer,  au  sujet  de  rinstruction  donnée 
par  les  sœurs  de  la  Manufacture,  que  les  anciens  prieurs  hos- 
pitaliers de  Condom,  ou  les  prêtres  qui  les  remplaçaienl, 
étaient  spécialement  chargés  d'instruire  les  enfants  de  Thô- 
pital  Notre-Dame  (1);  c'est  ainsi  que  Jean  de  Poy  Bernard, 
dans  le  traité  qu'il  fait  en  1572  avec  les  administrateurs  pour 
le  service  spirituel  de  l'hôpital,  s'engage  a  «  enseigner  les 
petits  enfans  et  filles  »  de  l'établissement  (2);  de  même  Jean 
de  Melet,  en  1591,  offre,  en  sa  qualité  de  prieur,  de  résider 
à  l'hôpital  et  d'apprendre  à  lire  aux  enfants  (3). 

Les  religieuses  de  Sainte-Claire  et  de  Sainte-Ursule  furent 
incontestablement  les  principales,  mais  non  les  seules  maî- 
tresses d'école  de  Condom.  Nous  voyons,  en  effet,  la  jurade 
du  8  avril  1697  accorder  une  maison  avec  exemption  du  loge- 
ment des  gens  de  guerre  à  un  sieur  Pomadère,  «  escrivain 
juré  »,  qui  avait  offert  de  se  retirer  en  ville  avec  sa  famille, 
a  dans  laquelle  il  y  a  des  filles  qui  sont  en  estât  d'aller  dans 
les  maisons  à  apprandre  les  filles  à  escrire,  lire,  et  à  l'aril- 
malbique.  » 

Plus  lard,  nous  trouvons  Marie  Valluche,  désignée  comaie 
maîtresse  d'école  de  la  paroisse  de  Sainte-EuJalie  dans  un 
acte  de  baptême  du  i  avril  1786,  inséré  dans  les  registres  de 
cette  paroisse;  Marie  Valluche  figure  encore  avec  celte  qua- 
lification dans  un  acte  du  30  mars  1789  (4);  enfin  nous 
voyons  au  commencement  de  1792  la  veuve  Dostes,  institu- 

bonté  et  avec  charité;  et  si  quelqu'une  de  ces  filles  s'écartoit  vis-à-vis  des  sœurs, 
elles  s'en  plaindroicnt  à  la  supérieure  ou  à  la  sœur  chargée  spécialement  de  ces 
filles,  qui  auront  seules  le  droit  de  les  corriger,  mais  jamais  de  les  congédier. 
(V.  Arch.  hospitaUères  ;  fonds  Hôpital  général,  E.  5). 

(1)  Charles  IX  leur  avait  imposé  cxïtte  obligation  dans  ses  lettres  pat«nte5  du 
mois  d'avril  1566  portant  union  des  liôpitaux  de  Condom.  «  Avons  ordonné  et 
ordonnons,  portent  les  lettres,  pour  enseigner  et  instruire  les  pou\Tes  enfans 
y  estans  (aud.  hôpital  Notre-Dame),  les  dits  hospitalliers  résideront  cepandant 
aud.  hospital  et  feront  le  service  chascun  en  son  ordre »  V.  Arch.  hospita- 
lières, fonds  Hôpital  Notre-Dame,  A.  2.) 

(2)  V.  Archives  hospitalières,  fonds  hôpital  Notre-Dame,  B.  176. 

(3)  Id.,  E.  2. 

(4)  Minutes  de  M'  Escalup;  étude  de  M'  Lagorce. 


—  153  — 

trice  «  préposée  à  renseignement  particulier  (1).  t  II  est  pro- 
bable qu'il  y  eut  toujours  de  ces  inslitulrices  laïques,  de  ces 
maîtresses  d'école  de  quartier;  mais  la  communauté  ne  leur 
accordant  pas  de  subvention,  il  n'en  existe  pas  de  traces 
dans  ses  registres,  et  la  tradition  ne  nous  a  rien  appris  à  cet 
égard. 

Indépendamment  de  leurs  classes  gratuites  pour  l'éducation 
des  filles  du  peuple  (2),  les  Ursulines  eurent  un  pensionnat(5); 
elles  acceptaient  même  des  demi-pensionnaires.  D'après  un 
ancien  registre  de  comptabilité  qui  va  de  1649  à  1681,  le 


(1)  Dél.  du  13  février  1792.  Cette  institutrice  devait  fonctionner  depuis  un  cer- 
tain temps  ;  son  mari,  Vital  Dostes,  mort  en  1784,  avait  été  maître  de  pension. 
(V.  Testament  de  Raymond  Dostes  du  10  novembra  1786,  minutes  de  Pelauque, 
année  1786,  Lebbé  notaire.  Etat  civil  de  la  par.  de  Saint-Pierre,  actes  1773- 
1784). 

(2)  Les  classes  des  Ursulines  se  tinrent  à  partir  de  1661  dans  une  maison  sise 
en  face  de  leur  couvent  et  formant  actuellement  la  suite  du  n"  1  de  la  rue 
Sainte-Ursule;  ce  bâtiment,  le  plus  ancien  peut-être  de  notre  ville,  offre  un 
curieux  échantillon  d'architecture  romane  ;  les  religieuses  Tachetèrent  en  1660 
au  sieur  Bernard  Lacapère  procureur,  a  singulièrement  pour  y  placer  les  classes 
pour  rinstruction  desd.  filhes  ».  (V.  acte  d'acquisition  des  16  et  19  novembre 
1660,  Dupiiy  notaire,  étude  Lagorce;  jurade  du  7  janvier  1661,  du  20  mars  1679 
etc.  ;  Reg.  de  comptabilité  des  anciennes  Ursulines,  arch.  du  couvent  actuel).  Les 
religieuses  y  pt.ié traient  au  moyen  d'une  galerie  qu'elles  furent  autorisées  à 
établir  à  hauteur  du  1"  étage. 

Les  premières  Ursulines  qui  vinrent  s'établir  à  Condom,  au  mois  d'octobre 
1633,  sortaient  du  couvent  de  Gondrin  ;  c'étaient  les  sœurs  Jeanne  de  Lataste> 
Alaric  d'Israël  et  Jeanne  de  Verduzan,  cette  dernière  novice.  Elles  se  logèrent 
provisoirement  dans  une  maison  qu'elles  louèrent  au  sieur  de  Salles,  mais  s'éta- 
blirent d'une  manière  df'ftnitive  dans  une  maison,  comprenant  tour,  basse-cour 
et  jardin,  qu'elles  achetèrent  à  noble  Charles  de  Laubigeois  le  28  juin  1634  (acte 
d'Auguin,  notaire,  minutes  de  M'  Lagorce)  et  dont  elles  firent  leur  monastère. 
C'est  le  grand  bâtiment  situé  entre  la  rue  de  Sainte-Ursule  et  la  rue  de  la  Par- 
guère  appartenant  aujourd'hui  en  grande  partie  à  M"'  Estévonet. 

Jeanne  de  Lataste  fut  la  première  supérieure  des  Ursulines  de  Condom  ;  elle 
alla  fonder,  en  1644,  le  couvent  de  Marmande  (V.  acte  de  sortie  de  la  sœur 
Lataste,  du  14  novembre  1644,  Auguyn  notaire).  Jeanne  de  Verdusan  fit  profes- 
sion à  Condom  le  13  novembre  1633;  elle  doit  être  considérée  comme  la  fonda- 
trice du  couvent,  auquel  elle  légua  8,000  livres,  «  par  manière  d'establissement 
et  fondation  de  partie  d'icelluy  et  pour  la  norriture  et  entretien  tant  d'elle  que 
des  dames  religieuses  professes  qui  sont  à  présent  et  seront  à  l'advenir  »,  aux 
termes  de  son  testament  retenu  par  Auguyn  le  12  novembre  1633. 

La  plupart  des  documents  concernant  l'ancien  monasttire  des  Ursulines  de 
Condom  se  trouvent  déposés,  nous  l'avons  déjà  dit,  en  l'étude  do  M'  Lagorce, 
notaire. 

(3)  V.  le  registre  de  comptabilité  précité  et  les  délibératrons  municipales  des 
12,  22  et  24  février  1792. 


—  154  — 

prix  de  la  pension  était  de  100  à  120  livres;  celui  de  la  demi- 
pension  était  ûxée  à  50  livres.  Les  religieuses  de  mainte- 
Claire  tenaient  également  un  pensionnat  dans  les  deun 
derniers  siècles;  peut-être  méoae  n'eurenl-elles  jamais  d'ex- 
ternes. 

Il  existait  d'ailleurs  aux  portes  de  Condom  une  autre  mai- 
son d'éducation;  c'était  le  riche  monastère  de  Prouillau,  où 
les  religieuses  Dominicaines  tenaient  un  pensionnat,  dont  la 
réputation  s'étendait  Tort  loin.  Mais  Prouilian  était  un  établis- 
sement privilégié,  où  les  demoiselles  nobles  seules  étaient 
admises  pour  recevoir  une  éducation  conforme  à  leur  rang  (1). 
Cette  éducation  comprenait  o  les  vertus  et  civilités  que 
lesd.  dames  ont  acoustumé  d'aprendre  et  enseigner  aux 
filbes  de  qualité  quy  sont  mises  aud.  monastère  pourcest 
effect(2)». 

Le  prix  de  la  pension  n'était,  paratt-il,  que  de  110  livres»  la 
fin  du  xvn*  siècle;  c'est,  en  effet,  moyennant  celte  somme 
que,  le  28  octobre  1C84  (3),  dame  Marie  Léonor  du  Bouzet 
de  Roquepine,  prieure  perpétuelle  du  monastère,  reçoit  en 
qualité  de  pensionnaire  et  promet  de  a  nourrir,  entretenir  et 
blanchir,  instruire  et  élever  »  demoiselle  Anne  Leconte  de 
Latrene,  fille  de  «  Messire  Jean  Leconte,  seigneur  captai  de 
Latrene  (4),  Goudourville  et  autres  places,  chevalier,  conseil- 
ler du  roi  en  ses  conseils  et  grand  président  en  sa  cour  du 
parlement  de  Guienne.  » 


(1)  Les  religieuses  apparlenaient  elles-mêmes  aux  nK-illeures  familles  du  pays. 
Le  monastère  de  Prouilian,  fondé  en  1291.  par  Manhed'Albrei,  dame  deVianne. 
veuve  d'Arnaud  Ramoudon  de  Uar,  vicomte  de  Tartas  (Aroh.  com.  FF  66), 
fui  la  première  colonie  du  ct'lèbre  comeui  de  Prouille,  que  saint  Dominique 
avait  lui-même  fondé  en  1206  pour  j-  recueillir  et  élever  les  jeunes  ailes  que  la 
naissance  et  la  pauvreté  exposaient  à  tomber  dans  l'hérésie  albigeoise.  Prouille 
fui  le  berceau  de  l'ordre  des  FrÈrcs  Prêcheurs. 

(2)  Voir  Contrat  d'entrée  au  monastôro  de  l'rouillan  de  damoiselle  Diane 
d'Esparbés  du  Fcuga,  du  25  juin  1633;  de  Coq,  notaire  (élude  de  M"  Lebbé). 

<3)  Minutes  de  Laboupiihère,  étude  de  M-  Lobbé. 

(4)  Trène  ou  Traîne,  village  de  la  Gironde.  Le  tiire  de  captai,  de  capitatit, 
chef,  sous  lequel  on  distinguait  aulrelois  les  seigneurs  de  l'Aquiiaiue,  no  demeura 
plus  lard  aUaché  qu'aujt  seules  seigneuries  de  Buch  et  de  Truine. 


Ces  pieuses  maisons  d'éducation  tombèrent  comme  le  col- 
lège de  rOratoire  sous  les  coups  de  la  Révolution. 

Les  Ursulines  «  chargées  de  renseignement  gratuit  »  ayant 
refusé  de  prêter  le  serment  civique,  le  Conseil  général  de  la 
commune  de  Condom  établit,  le  12  février  1792  (1),  une  école 
de  filles  dans  le  local  occupé  précédemment  par  les  religieu- 
ses, et  nomma  pour  la  diriger  à  la  place  de  ces  dernières,  et 
«  après  épreuves  de  lecture  et  d'écritures  »,  mesdemoiselles 
Daunassans  et  Léglise  (2). 

Le  motif  qui  fit  remplacer  les  Ursulines  comme  institutri- 
ces publiques  leur  fil  enlever  leur  pensionnat;  il  en  fut  de 
même  des  religieuses  de  Sainte-Claire.  Sur  leur  refus  de  prê- 
ter serment,  la  municipalité  leur  enjoignit,  à  la  date  du 
24  février  1792,  d'évacuer  leur  pensionnat  «  sur  le  champ 
quant  aux  pensionnaires  de  la  ville,  et  quant  aux  autres  pen- 
sionnaires dans  le  plus  court  délai.  »  Marie  Thore,  supé- 
rieure des  Ursulines,  et  Jeanne  Champêtre,  supérieure  des 
Clarisses,  durent  se  conformer  à  cet  arrêté,  dont  Texécutioû 
fut  assurée  par  des  oflîciers  municipaux  (3). 

Ainsi  disparurent  ces  maisons  d'éducation,quidepuissi  long- 
temps fonctionnaient  à  la  satisfaction  de  tous.  Les  saintes  filles 
qui  les  dirigeaient  furent  chassées  de  leurs  demeures  au  nom 
de  la  loi,  leurs  biens  furent  vendus  au  profit  de  la  nation  (4), 


(1)  Voir  délib.  du  12  février  1792  et  du  17  mars  1793. 

(2)  Ces  institutrices  nommées  au  concours  furent  tenues  d'élever  les  enfants 
«  dans  le  sein  de  la  religion  catholique  »  et  à  cet  effet  de  les  conduire  à  la  messe 
de  paroisse  les  jours  de  dimanche  et  de  fête. 

(3;  V.  dél.  des  12,  22  et  24  février  1792  et  procès-verbal  dudit  jour  24  février. 
r^  nombre  des  pensionnaires  était  de  14  chez  les  Ursulines  d'après  le  procès- 
verbal  d'inventaire  fait  par  la  municipalité,  le  16  juillet  de  cette  année,  en  vertu 
des  Lettres  patentes  et  décret  de  l'Assemblée  nationale  des  14  et  20  avril  précé- 
dents. Aux  termes  de  cet  Inventaire,  la  communauté  se  composait  de  quatorze 
religieuses  de  chœur  et  de  cinq  sœurs  converses.  Deux  d'entre  elles,  les  sœurs 
Marie  Montbus  et  Marie-Anne  Descomps,  étaient  à  la  tête  du  pensionnat;  les 
sœurs  Bernarde  Guérin  et  Marguerite  Bruzac  étaient  les  maîtresses  d'école  des 
externes. 

(4)  V.  aux  Archives  départementales  les  procès- verbaux  de  vente  des  domai- 
nes nationaux.  Le  couvent  et  jardin  de  Sainte-Claire  notamment  fut  vendu  le 


—  156  — 

leurs  couvents  convertis  en  casernes  (1),  et  les  grilles  en- 
voyées aux  forges  pour  fabriquer  des  piques  (2). 

Ces  malheureuses  victimes  de  la  Révolution  se  retirèrent, 
les  unes  dans  leurs  familles,  les  autres  dans  des  maisons 
amies  où  Ton  se  hâta  de  les  accueillir;  mais  elles  continuèrent 
encore  de  faire  tout  le  bien  qu'elles  purent;  ce  fut  là  toute 
leur  vengeance.  Dans  le  courant  de  Tan  III,  nous  voyons  celles 
d'entre  elles  qui  étaient  restées  à  Condom  et  les  «  sœurs  an- 
cienes  de  l'hospice  et  manufacture  (3)  »  employer  toutes  leurs 
ressources  au  soulagement  des  pauvres  et  des  malades;  le 
20  germinal  de  cette  année,  elles  faisaient  parvenir  dans  ce 
but  une  somme  de  500  livres  à  la  municipalité  et  annonçaient 
dans  un  délai  d'un  mois  l'envoi  d'une  pareille  somme, ^qu'elles 
travaillaient  à  procurer  «  par  leurs  économies  (4).  » 

L'exercice  de  la  charité  ne  leur  fit  pas  négliger  l'éducation 
des  petites  filles,  principalement  des  pauvres,  et  dans  te 
tableau  des  maisons  d'instruction  de  la  commune  de  Condom 
dressé  le  4  nivôse  an  X,  pour  être  envoyé  au  Ministre  de 
l'Intérieur  (5),  sur  neuf  institutrices  qui  y  figurent,  nous 
trouvons  «  huit  ex-religieuses  qui  enseignent  les  premiers 
élémens  de  la  lecture  et  de  l'écriture  (6).  » 


7  décembre  1792  pour  18,100  livres  (n*  533)  ;  le  même  joiir  fut  adjugé  le  couTeut 
et  jardin  de  Sainte-Ursule  pour  15,300  livres  (n*  534). 

(1)  Les  monastères  de  Sainte-Claire,  des  Cordeliers,  et  de  Sainte-Ursule  servi- 
rent quelque  temps  de  caserne  au  2'  bataillon  des  volontaires  des  Landes.  (V.  déL 
des  12  novembre  et  5  décembre  1792.)  Le  2*  bataillon  des  Landes  quitta  Condom 
le  l"mars  1793  pour  se  rendre  à  Bayonne.  (V.  délib.  du  9  mars  suivant). 

(2)  V.  dél.  des  14,  19  et  26  septembre  1792. 

(3)  Ces  dernières  avaient  été  remplacées  par  des  infirmières  laïques.  (Délib. 
municipales  des  25,  27,  30  et  31  décembre  1791,  1",  3  et  4  janvier  1792. 

(4)  Voir  aux  Archives  municipales  la  touchante  lettre  du  20  germinal  an  11  F, 
écrite  par  «  une  citoienne,  aussi  amie  de  la  patrie  que  de  l'humanité  ».  Nous  l'avons 
publiée  dans  notre  Inccntalre  des  Archiocs  hospitalières  de  Condom,  page  44. 

(5)  Archives  municipales. 

(6)  Voici  leurs  noms  :  Marie  Bats,  Marie  Dorice,  Angélique  Trenqueléon, 
Anne  Bats  de  THorme,  Louise  Bourrouillan,  Descomps,  Haurrio  de  Laugerie, 
Brusac.  I^  citoyenne  Bnisac,  figure  en  qualité  d'institutrice  dans  une  lettre  de 

8  thermidor  an  VI,  écrite  par  les  officiers  municipaux  aux  instituteurs  de  la 
commune.  La  neuvième  institutrice  était  M"*  Marie  Pellisson,  qui  fit  école  à 
Condom  avec  grand  succès  pendant  environ  50  années. 


—  16T  — 

Deux  d'entre  elles,  mesdames  Descomps  et  Brosac  (1), 
étaient  d'anciennes  ursulines  de  Gondom,  une  troisième,  la 
dame  Haurric  de  Logerie,  nous  parait  être  une  religieuse 
Ursuline  du  couvent  de  Gondrin  (2);  elles  faisaient  école 
séparément.  Les  cinq  autres  étaient  des  Dominicaines  de 
Prouillan  (5)  :  Marie  de  Bats  et  Marie  Dorice  de  Bals  sa  sœur, 
qui  vivaient  ensemble,  moururent  à  Condom,  la  première  le 
1"  juin  1818,  la  seconde  le  28  vendémiaire  an  XIII;  Louise 
de  Gaptan  Bourrouillan  mourut  le  27  vendémiaire  an  XIII; 
Anne  Angélique  de  Bats  de  Trenquelléon  et  sa  sœur  Anne 
Charlotte,  qui  enseignait  avec  elle,  s'étaient  fixées  à  Condom 
dans  une  maison  de  la  rue  Sainte-Eulalie,  où  elles  tenaient 
une  pension  choisie  (4).  Ces  dames,  avec  lesquelles  s'étaient 
retirées  Marie-Françoise  Saint-Julien  de  Bats,  leur  sœur,  une 
de  leurs  anciennes  compagnes  de  Prouillan,  sœur  Rose 
Baretge  de  Saint-Araille,  et  une  sœur  converse  du  méine  cou- 
vent, continuèrent  leurs  fondions  d'institutrices  jusques  vers 
1824  (5),  époque  à  laquelle  les  Filles  de  Marie,  récemment 
établies  par  leur  nièce,  M"*  Adèle  de  Trenquelléon,  vinrent 
fonder  à  Condom  le  couvent  et  pensionnat  de  Piétat. 

Elles  vécurent  longtemps  encore  dans  leur  maison  de  la 


(1)  Marguerite  Brusac  de  Charman,  de  Bergerac  (Dordogue),  mourut  à  Condom 
]e  14  brumaire  an  XIV,  dans  la  maison  de  madame  veuve  Lartigue,  section  de  la 
liberté;  elle  avait  fait  profession  le  29  juillet  1789.  (Acte  du  dit  jour,  Raynaut 
Corne,  notaire;  étude  Lagorce). 

(2)  V.  La  Persécution  contre  le  Clergé  du  département  du  Gers,  par  Tabbé 
Lamazouade,  p.  506. 

(3)  V.  acte  de  prise  de  possession  dn  prieuré  de  Prouillan  le  6  juillet  1789  par 
dame  Thérèse  d'Anterroches  (Escalup  notaire,  minutes  de  M*  Lagorce).  V.  éga- 
lement le  Tableau  des  maisons  religieuses  du  district  de  Condom  dressé  au  mois 
de  mai  1792  (Arch.  départ.);  d'après  ce  tableau  les  Clarisses  étaient  au  nombre 
de  12  religieuses  de  chœur  et  4  sœurs  converses;  les  Ursulines,  de  14  religieuses 
de  chœur  et  5  converses. 

(4)  La  première,  Anne  Angélique,  nous  parait  avoir  habité  Condom  pendant 
toute  la  période  révolutionnaire  ;  la  seconde,  qui  n'avait  été  que  novice  à  Prouil- 
lan, s'y  trouvait  en  l'an  IX;  il  est  probable  qu'elle  n'avait  pas  quitté  sa  sœur. 

(5)  En  cette  même  année  (1824)  fut  fondé  le  monastère  actuel  de  Sainte-Ursule 
par  une  ancienne  Ursuline  du  couvent  du  Chemin-Droit  d'Auch,  Jeanne- 
Thérèse  ChaiUan,  qui  faisait  école  et  tenait  un  pensionnat  depuis  1808  dans  notre 
viUe,  où  elle  s'était  retirée  avec  d'autres  religieuses  de  différents  ordres. 


—  158  — 

rue  Sainte- Eulalie,  où  elles  firent  pour  ainsi  dire  revivre  l*aQ- 
cien  monastère  de  Prouîllan  (1).  Elles  y  èdiflèrent  la  ville  par 
la  pratique  de  toutes  les  vertus,  et  dans  bien  des  cœurs  vit 
encore  le  souvenir  de  leur  piété,  de  leur  charité,  de  leur  rare 
distinction  et  du  charnue  attrayant  de  leur  conversation  et  de 
leurs  nianières.  Anne  Angélique  mourut  le  30  juin  1844  et 
Anne  Charlotte,  connue  sous  le  nom  de  M"'  Delorme,le  7  mars 
1855  (2);  leur  sœur,  Marie-Françoise  Saint-Julien,  était  morte 
le  11  février  1834;  Rose  Baretge  de,  Saint- Arailhe  mourut  le 
16  février  1859. 

D'autres  anciennes  religieuses  firent  école  à  Condom  au 
commencement  du  siècle;  nous  citerons  une  hospitalière  de 
la  Manufacture,  sœur  Marie-Anne  de  Melet,  et  une  Clarisse, 
sœur  Madeleine  Côme  de  Saint-Aignes,  de  la  Bastide  d'Ar- 
magnac, qui  furent,  comme  les  précédentes,  un  sujet  d'édifica- 
tion pour  notre  ville,  où  elles  moururent,  la  première  le  2  août 
1811,  la  seconde  le  20  février  1829  (3). 

Citons  encore  une  ursuline  de  Gondrin,  Jeanne-Marie 
Couture,  grand'tante  du  directeur  de  la  Revue  de  Gascogne. 
Cette  dernière,  après  avoir  enseigné  un  certain  temps  (4),  se 
trouvant  malade,  se  retira  dans  sa  famille,  au  Bourdilot,  com- 
mune de  Mouchan,  et  bientôt  après  alla  se  fixer  auprès  de  son 
ancien  couvent,  à  Gondrin,  où  elle  mourut  le  17  juin  1823. 


(1)  Elles  y  suivaient  autant  que  possible  la  règle  de  leur  ordre,  dont  elles  réci- 
taient quotidiennement  le  grand  office.  Cette  maison  des  dames  de  Trenquelléon, 
achetée  en  Tan  IX  (4*  jour  complémentaire,  minutes  d'Escalup,  étude  Lagoroe), 
avait  appartenu  à  M"*  de  Blois,  cousine  de  M"'  de  Pompadour;  elle  porte  aujour- 
d'hui le  n*  13  de  la  rue  des  Ecoles  et  appartient  à  M.  Dubarry,  ancien  capitaine 
de  vaisseau. 

(2)  Elles  furent  euseveUes  dans  la  robe  blanche  des  filles  de  saint  Dominique  : 
depuis  la  Révolution  elles  avaient  adopté,  ainsi  que  leurs  compagnes,  un  costume 
uniforme  et  sévère,  qui  dénotait  leur  origine  monastique. 

(3)  La  sœur  Melet  faisait  école  à  la  maison  Cussac,  aujourd'hui  maison  Lannes, 
rue  de  THôtel-de- Ville,  n*  12,  où  elle  habitait  avec  ses  anciennes  compagnes  de 
l'hôpital,  les  sœurs  Ferrel  et  Persil;  la  sœur  Madeleine  de  Saint-Aignes,  dans 
une  maison  voisine  de  la  cathédrale. 

(4)  La  sœur  (bouture  fit  d'abord  école  à  l'ancienne  maison  Lahire.  aujourd'hui 
café  Lamarque,  sur  le  derrière,  me  de  l'H6tel-de- Ville,  n'  2,  et  puis  dans  une 
maison  du  quartier  de  Darlet. 


—  169  — 

EnQD,  lorsque,  en  1808,  une  ancienne  ursuline  du  cou- 
vent du  Ghemin-Droil  d'Auch,  Jeanne-Thérèse  Chaillan,  vint 
ouvrir  dans  les  bâtiments  du  séminaire  une  école  pour  les 
jeunes  filles  avec  un  pensionnat  et  fonder  le  monastère  actuel 
de  Sainte- Ursule,  Jeanne  Larrieu,  Clarisse  de  Gondom,  qui 
s'était  retirée  à  Vic-Fezensac  depuis  la  Révolution,  fut  une  des 
sept  religieuses  qui  prêtèrent  leur  concours  à  la  fondatrice. 

Voilà  ce  que  nous  apprennent  la  tradition  et  les  docu- 
ments écrits  sur  les  services  rendus  pendant  et  après  la  Révo- 
lution par  nos  religieuses  expulsées.  Nous  avons  voulu  le 
consigner  ici  à  la  louange  de  ces  sentes  ûlles  et  pour  payer 
de  notre  mieux  à  leur  mémoire  la  dette  de  la  reconnaissance 
publique.  Leurs  services  et  leurs  vertus  leur  ont  d'ailleurs 
mérité  la  seule  récompense  qu^elles  ambitionnaient,  et  sans 
doute  elles  secondent  toujours,  par  leur  intercession  auprès 
de  Dieu,  les  pieux  efforts  de  celles  qui,  marchant  sur  leurs 
traces  et  sMnspirant  de  leur  dévouement,  sont  venues  recueil- 
lir leur  héritage  et  distribuer  à  nos  enfants  les  bienfaits  d'une 
éducation  chrétienne. 

J.  GARDÈRE. 


SUR  LES  PAYS  DE  BOURJAG  ET  DE  SERRIÈRE 

EN  COMMINQES 


De  même  que  les  autres  comtés  ou  diocèses,  le  Comminges  était 
divisé  au  moyen  âge  en  petites  régions  ayant  chacune  un  nom  parti- 
culier. Parmi  ces  subdivisions,  la  vallée  d'Aure,  le  val  d'Aran,  le  pays 
de  Rivière,  etc.  sont  bien  connus  (1)  ;  mais  il  n'en  est  pas  de  même 
des  pays  de  Bourjac  et  de  Serrière.  Ces  deux  dénominations  n'appa- 
raissent que  bien  rarement  dans  les  pièces  historiques,  et  nous  ne 
voyons  pas  que  les  auteurs  locaux  aient  essayé  jusqu'ici  de  les  expli- 
quer. Pour  combler  un  peu  cette  lacune,  nous  allons  grouper  dans  cet 
article  les  documents  que  nous  avons  découverts  sur  les  territoires  de 
Bourjac  et  de  Serrière,  et,  si  nous  ne  pouvons  parvenir  à  tracer  les 
limites  précises  de  ces  deux  régions,  nous  indiquerons  pourtant  quel- 
ques-unes des  localités  qui  en  faisaient  partie. 


I 

Le  nom  de  Bourjac  n'est  pas  totalement  effacé  de  notre  nomencla- 
ture géographique;  toutefois  il  est  probable  que,  si  on  l'emploie  encore 
aujourd'hui^  on  a  oublié  quelle  en  a  été  l'acception  primitive.  Dans 
quelques  cartes  et  autres  documents  modernes  le  lieu  de  Polastron, 
canton  du  Fousseret,  est  appelé  Polastron- Bourjac  (2).  Or,  d'où  peut 
provenir  cette  dénomination  complexe?  Elle  n'a  pas,  d'après  nous, 

(1)  On  voit  que  nous  entendons  par  Comminges,  non  seulement  le  comté, 
mais  aussi  le  diocèse  de  ce  nom.  Ce  n'est,  eu  effet,  qu'à  cette  dernière  ciroona- 
cripUon  qu'appartenait,  par  exemple,  une  portion  des  Quatre- Vallées  et  du 
Nébouzan,  bien  distincts,  comme  l'on  sait,  du  domaine  particulier  des  comtes 
de  Comminges. 

(2)  Voyez  les  cartes  de  Cassini,  soit  celle  de  la  France,  soit  celles  des  diocèses 
du  l^nguedoc.  En  1743  de  Sirgan,  vicomte  de  Couserans,  était  seigneur  de 
Polastron-Bourjac  et  d'Auban,  et  en  1789  le  curé  de  Polastron-Bourgeac  as- 
sista aux  Etats  du  Comminges  réunis  à  Muret  {Les  Etats  du  Nébouian,  par 
M.  Couget,  15,  79).  Les  éditeurs  du  pouillé  du  diocèse  de  Lombez  n'ont  pas 
compris  cette  dénomination  de  Bourjac  et  ont  cru  qu'elle  désignait  une  annexe 
de  Polastron;  comme  le  montrent  les  mentions  précédentes  et  mieux  eucoie  les 
renseignements  que  nous  allons  bientôt  donner,  il  faut  rétablir  ainsi  le  texte  du 
document  :  Polastron' Bourjac  et  ses  annexes  d'Adellhac  et  d'Auban  (Notice 
hUtor,  sur  l'arrond,  de  Lombez,  par  Dardenne,  31;  Reçue  de  Gasc,  v,  558). 


—  lei  — 

d'autre  origine  que  Tancien  usage  de  distinguer  les  localités  homony- 
mes en  associant  à  leurs  noms  ceux  de  leurs  pays  respectifs.  On  a  dit 
ainsi  Martres-Tolosanes  et  Martres-de-Rivière,  Seysses-Savès  et  Seys- 
ses-Tolosanes,  Montesquieu-Vol vestre  etMontesquieu-Lauraguais,etc. 
C'est  d'après  le  même  procédé  qu'ont  été  désignés  les  lieux  de  Polos- 
iron-Gimoia  et  de  Polastron-Bour/ac,  les  deux  épithètes  répondant 
exactement  aux  deux  pays  où  ces  villages  sont  situés  (1).  Il  est  vrai 
que,  comme  on  l'a  fait  pour  TIsle-en-Dodon,  l'Isle-Jourdain,  Montes- 
quieu-de  rislô,  Gensac  d'Aurignac,  etc.,  on  a  aussi  employé  parfois 
dans  le  même  but  des  noms  de  personnes  et  de  villes,  et  que  rien  jus- 
qu'ici ne  prouve  au  lecteur  que  nous  ne  sommes  pas  en  présence  d'un 
cas  de  ce  genre;  mais  nous  montrerons  un  peu  plus  loin,  au  moyen  de 
textes  formels,  que  ce  vocable  de  Bourjac  avait  bien  en  réalité  la  signi- 
fication de  territoire. 

Cet  exemple  n'fest  pas  du  reste  le  seul  que  nous  ayons  à  citer.  Le 
pouillé  du  diocèse  de  Lombez  mentionne  la  paroisse  de  Monlégut,  à 
laquelle  il  attribue  une  annexe  du  nom  de  Bourjac  ou  Barrau.  Mais 
ce  document  n*est  pas  exact  sur  ce  dernier  point  (2).  D'abord  Montégut, 
aujourd'hui  dans  le  canton  du  Fousseret,  n'avait  pas  en  ces  derniers 
siècles  plusieurs  églises;  et  ensuite  l'emploi  de  Bourjac,  qui  vient  d'être 
signalé  pour  Polastron,  suffit  pour  nous  révéler  que  la  première  de  ces 
dénominations  ne  doit  pas  être  séparée  de  Montégut,  et  qu'elle  n'est 
qu'une  épithète  distinctive,  adoptée  d'après  la  même  méthode.  Celte 
correction  ne  peut  d'ailleurs  soulever  de  difficulté  lorsque  l'on  voit  déjà 
le  même  pouillé  errer  manifestement  en  détachant  du  nom  principal  les 
annexes  imaginaires  de  Bourjac  et  de  Savès,  bien  qu'il  s'agisse  sans 
aucun  doute  possible  de  Polastron-Bourjac  et  de  Mauvesin-Savès.  Il 
est  donc  certain  que  Montégut  a  été  appelé  anciennement  Montégut- 
Bourfac  ou  Montégut-Barrau,  et  cela  dans  le  but  de  le  distinguer  de 
ses  homonymes,  et,  par  exemple,  de  Montégut-Savès,  actuellement 
dans  le  canton  de  Lombez.  Le  nom  de  Bourjac,  ainsi  joint  à  celui  de 
Monlégut,  est  fort  rare,  et  nous  ne  le  retrouvons  ni  dans  les  livres  his- 


(1)  Polastron-Gimois,  oant.  de  Samatan,  est  ainsi  nommé  dans  Cassini  et  dans 
plusieurs  livres  de  géographie.  Ce  lieu  n'appartenait  pas,  comme  on  a  cru,  à  la 
vicomte  de  Gimois  (Bladé,  Coût,  munie,  du  Gers^  67),  mais  plutôt  à  la  judicature 
de  Verdun,  ainsi  que  le  montrent  les  dénombrements  de  Catel  et  de  Monlezun, 
et  les  cartes  de  Delisle,  Jaillot,  etc.  ;  c'est  sa  position  dans  le  bassin  de  la  Gimone 
qui  lui  a  valu  son  surnom. 

(2)  Dardenne,  32.  —  Il  faut  dire  toutefois  que  la  Reoue  de  Gaac,  v,  558,  se 
rapproche  un  peu  plus  de  la  vérité  en  n'indiquant  qu'une  seule  églike  sous  les 
noms  de  Montégut,  Bourjac  ou  Barrau, 


—  162  — 

toriques  ni  dans  les  cartes  (1).  Il  est  probable  qu'il  est  d'une  date 
ancienne,  et  en  ces  derniers  temps  on  lui  subtituait  celui  de  Barrau 
ou  celui  de  Séglan,  empruntés  aux  seigneurs  du  lieu  (2). 

Arrivons  maintenant  aux  documents  dans  lesquels  Bourjac  apparaît 
clairement  avec  le  sens  de  division  territoriale. 

En  remontant  Tordre  des  temps,  le  premier  est  une  liste  des  béné- 
fices du  diocèse  de  Comminges,  dressée  en  1775,  et  publiée  dans  VHis- 
ioire  des  populations  pyrénéennes  de  M.  Castillon  (3).  Cette  sorte  de 
pouillé  énumérant  les  archidiaconés  de  ce  pays  indique  parmi  eux  ceux 
de  Rivière,  de  Bourjac  et  d'Aran.  On  voit  par  là  que  Ton  désignait 
autrefois  sous  le  nom  de  Bourjac  une  des  circonscriptions  religieuses 
relevant  de  Tévèché  de  Comminges.  A  la  vérité  cette  liste  ne  nous  dit 
pas  espressément  de  quel  côté  s'étendait  ce  territoire;  néanmoins,  si 
Ton  tient  compte  des  positions  qu'occupent  les  autres  archidiaconés 
précités,  et  aussi  ceux  du  Nébouzan,  de  Saint-Gaudens  et  de  Barousse, 
qui  figurent  dans  d'autres  sources  (4),  on  sera  porté  à  admettre  que 
celui.de  Bourjac  devait  être  situé  au  nord  de  la  Garonne,  et  plutôt  vers 
l'est  que  vers  l'ouest. 

N'ayant  pas  consulté  les  archives  encore  conservées  pour  le  Com- 
minges, nous  ignorons  les  autres  renseignements  que  ces  dépôts  doi- 
vent contenir  sans  doute  sur  le  même  sujet,  et  nous  devons  passer  sans 
transition  à  ceux  que  nous  fournissent  quelques  chartes  déjà  imprimées 
des  xn«  et  xi®  s.  ;  mais  du  moins  on  va  voir  que  ces  derniers  documents 
peuvent  à  eux  seuls  appuyer  suffisamment  notre  démonstration. 

(1)  Nous  rayons  vainement  cherché  dans  les  listes  des  lieux  du  Comminges 
rapportées  par  Catel,  Expilly,  Monlezun,  etc.,  ainsi  que  dans  les  cartes  de  Dehsle, 
de  Jaillot,  de  Cassini  et  de  TEtat-major.  Tous  ces  documents  ne  citent  que  Mon- 
tégut  sans  épithète. 

(2)  Pour  ce  qui  est  du  premier  de  ces  noms,  déjà  cité  par  le  pouillé,  on  cons- 
tate que  les  Barrau  étaient,  en  effet,  seigneurs  de  Moutégut  au  xvni*  siècle 
(Nobil.  Toul.  par  Brémond),  et  qu'en  1789  les  Etats  du  Comminges  élurent  pour 
député  de  ce  pays  le  baron  de  Montagu  Barrau  (Couget,  les  Etats  du  Nébou- 
tan,  83).  —  Quant  au  surnom  de  Ségla  ou  Séglan,  que  Ton  retrouve  sur  la 
carte  du  Dépôt  des  fortifications,  de  1878,  et  dans  la  liste  des  communes  de  la 
Géog.  de  la  Haute-Garonne,  par  Joanne,  nous  soupçonnons  qu'il  provenait  de 
la  famille  Ségla,  laqueUe  l'aurait  pris  au  lieu  de  Séglan,  cant.  d'Aurignac;  cepen- 
dant nous  n'avons  aucune  donnée  certaine  à  ce  sujet. 

Ajoutons  ici  que  Montégut  faisant  partie  de  la  chàtellenie  d'Aurignac  a  reçu 
aussi  parfois  le  nom  de  Montégut-d'Aurignac  (Hist.  de  la  Gasc,  ii,  453). 

(3;  Tome  ii,  452. 

(4)  L'archidiaconé  du  Nébouzan  est  nommé  en  1245  dans  le  Gallia  Christ. 
(i,  1114),  ouvrage  qui  mentionne  aussi  dans  ses  corrcclions  de  la  un  du  vol.» 
col.  XI,  un  archidiacre  d'Aure  en  1366.  —  Dans  son  histoire  de  L'Isle^en-Dodon, 
p.  XXVI,  M.  Tabbé  Magre  nous  fait  connaître  en  outre  les  archidiaconés  de  8aint- 
Gaudens  et  de  la  Barousse. 


—  163  — 

On  sait  que  les  comtes  de  Comminges  formèrent  anciennement  plu- 
sieurs branches  qui  eurent  chacune  en  apanage  une  certaine  portion  du 
pays,  et  dont  plusieurs  jouirent  concurremment  de  la  dignité  comtale. 
C*est  ainsi  que  Ton  voit  vivre  en  même  temps  plusieurs  comtes  de 
Comminges  et  aussi  les  seigneurs  de  Savès,  de  Sainte- Foy  (1),  et  plus 
tard  ceux  de  Serrière,  appartenant  tous  à  la  môme  famille.  Aux  xi®  et 
xii**  siècles,  il  paraît  même  que  le  titre  de  comte  pouvait  être  attaché  en 
particulier  à  des  portions  de  territoire  formant  le  domaine  de  chaque 
branche  (2);  et  c'est  là  ce  que  Ton  constate  entre  autres  pour  le  pays  de 
Bourjac.  Nous  avons,  en  effet,  une  donation,  qui  est  comprise  entre 
1106  et  1123  environ,  et  qui  fut  faite  aux  Hospitaliers  de  Saint-Jean 
par  Fortanier,  comte  de  Bourjac  (cornes  de  Burgiaco),  et  par  Raimond 
GuiUaume  et  Pierre  Raimond  (3).  Or,  d'après  la  conformité  des ^oms 
et  des  époques,  ce  Fortanier  est  évidemment  le  même  que  Fortanier, 
comte  de  Comminges,  qui  figure  dans  d'autres  documents  de  1121  et 
1123.  Nous  ne  savons  pas  découvrir  la  place  exacte  des  localités  qui 
firent  l'objet  de  cette  donation,  mais  le  nom  de  l'évêque  de  Saint-Ber- 
trand, inséré  dans  la  date,  permet  de  dire  qu'elles  étaient  dans  son 
district  ecclésiastique;  de  plus,  les  autres  lieux  cités  dans  la  même 
source,  tels  que  Savères,  canton  de  Rieumes,  Lussan,  cant.  du  Fous- 
seret,  et  Anerac  ou  Mauvezin,  canton  de  l'Isle-en-Dodon  (4),  laissent 
croire  que  les  domaines  de  Fourtanier  étaient  dans  les  environs,  et  cela 
nous  ramène  encere  une  fois  vers  la  partie  du  diocèse  de  Comminges 
comprise  entre  le  septentrion  et  le  levant. 

EnBn  nous  croyons  devoir  reconnaître  le  nom  du  pays  de  Bourjac 
dans  une  charte  encore  plus  ancienne,  relative  à  la  fondation  de  la  col- 
légiale de  Cazeneuve.  Cet  acte  mentionne  un  alleu  inculte  t  qui  est  in 
comitatu  Cominico,  in  terra  quœ  dicitur  Bugiaco,  et  in  loco  qui  dicitur 


(1)  Sur  les  Comminges,  seigneurs  de  Sainte-Foy,  voyez  Reoue  de  Gasc,  xv, 
174,  et  Hist  de  Lang.,  éd,  Friv.  vi,  720. 

(2)  Un  Fortanier,  comte  de  Benque,  qui  possédait  au  commencement  du  xii*  s. 
des  droits  à  Lussan,  cant.  du  Fousseret,  doit  être  confondu  sans  doute  avec  For- 
tanier qui  figure  à  la  même  époque  dans  la  généalogie  des  Comminges  (M.  du 
Bourg,  HUt.  du  g rarid  prieuré  de  TouL,  preuv.  p.  i;  et  HisL  de  Lang.,  iv,  113> 
Nous  voyons  aussi  vers  le  milieu  du  même  siècle  le  comte  Bernard  I V^  indiqué 
spécialement  comme  seigneur  du  Comminges,  du  Savès,  du  Couserans  et  de 
l'Aran,  dominante  in  terra  Conoenarum,  in  Saoes,  in  Conseranis  et  inAranno 
(Du  Bourg,  preuv.  p.  xxxiv). 

(3)  Hist.  du  grand  prieuré  de  TouL  par  M.  du  Bourg,  preuv.  p.  ii.  —  Les 
dates  des  autres  personnages  cités  dans  l'acte  (Géraud,  prieur  de  THôpital, 
1106-23;  B.,  évéque  de  Comminges,  1073-1123;  Roger,  comte  de  Comminges, 
1114)  montrent  assez  qu'il  a  été  rédigé  durant  le  premier  quart  du  xu*  siècle. 

(4)  Du  Bourg,  preuv.  p.  i  et  u. 


—  164  — 

Cazanova  (1).  »  Comme  nous  ne  connaissons  pas  de  territoire  appelé 
Bougiac,  et  comme  la  confusion  de  ce  vocable  avec  celui  dé  Bourjac 
est  des  plus  faciles^  nous  n'hésitons  pas  à  rétablir  dans  le  texte  la  leçon 
Burgiaco.  Non  seulement  notre  rectiôcation  s'harmonise  avec  cette 
expression  de  terra  qui  semble  signifier  ici  un  véritable  district  du 
comté,  tel  que  Tétait  le  Bourjac,  mais  ce  qui  contribue  à  la  justifier,  c'est 
qu'elle  parait  cadrer  également  avec  la  position  du  lieu  de  Cazeneuve, 
lequel  ne  peut  guère  être  placé,  en  effet,  que  dans  le  canton  actuel 
d'Aurignac  ou  dans  la  commune  de  Fabas  qui  en  est  limitrophe  (2). 

De  l'ensemble  des  données  ci-dessus  il  résulte  que  le  Bourjac  a  été 
au  moyen  âge  une  des  subdivisions  du  Gomminges.  Il  s'étendait 
d'abord  dans  une  portion  du  diocèse  où  il  formait  l'archidiaconé  de  son 
nom  ;  cette  région  était  placée  vers  le  Nord-Est  puisqu'elle  renfermait 
entre  autres  le  lieu  de  Cazeneuve,  que  nous  retrouvons  dans  le  canton 
d'Aurignac  ou  du  moins  sur  ses  confins.  Mais,  en  tant  que  division 
civile  ou  féodale,  ce  pays,  tout  comme  le  Comminges  lui-même,  le 
Fezensaguet,  le  comté  de  Foix,  etc.,  franchissait  les  limites  des  diocè- 
ses voisins.  C'est,  en  effet,  dans  le  ressort  ecclésiastique  de  Toulouse 
que  se  trouvaient  les  lieux  de  Polastron  et  de  Montégut^  déjà  mention- 
nés comme  dépendants  de  notre  petite  région.  On  voit  par  là  que  les 
localités  connues  du  Bourjac  sont  toutes  comprises  ou  à  peu  près  dans 
les  cantons  d'Aurignac  et  du  Fousseret.  Malheureusement  c'est  à  ces 
seules  conclusions  que  nous  devons  encore  nous  borner;  la  publication 
de  nouveaux  textes  historiques  pourra  seule  sans  doute  fournir  quel- 
ques autres  précisions  sur  l'étendue  de  ce  district  religieux  et  féo- 
dal (3). 


(1)  Gallia  Christ  i,  1093,  et  preuv.»  176.  L'acte  n'est  daté  que  par  les  règnes 
de  révéque  Pierre  (1003-35)  et  du  comte  Roger.  Ce  dernier  pourrait  être  Roger  I, 
comte  de  Carcassonne  et  en  partie  du  Comminges,  qui  vécut  de  957  à  1012  ; 
mais  nous  estimons  qu'il  s'agit  plutôt  de  Roger  II,  comte  de  Comminges,  cité 
par  des  actes  de  1021,  1026  et  1035. 

(2)  Le  Gallia  n'indique  pas  la  position  de  Cazeneuve,  et  les  arguments  d'après 
lesquels  Castillon  (HisL  des  popul.  pyr,  \,  206)  la  fixe  à  Cazaunous,  cant.  d'As- 
pet,  sont  inadmissibles.  On  peut  proposer  avec  plus  de  vraisemblance  soit  le 
village  de  Cazeneuve,  cant.  d'Aurignac,  soit  une  autre  église  de  ce  nom  que  les 
archives  de  l'abbaye  de  Lézat  mentionnent  plusieurs  fois  aux  environs  de  Fabas, 
cant.  de  l'Isle-eu-Dodon,  et  qui  existait  peut-être  au  lieu  de  Cazeneuve,  marqué 
dans  cette  commune  par  l'Etat-Major.  Confér.  Gallia,  i,  col.  1120. 

(3)  Quoique  plusieurs  autres  noms  terminés  en  ac  paraissent  n'avoir  jamais 
appartenu  qu'à  des  régions  (Magnoac,  Astarac,  Armagnac,  etc.),  celui  de  Bourjac 
n'aurait-il  pas  désigné  à  l'origine  quelque  château  féodal  détruit  et  oublié  dains 
la  suite  f  Ce  qui  autorise  la  question,  c'est  que  nous  trouvons  dans  la  même 
contrée  (commime  de  Saûxt-Marcet,  cant.  de  Saiut-Gaudens)  un  petit  groupe 
d'habitaUous  dont  l'ancien  vocable Borjaget  (Du  Bourg/ preuv.p.  xxxiv) paraît 


—  165  — 


II 

L'acte  le  plus  ancien  qui  cite  le  pays  de  Serrière  est  une  bulle  de 
1195,  par  laquelle  le  pape  confirme  à  la  cathédrale  d'Auch  la  possession 
de  tous  ses  domaines  ecclésiastiques  et  entre  autres  des  églises  de  Saint- 
Ferréol  et  de  Saint-Frajou,  dans  le  pays  de  Serrière  :  «  In  Sarreria 
ecclesiam  {corr,  ecclesias)  sancti  Ferreoli  et  sancti  Frajolfi  (1).  »  On 
sait  que  Saint-Ferréol  et  Saint-Frajou,  aujourd'hui  dans  les  cantons 
de  Boulogne  et  de  TIsle-en-Dodon,  sont  tous  deux  dans  le  Commîn- 
ges,  et  cela  suffit  pour  prouver  que  Ton  entendait  dès  lors  sous  le  nom 
de  Serrière  une  des  divisions  de  cette  contrée. 

Nous  devons  arriver  ensuite  au  xiv®  siècle  pour  voir  reparaître  dans 
les  documents  la  circonscription  qui  nous  occupe.  A  cette  époque  ce 
territoire  appartenait  à  une  branche  cadette  de  la  famille  des  comtes  de 
Comminges,  et  nous  trouvons  mentionnés,  de  1313  à  1342,  Pierre 
Raimond  de  Comminges  et,  de  1342  à  1375,  son  fils  Pierre  Rai- 
iiiond  II,  l'un  et  l'autre  recevant  le  titre  de  seigneur  de  Serrière,  dorai- 
nus  de  Serreria  (2).  Ces  deux  indications,  les  seules  à  peu  près  que 

être  une  forme  diminutive  impliquant  l'existence  d'un  château  ou  village  de 
Boiurjac  plus  important.  S'il  était  reconnu  qu'il  s'agit  bien  en  ce  cas  d'un  lieu  de 
Bourjaguet  ou  petit  Bourjac,  il  faudrait  admettre  seulement  que  les  formes 
modernes  Boargaut  (oart.  Delisle)  ou  mieux  Bourgaget  (carte  de  l'Etat-Major) 
sont  une  altération  du  nom  primitif. 

(1)  Monlezun,  Hlst.  de  la  Gasc.  vi,  412,  et  aussi  ii,  152.  L'existence  de  deux 
églises  distinctes  étant  incontestable,  il  faut  nécessairement  corriger  le  texte 
comme  nous  l'avons  fait  ou  bien  encore  de  la  manière  suivante:  «  ecclesiam 
sancti  Ferreoli  et  (ecclesiam)  sancti  Frajolfl.  » —  Saint-F'rajou,  en  Comminges,  fut 
donné  à  Sainte-Marie  d'Auch  dès  les  x'  ou  xi*  s.  et  constitua  une  maison  gou- 
Tcmée  par  des  abbés  (Hlst.  de  Lang.  Addit.  du  Mège,  m,  60  et  130;  Gallia 
Christ.  I,  1113  etpreuv.  177;  Cartul.  de  Conques,  70;  etc.).  —  D'après  quelques 
liistoriens,*  la  cathédrale  d'Auch  fut  dotée  de  Saint-Ferréol  dès  le  x*  s.  (P. 
Anselme,  Hùst.  généal.  ii,  629;  et  Castiilon,  i,  183);  mais  nous  trouvons  ailleurs 
que  ce  fait  ne  remonte  qu'au  siècle  suivant  (Addit  du  Mège,  m,  61).  On  sait 
que,  de  même  que  celle  de  Saint-Frajou,  l'église  de  Saint-Ferréol  fut  longtemps 
abbatiale  (Ibid.).  Rappelons  encore  que  Saint-Ferréol,  en  Comminges,  apparte- 
nait en  1231  à  l'ordre  de  Saint-Jacques  {Gallia^  i,  preuv.  165,  et  Reoue  de  Gasc, 
XVIII,  353)  et  que  c'est  sans  doute  en  ce  lieu  qu'étaient  conservées  les  reliques 
de  saint  Ferréol  dont  il  est  question  dans  VHist.  do  Lang,,  sous  la  date  1114 
(Ed.  Priv.  m,  626,  et  v,  847). 

(2)  Voyez  P.  Anselme,  Hist.  généalog.,  ii,  633  à  636  ;  et  Hist.  de  Lang.,  éd. 
Priv.,  table,  v"  Pierre  Rainx.  de  Comminges,  et  Serrière,  et  x,  table,  V  Com- 
minges (P.  R.  de).  —  D'après  le  P.  Anselme,  le  premier  de  ces  deux  seigneurs 
aursut  même  été  qualifié  oicomie  de  Serrière;  et  le  Gallia,  i,  1101,  dit  à  son 
tour  qu'en  1338  P.  Raim.,  oicomte,  fixa  avec  l'évèque  de  Comminges  les  limites 
de  Saint-Frajou  ;  mais  les  actes  cités  par  D.  Vaissete  ue  l'indiquent  que  comme 
seigneur  de  Serrière. 

Tome  XXX.  12 


—  166  — 

contiennent  les  ouvrages  imprimés,  ne  sauraient  cependant  nous  four- 
nir rien  de  nouveau  sur  la  situation  et  l'étendue  do  cette  ancienne 
région  féodale.  Aussi  sommes-nous  heureux  qu'un  texte  inédit,  et  qui 
n'est  autre  que  le  testament  de  Pierre  Raimoud  II,  vienne  suppléer  à 
leur  insuffisance  (1).  Dans  cet  acte  (19  octobre  1375)  le  testateur,  qui 
se  qualifie  comte  de  Comminges  et  seigneur  de  Serrière,  ordonne 
qu'après  son  décès  sa  veuve  jouira  de  sa  dot  et  de  son  augment,  et 
qu'elle  aura  en  outre  l'usufruit  de  la  terre  de  Serrière,  du  lieu  de 
Sauveterre  et  des  autres  domaines  qu'ils  ont  acquis  depuis  leur  mariage. 
Mais  il  a  soin  d'observer  en  môme  temps  que  cette  donation  ne  doit  pas 
porter  préjudice  au  legs  qu'il  a  déjà  fait  à  sa  sœur  Eléonore  de  Com* 
minges  du  revenu  de  certains  lieux,  enclavés  dans  la  susdite  terre  de 
Serrière.  Ces  lieux,  qu'il  désigne  par  leur  nom,  sont  ceux  de  Castel- 
gaillard,  d'Agassac,  de  Mauvesin  et  de  Coueilles,  tous  situés  de  nos 
jours  dans  le  canton  de  l'Isle-en-Dodon  (2). 

Grâce  à  ces  précieux  renseignements  il  ne  reste  plus  aucun  doute 
sur  la  place  qui  doit  être  attribuée  à  la  région  de  Sorrière.  Cette  région, 
qui  se  prolongeait  jusqu'à  Salnt-Frajou  et  Saint-Ferréol,  d'après  la 
bulle  de  1195,  correspondait  surtout  au  canton  de  l'Isle-en-Dodon,  et 
devait  confronter,  vers  l'est  et  le  nord,  au  Bourjac  et  au  Savès. 

Sur  la  fin  du  xiv«  siècle  et  le  commencement  du  xv%  il  est  encore 
question  de  Marguerite,  comtesse  de  Comminges  et  dame  de  Ser- 

(1)  Une  copie  de  cet  acte  se  trouve  dans  les  mss.  de  Doat  (vol.  44,  f.  313  et 
suiv  );  mais  il  est  préférable  de  recourir  à  un  autre  texte  qui  fait  parUe  des 
chartes  de  Foi^  et  Comminges,  classées  sous  les  cotes  J.  332-334,  aux  Archives 
nationales.  D.  Vaissette  ne  fait  guère  que  signaler  le  document,  et  les  analyses 
du  P  Anselme  et  du  Cabinet  histor.  m,  catal.  190  sont  des  plus  sommaires. 

(2)  «Item  ultra predicla,  dictus  testator  legavit  et  dari  jussit  dieu»  domuiîC 
Johann»  Dei  gracia,  comitissai  Convenarum,  ejus  consorti.  toUim  illam  suam 
terram  sérreriae  et  locum  de  Salvaterra  et  omnia  alia  bona  et  feuda  Utwlo  cmp- 
tionis  per  ipsum  testatorem  et  dictam  comitissam  acquisila  a  tempore  citra  quod 
dictum  matrimonium  inter  ipsos  contraxerunt  usque  ad  diem  preseutem,  et  hoc 
ad  vitam  ipsius  oomitissae  tantum  et  dum  vitam  duxerit  m  humams  ;  voluit 
tamen  testator  quod  post  decessum  ipsius  comitissae  terra  e\^<^,«*  Pf  ^^.^l^^^l^ 
hseredem  ipsius  dommi  testatoris  infrascriptum  revertautur,  \olmt  et  ordina\it 
dictus  dommus  testator  quod  legatum  factuin  nobili  dominai  Helienordi  de  Con- 
venis  sorori  ipsius  testatoris,  de  fructibus  et  redditibus  de  C  astrogalhardo,  de 
Agasaco,  de  Malo^âcino  et  de  Culhes,  infra  dictam  terram  Serrenac  scituaus, 
minime  eidem  nobili  dominae  Helienordi  impediatur,  sed  m  sua  robons  ttrmi- 
tate  permaneat.  »  Ce  même  acte  fait  encore  plusieurs  fois  mention  du  pays  de 
Serrière  Ainsi  P.  Haim.  ordonne  que  s'il  avait  plusieurs  fils  posthumes,  Je 
second  aurait  la  terre  d'Albigeois  ou  bien  celle  de  Serrière,  mais  à  la  charge 
poiu"  lui  de  les  tenir  de  son  frère  aine  sous  l'hommage  noble  et  sous  le  sermon 
de  fidélité.  Enfin  le  testament  est  reçu  par  P.  Maurm  de  Villeneuve,  qui  se  dit 
notaire  de  Muret  et  de  toute  la  terre  du  comté  de  Comminges  et  de  Semère. 


—  167  — 

rière  (1);  mais  dans  les  siècles  suivants  nous  ne  retrouvons  plus 
aucune  mention  de  ce  pays,  et,  à  cause  du  silence  des  cartes  et  des  his- 
toriens, il  y  a  lieu  de  soupçonner  que  son  nom  est  aujourd'hui  en 
désuétude  (2). 

En  terminant  cet  article  nous  ne  voudrions  pas  laisser  croire  que 
nous  attadions  une  extrême  importance  aux  deux  anciennes  subdivi- 
sions du  Conaminges  dont  nous  venons  de  rappeler  les  souvenirs  his- 
toriques. Mais  il  arrive  parfois  que  le  zèle  du  chercheur  est  moins 
excité  par  la  grandeur  que  par  Tobscurité  d'un  sujet.  Quelques-unes  des 
mentions  du  Bourjac  et  du  pays  de  Serrière,  que  nous  avions  d'abord 
remarquées  isolément,  ont  constitué  pour  nous  des  énigmes,  que  nous 
ne  sommes  parvenu  à  résoudre  qu'après  y  avoir  mis  beaucoup  de 
patience.  Le  lecteur,  qui  pourrait  avoir  l'occasion  d'être  arrêté  par  les 
mêmes  difficultés,  nous  pardonnera  de  lui  avoir  fait  part  de  nos  solu- 
tions, solutions  bien  modestes  sans  doute,  mais  qui  peut-être  auraient 
exigé  de  lui  une  plus  longue  perte  de  temps  qu'elles  ne  méritent. 

Edmond  CABIÉ. 


(1)  P.  Anselme,  ii,  636.  Voyez  aussi  Cabin.  hist,  m,  catal.  191,  192.  — 
D'après  les  annotations  des  Comptes  de  Risclo,  p.  144,  la  baronnie  de  Serrières 
serait  encore  citée  en  1473. 

(2)  Au  dernier  moment  nous  trouvons  dans  Thistoirc  de  VIsle^n-Dodon, 
p.  180  et  209,  que  déjà,  avant  la  féodalité,  la  coUine  de  Saint-Frajou  était  appelée 
Serrières  (de  Serrer  lis)  ;  s'il  en  a  été  ainsi  il  ne  serait  peut-être  pas  impossible  que 
cette  dénomination  ait  été  appliquée  plus  tard,  par  extension,  à  la  région  envi- 
romiante;  toutefois  il  est  à  noter  que  nos  documents  originaux  portent  toujours 
Serrière,  au  singulier,  et  que  ce  n'est  que  dans  deux  traductions  seulement  que 
ce  nom  prend  un  s  final,  en  1333  et  1473. 

Nous  ferons  remarquer  aussi  qu'en  traduisant  par  Serrière  le  nom  du  pays  qui 
nous  occupe,  nous  nous  sommes  conformé  à  l'orthographe  adoptée  par  la  plu- 
part des  historiens.  H  ne  faut  pas  oublier  cependant  qu'eu  Gascogne,  à  l'inverse 
de  ce  qui  a  lieu  dans  d'autres  provinces,  les  noms  latins  terminés  en  aria  ou 
erùa  perdent  habituellement  VI  au  lieu  de  le  transporter  avant  Ve  en  passant 
dans  la  langue  vnlgaire.  Aussi  serait-il  bon  de  retrouver  dans  les  documents 
quelque  ancienne  traduction  locale  pour  savoir  s'il  ne  faudrait  pas  dire  plutôt 
Serrèro  que  Serrière. 


LA  GASCOGNE 

ET   LES   PAYS  LIMITROPHES 

DANS  LA  JLÊGENDE  CAROLINGIENNE 

Suite  (*). 


4.  CiZE.  —  Nul  chroniqueur  ne  s'est  encore  donné  la  peine 
de  consacrer  à  ce  pays  une  notice  suffisante.  Tâchons  de 
combler  cette  lacune. 

Avant  1512,  le  royaume  de  Navarre  se  composait  de  six 
provinces  ou  merindades,  savoir:  Pampelune,  Eslella,  Tude- 
la,  Sangûesa  et  OU  te,  au-delà  des  Pyréoées;  en  ileçà  des 
monts,  la  Basse-Navarre,  appelée  aussi  en  gascon  Navarra  deçà 
Portz,  et  Navarra  ullrapuerlos  dans  les  chartes  de  Pampe- 
lune. Mais  en  1512,  Ferdinand  V,  roi  d'Aragon  de  son  pro- 
pre chef,  et  roi  de  Castille  de  celui  de  sa  femme  Isabelle, 
s'empara,  au  préjudice  de  Jean  d'Albret,  roi  de  Navarre,  des 
cinq  provinces  ou  merindades  espagnoles.  Ferdinand  V  pré- 
tendait faire  ainsi  valoir  les  droits  de  son  autre  femme  décèdëe 
Germaine  de  Foix,  sœur  et  héritière  prétendue  de  Gaston  de 
Foix,  duc  de  Nemours.  Voilà  comment  Jean  d'Albret  et  ses 
héritiers  se  trouvèrent  réduits  au  royaume  de  Basse-Navarre, 
réuni  à  la  couronne  de  France  par  l'avènement  de  Henri  IV. 

La  Basse-Navarre  comprenait  les  districts  suivants  : 
1*  Pays  d'Arberoue;  2"  pays  de  Cize  et  châtellenie  de  Saint- 
Jean-Pied-de-Port;  3"  pays  d'Irissarry,  Armedarrits  el  Lenla- 
bat;  if''  pays  d'Ostabaret;  5°  Vallée  de  Baïgorry;  6'  Vallée 
d'Ossès. 

(*)  Voir  oi-dessus,  liyraison  de  janvieri  p.  5. 


—  169  ^ 

Chacun  de  ces  districts,  et  par  conséquent  le  pays  de  Cize, 
possédait  trois  juridictions  :  1"  Valcalde  mineur  ou  alcalde 
démarché,  statuant  en  première  instance  sur  les  contestations 
entre  les  vilains;  2^  Valcalde  majeur,  jugeant  en  dernier  res- 
sort les  appels  des  sentences  rendues  entre  vilains;  5*  la  Cour 
du  Roi,  composée  d'un  alcalde  et  de  ricos  hômbres.  La  créa- 
tion de  la  chancellerie  de  Navarre  (1524)  fit  disparaître  ces 
juridictions.  Par  édit  de  1620,  cette  chancellerie  fut  unie  au 
Parlement  de  Pau;  mars  la  chose  ne  fut  exécutée  qu'en  1624. 
La  chancellerie  fut  remplacée  par  le  sénécfial  de  Saint-Palais, 
créé  par  édit  de  juin  1621,  supprimé  le  10  décembre  de  la  même 
année,  et  rétabli  définitivement  en  juin  1659.  La  police  de  la 
Basse-Navarre  était  confiée  au  châtelain  de  Sainl-Jean-Pied-de- 
Port,  aux  baillis  de  Mixe  et  d'Ostabaret,  à  r.ilc  ilde  et  au  mer- 
cin  d'Arberoue.  Louis  XIII  confia  le  soin  de  la  police  au  vice- 
sénéchal  de  Navarre,  nouvel  office  dont  le  titulaire  remplissait 
les  fonctions  de  prévôt  de  la  maréchaussée.  Cette  dernière 
compagnie,  supprimée  durant  le  même  règne,  fut  rétablie  en 
1729,  sous  les  noms  de  grand  prévôt,  prévôté  et  maréchaus- 
sée de  Navarre  (1). 

Voici  maintenant  la  toponymie  ancienne  du  pays  de  Cize 
d'après  Raymond  : 

CizE  {le  pays  de). —  Vallis  quœ  dicitur  Cirsia,  vers  980  (charte  du 
chapitre  de  Rayonne).  —  Pors  de  Sixer,  Cisre,  xi"  siècle  (chanson 
de  Roland^  chant  i,  vers  582).  —  Cycereo,  xii"  siècle  (Dicc.  geogr. 
de  Espana).  —  Syzara,  xii®  siècle  (Roger  Hoveden).  —  La  porte 
de  César  y  1154  (Ëdrisi).  On  peut  aussi  traduire  le  texte  arabe  par  la 
porte  de  Oser.  —  CUia,  1186;  Osera,  Cisara,  xii«  siècle;  Ciza, 
commencement  du  xiii®  siècle;  Cizie,  1154  (ch.  du  chap.  de  Bayonne, 
£«•  15,  26,  32,  50).  —  Cisia^  1302  (ch.  du  chap.  de  Bayonne).  —  Les 
pors  de  Cisaire,  xiv«  s.  (Chron.  de  Saint-Denis,  Histor.  de  France, 
V.  p.  301).  —  La  terre  de  Sisie,  1472  (not.  de  la  Bastide- Villefran- 
che,  n*^  2,  f°  21).  —  Cize  se  dit  en  basque  Garaci  (2). 

(1)  Raymond»  Dictionnaire  topographique  des  Basses-Pyrénées,  Introd.  ix. 

(2)  Raymond,  id.,  art.  Cize. 


—  170  — 

La  Cize,  y  compris  la  châtellenie  de  SainWean-Pled-de-Porl, 
englobait  les  paroisses  ou  communautés  suivantes  :  Ahaxe, 
Ainhoue,  Alciette,  Aincille,  Bascassan,  Béhorlèguy,  Bossu- 
narits,  Bustince^  Çabalse,  Çaro^  Gamarlhe,  Garatéguy,  Janils, 
Jaxu,  Iriberry,  Ispourre,  Lacarre,  Madeleine  (La),  Men- 
dive,  Mongélos/  Sarrasquette,  Sorhapuru,  Sainl-Jean-Pied- 
de-Port,  Saint-Jean- le-Vieux,  Saint-Michel,  Uhart,  Urritue, 
Utziat. 

Ledit  pays  formait  un  des  archidiaconès  du  diocèse  de 
Bayonne,  démembré  de  celui  de  Dax  à  une  époque  indéter- 
minée, mais  antérieure  à  980  (1). 

La  Chanson  de  Roland  porte,  au  vers  583  :  Li  rois  serai 
as  meilliirs  porz  de  Sizre.  C'est  bien  par  Cize  qu'il  faut  tra- 
duire en  français;  car  ce  pays  touche  à  Roncevaux.  Quant 
au  mot  porz  y  qui  revient  plusieurs  fois  dans  le  poème, 
Raymond  fait  remarquer  à  bon  droit  qu'il  ne  signifie  pas 
seulement  «  les  passages  des  montagnes  »,  mais  les 
«  montagnes  »  elles-mêmes.  Dans  la  vallée  béarnaise  d'Ossau, 
peu  distante  du  pays  de  Cize,  porz  a  toujours  eu  ce  sens 
durant  le  moyen  âge.  Los  porlz  generaus  de  ta  terre  ctOssan 
sont  mentionnés  dans  le  Car tutairc  d'Ossau,  dit  Livre  rouye, 
au  f^  38,  et  pour  l'année  13S5.  Il  s'agit  bien  ici  des  monta- 
gnes communes  entre  les  diverses  paroisses  ou  municipalités 
composant  cette  vallée.  L'expression  por:2  doit  donc  cire  prise 
avec  la  même  acception  dans  la  Chanson  de  Roland. 

2.  Roncevaux.  —  Je  ne  connais,  sur  cette  localité,  aucune 
notice  historique  vraiment  sérieuse.  Celle  qu'on  vend  au 
couvent  même  de  Roncevaux  ne  compte  pas  (2).  Quanl 


(1)  GalL  Christ,  i,  1308-9. 

(2)  Je  suppose  qu'oti  a  dû  la  tirer  en  grande  partie  des  manuscrîts  de  Don 
Juan  HuARTK,  Roncescalles  y  la  hintorla  de  las  cosa^  mémorables  en  et  sure- 
didaSy  manuscrit  in-folio  de  l'église  de  Honcevaux,  mentionné  par  Mrndisz  4ans 
les  Viajcs  dot  P.  Florez,  p.  192,  et  par  Munoz  y  Uomero,  Diccionario  biblio^ 
grdjîco-histôrico  de  Espana,  art.  Roncescallcs, 


—  171  — 

à  l'article  Rmcesvdks  inséré  dans  le  Diccionario  geogrdfico- 
histôricr)  de  Espana  de  Madoz,  il  n'est  pas  documenté,  et 
laisse  d'ailleurs  à  désirer  sous  d'autres  rapports.  Ici,  je 
suis  donc  forcé  de  tirer  bien  des  choses  de  mon  propre 
fonds. 

• 

L'élymologie  latine  de  Roncevaux,  —  dit  M.  Léon  Gautier,  —  est 
plus  que  douteuse.  A  côté  de  Roscida  vallis  (vallée  humide),  qui  est 
rorigine  la  plus  communément  adoptée,  il  faut  étudier  la  forme  i?an- 
ciœmllis,   qui   est  la  forme  adoptée  par  la  Chronique  de  Turpin. 
M.  Hugo  Meyer,  l'ultra-scandinave,  voit  dans  Ronceval  la  *  vallée 
des  épines  »  dont  il  est  question  dans  la  mythologie  du  Nord.  Mais, 
sans  nous  arrêter  à  ces  derniers  textes,  ni  au  Runcivallis  du  Roland 
en  vers  latins,  ni  môme  au  Rainchevaux  de  la  Chronique  de  Tour- 
iiay,il  faut  remarquer  que,  dans  les  textes  les  plus  autorisés,  on  trouve 
un  «  à  rint^cur  de  ce  mot.  Cet  s  éclate  dans  notre  RencesoaU,  dans 
le  Runtseoal  de  la  Kelser  Karl  Magnus's  Kronike,  dans  le  Runizi- 
val  de  la  Karlamagnus  Saga  (z  =  iz),  dans  le  Roncisoalle  des  poè- 
mes italiens,  le  Roncesvalles  des  romances  espagnoles,  et  jusque  dans 
le  Roncescaux  du  Remaniemcut  de  Paris  et  le  Rainscevaiis  d3  Phi- 
lippe Mouskes,  etc.  etc.  —  Mais  personne,  jusqu'à  ce  jour,  n*a  tenu 
compte  de  l'étymologie  basque,  et  nous  nous  empressons  de  publier  à 
ce  sujet  les  lignes  suivantes  de  notre  ami  M.  P.  Raymond,  archiviste 
des  Basses-Pyrénées.  «  Dans  le  pays  basque  beaucoup  de  noms  de  lieu 
se  terminent  par  çabal,  écrit  aussi  zabal.  il  a  pour  signification  p^a/, 
étendu,  déployé.  C'est  Padjectif  que  Ton  retrouve  dans  Larcecau, 
Zarzabal  (Larre  ou  Lar,  lande  ou  pâturage),  de  Çabaléta,  que  je 
traduirais  village  de  la  plaine,  et  de  Çabala,  qui  a  la  môme  significa- 
tion. Les  exemples  peuvent  être  très  multipliés,  car  le  mot  çabal  se 
place  soit  avant  soit  après  les  noms.  —  Çabal  d'ailleurs,  convient 
parfaitement  à  la  localité  qui  porte  le  nom  de  Roncevaux.  En  effet, 
dès  qu'on  a  descendu  la  montagne  d'ibagnéta,  et  que  la  porte  voûtée 
de  l'abbaye  est  franchie,  on  se  trouve  devant  un  assez  large  vallon.  — 
Quant  au  mot  Ros  qui  forme  la  première  partie  du  nom,  il  est  fréquent 
dans  la  région  sous  la  forme  arros,  parce  qu'il  n'y  a  pas  en  basque  de 
mot  commençant  par  r,  et  que  Ton  dit,  par  exemple,  Erroma  pour 
Roma  (Voy.  Arros,  section  de  Larceveau;  Arros,  canton  de  Nagi; 
Arros,  canton  d'Oloron-ouest).  —  Le  sens  de  ce  dernier  mot  m'est 
inconnu  et  je  le  regrette,  car  j'aurais  eu  à  cœur  de  compléter  cette 


—  179  — 

note  sur  RosçabaL  II  ne  me  reste  plus  qu'à  vous  affirmer  que  toutes 
les  formes  du  moyen  âge,  Roscida-Vallis,  Roncesvalles,  etc.,  sont 
des  noms  forgés;  car,  au  courant  du  xiii®  siècle,  on  disait  Rosçabal 
i^uv  RoncevauXy  tout  comme  Larçabal  pour  Larceveau.  Je  ne  saurais 
trop  insister  sur  ce  point  (1).  » 

Voici  maintenant  quelques  autres  indications  sur  la  topo- 
nymie ancienne  de  Roncevaux  :  Rencewals,  Chanson  de 
Roland,  v.  814,  923,  etc. —  Rossida  Vallis,  1341,  Rôles  gas- 
cons, I,  3.  —  Roncidawallis,  1273,  Archives  historiques  de  la 
Gironde,  v.  312.  —  Ronssesvaus,  vers  1210,  /rf.,  iv,  62.  — 
Roncevaus,  1326,  id.,  xix,  311  (2). 

Le  village  espagnol  de  Roncevaux  se  compose  d'environ 
trente-quatre  maisons.  Population  :  89  habitants,  dont  34 
vccinos  ou  gens  domiciliés.  Le  territoire  de  ce  village  est 
borné  au  nord  par  la  France  et  par  Valcarlos,  qui  appartient 
à  l'Espagne,  au  midi  par  Orbaiceta  (Espagne),  au  sud  et  à 
Touest  par  Burguete  (Espagne). 

Roncevaux,  situé  dans  la  Navarre  espagnole,  dépendait 
jadis  du  district  {merindad)  de  Sanguesa.  Il  est  aujourd'hui 
compris  dans  la  circonscription  judiciaire  d'Aoiz,  audience 
territoriale,  province  et  diocèse  de  Pampelune. 

Jusqu'au  règne  de  Sanche  le  Fort,  roi  de  Navarre  (1194- 
1234),  on  ne  sait  rien  que  des  fables  sur  Roncevaux.  Sanche 
donna  aux  habitants  la  montagne  de  Vidosi  pour  s'y  établir  en 
sûreté.  Voilà  du  moins  ce  qu'il  est  permis  de  conjecturer  avec 
quelque  vraisemblance,  car  l'acte  de  concession  est  en  partie 
détruit,  et  ne  porte  aucune  date.  En  1257,  le  roi  Thibault  I 
concéda  à  l'hospice  ou  monastère  do  Roncevaux  la  pleine 
liberté  de  dcpaissance  sur  la  montagne  pour  mille  porcs  (3). 
L'année  suivante  (1238),  ce  prince  Qt  transporter  de  la  cha- 


(1)  Léon  Gautier,  La  Chanson  de  Roland,  620-21.  Je  laisse  à  Raymond,  i\\n 
a  renseigné  M.  Léon  Gautier,  la  pleine  responsabilité  de  ses  hypothèses. 

(2)  Archices  de  Pampelune,  Cartulaire  ii,  f  122. 

(3)  ïd.,  cart.  ii,  f  122. 


—  173  — 

pelle  de  Tadela  à  l'église  de  Roncevaux  le  corps  de  son  oncle 
Sanche  le  Fort  (1).  Signalons  rapidement  les  privilèges  oc- 
troyés au  monastère,  à  Tliospice  ou  aux  habitants  par 
Henri  III,  roi  d'Angleterre  (4241)  (2),  par  les  rois  de  Navarre 
Thibault  II  (1365-1369)  (3)  et  Philipe  III  (13M)  (4).  N'ou- 
blions pas  non  plus  les  SlatuU  de  Roncevaux  {Rosddevaltis) 
datés  du  6  décembre  1282  (5),  ni  la  confirmation  de  ses 
privilèges  {monasleHi  liospitalis  geno'alis  béate  Marie  de  Ros- 
cideuallibus),  faite  par  le  pape  Sixte  IV,  le  21  février 
14-77  (6).  En  1366,  Roncevaux  comptait  soixante-dix-neuf 
habitants  domiciliés  ou  vecinos  (7).  L'année  1400  est  mar- 
quée par  Tinccndie  du  village  et  de  son  église  (8).  Six  ans 
plus  tard  (1406),  le  roi  Charles  III  cède  au  monastère  le 
patronage  des  églises  de  Villava,  Sorauren,  Sanguessa-la- 
Vieja,  Vidangos  et  Ochavia,  et  en  1415  celui  d'Alzoriz.  En 
14'33,  le  roi  Juan  II  transporte  au  même  couvent  le  patronage 
des  églises  de  Erdozain,  Olaberri  et  Zemberoain  (9).  Plus 
tard  (1467),  la  princesse  Dofia  Léonor,  voulant  manifester  sa 
dévotion  à  la  sainte  Vierge  Marie  et  favoriser  les  pèlerins,  fit 
à  son  tour  diverses  libéralités  audit  monastère  (10).  Un  docu- 
ment sans  date,  et  qui  paraît  être  du  xv*  siècle,  contient  une 
supplique  adressée  au  roi  de  Navarre  par  les  fratres  de  Ron- 
cevaux. Il  y  est  dit  que  le  roi  don  Sanche  V  fît  bâtir  sur  une 
montagne  contiguë  à  la  chapelle  de  Charlemagne  un  hospice 
pour  les  pèlerins  et  les  pauvres  malades.  Cet  étabhssement 
fut  enrichi  par  les  rois  de  Navarre,  qui  lui  accordèrent  de 
nombreux  privilèges.  Le  même  document  porte  que  ledit 

(1)  Archioes  de  Pampelune,  caisson  137,  n'  32. 

(2)  Carte,  Rôles  gascons,  i,  3. 

(3)  Archioes  de  Pampelune,  cart.  ii,  f*  122. 

(4)  Id.,  cart,  n,  f  ?29. 

(5)  DuBARAT,  I^  Conxmanderle  et  l'hôpital  d'Ordiarpt  127-28. 

(6)  Id.,  ibid..  140-48. 

(7)  Archices  de  Pampelune,  Comptes,  libro  de  fuegos. 

(8)  Id.,  caisson  92,  n'  26. 

(9)  Id.,  caiss.  137,  n*  32;  caiss.  160,  n*  20. 

(10)  /rf.,  caiss.  137,  n' 32. 


—  174  — 

hospice  était  desservi  par  des  religieux,  clercs,  frères  et  laï- 
ques, qui  portaient  une  croix  de  velours  vert  sur  la  partie 
gauche  de  leur  vêtement  (1),  etc.  etc. 
Je  crois  devoir  signaler  encore  les  faits  suivants  : 

En  1472,  Gaston  IV,  comte  de  Foix,  meurt  à  Roncevaux. 
Le  4  janvier  i  559,  passe  dans  cette  localité  la  reine  Dona 
Isabel  de  La  Paz,  venant  de  Paris,  sous  la  conduite  du  cardi- 
nal de  Bourbon  et  da  duc  de  Valdona.  Elle  y  est  reçue  par 
Tarchevêque  de  Tolède,  le  duc  del  Infantado,  etc.  De  là  ils 
partent  pour  Guadalajara.  En  1794,  les  troupes  de  la  Répu- 
blique française,  passant  à  Roncevaux,  y  détruisent  un 
monument  élevé  à  une  date  indéterminée,  en  souvenir  de  la 
défaite  de  Tarrière- garde  de  l'armée  de  Charlemagne.  Sous 
Napoléon  l",  le  maréchal  Soult,  avec  35,000  hommes,  force 
le  passage  de  ladite  vallée,  défendu  par  le  général  Bying, 
par  sir  Lov^ry  Cole*  Enfin,  en  1814,  une  partie  de  l'armée 
des  Alliés,  aux  ordres  de  Wellington,  pénètre  d'Espagne  en 
France  par  Roncevaux. 

U  n'est  pas  rare  de  rencontrer  le  nom  de  cette  localité  dans 
les  documents  de  la  période  féodale  relatifs  à  la  Gasco- 
gne. Ainsi  nous  voyons,  en  1273,  Amanieu  de  Pouy  {de 
Podio)  viguier  de  Mimizan  {de  Mimissano),  mentionné  comme 
ayant  donné  la  terre  d'Arbenhac,  dans  la  paroisse  de  Saint- 
Julien  {lerratn  d'Arbenhac,  in  parrochia  Sancii  Juliani)  à 
l'hospice  de  Roncevaux  {HospUali  RoncidewaUis).  Cet  hospice 
tint  ensuite  la  terre  dont  s'agit  du  roi  d'Angleterre  (2).  A 
peu  près  vers  1310,  Gaillarde  de  Saint-Seurin  lègue  entre 
autres  choses  cinquante  livres  à  chacun  des  hôpitaux  de  Bor- 
deaux, ou  qui  se  trouvent  sur  la  roule  jusqu'à  l'hospice  de 
Roncevaux  {Vespiiau  de  fiomsesvam)  (3).  Enfin  le  compte 
des  subsides  levés  pour  le  pape  dans  l'archevêché  de  Bordeaux 

(1)  Archices  de  Pampelune,  caisson  31,  n*  37. 

(2)  Archioes  historiques  de  la  GirondCy  v,  311. 

(3)  Id.,  IV,  62. 


—  175  — 

en  4326  contient,  pour  le  diocèse  de  Condom,  archiprétré 
de  Bmilhois,  la  mention  du  correcteur  ou  précepteur  de  la 
maison  de  Galard,  ordre  de  Ronce  vaux  {ordinis  de  Ronce- 
vaus),  taxé  à  cinquante  sols  (1). 

Roncevaux  possédait  en  outre,  en  deçà  des  Pyrénées,  d'au- 
tres commanderies  avec  hôpitaux  ou  hospices  de  pèlerins,  et 
notamment  :  Bordeaux,  Recaldea,  Açoriz,  Yerralarre,  Or- 
diarp.  Rayonne,  Bonloc,  Bidarray,  Bonconseil,  Toulouse, 
Samatan,  Cazaux,  Alçu  (2). 

La  collégiale  de  Notre-Dame  de  Roncevaux,  placée  sous  la 
protection  immédiate  dd  Saint-Siège,  avait  pour  patron  le  roi 
de  Navarre  ou  ses  ayant-droit,  qui  nommaient  le  prieur.  Ce 
dignitaire  officiait  pontiQcalement,  et  prétendait  à  la  juridic- 
tion ecclésiastique  quasi  nullius.  Il  s'intitulait  aussi  grand 
abbé  de  Cologne,  en  Allemagne.  Les  titres  qui  lui  donnaient 
ce  prétendu  droit,  auraient,  disait-on,  péri  dans  Tincendie  des 
archives  du  couvent.  Au  xvin'  siècle,  le  chapitre  de  Roncevaux 
se  composait  de  six  chanoines,  deux  bas-chanoines  pu  sous- 
chantres,  un  sacristain,'  un  organiste  qui  devait  être  prêtre, 
deux  bedeaux  {bajetes)  et  cinq  enfants  de  chœur.  Le  prieur  et 
les  chanoines  portaient  à  gauche,  sur  le  camail,  une  croix 
de  velours  vert,  en  forme  d'épée,  et  sur  la  soutane  une  mé- 
daille d'or  ou  d'argent,  insignes  du  très  ancien  ordre  de 
Roncevaux,  auquel  ces  ecclésiastiques  appartenaient.  Cet 
ordre  disposait  jadis  de  troupes  chargées  de  la  garde  du 
château  de  Segain,  qui  existait  encore  en  1471.  Aujour- 
d'hui le  chapitre  de  Roncevaux  se  compose  d'environ  douze 
chanoines. 

5.  AsPE  {Vallée  d').  —  Elle  dépendait  de  la  vicomte  de 

(1)  Archioea  historiques  de  la  Gironde,  xix,  311. 

(2)  Arch.  dép.  des  Basses-Pyrénées,  G.  219.  —  Excepté  Toulouse  et  Bor- 
deaux, et  les  deux  localités  de  Samatan  et  de  Cazaux-Savés,  qui  font  aujourd'hui 
partie  du  département  du  Gers,  toutes  les  autres  paraissent  appartenir  aux 
Basses-Pyréuées,  quoique  Açoriz,  Yerralarre,  Bonconseil  et  Alçu  manquent,  au 
moins  sous  ces  formes,  au  Dictionn,  topogr.  de  P.  Raymond. 


—  176  — 

Béarn,  Voici,  d'après  Raymond,  la  toponymie  ancienne  et  la 
composition  de  celte  vallée. 

Aspe.  Aspuy  1077  (charte  de  Tabbaye  de  la  Pena,  d'après  Marca, 
Hist.de  Béarn,  p.  324).  —  Uarcidiagonai  d'Aspa,  1249  (not.  d'Olo- 
ron,  n^  4,  f°  50).  —  Aspea,  1290  (ch.  d'Aspe,  Arch.  dép.  des  Basses- 
Pyrénées,  E.  427).  —  Aspes,  xiii**  siècle,  Chron.  des  Albigeois,  vers 
1765).  —  La  Bag  d'Aspe,  1443  (contrats  de  Caresse,  F  244).  —  La 
vallée  d'Aspe  se  divisait  en  deux  vies  :  le  vie  d*en  haui,  comprenant 
Celte-Evgun,  Borce,  Lescun,  Etsaut  et  Urdos;  le  vie  d'en  bas  : 
Accous,  cheMieu  de  la  vallée,  Bedous,  Osse,  Léès-Athas,  Aydius  et 
Escot. 

L'archidiaconé  d'Aspe  dépendant  de  révôché  d'Oloron,  le  vie  d'Aspe, 
établi  au  xm"^  siècle,  le  baillicige  d'Aspe  établi  en  1385,  eurent  tous  la 
circonscription  indiquée  par  la  nature,  celle  du  canton  d'Acous  (l). 

Raymond  n'en  dit  pas  plus  long.  Voici  quelques  renseigne- 
ments historiques  puisés  ailleurs,  et  dont  le  suivant  a  aussi 
son  intérêt  au  point  de  vue  du  folk-iore  de  la  Gascogne. 

On  trouve,  —  dit  Marca,  —  dans  les  vieux  Liures  Censiers  des 
Communautés  de  cette  Vallée,  que  les  Aspois  estans  entrés  auec  armes 
dans  la  Vallée  de  Lauedan,  qui  est  assise  dans  les  montagnes  du 
Bigorre,  un  Abbé  laïque  d'vn  village  proche  (ki  Monastère  S.  Sauin, 
monta  sur  un  suzeau  (sureau?);  et  ayant  lu  quelques  coniurations 
dans  un  Liure  de  magie,  troubla  le  sens,  et  Tentendcmcnt  des  Aspois, 
en  telle  sorte  qu'ils  furent  mis  hors  de  défense  par  la  force  des  enchan- 
temens,  et  demeurèrent  exposés  à  la  discrétion  de  leurs  ennemis  de 
Lauedan,  qui  en  firent  vue  sanglante  boucherie,  et  les  tuèrent  de  sang 
froid,  sans  se  mettre  en  aucun  deuoir  de  réparer  celte  iniure.  De  sorte 
qu'à  cause  de  leur  obstination  au  mal,  le  Pape  lascha  vn  interdit  sur 
la  terre  de  Lauedan,  qui  fut  suivie  d'vne  telle  malédiction,  comme  si 
le  Ciel  feust  deuenu  d'airain,  poiu*  leiu^  regard,  et  eust  retiré  la  bénignité 
de  ses  influences  ;  l'effet  de  la  vertu  primitiue  et  originaire  départie  à 
la  terre,  aux  plantes,  et  aux  animaux,  de  fructifier  et  de  produire  leur 
semblable,  fut  mise  en  souffrance,  et  comme  en  vne  espèce  d'interdict  : 
de  façon  que  pendant  six  ans  Thumeur  végétante  et  séminale  fut  des- 
séchée en  toute  la  terre,  sans  que  les  herbes,  ni  les  arbres  poussassent 

(1)  Raymond,  Dictionnaire  topographique  des  Basses-Pyrénées,  art.  Aspe* 


—  177  -- 

des  fleurs,  ni  les  brebis,  vaches,  ni  iumens  portassent  de  fmict,  ni  que 
les  femmes  engendrassent.  Ces  effets  respondoient  aux  malédictions 
insérées  dans  l'Anatheme  du  Concile  de  Tours  Canon  2.  où  TEuesque 
fait  des  imprécations  expresses  que  les  criminels  soient  maudits  en  la 
Cité,  et  aux  champs,  et  que  les  finiicts  de  leur  ventre,  et  de  leur  terre 
soient  maudits  ;  et  qu'ils  reçoiuent  les  malédictions  mentionnées  dans 
le  Deuteronome.  Ces  montagnards  estonnés  d'viie  si  rude  et  si  sensible 
punition,  estimèrent  que,  comme  la  terre  d'Attique  auoit  esté  condam- 
née a  vne  stérilité  générale  pendant  trois  ans,  pour  chastier  le  meurtre 
commis  en  la  personne  d'Androgeos,  qui  continua  iusqu'à  ce  que  le 
crime  feust  expié  par  diuers  sacrifices,  chés  Plutarque,  et  les  Auteurs 
Grecs;  ils  estoient  semblablement  obligés  d'apaiser  l'indignation  de 
Dieu,  par  leur  repentance,  et  par  l'indemnité  des  intéressés,  et  procu- 
rant le  relaschement  des  censures  Ecclésiastiques. 

Ceux  de  Lauedan  envoyèrent  deux  preud'hommes  de  leur  terre  en 
Cour  de  Rome,  pour  y  demander  au  Sainct  Père  l'absolution  de  1^1  n- 
terdict,  laquelle  sa  Saincteté  leur  accorda,  sous  certaines  conditions  : 
et  adressa  son  Rescrit  aux  Euesques  de  Lascar,  et  de  Tartes;  Qui 
firent  à  mesme  temps  assembler  dix  hommes  de  la  Vallée  d'Aspe,  et 
autres  dix  de  la  Vallée  de  Lauedan,  auec  pouuoir  suffisant  de  leurs 
Communautés,  leur  ordonnèrent,  et  firent  iurer  vne  paix  et  amitié  per- 
pétuelle entre  les  Vallées  :  sous  peine  contre  l'infracteur  de  la  paix, 
d'encourer  l'anatheme,  et  la  malédiction  de  l'Eglise,  d'estre  poursuiui 
comme  traistre,  et  de  payer  cent  marcs  d'argent  à  l'intéressé,  et  autres 
cent  marcs  d'argent  au  Seigneur  de  la  personne  iatéressôe.  Enioigni- 
rent  aussi  à  ceux  de  Lauedan,  par  voye  de  satisfaction,  et  pénitence 
Ecclésiastique,  d'enuoier  dix  pèlerins  à  Sainct  lacques  de  Galice,  et 
faire  célébrer  en  cette  Eglise  quatre  Messes  d'Euesques,  dix  messes 
d'Abbés  en  habits  Pontificaux,  et  cent  Messes  de  Prestres  et  Religieux; 
et  en  outre  de  payer  annuellement  et  a  perpétuité  la  somme  de  trente 
sols  Morlas,  au  Procureur  de  ceux  d'Aspe,  le  iour  de  S.  Michel,  dans 
l'Eglise  de  S.  Sauin  :  sans  que  ce  payement  peut  estre  prescrit  par 
aucun  laps  de  temps,  sauf  pour  les  arrérages  reclus  de  trente  années 
dernières  :  estant  mesme  loisible  aux  Aspois  d'arrester  en  cas  de  retar- 
dement, ceux  de  Lauedan,  et  les  contraindre  par  corps  au  payement, 
vn  chacun  pour  le  tout,  en  quelle  part  qu'ils  les  trouuent.  Cette  somme 
est  despartie  de  ce  titre  sur  chasque  village,  à  proportion  de  ses  forces, 
et  correspond  au  denier  dix,  à  l'arrende  de  l'amende  coutumier  d'vn 
meurtre,  payable  au  proche,  qui  est  taxée  dans  les  vieux  Fors,  à  trois 
cent  sols  Morlas.  Le  payement  de  ces  trente  sols  Morlas  se  fait  par 


—  178  — 

intervalles,  y  estant  interuenu  divers  Arrests  de  condemnation,  donnés 
au  Parlement  de  Pau,  contre  les  particuliers  de  Lauedan  retenus  pri- 
sonniers en  vertu  de  cet  accord. 

Cette  action  mémorable  n'est  point  consignée  par  aucun  date  dans 
les  vieux  titres,  qui  taisent  aussi  le  nom  du  Pape  et  des  Euesques. 
—  Neantmoins  ie  pense  que  Ton  doit  rapporter  cette  guerre,  et  le 
meurtre  des  Aspois  arrivé  en  suite,  en  Tannée  M.  C.  V.  ainsi  que  i'ay 
apris  du  Chartulaire  de  S.  Sauin.  D'où  Ton  peut  recueillir  le  sujet  de 
cette  guerre.  Car  il  y  est  rapporté,  que  le  Vicomte  de  Lauedan  Forta- 
ner,  auoit  donné  au  Monastère  de  S.  Sauin  le  village  de  Suin,  du 
temps  de  Louis  Comte  de  Bigorre,  c'est-à-dire  environ  Tan  980,  pour 
raison  duquel  y  ayant  eu  procès  entre  TAbbé  Bernard,  et  les  enfans  de 
Dat-Loup  d'Aspe,  en  la  Cour  du  Comte  Centulle,  c'est-à-dire  environ 
Tan  1080,  le  duel  en  ayant  esté  ordonné  entre  les  parties,  ceux  d'Aspe 
furent  vaincus.  Or  il  n'y  a  pas  grand  effort  à  se  persuader,  que  les 
maistres  de  la  maison  d'Aspe  renouuellerent  cette  querelle  quelque 
temps  après,  d'où  s'ensuivit  le  meurtre  de  Aspois,  fait  auec  supercherie. 
Pour  ce  Dat-Loup  d*Aspe,  c'estoit  le  Vicaire,  ou  Viguier  héréditaire 
d'Aspe,  qui  résidoit  dans  la  Vallée,  sous  le  commandement  du  Seigneur 
de  Bearu;  auquel  Vicaire  le  vieux  For  d'Aspe  attribue  deux  deniers 
Morlas  pour  teste  de  chenal,  mulet,  ou  asne,  qui  passent  en  Espagne  (1). 

« 

De  tous  temps,  pour  la  juridiction  ecclésiastique,  comme 
pour  la  juridiction  civile,  la  vallée  d'Aspe  a  dépendu  d'Olo- 
ron.  On  ne  trouve  pas,  en  effet,  qu'il  y  ait  eu  des  vicomtes 
d'Aspe,  comme  il  y  avait  un  vicomte  d'Ossau.  C'est  pourquoi 
nous  voyons,  sous  Centulle  IV  (1060-1088),  vicomte  de 
Bèarn,  la  vallée  d'Aspe  réunie  à  la  vicomte  de  Béarn  en  même 
temps  que  la  vicomte  d'Oloron. 

Ladite  vallée  avait  son  §tatut  ou  for  particulier  confirmé  par 
Gaston  VII,  vicomte  de  Béarn,  en  1274.  Mazure  et  Hatoulet 
en  ont  publié  le  texte  (2).  Ce  for  témoigne,  en  faveur  des 
Aspois,  d'un  grand  esprit  de  liberté,  dont  on  trouve  aussi 
d'autres  preuves  dans  des  documents  postérieurs.  Exemple, 
la  sentence  de  la  Cour  majour  de  Béarn,  en  date  du  18  no- 


(1)  Marca,  Histoire  de  Béarn»  552-58. 

(8)  Mazurb  et  Uatoulbt,  FQr$  de  Béarn,  230-42. 


—  179  — 

verabre  1477,  rendue  entre  le  procureur-général  et  les  gardes- 
forestiers  de  Béarn  contre  les  voisins,  universités  et  lieux  de 
la  val  et  montagnes  d'Aspe.  On  y  lit  : 

• 

Que  le  procureur-général  et  les  gardes-forestiers  prétendoient  que 
les  montagnes  et  herms  d'Aspe  appartenoient  au  souverain  comme 
seigneur  de  la  terre.  Les  Aspois  soutenoient,  au  contraire,  que  la  val 
d'Aspe  fixi  avant  le  seigneur,  et  qu'il  n'avoit  sur  icelle  sinon  ce  qu'il 
lui  fut  donné  par  les  habitants.  En  conséquence  la  Cour  déboute  le 
procureur-général,  etc.,  et  maintient  la  vallée  dans  sa  propriété,  etc. 

C'est  le  même  esprit  de  liberté  qui  a  inspiré  l'article  2  de 
leur  déclaration  générale  : 

liera.  Déclare  ledit  syndic,  qu'anciennement  ladite  vallée  d'Aspe, 
étant  une  république,  se  donna  volontairement  au  seigneur  de  Béarn, 
qui  promit  de  la  maintenir  dans  ses  fors  et  libertés  (1). 

Jean-François  BLÂDÉ. 

{A  suivre.) 

(1)  Mazure  et  Hatoulet,  Fors  de  Béarn,  231,  note  1. 


DES 


PETITS-FILS  DE  BLAISE  DE  MONLUC 


XV  n 

Lettre  de  Charles  de  MonluCy  petit-fils  du  maréchal  (1),  au  roi  de 

France  Henri  III, 


Sire,  suyvant  vos  comandemens  j'ay  esté  parler  au  sieur  de  Lussan, 
gouverneur  de  Blaye  (2),  auquel  j'ay  faict  entendre  la  créance  qu'il 
vous  avoict  pieu  me  donner,  et  m'a  dicl  pour  responce  qu'il  n'a  jamais 
eu  autre  intention  que  d'estre  vostre  très  humble  fidelle  subjet  et  ser- 
viteur; toutesfoys,  qu'ayant  ceste  plac^  en  charge,  où  il  estoict 
enguaigéet  son  honneur  aussy  pour  vostre  service,  il  s'y  est  trouvé  sy 

(•)  Ce  chiffre  et  les  suivants  continuent  ceux  des  Lettres  des  fils  de  Biaise  de 
Monluc,  publiées  dans  notre  numéro  de  février,  p.  83. 

(1)  Charles  de  Monhic,  seigneur  de  Caupène,  était  le  second  fils  de  Pierre- 
Bertrand  de  Monluc.  Il  devint  chevalier  de  Tordre  du  Roi,  capitaine  de  cinquante 
hommes  d'armes  de  ses  ordonnances  et  son  sénécLal  d'Agonais  et  Gascogne.  H 
fit  son  testament  le  3  jamier  1595  et  fut  tué,  le  19  mai  15%,  sous  les  murs  de  la 
ville  d*Ardres  qu'assiégeaient  les  Espagnols,  dans  une  sortie  où  brilla  sa  valeur 
et  où  il  se  montrale  digne  fils  du  capitaine,  son  père,  et  du  maréchal,  son  grand- 
père,  (\'oir  sur  cet  événement  la  Chronologie  noccnnaire  de  Palma  Cayet, 
l'Histoire  du  président  de  Thou,  celle  de  Mézeray,  etc.).  Voir  dans  les  Archices 
historiques  du  département  do  la  Gironde  (tome  xix,  1879,  p.  287)  le  contrat 
passé,  le  17  février  1597,  par  Florimond  de  Raymond,  conseiller  au  parlement 
de  Bordeaux,  premier  éditeur  des  Commentaires,  et  Théodore  de  Hius,  écuyer, 
au  nom  de  haute  et  puissante  dame  douairière  de  Monluc,  avec  deux  maîtres 
magons  pour  la  construction  d'un  tombeau  en  marbre,  que  les  représeutants  de 
la  mère  de  Charles  de  Monluc  s'engagent  à  faire  porter  de  Bordeaux  en  la  viUo 
d'Agen,  au  couvent  des  Cordehers. 

(2)  Jean  Paul  d'Espajbez,  septième  fils  de  Bertrand  d'Esparbez,  seigneur  de 
Lussan,  et  de  Louise  de  Saint-Eélix,  fut  seigneur  de  Lussan,  de  la  Serre,  de  la 
Garde,  de  Saijt-Sa\in,  de  Viiriesse  et  de  Chadenac.  Capitaine  des  gardes  écos- 
saises du  corps  du  roi,  chevalier  de  l'ordre  du  ^aint-Esprit,  il  eut,  outre  le  gou- 
vernement de  Blaye,  le  sénéchalat  d'Agenais  et  de  Condomois.  11  mourut  fort  âgé 
le  18  novembre  1616.  Les  documents  lelatifs  soit  à  J.-P  d'Esparbès,  soit  à  sa 
famille,  abondent  dans  la  Reçue  de  Gascogne,  comme  dans  les  Archices  histo- 
riques du  département  de  la  Gironde. 


—  181  — 

nécessiteux  et  hors  de  moyen  de  la  conserver  qu'il  a  esté  contrainct 
d'entreprendre  ce  qu'il  faict  et  de  fere  payer  le  succide  (1)  qu'il  prend 
aux  baysseaus  quy  passent  au  habre  (2)  de  la  dicte  ville  pour  y  entre- 
tenir les  soldats  et  mortepayes  ;  bien  que  c'a  esté  aprez  avoir  souvent 
donné  ad  vis  à  Vostre  Majesté  et  à  Monsieur  le  Mareschal  de  Matignon 
de  l'importance  d'icelle  et  de  la  nécessité  en  quoy  il  y  estoict,  et  n'y 
ayant  esté  pourveu,  cella  Tauroict  forcé  de  s'en  dispencer,  mais  que  s'il 
plaict  à  Vostre  Majesté  luy  fere  cest  honneur  de  remedyer  à  ses  néces- 
sitez, il  cessera  tout  soudain  ce  qu'il  en  a  comencé,  qu'est  tout  ce  qu'il 
m'a  respondeu.  Au  reste,  Sire,  je  ne  faudray  d'assembler  le  plus  de 
mes  amys  que  je  pourray  tant  de  ma  compagnie  que  d'autres  volontai- 
res et  me  tenir  prest  attendant  vos  comandemens;ores  que  je  ne  pour- 
ray meclre  beaucoup  de  gens  aux  champs  qu'avec  grand  incomodité, 
attendeu  le  long  temps  qu'il  y  a  que  ma  dicte  compagnie  n'a  faict 
monstre,  nonobstant  qu'elle  a  esté  durant  les  guerres  passées  tousjours 
des  premières  en  pied  en  ce  pays  pour  vostre  service,  sy  est-ce  que  je 
feray  tout  ce  que  je  pourray  et  supplieray  très  humblement  Vostre 
Majesté  de  s'en  ressouvenir,  affîn  que  les  gens  d'armes  d'icelle  ayent 
plus  de  moyen  avecques  moy  de  vous  rendre  le  très  humble  et  fidelle 
service  que  nous  vous  debvons  tous. 

Sire,  je  supplie  le  Créateur  augmenter  et  accroître  les  grandeurs  de 
Vostre  Majesté. 

De  Bordeaulx,  ce  xv®  avril  1585. 

Vostre  Ires  humble  et  très  obéissant  subjet  et  serviteur, 

MONLUC  (3). 


XVI 

Lettre  de  Charles  de  Monluc  au  roi  de  France  Henri  III, 

Sire,  il  y  a  desja  ung  moys  que  je  vous  escrivy  de  Bordeaux  la  res- 
ponce  que  le  sieur  de  Lussan,  gouverneur  de  Blaye,  m*avoict  faicte 
sur  la  créance  qu'il  pleust  à  Vostre  Majesté  me  donner  pour  luy  fere 

(1)  Charles  de  Monluc  écrit  succide  pour  subside.  Au  xvi*  siècle,  Vincent 
Carloix  se  sert  de  la  forme  suscide. 

(2)  On  a  reconnu  l'ancienne  prononciation  gasconne  :  bayaseaua  pour  oais- 
seauxy  habre  pour  haore. 

(3)  BibUotbèque  Nationale,  fonds  français,  n*  15,569,  f*  92.  Original. 

Tome  XXX.  13 


—  182  — 

entendre;  et  despuys  m'en  estant  venu  en  ces  quartiers  de  Guascogne, 
i'ay  faict  toute  la  diligence  que  j'ay  peu  à  rechercher  des  hommes  pour 
rendre  ma  compagnye  en  estât  et  digne  de  vous  fere  service,  sy  bien 
que  rheur  m'a  esté  si  favorable  que  j'ay  trouvé  ung  bon  nombre  d*ho- 
nestes  hommes,  et  plus  qu'il  ne  m'en  fault  pour  la  rendre  complecte, 
tous  disposez  et  en  boime  volonté  de  rendre  à  Vostre  Majesté  le  très 
humble  et  fidelle  service  que  nous  vous  debvons  tous,  et  les  entretiens 
en  ceste  bonne  oppynion,  attendent  ce  qu'il  vous  plairra,  Sire,  que  je 
face,  soyt  d'aller  devers  Vostre  Majesté,  ou  demeurer  par  deçà  pour 
m'employer  aux  occasions  qu'elle  me  commandera;  ores  qu'on  m'a 
escript  de  delà  qu'il  vous  avoict  pieu  me  faire  cest  honneur  de  me 
mander  vostre  intention,  laquelle  toutesfoys  je  n'ay  poinct  entendue,  ne 
moings  receue  aucune  despeche  de  Vostre  Majesté  ne  d'autre  quy  en 
fist  nulle  mention,  sy  est-ce  que  je  me  tiens  prest  avec  tous  mes  amys 
pour  obeyr  à  tous  les  commandemens  qu'il  vous  plairra  me  fere.  Bien 
est  vray  que  ceulx  de  ma  dicte  compagnye  n'ayant  poinct  faict  il  y  a 
fort  long  temps  monstre  desireroyent  qu'il  pleut  à  Vostre  dicte  Majesté 
de  s  en  ressouvenir  et  mander  à  Monsieur  le  Mareschal  de  Matignon 
qu'il  leur  en  fist  faire  affin  qu'ilz  ayent  plus  de  moyen  avec  moy  de 
vous  temogner  le  zelle  et  cincerité  que  nous  avons  et  debvons  à  vostre 
très  humble  service,  car  sans  ung  peu  d'ayde  à  tout  le  moings  d'une 
•monstre  il  me  seroict  malaisé  d'admenner  hors  de  ce  pays  une  belle 
trouppe  telle  que  je  pence  avoir  pour  vostre  dict  service,  et  avec  ceste 
étemelle  dévotion. 

Sire,  je  supplie  le  Créateur  augmenter  et  accroistre  les  grandeurs  de 
Vostre  Majesté. 

D'Estillac,  ce  14  jour  de  may  1585. 

Vostre  très  humble  et  très  obéissant  subjet  et  serviteur, 

MONLUC  (1). 

XVII 
Lettre  de  Charles  de  Monluc  au  roi  de  France  Henri  III, 

Sire,  Il  y  a  environ  cinq  semaines  que  je  receus  une  lettre  de  Vostre 
Majesté  par  laquelle  vous  pleust  me  donner  assurance  d'employer  en 
bref  ma  compagnie  de  gens  d'armes  après  avoir  faict  montre,  tellement 

(1)  Bibliothèque  nationale»  fonds  français,  n*  15,569,  f*  250. 


—  183  — 

que   soubz  ceste   sperance  ung  bon  nombre  de  gentilshommes  que 
j^avois  enrollés  pour  le  service  de  Vostre  Majesté  ont  demeuré  en  leurs 
maisons;  toutesfois  ne  pouvant  effectuer  ce  que  leur  avois  promis,  ilz 
s'ennuyent  d'une  si  longue  attante,  d'autant  qu'ilz  ont  veu  les  autres 
oompaignies  tant  vieilles  que  nouvelles  avoir  faict  monstre,  estant  la 
miene  des  plus  antienes,  ce  que  les  faict  entrer  en  opinion  que  Vostre 
Majesté  n'en  faict  poinct  d'estat,  qu'il  ne  peult  eslre  que  fort  desadvan- 
lageus  pour  moy,  m'arrivant  ce  malheur  de  n'estre  employé  avec  mes 
amis  pour  votre  service,  chose  que  je  désire  d'aussi  bon  cueur  comme 
je  suplie  très  humblement  Vostre  Majesté  vouloir  croire  que  nul  sera 
honoré  de  vos  commandementz  qui  ait  meilheure  volonté  d'y  obéir  que 
moy  qui  ne  pourrois  qu'avec  regret  insupportable  demeurer  à  ma  mai- 
son (1)  lorsque  les  autres  seront  employés,  mais  sur  Tesperance  que 
j'ay  de  recevoir  ceste  faveur  de  Vostre  Majesté  je  tascheray  à  conserver 
les  homes  que  j'avois  disposés  pour  vostre  service,  bien  qu'il  me  sera 
malaisé,  si  la  dilation  en  est  longue,  estant  recherchés  de  plusieurs;  et 
attandant  quelque  resolution  de  vostre  volonté,  prieray  Dieu  qu'il  luy 
plaise, 

Sire,  vous  conserver  en  toute  prospérité  et  santé. 

D'Estillac,  ce  xi  juillet  1585. 

Vostre  très  humble  et  très  oubeissant  subgect  et  serviteur, 

MONLUC  (2). 


XVIII 
Lettre  de  Charles  de  MonluCy  sénéchal  d'Agenais,  à  Henri  IV. 

Sire, 

L'honneur  qu'il  a  pieu  à  Vostre  Majesté  me  fere  par  vos  lettres  que 
le  sieur  de  Gignan  (3)  m'a  rendues  et  les  propos  qu'il  m'a  tenus  de 
vostre  part  m'avoyent  faict  préparer  de  vous  aller  trouver  pour  vous 
rendre  preuve  de  Textresme  désir  que  j'ay  tousjours  eu  de  vous  fere  très 
humble  service.  Je  reçoys  beaucoup  de  desplaisir  qu'il  m'ayt  esté 

(1)  C'est-à-dire  à  Estillac,  où  Charles  de  Monluc  avait  remplacé  son  grand- 
père.  Nous  retrouverons  Charles  de  Monluc  à  Estillac  en  1594. 

(2)  Bibliothèque  nationale,  fonds  français,  n*  15,570,  f*  117.  Original. 

(3)  On  ne  trouve  pas  ce  nom  (peut-être  mal  lu)  dans  la  TabU  générale  des 
matières  du  Recueil  des  Lettres  missiœs  de  Henri  /V« 


—  184  — 

impossible  pour  les  justes  ocasions  que  le  sieur  de  Monbrun  (1),  pré- 
sent porteur  que  j'envoie  exprés  vers  Vostre  Majesté,  vous  dira.  Je  la 
supplie  très  humblement  m'honnorer  tant  que  de  Touyr  et  do  le  croii-e, 
et  vous  assurer,  Sire,  qu'au  despens  de  ma  vye  et  de  mon  honneur  je 
ne  manqueray  point  aux  choses  qu'il  vous  assurera  de  ma  part  et 
d'obeyr  aux  commandemans  de  Vostre  Majesté;  atandant  lesquels  et 
que  j'aye  ceste  faveur  de  les  aller  reœvoyr,  je  suplie  très  Immblement 
Vostre  Majesté  s'assurer  qu'il  n'y  a  gentilhomme  en  ce  Royaulme  qui 
désire  vous  rendre  plus  d'effaictz  de  sa  fidellité  et  très  humble  obéis- 
sance que  moy,  qui  pour  sûreté  de  ce  oblige  ma  foy,  à  laquelle  je  ne 
contreviendray  jamais  (2),  comme  je  me  promectz  que  Monsieur  le 
Mareschal  de  Matignon  me  fera  ce  bien  d'en  assurer  Vostre  Majesté, 
suivant  ce  que  je  l'en  ay  suplié  (3).  Cepandanl  je  m'esforceray  de  tout 
mon  pouvoyr  à  m'oposer  avec  mes  amys  à  tout  ce  qui  se  passera  de 

(1)  Ce  sieur  de  Monbrun  serait-il  le  même  que  Je  personnage  du  même  nom 
dont  il  est  parlé  dans  la  Chronique  d'Isaac  de  Pérès,  à  l'annôc  1593,  comme 
d'un  chef  de  ligueurs  qui  gagna  Esclarmonde  de  Burs,  ancienne  nourrice  du 
capitaine  Laporte,  et  obtint  de  cette  nouvelle  Tarpeia  que  le  château  de  Nêrac 
lui  serait  livré?  Isaac  de  Pérès  ajoute  que,  le  complot  ayant  été  découvert,  la 
malheureuse  Esclarmonde  eut  la  tête  tranchée  et  que  ses  quatre  membres  furent 
exposés  sur  la  place  de  Nérac,  le  13  avril  1593.  Aucun  personnage  du  nom  de 
Monbrun  ne  figure  dans  les  neuf  volumes  des  Lettres  misslces  de  Henri  IV, 
'  (2)  Charles  de  Monluc  tint  sa  parole,  et  quelques  mois  plus  tard,  il  rendait  à 
Henri  iV  le  grand  service  de  réduire  la  ville  d'Agcn  sous  l'obéissance  du  nou- 
veau roi  de  France.  Voir  à  ce  sujet  deux  lettres  de  Henri  IV,  une  à  M.  de  Les- 
telle,  du  26  juin  1594  (tome  iv  du  Recueil,  p.  183),  l'autre  à  M.  de  Boissonade, 
premier  consul  d'Agen,  du  même  jour  (tome  vin,  p.  523),  Dans  les  notes  qui 
accompagnent  les  deux  documents,  on  a  donné  à  Charles  de  Monluc  le  prénom 
de  Biaise, 

(3)  Le  maréchal  de  Matignon,  le  13  novembre  1590,  avait  écrit  h  Henri  IV,  au 
sujet  de  Charles  de  Monluc  (Archioes  historiques,  tome  vu,  p.  215)  :  «  Il  est  en 
mauvais  mesnage  avec  ceulx  d'Agen,  qui  ont  gecté  hors  ung  homme  qu'il  avoit 
laissé  dans  la  tour  de  la  porte  du  Pin,  rompu  tous  les  forts  de  la  dicte  ville,  qui 
me  faict  croire  qu'il  n'aura  plus  telle  créance  et  autorité  dans  icelle  qu'il  en  a  eu 
ordinaire,  et  qu'il  n'ozera  se  mettre  entre  les  mains  de  ce  peuple-là,  qui  est  de 
tout  temps,  comme  Vostre  Majesté  sçait,  assez  prompt  à  entreprendre.  »  A  c<»té 
de  cette  tirade  contre  Monluc  ligueur,  je  tiens  à  reproduire  un  fragment  inédit 
d'une  lettre  du  môme  maréchal  à  Henri  IV  (malheureusement  non  datée)  en 
faveur  de  Monluc  repentant  :  «  Sire,  le  sieur  de  Monluc  m'a  mandé  qu'il  est 
tout  résolu  de  se  remettre  au  service  de  Vostre  Majesté  en  luy  laissant  la  senes- 
chaussée  d'Agenois  et  Condomois  et  la  ville  de  Castillon  pour  luy  servir  de 
rcttraite  du  costé  de  delà  la  rivière,  n'y  en  ayant  autre  où  il  se  peusi  retirer.  Il 
m'assure  fort  de  servir  fidellement  Vostre  Majesté,  à  laquelle  plaira  commander 
que  ses  depesches  et  provisions  me  soient  envoyées.  Il  me  doibt  venir  trouver 
devant  que  je  les  luy  délivre.  Je  le  doibs  aussy  aller  installer  en  sa  charge  à 
Condom  et  au  Port-Sainte-Marie.  Je  supplie  très  humblement  Vostre  Majesté 
qu'il  luy  plaise  me  permettre  pour  si  peu  de  temps  qu'il  luy  plaira  de  l'aller 
trouver  pour  luy  faire  entendre  au  vray  Testât  des  aiSaires  de  deçà,  où  j'espère  si 
bien  pourveoir  que  pendant  mon  voyage  il  n'y  arrivera  aulcun  inconvénient  à 


—  185  — 

deçà  conlre  te  bien  de  vostre  service  avec  aullant  d'affection  que  je 
suplie  Dieu^ 

Sire,  vous  conserver  avec  toute  félicité  et  accroissement  de  vostre 
estât  en  parfaicte  santé,  très  longue  et  très  hureuse  vye. 

D'Estillac,  ce  v  febvrier  1594. 

Vostre  très  humble,  très  obéissant  subjet  et  serviteur, 

MONLUC  (1). 


XIX 

Lettre  de  Charles  de  Monluc  à  «  Monsieur  Daffis^  conseiller  du 
Roy  en  son  conseil  d*  Estât  et  son  premier  président  au  parlement 
de  Bourdeaulx  »  (2). 

Monsieur, 

Suivant  les  nouvelles  occasions  qui  arrivent,  je  suis  contrainct  vous 
escripre  et  vous  importuner.  Maintenant  il  y  a  une  telle  rumeur  popu- 
laire par  prinse  d*armes  en  es  paiz  d'Agenoiz  que  j'y  prevoy  ung  grand 
raalleur  qui  nous  menasse  d'une  perte  irréparable  sy  de  bonne  heure 
on  n'y  donne  les  remèdes  convenables.  Voilà  pourquoy,  Monsieur,  je 
vous  faicz  ceste-cy  affin  qu'il  y  soict  apporté  quelque  remède  pour  l'in- 
termission  que  la  cour  de  Parlement  y  peult  faire  attandant  la  veneue 
de  monsieur  le  mareschal  de  Matignon.  Pour  moy  je  n'y  voy  poinct 
aucung  remède  s'il  n'y  est  pourveu  par  la  force,  car  ilz  ne  font  nul 
estât  des  edictz  du  Roy  ny  des  arrestz  de  la  Cour,  tant  leur  licence  est 
effrénée,  et  sy  je  metz  des  genz  en  pied,  cela  ne  peust  estre  qu'avec  la 
ruyne  du  paiz,  n'ayant  de  quoy  les  entretenir,  et  cela  leur  servira  de 
prétexte  pour  les  faire  mutiner  touz.  Le  sieur  Delpeuch,  procureur  du 


rostre  service,  faissant  estât  de  laisser  le  sieur  de  Poyanne  et  mon  fils  pour  res- 
ter. »  (Bibliothèque  nationale,  ancienne  collection  des  Missions  étrangères, 
volume  302,  non  paginé  à  Tépoque  déjà  lointaine  où  je  l'ai  dépouillé.  Sur  la  sou- 
mission de  Charles  de  Monluc,  voir  Falma  Cayet,  Chronologie  nooonnaire,  sous 
Tannée  159'i). 

(1)  Bibliothèque  nationale,  fonds  français,  n'  24,066.  Original,  comme  le  docu- 
ment ci\/S  dans  la  not«  précédente. 

(2)  Sur  le  premier  président  Guillaume  Dafifls  voir,  outre  de  nombreux  docu- 
ments dans  les  Archiccs  historiques  de  la  Gironde  (tomes  ii,  iv,  vi,  viii,  xin, 
XIV,  XV,  XIX,  etc.),  rexcelleute  notice  de  M.  A.  Communay  {Le  Parlement  de 
Bordeaux,  1886,  p.  45-53).  Daffls  envoya  la  présente  lettre  au  roi  Henri  IV 
{Archices  historiques,  tome  xiv,  p.  316). 


—  186  — 

roy  au  siège  d'Agen  vouz  faira  entandre  et  vous  discourra  particulière- 
ment d'ung  affaire  important  au  paiz  et  à  la  conservation  de  ceste  ville, 
lequel  je  vous  suppliray  très  humblement,  Monsieur,  vouloir  escouter 
et  y  apporter  ce  qui  sera  de  vostre  pouvoir  à  ce  que  leur  requeste  leur 
soit  accordée.  Honorez-moy  tousjours,  je  vous  supplie,  de  vos  bonnes 
grâces  et  servez-vous  franchement.  Monsieur,  de  vostre  bien  humble 
serviteur, 

MONLUC. 

D'Agen,  ce  seguound  de  julliet  1594  (1). 


XX 

Lettre  de  Charles  de  MonluCy  sénéchal  d'Agenais,  à  M,  de  Gour- 
gueSy  maître- d'hôtel  ordinaire  du  Roi^  et  président  du  Bureau 
des  finances  en  Guienne  (2). 

Monsieur,  Il  y  a  déjà  quelques  jours  que  je  n'ay  peu  vous  escripre 
parce  que  le  service  du  Roy  m*avoit  appelle  vers  c^s  peys  de  Comenge 
aveques  la  prière  que  m'a  faite  toute  la  noblesse  de  ces  quartyez  de  les 
aller  assister  à  mettre  soubz  Tobeyssance  de  S.  M.  les  villes  de  Sainct 
Bertrand,  Sainct  Gaudens,  Sainct  Beat  et  Montrejau,  lieux  fort  irapor- 
tans  à  son  service  pour  estre  près  la  frontyere  d'Espagnie  et  lesquelz  le 
Marquis  de  Vilars  (3)  avoit  promis  mettre  en  main  aulx  Espagnolz 
par  les  mennées  qu'en  fait  Monpezat  (4).  Mais  m'estant  mis  en  campa- 
gne aveques  ung  bon  nombre  de  gens  et  force  noblesse,  nous  alames 
droict  audit  Sainct  Gaudens  que  nous  primes  d'abord,  sauf  la  cytadellc 
où  les  gens  de  guerre  qui  estoyent  environ  de  cent  aveques  quinse  ou 


(1)  Bibliothèque  nationale,  fonds  français  n*  24.066.  Copie. 

(2)  Ogier  de  Gourgues,  seigneur  de  Monlezun,  vicomte  de  JuiUac,  baron  de 
Vayres,  clait  le  fils  aîné  de  Jean  de  Gourgues,  seigneur  de  Gaube  et  Monlezun, 
et  d'[sabeau  Dutau.  Il  était  né  à  Mont-de-Marsan  comme  son  illustre  frère 
Dominique  de  Gourgues,  l'intrépide  vengeur  des  Français  assassinés  à  la  Floride 
par  les  Espagnols.  G.  de  Lurbe  dit  dans  la  Chronique  Bourdeloiso,  à  l'année 
1594  :  «  Augier  de  Gourgues  conseiller  du  Roy  en  son  conseil  d'Estat,  Maistrc 
»  ordinaire  de  son  hostel,  et  Président  des  Trésoriers  de  France  en  la  généralité 
»  de  Guyenne,  au  Bureau  estably  à  Bourdeaux,  après  avoir  fldcUement  servy 
»  cinq  Koys,  plein  d'ans  et  d'honneur,  decede  audit  Bourdeaux  en  sa  maison 
»  le  20  d'octobre  audit  an,  n'ayant  laissé  de  sa  qualité  son  pai*eil  en  Guyenne.  » 
Voirie  curieux  Testament  d'Ogier  de  Gourgues  (du  1"  janvier  1594)  iJublié  par 
M.  l'abbé  J.  Pailhôs  dans  le  tome  xxiv  des  Archices  historiques  (p.  46-58). 

(3)  Emmanuel,  marquis  de  Vilars,  sur  lequel  on  trouvera  une  longue  note 
dans  les  Vieux  papiers  du  chdteau  de  Cauiac  (Agen,  1882,  p.  3-4). 

(4)  Henri  de  Savoie,  seigneur  de  Montpezat,  frère  cadet  d'Emmanuel. 


—  187  — 

vingt  gentilzhommes  c'estoyent  retyrez  cuydans  y  faire  resistanoe, 
mais  nous  les  joignismes  de  sy  près  aveques  ung  canon,  une  coulevrine 
de  baterie  et  deulx  moyennes,  qu'après  avoir  lyre  cent  ou  six  vingtz 
coups  nous  les  contraignismes  se  randre  à  nous  et  je  leur  donnai  les 
champs  avecques  ung  bâton  blanc.  Cest  heureuz  commancement  donna 
tel  esfroy  à  tout  le  reste  des  villes  qui  tennoyent  pour  la  Ligue  que  le 
lendemain  après  la  prinse  de  ceste  cyladelle,  ceulx  de  Monrejau  vind- 
rent  me  trouver  pour  prester  entre  noz  mains  le  serement  de  fidélité  et 
obeyssanc^  au  Roy.  Sainct-Beat  en  feyrent  le  semblable.  M.  de  Lussan 
qui  commande  dans  Sainct-Bertrand  m'envoya  prier  par  force  gentilz- 
hommes ses  amys  de  le  vouloir  recevoir  comme  serviteur  du  Roy,  me 
remetant  d'hors  et  déjà  la  ville  de  Sainct  Bertrand  entre  mes  mains 
pour  la  tenir  soubz  l'obeyssance  de  S.  M.;  ce  que  je  luy  accordé  soubz 
le  bon  plaisir  de  M.  le  Mareschal  de  Matignon.  De  toutes  ces  villes 
réduites  je  me  délibéré  d'en  faire  despesche  au  Roy  pour  luy  represan- 
ler  la  charge  que  j'ay  prinse  du  peys  pour  assurer  S.  M.  de  leur  fidé- 
lité et  obeyssance;  et  voyant  que  je  n'a  vois  rien- plus  à  faire  vers  ces 
quartiers,  je  prins  la  route  pour  m'en  revenir.  Et  ayant  prins  mon  chemin 
vers  d'Aux,  ceulx  de  la  ville  craignant  que  je  leur  voulsisse  faire  faire 
le  degast  se  rezolurent  soudein  de  cryer  vive  le  Roy,  ce  qu'ilz  ont  fait 
aveque  les  aultres  cerymonyes  requises  et  me  vindrent  trouver  pour 
me  randre  certain  de  leurs  bonnes  intentions  (1).  Ce  bon  succez  me 
poussoit  d'aller  plus  avant  jusques  à  Grenade  pour  en  faire  deslonger 
le  marquis  de  Vilars  et  la  remetre  en  l'obeyssance  du  Roy  (2).  Mais  je 
me  trouvai  manque  de  gens  ayant  déjà  presque  tout  commencé  à  pren- 
dre son  chemin.  Si  j'eusse  heu  moyens  pour  les  rettenir,  sans  failhir  je 
vennois  à  bout  de  ce  dessaing,  mais  je  suis  si  desnué  de  moyens  que 
je  ne  scay  de  quel  cousté  m*en  prendre.  Je  ne  puis  entrer  en  ses  assem- 
blées qu'il  ne  me  cx)uste  gros  et  vous  scavez  le  peu  de  commoditez 
qu'on  m'a  baillié.  Je  me  pleins  librement  à  vous  et  vous  descouvre 
toutes  mes  nécessitez,  m'assurant  tant  de  l'honneur  de  vostre  amytié 
que  si  Toccazion  s'offre  à  propos  d'en  faire  quelque  récit  à  S.  M.  que 
vous  en  aurez  le  soing;  aussi  vous  scavez  le  pouvoir  que  vous  avez 
sur  moy.  Je  me  délibère  maintennant  que  je  suis  de  retour  de  ce  voyage 
de  faire  melre  les  armes  bas  à  ses  croquans,  et  sy  la  voye  de  la  douceur 

(1)  Les  annalistes  gascons  n'ont  rien  dit,  ce  me  semble,  de  la  manifestation 
ici  racontée.  Du  reste,  je  n*ai  pas  besoin  de  le  faire  remarquer,  toute  cette  lettre 
est  une  bien  importante  page  d'histoire  régionale. 

(2)  Voir  sur  le  marquis  de  Villars  et  son  frère  à  Grenade  la  lettre  déjà  citée 
du  président  Daffis  à  Henri  IV,  du  8  juillet  1594  (Archioes  historiques  de  la 
Gironde,  t.  xiv,  p.  316). 


—  188  — 

nô  les  y  peult  esmouvoir  j'y  employeray  à  bon  esciant  la  force  et  irray 
partout  à  main  armée  où  je  sauray  qu'ilz  seront  pour  les  tailher  en 
pièces,  à  quoy  je  trouve  toute  la  noblesse  fort  dispozée.  Je  ne  tarderay 
gueres  à  mètre  la  main  à  l'œuvre,  Dieu  aidant,  et  dans  peu  de  jours 
j'espère  vous  en  mander  des  nouvelles.  Cependent  je  vous  supplierai, 
Monsieur,  me  vouloir  donner  advis  si  mon  dit  sieur  le  Mareschal  arri- 
vera encores  à  Bourdeaux,  affin  qu'à  mesme  temps  ou  quelques  jours 
avant  son  arrivée  je  m'y  puisse  randre.  Veuillez  moy  conserver  tous- 
jours  en  voz  bonnes  grâces  et  faites  assuré  estât  de  mon  service  comme 
de  celluy  qui  est  éternellement, 

Monsieur,  vostre  bien  humble  à  vous  faire  service^ 

MONLUC. 

D'Estilhac,  ce  xix  juilhet  [1594]  (1). 

ph.  tamizey  de  LARROQUE. 

(A  suivre.) 


BIBLIOGRAPHIE  HISTORIQUE. 


I 

Catalogue  des  travaux  personnels,  dossiers  généalogiques,  autographes, 
pièces  diverses  et  Bibuothèque  de  M"'  la  comtesse  Marie  de  Raymond, 
légués  en  majeure  partie  aux  Archives  départementales  de  Lot  et-Garonne, 
où  ils  forment  le  fonds  de  Raymond;  par  G.  Tholin,  archiviste  départe- 
mental. Agen,  impr.  V  Lamy,  1889. 1  vol.  gr.  in-8*  de  xxxix-316  pp. 

Un  catalogue  n'est  souvent  qu'une  nomenclature  offrant  tout  au 
plus  un  intérêt  commercial  ;  mais  souvent  aussi  c'est  un  répertoire 
vraiment  instructif,  un  secours  précieux  pour  les  travailleurs.  Je  ne 
songe  pas  ici  à  Tattrait  de  curiosité  qui  fait  lire  des  titres  de  livi-es  avec 
un  insatiable  appétit  par  les  bibliophiles,  je  ne  parle  que  de  Futilité 
sérieuse.  A  ce  titre,  peu  d'inventaires  méritent  autant  que  celui-ci  l'at- 
tention des  personnes  vouées  aux  recherches  historiques,  généalogi- 
ques et  féodales,  surtout  dans  les  pays  de  Guyenne  et  de  Gascogne. 

(1)  Bibliothèque  nationale,  fonds  français,  n*  24,066.  Original. 


—  189  — 

Les  indications  neuves  qui  abondent  dans  ce  volume  sont  déjà  bon- 
nes à  noter  ;  de  plus,  comme  presque  tout  le  trésor  de  M°*®  la  comtesse 
de  Raymond  pourra  être  bientôt  abordé  par  tout  le  monde,  moyennant 
le  voyage  d'Agen,  voyage  déjà  traditionnel  parmi  nous,  c'est  de  nos 
propres  richesses  que  nous  commençons  à  y  prendre  possession. 

Le  portrait  de  la  noble  donatrice  est  placé  en  tête  du  livre;  figure 
vraiment  parlante,  dont  un  embonpoint  marqué  ne  détruit  ni  la  distinc- 
tion, ni  la  grâce,  ni  la  finesse.  Suit  un  extrait  de  son  testament.  Parmi 
ses  richesses  littéraires,  quelques-unes  sont  léguées  à  M.  Pierre  Secon- 
dât de  Montesquieu,  son  neveu;  le  reste  va  aux  Archives  départemen- 
tales de  Lot-et-Garonne^  mais  grevé  d'un  usufruit  au  profit  de  l'héri- 
tière générale,  M"«  Gavini,  sœur  de  M^^  de  Raymond.  Encore,  par 
suite  d'une  généreuse  renonciation  à  cet  usufruit,  livres  et  manuscrits 
doivent-ils  bientôt,  s'ils  n'y  sont  déjà,  pi'endre  place  dans  le  local  qui 
leur  est  destiné  aux  Archives  d'Agen. 

M.  G.  Tholin  a  mis  à  la  suite  du  testament  les  deux  principales  notices 
consacrées,  dans  la  presse  provinciale,  à  la  mémoire  de  M"*«  de  Ray- 
mond. La  première  est  connue  de  nos  lecteurs,  qui  n'ont  pas  oublié  les 
charmantes  cx)nfidences  de  M.  Taraizey  de  Larroque,  au  sujet  d'une 
amitié  et  d'une  collaboration  de  vingt-cinq  années  (1).  La  seconde, 
signée  de  MM.  Ad.  Magen  et  G.  Tholin,  et  publiée  dans  la  Bévue  dj 
VAgenais,  complète  utilement  la  précédente  par  des  indications  plus 
précises  sur  la  méthode,  les  travaux  et  les  collections  de  la  très  regret- 
tée chanoinesse.  Je  ne  puis  me  défendre  d'en  citer,  pour  mettre  en  goût 
mes  lecteurs,  deux  ou  trois  courts  passages,  d'abord  sur  la  «  travail- 
leuse »,  puis  sur  la  «  causeuse.  » 

«...  Une  sincérité  parfaite  donne  un  grand  prix  à  ses  travaux  per- 
sonnels. Il  ne  lui  semblait  pas  moral  que  l'histoire  des  familles  se 
résumât  en  des  panégyriques.  «  Ilfaut  tout  dire,  faisait-elle.  D'ailleurs 
»  le  temps  amnistie.  Une  condamnation  frappant  au  xvi«  siècle  n'at- 
»  teint  pas  une  famille  vivant  au  xix®.  Puis,  où  s'arrêter  dans  la  voie 
»  des  réticences?  Je  sais  des  familles  qui  voudraient  dissimuler  des 
»  ancêtres  protestants  ou  des  alliances  bourgeoises...  C'est  à  peu  près 
»  comme  si  on  souhaitait  qu'un  homme  au  soleil  n'eût  pas  d'ombre. 
»  Faites  avec  cala  des  portraits  ressemblants  I  » 

»...  Un  grand  nombre  de  travaux  préparés  par  M™®  de  Raymond 
méritent  d'être  publiés.  Non  seulement  elle  n'a  pas  voulu  les  faire 
imprimer  de  son  vivant,  mais  une  clause  de  son  testament  porte  l'in- 

(1)  Rcoue  de  GascognOy  t.  xxvn,  p.  245. 


—  190  — 

terdiction  formelle  d'une  publication  intégrale  à  quelque  époque  que  ce 
soit.  Ces  généalogies  ne  pourront,  en  conséquence,  être  utilisées  que 
par  extraits  et  comme  source  de  renseignements. 

»...  On  se  plaint,  non  sans  raison,  qu'il  n'y  ait  plus  de  salons  en 
France.  Grâce  à  M"*®  de  Raymond,  Agen  en  a  possédé  un,  où  tout  hon- 
nête homme  était  admis,  où  Ton  se  sentait  comme  chez  soi  et  dans  un 
milieu  bien  français.  Réunis  par  l'attrait  d'une  causerie  facile,  sous  l'œil 
bienveillant  d'une  maîtresse  de  maison  à  l'esprit  et  au  cœur  très 
ouverts,  qui  mettait  la  saine  liberté  de  notre  vieux  langage  bien  au- 
dessus  de  la  pruderie  gourmée  et  jugeait  que  la  politesse  ne  va  pas 
sans  simplicité,  des  hommes  d'opinions  très  diverses  s'y  sont  coudoyés 
pendant  plus  d'un  quart  de  siècle,  discutant  sur  la  politique,  sur  la 
littérature  et  sur  l'art  avec  une  constante  égalité  de  ton,  une  aisance, 
une  courtoisie  parfaites.  Un  tel  résultat,  toujours  rare.  Test  surtout 
dans  des  temps  troublés  comme  le  nôtre  ;  il  tient  presque  du  merveil- 
leux. C'est  la  finesse,  la  bonté,  le  sens  droit  de  M°*®  de  Raymond  qui 
ont  fait  ce  miracle.  » 

Le  Catalogue  est  naturellement  divisé  en  deux  parties  :  Généalogies 
et  dossiers  généalogiques,  —  Bibliothèque,  La  première  a  511  numé- 
ros; la  série  continue  dans  la  seconde,  jusqu'au  n°  2339.  Je  signa- 
lerai dans  celle-ci,  comme  les  groupes  les  plus  riches  et  les  plus  inté- 
ressants, ceux  qui  ont  pour  titres  :  Auteurs  agenais.  Histoire  de 
VAgenais,  Livres  imprimés  dans  l'Agenais,  n^®  732  à  1050;  —  Biblio- 
thèque héraldique,  1051  à  1258;  —  Provinces,.,  Guienne et  Gascogne, 
1315  à  1442.  Je  dirais  que  dans  cette  dernière  série  il  ne  manque  pres- 
que rien,  si  j'y  voyais  la  Revue  de  Gascogne,  dont  la  bonne  comtesse 
était,  du  reste,  l'amie  déclarée  et  l'assidue  lectrice. 

Mais  il  faut  insister  un  peu  plus  sur  la  partie  manuscrite,  contenant 
les  généalogies.  J'y  signale  d'abord' plus  de  trente  cahiers  autgraphes, 
intéressant  des  maisons  nobles,  souvent  gasconnes  :  généalogies  des 
familles  de  Saint-Géry,  —  de  Coquet,  —  de  Las,  —  de  Pellicier,  — 
de  Saint-Pierre  de  Baillasbats,  — de  Monlezun-Campagne,  —  de  Ver- 
duzan,  —  de  Bazillac,  —  de  Pardaillan  Lamolhe-Gondrin,  —  de  Jeu- 
gounous-Poucharramet,  —  de  Lasseran-Mansencome-Monluc,  —  de 
Boussort,  —  de  Campels,  —  de  Lustrac,  —  de  Montix?zat-Carbon,  — 
Du  Kourc  Monteslruc,  —  de  Polastron,  —  de  Patras,  —  de  Mauléon, 
—  de  Bezolles,  etc.  —  Je  dois  encore  une  mention  très  spéciale 
aux  a  Notes  biographiques  et  généalogiques  sur  des  capitaines  et  des 
personnages  cités  dans  les  Commentaires  de  Monluc.  »  11  y  a  sous 
ce  titre  plus  de  cent  vingt  notices,  souvent  accompagnées  d'armoi- 


—  191   - 

ries.  M.  Tholin  explique  ainsi  l'objet  et  Futilité  de  ce  recueil  :  «  L'édi- 
tion critique  la  plus  complète  des  œuvres  de  Monluc,  publiée  par 
M.  de  Ruble,  ne  pouvait  comporter  des  notes  généalogiques  éten- 
dues sur  tous  les  personnages  dont  les  noms  figurent  dans  ces  textes  ; 
le  programme  imposé  par  la  Société  de  l'histoire  de  France  était  res- 
treint. Mals^  en  nous  plaçant  au  point  de  vue  de  notre  histoire  locale, 
nous  pouvions  souhaiter  de  mieux  connaître  la  vie  et  les  origines  des 
gascons  contemporains  du  célèbre  maréchal,  les  uns  ses  amis  déclarés, 
les  autres  ses  ennemis  implacables.  C'est  à  quoi  M™«  de  Raymond 
s*est  attachée.  » 

Viennent  ensuite  deux  registres  (41,  42),  très  soigneusement  rédigés, 
sur  la  descendance  de  la  noblesse  d'Agenais  en  1789  et  depuis;  — 
vingt-cinq  portefeuilles  de  notes  autographes  et  de  pièces  diverses,  con- 
cernant des  familles  nobles  du  sud-ouest  rangées  par  ordre  alphabéti- 
que; —  soixante-neuf  registres  composés  de  notes  et  de  copies  de  pièces 
pour  servir  ^  des  généalogies  ;  —  trente-sept  portefeuilles,  registres  ou 
liasses  de  documents  originaux  et  titres  de  famille.  Je  note  la  liasse 
n°  144  :  dix  pièces  (1549-1764)  concernant  les  Lasseran-Mansencome; 
—  le  n°  152,  «  registre  des  sœurs  du  couvent  de  VAve  Maria  d'Agen  », 
vraie  chronique  (1534-1590),  où  sont  mentionnées  les  sœurs  du  Para- 
vis,  les  Clarisses  de  Mont-de-Marsan,  etc.  ;  —  huit  registres  (n*^**  153- 
160)  achetés  à  un  chiffonnier  en  1870  et  tous  relatifs  à  Lectoure  :  actes 
du  bureau  des  pauvres  (1291-1600);  minutes  des  notaires  Dufaur, 
Hugues  Boah,  Jean  Malus,  contenant  beaucoup  de  fondations  et  actes 
importants  de  1549  à  1648.  Il  y  a  aussi  un  registre  de  Lagutère, 
notaire  condomois  (1615-1616),  plein  d'intérêt  pour  la  cathédrale  et 
révêché  de  Condom. 

Je  me  contente  de  signaler  aux  curieux  une  belle  suite  d'autographes, 
comprenant  près  de  300  articles  ;  —  une  riche  collection  de  cachets 
armoriés,  —  et  plusieurs  volumes  reliés  de  lettres  de  faire  part,  qui 
achèvent  de  faire  connaître  les  préoccupations  spéciales  de  celte  femme 
distinguée  que  j'ai  pu  appeler  «  un  vivant  ahnanach  de  Gotha  de  la 
noblesse  de  Guyenne  et  de  Gascogne.  > 

Je  ne  veux  pas  finir  sans  louer  Texactitude  et  la  métliode  parfaite  du 
rédacteur  de  ce  Catalogue^  sans  le  remercier  surtout  du  plantureux 
«  Index  des  noms  de  lieu  et  des  noms  de  personne  »  qui  termine  le 
volume  et  qui  en  rend  l'usage  dix  fois  plus  facile  et  plus  profitable. 


—   19-2  — 


II 

Saint  Vincent  de  Paul  est  né  en  France,  par  un  Prêtre  de  la  Mission, 
Au  Berceau  de  saint  Vincent  de  Paul  près  Dax  (Landes),  1889.  G9  pp. 
grand  in-8*. 

Ce  titre  peut  paraître  singulier.  Nous  savons  tous  où  est  le  berceau 
du  plus  illustre  de  nos  saints  gascons,  et  nous  ne  pouvions  pas  nous 
attendre  qu'il  fallût  soixante  pages  à  un  de  ses  enfants  pour  démontrer  un 
fait  aussi  absolument  sûr.  Mais,  comme  tout  arrive,  une  contradiction 
s'est  produite  contre  ce  fait.  Elle  est  venue  d'Espagne,  il  est  vrai,  c'est-à- 
dire  d'un  pays  où  l'hagiographie  a  été  depuis  longtemps  altérée  et  trou- 
blée par  «  de  vaines  hypothèses,  des  quiproquos  plus  ou  moins  invo- 
lontaires, mais  presque  toujours  ridicules,  enfin  des  mensonges,  des 
vols  et  des  faux  en  écriture  proprements  dits.  ^  C'est  ce  que  je  disais 
il  y  a  trois  ans,  à  propos  de  notre  sainte  Quitterie,  usurpée  par  les 
Espagnols,  et  je  me  serais  gardé  de  rappeler  ces  gros  mots  à  propos  de 
la  question  de  saint  Vincent  de  Paul,  si  un  très  judicieux  critique 
n'avait  bien  voulu  s'en  autoriser  dans  un  article  récent  de  la  Reçue 
catholique  de  Tarbes  (9  févr.  1889).  Dieu  me  garde  d'accuser  de  mau- 
vaise foi  les  vénérables  personnages  qui  sont  en  cause  ici  !  Mais  il  est 
bon  de  tenir  compte  des  habitudes  invétérées  de  l'hagiographie  espa- 
gnole, précisément  pour  les  excuser  dans  un  cas  qui  pourrait  autrement 
sembler  inexcusable. 

Je  laisse  la  parole  à  l'auteur  français,  que  je  puis  bien  nommer  ici  ; 
c'est  M.  Pémartin,  lazariste  de  Dax,  le  savant  éditeur  des  Lettres  de 
saint  Vincent  de  PauL 

«  Une  thèse  historique  fort  étrange  vient  d'être  publiée  en  Espagne, 
à  Barcelone,  dans  un  appendice  à  la  traduction  espagnole  de  l'ouvrage 
de  M.  Arthur  Lot  h  :  Saint  Vincent  de  Paul  et  sa  mission  socialr. 
—  Si  nous  en  croyons  les  assertions  de  l'honorable  M.  Feliù  y 
Perez,  saint  Vincent  de  Paul  n'est  pas  né  en  France,  mais  en  Espa- 
gne... 

»  Les  assertions  de  l'honorable  traducteur  pour  établir  que  saint 
Vincent  est  espagnol  se  résument  ainsi  :  les  Français  ne  peuvent  rien 
dire  de  précis  sur  l'enfance  et  la  jeunesse  de  saint  Vincent  de  Paul, 
tandis  que  la  tradition  espagnole  assure  que  le  saint  est  né  à  Tama- 
rite  de  Litera,  en  Aragon,  et  y  a  été  baptisé;  qu'il  a  passé  sept  ans  à 
l'Université  de  Saragoss^et  y  a  reçu  le  grade  de  bachelier  en  tliéologie, 


-.  193  -- 

et  enfin  qu'il  a  reçu  en  Espagne  le^  saints  ordres  ou  au  moins  la  prê- 
trise. » 

Malgré  l'assurance  de  toute  celte  argumentation,  il  est  clair  qu'elle 
ne  peut  pas  tenir  une  minute  contre  une  possession  et  des  témoignages 
qui  remontent  absolument  jusqu'aux  origines^  dont  la  congrégation  des 
Lazaristes  est  la  gardienne  naturelle  et  qui  sont  inscrits  dans  la  litur- 
gie elle-même.  Et  pourtant  nos  voisins  d'outre-monts  chantaient  déjà 
A'ictoire;  ils  songeaient,  dit-on,  à  consacrer  leurs  droits  dans  des 
leçons  de  bréviaire...  En  tout  cas,  ils  étaient  sûrs  de  leur  fait  et  le 
traducteur  de  M.  A.  Loth  n'était  pas  seul  à  le  dire.  Je  trouve  parmi  ses 
complices  un  brillant  professeur  de  Barcelone,  M.  Hernandes  y  Fajar- 
nés,  dont  je  suis  habitué  à  vanter  dans  le  Polyhiblion  les  travaux 
métaphysiques;  mais  l'histoire  lui  réussit  moins. 

Il  n'est  pas  moins  vrai,  je  le  répète,  que  tout  ce  bruit  n'est  rien. 
Mais  il  faut  toujours  prendre  garde  à  l'erreur,  surtout  quand  elle  a 
pour  elle  un  zèle  passionné  et  un  patriotisme  respectable.  D'3  plus,  la 
longue  discussion  de  M.  Pémartin  contre  les  cinq  ou  six  sophismes 
espagnols  est  instructive,  même  pour  ceux  que  ces  sophismes  n'au- 
raient pas  émus.  Il  est  bon  de  voir  comment  le  faux  prend  la  couleur 
et  la  place  du  vrai,  grâce  à  des  illusions  singulières  de  respect  pour  la 
tradition  et  à  des  fantaisies  inconscientes  d'interprétation.  Voilà  le  côté 
négatif  de  l'opuscule.  Mais  il  a  aussi,  et  avant  tout,  sa  partie  positive, 
oii  le  savant  auteur  démontre  «  que  saint  Vincent  de  Paul  est  né  à 
Pouy,  aujourd'hui  Saint-Vincent-de-Paul,  dans  l'ancien  diocèse  de 
Dax;  qu'il  a  étudié  sept  ans  à  l'Université  de  Toulouse,  où  il  a  reçu  le 
diplôme  de  bachelier  et  expliqué,  c'est-à-dire  enseigné,  le  second  livre 
du  Maître  des  Sentences,  Pierre  Lombard  ;  enfin,  qu'il  a  reçu  la  ton- 
sure et  les  ordres  mineursà  Bidache,  au  diocèse  de  Dax,  le  sous-diaconat 
et  le  diaconat  à  Tarbes,  et  la  prêtrise  à  Château-l'Evêque,  près  de  Péri- 
gueux.  9 

Les  preuves  de  M.  Pémartin  sont  irrécusables,  même  quand  elles 
n'ont  pas  l'appui  du  document  authentique  conservé.  Mais  cet  appui  ne 
leur  manque  pas  toujours,  et  nous  voyons  ici,  une  fois  de  plus,  combien 
il  est  bon  de  signaler  et  même  d'imprimer  textuellement  les  pièces  ori- 
ginales. Peut-être  aux  lettres  d'ordination  et  aux  autres  documents 
publiés  dans  cette  excellente  dissertation,  pourrons-nous  bientôt  en 
ajouter  quelque  autre.  Un  de  mes  collègues  à  l'Institut  catholique  de 
Toulouse,  M.  l'abbé  C.  Douais,  a  déjà  entrepris  de  retrouver  les  témoi- 
gnages officiels  des  titres  académiques  de  saint  Vincent  de  Paul,  et  il 
n'a  pas  encore  lieu  de  désespérer  du  succès  de  ses  recherches. 


—  194  — 


III 

[Nomenclature  des  édifices  religieux du  Gers  vendus  comme  biens 

nationaux  (1791-1811);  p.  331-362,  et  329-350  de  1']  Annuaire du  Gers 

(de  1888  et  de  1889).  Auch,  impr,  Cochar aux  frères,  In-12,  2  fr.  50;  par 
la  poste,  3  fr. 

J'ai  fait  connaître  Tan  dernier  l'objet,  le  plan  et  l'utilité  de  c« 
relevé  (1),  en  me  réservant  d'y  revenir  cette  année  pour  le  détail,  parce 
que  la  publication  n'en  était  pas  encore  achevée.  J'aurais  à  la  rigueur 
la  même  excuse  aujourd'hui,  la  liste  des  édifices  civils  vendus  révolu- 
tionnairement  ayant  été  renvoyée  à  l'Annuaire  de  1890;  mais  comme 
celle  des  édifices  religieux  est  épuisée,  c'est  le  cas  d'en  donner  une  idée 
par  quelques  citations.  Je  ne  puis  faire  autre  chose;  les  personnes  qui 
s'occupent  de  l'histoire  de  nos  églises,  ou  simplement  de  tels  ou  tels 
édifices  religieux,  ne  peuvent  se  dispenser  d'avoir  sous  les  yeux  le  tra- 
vail entier  de  M.  Parfouru,  qui  n'est  qu'un  catalogue  çà  et  là  muni  de 
quelques  détails  descriptifs  d'origine  officielle,  mais  exécuté  par  notre 
excellent  archiviste  avec  l'attention  et  la  sûreté  qu'il  apporte  à  tous  ses 
travaux. 

U Annuaire  de  l'an  dernier  renfermait  les  «  Eglises  paroissiales  et 
chapelles  votives  »,  par  ordre  alphabétique.  Les  décrets  révolutionnai- 
res visaient  les  églises  isolées  ou  «  non  principales  i>,  qu'on  ordonna 
d'abord  de  démolir  de  fond  en  comble  et,  depuis,  de  vendre  «  au  profit 
de  la  République  ».  La  nomenclature  de  ces  édifices  est,  par  consé- 
quent, fort  utile  pour  la  reconstitution  de  l'état  religieux  de  notre  pays 
à  la. fin  de  l'ancien  régime.  Certains  des  édifices  aliénés  ont  été  depuis 
rendus  à  leur  première  destination,  mais  de  bien  d'autres  on  peut  dire  : 
eiiam  periere  ruinœ.  Prenons  pour  exemple  la  ville  archiépiscopale. 
La  cathédrale  est  indemne,  mais  on  vend  «  sept  emplacements  entre 
les  contreforts  »,  où  les  acquéreurs  eurent  le  droit  de  bâtir  jusqu'à  la 
hauteur  du  premier  cordon  placé  au-dessous  des  fenêtres  basses.  De  là, 
d'ignobles  échoppes,  qui  «  déparèrent  pendant  une  trentaine  d'années 
la  cathédrale  d'Auch...  Elles  furent  achetées  et  démolies  [par  l'Etat]  de 
1826  à  1829.  »  —  L'éghse  de  Saint-Orens  fut  vendue  à  Jacq.  Lodoyer, 
42,813  fr.  ;  celle  de  Saint-Pierre,  à  Lacomme  cadet,  9,171  fr. —  L'église 
rurale  de  Saint-Cricq,  dont  il  reste  encore  quelques  traces,  ne  coûta  au 
citoyen  Beaugrand,  juge  suppléant  au  tribunal  civil,  que  410  fr.  Les 

(1)  Reçue  de  Gasc,  t.  xxix,  p.  477. 


—  195  — 

deux  chapelles  rurales  de  Notre-Dame  des  Neiges,  près  du  cimetière 
actuel,  et  de  Samtes,  n'étaient  déjà  représentées  que  par  des  pâtus 
«  provenant  de  démolitions  ». 

A  CoNDOM,  se  trouvent  mentionnées,  outre  des  emplacements  entre 
les  contreforts  de  la  cathédrale  et  de  Téglise  Saint-Nicolas,  les  églises 
d'Escrimis,  de  Sarrazan,  de  Pujos,  de  Sainte-Germaine,  de  Saint- 
Caprais,  de  Calezun,  qui  me  semblent  déjà  bien  oubliées.  —  Pour  ce 
qui  me  concerne,  je  relève,  dans  ma  commune  natale,  un  nom  qui 
m'était  absolument  inconnu  :  «  une  ancienne  église  appelée  de  Saint- 
Orens,  et  une  ancienne  place  qui  servait  de  cimetière  ou  pâtus  de  la- 
dite église,  le  tout  situé  dans  la  paroisse  de  Cutxan,  municipalité  de 
Cazaubon.  » 

Je  dois,  ce  semble,  mentionner  au  moins  toutes  les  villes  épiscopales. 
Lectoure  manque  :  je  crois  pourtant  que  Saint-Geny  fut  vendu 
comme  bien  national.  Lombez  n'y  est  que  pour  «  l'emplacement  de  la 
ci-devant  chapelle  de  Saint-Majan  »,  vendu  75  livres  12  sous;  Eauze, 
pour  «  les  matériaux  et  le  sol  de  la  ci-devant  église  de  Cieutat,  avec  le 
cimetière  qui  en  dépend  »,  vendus  855  fr.  au  citoyen  Firmin  Ducos- 
Lartigue. 

U Annuaire  de  cette  année  nous  donne  :  1°  la  liste  des  <  couvents  et 
^lises  de  communautés  religieuses  »  vendus  révolutionnairement.  Ici 
Lectoure  comprend  six  articles  :  Capucins,  Carmes,  Cordeliers,  Jaco- 
bins, Carmélites,  Clarisses  ;  —  Condom,  quatre  :  Capucins,  Jacobins, 
Carmes,  religieuses  de  Prouillan.  —  A  Auch,  le  beau  couvent  des 
Cordeliers  ne  fut  pas  vendu,  parce  qu'on  y  établit  un  magasin  de  sub- 
sistances; les  acquéreurs  de  celui  des  Capucins  (auj.  Asile  des  aliénés) 
3'  installèrent  une  manufacture  de  draps.  Il  fallut  dépecer  en  plusieurs 
lots  ceux  des  Jacobins,  des  Carmélites,  des  Ursulines  du  Chemin-Droit 
et  des  Ursulines  de  Camarade. 

Les  grandes  abbayes  de  la  région  trouvèrent  acquéreur  à  des  prix 
naturellement  plus  élevés.  Berdoues  fut  payé  par  M.  de  Montesquiou- 
Fezensac,  46,500  1.;  Boulaur,  par  Peyrussan,  d'Auch,  43,996;  le 
Brouilh,  par  Molas,  d'Auch,  38,700;  Gimont,  par  le  citoyen  Destouet, 
842,000;  Flaran,  par  M.  Thore^  340,100;  Saint-Mont,  par  M.  de 
Comeilhan,  78,000;  Saramon,  par  M.  Cassassoles,  10,800;  Simorre, 
en  plusieurs  lots,  7  à  8,000;  Tasque,  par  le  sieur  Lajoye,  de  Nogaro, 
30,000.  —  Il  faut  consulter  V Annuaire  pour  la  contenance  et  la  des- 
cription, parfois  assez  détaillée,  de  ces  divers  objets. 

2P  «  Maisons  et  chapelles  de  Pénitents.  »  Il  y  avait  des  églises  de 
Pénitents  à  Auch  (trois)y  Barran,  Bassoues,  Condom  (deux),  Eauze^ 


! 


—  198  — 


Fleurance,  Gimont  (deux),  Mansonville,  Marciac,  Mirande,  Nogaro, 
Samatau,  Saramon,  Vic-Fezensac.  Il  y  en  avait  aussi  une  à  Cologne 
et  une  à  Masseube,  qui  ne  furent  pas  vendues,  ayant  été  réservées  (au 
moins  celle-ci)  pour  servir  de  temple  décadaire. 


IV 

Numismatique.  Variétés  inédites,  3*  liste.  Poids  monétiformes  et  autres 
poids  inscrits  du  Midi  de  la  France,  par  M.  Emile  Taillebois,  secret, 
gcn.  de  la  Société  do  Borda,  etc.  Dax,  inipr.  Hazaël  Labèque,  1889. 
46  pp.  gr.  in-8'. 

M.  Taillebois  ajoute  une  série  de  variétés  monétaires  inédites  à  celles 
qu'il  a  données  en  1882  et  1884.  Sa  nouvelle  brochure  compuend  des 
monnaies,  des  papiers-monnaies  et  des  poids  monétiformes. 

Parmi  les  monnaies,  la  plus  intéressante  est,  je  crois,  un  Adrien  de 
la  collection  de  M.  Castaignède,  à  Pissos  (Landes),  denier  dont  le  revers 
porte  à  Texergue  les  trois  lettres  Lem,  c'est-à-dire  Limoges  (Lemovi- 
cum)  ou  Poitiers  (Lemonum),  d'après  M.  Taillebois,  qui  propose  d'y 
voir  un  souvenir  du  passage,  non  signalé  ailleurs,  d'Adrien  dans  l'une 
de  ces  deux  villes,  —  La  série  la  plus  nombreuse  est  celle  des  monnaies 
baronales  anglo-aquitaines,  presque  toutes  de  la  collection  de  l'auteur. 

—  Notons  encore  un  Enricus  Cartus,  Henri  IV  roi  de  Castille  et  de 
Léon  (1454-1474),  donné  au  musée  de  Dax  par  M.  E.  Lapeyrère  et 
qui  achève  de  réfuter  une  erreur  de  Poey  d'Avant  attribuant  ce  type  à 
un  roi  d'Angleterre. 

Je  signale  des  papiers-monnaies  d'Auch  (billet  de  5  sous  forcé,  id.  de 
20  s.),  de  risle-Jourdain  (assignat  de  5  s.),  de  Saramon  (billet  de  5  s. 
forcé),  —  qui  font  partie  de  la  collection  Delorme  (Toulouse),  avec  des 
objets  pareils  des  départements  du  Lot,  de  Lot-et-Garonne,  de  la 
Haute-Garonne,  etc. 

Les  pages  (16-44)  consacrées  à  la  stathmographie,  —  j'espère  que  le 
mot  pondérographie  ne  restera  pas,  —  sont  les  plus  nombreuses  et 
les  plus  remplies;  mais  M.  Taillebois  y  a  fait  entrer  beaucoup  de  tj'pes 
déjà  connus.  Il  décrit  quatre  poids  de  Condom,  —  un  de  Bayonne,  — 
dix  d'Orthez,  —  deux  de  Morlàas,  —  trois  de  Sauveterre-de-Béam, 

—  sans  parler  de  ceux  du  Languedoc,  de  la  Provence,  etc.  M.  Taille- 
bois se  préoccupe,  non  seulement  de  l'exactitude  des  descriptions  et  des 
lectures,  mais  encore  du  poids  légal,  qui  ne  laisse  pas  de  donner  lieu 

à  de    difficultés. 

LÉONCE  COUTURE. 


NOTE  SUR  UNE  MARQUE  DE  VERRIER 

DECOUVERTE  PBàs  D'AUOH 


Dans  le  Bulletin  de  la  Société  de  Barda,  du  4'  trimestre 
1888,  M.  Emile  Taillebois  s'exprime  ainsi  : 

«  19.  CN  .  A    ING  .  V  .  A  .  V  .  M 

»  Cette  marque  n'est  pas  une  poterie^  mais  elle  trouve  néanmoins  sa 
plaoe  ici.  M.  Palanque  Ta  relevée  sur  une  fiole  en  verre  trouvée  à  La 
Hourre  (Auch)  et  faisant  partie  de  sa  collection.  La  fiole  a  19  centi- 
mètres de  hauteur.  Sur  le  fond,  on  lit  cette  inscription  formant  im 
cercle,  au  milieu  duquel  se  trouve  un  grand  V  »  (1). 

Dans  la  séance  du  7  février  1889,  Térudit  secrétaire  général 
de  la  Société  de  Borda  a  communiqué  d'autre  part  à  ses  col- 
lègues les  différentes  lettres  qu'il  avait  reçues  au  sujet  de  cette 
inscription. 

J'emprunte  au  compte-rendu  ce  qui  suit  : 

€  ...  2*^  Une  lettre  de  M.  Allmer,  le  savant  épigraphiste  lyonnais, 
faisant  quelques  observations  sur  les  marques  de  potiers  publiées 
dernièrement  par  M.  Taillebois. 

»  Pour  M.  Allmer,  l'inscription  sur  verre  :  CN  •  A  •  ING  •  V  • 
A  •  V  •  M  •  V  .,  ne  serait  pas  une  marque  de  fabrique.  Il  la  lirait 
ainsi  :  C^ieus)  A....  ING(enaa»)  Y{ixit)  k{nnos)  V,  M{enses)  V. 

»  ...  3**  Une  deuxième  lettre  de  M.  Allmer,  acceptant  [une]  réflexion 
de  M.  Taillebois  au  sujet  du  grand  V  central  de  Tinscription  sur  verre, 


(1)  £m.  Taillebois»  Quelques  marques  de  potiers  trouoéea  dans  les  déparU- 
ments  de$  Landes  et  du  Gers,  dans  le  Bull,  de  la  Société  de  Borda,  1888»  p.  331 
(tirage  à  part,  p.  7). 

Tome  XXX.  —  Mai  1889.  U 


—  198  — 

et  proposant  de  lire  ainsi  cette  inscription  :  CN(eas)  A...  lNG{enuus) 
Y(ixit)  A{nni8)  V,  MÇenses),,,  V{alef) 

»  •..  5°  Une  lettre  de  M.  Vaillant,  à  Boulogne- sur-Mer,  relative  à 
rinscription  de  la  fiole  de  verre.  M.  Vaillant  cite  la  même  marque  indi- 
quée par  Froehner  sous  le  n^  32  :  M  •  CN  •  A  •  INGV  •  A  •  V  •  (ïl 
n'y  manque  que  le  grand  V  central).  Froehner  traduit  ainsi  celte  ins- 
cription :  M{arcus)  CN{aeu8  et)  k{idus)  INGV...  A{rtifice8)  Y{itrarii 
ou  V{iirariorum). 

9  M.  Taillebois  admet  parfaitement  celte  lecture  et  pense  qu'on  doit 
de  même  lire  la  légende  circulaire  de  la  fiole  d'Auch,  en  commençant 
par  M.  (au  lieu  de  CN).  Quant  au  grand  V  central,  il  représenterait 
peut-être  un  chiffre  de  fabrication  (la  5®  série?)  »  (1). 

Je  ne  crois  pas  utile  de  m'arrêter  aux  inlerprétalions  qui 
ont  été  mises  en  avant  par  M,  AUmer,  Le  maître  incontesté, 
aux  lumières  de  qui  j'ai  été  heureux  de  faire  appel  plus  d'une 
fois,  ne  les  aurait  certainement  pas  proposées,  s'il  avait  été 
prévenu,  d'une  part  que  la  fiole  d'Auch  n'avait  que  des 
dimensions  fort  restreintes,  d'autre  part,  qu'il  en  existait  de 
similaires  en  d'autres  lieux.  Mais  il  me  paraît  intéressant  de 
discuter  ici  la  valeur  de  la  lecture  qui  a  été  donnée,  d'après 
Froehner,  par  M.  Emile  Taillebois,  et  de  réunir,  dans  un  même 
article,  tous  les  renseignements  que  j'ai  pu  me  procurer  sur 
les  quelques  vases  semblables  que  l'on  connaît. 

La  fiole  à  parfum  qui  fait  aujourd'hui  partie  de  la  col- 
lection de  M.  Ch,  Palanque,  présente  assez  d'analogie  avec 
deux  autres  fioles  en  verre  découvertes  en  France,  pour  que 
les  trois  puissent  être  considérées  comme  ayant  été  fabriquées 
dans  une  même  officine  de  verriers. 

De  celles-ci,  l'une  a  été  décrite  par  Germer-Durand  dans 
les  Mémoires  de  l'Académie  du  Gard  (2),  l'autre  a  été  signalée 
par  Benjamin  Fillon,  qui  l'avait  découverte  près  de  Nalliers, 
dans  le  département  de  la  Vendée. 


(1)  Bull,  do  la  Soc.  de  Borda,  1889,  pp.  xxvi  et  xxvii. 

(2)  Découoerto8  faites  à  Nîmes  et  dans  le  Gard,  dans  Mém.,  1872,  p.  100 
(tirage  à  part,  p.  33). 


—  199  — 

La  note  de  Germer-Durand  est  à  citer  en  entier  : 

,  «  X. —  Fiole  en  terre  portant  le  nom  du  fabricant  (1). —  M.  Irénée 
Giroux,  adjoint  au  maire  de  Nimes  et  notre  confrère,  nous  a  remis 
pour  le  Musée  une  autre  fiole,  en  verre  ordinaire,  provenant  des  sépul- 
tures trouvées  au  bord  de  la  voie  secondaire  dont  nous  avons  parlé  (2). 
C'est  une  de  ces  fioles  à  parfum,  vulgairement  désignées  sous  la  déno- 
mination impropre  de  lacrymatoires,  à  col  étroit  et  allongé,  surmon- 
tant un  culot  épais  et  évasé.  lia  partie  supérieure  manque;  mais  ce  qui 
fait  rintérèt  de  ce  qui  nous  est  resté,  c'est  la  marque  de  fabrique  sui- 
vante, imprimée  en  creux  sous  le  culot,  et  que  nous  allons  essayer 
d'expliquer. 

»  On  y  lit,  disposés  circulairement,  les  caractères  que  voici  : 

A    V  •  M  .  CN    A    LVGV  • 

»  Et  au  centre  : 

AF 

»  Les  marques  de  fabrique  sont  rares  sur  les  fioles  en  verre;  et 
celle-ci  offre  une  particularité  nouvelle  :  sur  celles  qu'on  connaît 
jusqu'à  présent,  les  caractères  sont  en  relief,  parce  qu'ils  étaient  moulés 
en  creux  dans  la  forme  qui  servait  à  fondre  le  verre;  sur  notre 
fiole,  au  contraire,  ils  ont  été  imprimés  en  creux  à  l'aide  d'im  sceau 
estampille  appliqué  sur  la  matière  non  encore  complètement  refroi- 
die. 

»  Voici  notre  lecture  de  cette  marque  de  fabrique  : 

»  Partie  circulaire  :  Alrtemisii]  \[alerii\  M[anu].  CN[eu8]  A[teu8] 
LVGV[dani]. 

»  Partie  centrale  :  A[teiLs]  F[ecit]y  ou  bien  A[tei\  F[abrica]. 

»  Un  sceau  estampille  de  la  collection  de  M.  Edw.  Barry,  de  Tou- 
louse {Exp.  univ.  de  1867 y  Hist.  du  travail,  France,  n^  798),  nous 
montre  le  potier  Artemisius  Valerius  travaillant  pour  la  fabrique  de 
Silvanus  ou  Silvinus  (ARTEMISIi  VALerii  Manu.  Fabrica 
SlLvani),  dont  les  produits  se  sont  rencontrés  souvent  sur  divers 

(1)  [Cette  fiole  a  été  découverte  en  1871,  et  non  en  1870  comme  l'indique  le 
tome  XII  du  Corptis  inscript,  latin,  qui  la  cite  sous  le  n*  5696, 18]. 

[2)  [M  s'agit  d'une  voie  romaine  qui,  descendant  du  Nord  au  Sud,  «  latérale- 
ment au  Cadereau  »,  allait  aboutir  à  la  voie  Domitieune,  <c  représentée  aujour- 
d'hui par  le  chemin  vieux  de  Montpellier  »]. 


—  200  — 

points  de  la  Gaule  (musées  de  Narbonne,  Clermont-Ferrand,  Limoges, 
Tours,  Rouen,  etc.) 

»  Quant  à  Cnéus  Atéus,  il  est  connu  des  antiquaires  comme  ayant 
signé  un  très  grand  nombre  de  vases  samiens,  soit  seul,  soit  comme 
associé  des  ^gull  Xanthus,  Evhodus,  Optatus  et  Mamertus  (1).  Si 
notre  explication  était  admise,  il  en  résulterait  que  Cnéus  Atéus  aurait 
eu  à  Lyon,  non  seulement  une  fabrique  de  poterie  (^^a/maj,  mais  aussi 
une  verrerie  (vitrarium).,.  » 

Le  vase  de  Nalliers  a  été  décrit  par  Quicherat,  d'après  une 
communication  de  Fillon  : 

«  ...  La  première  découverte  [faite  à  Tllôt-les- Vases  de  Nalliers], 
lit-on  dans  les  Bulletins  des  Antiquaires  de  France  (2),  est  celui  d'une 
sépulture  qui  avait  été  contenue  dans  un  cercueil.  Il  ne  restait  de 
celui-ci  que  les  parements.  Une  quantité  prodigieuse  de  vases  avait  été 

enfermée  avec  le  mort Le  fond  d'une  fiole  brisée  portait  une  marque 

de  fabrique  imprimée  en  creux.  C'est  un  médaillon  sur  lequel  on  lit  les 
initiales  A.  F.,  entourées  de  la  légende  : 

A  .  V  •  M  .  CN  .  ALINGV  • 

»  Il  n'est  pas  facile  d'expliquer  les  sigles  qui  composent  la  plus 
grande  partie  de  cette  inscription.  M.  Benjamin  Fillon  a  conjecturé 
que  le  mot  alingu  pourrait  être  l'abréviation  de  Alingone  ou  Alin^ 
gonensis  et  s'appliquer  au  lieu  de  Langon,  qui  n'est  pas  éloigné  de 
ri lot-les- Vases.  » 

Ayant  eu  connaissance  de  la  note  de  Quicherat,  Germer- 
Durand  ajouta  ces  quelques  lignes  à  ce  qu'il  avait  déjà  dit: 

€  Au  moment  de  donner  le  bon  à  tirer  de  cette  feuille,  je  lis  ...  que, 
dans  une    sépulture  gallo-romaine  de   l'Ilôt-les-Vases  de  NaUiers 

(1)  [Il  n'est  peut-être  pas  inutile  de  faire  remarquer,  en  passant,  que  les  noms 
de  Xanthus,  Euhodus,  Optatus  et  Mamertus,  auxquels  on  pourrait  ajouter 
encore  Crestus,  Cantus,  Curialis,  Maetis,  SaloitSt  Zoïlus,  etc.,  ne  paraissent 
pas  avoir  été  portés  par  les  assoeiés  d'une  seule  personne.  C'étaient  plus  vrai- 
semblablement les  cognomina  des  parents  ou  des  descendants  du  premier 
potier  qui  porta  le  nom  d'Ateius,  et  fut  ainsi  le  fondateur  d'une  dynastie  de 
fabricants  dont  les  produits  se  répandirent  pendant  plusieurs  siècles  sur  toute 
l'étendue  de  l'empire  romain]. 

(2)  BulL  Ant.  F ,  1872,  pp.  114  et  117.—  Quicherat  est  revenu  sur  ce  même 
sujet,  mais  sans  apporter  une  opinion  nouvelle,  dans  la  Reeue  arekéologique, 
année  1874.  Sa  note  a  été  reproduite  (p.  378)  dans  les  Mélanges  d'archéologie 
et  d'histoire,  qui  ont  été  publiés  après  sa  mort. 


—  201  — 

(Vendée),  on  a  rencontré  une  fiole  en  verre  portant,  à  sa  partie  infé- 
rieure, les  mêmes  caractères,  disposés  de  la  môme  façon  et  gravés  en 
creux  comme  sur  notre  fiole.  La  seule  différence  de  lecture  porte  sur 
les  quatre  derniers  caractères,  où  Benj.  Fillon  croit  pouvoir  lire 
LÏNGV.  Nous  sommes  sûrs  de  notre  lecture.  » 

Le  vase  de  Nalliers  fait  aujourd'hui  partie  de  la  collection 
de  M.  0.  de  Rochebrune,  et  je  dois  à  Tobligeance  de  cet  aqua- 
fortiste distingué  de  pouvoir  compléter  par  quelques  notes  la 
description  donnée  par  Quiclierat  : 

a  Défiez-vous,  m'écrit-il,  de  la  description  donnée  par  Qui- 
clierat, attendu  que  Benjamin  Fillon,  mon  ancien  collaborateur,  pre- 
nait beaucoup  tix)p  souvent  ses  désirs  pour  des  réalités.  Il  n'y  a  jamais 
eu  le  mot  alingu  sous  le  vase;  ce  serait  plutôt  un  X  qui  précéderait  le 
G.  Malheureusement,  dans  un  tiers  environ  de  la  circonscription,  le 
verre  s'est  exfolié  et  les  caractères  ont  disparu.  Le  texte,  coulé  en 
beaux  caractères,  est  parfaitement  lisible,  surtout  les  grandes  majus- 
cules centrales,  M  •  A  •  F.  La  pâte  de  cette  fiole  est  une  sorte  de  cristal 
factice,  mat  et  blanc,  épais,  ressemblant  à  de  Topale...  » 

Tandis  que  le  fond  du  vase  de  La  Hourre  a  9  centimètres  de 
diamètre,  celui  du  flacon  de  l'Ilôt-les- Vases  n'a  que  5  cent.  Ii2. 
Les  lettres  de  la  légende  circulaire  qui,  dans  le  premier  cas,  ont 
i  centimètre  de  long,  n'ont  que  9  millimètres  dans  le  second. 
Les  lettres  centrales  n'ont  pas  non  plus  tout  à  fait  la  même 
hauteur.  Le  V  de  la  marque  de  la  Hourre  a  16  millimètres 
de  haut;  le  monogramme  de  la  marque  de  l'Ilôt-les-Vases  n'a 
que  11  millimètres. 

La  fiole  qui  porte  cette  dernière  marque  n'a  elle-même 
que  42  millimètres  de  haut. 

Dans  les  Marques  de  fabrique  du  musée  de  Nîmes,  publiées 
€71  fac  simile  (1),  M.  Aurés  a  donné  un  dessin  de  la  marque 
antérieurement  publiée  par  Germer-Durand,  dont  il  paraît 


(1)  Nimes,  1876,  in-8%  p.  84  et  pi.  20,  flg.  213.  (Extr.  des  Mém.  de  TAcad.  du 
Gard,  1875). 


~  202  — 

avoir  complètement  accepté  la  lecture.  Ce  dessin  n'est  pas 
entièrement  exacte  et  la  lecture  : 

C  N'ALVGV  AV'M- 
AF 

qu'il  indique,  n'est  pas  celle  que  j'ai  lue  moi-même  et  dont 
je  puis  certifler  à  mon  tour  l'authenticité. 

En  réalité,  cette  légende  circulaire  ne  diffère  pas  de  celle 
qui  a  été  fournie  par  le  vase  d'Auch;  il  faut  bien  lire  encore 
INGV,  mais  le  sigle  central  n'est  plus  le  même  dans  les 
deux  cas.  L'existence  des  deux  lettres  AF  ne  fait  pas  plus  de 
doute  que  celle  de  l'I  initial,  pris  pour  un  L  par  Germer- 
Durand  qui  aura  rattaché  à  cet  I  le  bas  du  premier  jambage 
de  TN,  probablement  parce  que  le  restant  de  ce  jambage  était 
insufûsamment  apparent. 

D'ailleurs,  la  même  erreur  n'a  pas  été  commise  par  l'édi- 
teur du  tome  xii  du  Corpus  inscriplionum  latinarttm  qui 
s'exprime  ainsi,  en  parlant  de  la  marque  de  Nîmes  : 

a  M  .  CN  •  A  .  INGV.  (non  LVGV)  A  •  V  •  (in  medio  circulo 
AF)  in  vasculo  Romano  certo  legi  adfirmat  Frœhner  1.  c.  (1);  LVGV 
auctores  Nemausenses  (2),  sed  in  imagine  FJouesti  videtur  magis  esse 
INGV  »  (3). 

Les  lettres  de  la  légende  circulaire  de  cette  marque  ont 
9  millimètres  de  haut,  les  siglcs  du  milieu  ont  7  millimètres; 
le  diamètre  du  fond  du  vase  est  lui-même  de  46  millimètres. 

Le  n**  32  de  Froehner,  qui  résume  tout  ce  que  l'on  savait  il 
y  a  dix  ans  sur  la  marque  dont  il  est  ici  question,  contient 
textuellement  ce  qui  suit  : 

«  32.  MarcuSy  Cnaeus  et  Aulus  Ingu 

•  M  •  CN  •  A  •  INGV  •  A  •  V  (légende-circulaire  en  creux). 

AF  (au  centre). 

(1)  Nomenclature  dos  ccrriors  grecs  et  romains,  1879,  in -8*,  p.  24,  n*  32. 

(2)  Germer-Durand,  loc.  cit.  —  Klouesl,  Reoue  des  Soc.  sao.,  6*  série,  t.  i. 
1875,  p.  127.  —  Allmer,  Inscriptions  de  Vienne,  t.  iv,  p.  18.  —  Aurès,  loc.  cit. 

(3)  C.  /.  L.,  t.  XH,  p.  794,  3*  col. 


—  203  — 

»  Points  triangulaires.  Ampulle  en  verre  blanc.  J'en  connais  quatre 
exemplaires  : 

a.  Trouvé  à  Rome.  Ma  copie.  La  leçon  est  absolument  certaine. 
h.  Musée  Fol.,  t.  ii,  483  :  A  •  INGV  •  AVMCN. 

c.  Trouvé  à  Nimes.  Reo,  des  Soc.  savantes,  1875, 1. 1, 127.  Aurès, 
Marques  de  fabrique,  p.  84,  pi.  20,  213  :  CN  •  A  •  LVGV  •  A  •  V  •  M. 

d.  Trouvé  à  Tllôt-les- Vases  de  Naliers  (Collection  de  M.  O.  de 
Rocbebrune,  à  Fontenay-le-Comte),  Benjamin  Fillon,  dans  Vlndi- 
cateur  de  la  Vendée  y  29  mars  1872. 

»  Je  ne  sais  comment  il  faut  compléter  le  gcntilicium  des  trois 
frères.  A  •  V  •   pourrait  signifier  artificum  vUriariorum,  » 

En  résumé,  les  cinq  marques  similaires  que  Ton  connaît 
jusqu'ici  paraissent  devoir  être  les  suivantes: 

1 .  Marque  de  La  Hourre.  Lecture  certaine. — CN  •  A  •  ING  • 
V  .  A  .  V .  M  —  Au  centre  :  V  (Voir  pK  i). 

.2.  Marque  de  TlIôt-les-Vases.  3/a  lecture  d'après  un  fac- 
similé  de  M,  0-  de  Rochebrune.  —  CN.  ////IG  V:A-V-M-  — 
Au  centre  :  MAA(?)F  en  monogramme  (Voir  pi,  n,  fig.  1), 

3.  Marque  de  Nimes.  .Va  fec/wre.—CN-  A-  INGV-  A-  V-  M- 
—  Au  centre  :  AF  (Voir  pi.  ii,  fig.  2). 

4.  Marque  de  Rome,  Lecture  certaine  de  Froehner.  — 
CN.  A.  INGV.  A.  V.  M.  —Au  centre:  AF, 

5.  Marque  du  musée  Fol.  —  CNA  •  INGV  •  AVM. 

A  Texception  de  la  dernière,  qui  n'a  probablement  pas  été 
convenablement  reproduite  quant  à  la  ponctuation,  toutes 
ces  marques  sont  identiques  de  forme  et  ne  diffèrent  que  par 
le  monogramme  central  autour  duquel  la  légende  a  été 
gravée. 

il  y  a  lieu  de  remarquer  cependant  que  dans  la  marque 
de  La  Hourre,  il  existe  dans  le  groupe  de  lettres  INGV  un 
point  triangulaire  parfaitement  apparent,  que  les  autres 
marques  nindiquent  pas.  Il  y  a  même  plus  :  dans  celte  mar- 
que, et  dans  le  même  groupe,  la  lettre  V  est  séparée  du  G 
qui  précède,  par  un  espace  assez  grand  pour  que,  en  admet- 


—  204  — 

tant  que  Texistence  du  point  triangulaire  fût  contestée^  il 
puisse  être  en  quelque  sorte  impossible  de  rattacher  ce  V 
au  mot  dont  les  trois  premières  lettres  seraient  ING. 

Il  me  semble,  dans  ces  conditions,  que  les  légendes  de 
toutes  ces  marques  doivent  se  lire  de  la  même  façon;  mais 
s'il  est  relativement  assez  facile  de  le  constater,  il  Test 
beaucoup  moins  à  coup  sûr  de  proposer  quelque  lecture 
certaine. 

M.  Mimer,  que  j'ai  consulte  à  ce  sujet,  m'a  fait  part  de 
la  suivante,  qu'il  croit  possible  : 

«   VUriaria  (pfficina)  Marci,    Cnei,  Auli,   Ingenuiorum   V..... 

A y..... 

»  Verrerie  de  Marcus,  Cneus  et  Aulus  Ingenuius  V...  A...  V... 

»  Je  ne  connais,  dit-il,  aucun  genlilice  commençant  par  les  lettres 

Ingu ;  au  contraire,  Ingenuius  est  connu  par  d'autres  exemples. 

Les  trois  dernières  lettres  seraient  les  initiales  des  cognomens  des 
trois  frères  associés.  » 

Cette  interprétation  est  ingénieuse,  mais  n'est  pas  exemple 
de  toute  critique.  De  même  que  celle  proposée  par  Froehner, 
elle  nécessite  d'abord  l'intervention  d'une  association  de  ver- 
riers, ce  qui,  sans  être  impossible,  ne  laisse  pas  que  d'être 
fort  douteux;  ensuite  elle  a  l'inconvénient  assez  grave  de  ne 
pas  s'appliquer  à  tous  les  cas,  puisque  le  mot  VUriduia,  qui 
serait  fourni  par  le  sigle  central  V,  ne  peut  plus  être  fourni 
de  même  par  les  monogrammes  des  autres  marques. 

M.  Adrien  Lavergne,  dans  un  autre  ordre  d'idées,  serait 
assez  tenté  de  proposer  l'interprétation  que  voici  : 

«  Cn{ei)  A{lphii)  Ing{enui)j  V.....  AÇlphii)  V{erî)  m{anu)  r^itra- 
rîorum)  ». 

De  la  main  des  (deux  frères)  verriers  Cneus  Alphius  Ingenuus  et 
V...  Alphius  Verus. 

Les  mêmes  objections  que  précédemment  peuvent  être 
faites  encore.  En  outre,  sans  m'arrêter  à  la  restitution  d'un 
gentilice  et  d'un  cognomen  qui  ne  peut  être  certaine  évidem- 


—  205  ~ 

meut,  puisqu'elle  n'est  fournie  que  par  une  initiale,  je  ferai 
remarquer  de  plus  que  le  mot  vilrariorum  se  trouverait  à  la 
fin  de  la  phrase  et  serait  ainsi  rejeté  sans  aucune  nécessité. 

L'interprétation  A{lphia)  f(abrica)  proposée  par  M,  Laver- 
gne,  pour  les  deux  lettres  centrales  des  marques  de  Ni  mes, 
de  Rome  et  probablement  aussi  du  musée  Fol,  serait  plus 
acceptable,  si  la  position  même  qu'elles  occupent  ne  tendait 
à  leur  faire  attribuer,  sinon  le  même  sens,  du  moins  une 
raison  d'être  analogue  à  celle  du  V  central  fourni  par  la 
marque  dé  La  Hourre  et  du  monogramme,  assez  compliqué, 
fourni  par  celle  de  Nalliers. 

Quant  aux  interprétations  proposées  l'une  par  Germer- 
Durand,  l'autre  par  Fillon,  à  défaut  d'autres  critiques,  qui 
cependant  ne  manqueraient  pas,  les  restitutions  Lugduni, 
Alingu  ou  Alingone  seraient  plus  que  suffisantes  déjà  pour 
les  faire  complètement  rejeter. 

Ce  qui  rend  en  effet  tout  particulièrement  intéressant  le 
flacon  que  possède  M.  Palanque,  c'est  surtout  son  état  de 
conservation,  qui,  se  trouvant  des  plus  parfaits,  facilite  assez 
la  lecture  de  la  marque  qu'il  porte,  pour  qu'il  n'y  ait  plus 
aucun  doute  sur  le  rejet  de  ces  restitutions. 

Les  lettres  ING,  qui  ne  peuvent  pas  fournir  la  nationalité 
d'un  fabricant  par  l'ethnique  d'un  nom  de  ville,  constituent, 
selon  toute  apparence,  l'abréviation,  suffisamment  intelligi- 
ble du  cognomen  Ingenuus,  d'ailleurs  parfaitement  connu. 
Quant  à  la  marque  complète  elle-même,  je  crois  être  dans  le 
vrai  en  la  décomposant  en  deux  parties  absolument  distinc- 
tes. L'une,  textuellement  reproduite  par  les  différentes 
matrices,  doit  se  rapporter  plus  spécialement  au  verrier  — 
seul  ou  associé  —  qui  fabriqua  les  flacons;  l'autre,  différente 
avec  chaque  sceau,  ne  peut  recevoir  qu'une  interprétation 
spéciale  à  chaque  cas;  mais  entre  les  diverses  inlerpréla- 
tions^qui  seraient  obtenues  de  la  sorte,  il  me  semble  qu'il 
doit  exister  un  certain  rapport,  et  je  n'en  vois  pas  d'autre 


—  206  — 

qui  soit  plus  probable  que  celui  qui  permettrait  de  considé- 
rer les  sigles  V,  AF,  MAA(?)F,  ou  quelques  autres  encore 
qui  peuvent  ne  pas  être  parvenus  jusqu'à  nous,  soit  comme 
des  marques  de  série,  ainsi  que  Ta  supposé  M.  Taillebois, 
soit  comme  des  abréviations  suffisantes  pour  désigner  le  con- 
tenu de  chaque  flacon. 

Les  vases  au  long  col,  que  trop  de  personnes  s'obstinent 
à  appeler  lacrymaloircs,  comme  si  les  Romains  qui  en  firent 
plus  particulièrement  usage  pouvaient  avoir  pour  la  conser- 
vation des  larmes  quelque  prédilection  que  nous  n'avons 
plus,  n'étaient  en  réalité  que  des  flacons  à  parfum.  Il  se 
pourrait  dès  lors,  —  mais  je  ne  donne  celte  hypothèse  qu'à 
défaut  d'autre  plus  certaine,  —  que  la  nature  des  essences 
contenues  dans  chaque  flacon  fut  exprimée  dans  la  partie 
centrale  de  la  marque.  J'en  verrais  une  preuve  dans  la  pré- 
sence de  la  lettre  F  qui,  dans  ce  cas,  serait  apparemment  le 
sigle  du  mot  flos. 

La  légende  elle-même,  —  toujours  à  défaut  d'une  solution 
meilleure,  —  pourrait  au  besoin  s'interpréter  ainsi  : 

CN-  A.  ING-  V.  A.  V-  M- 

Cniflei)  i4(..../)  Ing{enui)  {officina).  V{ ),  a{rtificis) 

v{itriarii),  m{anu). 

Fabrique  de  Cnaeus  A Ingenuus.  De  la  main  de  V , 

ouvrier  verrier. 

Je  sais  bien  que  le  mot  vilrianus,  gravé  sur  un  flacon  de 
verre,  semble  constituer  un  pléonasme,  mais  j'essaierais  vai- 
nement de  tirer  un  meilleur  parti  des  deux  sigles  M  et  V, 

Les  verriers,  comme  les  potiers  aussi,  ne  fabriquaient 
évidemment  pas  toujours  eux-mêmes  les  produits  qui  por- 
taient leur  nom.  Il  ne  me  paraît  pas  impossible,  par  consé- 
quent, qu'à  côté  du  nom  du  maître,  nous  puissions  trouver 
le  nom  de  l'ouvrier,  ou,  si  l'on  profère,  le  nom  du  directeur 
de  l'un  quelconque  des  ateliers  que  ce  maître  pouvait  posséder. 


^  207  — 

Toutefois,  —  et  je  ne  saurais  trop  le  répéter,  —  la  ques- 
tion que  j'ai  essayé  de  traiter,  est  d'une  nature  beaucoup  trop 
difficile  pour  que  je  puisse  avoir  la  prétention  de  la  résoudre 
complètement.  Je  me  considérerai  d'ailleurs  comme  suffi- 
samment payé  de  mes  peines,  si  j'ai  pu  donner  quelques 
aperçus  nouveaux  dont  pourront  profiter  des  chercheurs 
plus  heureux. 

ESPÉRANDIEU. 

Saint-Maixent,  le  15  avril  1889. 


LE  CIMETIERE  PÀIEN  DE  LAl  HOURRE 

Le  cimetière  païen  de  la  Hourre,  près  Auch,  où  a  été  trouvé  le 
Ûacon  dont  la  marque  fait  l'objet  du  savant  travail  de  M.  Espérandieu, 
a  été  découvert  en  1880.  Des  ouvriers,  travaillant  à  l'extraction  de  la 
terre  nécessaire  aux  travaux  de  la  tuilerie  Lartigue,  dans  un  champ 
dépendant  do  la  Hourre,  mirent  au  jour  plusieurs  sépultures  antiques. 
Averti  de  cette  découverte^  je  me  transportai  sur  les  lieux  et  je  recueillis, 
avec  plusieurs  objets  antiques,  ces  quelques  notes  que  je  livre  au  public 
sans  nuUe  prétention,  avec  le  seul  désir  d'être  utile  aux  archéo- 
logues, mes  maîtres,  et  de  leur  prouver  que  tout  jeune  encore,  — 
j'avais  dix- huit  ans,  — j'ai  marché  moi  aussi  sur  leurs  traces...  Et  in 
Arcadia  ego. 

Ces  sépultures  n'offraient  rien  de  bien  remarquable  :  pas  de  sarco- 
phages sculptés,  ni  de  chambre  funéraire  comme  à  l'hypogée  de 
Lagrange  (1).  Ici,  tout  est  plus  modeste;  le  mode  d'ensevelissement, 
la  pauvreté  du  mobilier  funéraire,  tout  prouve  que  nous  sommes  en 
présence  d'une  nécropole  de  pauvres,  de  la  sépulture  de  l'homme  du 
peuple.  Je  ne  saurais  donner  une  date  précise  à  ces  sépultures;  mais 
dans  tous  les  cas,  elles  ne  sont  pas  antérieures  au  ii^  siècle,  époque  à 
laquelle,  on  le  sait,  l'incinération  tomba  en  désuétude. 

Dix-sept  sépultures  furent  successivement  découvertes  sous  mes 
yeux.  Une  d'elles  particulièrement  attira  mon  attention.  Unique  en  son 
genre,  eUe  mérite  une  mention  toute  spéciale.  Entre  deux  rangées  de 
cailloux,  sur  un  pavage  en  briques,  on  trouva  un  amas  noirâtre,  com- 

(1)  L'hypogée  de  Lagrange,  à  Auch,  chambre  funéraire  contenant  six  sarco- 
phages en  pierre  ou  en  marbre,  trouvée  en  1879.  Ces  sarcophages  sont  maintenant 
au  Musée  de  la  Société  historique  de  Gascogne. 


—  208  — 

posé  de  terre,  de  charbons  et  d'ossements  calcinés.  D'un  côté,  on 
recueillit  une  lampe  funéraire  et  des  fragments  de  verre;  de  l'autre, 
une  petite  figurine  ressemblant  à  un  lapin,  sorte  d'amulette  ou  de 
jouet  qui  semblerait  indiquer  une  sépulture  d'enfant.  Le  tout  devait 
être  recouvert  de  tuiles  à  rebord,  dont  les  fragments  gisaient  à  côté. 

Rien  de  particulier  ne  distinguait  les  autres  sépultures;  toutes  se 
ressemblaient  et  se  composaient  d'un  trou,  de  0"*,  50  de  diamètre, 
entouré  de  fragments  de  briques.  On  y  voyait  le  môme  résidu  noirâtre, 
accompagné  parfois  de  la  boîte  crânienne  et  des  tibias. 

Des  lampes  funéraires  de  formes  diverses,  des  fioles  à  parfum 
(unguentaria)  et  autres  ustensiles,  des  fragments  de  bronze  compo- 
saient tout  le  mobilier  funéraire.  C'est  dans  une  de  ces  sépultures  que 
fut  trouvée  la  fiole  dont  la  marque  est  étudiée  ci-dessus  par  M.  Espéran- 
dieu.  Cette  fiole,  en  verre  blanc,  est  mince;  son  cou  très  long  et  son 
fond  plat  la  font  plutôt  ressembler  à  un  chandelier  qu'à  un  flacon  (1). 
Elle  est  intacte,  et  plus  heureuse  que  bien  d'autres,  dont  nous  avons  vu 
les  débris,  elle  a  échappé  à  la  pioche  du  terrassier. 

Telles  sont  les  trouvailles  de  la  Hourre.  Sans  être  des  plus  riches, 
elles  sont  intéressantes  et  curieuses.  Cet  endroit  du  reste  semble  privi- 
légié* Déjà  les  années  précédentes,  dans  les  fondations  de  l'usine  Lar- 
tigue,  on  avait  trouvé  un  petit  cheval  de  bronze  d'un  travail  assez 
barbare.  Quoique  bien  mutilé,  c'était  encore  un  curieux  spécimen  de 
l'art  gallo-romain.  Il  est  regrettable  qu'il  soit  perdu  pour  le  pays  et 
qu'il  ait  enrichi  une  des  collections  de  la  capitale  (2). 

M.  le  baron  de  Prinsac,  dont  les  connaissances  archéologiques  et 
le  bon  goût  sont  connus  des  collectionneurs,  possède  le  plus  grand 
nombre  des  objets  trouvés  dans  ces  fouilles.  Quelques-uns  sont  dans 
mes  vitrines.  Ce  ne  sont  pas  les  plus  riches,  mais  à  mes  yeux  ce  sont 
les  plus  précieux,  tant  il  est  vrai  qu'on  tient  surtout  à  ce  qu'on  trouve 
soi-même,  et  à  ce  qui  vous  a  coûté  bien  des  émotions  et  des  fatigues. 

Voilà  mes  notes  épuisées.  Je  serais  trop  heureux  si,  toutes  minces 
qu'elles  sont,  elles  pouvaient  intéresser  quelques  lecteurs  de  la  Revue 
et  aider  les  érudits  à  reconstituer  l'A a^Ms^a  Auscorum  des  anciens. 

Charles  PALANQUE. 

(1)  L'ouvrier qiii  la  trouva  s'écria  en  mêla  donnant  :  AqtU,  moussa^  lou  can- 
delè  dou  mort.  (Voilà,  monsieur,  le  chandeltur  du  mort). 

(2)  Il  est,  je  crois,  dans  la  collection  de  M.  Decker,  frère  de  M.  Decker-David, 
propriétaire  de  la  Hourre.  —  Je  profite  de  cette  occasion  pour  ruppeïer  aux  lec- 
teurs de  la  HcDue  que  la  Société  historique  de  Gascogne  a  fondé  un  Musée 
archéologique,  déjà  enrichi  de  plusieurs  collections  publiques  et  privées,  et 
qu'elle  acceptera  toujours  avec  reconnaissance  les  objets  qu'on  voudra  bien  lui 
ofibrir. 


ÉTUDE 


SUR 


L'INSTRUCTION   PUBLIQUE 

A  LECTOUHE  (•) 


CHAPITRE  VII 

Misère  du  peuple;  «èle  des  Doctrinaires.  —  Projet  d'établissement  d'un 
Grand  Séminaire  par  Hugues  de  Bar,  Robert  de  Beaufort  et  Claude  de 
Narbonne-Pelet.  —  Etat  des  possessions  des  Doctrinaires.  —  Vote  de 
la  jurade  les  autorisant  à  recevoir  des  pensionnaires.  —  Les  Doctrinaires 
et  le  Jansénisme  à  Lectoure. 

Les  difficultés  qui  avaient  marqué  le  début  du  collège  de 
Lectoure  étaient  aplanies  et,  si  les  Doctrinaires  (donnaient  à 
leurs  élèves  le  pain  de  Tintelligence,  ils  distribuaient  aussi 
celui  de  la  vie  spirituelle  aux  populations  éprouvées  par  la 
misère  et  la  famine.  Plus  les  besoins  de  Tâme  et  du  corps  se 
faisaient  sentir,  plus  ils  se  dépensaient  en  prédications  de 
toute  sorte  et  en  missions  suivies  de  plantations  de  croix 
commémoratives  (1).  Les  pauvres  mouraient  littéralement  de 
faim  et  nul  ne  voulait  les  ensevelir  (2);  les  religieux  se  char- 
gèrent de  ce  soin  pieux.  Le  personnel  des  Doctrinaires  était 
d'ailleurs  assez  nombreux  pour  parer  à  toutes  les  exigences, 
puisqu'en  1695  ils  étaient  au  nombre  de  dix,  savoir  quatre 
prêtres,  quatre  clercs  et  deux  frères  lais  (3).  Ils  formaient, 
non  seulement  des  jeunes  gens  aptes  à  toutes  les  professions 
civiles,  mais  encore  des  aspirants  au  sacerdoce.  Les  études 
de  ces  derniers  étaient  forcément  limitées  et,  après  les  deux 

(•)  Voir  ci-dessus,  p.  122. 

(1)  Records  des  3  juin  1724,  21  mai  1738,  27  mai  17e5,  etc... 

(2)  Livre  des  recettes  et  dépenses,  1694,  p.  12. 

(3)  Arch.  mun.  Recensement  de  la  population  de  Lectoure,  1695. 


—  210  — 

années  de  philosophie,  ils  devaient  se  rendre  dans  les  villes 
d'Auch,  d'Agen  ou  de  Toulouse. 

L'évêque  Hugues  de  Bar,  voulant  faciliter  le  recrutement 
de  son  clergé,  résolut  d'établir  un  grand  séminaire  dans  sa 
ville  épiscopale.  Il  acheta  dans  ce  but  à  Bernard  de  Mauquié, 
avocat  à  la  cour  présidiale,  trois  maisons,  dont  l'une  très  vaste 
était  entourée  d'une  vigne  et  d'un  jardin.  Ces  divers  immeu- 
bles, situés  au  faubourg  Saint-Gervais,  furent  payés  avec  une 
somme  de  2,000  livres,  que  Pierre  de  Castaing,  lieutenant 
principal  à  la  sénéchaussée  d'Armagnac,  avait  léguée  à  l'èvê- 
que  par  une  clause  spéciale  de  son  testament  du  13  février 
1678  (4).  Ils  étaient  limités  au  midi  par  une  vigne  apparte- 
nant au  syndic  des  Jacobins,  au  couchant  par  un  pâtus  com- 
munal, au  levant  par  diverses  maisons  qui  débouchaient  sur 
la  rue  du  Campardiné  et  au  nord  par  la  grande  rue  (2).  Mal- 
gré son  étendue,  cet  emplacement  était  encore  trop  restreint 
et  Hugues  de  Bar  obtint  en  1680,  de  la  communauté,  la  ces- 
sion d'une  certaine  quantité  de  terrain,  qui  lui  permit  d'en 
reculer  les  limites  du  côté  du  couchant  (3).  C'est  dans  ces 
conditions  que  l'évêque  entra  en  pourparlers  avec  la  congré- 
gation de  l'Oratoire,  et  que,  par  acte  du  1«'  juin  1681,  il 
revendit  aux  PP.  Vincent  Pelant  et  Louis  Darfeuille,  tant 
pour  eux  que  pour  leurs  successeurs,  au  profit  de  l'Oratoire 
et  de  la  commune  de  Lectoure,  la  maison  qu'il  avait  précé- 
demment achetée  à  M.  de  Mauquié  (4).  Les  Oratoriens  parais- 
saient décidés  à  prendre  possession  du  séminaire,  puisque 
quelques  mois  plus  tard  ils  se  rendaient,  concurremment 
avec  la  ville,  acquéreurs  d'une  maison  appartenant  à  la  veuve 
Chelle  et  contiguë  à  la  leur  (5). 

(1)  Labat,  notaire  à  Lectoure  (Etude  de  M*  Latour). 

(2)  Acte  du  30  avril  1680  (Id.). 

(3)  Record  du  26  décembre  1680. 

(4)  Labat,  notaire  à  Lectoure  (Etude  de  M*  Latour). 

(5)  Acte  du  10  septembre  1681,  même  notaire.  Cette  maison,  achetée  au  prix 
de  36  livres,  fut  payée  moitié  par  les  pères  de  l'Oratoire  et  moitié  par  la  ville  de 
Lectoure. 


I  -.  211  ~ 

Les  deux  établissements  d'instruction  dirigés  par  les  Doc- 
trinaires et  les  Oraloriens  se  seraient  complétés  l'un  par  l'au- 
Iro.  Malheureusement  des  obstacles  divers  empêchèrent  la 
réalisation  de  ce  projet^  qui  ne  fut  repris  qu'en  1743,  sans 
pouvoir  jamais  être  complètement  exécuté,  malgré  le  désir  et 
rinlérêt  de  la  ville,  nettement  étabhs  par  la  délibération  sui- 
vante, du  31  juillet  de  cette  année.  M.  Darribau,  premier  con- 
sul, y  expose  d'abord  que  l'évêque  veut  arriver  à  une  entente 
avec  les  Pères  de  l'Oratoire  relativement  aux  biens- fonds  que 
son  prédécesseur  Hugues  de  Bar  avait  laissés  pour  l'entretien 
du  séminaire  dont  il  avait  commencé  la  construction,  et  que 
les  arbitres  chargés  de  régler  cette  affaire  étaient  nommés. 

Il  n'est  personne,  ajoute-t-il,  dans  cette  assemblée,  qui  ne  sentît  et 
ne  vît  avec  douleur  que  la  maison  des  Pères  de  l'Oratoire  de  Con- 
dom  (1)  profitât  et  s'enrichît  d'un  bien  destiné  à  l'utillité  de  ceste  ville 
et  l'éducation  de  ses  enfans  et  donné  par  un  de  ses  évoques,  et  que  de 
l'autre  il  seroit  aizé  d'exposer  sous  les  yeux  de  Mgr  l'Evêque  tous  les 
avantages  en  détail  dans  un  mémoire  qui  luy  seroit  adressé  pour  en 
faire  l'uzage  que  sa  charité  et  son  zèle  trouveroit  à  propos,  et  qu'en 
veue  de  tous  ces  différents  objets  il  priait  la  communauté  de  délibérer 
si  dans  une  occasion  sy  intéressante  et  en  même  temps  si  favorable  il 
ne  conviendroit  pas  de  remercier  Mgr  l'Evoque  des  soins  qu'il  a  bien 
voulu  se  donner  jusques  icy  pour  procurer  à  la  ville  de  même  qu'au 
dioceze  rétablissement  d'un  séminaire  en  y  faizant  revenir  les  biens 
qu'un  de  ses  prédécesseurs  y  avoit  déjà  donnés,  de  même  qu'en  rappel- 
lant  leurs  revenus  qui  ont  été  si  injustement  perçus  et  employés  à 
toute  autre  destination  que  celle  pour  laquelle  M.  de  Bar  les  avoit 
baillés,  et  de  prier  en  même  temps  mon  dit  seigneur  evêque  de  conti- 
nuer ses  pieux  soins  affin  de  veoir  bientôt  la  fin  de  cette  affaire  et  l'éta- 
blissement de  ce  séminaire  désiré  depuis  sy  longtemps  par  cette  ville, 
en  l'assurant  encore  que  la  communauté  faira  toujours  ce  qui  dépendra 
d'elle  pour  remplyr  de  sy  sages  veues. 

Sur  quoy,  les  voix  recueillies  et  après  que  M.  Solaville-Bidon,  avo- 
cat et  substitut  de  M.  le  procureur  du  roy,  a  déclaré  qu'il  n'empechoit 

(1)  Les  revenus  de  TOratoire  de  Lectoure  étaient  de  342  livres  en  1728  et  de 
1,580  livres  en  1788.  Cf.  J.  Gardère,  Le  collège  de  Condom  sous  les  Oratorions 
{Rec,  de  Gascogne,  t.  xxvni,  p.  321). 


—  212  —        ' 

qu'il  fut  délibéré  sur  la  proposition  qu'il  reconnoissoit  très  avantageuse 
à  la  ville  et  au  dioceze,  et  que  d'ailleurs  il  n'y  avoit  rien  de  contraire 
aux  intérêts  du  Roy,  a  esté  délibéré  4'une  commune  voix,  et  par 
M.  Darribau,  conseiller  du  roy  et  consul  titulaire,  conclu  et  arresté,  en 
l'absance  du  maire,  que  Messieurs  les  Consuls  sont  priés  de  remercier 
très  respectueusement  Mgr  TEvesque  des  soins  qu'il  a  bien  voulu  se 
donner  jusques  icy  pour  l'établissement  du  séminaire  dans  ceste  ville, 
tachant  d'y  joindre  les  bien  et  revenus  que  M.  de  Bar  son  prédéces- 
seur y  avoit  déjà  donnés  et  de  supplier  mon  dit  seigneur  l'Evesque  de 
vouloir  bien  continuer  à  ceste  ville  les  soins  à  ce  sujet  et  faire  valoir 
les  raisons  qu'il  peut  avoir  pour  rappeler  les  revenus  qui  ont  déjà  esté 
perçus  par  les  Pères  de  l'Oratoire  et  l'assurer  en  même  temps,  de  la 
part  de  toute  la  communauté,  que  dans  ceste  occasion  comme  dans 
toute  autre,  elle  secondera  ses  veues  avec  un  zelle  aussi  vif  que  respec- 
tueux (1). 

Les  démarches  de  Robert  de  Beauforl  restèrent  infrac- 
tueuses  et  les  revenus  du  séminaire  de  Lectoure  furent, 
comme  ils  Tétaient  depuis  1710,  affectés  à  l'entretien  du  col- 
lège de  Gondom. 

Nous  ignorons  si,  avant  ou  depuis  les  premières  années 
du  xvni'  siècle,  les  Oratoriens  ont  résidé,  même  temporaire- 
ment, à  Lectoure,  où  ils  n'ont  laissé  aucun  souvenir;  ce  qu'il 
y  a  de  certain,  c'est  que  le  grand  séminaire  n'a  jamais  fonc- 
tionné, quoiqu'il  fût  possible  de  croirg  le  contraire  à  la  lecture 
des  obligations  imposées  aux  Clercs  dans  les  Ordonnances 
synodales  de  Robert  de  Beaufort  (2).  Ce  prélat  eut  pour 
successeur  Claude  François  de  Narbonne-Pelet,  qui  s'expri- 
mait ainsi  en  1747  : 

Nous  gémissons  de  nous  voir  nous-mêmes  dans  ce  diocèse  privés  de 
l'avantage  d'y  avoir  une  de  ces  saintes  maisons  (les  séminaires)  et 
Nous  sentons  d'autant  plus  vivement  cette  privation  que  nous  n'avons 
pas  lieu  de  nous  flatter  dans  les  circonstances  présentes  de  voir  jamais 
cet  établissement Nous  n'avons  point  de  séminaire  et  nous  ne 


(1)  Record  du  23  juillet  1743. 

(2)  Ordonnances  synodales,  1728,  p.  3. 


MARQUES  DE  VERRIERS     _^^^j_^ 


MARQUES  DE   VERRIERS 


MARQUES  DE  VERRIERS       „  , 


MARQUES  DE   VERRIE 

Rs       ,„ 

r^j-.i      . 

%, 
1 

i 

-/ 

Fi^.l 

r 

i 

r^y77FXXX 


OBJETS  PROVENAIS  DES  FC: 


'f 


ùprrTŒte  d'os 


(%  ij  ^^ 


M^/rre 


reppee  e/rtârri  urr  Uùcrr 


ee  en   ôromp 


\^-^'))  Pralfl 


4- 


*,- 


Revue  le  uisnBQUB 


Z5   DE  LA   HQURREEN  IXXO 


(0«i  i-i]  L  iJi^e  e/T  tp/ 


—  213  — 

voyons  pas  même  aucun  moyen  d'en  avoir  malgré  tous  les  mouve- 
ments que  s'est  donné  notre  digne  prédécesseur  pour  s'en  procurer 
un  (1). 

Le  grand  séminaire  n'existait  donc  pas  en  1747  et  rien  ne 
prouve  qu'il  ait  existé  antérieurement.  Les  constructions 
avaient  été  commencées,  puis  interrompues,  et  finalement 
inoccupées.  11  n'y  avait  à  Lecloure,  à  cette  date,  aucune 
communauté  d'oratoriens;  le  supérieur  du  collège  de  Con- 
dom  s'y  rendait  lorsqu'il  y  avait  lieu  d'affermer  les  immeu- 
bles appartenant  à  la  Congrégation.  C'est  dans  ce  but  que  le 
P.  Boyer  vint  le  19  janvier  1742  (2)  dans  notre  ville,  pour 
consentir  en  faveur  de  Bernard  Saint-Martin  «  hoste  »  un 
bail  à  location  de  deux  maisons,  granges  et  jardins  contigus 
au  séminaire,  avec  faculté  pour  le  preneur  de  se  servir  «  du 
»  courroir  d'entrée  »  dudit  séminaire.  Ce  droit  de  passage 
devait  prendre  fin  dans  le  cas  ou  le  P.  Boyer,  c'est-à-dire  les 
oratoriens,  viendraient  à  y  loger,  ou  bien  encore  si  M.  de 
Vitalis  avait  besoin  pour  une  cause  quelconque  de  l'utiliser 
à  son  profit.  Jean-Joseph  de  Vitalis,  chanoine  et  grand-archi- 
diacre de  Saint-Gervais,  administrait  les  revenus  du  sémi- 
naire (5)  et  gérait  les  propriétés  qui  en  dépendaient,  notam- 
ment la  métairie  de  La  Tuilerie,  que  Joseph  de  Vitalis,  orato- 
rien  et  vicaire  général  de  Hugues  de  Bar,  son  oncle,  avait 
acquise  de  Pierre  Ducasse,  juge-mage,  pour  en  faire  bientôt^ 
après  donation  à  l'établissement  projeté  (4).  La  terre  de  La 
Tuilerie,  située  près  de  la  forêt  du  Gajan,  contenait  environ 
54  concades  (^).  Elle  avait  appartenu  jadis  à  noble  Raymond 
de  la  Viguerie  et  à  Anne  de  Tillères,  qui  payaient  aux  consuls 

(1)  Ordonnances  synodales,  1747,  p.  62. 

(2)  Minutes  de  Barbalaue  notaire  à  Lectoure  (Etude  de  M*  Boue  du  Boislong). 

(3)  Actes  des  mars,  24  mars,  25  avril,  4  mai  1700,  5  février  1702,  4  juin  1756» 
3  mai  1758.  10  février  1760,  16  novembre  1764.  Labat  notaire,  et  24  mai  1760, 
Comin  notaire  (étude  de  M*  Latour). 

(4)  Acte  du  13  novembre  1690,  Gardey  notaire  à  Lectoure  (Etude  de  M*  Boue 
du  Boislong). 

(5)  Acte  de  8  septembre  1742,  Barbalaue  notaire  à  Lectoure.  (Id.). 

Tome  XXX.  15 


—  214  — 

de  Lecloure  une  somme  annuelle  de  54  sols  pour  droit  de 
fief  et  directe  (1).  Le  P.  Arnaud  Caillons,  représentant  TOra- 
toire,  se  rendait  à  Lecloure  le  5  mai  1722  (2)  et  le  i  janvier 
1724  (3),  pour  stipuler  au  profit  de  sa  congrégation  une  rente 
de  quinze  livres,  qui  lui  était  consentie  par  noble  Joseph  de 
Pérès,  seigneur  de  Hustarcau.  Toutes  les  propriétés  du  sémi- 
naire étaient  affermées  à  des  particuliers,  qui  en  jouissaient  en 
fabsence  des  Oratoriens.  Le  jardin  contigu  aux  bâtiments  (4) 
était  loué  à  une  femme  nommée  Marquèze,  à  qui   Marie 
Michelle  de  Fillol  de  Caillavet,  veuve  d'Alexandre  de  Mun, 
marquis  de  Sarlabous,  légua  le  24  janvier  1749  six  chemises 
et  «  son  vieux  câpuçon  de  Barraquan  (3).  »  Les  maisons 
voisines  étaient  affermées  à  un  voiturier  nommé  Dominique 
.  ^^      —  Cabiran  (G),  et  les  directeurs  de  la  tannerie  royale  de  Lectoure 
y^  1^2^  —         autorisés  à  emmagasiner  dans  les  bâtiments  du  séminaire 
m^ti^L^  ;  J^      '^^  écorces  nécessaires  à  leur  industrie.  Ils  occasionnèrent 
X/^        -g-^^par  ces  dépôts  des  dégâts,  qui,  après  transaction  entre  Jean- 
y  ^  Joseph  de  Vitalis  et  Jean-Antoine  Maurin,  caissier  de  la  laii- 

•    J  ><    nerie,  agissant  au  nom  des  frères  Duclos,  banquiers  à  Tou- 
**^      *-       louse,  furent  évalués  à  la  somme  de  1,500  livres  (7).  Le  P. 
^  •*^^'^^  ^''^ Jean- Antoine  Fairin,  supérieur  de  fOratoire  de  Condom,  se 


éiJ^^  rendit  à  Lectoure  le  21  juin  1785,  comme  ses  devanciers, 
-Jf*JU^i*t^v  pour  affermer  la  métairie  du  Frandat,  qui  appartenait  à  sa 
^7^  ^ji^_//- congrégation  (8). 

-Jl/  J^U-  •.^?^   K^     ^1)  f^ç^^  ^^  21  mars  1540,  devant  Fabry,  et  du  IG  février  1617,  devant  Bôgué, 

*"      y^j^^  ,-  ->*<*  ^notaires  à  Lectoure. 

_— c77'>»*^  -^  ^^  Minutes  de  Dumoulin,  notaire  de  Saint- A  vit  (Etude  de  M'  Salles). 

^  (3)  Minutes  de  Barbalane,  notaire  i\  Lectoure  (Ltude  de  M'  Houl^  dïi  Bois- 

long). 

(4)  Ce  jardin  dépend  actuellement  du  couvent  des  sœurs  de  la  Providence 
de  Gap. 

(5)  Testament  retenu  par  Comin.  notaire  à  Lectoure   (Etude  de  M'  Salles). 

(6)  Acte  du  17  avril  1757,  Comin,  notaire  à  Lectoure  (Etude  de  M'  Salles), 
Procuration  du  F.  Zacharic  Bordes,  sup;''ricur  de  l'Oratoire  de  l'ondom  en  faveur 
de  Jean-Joseph  de  Vitalis,  en  date  du  20  juillet  1761  (l'ugens  notaire  à  Condom, 
Arch.  de  NL  IMieux). 

(7)  Acte  du  25  février  1762,  (^omin  notaire  (Etude  de  M'  Salles). 

(8)  Labat  notaire  à  Lectoure,  étude  de  M*  l^tour.  Cette  métairie  était  affer- 
mée pour  le  prix  de  1,500  livres,  10  paires  d'oies  et  10  paires  de  dindons. 


—  215  — 

n  résulte  de  ce  que  nous  venons  de  dire  que  les  Doctri- 
naires restèrent  les  maîtres  absolus  de  renseignement  secon- 
daire à  Lectoure.  Leurs  élèves  devaient  être  nombreux  et  la 
plus  grande  partie  d'entre  eux  payait  une  rétribution  volon- 
taire, dont  le  produit  permit  aux  Religieux  de  faire  des  acqui- 
sitions territoriales  dont  les  Archives  municipales  ont  gardé 
la  mention.  On  lit,  en  effet,  dans  le  Livre  Terrier  du  dedans 
de  Lectoure  pour  1683-85  (1)  : 

Les  Pères  de  la  Doctrine  tiennent  métairie  à  Capdaroc  contenant 

1  conquade  59  sols;  —  une  vigne  au  même  lieu  contenant  46  sols;  — 
une  maison,  métairie,  jardin,  bois,  champs  et  vignes  à  Bartherote  con- 
tenant 14  conquades  48  sols;  —  pré  à  Lacoustère  contenant  7  sols;  — 
métairie,  jardin...  aux  Coutoulis,  contenant  57  sols;. pré  à  la  rivière 
de  Boulouch  contenant  1  conquade  34  sols. 

Et  dans  le  Livre  des  Charges  et  Décharges  du  Tenier  pour 
le  dedans  de  Lectoure  pour  1682-85  (2)  : 

Les  Pères  Doctrinaires  pour  une  métairie  payent  au  simple  18  sols 

2  deniers;  —  plus  pour  la  métairie  de  Boulouch,  acquise  de  M.  de 
Castaing,  contenant  29  conquades  13  sols,  payent  1  hvre  18  sols 
7  deniers;  —  le  9  janvier  1692  sont  chargés  d'une  maison  achetée  par 
eux  à  Arnaud  Darmaignac  le  16  avril  1686;  —  le  6  juin  1700  sont 
chargés  de  13  journaux  1/4  de  vigne,  acquis  à  Géraud  Montassin  par 
contrat  du  6  décembre  1793 retenu  par  Barbalane  notaire;  —  Le  6  juin 
1700,  sont  chargés  de  46  sols  de  pré  parla  rivière  de  Boulouch,  acquis 
aux  héritiers  de  M.  de  Maignas  par  contrat  du  6  décembre  1693;  — 
le  27  juin  1703,  de  18  sols  de  vigne  à  eux  vendus  par  les  héritiers  de 
Barthuet;  —  le  3  juin  1703,  chargés  de  7  sols  de  jardin  à  Capdaroc, 
acquis  de  Je^n  Dubarry  ;  — le  8  avril  1709,  chargés  de  33  soi»  de  vigne, 
contrat  du  8  mars  1709,  retenu  par  Barbalane  notaire. 

Ces  divers  achats  éveillèrent  l'attention  des  consuls,  qui  se 
souvinrent  qu'aux  termes  du  contrat  du  12  octobre  i630  les 
Doctrinaires  étaient  tenus  de  diminuer  la  rente  à  eux  faite  par 
la  communauté  au  prorata  du  revenu  des  biens  qu'ils  pour- 

(1)  Page  166. 

(2)  Page  56. 


—  216  — 

raient  acquérir.  Plusieurs  habitants  s'étaient  plaints  de  ce  que 
celte  diminution  n'avait  pas  été  effectuée  et  MM.  Dupin  et  de 
Bastard  chanoines,  Belin  avocat  et  Saint-Avit  consuls  furent 
chargés  d'examiner  quelle  pouvait  être,  à  ce  sujet,  l'étendue 
des  droits  de  la  communauté  (!)•  Aucune  suite  ne  fut  donnée 
à  ce  projet  et  les  Pères  continuèrent  à  toucher  l'intégralité  de 
leur  rente.  Un  vote  de  la  jurade  leur  permit,  quelques  années 
plus  tard,  de  recevoir  des  pensionnaires  ou  internes  vivant 
et  couchant  dans  la  maison  (2).  C'est  probablement  pour 
faciliter  à  ces  élèves  le  moyen  d'aller  dans  les  jardins  situés 
au  nord  du  collège,  que  hs  Doctrinaires  demandèrent  à  la 
municipalité  l'autorisation,  qui  leur  fut  accordée,  de  cons- 
truire un  arceau  sur  la  rue  de  Reillas  (3). 

L'histoire  des  congrégations  religieuses  chargées  de  la  direc- 
tion des  établissements  d'instruction  publique  se  lie  intime- 
ment à  l'histoire  de  ces  établissements  eux-mêmes,  de  telle 
sorte  que  l'une  complète  l'autre.  C'est  à  raison  de  cette  Iden- 
tification entre  le  collège  de  Lectoure  et  ses  professeurs  que 
nous  nous  permettons  d'analyser  en  quelques  lignes  le  rôle 
joué  par  les  Doctrinaires  pendant  la  période  du  Jansénisme. 
Robert  de  Beaufort  voulait  à  tout  prix  faire  accepter  la  cons- 
titution Unigenitus  par  les  prêtres  séculiers  ou  réguliers  et  par 
les  communautés  religieuses  de  son  diocèse.  Il  ne  put  réussir 
dans  son  dessein  et  nous  savons  combien  fut  vive  la  résis- 
tance de  certains  ecclésiastiques.  Celle  des  Carmélites  dura 
pendant  de  longues  années  et  les  disciples  de  César  de  Bus 
ne  se  montrèrent  pas  moins  récalcitrants  que  les  filles  de 
sainte  Thérèse  (4). 

Le  Chapitre  général  des  Pères  de  la  Doctrine  chrétienne 


(\)  Record  du  12  juin  1718. 

(2)  Record  du  10  mai  1733. 

(3)  Record  du  19  décembre  1734.  La  môme  autorisation  fut  accordée  ce  jour- 
là  aux  Pères  Cordeliers. 

(4)  A.  Plieux.  Notice  sur  le  monastère  des  Carmélites  de  Lectoure,   1887, 
p.  43  et  suivantes. 


—  217  — 

s'ètanl  réuni  le  9  mai  i723  sous  la  surveillance  de  M.  Bignon, 
intendant  de  Paris,  chargé  comme  commissaire  du  roi  de 
faire  signer  par  tous  les  capitulants  un  formulaire  d'adhésion, 
plusieurs  assistants  et  dignitaires  de  la  Congrégation  refusè- 
rent d'y  souscrire.  Cet  exemple  venu  de  haut  ne  pouvait 
qu'encourager  la  résistance  des  religieux,  qui  se  divisèrent 
en  deux  partis  :  celui  des  adhérants  et  celui  des  rôfractaires 
ou  anti-bullistes.  L'évêque  de  Lecloure  trouva  chez  les  Pères 
du  collège  une  opposition  à  laquelle  il  ne  s'attendait  pas. 
N'ayant  pu  réussir  par  la  persuasion  à  leur  faire  accepter  la 
bulle  de  Clément  XI,  il  leur  montra  les  instructions  du  car- 
iWwdl  de  Bissy  cl  la  liste  des  couvents  de  Bénédictins  mitigés 
dans  lesquels  il  avait  la  faculté  de  les  exiler;  il  les  menaça 
(lu  cachot  et  de  la  justice  impitoyable  du  régent,  mais  ce  fut 
en  vain.  Les  PP.  Pagez,  Sellier  et  Décis  restèrent  inébranla- 
bles; aussi  durent-ils  quitter  nuitamment  la  ville,  afin  d'éviter 
les  poursuites  de  Robert  de  Beaufort,  et  se  réfugier  dans  le 
diocèse  de  Condom  (1).  Les  chaires  dans  lesquelles  les  Doc- 
trinaires avaient,  pour  ainsi  dire,  acquis  le  monopole  de  la 
prédication,  leur  furent  interdites,  et  l'évêque  leur  déclara 
nettement,  en  leur  retirant  leurs  pouvoirs,  qu'ils  étaient 
désormais  des  ouvriers  inutiles  dans  son  diocèse  (2).  La  lec- 
ture du  mandement  épiscopal  du  21  janvier  1750  dans  la 
chapelle  du  collège  occasionna  un  véritable  scandale.  Le  P. 
Lespinasse  refusant  d'en  entendre  la  lecture,  quitta  bruyam- 
ment sa  place  et  fut  suivi  dans  sa  retraite  par  les  PP.  Catu- 
gicr  et  Dohnière  (3).  Ils  se  rétractèrent  peu  après  et  firent 
amende  honorable,  mais  cette  rétractation  n'était  pas  sincère 
ot  ne  dura  pas  longtemps.  Le  P.  Catugier,  professeur  de  phi- 
losophie et  prédicateur  distingué,  écrivit  à  l'évêque  une  lettre 
dans  laquelle  il  lui  déclarait  ne  point  reconnaître  le  formulaire 


(1)  Nouccllca  ccclésiastiquos  du  2  juin  1723. 
{Z)  Id.  du  31  mai  1731. 

(3)  .  Id.  du  3  juillet  1730. 


—  218  — 

qu'il  avait,  disait-il,  signé  sous  Tinfluence  de  la  peur  el  par 
conlrainlc.  Cette  lettre  provoqua  chez  Kobert  de  Beauforl 
une  si  vive  irritation,  qu'ayant  rencontré  le  P.  Catugier  dans 
la  chapelle  du  couvent  de  Sainte-Claire,  il  ne  put  s'empêcher 
de  lui  adresser  les  observations  les  plus  sévères  : 

Mgr  révêque  étant  allé,  disent  les  Noucelles  ecclésiastiques^  célé- 
brer la  messe  dans  Téglise  des  religieuses  de  Sainte-Claire,  le  jour  de 
la  fête  de  cette  sainte,  trouva  dans  la  sacristie  le  professeur  de  philoso- 
phie des  Doctrinciires,  qui  se  préparait  aussi  à  dire  la  messe  :  «  Que 
faites-vous  ici,  lui  dit  le  Prélat  d'un  ton  de  colère?  »  —  Le  Doctrinaire 
répondit  qu'il  priait  Dieu.  —  L'évêque  :  «  Vous  fairez  bien  de  ne  pas 
dire  la  messe  ici;  il  ne  convient  pas  à  des  gens  qui  ne  sont  pas  soumis 
au  Pape,  à  TEglise,  au  Roi,  aux  Evoques  d'approcher  de  Tauiel  el  de 
se  trouver  avec  leur  évêque  à  qui  ils  refusent  de  se  soumettre  de  cœur 
et  d'esprit.  »  (Comme  le  Doctrinaire  voulait  se  justifier)  :  «  Puisque 
vous  n'êtes  pas  de  la  religion  de  votre  évoque,  reprit  le  Prélat,  tenez- 
vous  enfermé  chez  vous  et  n'en  sortez  pas.  »  —  «  Monseigneur,  repar- 
tit le  Doctrinaire,  il  est  permis  de  prier  Dieu  partout  et  je  suis  venu  ici 
pour  cela.  »  —  L'Evêque  :  «  Il  faut  édifier  avant  que  de  monter  à  Tau- 
tel.  »  Le  Père,  craignant  de  l'irriter  davantage,  se  priva  de  dire  la 
messe,  entendit  celle  du  Prélat  avec  sa  permission  et  se  retira  (1). 

Ces  luttes  des  Pères  contre  Tévêque  d'une  part,  et  des 
Pères  entre  eux  d'autre  part,  devaient  fatalement  nuire  à  la 
discipline  du  collège.  La  classe  de  philosophie  n'était  plus 
faite  avec  régularité  el  les  professeurs  négligeaient  les  exerci- 
ces de  la  doctrine  voulus  par  Tusage  et  prévus  par  les  règle- 
ments. Les  écoliers  se  plaignirent  à  la  municipalité;  M.  Des- 
camps, premier  consul,  rappela  le  P.  Recieur  à  ses  obliga- 
tions, et  le  menaça,  en  cas  de  récidive,  d'une  poursuite 
devant  le  sénéchal  (2).  Ce  désordre  ne  fut  que  passager;  les 
Pères  exilés  furent  remplacés  plus  tard  par  de' meilleurs  sujets 
demandés  par  les  consuls  (3),  mais  ils  étaient  sous  le  coup 


(1)  Nouccllca  ecclésiastiques  du  16  octobre  1733. 

(2)  Record  du  16  mars  1727. 
/  (3)  Record  du  8  juin  1755. 


—  219  — 

des  plus  grandes  inquiétudes  et  ils  craignaient  de  voir  leur 
collège  lie  Lect ou re  fermé,  comme  celui  d'Aix,  par  ordre  du 
roi  (1),  D'un  autre  côté,  leurs  élèves  n'étaient  admis  dans 
!es  grands  séminaires,  notamment  dans  celui  d'Aucli,  qu'après 
avoir  écrit  deux  traités  dogmatiques  sous  la  surveillance  des 
Jésuites  et  souvent  même  ils  étaient  refusés  de  piano  par  le 
seul  fait  qu'ils  venaient  du  collège  des  Doctrinaires  (2).  Les 
jeunes  clercs  étudiants  en  philosophie  étaient  rigoureusement 
examinés  par  les  vicaires  généraux  du  diocèse  de  Lectoure, 
notammciU  par  M.  Boubée  de  Lacouture,  grand-vicaire  et 
cTiré  de  la  paroisse  du  Saint-Esprit,  que  les  ecclésiastiques 
avaient  surnommé  Quinqucnnium  parce  que  pendant  cinq 
ans  il  avait  étudié  sans  succès  la  philosophie  et  la  théologie. 
Les  Doctrinaires,  quoique  très  prévenants  et  pleins  de  cour- 
toisie vis  à  vis  de  Mgr  de  Beaufort,  ne  purent  jamais  obtenir 
ses  bonnes  grâces  et  pendant  tout  son  épiscopat  il  refusa  de 
renouveler  leurs  pouvoirs.  Le  P.  Catugier,  nommé  recteur  du 
collège,  fut  oblige  d'abandonner  ses  fondions  avant  le  terme 
rôglemelitaire  et  le  P.  Baric,  recteur  en  1744,  ayant  fait  prê- 
cher une  mission  par  ses  confrères,  dut  Tinterrompre  à  cause 
d'un  discours  dont  Tévêque  n'approuva  ni  le  fond  ni  la 
forme.  Le  P.  Baric  s'excusa  et  prêcha  devant  le  prélat  un 
sermon  très  orthodoxe  sur  la  foi,  mais  ce  fut  inutile.  Le  P. 
Larlal,  recteur  et  curé  de  Nérac,  directeur  de  la  mission,  ayant 
déplu  à  révéque,  dut  quitter  Lectoure  malgré  les  démarches 
de  son  conlrère.  La  procession  générale  qui  suivit  la  clôture 
anticipée  de  la  mission  s'arrêta  dans  toutes  les  églises  de  la 
ville  sauf  dans  celle  des  Doctrinaires,  malgré  l'avis  du  Cha- 
pitre  et  sur  l'ordre  formel  de  Mgr  de  Beaufort  (3).  La  division 
régnait  entre  les  Pères  du  collège  eux-mêmes  et,  pendant  son 
rectoral,  le  P.  Catugier  eut  les  discussions  les  plus  violentes 


(1)  NotLccllos  cticlcsùastiquos  du  28  septembre  1732. 

(2)  Id.  du  12  juUlct  1737. 

(3)  Id.  du  23  octobre  1745. 


—  220  — 

avec  son  confrère  le  P,  Denux,  qui  n'était  pas  encore  prêtre  et 
que  Mgr  de  Beaufort  voulait  ordonner  malgré  ropposition 
des  supérieurs.  Plusieurs  plaintes  furent  adressées  par  le  P. 
Denux  et  par  Févêque  au  P.  Caragues,  alors  provincial,  qui 
déplaça  le  premier  sans  lui  accorder  la  satisfaction  qu'il  dési- 
rait (i). 

Le  P.  François  Goulard,  ancien  élève  du  collège  de  Lec- 
toure,  né  dans  celle  ville  cl  mort  à  Nérac  le  19  juin  1746, 
âgé  de  70  ans,  fut  un  des  adversaires  les  plus  ardents  de  la 
Bulle  Unigenitus  et  des  «  constitutionnaires.  »  Il  fit  une  propa- 
gande très  active  à  Lectoure,  où  sa  qualité  de  religieux  et  ses 
attaches  de  famille  lui  donnaient  une  influence  considérable. 
Ses  fonctions  principales  consistaient  à  visiter  les  pauvres  à 
domicile,  à  leur  faire  des  aumônes  et  a  leur  distribuer  des 
livres  de  piété.  Il  dut  abandonner  Lectoure,  comme  il  avait 
déjà  quitté  Villefranche,  par  suite  de  son  hostilité  avec  Tau- 
torilé  diocésaine  (2).  Le  P.  Reniai  au  contraire,  qui  préférait 
à  sa  chaire  d'humanités  le  rectorat  de  Ncrac,  qu'il  obtint 
plus  tard,  donnait  et  retirait,  suivant  les  circonstances,  Tadhè- 
sion  que  lui  demandait  Mgr  de  Narbonne-Pelct  (3).  Ce  reli- 
gieux fut  un  des  derniers  opposants  et  son  départ  pour  le 
collège  de  Nérac,  où  il  fut  nommé  recteur  vers  1755,  rétablit 
la  paix  parmi  les  Doctrinaires  de  Lectoure. 

A.  PLIEUX. 

(4  suivre.) 


(1)  Noacellcs  ccclèsiastiqtœs  du  24  avril  1746. 

(2)  Id.  du  15  octobre  1748. 
(3>                      Id.  du  24  avril  1751. 


L'ABBAYE  DE  FLARAN 


II 

PARTIE  HISTORIQUE  (Suite^) 


Xir    SIÈCL.B 

Le  premier  abbé  de  FlarâD,  celui  gui  fut  institué  en  115i 
par  Bernard,  premier  abbé  de  TEscale-Dieu,  fut  Guillaume, 
le  même  que  nous  avons  vu  précédemment  recevoir  les  dona- 
tions de  Forton  del  Til  jusqu'en  1161.  —  Wilklmus,  aut 
primus  aut  fere  primus,  Flaranensi  ccmobio,  dit  Dom  Es- 
tiennot  (1),  jam  prœerat  anno  MCLV,  quo  Porto  del  TU 
dédit  Deo  et  Beatœ  JUariœ  de  Flarano  ac  WUlelmo  abbati 
quœdam  apud  Filet,  quœ  auxit  annis  JUCLVIJ  et  MCLVIII,  imo 
et  MCLXj  in  manu  Willelmi  archiepiscopi  auxitani.  —  Et 
il  ajoute  qu'en  Tannée  1162  le  pape  Alexandre  ill  accorda 
au  monastère  de  Flaran  des  privilèges  considérables,  ainsi 
qu'il  résulte  d'une  bulle,  dont  il  ne  donne  malheureusement 
dans  ses  Probaliones  que  de  courts  extraits  (2). 

(•)  Voir  ci-dessus,  p.  115. 

(1)  Dom  Estiennot.  Bibliothèque  nationale.  Mss.  fonds  laUn,  n*  12,752,  f  188. 

(2)  Idem,  Probationes,  f*  451.  —  «  Alexander,  episcopus  servonim  Dei,  dilectis 
flliis  Willelmo,  abbati  monasterii  de  Flarano,  ejusque  fratribus  tara  praesentibus 
quam  futuris  regularem  vitain  professas  in  perpetuum.  Justis  religiosorum  desi- 

deriis,  etc In  quibus  lucc  propriis  duximus  exprimenda  vocabulis  :  grangiam 

de  Serre,  grangiam  de  Serra,  terram  ad  Pontras,  terram  de  Quinrelens  sane 

novalium Ego  Alexander  catholicae  ecclesiae  episcopus;  Ego  Grcgorius  Sabi" 

nensis  episcopus;  Ego  Hubaldus,  Hostiensis  episcopus;  Ego  Hubaldus,  pres- 
biter  cardinalis  tituU  Sancti»  Crucisin  Jérusalem;  Ego  Albertus, presbiter  cardi- 
nalis  lituliSancti  Laurentii  in  I.ucina;  Ego  Gatherius,  Albanensis  episcopus; 
Ego  Jacinthus,  diac.  card.  S.  Marise  in  Cosm.  ;  Ego  Bosco,  Diaconus  card. 
S.  Cosmae  et  Damiani. 

Datum  apud  Dolum,  per  manum  Hermani  S.  R.  E.  subdiaconi  notar.  xvi  kal. 
octobris  et  Inoamationis  Domini  anno  mclxii,  pontiflcatus  vero  Domini  Alexau- 
dri  PP.  III,  anno  m.  » 


—  222  — 

Le  second  abbé  de  Flaran  fut  Etienne,  déjà  mentionné 
dans  les  donations  précédentes  de  Forton  del  Til,  en  1471, 
1173  et  1173.  «  Ce  fut  de  son  temps,  nous  dit  Dora  Brugè- 
les,  qu'Arnaud  de  Roger,  évéque  de  Comminges,  légua  au 
monastère  de  Flaran  soixante  sols  Morlas,  par  son  testament 
vers  Tan  1177.  » 

Voici  le  passage  que  Dom  Esliennot  consacre  à  ce  second 
abbé  de  Flaran  : 

Stephanus  Flaranensis  memoratur  abbas,  amiis  mclxxiii,  mclxxv 
et  aliis,  quo  sedente,  et  assenticnte  Geraldo  archiepiscopo  Auxitauo, 
prœfatns  Forto  del  Til  quasdam  terras  dimisit.  Vixit  aut  cessit  aiino 
MCLXXV  Stephanus  abbas  noster  (1). 

Sous  le  gouvernement  de  cet  abbé,  Tabbaye  de  Flaran  prit 
déjà  un  accroissement  considérable.  Nous  pensons  que  c'est 
pendant  sa  vie  que  fut  commencée  Tédification  de  TEglise. 

Elle  fui  achevée  en  tous  cas  sous  le  gouvernement  du  troi- 
sième abbé.  Angevin,  que  nous  révèlent  les  donations  précé- 
dentes et  dont  Dom  Estiennot  fait  également  mention  dans 
son  texte  manuscrit  : 

Angeviims  memoratur  Flarani  abbas,  amio  mclxxvi,  quo  B.  de 
Rocafremia  monachum  induit  in  Flarani  cœnobio  et  normulla  cessit. 
Regebat  adliuc  anno  mclxxx,  quo,  Geraldo  archiepiscopo  auxilano 
volerite  et  approbante,  Forto  del  Til  quœdam  apud  Filet  possidenda 

■ 

dimisit  (2). 

Cet  abbé  devait  être  encore  à  la  tête  du  monastère  de  Fla- 
ran lorsque  le  pape  Grégoire  Vil  octroya,  le  2  novembre 
1187,  à  la  maison-mère  de  TEscale-Dieu  une  importante 
bulle  de  confirmation  de  toutes  ses  possessions.  Dans  la  liste 
des  monastères  français  de  sa  filiation  nous  relevons  les 
noms  de  «  Gavardosa,  Capadur,  Masseube,  Montsalut,  Por- 
toglione  ou  Bouillas  et  Flaran.  «  Abbatiam  de  Flarano,  cnm 
grangiis,  decimLs,  premitiis  el  omnibus  appendiliis  suis.  »  En 

(1)  Bib.  nat.,  fonds  laliii,  ii'  12.752,  folio  1S8. 

(2)  Idem. 


—  223  — 

outre  le  pape  réglemente  tous  les  droits  et  devoirs  des  abbés 
de  cette  importante  maison;  et  il  assujettit  à  sa  règle  toutes 
celles  qui  en  dépendent,  par  conséquent  Flaran  (1). 

XII  !•   SIECLE 

Serail-ce  Gilbert,  celui  dont  le  Gallia  Christiana  dit  qu'il 
vivait  de  temps  de  Géraud,  comte  d'Armagnac  (Géraud  IV, 
mort  en  i2i9),  qui  succéda  à  Angevin  et  fut  par  suite  le 
quatrième  abbé  de  Flaran?  Dom  Brugèles  n'indique  pas  son 
nom.  Il  dit  simplement  «  que  Tabbé  de  Flaran  qui  vivait  en 
1220,  eut  un  long  procès  contre  le  chapitre  d'Auch,  qui  fut 
terminé  par  la  médiation  de  Garcîe  de  THort,  archevêque 
d'Auch.  »  Nous  trouvons  dans  le  Cartulaire  blanc  du  chapitre 
de  Sainte-Marie  d'Auch  (2),  tous  les  détails  relatifs  à  cette 
affaire.  Il  s'agissait  de  droits  sur  certaines  paroisses  que 
réclamaient  les  religieux  de  Flaran.  Deux  sentences  arbitrales 
furent  rendues  à  ce  sujet,  l'une  en  1220,  l'autre  en  1247. 

Dans  la  première,  rendue  par  Garsias,  archevêque  d'Auch, 

Ledit  seigneur  Garsias,  réformant  autre  sentence  arbitrale,  rendue 
par  son  prédécesseur  Guillaume  d'Andozille,  archevêque,  qui  avait 
condamné  lesdits  abbé  et  religieux  de  Flaran  à  payer  annuellement  au 
chapitre  d'Auch  la  pension  de  vingt  conques  de  bled,  pour  la  quarte 
des  dîmes  de  Saint-Jean  de  Flaranet  où  est  bastie  ladite  abbaye,  et 
autres  dismes  et  églises  qui  sont  en  nombre  désignées  dans  ladite  sen- 
tence, condamne  lesdits  seigneur  abbé  et  religieux  à  payer  audit  chapi- 
tre d'Auch  le  fief  ou  pension  annuelle  de  cinquante  sols  morlas  pour 
lesdites  dimes Datée  de  l'an  1228,  sous  le  pape  Honoré  III,  Phi- 
lippe roy  de  France. 

Le  procès  s'étant  réengagé  quelques  années  plus  tard,  une 
seconde  sentence  arbitrale  fut  rendue,  en  1247, 

par  Garsie,  sacriste  de  l'Eglise  Sainte- Marie  d'Auch,  et  frère  Jacques, 
religieux  de  Berdoues,  qui  adjuge  au  chapitre  les  entières  dimes  des 

(1)  Archives  de  l'Escale -Dieu.  Ce  document  de  premier  ordre  est  reproduit  in 
extenso pdiT  M.  Bascle  de  Lagrèze,  dans  sa  Monographie  de  V Escale-Dieu,  p.  104. 

(2)  Archives  départ,  du  Gers,  C.  18. 


—  224  — 

églises  de  Cezan  ou  Cezeran,  de  Sainte-Gemme  et  de  Cossian;  et  qui 
condamne  ledit  abbé  de  Flaran  à  payer  au  chapitre  d'Auch  la  même 
rente  au  fief  de  50  sols  morlas  pour  les  autres  dimes  et  églises  spéci- 
fiées dans  la  sentence  de  1220. 

En  revanche  Tabbé  de  Flaran  continuera  de  posséder  les 
églises  d'Àulan  et  de  Gimbile,  avec  toutes  leurs  dimes,  et  il 
restera  en  possession  des  églises  en  litige  de  Marambat,  Las- 
serre  et  Saint-Jean  de  Lasse.rre.  La  présente  sentence  fut  ren- 
due en  juini247,  dans  le  cloître  de  Téglise  Sainte-Marie  d'Auch, 
en  présence  de  G.  officiai  d'Auch,  frère  Jacques  de  Caslelnau, 
moine  de  Berdoues,  Bernard,  vicaire  perpétuel  de  Gavarret,  For- 
tins Garsie,  greffier  de  Fofficial,  et  de  plusieurs  autres.  Elle  était 

Scellée  du  sceau  du  chapitre  en  cire  noire  où  il  paraît  une  effigie  de  la 
Vierge,  et  de  celui  de  l'abbaye  de  Flaran,  aussi  en  cire  noire,  autour 
duquel  est  écrit  :  S*  Flaranensia  abbatiœ,  avec  une  main  au  milieu 
tenant  une  crosse;  lesdits  deux  sceaux  pcudans  à  deux  lacs  de  soye  : 
écrite  en  une  grande  feuille  de  parchemin,  en  caractère  gothique  (1). 

Cet  acte  de  1247  ne  désigne  que  par  la  lettre  L.  le  nom  de 
Tabbé  de  Flaran. 

Au  pied  du  mur  oriental  de  la  dernière  absidiole  de  droite 
de  réglise  de  Flaran  se  trouve  encore,  cachée  modestement 
sous  des  touffes  de  lierre,  Tinscription  suivante  : 


fANNO       AB       IN       CARNA 


TIONE       DNI       M       ce       XX       VII 


XIIII      KL      IVLll      VI      SCI      LC      FR      NR 


OBIIT      VITALIS      DE 


PRIOR      FL. 


Notre  savant  ami,  M.  Adrien  Lavergne,  qui  Ta  reproduite 
dans  son  dmipte-rendu  de  rexcursion  de  la  Société  fran- 


(1)  Cartulaire  blanc  du  chapitre  do  Sainte-Marie  d'Auch.  —  Voir  aussi  les 
Matiascrits  d'Aignan,  t.  iv,  Pièces  Justijîcatices,  p.  1,365. 


—  225  — 

çaise  d'archéologie  dans  le  déparlement  du  Gers  en  1881  (1), 
la  traduit  ainsi  : 

L'aa  de  rincarnation  du  Seigneur  1227,  le  14®  jour  avant  les  Kalen-  ■ 

des  de  juillet  (18  juin),  veille  de  saint ,  mourut  notre  frère  Vital 

de....,  prieur  de  Flaran. 

Le  cinquième  abbé  fui  Arnaud  de  Montesquiou.  Sous  son 
gouvernement  les  terres  de  Tabbaye  furent  ravagées  par  Cen- 
tulle  V%  comte  d'Astarac,  alors  sans  doute  qu'il  combattait . 
pour  le  comte  de  Toulouse  contre  les  Croisés  et  les  armées 
du  roi  de  France.  L'abbé  de  Flaran  porta  plainte  en  1228 
contre  lui  à  Tarchevêque  d'Auch  Amanieu,  qui,  lui  donnant 
raison,  excommunia  le  comte  jusqu'à  ce  qu'il  eût  dédommagé 
Tabbaye  (2).  On  sait  quel  zèle  ce  prélat  montra  à  combattre  les 
hérétiques,  et  comment  il  institua  en  Gascogne  Tordre  de  la 
Foi.   Cen tulle  fit  sa  soumission,  non  seulement  à  Tarche^ 
vêque  et  à  Fabbé  de  Flaran,  mais  encore  au  roi  de  France. 
Bientôt  même,  il  se  fit  pardonner  ce  dernier  acte  par  Ray- 
mond,  comte  de  Toulouse,  qui  lui  donna  le  château  de  Saint- 
Puy,  et  en  outre  tous  les  droits  qu'il  possédait  sur  les  châ- 
teaux de  Saint-Orens,  de  Caussens  et  de  Béraut,  voisins  de 
Tabbaye  de  Flaran.  Dans  son  testament,  qui  doit  être  de  l'an- 
née 1230,  le  comte  d'Astarac,  pénétré  sans  doute  de  remords, 
lègue,  entre  autres  abbayes,  à  l'abbaye  de  Flaran  cent  sols 
Morlas  afin  que  les  moines  prient  Dieu  pour  lui  :  A  Flaran, 
c  sols  de  Morlas,  que  preien  Dieu  per  mi  (3). 

L'année  suivante,  en  1231,  le  cartulaire  de  l'abbaye  de 
Gimont  mentionne  un  abbé  de  Flaran  dans  un  arrangement 
passé  avec  Vital,  abbé  de  Berdoues. 

(1)  Reoue  de  Gascogne,  1883. 

(2)  Voici  à  cet  égard  ce  qu'écrit  Dom  Estiennot  :  «  Ârnaldus  de  Montesquivo, 
gentehujusnominisin  Novempopulanianobili,  Flaranumregebatanno  mccxxviii, 
que  congressus  est  apud  Amaneum  auxitanum  archiepiscopum  quod  Centullus, 
Astaraci  Cornes,  bona  Flaranensis  cœnobii  invaserat.  Monuit  eum  super  hoc 
Domiuus  archiepiscopus,  et  quia  prsedicta  bona  restituere  noluit,  eum  excommu- 
nicavit.  Sed  facti  penitens>  injuste  rapta  reddidit  et  absolutus  est.  (Ex.  ms.  eodem 
aquensi).  » 

(3)  Monlezun.  Tome  vi,  p.  338,  testament  du  comte  d'Astarac. 


—  226  — 

Mais  l'acte  le  plus  important  de  tout  ce  siècle  pour  Tab- 
baye  de  Flaran,  et  que  les  archives  du  séminaire  d'Auch  nous 
•ont  conservé  intégralement,  est  la  bulle  célèbre  que  le  pape 
Innocent  IV  accorda  à  Tabbaye,  le  3  octobre  1247  (i).  Dans 
l'impossibilité  où  nous  sommes  de  la  reproduire  ici  intégra- 
lement, vu  sa  longueur,  nous  en  donnerons,  avec  quelques 
extraits,  une  analyse  sommaire. 

.  Tout  d'abord,  le  pape  prend  sous  sa  garde  le  monastère 
de  Notre-Dame  de  Flaran,  du  diocèse  d'Auch.  Il  rappelle  aux 
moines  qu'ils  doivent  suivre  exactement  la  règle  de  saint 
Benoît,  et  il  déclare  inviolables  toutes  leurs  propriétés,  de 
quelque  provenance  qu'elles  soient,  largitione  regum,  vcl 
prindpum,  aut  oblatione  fidelium.  Puis,  il  confirme  l'abbaye 
en  la  possession  de  tous  ses  biens,  qu'il  énumère  soigneuse- 
ment : 

Locum  ipsum  in  quo  prefatum  monasterium  situm  est,  cum  omni- 
bus pertineiitiis  suis,  grangiam  de  Serres  cura  omnibus  pertinentiis 
suis,  grangias  de  la  Serra,  de  Filet  et  de  Gaudum  cum  omnibus  per- 
tinentiis earumdem,  décimas  quas  habetis  in  locis  qui  dicuntur  Filet^ 
Boulin,  décimas  et  possessiones  quas  habetis  in  locis  qui  Ceseran  et 
Sancia-Gemma  dicuntur  y  domum  quam  habetis  in  villa  de  Condomio, 
possessiones  quas  habetis  in  locis  qui  dicuntur  Lagnet,  Laroset, 
Montautet,  Cardouede  et  Daubin,  décimas  quas  habetis  in  locis  qui 
dicuntur  Sanctus  Martinus  et  Sanctus  Germanus,  décimas  quas 
habetis  in  loco  qui  dicitur  Ducid,  cum  pratis,  vineis,  terris,  nemori- 
bus,  usagiis  et  pascuis  in  bosco  et  piano,  in  aquis  et  molendinis,  in 
viis  et  semitis,  etc. 

Innocent  IV  affranchit  ensuite  les  religieux  de  tout  paie- 
ment de  dîmes  pour  leurs  propriétés.  Il  leur  permet  de  rece- 
voir les  clercs  et  les  laïques  a  seculo  fugientes.  Il  donne  plein 
pouvoir  à  l'abbé  pour  prononcer  contre  les  moines.  Il  défend 
à  ceux-ci  le  vol,  la  rapine,  l'incendie,  la  violence,  le  meur- 

(1)  Archives  du  séminaire  d'Auch,  n'  8,496.  C.  70.  L.  139.  Voir  aussi  Doxn 
Estiennot,  Probatlones.  Bibl.  nat.  fonds  latin,  n'  12,752,  p.  451  et  suiv.  Voir 
encore  les  Manuscrits  d^Aignan,  t.  iv,  p.  1,367.  Nous  donnerons  cet  acte  in 
ewtenso,  dans  l'appendice  de  notre  tirage  à  part. 


—  227  — 

tre,  et  il  leur  prescrit  de  vivre  continuellement  dans  la  paix 
et  la  tranquillité.  Il  règle  ensuite  la  condition,  de  vente  et 
d'achat  de  terres  appartenant  à  l'abbaye,  ainsi  que  le  mode 
de  procédure  civile  et  criminelle.  Enfin  il  réglemente,  dans 
les  plus  longs  et  les  plus  intimes  détails,  les  rapports,  de  plus 
en  plus  tendus  à  cette  époque,  qui  doivent  exister  entre 
révéque  et  Tabbé.  —  Signèrent  à  cet  acte  capital  : 

Innocent  IV,  pape;  Pierre,  cardinal  prôtre  du  titre  de  Saint-Marcel; 
Guillaume,  cardinal  prêtre  du  titre  de  la  basilique  des  douze  apôtres  ; 
Frère  Jean,  cardinal  prôtre  du  titre  de  Saint- Laurent  in  Lucina;  Frère 
Hugon,  cardinal  prêtre  du  titre  de  Sainte-Sabine;  Oton,  évêque  de 
Sainte-Rufine;  Pierre,  évoque  d'Albano;  Jean,  diacre  de  Saint-Nicolas 
in  carcere  Juliani;  et  Guillaume,  cardinal  diacre  de  Saint-Eustache. 

L'acte  fut  donné  à  Lyon  par  M^  Marin,  Vice-Chancelier  de 
TEglise  Romaine,  le  5  avant  les  nones  d'octobre.  Tan  de  l'Incarnation 
de  N.-S.  1247. 

Le  présent  extrait,  —  ajoute  la  copie  du  séminaire  d'Auch,  —  a  été  tiré 
à  son  propre  original,  parmoy,  Nota.ire  soussigné,  de  Larrocquau,  ledit 
original  nous  ayant  esté  exhibé  à  moy  et  à  M®  Pierre  Marignac,  notaire, 
pour  tous  deux  ensemble,  en  faveur  et  à  la  réquisition  de  frère  Jehan 
Bayolle,  prieur  de  labbaye  de  N.-D.  de  Flaran,  lequel  original  étoit 
escript  en  une  peau  de  parchemin,  marquée  de  semblables  marques 
que  celles  qui  sont  de  l'autre  part;  scellé  de  plomb,  en  lacs  pendans  de 
soye  et  rouge,  ayant  ledit  sceau  deux  faces,  de  l'un  costé  et  au  dessus 
des  dites  faces  estoit  une  écriture  contenant  ces  lettres  S.  P.  A  :  S.  P.  E. 
et  de  Taultre  costé  dudit  sceau  est  escrit  :  Innocentius  P.  P.  IIII. 

Un  nouvel  abbé  nous  est  signalé  deux  ans  après  par  Dom 
Estiennot.  C'est  Pierre,  abbé  de  Flaran  en  1249, -sous  lequel 
Bernarda  de  Faiices  dedil  ecdcsiam  S^'  Freli  de  Aumiano 
{quœ  modo  désir ucta  est  et  desolala)  ciim  suis  perlinenliis. 

En  1251,  nous  voyons  Tabbé  de  Flaran,  Gislebert,  très 
probablement  le  septième  abbé  du  monastère,  mentionné 
dans  un  acte  dont  l'importance  est  considérable  pour  This- 
toire  de  ce  pays.  C'est  le  testament  de  Pétronille,  comtesse 
de  Bigorre.  Cette  princesse,  veuve  de  son  cinquième  mari  et 


—  228  — 

entourée  de  ses  nombreux  enfants,  sentant  sa  fin  prochaine, 
se  fit  porter  dans  Thospice  de  l'abbaye  de  l'Escale-Dieu,  et  le 
3  novembre  1251  elle  y  dicta  ses  dernières  volontés.  Dans 
son  testament,  véritable  monument  féodal,  dont  les  clauses 
devaient  dans  la  suite  amener  tant  de  conflits  entre  ses  des- 
cendants, elle  institue  pour  héritier  son  pelit-fils  Esquivât, 
fils  d'Esquivat,  seigneur  de  Chabannes  et  de  Confolans,  et  de 
sa  Qlle  Alix.  Elle  lui  substitue  son  frère  Jourdain;  et  dans  le 
cas  où  ce  dernier  viendrait  à  mourir  sans  enfants,  elle  lègue 
le  comté  de  Bigorre  à  sa  fille  Mathe.  En  même  temps,  elle 
comble  de  présents  Tabbaye  de  TEscale-Dieu,  où  elle  choisit 
sa  sépulture;  et  elle  prend  comme  témoins  de  son  testameat 
Pierre  d'Androni,  abbé  de  Bouillas,  et  Gislebert,  abbé  de  Fia- 
ran,  dont  les  deux  monastères  dépendaient  de  TEscale-Dieu  : 
Venerabiles  abbates  de  Portoglione  (Bouillas)  et  de  Flarano, 
qui  lune  temporis  in  monasterio  Sealœ  Dei  divino  nutu  per- 
sonaiite)'  extiterunt,  et  presens  instrumentum  suof*um  sigil- 
lorum  signaculis  munierunt  {l). 

On  peut  se  rendre  compte  par  cet  acte  de  Timportance 
qu'avaient  acquise  à  cette  époque  les  abbés  des  principaux 
monastères  gascons.  Ce  sont  eux  qui,  le  plus  souvent,  inspi- 
rent les  princes  dans  les  résolutions  diverses  qu'ils  ont  à 
prendre,  eux  qui  dirigent  leurs  consciences,  eux  qui  leur 
dictent  des  ordres  suprêmes  pour  le  gouvernement  de  leurs 
Etats.  Par  leur  intermédiaire  se  contractent  les  grands  maria- 
ges; et  presque  toujours,  comme  l'abbé  de  Flaran  dans  ce 
cas,  ils  assistent  à  leur  lit  de  mort  les  puissants  du  siècle. 

Eux-mêmes,  du  reste,  étaient  issus  des  plus  grandes  famil- 
les et,  malgré  l'observance  du  cloître,  ils  savaient  se  souve- 
nir de  leur  noble  origine.  C'est  ce  que  nous  dit  formellement 
Dom  Estiennot,  dans  la  courte  notice  qu'il  consacre  à  Fab- 


(1)  Trésor  des  chartes  (archives  nationales).  Layettos  publiées  par  M.  Jos.  de 
Laborde,  faisant  suite  aux  deux  volumes  de  Teulet.' Tome  m,  p.  143  et  suiv., 
n*  3,966.  Voir  également  l'Art  de  oérlfier  les  dates;  Marca,  p.  827,  etc. 


\ 


\ 


baye  de  Flaran,  et  dont  nous  avons  déjà  reproduit  divers 
passages  : 

Nobilcs  nonnulli  in  hoc  c(feuobio  vota  vovere.  Hos  tantum  e  paucis 
quae  supersunt  carlis  novimus  :  e  gente  toparchoram  de  Leheron 
vicina  plures  monachi;  itemque  quidam  e  génie  de  Flarano,  de 
CasalibonOj  de  Andirano,  del  TU  vel  Filioy  de  Moniesquico  et  de 
aliis  patria  nobilioribus.  Praesules  et  abbates  e  Flarano  prodiere; 
interquos  Bernardus  de  Villa,  ex  abbate  Flaranensi  episcopus  Bayo- 

iiensis Jacent  item  haud  dubie  in  Flarano  plerique  Domini  de 

JLeberoriy  de  Vopillon,  del  TU;  at  cœnotaphia  periere  (1). 

Vers  la  même  époque,  les  abbés  de  Flaran  engagèrent 
un  procès  avec  leur  voisin,  le  seigneur  de  Maignaut,  touchant 
les  limitiis  de  leur  territoire.  Une  curieuse  sentence  arbitrale, 
dont  nous  ne  pouvons  donner  ici  que  de  courts  extraits,  et 
qui  nous  apprend  le  nom  d'un  nouvel  abbé  de  Flaran,  mit 
fin^  à  la  date  de  1259,  à  leurs  discussions  : 

Notum  sit  que  frai  Sans,  abas  de  la  maison  de  Flaran,  per  si  et  per 
le  couvent  de  quel  meis  loc,  de  una  part,  et  en  Vidal  de  Maiaut,  fil 
d'en  Viguer  de  Maiaut,  sa  en  darreira^  d'aultra  part,  reconogon  que 
s'eron  mes  en  mas  e  compromes  en  frai  W.  Peire,  prier  de  la  dita 
maison  de  Flaran,  e  en  maestro  W.  Eysia,  caperan  del  castel  de 
Maiaut,  e  en  frai  Bernard  d'Ascaters  trencador  etc. 

Lesdites  parties  s'engagent,  sous  peine  de  cent  marcs  d'ar- 
gent, à  reconnaître  les  décisions  desdits  arbitres;  lesquels 
ordonnent  en  premier  lieu,  que  le  seigneur  Vidal  de  Maignaut 
abandonnera  à  Tabbé  et  au  couvent  de  Flaran, 

Asaber,  la  terra  el  bosce  lasaguas  que  son  entre  lo  cil  de  La  Roca  et 
enter  la  agua  apelada  Baïsa  e  la  meissa  agua  que  es  apelada  Baisa  e 
enter  la  font  de  Pontarag  et  enter  la  riu  deu  Bou.  —  Item  la  coltura 
apelada  de  Guda  Limac,  aisi  cum  lo  cil  de  ladita  arroca  el  bosc  dou 
Seuhe  casaus  s'estenon  e  duron  e  s'en  dabaron  entre  a  la  dita  agua 
que  es  apelada  Baïsa.  —  Item  la  coltura  d^Arguaiexcs  e  tôt  Tafar 

» 

(1)  Dom  Ëstiennot,  bibliothèque  nationale.  Mss.  fonds  latin,  n*  12,753.  Texte, 
loÙo  188,  et  Probationes,  folio  451. 

Tome  XXX.  16 


— .  230  — 

ab  SOS  apertenemens  de  Sent  Avid,  e  tota  ia  terra  que  es  eoter  lo  Cas- 
terar  de  Flaran  e  enter  la  Baisa^  aisi  cum  s'esten  e  dura  entre  al  gua 
de  Bascos,  —  Item  tôt  lo  casai  et  Tafar  de  Bascos  ab  sos  aperte- 
nemens, e  lot  l'afar  Uhela  ab  sos  apertenemens,  el  prad  e  la  terra 
enter  lo  camin  d'Auxis  e  la  Baïaa: 

En  revanche,  ledit  abbè  abandonnera  au  seigneur  de 
Maignaut  et  à  ses  ayant-droit  : 

La  dezma  de  Flaranvelh,  so  es  asaber  tôt  aitant  quant  la  dita  mai- 
son de  Flaran  près  e  recebo  de  la  dita  dezme  de  Flaranvelh,  enpens 
per  C  sol  de  Morl.  del  senhor  Arnaut  de  Marembad,  e  quel  meis 
abad  el  couvent  donesson  e  paguesson  al  dit  en  Vidal  o  a  son  ordenh 
C  sols  de  Morl.  per  esmenda  e  satisfaction  dels  frugs  que  il  auen  e  près 
oltra  los  dits  C  sols  de  ladita  sort  de  ladita  dezma,  e  quel  dit  en  Vidal 
quitas  a  lor  e  a  lors  successors  la  rémanent  dels  frugs,  si  plus  n*auen 
près  ne  aguds  oltra  la  dita  somma. 

Il  lui  cédera  en  outre  : 

Una  sesterada  de  terra  sober  lo  claus  de  Ponsag,  et  la  terra  que  es 
enter  la  coltura  d'Argaienxcs  e  enter  la  gleisa  de  Sent  Vincenis  el 
camp  de  LobapesUy  quel  dit  abad  per  si  e  pel  couvent  demandaua 
al  dit  en  Vidal. 

Quant  à  «  sober  lo  camp  qui  es  enter  la  gleisa  de  Oloe 
e  enter  lo  camin  d'Auoc^is,  quel  dit  abad  per  si  e  per  lo  dit 
couvent  demandaua  al  dit  en  Vidal  9,  les  arbitres  tiennent  à 
faire  une  enquête  nouvelle,  et  pour  le  moment  ne  se  pronon- 
cent pas.  Ils  exigent  néanmoins  en  terminant,  que  les  deux 
parties  «  se  coselhon  e  s'amon  e  s'ordrin  es  valhon  en  cors  e 
en  amna  fielment  e  leialement,  aisi  cum  bon  et  fidel  et  leial 
amig  deuon  far.  » 

L'acte  nous  donne  à  la  fm  les  noms  de  presque  tous 
les  moines  de  Flaran,  en  cette  année  1259.  Signèrent  en 
effet  : 

Frai  W.  Peire,  prior  del  dit  loc,  e  frai  Ar.  W.  Campanes,  cererer, 
e  frai  de  Pieds,  cantor,  e  frai  W.  de  Briwe,  et  frai  Sans  de  Mezin,  e 
frai  Arnaud  de  Basatz,  frai  Gilibert,  frai  Johan  de  Lartigola,  frai  Peire 


—  231  — 

de  Casterar,  frai  Ramon  Barrau,  frai  Sans  Vidal  de  Laomed,  frai  Sans 
d'Arricau,  frai  Bertrand  de  Nogarol,  frai  Fors  de  Moisan,  frai  Vidal 
deu  Calhau,  frai  Vidal  de...  (papier  déchiré). 

L'acte  fut  sigaë  le  14  mai  1259  : 

Testes  sunt  Vitalis  de  Beraut,  Arnaldus  de  Navar,  Willelmus  de 
Montcaup  lo  macip,  Sans  de  Marquestaa,  R.  Od.  de  Beraut,  Petrus 
de  Marmont  lo  macip,  et  ego  Willelmus  Motas,  communis  notarius 
Condomensis,  qui  prsedicta  omnia  scripsi,  et  in  publicam  formam 
redegi,  et  duas  cartas  ejusdem  tenoris  inde  confeci,  quarum  abbas  et 
Conventus  pnedicti  habuerunt  unam  et  dictus  Vitalis  alteram.  Anno 
Domini  mccl  nono,  régnante  Alfonso  Comité  Tholosano,  Augerio 
abbate  Condomensi  (1). 

Dom  Esliennot  nous  signale  à  cette  époque  un  nouvel 
abbé  de  Flaran  : 

Petrus  d^Asperinha  (Pierre  (VAsperrens),  abbas  idem  forte  qui 
supra  sedet  anno  mcclxv  (1265),  quo  Geraldus  de  Casalibono,  domi- 
oelius,  nonnulla  cessit  apud  Gimbellam  (2). 

Les  luttes  entre  les  abbés  de  Flaran  et  leurs  puissants  voi- 
sins, les  seigneurs  des  environs,  ne  se  terminaient  pas  toutes 
aussi  pacifiquement  que  celle-ci.  En  ces  heures  troublées, 
elles  surgissaient  à  tout  propos,  et  c'était  le  fer  à  main  qu'el- 
les étaient  presque  toujours  résolues.  C'est  durant  la  seconde 
moitié  du  xin*  siècle,  et  pour  ces  motifs,  que  s'éleva,  autour 
de  l'abbaye  de  Flaran,  celte  série  de  châteaux- forts,  tous 
construits  sur  le  même  modèle,  d'un  type  absolument  spécial 
à  la  Gascogne,  et  dont  les  plus  remarquables  spécimens, 
encore  assez  bien  conservés,  sont  les  châteaux  du  Tauzia  et 
de  Massencomme.  Ceux  de  Saint-Orens,  de  Roquepine,  de 
Pouypetit,  de  Maignaut,  du  Guardès,  de  Lagardère,  etc., 
dont  il  ne  reste  plus  que  des  débris,  datent  également  de 
cette  époque,  où  les  seigneurs  ne  pouvaient  espérer  trouver 

(1)  Archives  du  séminaire  d'Auch,  n*  8,491.  C.  70.  L.  139.  Orig.  sur  parchemin, 

(2)  Dom  Estiennot,  Bibl.  Nat.»  fonds  latin,  n*  12,752,  fol.  189. 


—  232  — 

quelque  sûreté   que   derrière    leurs    sombres  cl  épaisses 
murailles. 

La  Gascogne,  en  effet,  était  en  feu.  Les  Anglais  cherchaient 
toutes  les  occasions  d'envahir  le  pays  et  d'y  établir  leur 
domination  et  dans  les  moments  de  trêve,  c'étaient  les 
barons,  de  quelque  importance  qu'ils  fussent,  qui  se  livraient 
entre  eux  à  des  luttes  souvent  sans  merci.  On  connaît  la  ter- 
rible affaire  de  1272,  où  Géraud  V,  comte  d'Armagnac,  après 
les  démêlés  qu'il  eut  avec  les  habitants  de  Condom,  vint  pro- 
voquer sous  les  murs  du  Sempuy  {Summum  Podium)  Géraud 
de  Cazaubon,  retiré  dans  le  château  qui  couronnait  la  ville. 
On  sait  que  ce  dernier,  dans  une  sortie  mémorable,  tua  lui- 
même  d'un  coup  de  hache  Arnaud  Bernard,  frère  du  comte 
d'Armagnac,  se  rua  avec  sa  vaillante  petite  troupe  sur  l'ar- 
mée du  comte,  la  tailla  en  pièces  ou  la  força  à  s'enfuir.  Mais 
Géraud  revint  avec  des  forces  considérables.  Il  eut  vite  raison 
de  l'offense  qui  lui  avait  été  faite,  et  malgré  les  secours  que 
Géraud  de  Cazaubon  reçut  du  roi  de  France,  il  prit  d'assaut 
la  ville  rebelle,  la  réduisit  en  cendres,  et  extermina  la  plupart 
de  ses  habitants.  Le  château  du  Sempuy  devint  la  proie  des 
flammes,  et  Géraud  de  Cazaubon  y  trouva  la  mort  avec  sa 
femme  et  sa  fille  (1). 

Les  moines  de  Flaran  durent  supporter  le  contre-coup  de 
cette  terrible  lutte.  Car  ils  possédaient  déjà  alors  près  du 
Sempuy  un  vaste  domaine,  au  Ueu  appelé  La  Grangette,  que 
nous  leur  verrons  échanger  plus  tard  contre  la  métairie  de 
Lauzit. 

Comment,  du  reste,  l'abbaye,  sous  les  murs  de  laquelle 
passait  et  repassait  sans  cesse  cette  multitude  de  soldats  pil- 
lards, aurait-elle  pu  résister  à  leur  audace  et  souvent  à 
leur  haine,  si  elle  aussi,  à  cette  époque  où  de  simple  pouvoir 
monastique  elle  était  devenue  véritable  pouvoir  féodal,  elle 

(1)  Voir  sur  cette  affaire  Dom  Vaissette.  Mss.  d'Aignan,  l'Art  de  vérifier  les 
dates,  Monlezun,  Samazeuilb,  etc. 


—  233  — 

ne  s'ctail  pas  fortifiée?  Nous  croyons,  en  effet,  que  c'est  à  la 
fin- du  xin*  siècle  que  les  moines  construisirent  son  mur 
d'enceinte,  et  fortifièrent  principalement  le  côté  sud  de  Tab- 
baye,  le  seul  vulnérable,  en  élevant  la  porte  crénelée  et  per- 
cée de  meurtrières  qui  subsiste  encore  au  milieu  des  cons- 
tructions modernes  de  la  ferme  de  la  Madeleine.  La  Baïse, 
à  Test,  et  le  canal  du  moulin,  au  nord  et  à  Touesl,  la  proté- 
geaient suffisamment  des  trois  autres  côtés. 

P.  Benouville,  Ph.  Lauzun. 

{à  suivre.) 

Cette  double  signature  était  déjà  imprimée  lorsque  nous  avons  appris 
la  mort  de  M.  Pierre  Benou ville  (1)  frappé  subitement  le  matin  du 
15  avril;  à  Tàge  de  38  ans,  en  pleine  voiede  succès  et  de  fortune.  Cette 
perte  sera  vivemement  sentie  dans  le  département  de  Lot-et-Garonne, 
auquel  Benouville  était  attaché  comme  architecte  diocésain  et  dans 
celui  du  Gers,  dont  il  allait  publier  les  Monuments  dans  nos  Archives 
de  Gascogue.  Nous  avons  tout  lieu  d'espérer  que  cette  publication, 
déjà  préparée  par  de  nombreux  dessins,  se  poursuivra  et  s'achèvera, 
grâce  à  des  travailleurs  dévoués  et  avant  tout  à  un  excellent  dessina- 
teur, frère  de  Téminent  artiste. 

Mais  qui  consolera  sa  veuve,  ses  deux  jeunes  enfants,  les  nombreux 
amis  que  lui  avaient  valu  ses  rares  qualités  de  cœur,  et  les  admirateurs 
de  son  talent  aussi  distingué  que  modeste  et  qui  semblait  destiné  à 
un  si  brillant  avenir? 

(1)  Nous  empruntons  quelques  lignes  biographiques  sur  lui  à  un  article  du 
Journal  de  Lot-et-Garonne  : 

«  Fils  d'un  peintre  distingué  et  neveu  du  célèbre  auteur  de  la  Mort  de  saint 
François  d'Assise,  l'un  des  chefs-d'œuvre  du  Louvre,  IMerre  Benouville  était 
lui-même  un  dessinateur  de  rare  talent.  Aux  Salons  de  1876  et  de  1877,  des 
.médailles  d'honneur  avaient  couronné  ses  succès  d'école,  et  les  publications 
auxquelles  son  nom  refete  attaché  attestent  les  brillantes  espérances  qu'il  était 
permis  de  fonder  sur  sa  carrière. 

»  Comme  tous  les  élèves  les  plus  remarquables  de  Viollet-le-Duc,  il  joignait 
à  une  connaissance  approfondie  des  lois  du  dessin  une  érudition  archéologique 
impeccable 

»  Il  y  a  quinze  jours  à  peine,  Pierre  Benouville  recevait  du  Conseil  des  monu- 
menis  historiques,  la  mission  de  procéder  à  une  étude  d'ensemble  sui  les  prin- 
ripaïix  monuments  civils,  religieux  et  militaires  de  notre  département.  En  juil- 
let il  devait  commencer  l'exécution  de  cette  grande  œuvre  que  son  magnifique 
talent  aurait  rendue  des  plus  fécondes  pour  l'histoire  del'Agenais...  » 


MARINS  BASQUES  &  BÉARNAIS 

ESQUISSES  BIOGRAPHIQUES 


III 


PIERRE  DULIVIER 

CHEVALIER  DK  l'oRDRE  MILITAIRR  DE  N.-D.  DU  MONT-CARMEL, 

GOUVERNEUR  DES  VILLE  ET  KORT  DE  POXDlCïïÉRY, 

DIRECTEUR     GÉNÉRAL    DE    LA     COMPAGNIE     DES     INDKS. 


«  Des  cinq  grandes  puissances  marilimes  de  TEurope  au 
»  seizième  et  au  dix-seplième  siècle,  —  écril  le  colonel  Mal- 
»  leson  dans  sa  remarquable  Histoire  de  VInde  (1).  —  la 
»  France  fut  la  quatrième  à  établir  des  relations  commercia- 
»  les  avec  Tlnde.  Le  Portugal,  la  Hollande  et  TAnglelerre 
»  avaient  déjà  recueilli  des  profils  considérables  de  leurs 
»  entreprises  avant  que  rallenlion  du  peuple  français  eut 
»  èlè  suffisamment  attirée  vers  ce  but.  Néanmoins,  quoique 
»  le  dernier  à  tenter  Faventure^  et  ne  le  faisant  que  lorsque 
»  ses  trois  devancières  avaient  déjà  poussé  dans  le  sol  de 
x>  profondes  et  solides  racines,  son  génie  se  manifesta  bientôt 
»  de  manière  à  le  mettre  rapidement  à  la  hauteur  de  ses 
»  rivaux  les  mieux  places.  » 

Après  avoir  rappelé  que  ce  fut  Henri  IV  qui,  le  premier, 
posa  les  bases  d'une  compagnie  des  Indes  Orientales;  que  le 
privilège,  concédé  en  4604,  fut  renouvelé  en  juillet  1615  par 
le  roi  Louis  XUI;  que  Richelieu  échoua,  comme  ses  prédé- 
cesseurs, dans  ces  vastes  projets  de  colonisation,  Timparlial 


(1)  Histoire  des  Français  dans  Vlnde^  d4»piUs  la  fondation  de  Pondichèry 
Jusqu'à  la  prise  do  cette  aille  (1674-1761),  par  le  lieutenant-colonel  Mallc-son, 
traduction  de  M"  S.  Le  Page,  Paris,  1874,  in-8*. 


«  235  — 

auteur  arrive  au  ministère  deColbert.  11  entre  alors  dans  de 
nombreux  détails  et  décrit  longuement  Texpédition  organisée 
par  Caron  et  l'amiral  La  Haye,  et  leurs  entreprises  commu- 
nes, couronnées  de  succès,  sur  plusieurs  villes  de  la  côte  de 
Coromandel.  Après  ces  deux  chefs  d'entreprises,  le  colonel 
nous  présente  François  Martin,  le  fondateur  de  Pondichéry, 
et  rappelle  l'habile  politique  de  cet  homme  qui,  à  la  tète  de 
quelques  compajjnons,  sut  «  par  son  énergie,  sa  persévé- 
»  rance,  sa  douceur  à  l'égard  des  indigènes,  son  équité  dans 
B  les  transactions  »,  jeter  les  fondements  d'un  splendide 
édiQce  dont  l'honneur  devait  revenir  à  ses  successeurs. 
«  Jamais  aventurier,  si  même  en  bonne  part  on  peut  lai 
»  appliquer  cette  épithète,  n'eut  les  mains  plus  pures,  ne 
»  fut  plus  entièrement  dévoué  aux  intérêts  de  la  France  et 
»  plus  insoucieux  des  siens  propres  (1).  » 

Martin  disparu,  son  successeur  immédiat,  Pierre  DuUvier, 
obtient  à  grand'peine  de  l'historien  anglais,  non  quelques 
lignes,  mais  quelques  mots. 

Cet  injuste  oubli,  gardé  également  par  plusieurs  autres 
auteurs,  nous  voulons  essayer  de  le  réparer.  Il  nous  semble 
que  ce  prédécesseur  de  Dupleix,  comme  lui  sacriQé  à  de  viles 
intrigues,  mérite  mieux  qu'une  passagère  mention,  et  que 
son  nom  doit  prendre  place  parmi  ceux  des  hommes  qui  ont 
servi  la  France  avec  quelque  honneur  et  quelque  proQt. 

Lorsque,  le  6  août  1699,  Dulivier  débarqua  à  Pondichéry, 
il  y  avait  à  peine  cinq  mois  que  F.  Martin  avait  repris  posses- 


(1)  On  trouvera  l'éloge  de  François  Martin,  chevalier  de  Saint-Lazare,  anobli 
pour  ses  nombreux  services,  dans  tous  les  ouvrages  écrits  sur  la  marine  fran- 
çaise, mais  principalement  dans  le  Nouoeau  voyage  aux  grandes  Indes,  par 
l.uillier,  Kotterdam.  1726,  m-12  ;  —  V H L-ito ire  des  Indes  Orientales,  anciennes 
et  modernes,  par  Tabbé  Guyau,  Paris,  1744.  3  vol.  in-12;  —  V Histoire  générale 
des  co^ar/es,  par  rabbé  Prévost,  Paris,  1715-1770,  in-4',  tome  ix;  — Notices 
statistiques  sur  les  colonies  françaises,  Paris,  1837-1840,  4  vol.  in-8*;—  l'His- 
toire de  la  marine  française,  parle  comte  de  Lapeyrouse-Bonflls,  Paris,  1845, 
3  vol.  in-4*:  —  V Histoire  de  la  rivalité  des  Français  et  des  Anglais  dans 
l'Inde, par  L.  Herman,  Paris,  1852,  in-8';  —etc. 


—  236  — 

sion  de  cette  ville  au  nom  du  roi  Louis  XIV  et  de  la  compa- 
gnie royale  de  France  (4). 

Les  Hollandois  ont  fait  naistre  de  grandes  difficultés,  écrivait  alors 
noire  héros  (2),  parce  que  l'article  de  paix  qui  regarde  Pondichéry 
n'est  pas  bien  expliqué,  de  manière  que,  quoyque  nous  soyons  dans  la 
forteresse,  on  peut  dire  que  nous  n'en  sommes  pas  les  maîtres  :  ils 
gardent  une  des  portes  et  tiennent  le  vilage.  On  attend  des  instructions 
d'Europe  pour  aplanir  toutes  les  difficultés. 

L'évacuation  hollandaise  s'opéra  peu  de  jours  après,  et 
Dulivier  put  bientôt  s'embarquer  pour  le  Bengale,  dont  il 
avait  la  promesse  d'être  Directeur  général,  en  remplacement 
de  M.  Deslandes,  titulaire  actuel,  rappelé  en  France  sur  sa 
demande. 

Quoique  jeune  encore  (3),  Pierre  Dulivier  avait  fait  ses 


(1)  A  la  fin  d'août  1693,  une  flotte  hollandaise  de  vingt-six  navires,  portant  3,500 
marins  et  soldats,  était  venue  assiéger  Pondichéry.  Entouré  de  30  à  40  Euro- 
péens et  de  300  indigènes,  Martin  résista  durant  quarante  joiu*s.  Le  6  septembre 
intervint  une  capitulation  qui  livrait  Pondichéry  à  la  Hollande.  Le  traité  d^ 
Ryswick  nous  ayant  rendu  cette  place,  Martin  fut  de  nouveau  appelé  à  la  tôle 
de  son  gouvernement. 

(2)  Sous  la  cote  44,267,  1699-1705,  les  archives  municipales  de  la  ville  d« 
Bayonne  possèdent  un  volumineux:  dossier  composé  de  quarante-quatre  lettres 
adressées  du  Bengale  par  P.  Dulivier  à  divers  membres  de  sa  famille,  résidant 
à  Bayonne,  et  notamment  à  son  cousin  Léon  Dulivier.  Ces  lettres,  auxquelie*? 
nous  ferons  de  fréquents  emprunts,  contiennent  de  très  nombreux  détails  sur 
rinde,  la  Chine,  la  Perse,  et  sur  les  établissements  français,  hollandais  et  anglais. 
M.  L.  Hiriart,  l'aimable  et  savant  bibliothécaire  de  la  ville  de  Bayonne,  avait  eu 
un  instant  Tintention  de  publier  cette  correspondance.  Mais,  absorbé  par  d'im- 
portants travaux,  il  a  bien  voulu  renoncer  à  ce  projet  en  notre  faveur.  Qu'on 
nous  permette  de  lui  exprimer  toute  notre  reconnaissance  pour  sa  si  précieuse 
générosité  et  les  nombreuses  informations  qu'il  ne  cesse  de  nous  donner. 

(3)  Pierre  Dulivier,  né  à  Bayonne,  rue  du  Pont  Matou  (depuis  rue  Chêgaray 
et  aujourd'hui  rue  Victor  Hugo),  avait  ét*^>  baptisé  en  l'église  cathédrale  de  cette 
ville,  le  4  mars  1663.  Il  était  le  fils  aîné  de  M.  Pierre  Dulivier,  bourgeois,  mort 
en  1672,  et  de  demoiselle  Catherine  de  Laborde.  De  ce  même  mariage  uaquiront 
encore  quatre  enfants:  Etienne,  plus  tard  curé  de  Saiut-Picrre-d'lrube;  Jeiui' 
bourgeois  et  marchand;  Marie,  alliée  à  M.  M*  Claude  Ravel,  avocat;  et  Jeanne, 
femme  de  Pierre  Labat,  aussi  bourgeois  et  marchand. 

La  famille  Dulivier  appartenait  à  la  riche  bourgeoisie  de  Bayonne.  Trésoriers 
des  deniers  conununs  de  la  ville,  hommes  d'armes,  échevins,  jmrats,  dépun  s 
de  Bayonne  au  Conseil  de  commerce  à  Paris,  les  Dulivier  étaient,  au  xvin*  «i''- 
cle,  divisés  en  deux  branches.  Pierrs  Dulivier  appartenait  à  l'aînée.  Iji  caiU'iie, 
plus  fortunée  par  siiite  de  son  long  séjour  en  -Angleterre  et  des  grandes  affaire^; 
qu'elle  y  avait  traitées,  était  alors  représentée  par  trois  frères,  cousins-germain^ 
du  futur  gouverneur  de  Pondichéry  :  1'  Léon  Dulivier,  marié  depuis  1683  a 


—  237  — 

preuves  pour  mériter  ce  poste  fort  enviable.  Elevé  en  Angle- 
terre, 

Il  avoit,  pendant  plusieurs  années,  dirigé  à  Londres  une  maison  de 
commerce  fort  considérable,  ayant  succédé  à  des  oncles  qui  avoient 
l'établissement  avant  lui  et  dont  la  réputation  étoit  connue  de  toute 
TEurope.  Pendant  son  séjour  à  Londres,  il  y  avoit  acquis  une  parfaite 
connoissance  des  différentes  marchandises  intéressant  le  commerce 
des  Indes  dans  la  plupart  des  villes  du  royaume.  La  descente  du  prince 
d'Orange  en  Angleterre,  en  1688,  et  la  retraite  du  roy  Jacques  en 
France,  duquel  il  étoit  connu  et  employé  pour  des  affaires  de  confiance, 
l'obligèrent  de  se  retirer. 

En  l'année  1667,  étant  en  France,  à  la  suite  du  roy  d'Angleterre  à 
Saint-Germain,  la  Compagnie  des  Indes  Orientales,  le  connoissant  de 
réputation  et  capable  de  remplir  un  poste  aux  Indes,  lui  proposa  de 
passer  à  Pondichéry,  lui  offrant  le  poste  de  Bengale,  qu'étoit  le  second, 
parceque  le  sieur  Deslandes,  qui  Toccupoit  avec  réputation  et  probité, 
demandoit  à  repasser  en  France  (1). 

Dalivier  accepta  volontiers  celle  proposition.  Il  s'embar- 
quait en  février  1699,  touchait  au  Cap  de  Bonne-Espérance 
le  44  mai,  cl,  après  avoir  essuyé  une  horrible  tempête  non 
loin  (le  Tîle  de  Ceylan,  il  arrivait  à  Pondichéry  le  6  août. 

Après  avoir  pris  les  ordres  de  M.  Martin,  gouverneur  géné- 
ral, Dulivier  quittait  Pondichéry  le  17  août,  sur  le  vaisseau 
la  Toismi  d'or,  touchait  le  30  du  même  mois  à  Balassor  (2) 
et  le  4  septembre  se  trouvait  en  vue  des  bouches  du  Gange  (3). 
En  cet  endroit,  il  fut  obligé  de  prendre  un  navire  de  plus 


demoiselle  Laurence  de  Roll  ;  2*  Joseph  Dulivier,  qui,  après  avoir  habité  long- 
temps Londj'es,  s'était  fixé  à  Paris;  et  3'  Jean  Dulivier,  doyen  du  chapitre  de 
Saint-Ksi)rit  et  chanoine  de  l'église  cathédrale  de  Bayonne.  —  C'est  h  Léon 
Dulivier  que  sont  adressées  la  plus  grande  partie  des  lettres  composant  le  dos- 
sier 44,267. 

(1)  Archives  de  la  marine  :  fonds  des  colonies.  Mémoire  de  P.  Dulivier,  dressé 
en  1717,  au  roi  et  à  son  conseil  de  marine. 

(2)  Ville  et  port  de  la  province  d'Orissa,  dans  le  Dekkan. 

(3)  Le  fleuve  sacré  de  l'Inde,  le  plus  grand  de  l'Hindoustan.  Il  prend  sa  source 
dans  l'Hymalaya,  et  après  avoir  reçu  les  eaux  de  vingt  rivières,  il  se  jette  dans 
l'Océan  par  dix-sept  embouchures  principales,  occupant  sur  la  côte  une  étendue 
de  cinquante  myriamotres.  C'est  la  grande  voie  commerciale  de  la  riche  et  fer- 
tile contrée  nommée  le  Bengale. 


—  238  — 

petit  tonnage,  à  cause  de  la  saison  avancée  et  des  gros  cou- 
rants. Remontant  ensuite  la  rivière  THougly  (4),  il  débarquait 
le  19  septembre  sur  le  mole  du  cheMieu  du  comptoir  français 
dans  le  Bengale  (2). 

11  n'y  a  pas  de  ville  qui  porte  ce  nom,  —  écrivait  Dulivier  quelques 
mois  après  son  arrivée,  —  et  le  comptoir  que  nous  avons  icy  (Hou- 
gly)  (3)  est  conligu  à  une  aidée  ou  habitation  qu'on  appelé  Chander- 
nagor  (4).  Le  terrain  appartient  à  la  compagnie,  et  les  psuples  qui  y 
sont  luy  payent  une  rente  qui  n  est  pas  bien  considérable.  Nous  som- 
mes parfaitement  bien  logés  et  on  peut  dire  qu'il  n'y  a  pas  dans  les 
Indes  une  plus  belle  maison  ny  mieux  entendue.  Au  rez  de  chaussée 
se  trouvent  la  chapelle  et  la  sacristie  :  la  maison  est  élevée  d'un  étage 
et  flanquée  de  deux  ailes,  dans  lesquelles  nous  logeons.  Tout  autour 
un  très  vaste  jardin,  avec  un  étang  au  milieu.  Nous  avons  deux  grands 
magasins  détachés  du  corps  de  logis,  vis  à  vis  Tun  de  l'autre,  à  chaque 
bout  desquels  il  y  a  diverses  salles  occupées  par  les  employés.  Il  y  en 
a  encore  d'autres  éloignés,  quoique  pourtant  dans  l'enceinte,  qui  ser- 
vent à  loger  les  sergeants  et  autres  personnes.  Le  long  de  la  muraille 
qui  borde  le  Gange,  se  trouve  un  magasin  pour  les  matériaux  et  autres 
choses  nécessaires  pour  les  vaisseaux  :  un  second  pour  le  salpêtre  et 

(1)  Hougly,  —  alias  Hoiigli  et  Hagly,  —  bras  principal  du  Delta  formé  par  le 
Gange  et  sur  lequel  s'élèvent  les  villes  de  Calcutta,  Chanderuagor  et  Hougly. 

(2)  Ancienne  soubahbie  de  l'empire  Mogol,  ayant  une  étendue  d'environ  125 
lieues  de  long  sur  autant  de  large.  Au  dire  des  auteurs  de  cette  époque,  le  pays 
du  Bengale  «  était  regardé  comme  le  plus  fertile  de  toutes  les  Indes,  en  sucre, 
»  soie,  fruits,  salpêtre,  lacque,  cire,  civette,  opium,  poivre  et  ris,  dont  il  fournit 
»  les  provinces  éloignées.  Le  pais  est  coupé  de  fréquens  canaux,  qui  servent  à 
j»  l'arroser  et  à  faciliter  le  transport  des  marchandises;  ils  sont  bordés  de  bourgs 
»  et  de  villages  bien  peuplés,  et  de  grandes  campagnes  de  ris,  sucre,  froment, 
»  légumes,  sezame,  grenadiers,  citronniers,  orangers  et  de  quantité  de  petits 
»  mûriers  pour  la  nourriture  des  vers  à  soie.  C'est  principalement  dans  celte 
»  contrée  qu'on  voit  des  rinoceros  et  des  muscs.  Les  plus  beaux  joncs  que  Ton 
»  aporte  en  Europe  viennent  de  ce  roïaume.  11  y  croit  une  espèce  de  petites 
»  cannes,  beaucoup  plus  déliées  que  l'ozicr,  dont  les  habiians  font  des  vases, 
»  qu'ils  enduisent  de  lacques  en  dedans,  et  qui  contiennent  toutes  sortes  de 
»  liqueurs  aussi  sûrement  que  l'argent  ou  le  verre.  On  y  recueille  une  certaine 
»  herbe  qui  pousse  d'abord  une  tige  assez  haute,  de  la  grosseur  du  doigt,  ensuite 
»  des  feuilles,  et  au-dessus  un  gros  bouquet  en  forme  de  houpcs.  Les  Indiens 
»  le  ûlent  et  en  font  des  t;ipis,  des  couvertures  et  de  fort  belles  étoffes,  sur  les- 
»  quelles  ils  représentent  toutes  sortes  de  figures.  »  (Hitttoire  des  Indes  Orien^ 
talcs,  par  l'abbé  Guyon,  t.  ii,  p.  27). 

(3)  Le  comptoir  frant^ais  d'Hougly  était  sur  la  rivière  de  ce  nom,  à  quelques* 
kilomètres  des  facioteries  anglaise  et  hollandaise. 

(4)  Etablissement  français  sur  la  rive  droite  de  THougly.  Il  n'acquit  de  Tim- 
portance  que  trente  ans  plus  tard. 


—  239  — 

les  marchandises  de  volume.  Au  bout,  un  bastion  de  briques,  qui  bat 
la  rivière  et  les  terres  avoisinantes  ;  on  y  peut  mettre  10  à  12  pièces  de 
canons  en  batterie.  Un  bastion  pareil  bat  également  la  campagne.  Les 
cuisines  et  les  offices  sont  à  une  petite  portée  du  corps  principal.  Enfin 
pour  ne  rien  oublier,  je  vous  dirai  encore  que  au-dessus  de  la  maison 
principalle  se  trouve  une  belle  terrasse,  et  sur  le  devant  une  galerie 
qui  communique  dans  tous  les  appartements  et  qui  est  contenue  par 
diverees  arcades  qui  forment  en  bas  une  orangerie. 

Le  poste,  vous  le  remarquerez,  est  très  bien  choisi,  et  le  commerce 
avec  le  pays  y  seroit  des  palus  faciles  (1),  si  la  compagnie  ne  laissoit 
pas  manquer  trop  souvent  le  comptoir  des  fonds  nécessaires  (2). 

M.  Deslândes  accueillit  avec  la  plus  grande  bienveillance 
son  jeune  successeur.  Il  sa  hâla  de  le  présenter  au  personnel 
placé  sous  ses  ordres,  de  rinltior  au  roulement  des  affaires, 
eafln  de  lui  remettre  les  livres  et  la  caisse  du  comptoir  d'Hou- 
gly.  Avant  de  quitter  définitivement  cette  province,  où  il  avait 
su,  avec  des  moyens  précaires,  seconder  les  généreux  efforts 
du  gouverneur  général  Martin,  il  tint  à  faire  visiter  au  nouvel 
arrivant  toutes  les  dépendances  du  comptoir  et  à  le  chaude- 
ment recommander  aux  Directeurs  des  deux  compagnies 
anglaise  et  hollandaise,  établies  à  Hougly,  avec  lesquels  il 
avait  constamment  entretenu  les  meilleurs  rapports. 

Si  jesuccédois  à  un  homme  ordinaire,  —  constate  modestement  Duli- 
vier  dans  sa  correspondance,  —  mon  embarras  ne  seroit  pas  si  grand 
qu'il  est  :  mais  quand  on  est  obligé  de  soutenir  une  si  grande  réputation 
que  celle  que  mon  prédécesseur  s'est  acquise,  je  vous  avoue  que  ce  tra- 
vail surpasse  mes  forces.  Je  ne  puis  pas  me  promettre  d'atteindre,  ni  de 
jamais  approcher,  cette  profonde  capacité  et  cette  étendue  de  lumières 
qui  lui  fesoient  pénétrer  dans  un  moment  les  aflaires  les  plus  difficiles. 

(1)  Le  commerce  d'Hougly,  ou  du  Bengale,  était  excessivement  varié.  Outre 
les  produits  déjà  indiqués,  on  trouvait  encore  dans  le  pays  des  casses  ou  mous- 
selines doubles  ;  des  doréas  ou  mousselines  rayées  ;  des  tangcbs  ou  mousselines 
serrées;  des  amans  ou  toiles  de  coton;  des  soieries,  des  taffetas,  des  satins,  des 
brocarts  et  d'admirables  broderies  d'or  et  d'argent.  Les  colons  filés,  les  laines, 
les  cires,  l'indigo,  les  laques,  la  myrrhe,  les  muscs,  les  parfums,  l'ambre  gris, 
le  salpêtre,  le  borax  formaient  encore  une  branche  importante  du  commerce. 
Enfin  le  Bengale  possédait  une  mine  de  diamants,  d'une  limpidité  et  d'une 
richesse  extrêmes. 

(2)  Archives  de  Bayonne,  44,267.  n*  8. 


—  240  — 

Ses  manières  douces,  agréables  et  généreuses  fesoient  qu'on  ne  sortoit 
jamais  méconlant  d'auprès  de  luy  et  qu'on  recevoit  en  quelque  manière 
avec  plus  de  plaisir  ses  refus  qu'on  ne  reçoit  souvent  les  grâces  d'autres 
personnes  qui  n'ont  pas  le  talent  d'obliger  de  bonne  façon.  Aussi,  vous 
voyez,  mon  cousin,  que  la  prodigieuse  irrégularité  qui  se  trouve  entre 
mon  prédécesseur  et  moi  seroit  capable  de  me  décourager  sy  je  n  avois 
une  grande  confiance  dans  le  Tout-Puissant  (1) 

Le  départ  de  M.  Deslandcs  (2)  plaçait  donc  Diilivier  à  la 
tête  des  affaires  du  Bengale.  Depuis  déjà  quelques  années  la 
situation  de  la  compagnie  des  Indes  était  loin  d'être  pros- 
père (3).  Mal  dirigée,  privée  de  capitaux  suffisants  pour  lutter 
contre  les  Anglais  et  les  Hollandais,  dans  Timpuissance  de 
faire  elle-même  des  expéditions  directes,  la  compagnie  ne 
subsistait  que  par  la  vente  de  nombreuses  licences;  et  pen- 
dant que  les  négociants  qui  les  achetaient  faisaient  leur  for- 
lune,  les  directeurs  réalisaient  à  peine  de  quoi  empêcher  leurs 
employés  de  mourir  de  faim  (4).  Si,  grâce  à  Tintelligence,  à 
la  boime  direction  de  Martin,  Pondichéry  continuait  à  pros- 
pérer, les  autres  comptoirs  se  soutenaient,  se  protégeaient  à 
grand'peine. 

Surale  (5),  qui,  en  1672,  après  Tabandon  de  Madagas- 

(1)  Archives  de  Bayoïmo,  41,267,  ir  14. 

(2;  Dt'signé  un  instant  comme  devant  succtklor  à  François  Martin,  à  Pondi- 
chéry, M.  DcvSlandcs  s'embarqua  pour  la  France  en  janvier  1702.  Anobli  par 
Louis  XIV  pour  ses  services  dans  l'Inde,  il  fut  en  1704  envoyé  dans  nos  posses- 
sions d'Amérique  en  qualité  de  commissaire  ordonnateur.  11  mourut  à  Saint- 
Domingue  en  1707. 

(3)  On  sait  que  cette  Compagnie,  créée  en  1664  par  Colbert,  avait  obtenu,  par 
édit  royal,  pendant  cinquante  ans,  le  droit  de  commerce  exclusif  avec  Tlnde. 
Son  privilf^ge  ne  devait  prendre  fin  c^u'cn  1714.  —  La  Sociétû  des  Etudes  histo- 
rigws  de  Franre  vient  tout  dernièrement  do  couronner  une  Hist.  de  la  com- 
pufjnio  des  Indos,  écrite,  d*ai)rés  de  nombreux  documents  oflicieis,  par  M.  .^• 
Clarin  de  la  Kive.  Mais  comme  cette  Histoire  est  encore  inédite,  on  trouvera  de 
nombreux  renscignoments,  ainsi  qu'un  r<'sumé  fort  exact  des  principaux  faits  et 
gestes  de  la  compagnie,  dans  V Histoire  dos  Indes  Orientais  de  l'abbé  Guyon. 
Consulter  également  les  ouvrages,  déjà  cités,  de  Luillier  et  du  colonel  Malleson. 

(4)  Colonel  Malleson,  op.,  cit.  p.  31. 

(5)  Ville  importante  du  Ciuzerate,  dans  le  Haut-Indoustan.  I  es  Portugais  s'y 
établirent  en  15:10,  les  Anglais  en  1009  et  les  Hollandais  en  1616.  La  création  de 
la  loge  française  ne  remontait  qu'à  1605.  «  l'ne  partie  de  cette  ville  esloit  jiavéc 
»  de  porcelaine  et  queUiues  maisons  en  esioient  revêtues  avec  un  art  qui  saisis- 
»  soit  l*î  voyageur  d'admiration.  »  ^^Luillier,  ibid.). 


—  241  — 

car  (1),  était  devenu  le  siège  des  affaires  françaises  dans 
rinde,  perdait  peu  à  peu  toute  son  importance,  surtout 
depuis  que  le  Conseil  supérieur  de  Tlnde  avait  été  établi  à 
Pondichéry.  À  la  fin  du  xvii*  siècle,  cette  factorerie,  qui  avait 
pour  Directeur  un  sieur  Pilavoine,  n'était  d'aucun  avantage 
pour  la  compagnie.  Son  commerce  était  des  plus  languissants. 
Dulivier  nous  apprend  que,  menacé,  en  4703,  par  un  corps 
considérable  de  troupes  de  Ram  Radjah,  prince  gentil  de  la 
dynastie  de  Sevadji,  le  directeur  Pilavoine  ne  put  grouper 
autour  de  lui  que  cinquante-cinq  défenseurs.  Cependant  la 
contenance  de  ces  braves  fit  une  telle  impression  sur  les 
Maharattes,  «  gens  peu  disposés  à  aller  à  l'assaut  et  à  affron- 
ter le  feu  du  canon  »,  que  ceux-ci  se  rejetèrent  sur  les  fau- 
bourgs, pillant  et  incendiant  tout  ce  qu'ils  trouvaient. 

Ils  se  répandirent  ensuite  dans  la  campagne,  ou  presque  toutes  les 
aidées  ou  villages  à  dix-huit  ou  vingt  lieues  à  ia  ronde  eurent  le  même 
sort,  tellement  que  le  pays  a  été  tout  à  fait  ruiné  et  sera  hors  d'état  de 
pouvoir  jamais  se  remettre  (2). 

Les  factoteries  secondaires  de  Mazulepatam  (3),  fondée  en 
1669,  par  le  persan  Marcara,  de  Chandernagor,  dont  la  créa- 
tion remontait  à  1688,  celles  de  Balassor  et  de  Kassimba- 
zar  (4),  étaient,  en  1700,  d'une  importance  toute  restreinte. 
Elles  ne  devaient  acquérir  de  l'autorité  et  de  l'influence  que 
beaucoup  pins  tard.  Les  comptoirs  de  Tissery,  de  Bendor- 
Abassi,  dans  le  golfe  Persique,  et  de  Siam,  s'éteignirent  après 
quelques  années  d'une  existence  peu  brillante. 

Hougly  était  donc  l'établissement  français  le  plus  impor- 
tant après  Pondichéry,  Mais,  de  même  que  cette  ville,  son 
existence  était  grandement  menacée.  Son  commerce  ne  se 

(1)  Histoire  et  géographie  de  Madagascar»  par  Macé  Descartes,  Paris,  1846, 
in-^*. 

(2)  Archiv.  de  Bayonne,  44,267,  n*  29. 

(3)  Chef-lieu  de  la  province  de  ce  nom  et  le  meilleur  port  de  la  cote  du  Coro- 
mandel. 

(4)  Petite  ile  située  dans  le  Gange,  un  peu  aunlessus  du  Delta. 


—  24â  — 

soutenait  plus  qu'au  moyen  d'emprunts  onéreux,  sans  cesse 
renouvelés.  Celte  ressource  menaçait  même  de  lui  faire 
défaut,  car  les  indigènes  n'ignoraient  pas  que  les  rapports  de 
la  compagnie  avec  ses  représentants  devenaient  chaque  jour 
plus  tendus  et  plus  incertains  (!)• 

A.  COMMUNAY- 

{A  suivre.) 


BIBLIOGRAPHIE 


L*abbô  Joachim  Gaubin.  —  La  sainte  chapeUe  de  Notre-Dame  de  Goueyte 
en  Rivière-Basse,  diocèse  d'Auch,  autrefois  diocèse  de  Tarbes.  Tarbesy 
impr,  J.'P.  Larrieu,  1889.  56  pp.  in-8\ 

Ne  négligeons  pas  cette  heureuse  occasion  d'attacher  à  notre  livrai- 
son de  mai  un  nom  bien  peu  connu  jusqu^ici  de  notre  livre  <  mariai  > 
de  la  Gascogne.  L'opuscule  de  M.  J.  Gaubin,  mon  excellent  collaborateur 
et  ami,  m'arrive  presque  au  dernier  moment;  mais  je  l'avais  déjà  lu  par 
parties  dans  le  Souvenir  de  la  Bigorre  et  il  ne  faut  d'ailleurs  ni  beau- 
coup de  temps  ni  la  moindre  peine  pour  le  relire  sous  sa  forme  défini- 
tive. 

La  position  oh  fut  la  chapelle  de  Goueyte  est  tout  d'abord  admira- 
blement décrite.  L'auteur  a  été  bien  inspiré  par  les  beautés  pittoresques 
qui  s'offrent  aux  yeux  «  à  la  jonction  des  deux  plaines  de  l'Arros  et  de 
l'Adour,  »  du  haut  de  ces  monticules  qui  vont  rejoindre,  au  sud,  les 
plateaux  du  Rustan.  Il  a  été  bien  servi  surtout  par  sa  profonde 
connaissance  des  annales  sacrées  et  profanes  du  pays  de  Rivière-Basse; 
chaque  ruine  se  relève  pour  lui  des  ombres  du  passé,  chaque  localité  a 
son  histoire,  chaque  nom  est  gros  de  souvenirs.  Celui  de  Goueyte 
(roman  français.  Guetté)  convient  bien  au  plateau  qui  sans  doute  fut 

(l)  «  Le  Conseil  supérieur  de  Pondichéry  ne  pouvait  à  cette  même  époque 
«  s'empêcher  de  craindre  que  le  moment  ne  fût  proche  où  Pondichéry  se  rer- 
»  rait  abandonner  comme  cela  était  arrivé  pour  Surate  et  Madagascar.  »  (Colonel 
Malleson,  p.'  31). 


—  243  — 

un  poste  d'observation  avant  de  porter  la  dévole  chapelle  de  Notre- 
Dame. 

Quelle  fut  Torigine  de  cette  fondation?  M.  Gaubin  publie  (p.  4-5, 
note),  d'après  le  Glanage  de  Larcher,  une  charte  gasconne  de  1308,  où 
déjà  se  trouve  la  mention  de  «  Sente  Marie  de  Gueite  »  et  où  le  terri- 
toire qu'elle  occupe  est  attribué  à  «  madone  Guillelme.  »  C'est  évidem- 
ment Guillelmette,  fille  de  Gaston  VII  de  Béarn  et  de  Mathe  de  Bigorre 
et  qui,  après  la  victoire  de  son  père  sur  Esquivât,  petit-fils  et  héritier 
de  la  comtesse  Pétronille,  devint  dame  de  Rivière-Basse. 

«  Il  est  fortement  à  présumer,  dit  l'auteur,  que  cette  pieuse  dame, 
pour  remercier  le  ciel  des  succès  de  Gaston  qui  lui  valurent  la  qualité  . 
de  souveraine  de  Rivière-Basse,  peut-être  aussi  à  litre  de  réparation 
pour  le  sac  de  l'abbaye  de  Tasque,  se  sera  concertée  avec  les  moines 
de  ce  monastère,  coseigneurs  de  Goueyte,  pour  l'édification  d'une  cha- 
pelle expiatoire  sur  «  lo  terratori  de  madone  Guilhelme  »  et  qu'elle  l'aura 
comblée  de  libéralités.  » 

Quoi  qu'il  en  soit  de  ces  intentions,  d'ailleurs  très  dignes  d'une  des 
bienfaitrices  de  la  Case-Dieu,  la  fondation  de  Notre-Dame  de  Gouevte 
vers  1290  reste  probable.  Il  est  certain  que  celte  église  était  paroissiale 
au  commencement  du  quatorzième  siècle.  Mais  rien  n'indique,  à  celte 
époque  reculée,  l'habitude  de  s'y  rendre  en  pèlerinage.  La  dévotion  des 
peuples  a  pu  s'y  attacher  à  l'occasion  des  terribles  fléaux  de  la  seconde 
moitié  du  xv®  siècle  et  des  deux  siècles  suivants.  Mais  le  premier  texte 
précis  qui  en  fasse  mention  est  de  1645,  et  il  semble  fixer  avec  préci- 
sion le  commencement  de  la  «  dévotion  extraordinaire  »  pour  l'église 
de  Goueyte  à  l'année  1643.  L'évêque  de  Tarbes,  Salvat  d'Yharse  II, 
approuva  et  régla  ce  mouvement  populaire  et  il  érigea  la  chapelle  en 
consorce  ou  collège  de  quatre  prêtres.  Les  processions  des  paroisses 
voisines  y  affluaient,  spécialement  aux  fêles  de  Notre-Dame  des  Neiges 
(5  août)  et  de  la  Nativité  (8  septembre).  Le  concours  des  pèlerins  ne 
cessa  que  par  ordre  d6  l'autorité  diocésaine,  en  plein  dix-huitième  siècle. 
L'évèque  Pierre  de  La  Romagère  (1751-1769)  fut  sans  doute  déter- 
miné à  cette  suppression  par  quelqu'un  de  ces  abus  qui  se  glissent 
aisément  dans  les  réunions  nombreuses  ;  mais  peut-être  céda-t-il  un 
peu,  comme  les  meilleurs  évêques  le  firent  quelquefois  vers  cette  épo- 
que, aux  tendances  rigoristes  et  à  la  défiance  à  l'endroit  des  pratiques 
traditionnelles.  J'émets  ce  soupçon,  téméraire  peut-être,  à  mes  risques 
et  périls.  M.  Gaubin,  plus  prudent,  se  contente  de  dire  :  «  H  ne  nous 
appartient  pas  de  juger,  moins  encore  de  blâmer,  la  conduite  d'un 
évèque.  » 


—  244  — 

Le  dernier  fait  de  l'histoire  de  la  chapelle,  c'est  la  vente  nationale 
des  édifices  et  des  biens  lui  appartenant  (1).  Aujourd'hui  «  le  cime- 
tière de  Notre-Dame  de  Goueyte  et  le  sol  sur  lequel  était  bâlie  la 
sainte  chapelle ,  sont,  du  moins  en  partie,  traversés  par  le  chemin  qui 
conduit  de  Tieste  à  Belloc;  une  croix  indique  la  place  de  l'autel,  dit- 
on...  »  Ce  sont  les  termes  du  pieux  historien;  ils  montrent  bien  à  quel 
point  la  destruction  est  arrivée.  M.  labbé  Gaubin  ne  met  que  plus 
d'éloquence  et  de  zèle  à  réclamer  la  restauration  du  vénéré  sanctuaire 
et  le  renouvellement  des  pèlerinages  et  des  processisns  vers  la  chapelle 
et  vers  la  source  miraculeuse  qui  Tavoisinait. 

Je  suis  loin  d'avoir  donné  une  idée  suffisante  des  faits  et  des  docu- 
ments réunis  et  agencés  dans  cette  modeste  mais  savante  notice.  En 
particulier  j'ai  passé  entièrement  sous  silence,  outre  bien  d'autres  détails, 
les  deux  importants  chapitres  «  Dons  à  la  sainte  chapellç,  —  Trésor 
de  la  sainte  chapelle  »,  les  plus  intéressants  peut-être  pour  les  chroni- 
queurs et  les  archéologues.  Je  veux  signaler  au  moins,  dans  ce  dernier, 
la  description  de  plusieurs  objets  sacrés,  appartenant  aujourd'hui  à 
l'église  de  Belloc,  dont  le  territoire  embrasse  celui  de  Goueyte.  A  ces 
descriptions  sont  joints  de  bons  dessins  de  M.  l'abbé  J.  Dulac,  repré- 
sentant :  des  poinçons  imprimés  sous  un  calice  et  un  ciboire,  un  blason 
buriné  sur  le  pied  du  même  ciboire,  et  un  plat  de  quête  inscrit.  D'après 
l'interprétation  très  ingénieuse  et  assez  probable  de  M.  Gaubin,  le  tout 
trahirait  une  origine  espagnole  et  une  date  postérieure  à  1681,  mais 
antérieure  à  1700. 

On  voit  que  Topuscule  de  notre  excellent  collaborateur  intéresse  l'ar- 
chéologie et  l'histoire  provinciale,  en  même  temps  que  la  piété  des 
fidèles  serviteurs  de  Notre-Dame  de  Gascogne. 


Au  moment  de  donner  lo  bon  à  tirer  de  cette  dernière  feuille,  je  reçois 
le  fascicule  xvu'  de  nos  Archives  historiques  de  la  Gascogne  (2).  C'est  la 
ir  partie  dos  Sceaux  gascons  du  moyen-âge  (gravures  et  notices),  pu- 
bliés par  lo  très  regretté  M.  Paul  La  Plagne-Barris.  Contentons-nous  de 
dire  pour  aujourd'hui,  que  ce  magnifique  volume  (|)p.  197-537),  renferme 
plus  de  400  gravures  de  sceaux  seigneuriaux,  accompagnées  de  notices. et 
de  documents  concernant  une  foule  de  familles  nobles  de  la  Gascogne. 

L.  C. 

(1)  M.  Gaubin,  non  sans  motifs,  rapporte  à  Goucyte-Belloc  (sa  «  sainte  cliâ- 
pelle  »)  la  mention  de  Giwyte,  dans  VAnntiaire  du  Gers  de  1888,  mentioii  que 
M.  Breuils  (/?.  de  Gasc.  xxix,  523,  note  2)  avait  appliquée  à  Gueyte-Aoeron, 

(2)  Auch,  Cochai'aux  frères;  Paris,  Hon.  Champion.  Prix  (pour  les  non-sous- 
cripteurs) :  12  francs. 


LA  CULTURE  DE  LA  VIGNE 

DANS  LE  BAS-ARMAGNAC. 


Les  documenls  plus  ou  moins  anciens  qui  nous  ont  servi  pour  cette" 
étude  regardent  presque  exclusivement  la  commune  de  Cazaubon; 
mais  nous  pensons  que  les  données  qui  en  résultent  peuvent  s'appli- 
quer généralement  aux  terres  du  Bas-Armagnac. 

Le  plus  ancien  de  ces  documents,  le  seul  qui  puisse  nous  renseigner 
d'une  manière  certaine  pour  cette  époque  reculée,  est  la  Reconnaissance 
féodale  de  1477,  en  faveur  de  Madeleine  d'Armagnac.  * 

Malheureusement,  il  ne  nous  est  pas  parvenu  dans  son  intégrité; 
mais  il  en  reste  des  fragments  sur  chacune  des  huit  sections  de  la 
commune  de  Cazaubon,  qui  nous  permettront  de  juger  de  la  situation 
de  la  culture  de  la  vigne  dans  son  ensemble. 

L  —  PROGRÈS  DE  LA  CULTURE  DE  LA  VIGNE. 

Malgré  son  état  de  délabrement,  la  Reconnaissance  de  1477  contient 
le  dénombrement  de  88  propriétés;  sur  ce  nombre,  28  seulement  pa- 
raissent renfermer  des  vignes.  Il  est  permis  de  croire  que  la  même 
proportion  existait  sur  tout  le  territoire  de  la  communauté;  c'est-à- 
dire  qu'à  cette  époque,  environ  les  deux  tiers  des  tenanciers  ne  culti- 
vaient pas  la  vigne.  Nous  remarquons  d'ailleurs  qu'on  ne  consacrait 
alors  à  cette  culture  que  de  petites  parcelles,  tout  au  plus  quelques 
lattes  (1),  et  toujours  non  loin  des  habitations. 

Il  est  probable  que  la  plupart  des  vignes  étaient  hautes  et  échalassées 
et  que  les  sillons  étaient  très  rapprochés  les  uns  des  autres,  ce  qui  obli- 
geait de  les  travailler  à  la  bêche.  Nous  retrouvons  cette  façon  de  culture, 
du  moins  en  partie,  dans  les  âges  suivants.  Dans  les  actes  de  vente, 
quand  il  s'agissait  d'exprimer  la  contenance  d'une  pièce  de  vigne, 

(I)  Il  fallait  25  lattes  pour  un  journal,  qui  n'était  lui-même  que  les  89  parties 
et  fraction  d'un  hectare.  Chaque  latte  faisait  environ  3  ares  50  centiares. 

Tome  XXX.  —Juin  1889.  17 


—  246  — 

surtout  lorsqu'elle  était  de  peu  d'importance,  le  notaire,  au  lieu  de  re- 
chercher le  nombre  de  lattes,  se  contentait  de  mentionner  celui  des 
hommes  nécessaires  pour  la  travailler  dans  un  jour.  J'en  trouve 
des  exemples  assez  nombreux  jusque  vers  1680.  Cela  suppose 
évidemment  que  le  notaire,  les  intéressés  et  les  témoins  étaient  par- 
faitement fixés  sur  la  quantité  de  terrain  en  vigne  qu'un  homme  pou- 
vait bêcher  dans  un  jour  :  ce  qui  nous  paraîtrait  comme  impossible, 
si  ce  genre  de  travail  n'avait  pas  était  très  commun.  Nous  trouvons 
d'ailleurs  que  l'usage  de  planter  des  vignes  à  sillons  serrés  s'est  per- 
pétué, comme  nous  l'avons  déjà  dit,  pendant  les  deux  derniers  siècles, 
du  moins  pour  les  pièces  de  petite  contenance.  Il  en  restait  des  échan- 
tillons, un  peu  partout,  vers  1840.  Mais,  à  cause  de  la  difficulté  du 
travail  à  la  bêche,  elles  ne  tardèrent  pas  à  disparaître  entièrement.  Nous 
avons  pu  constater  également  que  les  vignes  échalassées  étaient,  le 
plus  souvent,  surtout  dans  l'ancien  temps,  un  mélange  de  plants 
blancs  et  rouges,  qui  produisaient  un  vin  clairet  fort  agréable  et  des- 
tiné sans  doute  à  la  table  des  familles  aisées  de  la  contrée.  Quand  ces 
vignes  étaient  entremêlées  d'arbres  fruitiers,  elles  prenaient  le  nom  de 
«  vergers.  »  Il  était  peu  de  maisons  bourgeoises  qui  n'eussent  un  vei^r 
près  de  leur  habitation.  Ces  vignes,  qu'on  appelait  aussi  pacherenques, 
à  cause  des  échalas,  nommés  vulgairement  pacA6?^s  (paxillà),  disparu- 
rent presque  de  partout,  durant  le  cours  du  dernier  siècle,  et  cédèrent 
la  place  à  des  vignes  non  échalassées  et  au  plant  qui  porte  le  nom  de 
piquepout  et  qui  produit  l'excellente  eau-de-vie  du  Bas-Armagnac. 

Maintenant,  pour  nous  rendre  compte  du  progrès  de  la  culture  des 
vignes  pendant  le  seizième  siècle,  il  nous  faut  descendre  de  la  Recon- 
naissance de  1477  au  Terrier  de  1600,  établi  par  ordre  et  sous  l'auto- 
rité de  François  d'Aubijoux,  comte  d'Amboise,  alors  chef  des  Baron- 
nies  d'Auzan.  Car  nous  n'avons  à  notre  portée  aucune  autre  pièce 
qui  puisse  nous  éclairer.  Ce  document  authentique,  et  parfaitement 
conservé,  nous  apgrend  que  sur  552  propriétaires,  habitants  de  la  ju- 
ridiction ou  forains,  368,  ou  environ  les  deux  tiers,  possédaient  des 
vignes.  Il  est  donc  certain  que  cette  culture  avait  fait  de  grands  progrès 
pendant  ce  long  intervalle  de  123  ans  ;  puisque  les  viticulteurs  n'étaient 
que  le  tiers  en  1477,  et  qu'ils  formaient  environ  les  deux  tiers  du 
nombre  total  des  propriétaires  en  1600.  Encore  faut-il  remarquer 
qu'il  n'y  avait  que  les  tout  petits  tenanciers,  possédant  à  peine  quelques 
lattes,  qui  fussent  privés  de  cet  avantage. 

Les  possesseurs  de  vignes  tenaient  dans  leurs  mains  4110  journaux, 
tandis  que  les  184  qui  en  étaient  dépourvus  n'en  occupaient  que  546, 


—  247  — 

y  compris  les  forains,  qui,  généralement,  ne  possédaient,  sur  notre 
territoire,  que  des  prairies,  des  bois  et  surtout  des  landes.  C'étaient  ces 
derniers  qui  détenaient  une  grande  partie  des  propriétés  privées  de 
vignes. 

Cette  culture  continua  à  progresser  pendant  le  xvii™®  siècle.  Pour 
nous  en  convaincre^  nous  n'avons  qu'à  comparer  le  terrier  de  1600 
avec  celui  de  1686,  qui  nous  est  également  parvenu  dans  une  parfaite 
intégrité.  D'après  ce  dernier  document,  le  nombre  des  propriétaires  a 
subi  une  grande  diminution.  De  552,  en  1600,  il  est  descendu  à  467, 
en  1686  :  76  tenanciers  ont  donc  disparu,  dans  ce  laps  de  temps,  et 
plusieurs  domaines  se  sont  arrondis.  Le  nombre  des  possesseurs  de 
vignes  a  aussi  un  peu  diminué;  de  368  il  est  tombé  à  343,  Mais  celui 
de  ceux  qui  en  étaient  privés  a  diminué  dans  des  proportions  bien 
plus  considérables  :  de  184,  en  1600,  il  est  réduit  à  122  en  1686.  De 
sorte  que  le  possesseurs  de  vignes,  qui  n'étaient  que  les  deux  tiers  des 
propriétaires  à  la  première  date,  en  formaient  presque  les  trois  quarts 
en  1686. 

Si  nous  considérons  la  contenance  de  chacun  des  deux  groupes, 
nous  trouverons  une  disproportion  bien  plus  considérable.  Les  345 
propriétaires  viticulteurs  tenaient  5,011  journaux,  tandis  que  les  122 
n'ayant  pas  des  vignes  n'en  occupaient  que  367;  de  sorte  que  ces  der- 
niers n'avaient,  en  moyenne,  que  deux  journaux  chacun,  tandis  que 
les  premiers  en  possédaient  14,  aussi  en  moyenne. 

Il  est  probable  que  la  contenance  des  forains  avait  fortement  dimi- 
nué. Si  les  terrains  avaient  exprimé  distinctement  l'étendue  du  terrain 
en  vignes  de  chaque  propriété,  il  eût  été  plus  facile  de  constater  par 
là  les  grands  progrès  de  cette  culture.  Mais  ils  ne  donnent  cette  conte- 
nance que  pour  les  pièces  isolées.  Sinon,  ils  portent  :  Un  tel  possède 
une  maison,  grange,  jaixlin,  verger,  vignes,  prés,  champs,  bois  et  lande, 
en  un  tenant,  contenant  x  journaux,  plus  une  pièce  de  champ,  vignes 
et  pré,  en  un  tenant,  d'une  contenance  de  x  journaux  et  x  lattes,  etc. 
11  est  impossible  de  démêler  la  part  de  chaque  nature  de  terrain.  Néan- 
moins nous  pouvons  juger  par  les  pièces  isolées  que  retendue  des 
vignes  a  considérablement  augmenté.  Car,  dans  le  terrier  de  1600,  on 
rencontre  bien  rarement  une  pièce  d'un  journal,  tandis  que,  dans 
celui  de  1686,  nous  en  trouvons  beaucoup  d'une  contenance  de  plu- 
sieurs journaux.  Il  est  plus  que  probable  que  les  vignes,  contenues 
indistinctement  dans  les  groupes  de  terrains  de  plusieurs  natures, 
avaient  gagné,  en  étendue,  dans  la  même  proportion. 

Cet  accroissement  dans  la  culture  de  la  vigne  ne  cessa  pas  et  même 


—  248  — 

s'accéléra  dans  le  siècle  suivant.  Les  grandes  familles  et  notamment 
celle  de  Maniban  lui  donnèrent  une  grande  impulsion.  Le  chef  des  an- 
ciennes Baronnies  avait  soin  de  laisser,  chaque  année,  une  somme 
assez  forte  entre  les  mains  de  ses  fermiers,  pour  y  planter  des  nou- 
velles vignes,  ou  pour  améliorer  les  terres.  Ses  vassaux,  principale- 
ment les  plus  aisés,  encouragés  par  cet  exemple,  convertirent  en  vigno- 
bles leurs  terres  les  moins  productives.  On  excita  les  métayers  à  faire 
des  plantations  à  leurs  frais,  en  leur  abandonnant  tout  le  produit 
d'un  certain  nombre  d'années.  M.  Cailhava,  notaire,  abandonna,  en 
1756,  au  métayer  d'Arnaude,  au  Sentex^  les  récoltes  des  six  premières 
années  d'une  vigne  plantée  dans  ces  conditions.  En  1721,  le  sieur 
Despiet,  aussi  notaire^  promit  également  le  fruit  de  six  années  d'une 
vigne,  dans  sa  métairie  de  Pichot,  à  Jean  Tachousin  du  Lanas,  à  con- 
dition qu'il  la  soignerait  en  père  de  famille  et  remettrait  tous  les  pieds 
qui  viendraient  à  périr. 

Cet  usage  s'est  conservé  jusqu'à  ces  derniers  temps.  J'ai  été  moi- 
même  témoin  de  semblables  plantations,  dans  les  premières  années  de 
mon  séjour  à  Barbotan,  vers  1840. 

Pour  faire  une  plantation,  l'autorisation  du  chef  de  la  province  était 
nécessaire.  Mais  ce  n'était,  du  moins  dans  le  dernier  siècle,  qu'une 
simple  formalité.  Cette  permission  n'était  jamais  refusée.  Il  suffisait 
que,  dans  un  semblant  d'enquête,  deux  voisins  ou  deux  amis  afinmas- 
sent  que  ce  terrain  était  impropre  à  toute  autre  culture.  Le  grand 
avantage  qui  en  résulta,  c'est  que  les  terres  les  plus  improductives,  où 
l'on  ne  récoltait  que  du  millet,  de  la  milhade  et  de  l'orge,  se  couvrirent 
de  superbes  vignobles  et  firent  ensuite  la  richesse  du  pays. 
•  Avant  le  milieu  du  xviii®  siècle,  sans  parler  des  maisons  seigneu- 
riales, qui  tenaient  le  premier  rang  dans  les  diverses  cultures,  nous 
voyons  plusieurs  familles  bourgeoises  en  possession  d'une  grande 
étendue  de  vignes  (1). 

Le  Bas-Armagnac  était  déjà  riche  d'une  immense  étendue  de  vigno- 
bles à  la  fin  du  dernier  siècle.  Mais  cette  culture  prit  un  développe- 
ment beaucoup  plus  considérable  dans  la  première  moitié  du  xix®  et 
surtout  pendant  le  second  empire.  Le  haut  prix  du  vin,  occasionné  par 
les  ravages  de  l'oïdium,  qui,  durant  plusieurs  années,  respecta  le 
piquepout  de  notre  région,  y  produisit  un  véritable  enthousiasme  pour 


(1)  Ainsi  celle  de  Genous  de  Larroque  en  possédait  28  journaux  en  1740, 
comme  nous  l'apprenons  par  un  inventaire  fait  à  Toccasion  d'une  succession. 
On  en  comptait  12  journaux  sur  la  propriété  de  Sancet  en  1756. 


—  249  — 

celte  culture.  On  peut  dire  que  plus  des  deux  tiers  des  terres  laboura- 
bles se  trouvaient  plantées,  lorsque  cette  maladie  commença  à  se  mon- 
trer vers  1870.  Les  récoltes  diminuèrent  graduellement,  et  finirent 
par  disparaître,  presque  en  entier,  sous  ^influence  délétère  du  mildew.' 
Il  serait  difficile  d'apprécier  la  quantité  des  vignes  arrachées  pendant 
ces  dernières  années.  Le  succès  du  sulfatage,  en  1887,  a  réveillé  la 
confiance.  Il  est  probable  que  si  ce  traitement  réussit  à  faire  dispa- 
raîlre  ce  fléau,  on  ne  tardera  pas  à  les  remplacer  par  des  plantations 
nouvelles. 

II.  —  PRIX  DES  TERRES   PLANTÉES  EN  VIGNES. 

Observons  d'abord  que  la  vigne  a  toujours  tenu  le  premier  rang, 
quant  à  la  valeur,  parmi  les  terres  de  diverse  nature,  mais  que  les  prix 
de  ventes  faites  à  la  même  date  peuvent  avoir  entre  eux  des  différen- 
ces considérables,  selon  les  qualités  du  terrain,  et  selon  les  soins  d'une 
bonne  ou  d'une  mauvaise  culture. 

Nous  partons  des  premières  années  du  xvii®  siècle;  le  peu  d'actes 
antérieurs  que  nous  avons  sous  la  main  se  bornent  à  détailler  les 
confronts,  sans  mentionner  la  contenance.  Pendant  le  cours  dudit 
siècle,  le^i  prix  varient  de  75  à  350  livres  le  journal.  Naturellement 
ils  croissent  avec  les  années,  mais  non  pas  d'une  manière  régulière  : 
nous  trouvons  souvent  des  points  d'arrêt  et  même  des  mouvements 
rétrogrades.  En  prenant  trente  ventes,  en  diverses  années,  j'obtiens 
pour  le  xvii°  siècle  une  moyenne  de  171  livres  le  journal.  Le  prix  des 
vignes  hautes  était  un  peu  plus  élevé  que  celui  des  basses,  plantées  de 
piqaepout, 

La  valeur  des  terres  plantées  continua  à  croître  dans  le  siècle  suivant. 
La  convenance,  la  proximité  de  la  ville  ou  d'un  gros  hameau,  une 
fertilité  extraordinaire  pouvaient  quelquefois  donner  à  une  pièce  de 
vigne  une  valeur  exceptionnelle.  Ainsi  je  trouve  une  vente,  en  1774, 
à  675  livres  le  journal,  et  une  autre,  en  1777,  à  700  livres.  Ces  prix  s'é- 
cartent trop  du  cours  ordinaire,  à  cette  époque,  pour  que  nous  y  ayons  le 
moindre  égard.  En  prenant,  pour  le  dix-huitième  siècle,  la  moyenne  d'un 
gi-and  nombre  de  ventes  en  divers  temps,  nous  obtenons  environ 
300  livres  le  journal.  Dans  le  partage  d'une  succession,  en  1740,  les 
vignes  sont  estimées  250  livres  le  journal.  Dans  un  autre  partage,  en 
1745,  elles  sont  portées  à  300  livres.  Je  trouve  encore  ailleurs  une  esti- 
mation par  arbitres  à  400  livres.  Je  puis  donc  croire  que  la  moyenne 
de  300  Uvres,  pour  le  xviii®  siècle,  est  très  près  de  la  vérité. 


—  250  — 

Ce  prix  continua  à  s'élever  :  je  trouve  uneni05^enne  de500fr.  Thec- 
tare  pour  les  premières  années  de  noire  siècle.  Un  peu  plus  tard,  les 
vignes  se  vendaient  de  sept  à  huit  cents  francs  l'hectare.  Vers  1850, 
pour  les  vignes  bien  tenues,  le  prix  était  de  mille  à  douze  cent  francs. 
Mais  à  partir  de  1852,  le  haut  cours  des  eaux-de-vie  leur  donna  soudai- 
nement une  valeur  extraordinaire,  de  deux  à  trois  mille  francs  Thee- 
tare  pour  les  ventes  au  détail. 

Les  maladies  de  l'oïdium  et  du  mildew  les  ont  ramenées  au-dessous 
du  prix  moyen  du  xvni®  siècle;  de  sorte  qu'on  aurait  peine  de  trouver 
des  preneurs,  même  à  ce  prix.  On  commence  à  espérer  (1888)  que  le 
sulfatage,  en  détruisant  le  mildew,  ramènera  les  beaux  jours  dans  ce 
pays  si  éprouvé. 

III.  —    DE  LA  QUANTITÉ  ET   DU   PRIX  DES  VINS. 

Parlons  d'abord  de  la  quantité  du  vin  produit  dans  le  Bas- Arma- 
gnac pendant  les  deux  derniers  siècles.  Nous  ne  nous  arrêterons  pas 
longtemps  sur  celte  question,  qui  se  trouve  comme  résolue  par  le  P^^' 
mier  point  de  cette  étude  :  «  du  progrès  de  la  culture  de  la  vigne;  »  i^  ^^^ 
évident  que  la  quantité  du  vin  récolté  doit  être  en  rapport  direct  avec 
rétendue  des  terres  plantées.  Nous  pouvons  en  conclure  qu^  dès  les 
premières  années  du  xvii®  siècle,  chaque  propriétaire  possédant  quel- 
ques journaux  de  terre  cultivait,  pour  le  moins,  quelques  lattes  ae 
vigne  rouge  ou  blanche,  et  que,  généralement,  sauf  les  accid^ï^ls  de 
grêle  ou  de  gelée,  il  n'était  pas  privé  de  l'usage  du  vin.  Les  grands 
propriétaires  en  récoltaient  déjà  au-delà  de  leur  consommatiaJ^-  ^^^ 
excédent  devait  donner  lieu  à  un  petit  commerce,  parmi   le^    ^^"^' 
tants  de  la  région.  Il  est  probable  qu'une  exportation  sérieuse    ^®  ^ 
produisit  que  plus  tard,  avec  l'abondance  des  eaux-de-vie.  Il  est  iJi^l^''^ 
d'ajouter  que  la  quantité  du  vin  s'accrut  rapidement,  en  même  temps 
que  rétendue  des  vignobles,  à  tel  point  qu'il  devint  et  qu'il  est  oTicore 
aujourd'hui  le  principal  revenu  du  pays. 

Recherchons  maintenant  quel  fut  le  prix  du  vin  dans  ces  di^'^'"^ 
temps.  Notons  d'abord  qu'il  fut  toujours  des  plus  variables  -  "'^^ 
d'une  fois  on  le  voit  monter  ou  descendre  d'un  chiffre  consid^^^^ 
dans  un  délai  de  quelques  jours.  Une  forte  gelée,  une  fausse  po"^^^' 
un  temps  défavorable  ou  de  belles  vendanges  inattendues^  ^^' 
fisaient  pour  produire  ces  soubresauts  en  avant  ou  en  a**^^^^*^' 
C'est  encore  aujourd'hui,  de  tous  les  produits  de  la  terre,  l^  P^^^ 
sujet  aux  changements  soudains .  Nous  ne  trouverons  donc  pa^  ^^^ 


—  251  — 

marche  ascendante  régulière.  Nous  pourrons  néanmoins  constater  cette 
progression  en  établissant,  comme  pour  la  valeur  du  terrain,  la  moyenne 
du  prix  dans  chaque  siècle. 

Dans  le  xvii*  siècle,  la  barrique  ne  contenait  généralement  que  32 
veltes,  ou  256  bouteilles,  environ  250  litres;  ce  que  Ton  appelait 
«  barrique  à  petite  jauge.  »  Nos  calculs  sont  basés  sur  cette  mesure. 
Celle  a  à  grande  jauge  ,  »  dont  il  est  quelquefois  question  et  dont  l'u- 
sage devait  prévaloir  vers  la  fin  du  dernier  siècle,  contenait  40  vel- 
tes. 

Les  documents  que  je  possède  ne  me  permettent  pas  de  porter  mes 
vues  au-delà  de  1600.  Pendant  le  cours  de  ce  premier  siècle,  le  prix  du 
vin  oscille;  en  opérant  sur  un  grand  nombre  d'années,  je  trouve  un 
prix  moyen  de  13  livres  la  barrique. 

Pendant  le  siècle  suivant,  ce  prix  varie  de  9  à  40  livres;  mais  les 
ventes  les  plus  ordinaires  flottaient  entre  15  et  25  livres  la  barrique. 
En  opérant  comme  ci-dessus,  nous  obtenons,  pour  le  xvni®  siècle,  une 
moyenne  de  19  livres  10  sous.  On  voit  que  le  progrès  est  considérable. 
En  1777,  les  vins  acquirent  une  valeur  exceptionnelle  :  je  trouve  des 
ventes  à  45  et  à  50  livres.  Il  est  probable  que  la  récolte  avait  complè- 
tement manqué  l'année  précédente.  Car  1777  eut  des  vendanges  des 
plus  abondantes.  A  Maniban,  et  sans  doute  ailleurs,  on  fut  obligé  de 
creuser  de  nombreux  trous  ou  bassins,  dans  le  sol  des  granges,  pour 
y  loger  l'excédent  de  la  récolte,  qu'on  se  hâtait  de  convertir  en  eau-de- 
vie.  Ce  procédé  s'est  conservé  dans  le  pays;  j'en  ai  vu  moi -môme 
l'application,  t  Barbotan,  en  1840.  Naturellement  le  prix  baissa,  après 
les  belles  vendanges  de  1777.  Je  le  trouve  à  20  livres,  au  commence- 
ment de  1778.  Mais  il  devait  y  avoir  une  autre  cause  :  le  prix  de  la 
barrique  remonta  à  45  livres  pendant  l'été  de  la  môme  année,  pour  re- 
descendre à  21  livres  après  vendanges  et  à  10  livres  en  1779. 

Les  vignes  rouge?  avaient  dû  disparaître  presque  totalement  du 
pays.  Car,  à  partir  de  1778,  je  trouve  des  achats  de  vin  de  Buzet, 
rendu  à  Cazaubon,  au  prix  de  33  à  35  livres  la  barrique.  Cependant 
quelques  rares  propriétaires  s'étaient  procuré  des  plants  rouges  de 
bonne  qualité,  et  avaient  réussi  à  obtenir  d'excellents  vins.  Mais 
c'étaient  des  exceptions.  L'oïdium,  qui  attaquait  de  préférence  les 
plants  lins,  en  a  d'ailleurs  détruit  un  certain  nombre  il  y  a  une  qua- 
rantaine d'années. 

Si,  passant  au  xix®  siècle,  nous  faisions,  sur  les  divers  prix  des 
années  déjà  écoulées,  le  môme  calcul  que  sur  ceux  des  çiècles  précé- 
dents, nous  trouverions,  sans  aucun  doute,  un  progrès  beaucoup  plus 


—  2f52  — 

considérable.  Je  ne  crois  pas  que  ce  prix  soit  descendu  au-dessous  de 
20  fr.  la  barrique  de  320  litres,  sauf  peut-être  dans  quelque  année 
d'extrême  abondance  et  pendant  les  vendanges  lorsqu'on  éprouvait  de 
rembarras  à  loger  tout  son  viYi.  Je  me  souviens  d'avoir  entendu  parler 
de  ventes,  dans  ces  circonstances,  à  15  et  18  fr.  la  barrique.  Mais  j  ai 
vu,  deux  ou  trois  fois,  ce  prix  dépasser  100  fr.  Il  est  probable  que  la 
moyenne  des  ventes  de  ces  années  approcherait  du  prix  le  plus  élevé 
du  siècle  précédent.  Ce  qui  a  valu  à  notre  piguepoid  cet  enchérisse- 
ment,  c'est  une  appréciation  meilleure,  au  loin,  des  eaux-de-^ie  du 
Bas-Armagnac,  dont  nous  entretiendrons  prochainement  les  lecteurs 
de  la  Revue  de  Gascogne. 

DUCRUC, 
Curé-doyen  de  Cazaubon 


Pour  une  plus  complète  intelligence  des  études  de  M.  le  curé-doyen 
de  Cazaubon  sur  l'histoire  de  la  vigne  et  de  l'eau-de-vie  en  Bas- 
Armagnac,  —  en  faveur  surtout  des  lecteurs  étrangers  à  ce  pa}^,  — 
nous  donnons  ici  une  demi-page  de  l'excellente  Topographie  des 
vignobles  du  Gers  et  de  l'Armagnac,  par  M.  Jules  Seillan  (3®  édit., 
Paris,  G.  Masson,  1872,  in-12)  : 

Œ  L'Armagnac  [viticole]  se  divise  en  trois  zones  :  1"  le  Bas-Arma- 
guac;  2*^  la  Ténarèze;  3*^  le  Haut-Armagnac. 

»  I.  Le  Bas-Armagnac  produit  les  premiers  crûs.  Il  comprend, 
dans  le  GerSy  les  cantons  de  Cazaubon  et  de  Nogaro;  —  citons  les 
communes  de  Houga,  Castex,  Estang,  Monguilhem  et  Cazaubon;  — 
et,  dans  les  Landes^  la  partie  sud-est  du  canton  de  Gabarret,  entre 
autres  communes  Gabarret,  Créon,  Lagrange  et  Parlebosq;  et  Labasiide 
d'Armagnac,  dans  le  canton  de  Roquefort. 

»  La  limite  du  Bas-Armagnac  est,  à  Test,  la  chaîne  de  coteaux  qui 
sépare  le  bassin  de  l'Adour  de  celui  de  la  Garonne  (1) » 

(1)  Op  cit.,  p.  17, 18. 


LA  GASCOGNE 

ET   LES    PAYS  LIMITROPHES 

DANS  LA  LÉGENDE  CAROLINGIENNE 

Suite  (*). 


SU 

LE  PSEUDO-TURPIN 

Voici  le  résumé  de  ce  lexte,  entrepris  surtout,  comme 
celui  de  la  Chanson  de  Roland,  au  point  de  vue  de  la  Gas- 
cogne et  des  régions  adjacentes  (!)• 

Une  nuit,  Charlemagne  aperçoit  dans  le  ciel  «  une  voie 
d'étoiles,  »  qui  s'étend  de  la  mer  de  Frise  au  tombeau  de 
saint  Jacques  en  Galice,  Cet  apôtre  apparaît  à  l'empereur  et 
lui  commande  de  délivrer  son  pèlerinage,  dont  la  route 
est  souillée  par  les  infidèles.  Charlemagne  obéit  et  part  (2). 
Les  Francs  victorieux  arrivent  devant  Pampelune  {Pampi- 
lonia),  dont  les  murs  tombent  miraculeusement  devant  les 
assaillants.  L'empereur  visite  le  tombeau  de  saint  Jacques, 
et  pousse  jusqu'à  Padron  (5).  Viennent  ensuite  les  noms  des 
villes  d'Espagne  conquises  par  Charlemagne  (4),  qui  détruit 
toutes  les  idoles  de  la  Péninsule,  et  notamment,  à  Cadix, 


(•)  Voir  ci-dessus,  livraison  d'avril,  p.  168. 

(1)  J'ai  sous  les  yeux  l'édition  de  M.  Ferdinand  Castets,  Turpinl  Historia 
Karoli  magni  et  Rotholandi.  Paris,  1880. 
(8)  Pseudo-Turpin,  cl. 

(3)  /rf.,  c.  2. 

(4)  Id.,  c.  3. 


—  254  — 

rimage  de  Mahomet  désignée  sous  le  nom  d'  «  Islam  »  (1). 
L'empereur  victorieux  fait  construire  une  église  superbe  en 
rhonneur  de  saint  Jacques.  11  en  fait  élever  d'autres  à  Aix- 
la-Chapelle,  à  Toulouse  (Tolosam),  en  Gascogne  entre  la  ville 
de  Dax  et  Saint-Jean-de-Sordes,  sur  le  chemin  de  Saint-Jac- 
ques {inGasconia  inter  urbem  quœ  vuigo  dicilur  Axa  et  Sanc- 
tum  loannetn  Sorduœ  in  via  lacobitana)  et  à  Paris  (2). 

Ici  finit  la  première  partie  du  Pseudo-Turpin,  qui  forme  un 
tout  bien  complet  et  nettement  caractérisé.  Voici  maintenant 
le  résumé  des  autres  chapitres  qui  sont,  comme  je  l'ai  déjà 
dit,  l'œuvre  d'un  moine  de  Saint-André-de- Vienne. 

Charlemagne  revint  en  France,  et  Aigoland  {Aigolan- 
dus)  (3),  roi  païen  d'Afrique,  envahit  l'Espagne.  L'empereur 
repartit  pour  ce  pays  avec  son  armée  (4).  Lui  et  les  siens 
séjournèrent  à  Bayonne,  ville  du  pays  des  Basques  {Baionam, 
vrbem  Basclorum).  Là,  un  chevalier  nommé  Romaric,  se  sen- 
tant près  de  sa  fin,  se  confessa,  communia,  et  ordonna  de 
vendre  son  cheval,  pour  en  distribuer  le  prix  aux  clercs  et 
aux  pauvres.  Romaric  mourut,  et  un  de  ses  cousins  dissipa 
promptement  en  folles  dépenses  l'argent  affecté  d'une  pieuse 
destination.  Trente  jours  plus  tard,  le  chevalier  apparut  à 
son  cousin  et  lui  dit  :  «  Sache  que  Dieu  m'a  pardonné  tous 
mes  crimes,  parce  que  je  t'ai  confié  mes  biens  afin  de  les 
dépenser  en  aumônes  pour  la  rédemption  de  mon  âme.  Mais 
comme  tu  as  retenu  injustement  mon  aumône,  j'ai  souffert 
pendant  trente  jours  les  peines  du  Tartare.  Sache  que  demain 
tu  seras  jeté  dans  le  lieu  infernal  d'où  je  suis  sorti  pour  aller 
en  paradis.  • 

Cela  dit,  le  mort  se  retira,  et  le  vivant  effrayé  se  ré- 
veilla. Dès  le  matin,  il  raconta  publiquement  ce  qu'il  avait 


(1)  Pseudo-Turpin,  c.  4. 

(2)  Id.,  c   5. 

(3)  L' Aigoland  du  Pactido-Turpin  n'a  rien  de  commun  que  le  nom  avec  celui 
d* Aspremont,  poème  de  xiii*  siècle  publié  par  Guessard.  , 

(4)  Psetido-Turpint  c.  6. 


—  255  — 

VU.  Toute  l'armée  s'entretenait  d'un  si  grand  événement. 
Mais  voilà  que  tout  à  coup  on  entendit  dans  les  airs  des  cla- 
meurs pareilles  à  des  rugissements  de  lions,  de  loups  et  de 
veaux;  et,  parmi  ces  clameurs,  Thorarae  fut  enlevé  tout  vivant 
par  les  démons  du  milieu  des  assistants.  L'armée  de  Charle- 
magne  mit  ensuite  douze  jours  à  traverser  les  déserts  de  la 
Navarre  et  de  l'Alava  {Navarrorum  et  Alavarum),  où  on 
trouva  le  corps  de  Thomme  brisé  sur  un  rocher  dominant  la 
mer.  C'est  là  que  l'avaient  jeté  les  démons  qui  avaient 
emporté  son  âme  dans  le  Tartare  (4). 

Ensuite,  Charlemagne  marcha  contre  Àigoland.  Avant  le 
combat,  les  lances  des  chrétiens  qui  devaient  bientôt  périr 
dans  la  lutte  se  couvrirent  d'écorces  et  de  feuillages.  Aigo- 
land battu  se  réfugia  dans  le  pays  de  Léon  (2). 

L'année  suivante,  ce  roi  sarrasin  rassembla  d'innombrables 
nations,  Maures,  Moabites,  Éthiopiens,  etc.  A  leur  tète  Aigo- 
land s'avança  jusqu'à  la  ville  gasconne  d'Agen  {urbem  yas- 
conicam  Agenni)  et  s'en  empara.  Puis,  il  fit  dire  à  Charles 
de  venir  vers  lui  pacifiquement,  avec  une  troupe  de  soldats, 
promettant  de  lui  donner  soixante  chevaux  chargés  d'or, 
d'argent  et  autres  richesses,  s'il  voulait  reconnaître  son  auto- 
rité. Mais  Charles,  qui  se  défiait,  partit  avec  dix  mille  hom- 
mes d'élite.  Arrivé  à  quatre  milles  d'Agen,  il  fit  cacher  pres- 
que tous  ses  compagnons,  et  arriva  avec  soixante  chevaliers 
jusqu'à  la  montagne  qui  est  proche  de  la  ville  {usque  ad  mon- 
tem,  qui  est  prope  vrbem)  et  d'où  on  peut  voir  ce  qui  s'y 
passe.  Là,  il  renvoya  son  escorte,  se  dépouilla  de  ses  beaux 
vêtements,  et  se  présenta  sans  lance,  le  bouclier  en  travers 
sur  le  dos,  selon  la  coutume  des  messagers  en  temps  de  guerre. 
L'empereur  pénétra  ainsi  dans  Agen,  sans  être  reconnu.  Il 
y  fut  reçu  par  Aigoland,  explora  la  ville,  remarqua  la  partie 
faible  de  ses  remparts,  et  rejoignit  ensuite  ses  soixante  cheva- 

(1)  Pseudo-Turpln,  c.  7. 

(2)  /d.,  c.  8. 


—  256  — 

liers,  poursuivi  par  Aigoland  à  la  tête  de  sept  mille  hommes 
montés.  De  retour  en  France,  Charles  rassembla  des  forces, 
et  revint  sous  les  murs  d'Agen,  qu'il  assiégea  durant  six 
mois,  en  utilisant  divers  engins  de  guerre.  Aigoland,  finale- 
ment abandonné  par  les  rois  et  les  seigneurs  de  son  entou- 
rage, se  sauva  par  les  latrines  {latrinas),  traversa  la  Garonne 
{fluvium  Guaronam),  et  échappa  à  Charles.  Le  jour  suivant, 
l'empereur  entra  dans  la  ville.  Dix  mille  Sarrasins  périrent  par 
l'épée.  Le  reste  échappe  à  la  mort  en  traversant  le  fleuve  (1). 
Aigoland  se  réfugia  alors  à  Saintes  {Santonas),  qui  était 
au  pouvoir  des  Sarrasins.  On  se  prépara  à  faire  bataille  près 
du  château  de  Taillebourg  {castrum,  quod  dicUur  Taleburgus), 
sur  les  bords  de  la  Charente  {fluvium  nomim  Charantam). 
Les  bois  des  lances  des  chrétiens  qui  devaient  périr  dans  l'ac- 
tion se  couvrirent  d'écorces  et  de  feuillages.  Les  infidèles 
furent  battus,  et  Aigoland  prit  la  fuite  (2).  Il  franchit  les  ports 
de  Gize  {porlus  Cisef^eos),  arriva  devant  Pampelune  {Pampi- 
tonam),  et  Charles  s'apprêta  à  l'y  poursuivre.  Parmi  les  com- 
pagnons de  l'empereur  signalés  par  le  Pseudo-Turpin,  figurent 
notamment  Roland,  général  des  armées,  comte  du  Mans,  sei- 
gneur de  Blaye  {Blavii  dominus),  Angeler,  d'origine  gasconne 
{génère  gasconus),  et  duc  de  la  ville  d'Aquitaine  {Aquitaniœ), 
sise  entre  Limoges,  Bourges  et  Poitiers.  Angeler  conquit  ces  con- 
trées, ainsi  que  la  Saintonge  et  l'Angoumois.  Le  tout  forma  le 
pays  d'Aquitaine.  Gaifer,  roi  de  Bordeaux  {rex  burdegalensis), 
était  aussi  là  avec  trois  mille  hommes.  Cette  innombrable  armée 
s'assembla  dans  les  Landes  des  Bordeaux  (m  tandis  burde- 
galensibus).  L'avant-garde,  conduite  par  Arnaud  de  Ballanda, 
passa  les  ports  de  Cize  {porlus  Cisereos),  et  arriva  devant 
Pampelune.  Le  reste  suivait.  Charlemagne  et  son  entourage 
fermaient  la  marche.  L'armée  couvrait  tout  le  pays,  depuis  le 
cours  d'eau  de  la  Rune  {flamine  Rumœ,  variante  Runœ), 

(1)  Pseudo-Turpin,  c.  9. 

(2)  /rf.,  c.  10. 


-.  257  — 

jusqu^à  une  montagne  distante  de  trois  lieues  du  chemin  de 
Saint-Jacques  (via  iacobitana).  Aigoland  se  prépara  à  combat- 
tre (1).  Pour  gagner  du  temps,  il  conclut  une  trêve,  promet- 
tant de  se  faire  baptiser,  ainsi  que  son  peuple  (2).  Le  roi 
sarrasin  vint,  en  effet,  trouver  Charles,  mais  il  refusa  le  bap- 
tême (3).  Alors  commença  la  guerre  dePampelune,  où  Aigo- 
land péril  de  la  main  d'Arnaud  de  Ballanda  (4).  Certains 
chrétiens  de  Tarmée  impériale  se  montrèrent  alors  trop  avides 
de  butin  (5).  Une  croix  rouge  apparut  subitement  sur 
Tépaule  des  soldats  de  Charles  qui  devaient  trouver  la  mort 
dans  Texpédition  contre  le  roi  de  Fouré.  C'était  Tempereur 
qui  avait  demandé  ce  prodige.  Les  guerriers  ainsi  marqués 
périrent,  en  effet,  mais  la  bataille  fut  gagnée  (6). 

L'Espagne  devint  ensuite  le  théâtre  d'une  nouvelle  guerre.  A 
Nardres,  Roland  tua  un  géant  nommé  Ferragus,  qui  était  de  la 
race  de  Goliath  (7) .La  lutte  continua  sous  les  ordres  d'Ebrhahim, 
roi  de  Séville,  et  d'Altumajor,  roi  deCordôue.  Cachés  sous  d'hor- 
ribles masques,  les  païens  attaquèrent  les  Francs  en  poussant 
d'épouvantables  cris.  D'abord  les  chrétiens  reculèrent;  mais 
ils  furent  vainqueurs  le  lendemain.  Charles,  maître  de  l'Es- 
pagne, en  fit  le  partage  entre  les  peuples  qui  marchaient 
à  sa  suite.  Aux  Bretons  il  donna  la  Navarre  et  le  Pays  Basque 
.  {lenam  Navarrorum  et  Basclorum),  aux  Francs  la  Castille, 
aux  Grecs  et  Apuliens  Nagera  {Nageram)  et  Sarragosse,  aux 
Poitevins  l'Aragon,  aux  Teutons  l'Andalousie,  aux  hommes  de 
Dacie  et  des  Flandres  le  Portugal.  Les  Francs  refusèrent  d'ha- 
biter le  sauvage  pays  de  Galice  (8).  Cela  fait,  Charles  prit  le 
chemin  de  Saint-Jacques-de-Compostelle  (9). 

(1)  Pseudo-Turpin,  c.  11, 

(2)  /rf.,  c.  12. 

(3)  /rf.,  c.  13. 

(4)  W.,  c.  14. 

(5)  Id,,  c.  15. 

(6)  /rf.,  c.  16. 

(7)  Id.,  c.  17. 

(8)  Id.,  c.  18. 

(9)  Id..  c.  19. 


--  268  — 

Le  PsetidO'Turpin  célèbre  ensuite  les  qualités  physiques  et 
morales  de  Charlemagne  (1). 

Cependant,  Marsile  et  Baliganl,  tous  deux  rois  de  Sarra- 
gosse,  et  envoyés  par  l'émir  de  Babylone,  feignirent  de  se 
soumettre  à  Tempereur,  et  lui  envoyèrent  trente  chevaux 
chargés  d'or,  d'argent  et  autres  richesses,  soixante  chevaux 
chargés  de  vin  doux,  et  mille  belles  sarrasines.  Par  pure  ava- 
rice, et  sans  nul  désir  de  vengeance,  Ganelon  trahit  alors  son 
pays,  et  promit  de  livrer  aux  païens  les  meilleurs  chevaliers 
de  l'armée  chrétienne. 

Les  Francs  se  livrèrent  d'ailleurs  à  des  débauches  faites 
pour  exciter  le  courroux  céleste.  Tandis  que  Ganelon  endor- 
mait leur  prudence,  l'arrière-garde  de  Charles  fut  attaquée  subi- 
tement à  Roncevaux  (in  Runcievalle)  par  les  Sarrasins  de  Mar- 
sile et  de  Baligand,  qui  en  firent  un  grand  carnage  (2).  Tous  les 
Francs  périrent,  sauf  Baudoin,  Turpin,  Thierry  et  Ganelon.  Ro- 
land  tua  Marsile.  Puis,  fatigué  de  combattre,  il  tenta  vainement 
de  briser  son  épée  Durendal  sur  un  rocher  de  marbre  (3).  En 
sonnant  du  cor  pour  appeler  au  secours,  le  héros  se  rompit 
les  veines  du  col.  Charles  entendit  l'appel  de  Valcarlos  (m 
vaUe  quœ  Karoli  dicitur).  Roland  en  prières  trépassa  entre  les 
mains  de  Thierry  (4).  Ici  le  Pseudo-Turpin  célèbre  en  dix  dis- 
tiques les  mœurs  et  la  générosité  du  paladin  (5). 

Le  17  mars,  Turpin  chantait  la  messe,  quand  il  vit^  tout 
à  coup  passer  dans  les  airs  les  démons  qui  menaient  en  enfer 
l'âme  de  Marsile,  et  les  anges  qui  escortaient  au  ciel  celle  de 
Roland.  Presque  au  même  instant,  Baudoin  apportait  à 
Charles  la  nouvelle  de  la  mort  de  son  neveu,  qu'il  fit  embau- 
mer (6).  Les  chrétiens  vinrent  relever  leurs  morts  à  Ronce- 


Ci)  Pseudo-Turpin,  c.  20. 

(2)  Id.,  c.  21. 

(3)  /rf.,  0.  22. 

(4)  /rf.,  c.  23. 

(5)  /rf.,  c.  24. 

(6)  Id.,  0.  25. 


—  Ô59  — 

vaux.  Dieu  arrêta  le  soleil^  afin  de  permettre  à  Charles  de 
tirer  vengeance  des  Sarrasins.  Le  traître  Ganelon  fut  jugé  et 
exécuté  (1).  On  embauma  les  corps  des  chrétiens  morts  dans 
le  combat,  avec  des  aromates  et  du  sel  (2).  11  y  avait  alors  deux 
cimetières  fameux,  Fun  à  Arles,  aux  Aliscamps  {in  Aylis  cam- 
pis),  et  l'autre  près  de  Bordeaux.  Celui-ci  avait  été  béni  par 
sept  évêques,  Maximin  d'Aix  en  Provence  {Aquensis),  Trophime 
d'Arles,  Paul  de  Narbonne,  Fronton  de  Périgueux,  Eutrope  de 
Saintes.  Là  furent  inhumés  la  plupart  des  preux  qui  avaient  suc- 
combé à  la  bataille  du  mont  Garzim  {montis  Garzim)  (3).  Charle- 
magne  conduisit  jusqu'à  Blaye  {Blaviam)  le  cadavre  de  Roland, 
et  le  fit  ensevelir  dans  la  basilique  de  Saint-Romain.  Son  cor 
fut  déposé  dans  celle  de  Saint-Seurin  près  Bordeaux.  Proche 
du  bourg  de  Belin  {Belinum),  aujourd'hui  compris  dans  le 
département  de  la  Gironde,  furent  ensevelis  Olivier,Gondebaud, 
roi  de  Frise,  Ogier,  roi  de  Dacie,  Arastagne,  roi  de  Bretagne, 
Garin,  duc  de  Lorraine,  et  quantité  d'autres.  A  Bordeaux,  dans 
le  cimetière  de  Saint-Seurin,  on  déposa  Gaifer,  roi  de  Bor- 
deaux, Engeler,  duc  d'Aquitaine,  Lambert  de  Bourges,  Gelin, 
Rainaud  de  Blanche-Épine,  Gautier  de  Termes,  Guillaume, 
Bego,  et  cinq  mille  autres.  Oelluset  force  bretons  furent  trans- 
portés jusqu'à  Nantes.  Puis,  Charlemagne  et  quelques-uns  de 
ses  compagnons  traversèrent  la  Gascogne  et  Toulouse  {Gas- 
coniam  et  Totosam),  pour  aller  à  Arles  retrouver  l'armée  des 
Bourguignons,  dont  ils  s'étaient  séparés  à  la  vallée  d'Osta- 
barret  (m  Hosla  vallé).  Cette  armée  avait  pris  sa  route  par  Mor- 
làas  {Morlanum)  et  Toulouse  (4),  pour  ensevelir  d'autres  preux 
dans  les  Aliscamps.  Le  Pseudo-Turpin  parle  ensuite  d'un 
concile  convoqué  par  Charles,  à  Saint-Denis  (5).  Suit  la  des- 
cription des  sept  arts  libéraux  (grammaire,  musique,  dialec- 


(1)  Pseudo-Turpin,  c.  26. 

(2)  Id„  c.  27. 

(3)  /d.,  c.  28. 

(4)  Id,,  c.  29. 

(5)  Id„  0.  30. 


—  260  — 

tique,  rhétorique,  géométrie,  arithmétique,  astrologie),  que 
Charles  avail  fait  peindre  dans  son  palais  (1). 

Le  PseudchTurpin  raconle  ensuite  la  mort  de  Charlema- 
gne  (2).  Il  se  termine  par  un  chapitre  évidemment  ajouté,  et 
qui  contient  le  récit  d'un  miracle  opéré  par  Tintercession  de 
Roland  dans  la  ville  de  Grenoble. 

Voilà  l'analyse  rapide  du  texte,  que  ja  vais  commenter  main- 
tenant au  point  de  vue  de  la  Gascogne  et  des  pays  limitrophes. 
Jusqu'à  ce  jour,  ce  travail  n'a  tenté  personne.  Il  n'a  pourtant 
rien  de  bien  difficile;  car  l'auteur  de  la  seconde  partie  du 
PseudO'Turpin  est  visiblement  fixé  sur  notre  sud-ouest.  Pour 
faire  court,  je  négligerai  dans  son  texte  les  noms  de  lieux  qui 
ne  soulèvent  aucune  difficulté,  et  que  j'ai  d'ailleurs  idenliflés 
au  cours  du  précédent  résumé.  Mes  recherches  ne  porteront 
donc  que  sur  huit  éléments  géographiques  d'une  véritable 
importance,  savoir  :  1^  Saint-Jean  de  Sordes;  2"  la  Mon- 
tagne sise  près  de  la  ville  d'Agcn;  3^  les  Landes  de  Bor- 
deaux; 4*  le  cours  d'eau  de  la  Rune;  5"  Valcarlos;  G**  belin; 
7*  le  pays  (TOstabarret;  8^  Morlàas. 

1.  Saint-Jean-de-Sordes  {sanctus  lannes  Sorduœ,  c.  5).  — 
Sordes  était  une  abbaye  de  Bénédictins,  sise  dans  le  diocèse 
de  Dax.  On  Ut  en  tête  du  cartulaire  de  ce  couvent  qu'en  l'an 
800,  Charlemagne,  allant  en  Espagne,  fonda  l'abbaye  de  Sor- 
des, et  la  fit  consacrer  par  Turpin,  archevêque  de  Reims,  en 
présence  du  pape  Miloleon,  dont  le  ppre  était  d'Étampes  et 
la  mère  du  Périgord.  Toujours  d'après  ledit  cartulaire,  Char- 
lemagne, à  son  retour  d'Espagne,  aurait  fait  ensevelir  à  Sordes 
l'archevêque  Turpin, .  et  d'autres  seigneurs  Francs  tués  en 
combattant  les  infidèles. 

Ce  récit  est  évidemment  fabuleux.  L'abbaye  de  Sordes  {Sor- 
dua)  n'apparaît  pour  la  première  fois  dans  l'histoire  que  vers 

(1)  Pseudo-Turpin,  c.  31. 

(2)  Id.,  0.  32. 


—  261  — 

970,  époque  où  Guillaume  Sanche,  qui  se  qualifiait  de  comte  et 
seigneur  de  toute  laGascogue  {Cornes  et  Dominns  toliiis  Vas- 
coniœ),  et  sa  femme  Urraca,  donnèrent  à  ce  couvent  Pèglise 
(le  Sainte-Suzanne  de  Larbaig,  sans  compter  d'autres  avan- 
tages. Guillaume  d'Orgon  ou  de  Goron,  qui  vivait  vers  1061, 
est  le  premier  abbé  connu  de  ce  couvent,  sur  lequel  on  peut 
consulter  la  notice  insérée  dans  le  Galtia  ChrisUana  (1). 

2.  Montagne  située  près  de  la  ville  d'agen  {mons  qui  est 
prope  urhem  Agenni,  c.  9). —  Il  ne  saurait  y  avoir  de  doute  à 
cet  égard.  La  seule  montagne,  ou  plutôt  colline,  proche  d'Agen 
est  située  au  nord  de  cette  ville,  et  à  131  mètres  au  dessus  du 
niveau  de  la  mer,  d'après  la  Carte  de  l' Etal-Major,  n"*  205. 
Elle  est  appelée  fautivement  Mont  Pompeian  dans  le  Plan  de  la 
viUed'Agen  en  1874-1875  par  M.  H.-J.  Caury.  Certains  auteurs 
affirment  qu'elles  se  nommait  jadis  Pompéjac.  Aujourd'hui 
les  Agenais  disent  tantôt  Saint-Vincent,  tantôt  Bellevue,  et 
plus  volontiers  le  Coteau  de  l'Ermitage. 

3.  Landes  DE  BoKDEwx  {Landœ  burdigalenses,  c.  11).  — 
Dans  la  portion  occidentale  de  la  Gascogne  désignée  sous  le 
nom  général  de  Landes,  la  géographie  usuelle  de  l'ancien 
réginr»e  distinguait  trois  régions  : 

Les  Grandes  Landes,  qui  s'étendaient  du  sud-ouest  au 
nord-est,  depuis  le  Vieux-Boucau,  Azur,  Magescq,  etc.,  d'une 
part,  jusqu'à  Belin,  Manos  et  leTursan,  limitées  au  couchant 
par  )e  Born,  et  au  levant  par  le  Condomois  et  le  Bazadais. 

Les  Petites  Landes,  principalement  constituées  par  le 
territoire  situé  sur  la  rive  gauche  de  l'Estrigou,  affluent  de 
la  Midouze,  et  débordant  un  peu  sur  la  rive  gauche  de  celte 
rivière,  jusqu'au  nord  de  Saint-Pé,  de  Souprosse  cl  de  Cauna. 

Les  Landes  de  Bordeaux,  qui  se  développaient  du  nord- 
ouest  au  sudest  depuis  les  sources  de  la  Jalle  de  Blanque- 

(I)  Gallia  ChrisUana,  i,  106-65. 

Tome  XXX.  18 


—  262  — 

fort  jusqu'au  Bazadais,  ayant  au  couchant  le  Pays  de  Buch, 
au  midi  les  Grandes  Landes,  au  levant  et  au  nord  la  portion 
de  la  vallée  de  la  Garonne  connue  sous  le  nom  de  Pavs  de 
Graves.  Sous  les  formes  latine  et  française,  le  nom  dfs  Lan- 
des de  Bordeaux  se  rencontre  parfois  dans  des  documents 
plus  ou  moins  anciens,  mais  dont  aucun  ne  remonte,  à  ma 
connaissance,  aussi  haut  que  la  rédaction  de  la  seconde  par- 
tie du  PseudO'Tiirpin. 

4.  Cours  d'eau  de  La  Rune  {flumenRumœ,  variante  Runœ, 
c.  H).—  Il  faut  lire  à  coup  sûr  Runœ,  qui  est  la  montagne  de 
la  Rune  ou  Larune,  sise  au  sud  du  hameau  d'OIette  (Basses- 
Pyrénées),  arrondissement  de  Rayonne,  canton  de  Saint  Jean- 
de-Luz,  commune  d'Urrugne,  Cette  montagne  domine  au  cou- 
chant le  cours  de  la  Bidassoa,  et  au  levant  celui  du  ruisseau 
de  TArana  (commune  de  Sare),  affluent  de  la  Nivelle.  La  carte 
de  TEtat-Major,  n**  226,  appelle  ce  petit  cours  d'eau  le  ruis- 
seau «  d'Olhette.  »  C'est  aussi  le  nom  «  d'Olelte»  que  lui  donne 
Raymond  (1).  Il  existe  eu  outre  un  troisième  ruisseau,  dit  d'Hel- 
barren  (2),  qui  part  du  versant  nord  de  la  Rune,  arrose  la  com- 
mune d'Urrugne,  et  se  jette  dans  le  Lessanté,  affluent  de 
l'Unxain,  lequel  se  décharge  dans  la  baie  de  Saint-Jeaa-de- 
Luz.  C'est  évidemment  le  cours  d'eau  d'Hclbarren,  continué 
par  le  Lessanté  et  l'Unxain,  que  le  Pseudo-Turpin  entend  dési- 
gner sous  le  nom  de  fliimcn  Runœ,  et  fautivement  Rumœ. 

5.  Valcarlos  {vallis  quœ  Karoli  dicilur,  c.24).  —  On  n'a 
consacré  jusqu'à  ce  jour  à  ce  territoire  aucune  notice  docu- 
mentée. Je  suis  donc  tenu  de  combler  cette  lacune. 

Valcarlos  est  une  portion  de  l'ancienne  Navarre  espagnole 
aujourd'hui  comprise  dans  le  district  judiciaire  d'Aoiz,  qui 
lui-même  fait  partie  du  tribunal  supérieur  et  du  diocèse  de 
Pampelune.  La  vallée  dont  s'agit  se  trouve  sur  le  versant 

(1)  Raymond,  Dlctionn.  topogr,  des  Bassos-Pyrénées,  art.  Olotto. 

(2)  Id.,  ibid.,  art.  Helbarren.  Cf.  Carte  de  V Etat-Major,  ir  226. 


—  263  ~ 

nord  des  Pyrénées  occidentales,  et  forme  comme  un  coin  qui 
pénètre  d'une  façon  tout  i  fait  anormale  dans  le  territoire 
français.  Valcarlos  est  borné  au  nord  par  Laza  et  Banca 
(France),  à  Test  par  Ontlarrola  cl  Arnegui  (France),  au  sud 
par  Roncevaux,  et  à  Fouesl  par  les  Aldudes.  On  compte  à 
Valcarlos  environ  cent  vingt-huit  liabilalions,  inégalement 
réparties  entre  les  hameaux  de  Gainocotela,  Gaindola,  Elizal- 
dea,  Azoleta  et  Pecocheta.  Le  total  de  la  population  est  ofli- 
ciellement  de  962  âmes,  dont  135  veciuos  ou  habitants 
domiciliés. 

En  basque,  Valcarlos  se  nomme  Luzaide.  L'an  1388,  le 
roi  de  Navarre  y  possédait  une  maison  appelée  del  caballo 
blanco,  et  une  autre  nommée  Robray*(1).  Un  document  de 
1437  lui  donne  une  tour  fortifiée  dite  Echagaztalu  ou  maison 
du  château  (2).  Les  possessions  des  roi  de  Navarre  à  Valcar- 
los furent  échangés  par  Tun  d'eux  contre  les  droits  que 
la  collégiale  de  Roncevaux  possédait  sur  les  villages  d'Are 
cl  Oricain,  et  les  moulins  de  Languëta  (3).  En  1468,  donation 
par  la  princesse  Doha  Leonor  à  ladite  collégiale  des  redevan- 
ces dues  par  les  habitants  de  Valcarlos  (4).  Les  gens  de  ce 
canton  ne  pouvaient  loucher  leurs  troupeaux  sur  les  monta- 
gnes des  Aldudes  et  de  Valcarlos  ou  Luzaide,  qu'avec  la  per- 
mission de  Bertrand  Ezpelela.  On  plaida  là-dessus  à  cette 
époque,  ainsi  que  sur  le  droit  de  forestage. 

6.  Belin  {Belimnn,  c.  29).  —  Il  s'agit  incontestablement  de 
Belin,  commune  de  1807  habitants,  chef-lieu  de  canton  dans 
le  département  de  la  Gironde.  Quelques  érudits  ont  argu- 
menté de  la  prétendue  homophonie  de  Bolin  et  de  Belendi, 
pour  cantonner  dans  cette  localité  les  Belendi,  peuple  d'Aqui- 
taine que  Pline  est  seul  à  nous  signaler  (3).  Je  me  borne  à 

(1)  Archices  do  PampelunOf  Comptes,  tome  29,  page  205. 

(2)  Id.,  caisson  140,  n"  12. 

(3)  Id.,  Comptes,  t.  29,  p.  150. 

(4)  Id,  caisson  103,  n'  60. 

(3)  Plik.  iVat.  hUt.  1.  iv,  o.  33  (19). 


—  '264  — 

signaler  ici  celle  opinion,  que  je  compte  combattre  ailleurs. 
En  altendant,  je  constate  que  la  plus  ancienne  mention  de 
Belin  est  celle  du  Pseiido-Turpin.  En  1262,  on  trouve  l'ospUal 
de  Belin  (1),  le  castrum  de  Belino  en  1273  (2),  etc. 

Avant  la  Révolution,  Belin  dépendait  de  révéché  de  Bazas; 
mais  il  n'en  avait  pas  été  toujours  ainsi.  Pour  rétablir  jMuvo- 
querai  d'abord  une  des  Lièves  quartières  de  Parchevêchè  de 
Bordeaux  en  1420.  On  sait  que  rarchiprêtré  de  Cernés  dépen- 
dait de  ce  diocèse.  Or,  cette  Liève  donne  audit  archiprêtrè  là 
paroisse  de  Saint-Exupère  de  Belin,  Sanctus  Exuperius  de 
Belino.  Une  autre  Liève  de  1546  n'est  pas  moins  précise  là- 
dessus  que  la  précédente.  Dans  les  deux,  Belin  figure  en  tête 
des  paroisses  de  l'archiprêtré.  On  trouve  dans  un  ancien 
pouillé,  fréquemment  utilisé  par  Fauteur  des  Variétés  borde- 
laises, Tabbé  Beaurein  :  Prior  de  Belino,  Bectorqiie  Sancto- 
rum  Eocuperii  de  Bellino,  Pétri  de  Sales  et  Martini  de  Mios 
in  Bornio.  Pour  bien  saisir  toute  la  valeur  de  cette  énoncia- 
tion,  on  doit  songer  qu'il  existait  jadis  à  Belin  un  hospice 
pour  les  pèlerins  qui  se  rendaient  à  Saint-Jacques-de-Com- 
poslelle.  Cet  hospice  était  administré  par  des  Frères,  sous 
l'autorité  d'un  prieur.  Quand  les  pèlerinages  eurent  insensi- 
blement pris  fin,  le  prieur  s'appropria  les  revenus  considéra- 
bles dudit  hospice.  La  mention  du  vieux  pouillé  que  j'ai 
ci-dessus  transcrite  se  trouve  d'ailleurs  confirmée  par  le 
Pouillé  général  des  bénéfices  de  la  France,  imprimé  par 
Aillot  en  1604  :  Prior  de  Bellino,  Beclorque  Sanctorum  Exu- 
perii  de  Bellino,  Pétri  de  Salles  et  Martini  de  Mons  (Mios)  in 
Bornio. 

Il  n'est  donc  pas  douteux  qu'avant  d'être  annexé  au  diocèse 
de  Bazas,  Belin  dépendait  de  celui  de  Bordeaux.  L'époque  de 
cette  annexion  est  inconnue.  Cependant,  on  sait  que  sous  la 
domination  anglo-normande,  le  Bazadais  demeura  longtemps 

(1)  Arch,  hist*  de  la  Gironde,  m,  133* 

(2)  Id,  V,  278. 


—  285  — 

au  pouvoir  des  rois  de  France.  Il  est  possible  qu'alors  les 
Français  s'élant  emparés  de  Belin,  qui  était  fortifié,  le  déta- 
chèrent du  diocèse  de  Bordeaux  pour  l'annexer  à  celui  de 
Bazas.  Quoi  qu'il  en  soit,  le  même  état  de  choses  persista 
après  l'expulsion  des  Anglais. 

La  seigneurie  de  Belin  était  importante.  Au  xiv'  siècle, 
elle  appartenait  à  la  maison  du  Soley,  l'une  des  plus 
puissantes  de  Bordeaux  et  de  la  province.  On  trouve  ce 
fief  mentionné  dans  les  Rôles  Gascons  (années  1314  et 
1515),  dans  les  Acla  et  fœdera  regum  Angliœ-ùe  Rymer, 
dans  les  Archives  historiques  de  fa  Gironde,  etc.  L'abbé  Bau- 
rein  lui  a  consacré  une  notice  spéciale,  dont  j'ai  tiré  grand 
parti  (1). 

7**  Pays  d'Ostabarret  {Hosla  vallis,  c.  29). —  Ce  district,  où 
l'on  trouve  les  localités  de  Hosta  etd'Ostabat,  correspond  bien 
à  la  Hosla  valtis  du  PscudoTurpin.  Avant  la  Révolution,  il 
dépendait  de  la  Navarre  française,  et  comprenait  les  paroisses 
ou  communautés  suivantes  :  Arhansus,  Arros,  Asme,  Bunus, 
Cibils,  Hosta,  Ibarre,  Ibarrolle,  Juxue,  Larceveau,  Ostabat, 
Saint-Just,  PagoUe.  L'ensemble  de  ces  territoires  correspond  à 
la  vallée  de  la  haute  Bidouze  et  de  son  affluent,  le  ruisseau 
de  Hosta. 

Voici  la  toponymie  ancienne  du  pays  d'Ostabaret  : 

Terra  Ostabaresiij  xii®  siècle;  OsiacaleSy  1247  (coll.  Duchesne, 
vol.  cxiv,  {'"«  161  et  222).  —  Terra  de  Hostebaresio  in  Nacarra, 
1305  (ch.  de  Navarre,  Arch.  des  B.-Pyr.,  E  459.  —  Ostahares,  1308 
(coll.  Duchesne,  vol.  cxiv,  P22A). —  Osiabarea^  1312  (ch.  de  Navarre, 
Arch.  des  B.-Pyr.,  E.  459). —  Hosia-Barisium,  1351;  Ostaberesiurriy 
1361  (Rôles  gascons).  —  Ostabarees,  v.  1405  (Arch.  des  B.-Pyr., 
Xot.  df.  Navarrenx). —  La  terre  d'0stabare,14âl  (Arch.  des  B.-Pyr., 
ch.  du  chap.  de  Bayonne)  (2). 

(1)  Beau  REIN,  Variétés  bordelaises,  vi,  103-14. 

(2;  Raymond,  Dlct.  top.  des  Basses-Pyrénées,  art.  Ostabarret, 


—  266  — 

Parlons  maintenant  de  Hosla  et  d'Oslabat,  compris  dans 
le  pays  d'Ostabarret. 

HosTA,  canton  d'Iboldy. —  Ojsia,  1402  (Arch.  dép.  des  B.-Pyr.,  oh. 
de  Nav.  E.  459).—  Hoste,  1472  (Arch.  des  B.-Pyr.,  NoL  de  la  Bas- 
tide-Vinefranehe;  n''  2,  P  22).  —  Osta,  1513  (ch.  de  Pampelune).  — 
Hozia,  1621  (Martin  Biscay).  —  Le  ruisseau  de  Ilosta  arrose  Saint- 
Just-Ibarre  et  Bunus  et  va  se  jeter  dans  la  Bidouze  (1). 

OsTABAT,  canton  d'Iholdy.  —  Osiebad,  1167  (oartul.  de  Sordes, 
p.  45).  —  Osiavat/lly  xn®  siècle  (coll.  Duchesne,  vol.  cxiv,  f°  161).  — 
Aussebat,  1243  (rôles  gascons).  —  Ostabailles,  1383  (ch.  de  la 
Caraara  de  Co'mptos).  —  Sent-Johan  d'Ostabat,  1469  (Arch.  dép.  des 
B.-P5T.,  ch.  du  chap.  de  Bayonne). —  Ostabag,  Hostabat,  1472  (Arch. 
dép.  des  B.-Pyr.,  not.  de  la  Bastide- Villefranche,  n°  2,  F  22).  — 
Nostre-Dame  de  Vespitau  d'Ostabaéy  1518  (Arch.  dép.  des  B.-Pyr., 
ch.  du  chap.  de  Bayonne).  —  Osiabat-Asme,  depuis  la  réunion 
d'Asme  :  13  juin  1841.  —  On  dit  en  basque  Izura, 

Avant  1012,  époque  approximative  de  l'avénemenl  dcCcn- 
tulle-Gaston  et  de  Gaston  lll  à  la  vicomte  de  Béarn,  le  pays 
de  Mixe  et  Ostabat  appartenait  encore  aux  vicomtes  de  Dax. 
Mais  l'un  d'eux,  Navarrus,  ayant  en  guerre  avec  les  vicorales 
de  Béarn,  eut  fief  conquis.  Certaines  terres  passèrent  aux  vain- 
queurs, notamment  le  pays  de  Mixe  et  Ostabat,  qui  plus  tard 
furent  détachés  du  Béarn  et  annexés  au  royaume  do  Navarre. 

Ces* aussi  à  cesle  conquestedu  Vicomte  d'Acqs,  qu'il  faut  attribuer 
rintroductiondu  For  de  Morlasau  pais  de  Mixe  et  d'Ostalxit,  dont  Gaston 
accorda  le  bénéfice  à  ces  peuples  nouvellement  conquis.  De  fait  on  Ut 
dans  le  privilège  accorde  aux  habilans  d'Ostabat  par  Bra^e  Garsiede 
Luxe,  qui  vivoit  en  ce  temps,  et  depuis  par  Amant  Lnp  de  Luxe  on 
Tan  1269,  que  le  lieu  d'Ostabat  est  peuplé  sous  le  For  de  Morlas;  et 
dans  un  vieux  registre  de  la  Cour  de  Mixe  de  Tan  1370,  Tune  des  fwr- 
ties  allègue  (pie  suivant  le  For  de  Morlas,  Ond  nos  em  q/bratSj  dit-il, 
c'est-à-dire  sous  la  règle  duquel  nous  vivons,  la  preuve  d'vn  debie  qni 
excède  quarante  sols  Morlas  doit  est  refaite  avec  le  duel,  si  on  ne  peut  ius- 
tifier  autrement  la  chose.  Ce  qui  est  conforme,  non  pas  au  texte  pn^ii 

(1)  Raymond,  Dict.  top»  dus  Bas6cs-Pyrc/iccs,  art.  Hosta. 


—  267  — 

du  For  de  Morlas,  mais  aux  iugemeus  rendus  par  la  Cour  de  Morlas, 
suivant  leur  ancienne  praciique  qui  sont  insérés  dans  Tancienne  com- 
pilation de  ce  For  (1). 

Ainsi,  le  pays  de  Mixe  el  Ostabat  furent  distraits  de  la 
vicomte  de  Dax  après  1012  et  réunis  à  la  Navarre. 

8^  MoRLAAs  {Morlannm,  c.  29).  —  CheMieu  de  canton  du 
département  des  Basses-Pyrénées,  arrondissement  de  Pau. 

Morlas,  villa  Morlanenais,  1080  (cart.  de  Morlàas,  P 1). —  Sancia- 
Fides  de  Morlanis,  1109  (Bulle  de  Pascal  11^  d'après  Marca,  Hist  de 
Béarn,  302).  —  Sancta-Fides  et  S anc tus- Andréas  MorlanenseSy 
1115  (cartul.  de  Lescar,  d'après  Marca,  Hist.  de  Béarn,  383.) —  Vica- 
ria  Morlanensls,  1123  (ch.  de  Morlàas).  ■—  Morlars,  xii®  siècle  (cart. 
de  Morlàas,  f*'  5).  —  Morlanum^  1270  (cartul.  du  château  de  Pau). 
—  Casiellum  Mollans  (Guillaume  deNangis).  — Morlens,  Morlans 
en  Berne  (Froissart).  —  Sancia-Fe  de  Morlàas,  1547  (Réform.  de 
Béaru,  ^  374). 

Le  prieuré  de  Sainte-Foi  et  Thôpital  de  Morlàas  dépendaient  de 
Tabbaye  de  Cluny.  —  Morlàas  possédait  une  commanderie  de  l'Ordre 
de  Malte  sous  le  titre  de  Caubin  et  Morlàas;  les  Jacobins  et  les  Corde- 
liers  y  avaient  des  couvents.  —  Du  x®  au  xn^  siècle,  cette  ville  fut  la 
résidence  des  vicomtes  de  Béarn.  —  La  charte  de  commune  de  Mor- 
làas remonte  à  Tannée  1101.  —  Au  commencement  du  xn*  siècle,  Mor- 
làas comprenait  le  prieuré  de  Sainte- Foi,  au  N.-O.  le  Bourg  de  Saint- 
Nicolas,  à  TE.  le  Bourg-Nèuf,  à  TO.  Marcadet;  en  1385  on  y  comptait 
300  feux. —  Elle  était  le  siège  d'un  sénéchal  dont  le  ressort  comprenait 
les  cantons  de  Lembeye  et  de  Thèze  en  entier;  le  canton  de  Morlàas, 
moins  Sendetz;  le  canton  de  Gaubin,  moins  Boueilh-Boueilho-Lasque 
et  Pouliacq;  le  canton  de  Montaner,  moins  Bedeille;  les  communes  de 
Caubios-Loos,  Momas  et  Sauvagnon  du  canton  de  Lescar;  Eslouren- 
lies-Darré,  Ger  43t  Limendoux,  du  canton  de  Pontacq;  le  village  de 
Riumayou  et  les  communes  de  Larreule  et  Vignes,  du  canton  d'Ar- 
zacq.  —  heparsan  du  Morlàas,  créé  par  Henri  II,  roi  de  Navarre,  se 
composait  du  canton  de  Morlàas,  moins  Abère,  Lespourcy,  Lombia, 
Saubole,  Sedzère,  Serrcs-Castet  et  Urost;  des  communes  d'Eslouren- 
ties-Darré  et  Limendoux,  du  canton  de  Pontacq;  des  communes  d'Ar- 
gelos,  Lasclaveries,  Navailles-Angos  et  Sévignacq,  du  canton  de  Thèze; 
enfin  du  village  de  Boast.  —  La  subdélégation  de  Morlàas,  qui  dépen- 

(1)  Marca,  Hi^t.  do  Béarn,  400-1. 


—  268  — 

dit  successivement  des  intendances  de  Béarn  et  Navarre,  d'Auch  et 
Pau,  de  Pau  et  Bayonne,  avait  la  même  étendue  que  la  sénéchaussée. 
—  La  noiairie  de  Morlàas  avait  la  commune  pour  ressort.  —  Les 
annexes  ou  vies  de  Morlàas  étaient  autour  de  la  ville  :  Dugat,  la 
Hagède,  la  Hourquie,  Maucor,  Morlàas,  Bielle  et  Saint-Jammes.  La 
monnaie  de  Morlàas  eut  cours  dans  le  midi  de  la  France  durant  tout 
le  moyen-âge  (1). 

{A  suivre.)  Jean- François  BLADÉ. 

NOTES  DIVERSES. 


CCXLVL  Sur  Farchevêque  d'Âuch  Jean  Flandrin. 

M.  R.  Blanchard  va  publier,  pour  la  Société  de  bibliophiles  bretons,  nu 
registre  de  la  chancellerie  de  Jean  V,  duc  de  Bretagne.  Cet  érudit  a  bien 
voulu  me  communiquer  une  épreuve  d'une  page  de  son  tnivail  relative  à 
un  archevêque  d'Aucli  au  sujet  duquel  j'ai  donné,  dans  la  livraison  de  juin 
1886,  des  renseignements  empruntés  à  une  publication  de  M.  l'abbé  Albanês. 
J'espère  que  l'on  aimera  à  rapproclier  les  indications  fournies  par  l'ériidit 
breton,  des  indications  fournies  parl'érudit  provençal.  T.  de  L. 

«  Mandement  de  main  levée  des  bénéfices  de  m''  le  cardinal  d'Aux, 
140(>,  septembre.  » 

Nous  pensons  que  ce  cardinal  d'Aux  doit  être  identifié  avec  Jean  Flan- 
drin, archevêque  d'Auch,  créé  cardinal  en  1390,  que  Ciaconius  qualifie  de 
Joannes  dictas  Auxiianus  et  le  Nova  Gallia^  de  cardinal is  de  Auxioy  du 
nom  de  son  archevêché.  Si  cette  identification  est  exacte,  notre  document 
ne  serait  pas  sans  importance  pour  la  biographie  de  ce  prélat,  que  le  Gallia 
Vêtus  et  Duchesne,  qui  l'a  copié  dans  son  llist,  des  cardinaux  français^ 
font  mourir  en  1391.  Le  Gallia  Nooa  a  montré,  il  es»t  vrai,  l'erreur  du 
Gallia  Vêtus  quant  à  cette  date,  en  établissant  que  Flandrin  vivait  encore 
en  1396;  «  sed  quando  dieni  suutn  obier  il,  nos  latet,  »  ajoute-t-il;  puis, 
dans  l'article  de  Jean  d'Armagnac,  successeur  de  Jean  Flandrin,  le  Gallia 
Nova  insinue  que  ce  dernier  dut  se  démettre  en  faveur  du  premier,  qui 
avait  eu  la  «  procuration  »  de  rarchevêchô  d'Auch  lors  de  la  nomination 
de  Flandrin  au  cardinalat.  Nos  lettres  de  main-levée,  de  septembre  1406, 
durent  être  précédées  de  lettres  de  main-mise,  qui  peuvent  toutes  deux 
être  une  conséquence  de  la  mort,  probablement  réc^.nte,  xiu  cardinal.  Quoi 
qu'il  en  soit,  notre  n'  335  semble  donner  raison  à  Claude  Robert  qui,  dans 
son  Gallia  Chriséiana,  bien  antérieur  à  ceux  des  Sainte-Marthe  et  des 
Bénédictins  (fautifs  peut-être  de  ne  pas  l'avoir  suivi  sur  ce  point),  disait,  à 
l'article  des  archevêques  d'Auch  :  «  Joannes  Flandrini,  cardinalis  13iK). 
No/ninaiur  in  dedicationc  S.  Capellœ  Bituricensis  1105.  »  —  Voy.  Gallia 
CAm^f«/ia  par  Claude  Robert  (1G20),  p.  23.  —  Gallia  Chri^iiana(cc(mh 
t.  i(165()),p.  \VZ,  — Gallia  Christiana  (nora),  t.  i  (171.")),  col.  9î)7-în)8.- 
Ducliesnc,  Hist.  des  cardinaux  français  (IGGO),  t.  i  p.  709-710.  —  Ciaco- 
nius, Vitœ.,,  pontificuni  et  cardinaliuni  (édit.  de  1677),  t.  ii,  col. 088  et  7Jfô. 

(1)  Raymond,  Dict.  topogr.  des  Basses-Pyrénées,  art.  Morlàas. 


LE   SÉMINAIRE   DIOCÉSAIN 


DE  CONDOM. 


L'Eglise  demanda  toujoars  la  science  à  ses  ministres,  et 
leur  offrit  les  moyens  de  lacquérir;  les  moines  eux-mêmes 
n'élaienl  admis  dans  les  couvents  qu'après  avoir  donné  des 
preuves  de  leur  capacité,  el  Ton  sait  quelles  facilités  ils  y 
trouvaient  pour  s'instruire. 

En  ce  qui  concerne  Condom,  nul  n'était  admis  au  monas- 
tère de  Saint-Pierre  qu'il  ne  snl  lire  et  chanter;  étions  les  ans, 
selon  les  statuts  de  notre  Eglise,  dressés  en  1343  par  Pierre 
de  Galard,  notre  second  évêque  (1),  deux  religieux  du  chapi- 
tre, choisis  parmi  les  plus  capables  et  les  mieux  doués,  étaient 
envoyés  au  loin  pour  se  perfectionner  dans  les  sciences. 
Ceux-ci  étaient  examinés  tous  les  deux  ans  par  l'évêque  et 
le  chapitre,  et  s'il  était  reconnu  qu'ils  eussent  mis  à  profit  le 
temps  passé  dans  les  écoles,  on  les  autorisait  à  repartir,  s'ils 
le  désiraient;  dans  le  cas  contraire,  ils  restaient  dans  le  cloî- 
tre. 

Cet  usage,  qui  remonte  au  xiv  siècle,  et  probablement 
plus  haut  encore,  parait  s'être  conservé  fort  longtemps  dans 
notre  chapitre.  Nous  voyons  en  effet  ce  dernier  allouer,  en 
lo7i,  à  l'un  de  ses  membres,  Jean  Duchemin,  la  somme  de 


(1)  V.  le  texte  malheurcuseinent  incomplet  de  ces  Statuts  dans  le  Cartulaire 
ayant  pour  titre:  Mémoires  «ur  le  Diocèse  do  Conciom.  m.d.c.c.l.x.xiv  (pages 
213  et  214).  Ce  recueil,  composé  par  le  fameux  paléographe  [.Archer,  fait  partie 
des  Archives  municipales.  Les  Statuts  de  Pierre  de  Galard  ont  été  publiés  par  M. 
Noulens  dans  sgs  Documents  historiques  sur  la  maison  de  Galard,  iv,  page  90 
et  suivantes.  V.  également  la  Bulle  de  sécularisation  du  chapitre  de  Condom,  de 
1548. 


—  270  — 

240  livres  par  an  pendant  le  temps  qu'il  étudierait  «  aux 
Universités  avec  Mgr  de  Condom  »  (1).  Quelques  années 
après,  en  1596,  nous  voyons  le  trésorier  du  chapitre  payer 
la  somme  de  200  livres  à  M'  de  Cous,  chanoine,  «  pour  la 
pansion  à  luy  accordée  par  le  chapitre  pandanl  une  année 
pour  ses  estudes  »  (2). 

Mais  c'étaient  là  des  études  supplémentaires,  en  dehors  de 
l'enseignement  préparatoire  à  l'état  ecclésiastique,  donné 
dans  les  séminaires. 

L'Eglise,  dans  tous  les  temps  s'était  efforcée  de  mettre  cet 
enseignement  à  la  portée  de  ceux  qui  voulaient  la  servir;  de 
bonne  heure  divers  Conciles  avaient  prescrit  rinslilution 
d'établissements  où  les  jeunes  clercs  pussent  s'instruire  et  se 
former  au  sacerdoce. 

Plus  tard,  le  Concile  de  Trente  (1545  1563)  (sess.  23,  de 
reform.  ch.  18)  et  depuis,  l'Ordonnance  de  Blois  de  1579 
(art.  24),  l'édit  de  Melun  de  1580  (art.  1*^0^  ^^  Concile  d'Aix 
de  1585  (ch.  38),  l'ordonnance  royale  de  1629  (3),  prescri- 
vent expressément  aux  évêques  l'établissement  des  séminai- 
res (4);  leurs  Bulles  d'institution  portent  même  l'obligation 
de  les  ériger  dans  leurs  diocèses  s'il  n'y  en  existe  pas  (5). 
Nous  pouvons  ajouter  que  les  actes  du  Concile  provincial  de 

(1)  Jean  de  Moulue,  qui  venait  d'être  pourvu  de  révéché  de  Condom,  alla  éUi- 
dier  en  Italie  sous  la  direction  du  chanoine  Jean  Ducheuiin,  qui  devait  le  rem- 
placer quelques  années  après.  La  décision  du  chapitre  est  du  2  août  1571.  (V. 
Manuscrit  Lagutère,  pages  78  et  81.  Ce  précieux  manuscrit  est  conservé  à  Con- 
dom par  la  famille  Lagutère.) 

(2)  11  doit  être  question  ici  d'Antoine  de  Cous,  neveu  de  Mgr  Duchemin  et 
son  futur  successeur  sur  le  siège  de  Condom;  cette  même  année,  ou  Tannée 
précédente,  une  pension  avait  été  également  accordée  i\  «  Monsieur  de  Hrach,  cha- 
noine, pendant  ses  études  »  (V.  aux  Arch.  Communales  le  compte  du  chapitre, 
année  1595-1596). 

(3)  Cette  ordonnance  fut  rendue  sur  les  plaintes  et  doléances  portées  aux  états 
généraux  de  1614. 

(4)  Voici  les  termes  du  Concile  d'Aix:  Quamprlmum  episcopi  cum  consUio 
duorum  do  capitula  et  duorum  de  clero  civitatis  ad  erectionem  et  dotation 
netn  scmlnariorum  procédant  juxta  décréta  6'"  Concilii  Trld.  et  christiania- 
ainii  Régis  Constitutiones. 

(5)  Mémoire  des  curés  de  Condom  contre  leur  évéque  en  1686.  (Arch.  pri- 
vées). 


—  271  — 

Bordeaux  tenu  en  i582  portent  une  loi  semblable  pour  tous 
lesévêques  de  la  province  (1). 

Toutefois,  pour  des  motifs  que  nous  ne  connaissons  pas 
suffisamment,  tous  les  èvêques  ne  remplissaient  pas  leurs 
devoirs  à  ce  sujet;  notre  diocèse,  en  particulier,  n'eut  son 
séminaire  que  vers  la  fin  du  xv»""'  siècle. 

Mgr  Duchemin  témoigna  un  instant  Tintention  de  le  fonder 
et  offrit  aux  consuls,  en  Tannée  1600  (2),  de  l'installer  au 
collège,  dont  il  aurait  augmenté  les  ressources;  il  leur  pro- 
posa même  de  faire  venir  un  docteur  de  Sorbonne  pour  diri- 
ger à  la  fois  son  séminaire  et  le  collège,  qui  manquait  alors 
de  principal.  Les  consuls  se  hâtèrent  d'accepter  ces  proposi- 
tions (3);  malheureusement  le  prélat  ne  parait  pas  avoir 
donné  suite  à  son  projet. 

Cependant  les  avertissements  ne  lui  manquèrent  pas  de  la 
part  des  consuls  qui,  dans  le  cours  de  leurs  procès  contre 
révêque,  lui  firent  de  sévères  représentations  à  cet  égard,  l'ac- 
cusant  de  ne  pas  ce  saliffaire  anx  sainctz  canons  et  ordonnances 
royaux  »,  aux  prescriptions  du  Concile  de  Trente  et  du 

«  récent  sinode  national  de  Bourdeaux ce  que  toutesfois, 

ajoutent-ils,  tous  les  autres  evesques  circonvoysins  font,  sca- 
voir  monsieur  Tarchevesque  d'Aux  et  Mgr.  d'Agen  qui  entre- 
tiennent  le  séminaire comme  aussy  l'evesque  de  Lec- 

toure  et  de  Bazax  »  (4). 


(1)  Bernard  Dupuy,  chanoine  et  archidiacre  de  Coudon  assista  à  ce  Concile 
comme  député  du  diocèse,  le  siège  vacant. 

(2)  Il  vrai  que  les  Consuls  lui  avaient  d(^j;\  fait  des  représentations  à  ce  sujet. 
(V.  Jurade  du  6  décembre  1597.) 

(3)  V.  jurade  du  2  octobre  1600  et  de  l'Etat  des  affaires  de  la  ville,  même 
année. 

(4)  V.  Jurades  du  19  décembre  1611  et  du  24  août  1612.  V.  aussi  les  Mémoires 
dressés  par  les  consuls  contre  Tévêque  vers  la  fin  de  1612  et  transcrits  dans  le 
registre  des  Jurades  de  cette  année.  Le  prélat,  fort  mal  traité  dans  ces  mémoires, 
y  est  dépeint,  tantôt  comme  un  plaideur  acharné,  «  aymant  mieux  despendre 
mil  escus  en  chicane  que  un  denier  pour  les  pauvres  ny  une  pite  pour  bastir  les 
esglizes...»,  tantôt  conmie  un  avare  «  qui  ne  se  soulcie  que  d'amasser  trézor  sur 
trézor  avec  grande  avarice,  estant  maintenant  le  plus  riche  évesque  comme 
cclluy  qui  possède  de  moyens  de  plus  de  trois  cens  mille  escus,  bien  soit 
extrait  d'une  maison  basse  du  vilaige  deTrignac »  Les  consuls  lui  reprochent 


—  272  — 

Mgr  DuchemiQ  ne  tint  aucun  compte  des  «  admonesta- 
tions »  des  consuls.  Son  successeur  ne  nous  parait  pas  da- 
vantage s'être  occupé  du  séminaire  et  nous  arrivons  à  Tannée 
1650,  sous  i'épiscopat  de  Mgr  d'Estrades,  sans  qu'il  soit  ques- 
tion de  se  conformer  aux  prescriptions  du  concile  de 
Trente. 

A  cette  époque  une  tentative  sérieuse  eut  lieu. 

Un  saint  prêtre,  «  bachelier  formé  en  théologie  »  (1)  et 
curé  de  Sainte-  Cirice,  Nicolas  Pasquier,  que  Mgr  de  Cous 
avait  placé  en  1633,  à  la  tête  d'une  société  de  prêtres  desti- 
nés à  desservir  la  chapelle  de  Notre-Dame  de  Pitié  de  Condom 
résolut  de  fonder  un  séminaire  pour  le  diocèse. 

Le  pieux  chapelain  de  Piétat,  qui  depuis  vingt-deux  ans  (2) 
employait  «  ses  seings  et  ses  travaulx  pour  entretenir  en  lad. 
chapelle  et  augmenter  le  culte  divin  et  vénération  de  la  trés- 
saincte  Vierge  et  pour  instruire  par  le  diocèze  les  peuples  es 
missions,  »  voulut  perpétuer  son  œuvre  et  fonder  en  même 
temps,  «  selon  le  concilie  de  Trente,  dans  le  diocèze,  une 
maison  où  tous  les  ecclesiasticques  et  aultres  qui  se  voudront 
faire  promouvoir  aux  sainctz  ordres  puissent,  comme  en  un 
séminaire  de  piété  et  d'érudition,  se  former  et  prendre  l'es- 
prit de  la  cléricature  pour  mieux  par  après,  servir  les  cures 
et  paroisses.  »  Estimant  que  les  Prêtres  de  la  Mission,  «  gou- 
vernés par  Messire  Vincent  de  Paul,  supérieur  général  rézi- 
dant  à  Paris  à  St  Lazare  »  étaient  propres  à  remplir  le  but 

encore  de  faire  «  croistre  l'herezie  »  par  ?a  négligence,  au  lieu  de  «  l'extirper  et 
exterminer  par  bonne  vie  et  bonnes  exemple  ».  Us  le  menacent  de  demander 
au  Roi  le  démembrement  de  son  évéché  de  Condom,  qui  est  «  de  longue  esiandue 
laquelte  vajusques  à  Textrémité  du  pais  d'Albret,  »  et  de  faire  créer  un  nouveau 
siège  à  Nérac,  «  pour  pouvoir  mieux  instruire  et  réduire  ses  diocézains  d'Albret  à 
la  religion  catholique  qui  sont  huguenotz.  »  Enfin  ils  ne  parlent  de  rien  moins 
que  d'envoyer  «  leurs  plaintes  »  au  «  métrepoliuiin à  messieurs  les  Cardi- 
naux   à  Sa  Majesté et  en  cour  de  Rome  vers  nostre  sainct  Père  le  Pape.  » 

(1)  I.es  bacheliers  /ormes  étaient  autrefois  ceux  qui  avaient  fait  les  exercices 
nécessaires  pour  pouvoir  se  présenter  ou  être  admis  à  la  licence. 

(2)  n  avait  été  nommé  chapelain  de  Notre-Dame  de  Pitié,  eulgd  Piétat,  le  5 
février  1628.  On  peut  voir  aux  Archives  hospitalières  (Fonds  Notre-Dame,  B.  16) 
les  ordonnances  de  Mgr  de  Cous  et  autres  actes  relatifs  à  cette  chapelle. 


—  £73  — 

qu'il  s'élait  proposé,  Nicolas  Pasquier  crut  devoir  s'adresser 
à  ces  religieux,  qu'il  était  «  inlérieuremenl  poussé  à  désirer 
despuis  longtemps  ».  A  cet  effet,  et  pour  faciliter  leur  établis- 
sement dans  le  diocèse,  il  leur  donna,  par  acte  du  22  janvier 
4650,  la  nue  propriété  des  bâlimenls  qu'il  avait  élevés  ou  ré- 
parés à  ses  frais  près  de  la  chapelle  de  Piétat,  avec  celle  des 
deux  métairies  de  Juglaron  et  d'Auba  qu'il  possédait  dans 
la  juridiction  d'Eauze,  ainsi  que  d'une  somme  de  1000  livres. 
Cette  donation  était  faite  sous  certaines  réserves,  mais  sur- 
tout à  la  condition  que  les  biens  qui  en  faisaient  l'objet  ne 
pourraient  «  estre  portés  qu'en  lad.  chapelle  à  perpétuité,  ny 
employés  qu'au  service  d'icelle  et  entretien  du  séminaire  et  à 
faire  des  missions  au  présent  diocèze  pour  l'instriiction  du 
peuple  »  (!)• 

Néanmoins  ce  projet  ne  devait  pas  recevoir  d'exécution, 
soit  que  la  dotation  fût  trouvée  insuffisante  par  le  supérieur 
général  de  la  congrégation  (2),  soit  que  des  difficultés  fussent 
suscitées  par  les  consuls,  qui  se  prétendaient  patrons  de  la 
chapelle  et  qui,  à  ce  titre,  élevèrent  leurs  protestations  contre  la 
donation  faite  aux  Lazaristes  (3),  soit  pour  tout  autre  motif, 
et  Nicolas  Pasquier  fut  obligé  de  renoncer  à  son  pieux  des- 
sein (4). 

Il  ne  fut  rien  fait  sous  Mgr  de  Lorraine,  qui  songea 
pourtant  à  l'œuvre   du  séminaire,   comme  il  résulte  de 


(1)  V.  acte  du  22  janvier  1650  retenu  par  de  Rizon  notaire  (Etude  de  M*  Pré- 
chac).  Une  expédition  de  cet  acte  se  trouve  aux  Arch.  hospitalières  (fonds  Notre 
Dame,  B.  16). 

(2)  La  correspondance  de  saint  Vincent  de  Paul  au  sujet  de  la  donation  qui  lui 
était  faite  existait  autrefois  dans  les  archives  des  Religieux  de  la  Charité  de 
Condom  ;  elle  a  malheuresement  disparu.  Que  sont  devenues,  hélas  I  ces  pré- 
ciei!ses  lettres  dont  la  mention  figure  au  dos  de  l'acte  du  22  janvier  1650,  de  la 
manière  suivante  :  Donnalion  de  M.  Pasquier  aux  prestres  de  la  Mission  de  la 
chapelle  de  Nostre-Dame  de  Piétat,  avec  plusieurs  lettres  du  S'  Vincent  de  Paul 
prestre  de  lad.  Mission...!  (V.  Arch.  hospit.  fonds  Notre-Dame,  B.  16). 

(3)  V.  Jurades  des  9  et  13  février  1650;  cf.  jurade  du  24  août  1612. 

(4)  Quelques  années  plus  tard,  en  1657,  Nicolas  Pasquier,  du  consentemeut  de 
Vincent  de  Paul  lui-même,  révoquait  sa  donation  et  renouvelait  ses  libéralités  en 
&vear  des  religieux  de  St  Jean  de  Dieu  qui  dirigeaient  depuis  peu  l'hôpital  de 
Condom  (Arch.  hosp.  fonds  Notre-Dame,  B.  15.) 


Tart.  242  des  Statuts  synndaux  du  diocèse,  qaUl  publia 
en  1663. 

Nous  ordonnons,  esl-il  dit  dans  cet  article,  à  tous  ceux  qui  voudront 
prendre  les  ordres  de  se  présenter  à  nous  un  mois  devant  lordination, 
afin  que  nous  puissions  nous  informer  de  leur  vie  et  mœurs  et  les  exa- 
miner dix  jours  avant  celuy  auquel  ils  devront  estre  ordonnés.  Ils 
feront  une  retraite  dans  le  lieu  que  nous  leur  indiquerons  à  cet  effet, 
en  attendant  que  noua  ayons  pu  establir  un  séminaire,,, 

Bossuet,  successeur  de  Mgr  de  Lorraine,  passa  trop  peu 
de  temps  sur  le  siège  de  Condom  pour  pouvoir  s'occuper  de 
cette  fondation.  Toutefois  l'illustre  évêque  se  réservait  de 
désigner  lui-même  les  séminaires  dans  lesquels  il  exigeait 
que  les  clercs  qui  voulaient  être  promus  aux  ordres  sacrés 
passassent  au  moins  six  mois  (1). 

Au  sujet  de  ce  délai  de  six  mois,  qui  pourrait  sembler 
insuffisant  pour  la  formation  des  prêtres,  nous  ferons  obser- 
ver que  les  séminaires  n'étaient  pas  d'une  manière  générale 
des  établissements  identiques  aux  grands  séminaires  actuels. 
C'étaient  bien  des  maisons  de  science,  mais  surtout  des  mai- 
sons de  retraite  où  les  jeunes  gens  se  formaient  à  la  vie 
sacerdotale  sous  la  conduite  de  maîtres  appelés  directeurs  (2). 
On  n'y  professait  pas  généralement  comme  aujourd'hui  des 
cours  complets  de  philosophie  et  de  théologie.  Les  clercs  qui 
entraient  dans  les  séminaires  avaient  déjà  pour  la  plupart 
étudié  ces  sciences  (3)  dans  les  collèges,  dans  les  Universités 
ou  sous  la  direction  de  professeurs  particuliers. 

(1)  C'est  ce  qui  ressort  de  ses  ordonnances  publiées  en  synode  à  Condom  le 
16  juin  1671  dans  lesquelles  se  trouvent  énumérées  les  conditions  do  science  et 
de  piété  que  devaient  remplir  les  asi)irants  au  sacerdoce.  Le  grand  évéque  n'ad- 
mettait à  la  tonsure  que  les  enfants,  à^çés  de  12  ans  au  moins,  qui  rapportaient 
des  certificats  des  curés  de  leurs  paroisses  et  de  leurs  maitres,  attestant  «  leurs 
bonnes  dispositions  poiur  les  lettres  et  principalement  leur  modestie  et  leur  piété 
par  la  fréquentation  des  saints  .Sacrements  et  par  Tassiduiti'^  aux  offices  divins.  •» 
h  exigeait  de  nouveaux  certificats  de  ceux  qui  demandaient  à  être  promus  aux 
ordres  mineurs  et  aux  ordres  sacrés,  se  «  réservant  de  les  soumettre  ;\  de  plus  lon- 
gues espreuves.  »  (V.  Manuscrit  Lagutère,  p.  111  et  112). 

(2)  Cette  dénomination  est  restée  aux  professeurs  actuels  des  grands  séminaires. 

(3)  Au  dernier  siècle,  ou  n'admettait  au  séminaire  d'Auch  que  ceux  qui  pou- 
vaient justifier  de  trois  ans  d'étude  en  théologie  ;  ou  leur  faisait  d'ailleurs  subir 


—  275  — 

A  Condom,  ils  pouvaient  les  étudier  au  collège,  où  deux 
cours  de  théologie  furent  institués,  le  premier  en  1706,  le 
second  en  1719.  Mais  dès  avant  cette  époque,  les  Oratoriens 
qui  dirigeaient  le  collège  préparaient  les  écoliers  qui  voulaient 
embrasser  Tétat  ecclésiastique.  C'est  ainsi  que  le  célèbre  P. 
Gaspard  Juenin,  professeur  de  philosophie  en  1678,  expli- 
quait soir  et  matin,  à  la  Qn  de  chaque  classe,  un  verset  de 
l'Evangile  à  ses  trente-deux  élèves;  et  «  comme  la  pluspart, 
nous  apprend  le  P.  Visiteur,  se  destinent  à  l'Eglise,  il  a  eu 
soin  de  leur  parler  des  dispositions  nécessaires  à  cet  état  si 
sublime  »  (1). 

A  cette  époque  notre  collège  remplaçait  en  quelque  sorte  le 
séminaire  et  les  clercs  allaient  y  faire  quelquefois  leur  retraite. 
Mais  en  1681,  les  Pères  de  l'Oratoire,  d'accord  avec  Mgr  de 
Matignon,  successeur  de  Bossuet,  décidèrent  que  les  écoliers 
ne  seraient  pas  admis  à  a  faire  retraitte  »  dans  leur  maison, 
«  soit  avant  soit  apprès  avoir  receû  la  tonsure  »;  et  l'évêque 
permit  «  d'envoyer  ailleurs  les  jeunes  gens  faire  leur  retraitte 
pour  la  tonsure.  »  Ils  étaient  d'ailleurs  avertis  que  le  prélat 
ne  les  admettrait  pas  aux  ordres  s'ils  ne  produisaient  une 
attestation  de  la  part  de  leurs  maîtres,  «  tant  de  leurs  mœurs 
que  de  leur  capacité  et  sage  conduite  (2).  » 

préalablement  un  examen  sur  la  philosophie  et  sur  les  traités  de  théologie  qu'ils 
avaient  étudiés.  (V.  Tlnstruction  Pastorale  de  Mgr  de  Montillet,  archevêque 
d'Auch,  sur  l'Etat  sacerdotal,  ch.  i\',  §  i. 

(1)  V.  Acte  de  visite  du  collège,  année  1678  (Arch.  communales).  Le  P.  Juenin 
quitta  la  maison  de  Condom  à  la  fin  de  juillet  1680,  «  allant  en  celle  de  Tolose 
pour  le  séminaire  qu'on  y  doit  commencer  »  (Reg.  de  comptabilité). 

Les  jeunes  clercs  pouvaient  d'ailleurs  mettre  à  profit  les  leçons  publiques  sur 
rEcriture-Sainte,  que  le  chanoine  théologal  était  obligé  de  faire  plusieurs  fois  la 
semaine  à  la  cathédrale.  Ces  leçons,  qui  avaient  été  fixées  à  quatre  ou  cinq  par 
semaine  par  la  Bulle  de  sécularisation  du  chapitre,  en  1549,  furent  réduites  à  trois 
par  deux  arrêts  du  parlement  de  Bordeaux,  l'un  du  15  janvier  1614,  l'autre  du 
22  mars  1642,  indépendamment  de  la  prédication  que  le  même  théologal  était 
chargé  de  faire  tous  les  dimanches  et  jours  de  grande  fête  solennelle. 

Disons  en  passant  qu'en  1656  deux  de  nos  Oratoriens  avaient  été  choisis  pour 
diriger  le  séminaire  de  Commingcs  (Actes  de  visite,  année  1656). 

(2)  V.  acte  de  visite  du  collège,  année  1681  (Arch.  com.).  Cependant,  nous 
voyons  des  écoliers  passer,  en  1691,  quelques  jours  au  collège,  par  ordre  de  l'évê- 
que, avant  de  recevoir  la  tonsure  ou  même  l'ordination  (Reg.  de  comptabilité 
du  collège,  année  1691). 


} 


-  276  - 

Cependant  Tœuvre  de  Nicolas  Pasquier  fut  reprise  en  1674. 
Bernard  de  Bressolles,  vicaire-général  de  Mgr  de  Matignon, 
et  Jean  Artenses,  prébendier  en  Téglise  cathédrale,  firent 
donation,  le  13  janvier  de  cette  année  (1),  en  faveur  de  Mgr  de 
Matignon,  pour  rétablissement  d'un  séminaire  dans  son  dio- 
cèse, le  prevDier,  de  la  moitié  en  pleine  propriété  de  la  maison 
dans  laquelle  il  demeurait,  située  au  quartier  du  Mandat  (2), 
avec  jardin  et  dépendances,  le  second,  de  l'usufruit  de  Taa- 
tre  moitié  de  cette  maison,  dans  laquelle  il  se  réservait  pour 
le  reste  de  ses  jours  la  chambre  qu'il  habitait  au  second  étage^ 
donnant  sur  le  jardin  (3).  Ces  prêtres  zélés  avaient  compris 
«  qu'il  n'y  a  rien  de  plus  nécessaire  dans  un  diocèze  pour  le 
bien  de  Testât  eclesiastique  qu'un  séminaire  dans  lequel  ceux 
qui  aspirent  à  cest  estât  puissent  s'en  rendre  dignes  et  pro- 
pres à  travailler  au  salut  des  âmes.  » 

Bernard  de  Bressolles  ne  s'en  tint  pas  à  cette  première 
libéralité:  après  avoir  offert  une  partie  de  sa  bibliothèque  au 
séminaire  que  l'évêque  s'était  hâté  d'établir  dans  le  local 
donné  pour  cette  fondation,  il  lui  légua  par  son  testament  du 
29  mars  1674,  jour  de  sa  mort,  le  tiers  des  livres  qui  lui 
restaient,  le  tiers  de  ses  meubles  et  ce  qui  pouvait  lui  être 
dû  de  ses  bénéfices  ecclésiastiques  (4),  distraction  faite  des 
deniers  nécessaires  pour  acquitter  les  frais  de  ses  honneurs 

(1)  Minutes  de  Elizon,  notaire  (Etude  de  M*  Préchac). 

(2)  V.  acte  d'ajournement  du  20  avril  1676,  relatif  à  l'inventaire  des  biens  de 
M*  Bressolles  (Minutes  de  Laboupilhère,  notaire,  étude  de  M'  Lebbé.  V.  aussi 
Tacte  de  déclaration  des  revenus  du  chapitre  du  13  août  1692,  dans  lequel  le  four 
est  désigné  comme  conJErontant  au  nord  et  couchant  à  la  maison  du  séminaire 
(Minutes  de  Laboupilhère,  étude  Lebbé).  Le  four  de  la  Claustre  se  trouvait  dans 
la  maison  Fourteau  attenante  au  cloilre  ;  remplacement  de  cette  maison,  récem- 
ment démolie,  est  occupé  par  une  partie  de  la  nouvelle  mairie. 

(3)  Bressolles  et  Artenses  avaient  acheté  cette  maison  par  égales  parts  à 
M.  Margeon,  chanoine  théologîil;  elle  avait  coûté  2,600  livres.  Le  premier  don- 
nait également,  par  l'acte  du  13  janvier  1674,  une  autre  maison  qu'il  possédait  à 
l'extrémité  du  jardin. 

.  (4)  Bernard  de  Bressolles  était  chapelain  des  chapelles  de  VAubernion  et  do 
Coq;  la  première,  à  laquelle  appartenait  la  métairie  dite  de  VAubernion,  était  des- 
servie dans  l'église  cathédrale  de  Saint- Pierre  ;  la  seconde  était  desservie  dans 
l'église  paroissiale  de  Moncrabeau  (Acte  du  3  juin  1676,  minutes  de  Laboupi- 
lhère, étude  Lebbé). 


—  277  — 

funèbres  et  les  gages  de  ses  domestiques.  Par  le  même  acte, 
il  renouvelait  la  donation  de  la  moitié  de  sa  maison  (1). 

Le  nouvel  établissemeul  fonctionna  pendant  quelque 
temps;  nous  voyons,  en  effet,  dans  le  courant  de  Tannée 
itt76.  M'  Pierre  Gaberel,  docteur  en  théologie,  assister,  en 
sa  qualité  de  supérieur  du  séminaire,  à  l'inventaire  des  biens 
de  M.  de  Bressolles  et  poursuivre  le  paiement  de  ce  qui  était 
dû  parles  fermiers  du  fondateur  (2). 

Toutefois  il  était  déjà  supprimé  depuis  plusieurs  années  en 
d686,  prSbablement  à  cause  du  manque  de  ressources,  et  les 
curés  du  diocèse  qui,  cette  année-là,  faisaient  parvenir  à  Sa 
Majesté  leurs  «  justes  pleintes  »  sur  Tadministration  de  leur 
évêque  ou  plutôt  de  Jacques  Duquesne,  son  vicaire-général, 
et  du  Père  Dagusan,  doctrinaire,  son  conseil,  demandaient 
entre  autres  choses  le  rétablissement  du  séminaire  fondé  par 
ie  «  feu  sieur  de  Bressolles  dans  sa  propre  maison.  » 

Led,  seigneur  évèquc,  —  disent-ils  dans  un  Mémoire  dressé  à  l'ap- 
pui de  leur  requête,  —  ne  peut  en  conscience  le  refuser,  puisqu'il  y  est 
obligé  par  ses  propres  bulles,  qui  portent  par  exprès  qu'il  l'establira  si 
desja  il  ne  l'est  pas. 

La  suppression  du  séminaire, — ajoutent-ils, —  est  cause  que  l'erreur 
et  les  nouveautés  se  sont  glissées  dans  le  diocèse,  ayant  baillé  à  gouverner 
les  jeunes  clercs  à  des  personnes  qui  ont  été  accusées  môme  en  justice 
de  nouveauté,  et  on  recognoit  que  ces  mêmes  ecclésiastiques  s'égarent 
de  la  saine  doctrine  et  de  la  subordination  légitime  qu'ils  doivent  aux 
pasteurs  et  curés. 

De  plus  les  pïélendans  aux  ordres  auroint  plus  de  facilité  à  y  entrer 
s'il  étoit'dans  le  diocèse. 

Les  curés  et  autres  prêtres  jouiroint  aussi  de  la  commodité  de  se 
retirer  en  retraite  pour  renouveler  en  eux  Tesprit  de  zèle  et  de  piété 

(t)  V.  Testament  du  29  mars  1676 (Minutes  de  I^boupilhère,  étude  de  M*  Lebbé) . 

(2)  V.  actes  des  20  avril  et  suivants  (Inventaire  des  biens  de  Bressolles,  minu- 
ies  de  Laboupillère,  étude  Lcbbé),  5  mai  et  18  août  1676  (minutes  de  Rizon,  étude 
Préchac).  Dans  un  acte  du  17  mai  1676  (minutes  de  I^boupilhère),  il  est  question 
d'une  procession  ordonnée  par  révoque,  i\  laquelle  assistent  les  «  ecclésiastiques 
du  séminaire,  » 

Tome  XXX.  19 


—  278  — 

lorsqu'ils  le  jugeroint  à  propos,  ce  qu'ils  ne  scauroint  faire  qu'avec 
difficulté  s'il  n'y  en  a  pas  dans  le  diocèze  (1). 

Celte  même  année  1686  (serait-ce  un  effet  des  «  justes 
pleintes  »  des  curés?)  (:2)  Mgr  de  Matignon  songeait  sérieu- 
sement à  «  bastir  et  fonder  un  séminaire»  >  pour  lequel  il  des- 
tinait 20,000  livres  «  et  plus  de  son  bien  » .  Mais,  comme 
cette  somme  ne  pouvait  suffire,  il  demandait  à  Sa  Majesté 
«  d'accorder  pour  contribuer  à  cet  établissement  les  biens  du 
consistoire  de  Nérac.  »  Le  Mémoire  dans  lequel  nous  puisons 
ce  renseignement  ajoute  :  • 

Sera  1res  util  (le  séminaire)  à  son  diocèze,  que  les  nouveaux  conver- 
tis y  trouveront  de  Favantage,  plusieurs  luy  ayant  desja  demandé 
d'entrer  dans  Testât  ecclésiastique,  dont  il  laudra  qu'il  paye  la  pension, 
parce  qu'ils  sont  assez  pauvres,  quoyque  de  bonne  famille  »  (3). 

Mais  le  prélat  n'obtint  pas  ce  qu'il  désirait.  Ces  biens  du 
consistoire  de  Nérac  et  ceux  des  autres  consistoires,  que 
Mgr  Milon  (4)  demanda  également  pour  le  séminaire,  en 
1696  (5),  furent  accordés  quelque  temps  après  à  l'hôpital 
général  qui  venait  d'être  fondé  à  Condom  (6). 

Mgr  de  Matignon  n'en  persévéra  pas  moins  dans  ses  projets 
et  obtint,  au  mois  de  mai  1690,  des  lettres  patentes  du  roi 
portant  autorisation  d'établir  un  séminaire  dans  sa  ville  épis- 

(1)  V.  le  Plaoet  présenté  au  roi  le  8  mars  1686  par  les  curés  de  Condom,  et  le 
Mémoire  justificatif  dont  nous  avons  parlé  ;  une  copie  de  ces  curieux  documents 
est  en  notre  possession;  nous  ne  connaissons  pas  tous  les  détails  de  cette afiEaire; 
mais  nous  croyons  savoir  que  M"  de  Bergue,  docteur  en  théologie,  curé  de  (îoa- 
lard,  qui  avait  été  député  pour  présenter  le  Plaoet  au  roi,  fut  eiîvoyé  Tannée  sui- 
vante au  séminaire  de  Périgueux  grâce  à  des  lettres  de  cachet  obtenus  contre  lui. 

(2)  Nous  serions  tentés  de  le  croire,  d'autant  que  le  roi  avait  renvoyé  les  par- 
ties devant  l'Intendant  de  la  province  et  devant  l'évêque  d'Agen  pour  l'instruc- 
tion de  cette  affaire. 

(3)  V.  Reoue  de  Gascogne,  t.  xix,  page  143. 

(4)  Et  non  monseigneur  Mathieu  Isoré  d'Hervault,  comme  on  lit  dans  la  Reoue 
de  Gascogne,  t.  xix,  page  144,  note  1. 

(5)  L'Intendant  de  Guienne,  qui  appuya  la  demande  du  prélat,  pensait  que 
les  biens  desd.  consistoires  ne  pouvaient  être  mieux  employés  qu'à  soutenir  cet 
établissement  «  dont  l'utilité,  ajoute-t-il,  est  connue  de  tout  le  monde  »,  V.  Reoue 
de  Gascogne,  t.  xix,  page  144. 

(6)  V.  Arch.  hospit.  fonds  Hôpital  général  (B.  6  et  7). 


—  279  — 

copale  et  crimposer  pour  son  enlretien  lous  les  bénéflciers 
du  diocèse  (i). 

Il  acheta  à  cet  effet  deux  maisons  (2),  pour  les  unir  à  celle 
donnée  précédemment  par  Bernard  de  Bressolles  et  par  Arten- 
ses,  et  paya  la  moitié  de  celle-ci  aux  héritiers  d'Artenses.  Il 
donna  ensuite  le  12  mars  1695|»plus  d'un  an  après  sa  démis- 
sion de  Tevêché  de  Condom,  au  nouvel  établissement  qui 
fonctionnait  déjà,  mais  pour  n'en  jouir  qu'après  son  décès, 
la  somme  de  23,000  livres  (5),  dont  1,000  destinées  à  Tachât 
d'une  bibliothèque  et  22,000  destinées  à  l'entretien  à  perpé- 
tuité de  huit  séminaristes  au  choix  des  évéques  ses  succes- 
seurs; ces  séminaristes  devaient  s'engager  à  dire  soir  et  matin, 
leur  vie  durant,  un  de  profanais  avec  l'oraison  pour  le  repos 
de  l'âme  du  donateur,  et  célébrer  quelques  messes  à  son 
intention  lorsqu'ils  seraient  prêtres.  Il  donnait  en  même  temps 
les  maisons  dont  nous  venons  de  parler,  à  condition  que  la 
messe  qui  se  disait  tous  les  jours  au  séminaire  serait  doréna- 
vant célébrée  à  son  intention  à  perpétuité. 

Voici  les  termes  de  l'acte  passé  par  M"  Lange  et  de  Broyer, 
notaires  à  Paris  (4). 

Led.  seigneur  de  Matignon  conservant  les  entrailles  de  père 

pour  le  diocèze  de  Condom  a,  par  ces  présentes,  donné  et  donne  la  ditte 

(1)  Le  chapitre  fut  taxé  à  221  livres  2  sous  2  deniers  ;  l'archiprètré  de  Saint- 
Pierre  à  5  livres  2  sous  2  deniers.  (Actes  de  déclaration  du  revenu  du  chapitre 
et  de  i'arcliiprétrô  du  13  août  1692  et  du  6  mars  1693,  minutes  de  lAboupilhère, 
étude  Lebbé).  On  peut  voir  la  taxe  de  beaucoup  d'autres  bénéfices  dans  dos  actes 
du  même  genre  faits  à  cette  époque. 

{2)  Il  est  question  de  ces  maisons  dans  un  acte  de  quittance  fournie  par  les 
consuls  à  Mgr  de  Matignon  le  3  octobre  1694  (minutes  de  M*  Laboupilhère,  étude 
Lebbé);  Tune  d'elles,  située  naturellement  au  quartier  du  Mandat,  fut  acquise  par 
acte  du  20  septembre  1690  (Minutes  du  même  notaire). 

(3)  Cette  somme  formait  le  prix  des  meubles,  tableaux,  livres,  orangers,  etc., 
vendus  par  Mgr  de  Matignon  à  Mgr  Milon,  qui  devait  lui  en  payer  la  rente,  soit 
1,150  livres,  jusqu'à  sa  mort;  la  donation  eu  faveur  du  séminaire,  qui  se  trouve 
comprise  dans  l'acte  de  vente  lui-même,  fut  acceptée  le  30  août  1702  par  les 
administrateurs  du  séminaire.  Ces  administrateurs  étaient  alors  :  M**  Ferréol 
Arnollet,  docteur  en  théologie,  chanoine  et  archidiacre  de  Coudom,  supérieur; 
Jean  Castéra,  docteur  en  théologie,  Antoine  Launet,  grand  prébendier,  et  Jean 
Bacon,  directeurs.  (V.  acte  du  30  août  1702,  minutes  de  M*  Laboupilhère). 

(4)  Nous  les  tirons  d'un  manuscrit  appartenant  à  l'église  Saint-Pierre,  dans 
lequel  cet  acte  est  transcrit  en  entier. 


—  280  — 

somme  de  23,000  livres  au  séminaire  de  Condom...  pour  être  employée 
après  le  décès  dud.  seigneur  de  Matignon,  scavoir  1,000  livres  en  livres 
pour  Tusage  des  Eclesiasliques  qui  seront  aud.  séminaire,  le  chois 
desquels  livres  il  laisse  aud.  seigneur  évêque  de  Condom,  et  22,000  à 
acquérir  une  ou  plusieurs  rentes  sur  le  clergé  de  Condom  sur  le  pied 
que  led.  clergé  constituera  des  rentes  pour  nourrir  dans  led.  séminaire 
huit  ecclésiastiques  du  diocèse  de  Condom,  chacun  desquels  ne  pourra 
demurer  plus  de  deux  ans  au  dit  séminaire,  et  au  cas  que  les  an^érages 
des  rentes  ne  fussent  suffisants,  les  dits  eclésiastiques  fourniront  le  sur- 
plus, et  avant  d'y  entrer  ils  s'engageront  de  dire  soir  et  matin  pendant 
toute  leur  vie  un  de  pro/undis  et  Toraison  pour  le  repos  de  Tàme  dud. 
seigneur  de  Matignon  et  de  dire  encore  quelques  messes  à  même  inten- 
tion quand  ils  seront  prêtres.  Et  en  cas  que  par  malheur,  led.  sémi- 
naire vint  à  ne  plus  subsister,  le  dit  seigneur  de  Matignon  veut  que 
les  arrérages  des  rentes  soint  employés  pour  nourrir  les  huit  eclésias- 
tiques du  diocèze  de  Condom  dans  le  séminaire  d'Agen  ans  susd.  con- 
ditions, attendu  que  Févèché  de  Condom  a  été  démembré  de  celuy 
d'Agen;  et  si  le  nombre  de  huit  eclésiastiques  ne  se  irouvoit  pas  dans 
le  diocèze  de  Condom,  ce  qui  auroit  servi  à  nourrir  ceux  qui  man- 
quoint  dud.  nombre  sera  donné  au  sieur  archy prêtre  do  Condom  pour 
le  distribuer  dans  l'église  de  Condom  aux  pauvres  qui  assistent  au 
catéchisme,  lequel  employ  aussi  bien  que  le  chois  des  eclésiastiques 
led.  seigneur  de  Matignon  veut  être  en  la  disposition  des  évêques  de 
Condom  présent  et  futurs,  et  en  cas  de  négligence  de  la  part  des  sei- 
gneurs Evêques,  au  chapitre  et  aux  consuls  dud.  Condom  conjointe- 
ment, sans  que  lad.  fondation  puisse  jamais  être  employée  à  d'autre 
usage  que  celuy-cy  dessus  marqué  sous  quelque  prétexte  que  ce  soit;  et 
comme  led.  seigneur  de  Matignon  a  acheté  la  moitié  de  la  maison  et  jardin 
où  esta  présent  led.  séminaire  de  Condom,  led.  seigneur  de  Matignon, 
par  les  motifs  ci-devant  dits,  donne  encore  par  ces  présentes  au  dit 
séminaire  de  Condom,  la  moitié  des  maison  et  jardin  et  les  deux  autres 
maisons  à  condition  que  la  messe  qui  se  dit  tous  les  jours  au  sémi- 
naire sera  dorénavant  à  l'intention  dud.  seigneur  de  Matignon  et  après 
son  décès  à  perpétuité 

Mgr  de  Malignon  laissa  encore  en  1697  (i),  pour  faciliter 
rétablissement  du  séminaire,  quelques  autres  sommes  que 
lui  devaient  ses  fermiers  des  revenus  de  l'évéchè  de  Condom. 

(1)  Act«  du  23  avril  1697  passé  à  Pari^  par  Veram?  et  ÎAnge,  notaires. 


—  281  — 

L'évêque  avait  d'ailleurs  trouvé  de  pieux  coopèrateurs. 
Déjà  le  12  juillet  1689,  M*  Isaac  de  La  Roche,  receveur  des 
décimes  du  diocèse,  avait  légué  une  somme  de  5,000  livres 
pour  rentretieo  à  perpétuité  de  deux  pauvres  ecclésiastiques 
du  diocèse  «  et  non  d'auttre  » ,  au  choix  de  Tévêque,  dans  le 
séminaire  de  Condom,  «  préférablement  à  tout  autre,  lorsque 
rétablissement  en  sera  fait  »  (1). 

Quatre  ans  plus  tard,  le  9  juillet  1693,  Messire  Paul  de 
Corduchesne,  du  diocèse  de  Narbonne  «  considérant  les 
grands  avantages  que  Tesglise  de  Dieu  reçoit  tous  les  jours 
de  Teslablissement  des  séminaires  pour  Pinstruclion,  pieté  et 
bonnes  mœurs  des  jeunes  ecclésiastiques,  »  s'était  démis  en 
faveur  de  notre  évêque  du  prieuré  de  Saint-Vincent  de  Cour- 
sao  et  de  trois  chapellenies  pour  les  unir  à  notre  séminaire, 
qu'il  savait  n'être  pas  encore  «  dotté  des  reveneus  sufHsens 
pour  entretenir  les  personnes  nécessaires  pour  vacquer  à 
enseigner  et  instruire  »  (2). 

(1)  V.  Testament  d'Isaaode  I,a  Hoche,  du  12jiiillet  1689 (minutes  de  M*  Labou- 
pilhère,  année  1690  (Etude  de  M*  Lebbé).  A  cette  époque  l'atelier  d'imprimerie  que 
Timothée  Gayau,  imprimeur-libraire,  avait  établi  à  Condom  en  1684,  se  trouvait 
installé,  depuis  l'année  1688,  dans  la  maison  du  séminaire.  (V.  aux  arch.  muni- 
cii)aies,  actes  de  sommation  des  15  février  et  10  mars  1689,  retenus  le  premier  par 
DaunassdQS,  étude  de  M' I^âgorcc,  le  second,  par  Rizon,  étude  de  M'  Préchac). 

Nous  ferons  remarquer,  à  cette  occasion,  que  notre  \ille  eut  des  imprimeurs 
depuis  au  moins  1634.  Un  imprimeur  venant  de  Nérac  s'était,  il  est  vrai,  présenté 
dès  1631,  et  il  fut  convenu  par  délibération  du  30  juillet  qu'on  lui  donnerait  la 
.sonmie  de  36  livres  accordée  précédemment  aux  libraires,  mais  nous  ne  voyons 
PAS  ftgrurer  cette  somme  dans  le  compte  consulaire  de  l'année  suivante,  de  sorte 
que  Condom  ne  dut  pas  avoir  d'imprimeur  avant  1634.  La  jurade  générale  du 
és  juillet  de  cette  année  accepta  comme  a  habitant  »  un  libraire  imprimeur  qui 
se  présentait  pour  exercer  son  métier  à  Condom,  et  lui  accorda  un  logement  avec 
un  secours  annuel  de  30  livres.  Arnaud  Manas,  qui  nous  paraît  être  cet  impri- 
meur, imprima  pour  les  consu!s  en  16-i4  les  anciens  Privilèges  de  la  ville.  Ce 
recueil  comprenant  34  pages  in-4'  fut  tiré  à  cent  exemplaires.  Il  en  existe  un 
sur  parchemin,  aux  archives  municipales  de  la  ville.  (Voir  jur.  du  8  décembre 
1644;  état  des  affaires  de  la  Ville  et  divers  articles  du  compte  des  consuls, 
même  année).  C'est  {\  notre  connaissance  le  premier  travail  d'imprimerie  exécuté 
dans  notre  ville,  à  part  les  placards  ordinaires  et  autres  pi^ces  peu  importantes. 
I^  Dirtionnairo  de  Géographie  ancienne  et  moderne  d  Vusage  du  libraire  et 
de.  l'amateur  de  licrcs  (Paris,  Didot,  1870)  cite  un  livre  imprimé  à  Condom  par 
Manas  en  1643  et  donne  quelques  détails  sur  nos  anciens  imprimeurs.  On  pour- 
rait consulter  à  cet  égard  la  jurade  du  29  octobre  1635  et  l'état  des  impositions, 
années  1636,  etc.,  les  jurades  des  9  janvier  et  23  avril  1688,  1"  décembre  1701, 
9  mai  1718,  etc.,  les  pièces  justificatives  des  comptes  consulaires,  etc... 

(2)  V.  acte  du  9  juillet  1693,  minutes  de  M"  Jaubert,  étude  Préchac.  Le  prieuré 


—  282  — 

Mais  il  voulut  surtout  changer  la  direction  de  l'établisse- 
ment, qui  avait  été  conOée  à  des  prêtres  séculiers  (1),  ella 
donner  à  une  congrégation  religieuse,  «  de  sorte  que  à  Tave- 
nir  le  diocesse  en  peut  tirer  plus  d'utilitté  ». 

Il  choisit  à  cet  effet  celle  des  Prêtres  de  la  Doctrine  chré- 
tienne, «  comme  la  croyant  propre  par  sa  science  et  sa  pielé 
à  former  les  clercs  de  son  diocèse  et  leur  inspirer  Tesprit  de 
leur  estât,  »  et  traita  le  11  février  1716  avec  le  R.  P.  Moméjan, 
provincial  de  la  province  de  Toulouse,  assisté  du  P.  Raymond 
Delnat,  recteur  du  collège  de  Nérac. 


J.  GARDÈRE. 


{La  fin  au  prochain  numéro.) 


Saint- Vincent  de  Conrsan  était  dans  la  paroisse  de  Foiirques,  diocèse  de 
Condom;  des  trois  chapellenies  dont  il  est  ici  question,  deux,  celles  de  Roque 
Rouquette  ou  de  la  Roque  et  celle  de  Mondlne  Dclas,  étaient  desservies  dans 
l'église  Saint-Nicolas  de  Nérac;  la  troisième,  dite  de  Corraphaâlf  était  desservie 
dans  l'église  de  Calignac.  Messire  de  Curduchesue,  chanoine  et  prévôt  de  l'église 
collégiale  et  royale  d'Ayguesmortes,  prieur  et  seigneur  de  Saint-Bouet,  au 
diocèse  de  Nimes,  fut  pourvu  quelques  mois  après  de  la  célèbre  abbaye  de  I^ 
Case-Dieu  (V.  acte  du  5  juin  1694,  même  notaire). 

fl)  Les  lettres  patentes  de  1690  avaient  laissé  toute  liberté  pour  le  choix  des 
directeurs. 

Etienne  Lochon,  du  diocèse  de  Chartres,  fut  un  des  premiers  supérieurs  du 
séminaire  (lettre  adressée  à  M.  le  secrétaire  général  de  rarchevéché  d'Auch,  le 
13  septembre  1883,  par  M.  l'abbé  Sainsot,  curé  de  Terminicrs,  Eure-et-Loir); 
toutefois  d'après  un  renseignement  qui  nous  a  été  fourni  par  l'auteur  de  la  let- 
tre ci-dessus  mentionnée,  il  parait  n'avoir  exercé  ses  fouettions  qu'après  1697. 
Etienne  Lochon,  docteur  en  Sorbonne  du  collège  de  Navarre,  est  connu  dans  le 
monde  des  lettres  ;  entre  autres  om^ages,  il  publia  en  1708  un  Traité  sur  le 
secret  de  la  confession. 

Nous  avons  déjà  vu  que  M'  Ferréol  Arnollet,  docteur  en  théologie,  chanoine  cl 
archidiacre  de  Condom,  remplissait  en  1702  les  fonctions  de  supérieur;  il  était 
assisté  de  M"  Jean  Castéra,  docteur  en  théologie,  Antoine  Launet,  grand  pn^- 
bendier,  et  Jean  Bacon,  directeurs.  (Acte  du  30  août  1702,  minutes  de  Laboupi- 
Ihère,  étude  Lebbé.) 

Nous  citerons  au  nombre  des  premiers  directeurs  du  séminaire  M*  Deschamps. 
Ce  prêtre  rivait  en  1701  sur  la  paroisse  de  Saint-Maixent  à  Bordeaux,  où  il  était 
précepteur  chez  M.  Delpech,  conseiller.  11  offrait  alors  de  venir  passer  le  re^^te 
de  ses  jours  à  l'hôpital  de  Condom  (V.  dél.  capit.  du  2  octobre  1701  ;  Arch.  hasp., 
fonds  Notre-Dame,  111.  E.  13). 


DKS 


PETITS-FILS  DE  BLAISE  DE  MONLUC 

(Fin  •;. 


XXI 

Lettre  de  Charles  de  Monlac^  sénéchal  d' A  gênais,  à  Henri  IV. 

Sire, 

Je  supplieray  très  humblement  Vostre  Majesté  de  m'excuser  si  je 
suis  si  prolixe  en  ceste  lettre,  mais  les  occazions  qui  consernent  vostre 
service  et  ce  que  mon  debvoir  m'oblige  de  luy  faire  entendre,  me  ser- 
vira d'excuse.  Ce  sera  donc  aveques  vostre  permission,  Sire,  que  je 
fer^y  le  discours  de  ce  qui  c'est  passé  au  voyage  que  j'ai  fait  sur  la 
frontyere  d'Espagnie  du  cousté  de  Commenge.  J'ay  esté  semondz  par 
les  sieurs  de  Larboust  (1)  et  Du  Bourc,  gouverneur  de  l'Isle  (2),  d'aller 
attaquer  deulx  ou  trois  places  que  le  marquis  de  Villars  et  Montpezat, 
son  frère,  estoyent  délibérez  de  remettre  ez  mains  de  l'cspagniol.  Nous 
sommes  allez  droict  à  Saint-Gaudens,  oiiilz  avoyent  fortiffié  une  cyta- 
delle,  laquelle  nous  a  tenu  trois  jours  pour  la  prendre;  mais  enfin 
rayant  battue  de  deux  pièces  de  batterye  et  deux  moyennes,  ceulx  qui 
estoyent  dedanz  se  sont  randuz  et  remiz  la  place  en  Tobeyssance  de 
Vostre  Majesté;  laquelle,  à  la  réquisition  de  la  noblesse  et  principaux  du 

(•)  Voir  livraison  d'avril,  p.  180. 

(1)  Adrien  d'Aure,  vicomte  de  larboust,  capitaine  de  cinquante  hommes 
d'armes  des  Ordonnances,  chevalier  de  l'Ordre,  etc.  11  ne  faut  le  confondre  ni 
avec  Jacques  dWure,  seigneur  et  baron  de  Montagut  et  de  Larboust,  ni  avec 
Savary  d'Aure,  baron  de  Larboust,  auquel  M.  de  Rublc  a  consacré  une  longue 
ei  intéressante  note  dans  le  tome  m  des  Commentaires,  p.  273. 

(2)  Georges  Du  Bourg,  seigneur  de  Clermont  (en  Armagnac),  gouverneur  de 
la  viUe  et  du  comté  de  Tlsle-Jourdain,  gentilhomme  de  la  Chambre  du  Roi,  etc. 
Voir  Recherches  sur  la  Maison  Du  Bourg,  par  Henry  Du  Bourg,  2*  partie, 
Toulouse,  1881  (p.  41-42  et  99-108).  L'auteur  a  reproduit  en  ces  dernières  pages 
divers  do<3umcnts  que  j'avais  eu  le  plaisir  de  donner  à  la  Rectio  de  Gascogne  en 
1874  (tome  XV,  p.  81-86)  sous  ce  titre:  Lettres  inédites  de  Georges  Du  Bourg, 
gouoerneur  de  Plsle^n-Jourdain, 


—  284  — 

pays,  a  esté  razée.  Les  ennemis  ont  prins  tel  esfroy  que  voyant  que  le 
lieu  qu'ilz  croyoyent  qui  resisteroit  davantage  avoit  esté  sitost  prins, 
ilz  ont  voUu  capituler  pour  trois  autres  places  qui  restoyent  sur  ceste 
frontyere,  qui  sont  Monrejau,  Sainct-Beat  et  Sainct-Bertrand  (1).  Les 
deux  premières  rendirent  soudain  obeyssance  à  Vostre  Majesté,  feyrent 
les  feuz  de  joye  et  ceremonyes  requises  en  leur  réduction.  Pour  celle 
de  Sainct-Bertrand,  qui  est  la  plus  forte  et  la  plus  importante,  de  la- 
quelle le  sieur  de  Lussan  en  estoit  gouverneur,  implore  le  pardon  et 
clémence  accostumee  de  Vostre  Majesté  et  pour  cest  effect  luy  rend  sa 
foy  et  obeyssance  par  une  lettre  qu'il  luy  en  escript;  et  affin  de  les 
engager  à  ce  qui  estoit  de  leur  debvoir  j'ozay.  Sire,  leur  accorder,  ave- 
ques  Tadvis  de  toute  la  noblesse  qui  y  esioyent,  certains  articles  la 
coppie  desquelz  j'envoye  à  Vostre  Majesté,  la  suppliant  très  humble- 
ment de  les  vouloir  veoir.  J'en  ai  gardé  l'original  pour  Taprehension 
que  j'ai  heu  du  perilh  des  chemins,  me  rezervant  de  les  porter  moy- 
mesmes  Ihorsque  j'auray  l'honneur  de  me  randre  prés  de  Vostre  Ma- 
jesté. Il  n'y  a  nulle  plasse  maintenant  verz  les  montagnes  qui  ne  soyent 
soubz  son  obeyssance.  La  pluspart  de  la  noblesse,  le  clergé  et  les  scin- 
diez de  ce  peyz-là  m'ont  faict  une  prière  d'importuner  Vostre  Majesté 
d'une  demande  laquelle  j'estyme  plustost  pi-esomptueuse  que  meritoyre, 
qu'est  qu'il  luy  plaise  me  volloir  octroyer  le  gouvernement  de  ceste 
particuilhere  ville  de  Sainct-Bertrand  et  ordonner  pour  la  garde  d'icelle 
cent  hommes  de  pied.  Sire,  si  je  l'eçoys  ceste  faveur  de  Vostre  Majesté, 


(1)  M.  l'abbé  de  Carsalade  Du  Pont,  non  content  de  m'avoir  fourni  d'excel- 
lentes indications  sur  la  plupart  des  gentilshommes  gascons  mentionnés  dans 
cette  lettre,  m'a  encore  abandonné  im  précieux  dossier  formé  de  pièces  inédites 
relatives  à  la  ville  de  Saint-Bertrand,  à  Charles  de  Monluc  et  à  ses  compagnons 
d'armes.  Comme  je  ne  veux  pas  abuser  du  généreux  élan  de  mon  cher  con- 
frère et  ami,  je  ne  me  servirai  de  son  dossier  que  pour  énumérer  quelques-uns 
des  documents  qui  le  constituent  et  qui  trouveront,  un  Jour,  leur  place,  non 
défraîchis,  dans  un  fascicule  sur  les  Huguenots  on  Comminges  et  en  Couse- 
rans,  lequel  fera  le  pendant  du  fascicule  publié,  en  1884,  par  le  vaillant  érudit: 
Les  Huguenots  en  Bigorre.  Voici  les  documents  principaux  à  signaler  :  Préten- 
tions du  Chapitifi  de  Conienge  contre  le  baron  et  le  cicomte  do  LarOotuft  ci 
sur  la  corne  de  licorne  [conservée  dans  lo  trésor  de  la  cathédrale  de  Saint- 
Bertrand  et  sur  laquelle  on  peut  voir  une  note  des  Lettres  françaises  de  Josep/i 
Scaliger,  p.  227],  1587;  Lettre  du  roi  Henri  III  à  M,  de  Luscan  (Géraud  de 
Gémit,  sieur  de  Luscan],  du  11  avril  1589;  autre  pièce,  du  11  avril  1592,  où  figu- 
rent les  chanoines  et  consuls  de  Saint-Bertrand,  d'une  part,  et,  d'autre  pan, 
le  sieur  de  Luscan,  établi  commandant  dans  cette  ville  par  le  marquis  de  \'il- 
lars;  Re  nions  t  rat  ions  des  habitans  de  SnijU-Bertrand  à  trcs  illustre  et  puis- 
sant seigneur  Monseigneur  de  Darnpcille;  Enquête  sur  la  prise  de  Saint- 
Bertrand  en  1593  (pièce  remplie  de  curieux  détails);  Procisions  de  youccrncar 
de  Saint- Bertrand  fx)ur  le  sieur  do  Sarp  (signées  par  le  maréchal  de  Mati- 
gnon, le  27  août  1595),  etc. 


—  285  — 

j'espeore  que  Dieu  me  faira  la  graoe  luy  tesmogner  que  je  n'y  seray 
point  inutille,  ayant  le  oommandement  de  oeste  place  et  qu'estant 
voizin  de  l'Espagne  de  trois  lieues  seulement.  Je  seray  si  heureux  que 
d'y  faire  quelque  service  signalé,  comme  plus  particuillerement  je  luy 
feray  entendre  avant  peu  de  temps  en  ayant  déjà  myz  les  fers  au  feu. 
J'ay  receu  tant  de  faveurs  en  ce  qu'il  a  pieu  à  Vostre  Majesté  me  don- 
ner le  gouvernement  des  sénéchaussées  d'Agennois  et  Condommois, 
que  je  veux  aussi  me  promettre  qu'elle  ne  me  l'a  point  donné  pour 
m'en  hoster  l'authorité  ny  l'amoindrir.  Toutesfois  j'ay  esté  estonné 
comme  il  luy  a  plu  accorder  le  gouvernement  particuilher  des  villes  de 
Marmande  et  Villeneuve  aulx  sieurs  de  Castelnau  (1)  et  Foncaude  (2) 
sanz  qu'ilz  soyent  subjectz  à  recognoistre  la  charge  qu'il  luy  a  plu  me 
commettre  en  main.  Je  supplieray  très  humblement  Vostre  Majesté 
que  je  puisse  estre  esclaircy  de  ce  qui  est  de  sa  volonté  à  laquelle  je  me 
rangeray  toutesfois  sans  nulle  difficulté.  Ce  sont  villes  lesquelles  n*ont 
jamais  esté  distraictes  du  pouvoir  des  gouverneurs,  mes  devanciers. 
J'espère  bien  que  je  luy  rendray  tant  de  fidelles  services  qu'elle  ne  me 
voudra  traicter  en  autre  qualité.  Je  me  rezoudray  à  en  recepvoir  le 
commandement  tel  qu'il  luy  plairra  pour  me  monstrertousjoursobeys- 
sant.  Il  y  a  une  troisiesme  supplication  que  je  désire  que  Vostre  Ma- 
jesté aye  agréable  que  je  luy  fasse,  qu'est  qu'il  luy  plaise  de  recepvoir 
en  sa  bonne  grâce  Monsieur  le  Prince  de  Final  (3)  qui  demeure  au 
pays  de  Languedoque  (?)et  que  l'opinion  qu'on  luy  a  donnée  qu'il  estoit 
entièrement  confydent  du  Roy  d'Espagne  ne  soit  effacée  par  le  tesmoi- 
gnage  que  j'en  donne  à  Vostre  Majesté,  qu'est  que  je  luy  respons  sur 
la  fidellité  et  honneur  que  toute  ma  vye  je  luy  doibs  randre  qu'il  est. 
Sire,  vostre  très  humble  et  obeyssant  serviteur,  qu'il  n'a  jamais  trampé 
en  nulle  association  avecques  l'estranger  au  préjudice  de  vostre  service. 
Ce  sont  plustost  de  calomniateurs  que  véritables  ceulx  qui  luy  ont 
randu  ce  mauvais  office.  S'il  aVoit  cest  honneur  d'estre  cogneu  de 

(1)  Sur  François  de  La  Mothe,  baron  de  Castelnau,  voir  Notice  sur  la  oille 
de  Marmande^  1872,  p.  85-86. 

(2)  C'était  François  de  Monferrant,  yioomte  de  Foncaude,  seigneur  et  baron 
de  Cancon,  Casseneuil  et  en  partie  de  Gontaud.  Voir  une  lettre  de  ce  personnage 
à  Henri  IV,  datée  de  Villeneuve,  le  15  avril  1594,  dans  les  Documents  inédits 
relatifs  à  l'histoire  de  VAgenais  (1874,  p.  182-184>  J'emprunte  à  ce  recueil 
(p.  180)  cette  note  sur  Charles  de  Monluc  :  «  Voir  des  renseignements  sur  lui  et 
des  dociunents  de  lui  donnés  par  M.  Ad.  Magen  dans  sou  curieux  et  savant 
Mémoire  intitulé  :  La  oille  d'Agen  sous  le  sénéchalat  de  Pierre  de  Peyro- 
nenc,  scig/uur  de  Saint-Chamarand  (1865,  p.  16,  17,  18,  40,  41,  42,  etc.  du 
tirage  à  part.  » 

(3)  Alexandre  Carrett,  marquis  et  prince  de  Final. 


—  288  — 

Vobe  Mâjesié,  je  m'assuvr  qu'elle  jugeroit  que  son  humeur -el  sa  oon- 
dîtioa  n'est  pas  fort  propre  à  telz  effeotz. 

C'est  de  moa  debvoir,  Sire^  de  vous  nommer  particuilherement  les 
prindpfiux  gentilshommes  qui-  m'ont  assisté  en  ce  yoja^  de  Gomenge 
quy  sont  Messieurs  le  vicomte  de  Larboust,  le  baron  de  Pouyga- 
Ihard  (1),  Terride  (2),  Dubouro,  de  Larboust,  de  Montbartyé  (3),  de 
Lahite  (4),  Desplanate,  de  Gensaô,  Deselignac  (5)^  de  Reau  (6)  et  de 
Cousans,  lesquelz  touts  ont  tasché  d'y  amener  ce  qu'ils  ont  peu  de 
leurs  amys.  J'ay  donné  chai^ge  au  sieur  de  Moubrun,  qui  présentera  à 
Vostre  Majesté  ceste-cy 9  de  lui  faire  entendre  plus  particulhierement 
ung  affaire  myen  particuilher  auquel  j'ai  besoing  de  la  gratiffîcation  de 
Vostre  Majesté,  et  toutte  ma  vye  je  supplieray  le  Créateur,  Sire,  qu'en 
parfaite  santé  conservez  vostre  estât,  longue  et  heureuse  vye. 

D'ËstiUac,  ce  dernier  de  juillet  1594. 

Vostre  très  humble,  très  obeyssant  sujet  et  fydelle  serviteur, 

MONLUC  (7). 

XXIl 

Lettre  d'Adpien  de  Mordue  -Montesquiou  (8)  «  à  M.le  président  de 
Thouy  conseiller  du  Roi,  en  ses  Conseils  d' Estât  et  privé,  et  direc- 
teur de  ses  fînanees,  » 

Monsieur,  Une  de  mes  plus  douces  et  honorables  souvenances  est 
celle  qui  me  représente  l'honneur  que  jay  receu  de  vous  lorsqu'estant 

(1)  Gilles  de  Léaumont»  baron  de  Puygaillard,  cs^iiame  de  cinquante  hommes 
d'armes,  chevalier  des  Ordres,  Tice-amiral  de  Guyenne,  député  en  1614  aux 
Etats  de  Paris  par  la  noblesse  d'Armagnac. 

(2)  Jean  de  Lxmiagae,  vicomte  de  Tenride,  qui  épousa,  le  31  mars  1592, 
Catherine  de  Castaing,  dame  de  Bariugue,  auteur  des  seigneurs  de  Baringue. 
Voir  Abrégé  de  la  généalogie  des  oicomtes  de  Loniagne,  p.  35-36. 

(3)'  Corbeyran  d'Astorg^,  seigneur  de  Montbartier,  cousin  du  vicomte  de  Iat- 
bcust;  il  était  fils  de  Bernard  d'Astorg,  seigneur  de  Montbartier,  et  d'Isabeau 
d'Aure  de  Larboust. 

(4)  Bertrand  du  Cos,  seigneur  de  Lahite,  fils  aîné  de  Jacques  du  Ces,  seigneur 
de  Lahite,  lieutenant  général  au  marquisat  de  Saluées,  gentilbomoie  de  la 
Chambre,  chevalier  des  Ordres,  etc.  Bertrand  épousa,  le  15  août  1602,  Marie 
de  <^authé  (note  tirée  des  Archives  de  M.  le  comte  Odet  du  Cos  de  la  Hite  et  due, 
comme  les  précédmte^,  à  M.  l'abbé  de  Carsalade  Du  Pont). 

(5)  Gilles  de  Preissacv  baron  d'Ësclignae,  fils  d'Alexandre  de  Preissac.  Il  était 
cousin  de  Puygaillard,  car  sa  grand'mère  (branche  paternelle)  était  Catherine  do 
Léaumont. 

(6)  Biaise  de  Béam,  seigneur  de  Réaup,  frère  cadet  de  Joseph  de  BéArn, 
seigneur  du  Saumont.  Voir  la  Chronique  d'fsaac  de  Pérès  (1882,  p.  43). 

(7)  Bibliothèque  Nationale,  fonds  français,  n*  24  à  66.  Original. 

^)  Adrien  de  Monluc,  seigneur  de  MoutCNBqoiou,  comte  de  Carmain  [le  car- 


—  287  — 

par  delà,  je  lecherchois  des  occasions  de  vous  aller  offrir  mon  service. 
Maintenant  que  je  suis  esloigné  je  ne  puis  avoir  une  plus  agréable 
occupation  que  de  vous  en  continuer  les  veus,  comme  je  fais,  Mon- 
sieur, avec  mes  supplications  très  humbles  de  les  recevoir  par  cest 
honeste  homme  et  de  lui  faire  la  faveur  qu'il  puisse  vous  dire  le  sujet 
de  son  voiage  où  le  Roy  a  interest,  le  peis  de  Fois  (1)  et  moy  fort  par- 
ticulièrement, sur  quoy  j'implore  vostre  faveur  et  justice,  vous  supliant 
me  pennetre  que  je  me  die  tousjours, 

Monsieur, 

Vostre  très  humble  serviteur, 

MONLUC  (2). 

Ce  5  de  juin  1613,  à  Montesquiou. 

ph.  tamizey  de  LARROQUE. 

{L'Appendice  prochainement.) 


dinal  de  Retz  ^t  plusieurs  autres  contemporains  l'appellent  Cramait],  prince  de 
Chabanois,  etc.,  était  fils  de  Fabien  de  Monluc.  H  avait  épousé  (22  septembre 
1592)  Jeanne  de  Foix,  fille  unique  d'Odet  de  Foix,  comte  de  Carmain,  et  de 
Jeanne  d'Orbessan.  11  mourut  à  Paris,  le  22  janvier  1646^  âgé  de  78  ans.  La  bio- 
graphie d'Adrien  de  Monluc,  triplement  intéressante  au  point  de  vue  militaire, 
politique  et  littéraire,  est  encore  à  écrire.  Feu  Edouard  Foumier  n'a  fait  qu'ef- 
fleurer ce  sujet  dans  une  notice  que  j'avais  jadis  eu  l'intention  de  compléter. 
Malmené  par  le  cardinal  de  Kicbelieu  dans  un  mémoire  spécial  rédigé  de  la 
propre  main  de  ce  grand  homme  (23  octobre  16.35;  recueil  Avenel,  tome  v,  p.  330- 
336),  Adrien  de  Monluc  se  relève  au  milieu  des  reconnaissants  hommages  que 
lui  rendent  Goudouli>  François  de  Maynard  et  plusieurs  autres  célèbres  écri- 
vains qu'il  protégea  i)t  qu'il  aima.  Mézeray,  qui  a  si  bien  parlé  du  maréchal  de 
Monluc,  n'a  pas  moins  bien  parlé  d'Adrien  (tome  m,  p.  168)  :  «  De  ce  dernier 
[Fabien]  et  de  l'hentière  de  Montesquiou,  il  resta  deux  entans,  dont  l'un  a  esié 
cet  illustre  comte  de  Carmain,  que  nous  avons  veu  advantagé  de  tant  de  rares 
qualitez  et  d'héroïques  vertus,  que  sans  Tenvie  qui  n'en  a  pu  souffrir  l'éclat,  et 
sans  le  cours  du  temps,  auquel  son  courage  trop  généreux  n'a  jamais  voulu  se 
laisser  emporter,  il  eust  surpassé  la  réputation  de  son  ayeul,  et  n'eust  pas  esté 
moins  en  estime  à  la  postérité  qu'il  l'a  esté  de  son  vivant  parmy  tous  les  gens 
d'honneur  ».  Scipion  Dupleix  avait  déjà  dit  d'Adrien  de  Monluo  {JiMoire  de 
France,  tome  i,  p.  547)  :  «  Un  des  plus  accomplis  seigneurs  de  France,  n'y 
ayant  rien  à  désirer  si  ce  n'est  que  la  fortune  n'eut  point  été  envieuse  de  sou 
mérite». 

(1)  Adrien  de  Monluc  fut  sénéchal  et  gouverneur  pour  le  Roi  au  pays  de  Foix. 
.Voir  à  l'Appendice  (n*  iv)  un  document  du  18  août  1618,  intitulé  :  Arrest  du 
Conseil  d' Estât  de  Naoarro  d'entre  M,  le  comte  de  Carmain  et  les  habitants 
de  la  oallée  d'Andorre, 

(2)  Bibliothèque  Nationale^  coUection  Dupuy,  registre  802,  f*  229.  Original. 


BIBLIOGRAPHIE  HISTORIQUE. 


I 

François  Bosquet,  intendant  de  Guyenne  et  de  Languedoc,  évéqne  de 
Lodève  et  de  Montpellier.  £tude  sur  une  administration  civile  et  ecclé- 
siastique au  xvii*  siècle,  par  M.  Tabbé  Henry,  docteur  en  théologie, 
aumônier  du  lycée.  Paris,  Ern.  Thorin,  1889.  1  vol.  gr.  in-8'  de  xvi- 
788  pp.,  avec  un  portrait.  Prix  :  7  fr.  50  c. 

François  Bosquet,  justement  qualifié  par  la  Biographie  unioerselle 
«  l'un  des  plus  savants  et  des  plus  illustres  prélats  de  l'Eglise  de 
France  dans  le  xvii«  siècle  »,  naquit  à  Narbonne  en  1605,  d'une  vieille 
famille  de  notaires,  fit  ses  premières  études  au  collège  des  Jésuites  de 
Béziers  et  au  collège  de  Foix  de  Toulouse  (où  il  n'eut  pas,  quoi  qu'on 
en  ait  dit,  Pierre  de  Marca  pour  condisciple)  et  fit  ensuite  son  droit  à 
l'Université  de  la  même  ville.  11  se  conformait  ainsi  aux  intentions  de 
sa  famille,  qui  le  destinait  à  la  magistrature;  mais  il  suivait  son  attrait 
particulier  en  fécondant  les  études  juridiques  par  ^histoire  et  en  se 
livrant  à  de  fortes  recherches  d'érudition. 

A  l'âge  de  vingt-sept  ans,  il  se  rendît  à  Paris  pour  préparer  la  publi- 
bation  de  son  Psellus,  traduit  du  grec  en  latin,  et  de  son  premier  tome 
(seul  paru)  Ecelesiœ  gallicanœ  historiarum.  Henri  de  Mesmes, 
—  dont  Weiss  fait  «  son  ami  d'enfance  »,  tandis  que  le  nouvel  histo- 
rien attribue  cette  liaison  à  une  recommandation  de  Man^,  —  le  mit 
dès  lors  en  rapport  avec  Peiresc  et  avec  le  chancelier  Séguier.  Ce  der- 
nier le  nomma  procureur  général  du  parlement  de  Rouen,  interdit  à 
l'occasion  de  troubles  provinciaux.  Grâce  au  même  protecteur,  il 
devint  intendant  de  Guyenne  en  1641  et  de  Languedoc  en  1642.  Il 
quitta  ces  fonctions,  qui  lui  avaient  donné  bien  des  occasions  de  mon- 
trer ses  qualités  de  gouvernement  et  ses  vertus  sérieuses,  pour  se  faire 
d'église.  Il  avait  déjà,  mais  sans  succès,  essayé  de  succéder  en  1643 
à  Henri  de  Sponde,  évêque  de  Pamiers;  il  eut,  en  1650,  Tévêché  de 
Lodève,  que  lui  résigna  son  ami  Plantavit  de  la  Pause,  le  célèbre 
hébraïsant;  il  passa,  sept  ans  après,  à  celui  de  Montpellier,  qu'il  admi- 


—  289  — 

nistra  d'une  manière  également  édifiante  et  habile  jusqu'à  sa  mort, 
arrivée  le  24  juin  1676. 

Cette  existence  si  bien  remplie  méritait  d'être  racontée  plus  au  long 
qu'elle  ne  Tesl  dans  les  notices  de  nos  divers  dictionnaires  historiques 
et  dans  une  Vie  inédite^  écrite  par  un  contemporain  anonyme  et  publiée 
en  1851  par  feu  M.  Germain^  le  savant  doyen  de  la  faculté  des  lettres 
de  Montpellier.  La  partie  ecclésiastique  seulement  de  la  vie  de  Bosquet 
fut  exposée  dès  1884  par  M.  Henry,  aumônier  du  lycée  de  Montpellier, 
dans  une  thèse  de  doctorat  en  théologie.  Sur  les  conseils  de  M.  Ger- 
main, le  laborieux  ecclésiastique  a  étendu  depuis  ses  recherches  à  l'en- 
semble de  cette  grande  carrière;  et  son  récent  ouvrage  constitue  une 
étude  très  fouillée  d'histoire  ecclésiastique  et  politique,  en  môme 
temps  qu'un  volume  d'une  magnifique  exécution  matérielle.  Mais  je 
ne  dois  toucher  que  les  points  de  son  travail  qui  intéressent  directe- 
ment la  Gascogne. 

Et  d'abord  le  chapitre  sur  «  Bosquet  intendant  de  Guyenne  *,  non 
pas  à  Bordeaux,  mais  à  Montauban.  On  sait  que  cette  intendance,  créée 
par  Richelieu  en  1626,  comprenait  alors  l'élection  d'Auch.  L'incident 
le  plus  curieux  du  court  gouvernement  de  Bosquet,  ce  fut  la  révolte 
des  Montalbanais,  exaspérés  par  l'aggravation  des  impôts.  La  maison 
de  l'intendant  fut  pillée,  et  lui-même  dut  se  sauver  par  la  fuite  sous 
un  déguisement.  Après  quelque  temps  passé  à  Toulouse,  on  lui  assi- 
gna la  ville  d'Auch  pour  résidence.  C'est  d'Auch  qu'il  écrit  (p.  93),  le 
20  octobre  1641,  au  chancelier  Séguier,  pour  lui  annoncer  qu'il  attend 
les  députés  de  Montauban,  chargés  de  lui  porter  les  soumissions  de  la 
ville  révoltée.  Nous  n'avons  le  détail  ni  de  cette  entrevue,  ni  du  retour 
de  Bosquet  à  Montauban,  d'où  il  ne  tarda  pas  à  partir  pour  son  nou- 
veau gouvernement  du  Languedoc. 

Il  suffit  ici  de  signaler  les  cinq  chapitres  (v-x)  sur  «  Bosquet  inten- 
dant du  Languedoc  »,  comme  une  histoire  attachante  de  l'administra- 
tion de  ce  grand  pays  d'Etats  pendant  cinq  années  très  remplies,  aune 
époque  où  l'action  des  intendants  prenait  une  importance  toute  nou- 
velle. La  Gascogne  est  à  peu  près  étrangère  à  cette  histoire.  La  carrière 
épiscopale  de  Bosquet  nous  touche  davantage,  par  ses  rapports  avec 
quelques-uns  de  nos  hommes  d'église  et  surtout  avec  Marca,  son  ami 
très  dévoué.  L'affaire  du  jansénisme  fut  un  instant  sur  le  point  de  les 
diviser*  L'évëque  de  Lodève,  en  mission  à  Rome  au  sujet  de  la  dénon^ 
ciation  des  cinq  propositions  de  Jansénius,  ne  fut  pas  aussi  énergique 
contre  le  parti  soutenu  surtout  par  Henri  de  Gondrin,  archevêque  de 
Sens,  que  l'aurait  voulu  Marca,  le  vrai  chef  à  ce  moment  des  prélats 


—  ^0  — 

anli-jansénistes.  Mais  presque  aussitôt,  Bosquet  rendit  le  plus  insigne 
service  à  Tévêque  de  Couserans,  en  lui  faisant  enfin  expédier,  après  de 
longs  retards,  ses  bulles  pour  Tarchevèché  de  Toulouse.  Il  faut  voir 
dans  le  livre  raème  de  M.  l'abbé  Henry  le  détail  de  cette  affaire  et  l'apo- 
logie de  Marca,  qu'il  a  cru  nécessaire  d'entreprendre  à  ce  propos  et  de 
développer  avec  complaisance. 

Les  digressions  de  ce  genre,  instructives  et  utiles  en  elles-mêmes, 
mais  bien  nombreuses  et  parfois  bien  diffuses,  sont,  je  crois,  avec  quel- 
ques inexactitudes  de  langage  ou  d'information  (1),  le  défaut  d'un  livre 
plein  de  documents  neufs  et  d'ailleurs  écrit  avec  un  soin  très  louable  et 
une  élégance  continue.  11  est  vrai  que  cette  élégance  a  parfois  un  carac- 
tère plus  oratoire  qu'historique.  Plus  de  rapidité  dans  le  récit,  plus  de 
sévérité  dans  le  plan,  auraient  diminué  le  volume  de  moitié  sans  perte 
sérieuse.  En  revanche,  l'auteur  aurait  pu  alors  ajouter  à  l'étude  de 
l'administrateur  celle  de  l'écrivain.  Les  ouvrages  de  Bosquet  ne  parais- 
sent guère  que  dans  de  simples  appendices  très  incomplets  et  qui  sont 
loin  de  faire  connaître  son  mérite.  Et  pourtant  Bosquet,  pour  ne  parler 
que  de  son  livre  sur  les  origines  des  ^lises  de  France,  est  un  des  ini- 
tiateurs de  la  critique  sur  cette  grave  question;  on  ne  s'en  douterait  guère 
en  lisant  le  jugement  vague  et  embarrassé  de  son  nouveau  biographe 
sur  ce  livre  important.  Les  appendices  seraient  avantageusement  rem- 
placés par  un  travail  spécial  d'érudition  sur  les  œuvres  littéraires 
de  Bosquet,  travail  qui  n'offrirait  guère  moins  d'intérêt,  en  son  genre, 
que  r  «  étude  sur  une  administration  civile  et  ecclésiastique  au  xvn" 
siècle  »  entreprise  et,  en  somme,  heureusement  exécutée  par  M.  l'abbé 
Henry. 


(1)  Voici  quelques  exemples,  choisis  surtout  dans  les  faits  qui  touchent  à 
notre  province.  Marmiesse,  qui  devait  être  évêque  de  Couserans,  est  dAsigué 
souvent  comme  un  «  abbé  toulousain  »  ;  il  était  chanoine  et  non  abbé  :  l'emploi 
de  cette  dernière  expression  dans  un  sens  impropre  est  un  vrai  anachronisme. 
—  Les  travaux  de  Jean  de  Sponde  sur  Homère  et  sur  Hésiode  sont  dits  quelque 
part  «  remarquables  ».  Hélas  I  ils  ne  méritent  d'autre  éloge  que  celui  de  «  pré- 
coces ».  —  La  note  sur  Tabbé  de  Fagel  (p.  409)  est  assurthnent  trop  sévère  et 
non  sans  erreurs  ;  ainsi  le  Traité  de  l'Eucharistie,  publié  par  lui  parmi  les  opus- 
cules de  Marca,  n'est  pas  protestant,  quoiqu'il  ait  alarmé  à  tort  ou  à  raison  Tortho- 
doxie  de  la  Sorbonne.  —  Je  me  demande  encore  où  M.  Henry  et  d'auU-es  avant 
lui  ont  trouvé  que  le  livre  de  la  Fréquente  communion  d'Arnauld  a  été  mis  à 
l'index  par  Alexandre  VHI  en  1690.  11  suflQt  de  consulter  Vlndox  lui-même  pour 
s'assurer  qu'U  n'y  est  pas. 


—  291  — 


II 

Sainte  Bazeille,  vierge  et  martyre.  Sa  légende  suivie  d'un  commen- 
taire, par  le  R.  P.  Carles,  chanoine  et  mission,  du  Calvaire.  (Extrait 
de  la  Semaine  catholique  d'Agen.)  Agen,  impr.  veuûe  Lamy,  1^89. 
19  pp.  gr.  in-8'. 

«  J'ai  été  étonné  de  ne  trouver  sainte  Bazeille  (Basilia)  dans  aucun 
martyrologe,  dans  aucun  recueil  hagiographique;  les  auteurs  n'en  par- 
lent pas,  les  catalogues  des  saints  les  plus  complets  ne  la  nomment 
pas.  Je  suis  allé  à  Sainte-Bazeille  consulter  la  tradition  populaire  sur 
la  sainte;  j'ai  visité  son  église  et  sa  chapelle  de  Neuflfons;  j'ai  regardé 
attentivement  sa  vieille  statue,  portant  une  couronne  sur  la  tête,  une 
palme  à  la  main  et  une  hache  à  ses  pieds.  Là  seulement  elle  est  connue 
et  vénérée.  Cette  étoile  perdue  dans  les  profondeurs  du  ciel  m'a  attiré 
et  charmé.  C'est  une  perle  cachée  qu'il  faut  remettre  dans  son  écrin, 
dans  le  Propre  du  diocèse,  à  côté  de  sainte  Foi,  de  saint  Caprais  et  des 
martyrs  agenai;...  » 

Ces  mots  du  P.  Caries  montrent  bien  le  but  de  son  modeste  mais 
consciencieux  travail  hagiographique.  Il  donne  d'abord,  en  trois  pages, 
la  légende  qu'il  a  rédigée  d'après  celles  de  sainte  Quitterie  et  de  ses 
diverses  sœurs,  d'après  la  leçon  que  le  Bréviaire  de  Bazas  de  1530  avait 
consacrée  spécialement  à  sainte  Bazeille,  enfin  d'après  la  tradition 
locale,  conservée  surtout  dans  un  cantique  de  1710,  qui  se  chantait 
en  patois  et  en  français  (1).  Voici  les  dernières  lignes  de  cette  pieuse 
notice: 

€  Le  peuple  chrétien  n'a  pas  oublié  sa  sainte  protectrice;  il  vient 
assidûment  prier  à  sa  chapelle  de  NeuflEons,  il  boit  pieusement  l'eau  de 
sa  fontaine,  et,  tous  les  ans,  après  les  vendanges,  il  célèbre  sa  fête  avec 
des  démonstrations  d'une  grande  joie.  Sainte  Bazeille  est  invoquée 
spécialement  contre  la  mort  subite  et  on  lui  recommande  les  agoni- 
sants ;  les  femmes  enceintes  réclament  son  secours  pour  obtenir  une 
heureuse  délivrance  et  surtout  le  baptême  de  leurs  enfants.  » 


(1)  Ce  cantique  «  fut  composé  par  un  prêtre,  natif  de  Sainte-Bazeille,  Pierre 
Rifibnd,  qui  était  curé  d'Auriolles,  près  de  Pellegrue.  »  Le  P.  Caries  n'en  cite 
que  le  couplet  suivant,  sur  une  particularité  miraculeuse  du  martyre  de  la 

sainte: 

De  cette  tète,  pour  tout  dire, 
Dtt  sang  et  du  lait  ont  ooal6; 
L'on  est  la  marque  du  martyre, 
L'autre  Test  de  la  chasteté. 


—  292  — 

Le  laborieux  hagiographe  ajoute  à  la  vie  de  la  sainte  un  Commen- 
taire, qui  sera  lu  avec  profit  même  par  ceux  qui  ne  croiront  pas  devoir 
en  accepter  les  conclusions.  Il  y  traite  1°  de  Tidentité  de  sainte  Bazeille 
(c'est  une  des  sœurs  de  sainte  Quitterie,  fille  de  Catellius  et  de  Calsia); 
2^  du  lieu  de  sa  naissance  (Belcagie,  ville  de  Galice);  3^  du  temps 
où  elle  a  vécu  (le  second  siècle)  ;  4®  du  fait  des  neuf  filles  jumelles 
de  Catellius  (ce  fait  paraît  probable  à  l'auteur,  vu  les  autorités  qui 
l'appuient  et  sa  popularité)  ;  5°  du  lieu  et  des  circonstances  du  martyre 
(le  P.  Caries  admet  en  son  entier  la  tradition  locale).  Il  prouve  ensuite 
fort  bien  la  légitimité  canonique  du  culte  rendu  à  sainte  Bazeille  dans 
la  ville  qui  a  pris  son  nom,  et  termine  en  donnant  des  renseignements 
curieux  et  utiles  sur  les  vierges  martyres  regardées  comme  ses 
sœurs. 

J'ai  à  peine  besoin  de  dire  que  plusieurs  des  conclusions  de  l'auteur 
ne  seraient  pas  les  miennes^  parce  que  je  ne  fais  pas  tout  à  fait  la  même 
estime  que  lui,  soit  des  sources  écrites  de  cette  légende,  déjà  suspectes 
en  tant  qu'espagnoles,  soit  de  la  mémoire  populaire,  toujours  sujette 
à  brouiller  les  faits  et  à  mêler  des  fables  à  l'histoire.  Mais  plus  le  P. 
Caries  respecte  les  traditions,  plus  il  met  de  soin  à  les  recueillir;  et 
par  là  ses  travaux  sont  du  plus  grand  intérêt,  soit  pour  l'histoire  hagio- 
graphique, soit  pour  la  littérature  populaire. 


Les  lecteurs  de  la  Reçue  de  Gascogne  sont  priés  de  considérer  comme 
non  avenue  la  note  (1)  placée  à  la  fin  de  la  dernière  page  (244)  de  notre 
précédente  livraison.  Je  ne  l'aurais  pas  écrite  si  j'avais  eu  soin  de  me 
remettre  sous  les  yeux  le  texte  de  V Annuaire  du  Gers  pour  1888,  dont  il 
s'agissait,  et  que  probablement  M.  Gaubin  n'a  pas  consulté  directement.  Il 
déclare  (La  sainte  chapelle,  p.  32,  note)  «  clair  pour  lui  »  que  le  texte  de 
M.  Parfouru  «  a  trait  à  l'église  de  Goueyte  on  Rivière-Basse  »,  et  non  à 
Goueyte-Averon.  En  réalité,  M.  Parfouru  a  parlé  séparément  des  deux 
églises  en  termes  très  clairs;  aucune  confusion  n'était  possible  et  M.  Breuils 
n'en  a  fait  aucune. 

L.  G. 


j 


GENTILSHOMMES  LANDAIS 

DU  DIX-HUITIÈME  SIÈCLE. 


Monteil  raconte  assez  plaisamment  qu'un  jour,  étant  allé 
rendre  visite  à  un  de  ses  cousins,  il  trouva  chez  lui  un  gen- 
tilhomme du  Médoc,  «  ou  »,  corrige-t-il,  «  si  vous  voulez, 
un  homme  du  Médoc,  car  surtout  lorsqu'il  s'agit  de  nobles- 
se, il  ne  faut  pas  croire  les  Gascons  sur  parole  »  (1).  Et  il 
parait  que  ce  n'est  pas  là  une  simple  boutade,  comme  on 
pourrait  le  croire,  puisque  M.  le  baron  de  Cauna  lui-même 
dit  qu'il  entreprit  ses  recherches  avec  le  désir  de  détruire  le 
préjugé  suivant  lequel  il  n'y  avait  pas  de  noblesse  dans  les 
Landes  (2).  Quoi  qu'il  en  soit,  une  telle  idée,  si  tant  est 
qu^elle  ait  jamais  été  sérieusement  soutenable,  ne  le  serait 
plus  aujourd'hui  après  les  savants  travaux  qui  ont  non  seu- 
lement prouvé  l'existence  de  la  noblesse  landaise,  mais  encore 
élucidé  les  questions  d'origine  et  de  généalogie  qui  la  con- 
cernent. Pour  nous,  nous  laisserons  complètement  de  côté 
ces  questions  et  nous  accepterons  la  noblesse  dont  nous 
allons  nous  occuper  comme  l'acceptaient  elles-mêmes  les 
populations  landaises  du  temps,  ce  qui  ne  veut  pas  dire  aveu- 
glément. Ainsi,  au  début  du  dix-huitième  siècle,  la  plupart 
des  noms  landais  sont  accompagnés  de  la  préposition  de.  On 
sait  quelle  est  la  signification  de  ce  de  et  qu'il  n'a  jamais 
prouvé  la  noblesse.  Par  ailleurs,  toute  une  catégorie  de  per- 
sonnages sont  qualiûés  de  seigneurs  ou  sieurs  de  quelque 

(1)  Hist.  des  Français  des  dioers  états,  Paris,  1846-47,  in-8*,  II,  363. 
(2>  Armoriai  des  Landes  et  partie  du  Béarn.  Bordeaux  et  Paris^  1869,  III, 
^.  prélace. 

Tome  XXX.  —  Juillet-Août  1889.  20 


—  294  — 

endroit  sans  que  pour  cela  ils  appartiennent  à  la  noblesse. 
Ce  sont  des  acquéreurs  de  terres  nobles,  bourgeois  parfaite- 
ment honorables,  parfaitement  considérés,  et  à  très  juste 
titre,  nous  voulons  le  croire,  bourgeois  enfin  fort  riches  et 
souvent  même  beaucoup  plus  riches  que  leurs  voisins  les 
gentilshommes,  mais  bourgeois  purement  et  simplement. 
Qu'était-ce,  par  exemple,  que  les  Darricau,  «  seigneurs 
de  la  commanderie  de  Saint-Antoine  des  traverses?  »  Une 
famille  de  maîtres  de  postes,  dont  un  représentant  s'élève  jus- 
qu'au notariat.  Les  Duboscq,  de  Sabres,  «  seigneurs  du 
Plaisir  ?»  De  riches  propriétaires  fonciers,  ni  plus,  ni  moins. 
Les  Dentomas,  au  Vignac  et  à  Saint-Julien,  «  seigneurs  d'Ar- 
mentieu,  »  sont  juges,  notaires  contrôleurs  d'actes.  Les 
Tassard,  à  la  Teste,  «  seigneurs  de  Larmade  ou  de  La 
Ruade  » ,  sont  procureurs  postulants,  «  commissaires  ordi- 
naires aux  classes  de  la  marine  au  département  de  La  Teste 
de  Buch  et  receveurs  des  droits  sur  les  huiles  et  savons.  » 
Pêlre,  à  Mézos,  «  seigneur  de  Sourgens  (1),  »  est  un  négo- 
ciant qui  avoue  sa  roture  dans  un  acte  de  1761(2).  Les  Bon- 
nan,  pareillement  à  Mézos,  «  seigneurs  du  Vigneau,  »  sont 
originaires  de  Morcenx,  où  les  leurs  étaient  cabaretiers  et 
tailleurs  d'habits  (3).  Les  Texoëres,  de  Mimizan  ou  Aureîl- 
han,  sont  notaires  héréditaires,  juges,  procureurs,  officiers  de 
la  grande  louveterie,  ce  qui  ne  les  empêche  pas,  non  plus 
que  leur  titre  de  «  seigneurs  de  Camengé  »,  de  payer  la  taille. 
L'un  des  Saint-Martin,  de  Mimizan,  se  rapprocherait  davan- 
tage de  la  noblesse,  non  pas  par  son  litre  de  «  seigneur  de 
Format,  »  mais  bien  en  raison  de  sa  qualité  d'ancien  officier 
au  régiment  de  Bourbonnais.  Pareillement,  un  certain 
Magnes,  de  Mézos,  allié  aux  Pêtre,  qui  se  dit  «  ancien  garde  du 

(1)  Toute  la  seigneurie  de  Sourgens,  dont  Pêtre  était  seigneur,  venait  du 
marquis  de  Pontons  (Papiers  de  la  famille  Luxev.  Acte  du  30  Janvier 
1779.) 

(2)  Ibid.,  acte  du  19  novembre  1761. 

(3)  Ibid.,  actes  de  1766  et  1788. 


—  295  — 

corps  (1)»  et  qui  n'était,  comme  Saint-Martin,  rien  que  bour- 
geois. La  nuance  élait  souvent  délicate  à  saisir  entre  le  vrai 
genlilhomme  et  Facquéreur  de  terre  noble.  Aussi,  ancienne- 
ment, s'était-il  déjà  établi  une  confusion  entre  eux.  Rappelons 
simplement  Tédit  de  Blois  de  1579,  qui  dut  intervenir  pour 
régler  la  situation.  Pourtant,  quand  un  titre  était  attaché  à 
la  terre  ainsi  acquise,  la  distinction  sautait  aux  yeux.  Le 
roturier  acquéreur  n'avait  pas  le  droit,  par  exemple,  de  se 
dire  :  «  marquis  de...  »,  mais  bien  :  «  seigneur  du  marqui- 
sat de...  »,  ce  qui  est  bien  diffèrent.  C'est  ainsi  que  nous 
voyons  les  Darricau  s'intituler  «  seigneurs  de  la  commande- 
vie  de  Saint-Antoine,  »  et  non  «  seigneurs  commandeurs.  » 
De  même,  «  sieur  Pierre  Baleste  »  est  appelé  «  seigneur  de  la 
baromne  dandemos  (2)  » ,  et  non  «  baron  dandemos.  »  Pareil- 
lement, «  le  président  Lavie  »  est  dit  «  seigneur  du  fief  et 
justice  du  comté  de  Belhade  (3)  » ,  et  non  pas  «  comte  de 
BeUwde.  » 

Nous  éliminerons  donc,  aQn  de  rester  fidèle  à  notre  titre, 
d'une  part,  tous  les  individus  dont  le  nom,  accompagné  du 
de,  ne  peut  se  recommander  d'autre  chose,  d'autre  part,  tous 
ces  seigneurs  pseudo-nobles,  et  les  remettrons  les  uns  et  les 
autres,  en  leur  vraie  place  :  ceux-ci  avec  la  bourgeoisie, 
ceux-là  avec  le  peuple. 

A  ces  quelques  remarques  se  borneront  nos  recherches  sur 
l'authenticité  de  la  noblesse  dont  nous  allons  étudier  les 
faits  et  gestes.  Ici,  comme  ailleurs,  ce  que  nous  nous  propo- 
sons de  montrer,  c'est  la  vie  de  chaque  jour  dans  ses  mani- 
festations diverses.  Dans  l'enquêle  que  nous  avons  entreprise 
sur  les  hommes  et  les  choses  des  Landes  au  dix-  huitième 


(1)  Les  quatre  compagnies  des  gardes  du  corps  étaient  accessibles  à  la  bour- 
geoisie. Les  gardes  du  corps  pouvaient  prendre  le  titre  d'écuyer  et,  en  con- 
séquence, être  exempts  de  taille  et  d'imixM^,  sauf  de  la  capitition  que  tout  le 
monde  payait,  même  les  nobles.  (Nos  pères,  parle  marquis  denelleval,  p.  200.) 

(2)  Arch.  not.  Acte  du  31  décembre  1733. 

(3)  Ibid.      Acte  du  10  juin  1780. 


—  296  — 

siècle,  les  nobles  se  sont  présentés  à  nous  comme  les  arti- 
sans, les  curés,  les  laboureurs,  les  maîtres  d'école,  les  bour- 
geois, etc.  En  nous  occupant  d'eux  aujourd'hui,  c'est  une 
simple  page  de  plus  que  nous  ajoutons  à  celles  que  nous 
avons  publiées  déjà.  D'autres  pages  viendront  à  leur  heure, 
jusqu'à  ce  que  nous  ayons  un  ensemble,  un  tout,  qui  sera, 
nous  l'espérons,  le  fidèle  tableau  d'un  pays  et  d'une  époque. 


I 

S'il  fallait  en  juger  par  les  mottes  féodales  qui  sont  par- 
venues jusqu'à  nous,  les  châteaux-forts,  les  donjons  eussent 
été  anciennement  nombreux  dans  lacontrée»  M.  l'abbé  Départ 
en  compte  une  dizaine  autour  de  l'étang  d'Aureilhan  (1). 
D'autres  traces  de  châteaux  anciens  subsistent  ailleurs  encore. 
A  Bias,  les  dénominations  de  terres  comprenaient  en  1618, 
un  lieu  dit  «  au  castet  (2).  »  En  4725,  on  parle  d'une  mai- 
son seigneuriale  qui,  de  même  que  l'église,  était  fort  maltrai- 
tée par  les  sables  et  les  eaux  (5).  Les  uns  et  les  autres  ont 
tout  envahi  et  de  nos  jours,  sur  le  terrain  comme  au  cadastre, 
il  ne  reste  rien  du  nom  ni  de  la  chose.  A  Aureilhan,  au  lieu 
dit  «  Castelnau  »,  se  voit  encore  une  motte  féodale  bien  con- 
servée. A  Pontenx,  le  cadastre  fournit  l'indication  du  lieu  dit 
«  au  prat  dou  castet  » .  Le  terrier  du  lieu,  en  1667,  offre  le 
bois  dit  «  du  château-neuf  »  (4),  et  le  ruisseau  dit  également 
€  du  château-neuf  »  (5).  C'est,  en  effet,  vers  1631  que  les 
seigneurs,  ayant  usurpéle  presbytère,  construisirent  à  la  place 
un  château  (6).  Mais  quel  est  l'ancien  «  manoir  féodal  »  signalé 

(1)  MimUan.  Notice  historique,  (Bulletin  de  la  Société  de  Borda*) 

(2)  Terrier  de  Bias,  f  31. 

(3)  Pièce  annexée  au  registre  des  comptes  de  la  fabrique  de  l'église  de  Mimi- 
2an. 

(4)  F"  3,  V. 

(5)  P  28,  V. 

(6)  Arch.  de  l'archey.  de  Bordeaux:;  Visite  de  Pontenx,  1731. 


—  297  — 

par  Bourdeao  (1)  en  1861,  à  Saint-Paul,  «  possédé  avant  la 
Révolution  par  les  seigneurs  dont  la  descendance  continue 
encore  et  n'a  pas  cessé  d'en  être  propriétaire  »?  De  toutes 
ces  constructions  antiques  le  seul  souvenir  peut-être  qui  nous 
reste  nous  est  fourni  par  Thore  qui,  en  1810,  signalait  les 
débris  d'un  vieux  château  au  lue  de  houns,  dans  Aureilhan. 
Est-ce  de  ces  mêmes  débris  que  le  baron  d'Haussez,  en  1826, 
entend  parler  quand  il  dit:  «...  Souvent,  il  (le  laboureur) 
aide  le  pêcheur  à  dégager  les  filets  arrêtés  par  les  créneaux  (2) 
d'un  vieux  château-fort  qui  dominait  le  pays  où  se  trouve 
maintenant  le  lac  d'Aureilhan  (3).  » 

A  côté  de  ces  demeures  fortifiées,  les  châteaux  des  gentils- 
hommes landais  du  dix-huitième  siècle  auraient  sans  doute 
peu  brillé.  C'étaient  apparemment  de  simples  maisons  nobles 
qui  n'avaient  du  château  que  le  nom,  très  différentes  pourtant 
des  maisons  des  paysans,  car  celles-ci  étaient  demeurées 
anciennes,  primitives,  de  forme  et  de  disposition.  La  maison 
noble  de  Maure,  à  Morcenx,  qu'habite,  en  1761,  M"*  de  Cau- 
pène  d'Amou,  a  sept  pièces  petites  et  grandes,  y  compris  la 
cuisine,  au  rez-de-chaussée.  Il  n'y  a  pas  de  premier  étage,  ce 
qui  est  bien  landais,  mais  un  simple  grenier  où  se  trouve 
une  chambre  de  domestique.  Le  mobilier  n'a  rien  de  luxueux, 
quoique  les  meubles  présentent  une  certaine  recherche  par 
Tessence  des  bois  employés.  Pour  le  vulgaire,  en  effet,  les 
meublcs^élaient  presque  invariablement  en  bois  de  pin.  Ici, 
au  contraire,  on  trouve  peu  de  pin,  mais  du  chêne,  de  Tor- 


(1)  Manuel  de  géographie  historique  anciervie.  Gascogne  et  Béarn.  Paris, 
1861,pp.  208,  299. 

(2;  Ce  ne  sont  pas  les  créneaux,  mais  bien  les  merlons  qui,  en  tout  cas,  eus- 
sent pu  arrêter  les  filets.  C'est  là  un  exemple  de  la  confusion  qui  s'établit  entre  ces 
deux  termes  dans  Tesprit  de  bon  nombre  de  personnes  et  contre  laquelle  proteste 
avec  raison  M.  lAon  Gautier  (La  Chcoalerie^  p.  476).  Cette  confusion,  d'ail- 
leurs, de  la  part  de  gens  peu  versés  dans  la  science  archéologique,  n'a  rien  qui 
doive  surprendre  quand  on  voit  M.  de  Caumont  lui-même,  un  des  maîtres  de 
cette  science,  dire  dans  un  ouvrage  destiné  aux  maisons  d'éducation  que  «  les 
créncatujc  sont  percés  de  meurtrières».  (Abécédaire  d'archéologie  Z*  éd.,  p.  563). 

(3)  Etudes  administratioes  sur  les  Landes,  p.  65. 


—  298  — 

meau,  du  noyer,  du  vergne,  du  cerisier,  du  «  bois  de  bor- 
dene  »  (?).  Les  sièges  consistent  en  vingt  chaises,  sept  fau- 
teuils uniformément  paillés,  ainsi  du  reste  que  le  «  sofaa 
garny  d'une  tapisserie  »  et  le  «  canapé  garny  d'un  petit  mate- 
las, une  couette,  un  traversié,  sans  rideaux  »  {sic).  A  la  cui- 
sine, deux  bancs.  Ça  et  là,   c  deux  buffets,  une  comode  à 
quatre  tiroirs,  sept  cabinets,  un  vessailié  »;  une  dizaine  de 
lits,  dont  «  deux  jumeaux  a  Tenge,  un  a  tombeau,  cinq  cou- 
chettes »  et  des  «  châlits.  »  Chacun  d'eux  est  muni  de 
«matelas,  couettes,  courtepointes,  traversié  et  rideaux». 
Les  étoffes  sont  assorties  au  reste.  Ce  sont  des  «  indiennes, 
tafetas,  cadis  jaune^  coton  teint  soucy,  sargette  jaune,  »  la 
laine  pour  les  couvertures.  Sur  une  table,  un  tapis  de  vieille 
tapisserie.  Le  linge  était,  dans  les  Landes  comme  en  mainte 
autre  partie  de  la  France,  un  luxe  honnête  que  se  payaient 
volontiers  les  mères  de  familles.  M"'  d'Aulnoy,  lors  de  son 
voyage  en  Espagne,  en  1690,  est  émerveillée  de  trouver  de  si 
beau  linge  dans  les  chaumières  des  paysans  des  Landes  qui 
faisaient  compassion  par  leur  extrême  pauvreté  (1).   Chez 
M"'  la  comtesse  d'Amou,  il  n'y  a  cependant  rien  d'extraordi- 
naire sur  ce  point,  du  moins  comme  nombre  :  dix  douzaines 
de  serviettes  dont  quatre  douzaines  de  grosses  et  six  douzai- 
nes de  fines,  six  nappes  fines  et  six  grosses  pour  la  cuisine, 
huit  paires  de  linceuls  fins  et  quatre  paires  de  gros  pour 
domestiques.  C'est  tout.  Divers  objets  :  «  un  miroir  quarrè 
avec  sa  glace,  un  petit  miroir  de  toilette,  trois  tableaux,  des 
chainels  de  fer  garnis  de  cuivre  jaune  ».  Parmi  la  batterie  de 
cuisine,  citons  rapidement  des  «  casserolles,  tourtières,  poiU 
Ions,  couloirs,  poissonniaires,  chaudières  et  chaudrons,  trois 
cafetières,  un  bassinoir  »,  le  tout  «  de  cuivre  »  ou  «  leton 
jaune,  un  mortiô  de  fonte,  un  radiant  {sic)  de  fer,  trois  fers 
a  lissé,  un  tourne-broche  »  et  ses  accessoires,  «  deux  gros 
lendiés,  une  barre,  un  pendant  de  feu,  un  gril»,  etc.  La 

(1)  Babeau^  Les  ooyayeurs  en  Franco,  Paris,  Didot,  1885,  p.  136. 


-*  299  — 

vaisselle  est  représentée  par  «  deux  douseines  dassietes  de 
fayance  commune^  quatre  plats  de  fayance,  deux  dousaiaes 
dassietes  deleing,  une  dousaine  et  demy  de  plats  grands  et 
pelils  deleing  » .  Une  mention  spéciale  pour  Targenterie  :  «  dix 
sept  couverts,  deux  grandes  cuUeires  a  ragoût,  et  une  grande 
fourchette,  onse  culleires  a  café,  six  coutaux  a  manche  d'ar- 
gent. »  A  la  fourniëre,  à  côté  de  Tindispensable  mait,  est  un 
lit  de  domestique.  Dans  le  chai,  «  deux  barriques  de  vin,  jauge 
de  Challosse,  lune  plaine,  lautre  demy  vuide  de  vin  blanc,  et 
deux  cents  bouteilles  de  verre  dholande,  dont  cent  plaines  de 
vin  rouge.  »  Au  grenier,  «  vingt  boissaux  de  segle,  huit 
boisseaux  de  millet,  cinq  boissaux  de  panis  »  ;  à  Fécurie, 
et  deux  chevaux,  une  petite  malle,  deux  selles  et  deux  bri- 
des. » 

La  défunte  possédait  des  biens  à  Morcenx,  Laharie  et  Sin- 
dères.  Disséminés  dans  les  métairies  de  «  la  maison  vieille  », 
de  «  Maure  »,  de  «  Bernât  »,  de  «  Barau  »,  à  Cournalis, 
dans  Morcenx,  a  au  Truit»,  dans  Sindères,  sont  524  brebis, 
162  agneaux,  six  paires  de  bœufs,  53  chèvres,  dix  chevraux, 
25  ruches.  En  somme,  bien  des  maisons  bourgeoises  eussent 
pu  rivaliser  avec  cette  gentilhommière,  et  que  serait-ce  si 
nous  montrions  Tétat  de  ce  mobilier  I  Le  moins  que  Ton  en 
dise,  c'est  que  cela  est  «  demy  usé  »,  mais  il  faut  voir  les 
rideaux  des  lits  «  tout  rapiécés  »,  la  «  mauvaise  indienne» 
des  courtepointes;  les  trois  tableaux  sont  aussi  <  mauvais  », 
la  glace  du  miroir  «  est  fandue  par  le  milieu,  »  le  «  vessailié 
est  tout  rompeu  » .  Nous  avons  cité  deux  chevaux,  c'est  un 
attelage.  L'un  est  blanc  et  l'autre  noir  : 

L'ennui  naquit,  un  jour,  de  runiformité. 

Et  tous  deux  sont  «  très  maigres  et  vieux.  » 
Quelle  est  la  valeur  de  cette  propriété,  métairies  et  bestiaux 
compris?  Peut-être  5,200  livres,  quoique  le  chiffre  3  ait  été 
rayé  à  deux  endroits  et  remplacé  par  1.  Ce  serait  donc  1,200 


—  300  — . 

livres,  pas  un  sou  de  plus.  Tenez  compte  du  pouvoir  de  l'ar- 
gent aux  deux  époques^  celle-là  et  la  nôtre,  multipliez  par  3, 
par  4,  même  par  5;  vous  obtenez  des  chiffres  qui  varient 
entre  3,600  et  16,000  francs  (1). 

Noble  Jean-Marc-Antoine  Duvignac,  seigneur  haut-justicier 
de  Mimizan,  que  nous  retrouverons  plus  d'une  fois  dans  le 
cours  de  cet  article,  décède  le  28  novembre  1738,  à  Saint 
Martin  do  Cadillac.  Il  n'avait  qu'un  pied-à-lcrre  a  Mimizan, 
dans  la  maison  des  héritiers  Chambre.  Il  y  occupait  trois  pièces 
au  rez-de-chaussée,  dont  le  mobilier  lui  appartenait.  La  des- 
cription de  ce  mobilier  ne  modiflera  pas  sensiblement  l'im- 
pression qu'a  pu  nous  faire  celle  du  mobilier  de  M"**  de  Cau- 
pcne.  Nous  y  voyons  deux  lits,  dont  un  «  a  la  duchesse  ». 
Les  bois  de  pin  et  de  chêne  sont  seuls  employés  pour  les 
gros  meubles,  le  vergne  pour  les  chaises.  Une  douzaine  de 
ces  dernières,  quatre  cabinets,  dont  un  «  garde-meuble  et 
un  vesselier  » .  Les  rideaux  des  lits  sont  «  de  cadis  couleur 
gris  demore  garnis  de  ruban  blanc  »  ;  d'autres  sont  «  d'une 
estamine  »  de  même  couleur.  Peu  de  linge  :  six  douzaines  de 
serviettes,  dont  quatre  douzaines  «  grosses  de  chamure  (/. 
chanvre)  et  «  deux  douzaines  d'estoupe  »,  deux  nappes  de 
lin  fin,  deux  de  chanvre,  «  trois  paires  de  linseuls  de  cha- 
mvre,  deux  paires  d'estoupe  ».  A  la  cuisine  sont  «  dix-huit 
assietes  et  un  grand  plat  et  deux  moyens,  le  tout  d'estain  »; 
ajoutons-y  «  une  chaudière,  une  tourtière  de  cuivre,  nue 
poille  de  fer  et  une  cuillère  a  pot  de  leton  ».  En  vérité,  c'est 
une  installation  des  plus  rudimentaires,  et  quand  les  tenan- 
ciers de  ce  seigneur  haut-justicier  pénétraient  chez  lui,  si 
quelque  chose  pouvait  les  scandaliser,  ce  n'était  sûrement 
pas  le  luxe  de  l'ameublement.  Au  grenier,  il  y  aura  douze 
boisseaux  de  seigle;  dans  la  grange,  vingt  qtiintaux  de  foin; 
aux  métairies  de  «  Bernadou  »,  à  Mimizan,  de  «  Micau»,  à 
Saint-Paul,  aux  «  apiers  de  Jacmot  et  de  Maumcn  »,  dans  la 

(1)  Arcb.  not.  :  Acte  du  25  mai  1761. 


—  301  — 

première  de  ces  paroisses  :  trois  paires  de  bœufs,  62  vaches, 
40  chèvres,  82  ruches,  et  le  loul  esl  évalué  1,200  livres  (1). 
Il  faut  remarquer  toutefois  que  M,  Duvignac,  de  même,  au 
reste,  que  M"*  de  Caupène,  possédaient  ou  avaient  possédé 
ailleurs  d'autres  terres.  En  1761,  messire  Léonard  de  Cau- 
pène d'Amou,  mari  et  légataire  universel  de  ladite  dame,  cède 
ses  droits  successifs  au  vicomte  d'Escheaux,  son  frère  aîné, 
moyennant  2,750  livres  de  rente  annuelle  (2).  M.  Duvignac, 
de  son  côté,  avait  vendu,  en  1738,  500  journaux  de  terre  à 
Lit,  Mixe,  Linxe  et  Le  Vignacq,  moyennant  7,806  livres  (3). 
A  citer  aussi  comme  propriété  importante  vendue  par  les  gen- 
tilshommes, un  pignadar  sis  «  à  Escource,  quartier  de  cap 
de  pin,  lieu  dit  Jean  Quillet  »,que  Bertrand  Malicheq,  bour- 
geois de  Luëj  achète  en  1762  à  messire  Henry  de  Caupène 
d'Amou,  moyennant  5,000  livres  (4).  Quoi  qu'il  en  soit,  des 
ventes  de  semblable  importance  indiquent  à  tout  le  moins  une 
situation  financière  peu  brillante. 

Nos  gentilshommes  landais,  peu  scandaleux  dans  leur  ameu- 
blement, ainsi  que  nous  l'avons  montré,  ne  Tétaient  pas 
davantage  dans  leur  mise.  Qu'on  en  juge.  M.  Duvignac  laisse, 
à  Mimizan,  «  17  chemises  de  toille  »,  dont  «neuf  sont  garnies 
d'un  coton»,  et  «  trois  mouchoirs  de  coton;  deux  vestes  de 
bazin  dholande  et  un  habit,  veste  et  culote  d'un  bout  de  soye 
doublé  d'un  taffetas  blanc  (5).  »  Chez  M"*  de  Caupène,  il  y 
aura  «  six  chemises  fines,  onze  chemises  grosses,  six  dégar- 
nies, deux  paires  de  bas  de  soye,  trois  paires  de  laine,  quatre 
paires  de  lin;  une  robe  dindiene  dune  demy  perce,  une  robe 
de  cotton  a  bouquets  avec  sa  jupe,  une  robe  de  satin  (6)  dou- 


(1)  Arch.  not.  Acte  du  14  février  1739. 

(2)  Ibid.  Acte  du  13  mai  1761. 

(3)  Ibid.  Acte  du  2  août  1738. 

(4)  Arch.  not.  Acte  du  18  décembre  1762. 

(5)  «  Les  gentilshommes  profèrent  les  costumes  éclatants  »,   dit  Challamel, 
Mémoires  du  Peuple  français.  Paris,  1872,  viii,  487. 

(6)  «  Les  femmes  nobles  seules  avaient  droit  de  porter  du  satin  ».  Chassant. 
Les  Nobles  et  les  Vilaifis  du  temps  passé,  Paris,  Aubry,  1857,  p.  139. 


—  302  — 

blëe  d'an  tafetas,  deux  jupes  de  soye,  deux  diodiene,  quatre 
mauvaises  boupelourdes  de  toiile  peinte^  quatre  coifures  de 
blonde,  deux  paires  de  pantoufles  detoffe  en  soye,  deux  pai- 
res detoffes  en  laine.  »  Nous  pourrions  citer  telle  fille  du  peu- 
ple dont  la  garde-robe  était  mieux  garnie. 


II 

Pauvre  pays,  au  reste,  que  les  Landes,  aussi  bien  pour  le 
propriétaire  que  pour  le  métayer,  pour  le  seigneur  que  pour 
le  tenancier.  M.  Elisée  Reclus  constate  qu'au  commencement 
du  siècle  encore  <  les  terres  avaient  si  peu  de  valeur  qu'on 
les  vendait  en  les  mesurant  au  son  de  la  voix  :  tout  l'espace 
au  dessus  duquel  portait  le  cri  du  berger,  s'achetait»  —  dit-il 
—  ce  au  prix  de  quelques  francs  (i)  »  •  Il  s'agit  évidemment  des 
Landes.  Peut-être,  cependant,  y  a-t-il  quelque  exagération 
dans  une  afBrmation  de  cette  nature,  absolument  dénuée 
qu'elle  est  de  références.  Mais  il  est  certain  que  la  majeure 
partie  des  terres  avaient  une  valeur  insignifiante  et,  sans 
doule,  il  y  eut  de  tout  temps  plus  d'un  gentilhomme  du 
pays  dont  le  bien,  comme  celui  du  baron  de  Labadan,  ne  valait 
pas  cent  écus.  Gela  se  passait  en  1525,  à  l'époque  où  «  Fran- 
çois I"  se  préparait  à  repousser  l'armée  de  Charles-Quint  et  à 
la  poursuivre  même  jusqu'au  delà  des  Alpes.  »  Le  baron  de 
Labadan  veut  être  là  «  où  tant  de  gens  de  bien  se  troberan 
per  far  serbice  ans  reys.  »  Mais  il  est  «  rriau  probedil  dargen.» 
Il  frappe  à  plusieurs  portes  inhospitalières.  L'aveu  sort, 
attristé,  de  la  bouche  de  sa  mère,  une  noble  femme,  Jamete 
de  Lur,  et  n'en  est  que  plus  touchant.  Il  les  rendra,  les  cent 
écus  qu'il  demande  à  emprunter,  «  sy  tout  son  bien  ad  bau  >  ; 
sinon,  le  bien  de  sa  femme  y  pourvoira  (2).  Ne  croirait-on 

(1)  Noucellc  Géographie  unioerselle.  —  La  Frarwc,  pp.  93  et  suiv. 

(2)  Lettres  de  Jamete  de  Lur,  d'YMabeau  de  Mont/erraftd,  de  Pierre  de  Lur 
et  de  Jamete  de  Lur  à  Bertrand  de  Lur,  seigneur  de  Belin  et  de  Salles,  Bor- 
deaux, 1878.  Imprimerie  de  la  Guienne.  Anonyme. 


—  803  — 

pas  lire  quelque  ancienne  histoire  de  jadis,  comme  celles  que 
nous  ont  conservées  les  chansons  de  geste,  Âiol,  par  exemple, 
ou  bien  encore  Girart  de  Roussillon?  Le  mot  «  noblesse  », 
pour  la  plupart  des  gens,  évoque  je  ne  sais  quel  souvenir  de 
scandaleuse  opulence,  de  prodigalité,  de  corruption.  On  ne 
voit  que  les  courtisans,  on  ne  voit  que  la  noblesse  de  Cour. 
On  oublie  trop  qu'il  y  eut,  à  toutes  les  époques,  au  fond  des 
provinces,  de  ces  vieilles  familles,  pauvres,  fiëres,  infiniment 
respectable,$,  et  qui  toutes  eussent  pu  prendre  la  devise  de 
certaines  d'entre  elles  :  «  Plus  d'honneurs  que  de  biens!  » 
ou  «  Plus  d honneur  que  d honneurs!  » 

Le  fait  est  qu'au  xvur  siècle,  les  gentilshommes  désœuvrés 
sont  rares  dans  les  Landes.  La  plupart  occupent  des  fonctions 
de  magistrature,  quelques-uns  même  ont  des  emplois  plus 
modestes  dans  le  pays,  les  autres  enfin  se  font  agriculteurs, 
maîtres  de  forges,  fabricants  de  porcelaine.  C'est  ce  que  fait 
le  comte  de  Rolye  (1)  à  Pontenx,  où  il  établit  des  forges  vers 
4760(2)  et  une  «  manufacture  de  porcelaine  »  en  4773  (3). 
A  Uza,  le  seigneur  avait  aussi  créé  des  forges.  Indépendam- 
ment de  cela,  il  est  de  tradition  dans  les  Landes  que  toute 
maison  un  peu  opulente  ait  son  atelier  de  résine,  un  ou  plu- 
sieurs fours  à  goudron  et  une  tuilerie  (4).  Leurs  propriétés, 
non  plus  que  leurs  droits  seigneuriaux,  ne  pouvaient  les 
faire  vivre.  Ces  droits  seigneuriaux,  si  l'on  en  croit  des  nomen- 
clatures aussi  mystérieuses  que  longues,  étaient  nombreux. 
Que  n'a-t-on  pas  dit  sur  et  contre  eux?  Mais,  au  xviu*  siècle, 
en  subsistait-il  beaucoup  de  réellement  utiles? 

Il  y  avait  le  cens  ou  redevance  annuelle,  dont  l'origine 
remontait  aux  concessions  de  terres  faites  par  les  seigneurs  à 


(1)  On  trouve  ce  nom  orthographié  diversement.  L'abbé  Baurein  écrit  Roly. 
Nous  adoptons  l'orthographe  d'un  membre  de  la  famille  (Lettre  autographe  du 
31  janvier  2770.  Arch.  not.). 

(2)  Requête  (Arch.  de  Tarchev.  de  Bordeaux)  et  acte  du  1"  juillet  1762  (papiers 
de  M.  Patient  Dupuch,  à  Mimizan),  combinés. 

(3)  Etat  civil  de  Pontenx. 

(4)  Le  seigneur  de  Pontenx  a  une  «  tuilière  »  en  1666  (terrier  cité). 


—  304  — 

leurs  teDânciers.  Tout  seigneur  un  peu  riche  avait  un  grand 
nombre  de  tenanciers.  En  1618,  à  Bias,  M.  de  Saint-Martin 
en  avait  32  et,  à  la  fin  du  siècle,  monsieur  de  Rolye  102  à 
Pontenx,  51  à  Castes,  56  à  Âureilhan,  12  à  Saint-Paul.  Sait-on 
combien  payaient  annuellemeLt  ces  52  tenanciers,  d'une 
part,  ces  181,  d'autre  part?  Des  sommes  énormes,  sans 
doute!  En  effet,  19  livres  7  sous  6  deniers  à  M.  de  Saint-Mar- 
lin,  et  167  livres  8  sous  4  deniers  à  M.  de  Rolye  (1).  Une 
misère  !  Il  est  vrai  qu'avec  cela,  il  y  avait,  parfois,  quelques 
mesures  de  froment,  quelques  poules.  Les  tenanciers  de 
M.  de  Rolye,  par  exemple,  lui  donnent,  annuellement,  envi- 
ron cent  poules  (2)  et  115  quartiers  311  pugnères  de  froment. 
Ceux  de  M.  de  Saint-Martin  ne  paient  ni  poules  ni  froment. 
Et  ces  redevances  ne  se  paient  pas  régulièrement.  A  tout  ins- 
tant,  il  est  question  de  rentes  arriérées.  On  en  paie  cinq  ans, 
dix  ans  et  plus,  à  la  fois.  Souvent  alors  on  abandonne  des 
terres  pour  indemniser  le  seigneur  (5). 

En  outre  de  ce  cens,  il  y  avait  un  droit  dit  d'  e  exporte  »  qui 
se  payait  «  à  rauance  (4)  de  seigneur  et  de  tenancier.  »  C'était 
une  sorte  de  droit  du  mutation  par  décès  que  payait  le  vassal 
à  la  mort  de  la  personne  dont  il  héritait  et  à  la  mort  du  sei- 
gneur de  qui  il  tenait  les  biens.  Ce  droit  était  fixe  et,  depuis 
des  siècles,  n'avait  pas  dépassé  trois  deniers. 

Les  lods  et  ventes  ou  mieux  «  lods  es  ventes  » ,  ainsi  que 
l'écrit  Loyseau,  étaient  plus  lourds.  C'était  un  droit  de  trans- 
mission entre  vifs.  Ce  droit,  réellement  exorbitant  à  cer- 
taines époques  et  en  certains  pays,  était  très  variable.  En 
Normandie,  il  était  du  15*  du  prix,  dans  le  Maine  du  12% 
dans  le  Poitou  du  6%  en  Picardie,  à  la  fin  du  dix-huitième 

(1)  C'est  une  moyenne  de  18  sous  6  deniers  avec  une  cote  forte  de  5  liTtes 
2  sous  7  deniers  et  une  cote  faible  de  4  deniers. 

(2)  Certaines  redevances  sont  réellement  extraordinaires.  Nous  voudrions  bien 
savoir  comment  s'y  prenait  tel  tenancier  d'Aureilhan  pour  payer  «  trois  poules 
deux  tiers  plus  le  quart  d'un  huitième  de  poulo. 

(3)  Arch.  not.,  notamment  acte  du  14  Octobre  1763. 

(4)  Changement. 


—  305  — 

siècle,  du  5%  dans  le  Nivernais,  du  quarl  (1).  Cela  ferait  un 
droit  variant  entre  7  et  25  pour  cent.  Dans  les  Landes  mal- 
heureusement, bien  que  nous  ayons  souvent  trouvé  la  trace 
des  lods  es  ventes,  nous  ne  savons  quel  en  était  le  taux.  Les 
receveurs  des  droits  seigneuriaux  n'y  avaient  pas  Tbabitude, 
comme  en  d'autres  pays^  d'en  mettre  la  quittance  au  dos 
des  expéditions  d'actes.  La  seule  indication  très  vague  que 
nous  puissions  donner  est  celle  d'un  paysan  qui,  en  1742, 
pour  les  lods  es  ventes  d'un  journal  de  pignadar,  paie  à 
Madame  deSamazan  cinq  livres  (2).  Mais  quelles  étaient  la 
contenance  et  la  valeur  du  pignadar?  A  Mimizan,  si  l'on  en 
croit  un  paragraphe  des  coutumes  du  pays,  le  seigneur 
n'avait  pas  ce  droit  de  lods  es  ventes  :  —  «...  Item  mays 
avons  for  et  coustume  et  usage,  franchise  et  liberté  que  toute 
personne  de  Mimisan  peut  vendre  et  aliéner,  sans  apaiser  le 
seigneur,  toutes  les  causes  soient  maysons,  hostels,  terres 
vignes  et  autres  choses,  sans  ce  que  le  seigeur  n'y  a  ne  doibve 
avoir  capsols  (3),  vintges  ni  autre  debvoir,  car  tous  ainsi 
l'avons  usé  et  acoustumé  et  sommes  en  possession  et  sai- 
sine (4)  » . 

Le  droit  de  naufrage  était  plus  aléatoire  et  on  se  demande 
comment  le  seigneur  pouvait  le  posséder  sur  Pontenx,  alors 
qu'en  aucun  point  le  territoire  de  cette  localité  n'aboutit  à  la 
mer.  A  Mimizan,  c'était  différent  et  les  coutumes  en  réglaient 
minutieusement  l'exercice:  —  «...  Item  nous  avons  debvoir 
et  usage,  toutes  personnes  de  Mimizan,  que  pouvons  cous- 
toyer  et  chercher  la  coste  de  la  mer  Ceyrien  et  de  Mymisan 


(1)  Etude  hiatorique  sur  l'impôt  et  l'administration  de  Venregistrement  ,par 
M.-A.-F.  Bonnefon.  Paris,  Marchai  Billard,  1882,  p.  46. 

(2)  (Arch.  not.)  Acte  du  1"  février  1742. 

(3)  En  Béarn,  le  droit  de  lods  es  ventes  porte  aussi  le  nom  de  «  capsoo  ».  Il 
était  comme  en  Normandie,  de  7*/.  (Hist,  du  Montanérez,  par  M.  l'abbé  Marseil- 
Ion.  Pau,  Ribaut,  1877,  p.  65.) 

(4)  Compte  rendu  des  traoauœ  de  la  commission  des  monuments  et  docU" 
ments  historiques  de  la  Gironde.  Année  1849-50>  p.  45,  Privilèges  de  Mimi- 
zan. 


—  306  — 

au  lerrin  de  Buch  et  au  bocau  de  Gonlis,  nostres  terres,  de 
soleil  levant  jusques  au  jour  claux  et  sil  trouve  avoir  de 
pris,  la  tierce  partie  est  du  seignexir  et  les  deux  parties  de 
celui  qui  la  trouve,  mays  quil  n'tj  ail  aucun  clamant  qui  soit 
de  f  obéissance  du  roy  noslre  seigneur  » .  (Cette  restriction  a 
son  importance.)  «Item,  au  trouveur  de  drap  qui  soit  lié  et 
en  pièces  entières,  à  iceluy  qui  la  trouve  une  robe  du  meil- 
leur drap  et  tout  le  plus  est  du  seigneur  » . 

Certains  seigneurs  avaient  droit  à  la  dîme.  Les  Hospitaliers, 
par  exemple,  la  percevaient  dans  retendue  de  leurs  comman- 
deries,  sur  leurs  tenanciers.  On  sait  que  le  taux  en  était  varia- 
ble. Au  Bourgau,  dansPontenx,  àPoms,  dans  Parentis,  elle 
se  payait  au  onze  pour  tous  les  fruits  et  au  quinze  pour  le 
millet,  ce  qui  veut  dire  que  le  seigneur  prélevait  de  onze  ou 
de  quinze  un.  C'est  à  peu  près  le  taux  habituel  dans  la  con- 
trée. 

Les  seigneurs  possédaient  souvent  des  étendues  considéra- 
bles de  landes,  qu'on  appelait  «  les  vacants  du  seigneur». 
Pour  y  mener  paftre  les  bestiaux  on  payait  un  droit.  Un 
paysan  d'Âureilhan  paie  ainsi  au  seigneur  comte  d'Uza  25 
sous  par  an  (1).  Comme  conséquence,  quiconque  ne  payait 
pas  ce  droit  ne  pouvait  conduire  les  bestiaux  dans  ces  vacants 
sous  peine  de  s'exposer  à  les  voir  enlevés  et  mis  en  four- 
rière. En  1769,  Jacques  Pons,  marchand  à  Pontenx,  repré- 
sente «  que  ses  beufs  aratoire  sont  été  trouvés  etpignorés  (2)> 
par  Pierre  Robin,  garde-chasse  du  comte  de  Rolye,  dans  les 
jeunes  coupes  et  ventes  de  bois  taillis  appartenant  au  sei- 
gneur, lis  ont  été  menés  au  parq  du  peubliq,  où  ils  sont  de- 
puis trois  jours.  Il  proteste  qu'il  n'y  a  pas  de  sa  faute;  il 
ne  veut  pas  contrevenir  «  aux  ordonnances  de  1669  et  arrêt 
du  parlement  de  Guienne  du  6  juillet  1740  ».  Il  offre  de 
payer  le  dommage  à  dire  d'experts  respectivement  nommés  et 

(1)  Arch.  not.  Acte  du  12  août  1740. 

(2)  De  pignoris,  pignus,  gage,  conserver  cd  gage. 


—  307  — 

choisis  par  les  parties  aiosi  que  les  dépens,  car  il  a  besoin 
de  ses  bœufs  el  il  prie  qu'on  les  lui  remette  «  soudain  après 
la  signitication  du  présent  (1)  ».  L'année  suivante^  pareille 
chose  arrive  à  divers  autres  habitants,  dont  les  «  anouils, 
vaches  et  jumens  ont  été  trouvés  dans  une  propriété  du  sei* 
gneur  (2)  »  •  Les  choses  se  passent  de  même.  C'était  un  très 
vague  souvenir  du  droit  de  carncU  ou  carnau  (5),  que  cer- 
tains seigneurs  et  certaines  communautés  possédaient  anté- 
rieurement. 

Les  droits  de  banalité  n'existaient  pas  d'une  façon  bien 
rigoureuse.  On  trouve  des  fours,  des  pressoirs  et  des  mou- 
lins étiez  des  paysans  (4).  Sur  les  5!2  tenanciers  qu'avait 
M.  de  Saint-Martin,  en  i618,  à  Bias,  pas  un  seul  n'était 
astreint  à  l'usage  du  moulin  banal;  et  sur  les  181  qu'avait 
M.  de  Rolye  à  Pontenx,  Gastes,  Âureilhan  et  Saint-Paul,  à  la 
fin  du  même  siècle,  15  seulement  étaient  dans  l'obligation 
de  faire  moudre  leur  grain  au  moulin  du  seigneur  (5).  Nulle 
part,  d'ailleurs,  nous  n'avons  eu  occasion  de  constater  la 
présence  d'un  four  ou  d'un  pressoir  banal.  Dans  un  autre 
acte  on  rencontre  une  restriction  curieuse  à  l'obligation  de 
mouture.  M.  de  Rolye  baille  à  nouveau  fief  quatre  journaux 
de  terre  inculte.  Il  oblige  le  preneur  à  faire  moudre  tout  son 
grain  au  moulin,  «  pourvu  que  le  meunier  laille  chercher  à  la 
nuûson  du  preneur,  atandu  que  celuy-cy  est  un,  peu  éloigné  du 
moulin  (6)  ».  On  ne  saurait  être  plus  complaisant. 

(1)  Arch.  not.  Acte  du  15  septembre  1769. 

(2)  Ibid.  Acte  du  20  mai  1770. 
(3)Decamw,  caro, 

(4)  Pressoirs  :  Actes  des  21  avril  1771,  21  mai  1770  ;  chez  un  curé  :  31  décem- 
bre 1774  ;  four  :  acte  du  10  juin  1774,  entre  autres  ;  moulins  :  actes  des  9  octobre 
1774,  22  juin  1775,  6  novembre  1778.  (Arch.  not.) 

(5)  Voici  dans  quels  termes  on  les  y  oblige  :  «  En  ouUre  ce  a  promis  et  sera 
teneu  led.  affevat  ses  hoirs  et  successeurs  a  laduenir  daller  moudre  au  moulin 
dud.  seigneur  en  lad.  paroisse  de  Pontenx,  tous  et  uns  chescuns  les  bleds  quils 
mangeront  et  depanseront  en  leurs  maisons  sans  pouvoir  aller  moudre  a  aucun 
autre  moulin  saufs  sy  led.  moulin  venoict  a  ce  desacomoder  et  quil  ne  peulz 
moudre  en  ce  cas  pourront  aller  moudre  ou  bon  leur  semblera  ».  (Terrier  de 
Pontenx  cité.  Exporle  du  28  décembre  1660.  f.  83.) 

(6)  Arch.  not.  Acte  du  25  août  1777- 


—  308  — 

Des  droits  honorifiques  nous  ne  parlerons  pas,  du  moins 
en  celte  place.  Ce  n'est  plus  là  une  source  de  revenus  pour 
les  gentilshommes;  c'est  une  catégorie  tout  à  fait  à  part  de 
droits  et  prérogatives.  Du  reste  ils  sont  plus  connus.  Droit  de 
banc  à  Téglise,  droit  de  préséance  aux  processions,  aux 
offrandes,  droit  aux  prières  nominatives  au  prône,  droit  de 
litre  (1),  c'est-à-dire  de  faire  peindre,  en  signe  de  deuil,  lors 
du  décès  d'un  membre  de  la  famille,  au  dedans  et  même  au 
dehors  de  Téglise,  une  bande  noire  supportant  les  armoiries 
de  distance  en  distance,  tous  ces  droits  existent  dans  le 
pays  qui  nous  occupe  et  nous  verrons  le  seigneur  de  Mimi- 
zan  en  réclamer  la  jouissance  au  curé. 

Un  droit  que  nous  devons  citer  à  part  également,  comme 
étant,  celui-là,  plus  onéreux  que  profitable,  c'est  celui  qu'a- 
vait le  seigneur  de  racheter  une  terre  dont  un  de  ses  tenan- 
ciers s'était  défait.  Les  exemples  en  sont  nombreux.  Le  tenan- 
cier vend  à  un  tiers  moyennant  un  prix,  puis  le  seignenr 
intervient  qui,  en  sa  qualité  de  seigneur,  réclame  l'immeuble. 
Il  en  rembourse  le  prix,  ainsi  que  les  frais  et  loyaux  coûts. 
Cela  s'appelait  le  retrait  féodal.  Dans  les  Landes,  on  sem- 
ble avoir  donné  de  préférence  à  cette  variété  de  notre  jiacle 
de  réméré  le  nom  de  droit  de  prélation  (2).  Jean  de  Pierre 
Bayle,  laboureur  à  Aureilhan,  vend  à  Pierre  LavioUe,  meu- 
nier à  Mimizan,  des  immeubles  relevant  du  comte  d'Uza.  Ce 
dernier  serait  en  droit  de  les  réclamer,  mais  il  cède  son  droit 
à  Pière  Texoères,  procureur  d'office  à  Mimizan  et  le 
«subroge  en  son  lieu,  droict  et  place  ».  La  déclaration  de 
cession  est  écrite,  signée  de  la  propre  main  du  comte  d'Uza, 
en  marge  de  l'acte  de  vente,  et  datée  du  «  château  de  Maie  » 
le  23  décembre  1741  (3).  Muni  de  cette  déclaration,  Texoères 


(1)  On  Ta  désigné  par  différents  noms  :  «  Vitta  lagabris,  zona  seu  ligatura 
funebris,  litura,  listre»,  etc.  (Traité  des  df'oicta  honorifiques  des  seigneurs  es 
églises,  par  Mathias  Mareschal.  Paris,  1623). 

(2)  Deprœ  et  latum, 

(3)  Arch.  not.  Acte  du  6  septembre  1733« 


—  309  — 

exerce  le  retrait  féodal,  à  la  place  da  comte  d'Uza,  sur  Tac- 
quéreur,  auquel  il  rembourse  :  le  prix,  les  lods  es  ventes,  le 
contrôle,  le  salaire  et  le  parchemin  de  Texpédition,  les  frais 
de  la  prise  de  possession  qui,  alors,  était  toujours  distincte  de 
Pacte  d'achat,  et  enfln,  des  «  réparations  et  aumentations  » 
que  Tacquéreur  avait  eu  le  temps  de  faire  (1).  Les  deux  actes 
se  complètent  et  sont  concluants.  Ils  donnent  aussi  un  exemple 
de  cession  de  retrait  féodal,  ce  que  nous  savions  déjà  pouvoir 
se  produire.  Les  formes  des  prises  de  possession  de  fiefs  sont 
intéressantes  au  même  litre  que  les  autres  prises  de  posses- 
sion landaises  du  temps.  Nous  en  avons  quelques  exemples. 
En  1737,  noble  Jean  Marq  Anlhoine  Duvignac,  prend  posses- 
sion des  fiefs  et  droits  seigneuriaux,  sis  à  Bias,  à  lui  vendus 
par  Roger  Darricau,  praticien,  comme  curateur  de  Margue- 
rite Loupit,  demoiselle,  fille  de  feu  M*  Anthoine  Loupit.  Le 
notaire,  pour  cela,  le  mène  «  au  devant  la  porte  de  chaque 
habitant  de  Bias  auxquels  il  donne  à  entendre  quil  met  led. 
Seigneur  de  Mimizan  en  la  pocession  réelle  actuelle  et  corpo- 
relle de  la  tierce  partie  dud.  fief  et  autres  droits  seigneuriaux, 
quen  cette  qualité  ils  aient  a  lavenir  a  le  reconnottre  pour 
leur  coseigneur,  luy  rendre  les  honneurs,  droits  et  préroga- 
tives y  attachés,  le  tout  indépendament  de  sa  hante  justice, 
et  ledit  seigneur  de  Mimizan  leur  a  promis  leur  estre  bon 
seigneur  en  tout  ce  qui  sera  juste  et  de  sa  force  (2)  » . 

Parlerons-nous  des  droits  de  chasse  et  de  pêche  ?  A  quels 
excès  tour  à  tour  ridicules  et  barbares  (5)  n'avaient-t-ils  pas 
servi  de  prétexte  au  temps  ancien  ?  Ce  n'est  pas  à  un  seul  roi,  à 
un  seul  seigneur,  mais  presque  à  tous  qu'on  aurait  pu  appliquer 
ce  mot  de  Thomas  Rudborne  sur  Guillaume  le  Conquérant  : 
—  «  Amabal  rex  feras  feras  ac  si  essetpater  ferarum  (4)  » . 

0)  Arch  not.  Acte  du  21  février  1742. 

(2)  Aroh.  not.  Acte  du  8  mai  1737.  Voir  aussi  :  Acte  du  25  sept.  1769 . 

(3)  La  droit  de  chasse,.,  par  Charles  Boulen.  Paris,  1887,  p.  31  notamment. 

(4)  Cité  par  Bonnemère,  Hist  des  paysans  depuis  la  fin  du  moyen-âge  jus- 
qu'à nos  Jours.  Paris,  1856,  ii,  191. 

Tome  XXX.  21 


—  310  — 

Mais  dans  les  Landes,  à  Minih^an  du  moins  et  au  dix  huitième 
siècle,  rien  de  semblable,  et  nous  sommes  loin  de  rÂmiénois 
où,  en  1507  encore,  la  coutume  de  Houdain  défendait  aux 
manants  de  chasser  sous  peine  d'avoir  le  poing  coupé  (1). 
Il  faut  voir  de  quelle  manière  les  habitants  accueillent,  en 
1731,  les  prétentions  cynégétiques  et  autres  de  leur  seigneur! 
a  Ils  ne  lui  reconnaissent  pas  »  —  disent-ils  —  «  le  droit 
de  défendre  aux  habitants  de  la  paroisse  de  chasser  dans 
rétendue  d'icelle,  attendu  qu'iï  n'y  a  et  n'y  peut  avoir  que 
celui  d'y  chasser  en  seul,  tant  comme  seigneur  haut-justicier 
que  comme  habilanl  (2)  » .  Et  Ton  trouve  en  effet  des  preu- 
ves nombreuses  de  Texercice  de  ce  droit  par  les  paysans. 
Les  fusils  notamment  ne  sont  pas  rares  (3). 

La  pêche  y  était  pareillement  libre,  sauf  peut-être  quand 
la  location  en  avait  été  faite  à  des  trafiquants.  Â  Mimizau, 
par  exemple,  la  pêche  sur  un  petit  étang  appelé  «  lac  de 
Triques  »,  appartenant  à  l'église,  était  affermée  par  elle  en 
1745  (4).  Et  d'un  acte  du  10  avril  1722,  semble  résulter 
aussi  que  le  droit  de  pêche  sur  l'étang  de  Mimizan,  était 
affermé  par  la  communauté.  Certains  paysans  sont  posses- 
seurs d'engins  de  pêche.  En  1766,  un  forgeron  possède  un 
bateau  et  des  filets  (5).  En  1771,  deux  frères,  chassés  de  leur 
paroisse.  Lit  en  Marensin,  se  réfugient  à  Mimizan  et  font  por- 
ter «  un  bateau  aveq  une  quantité  de  filets  immenses  »  • 


(1)  n  est  bon  de  faire  remarquer  que  Mimizan  était  dans  une  situation  excep- 
tionnelle. Ailleurs,  sans  doute,  on  ne  jouissait  pas  de  la  môme  liberté.  C'est 
ainsi  qu'en  1510  des  paysans  de  Subéhargues  sont  inquiétés  pour  avoir  tué  un 
sanglier  dans  la  forêt  d'Aire.  (D'  L.  Sorbets,  Bulletin  de  la  Société  de  Borda, 
4'  trim.,  1883.) 

(2)  Réponse  à  un  dénombrement  du  seigneur  de  Mimizan  du  11  mars  1731, 
citée  par  M.  Légé,  Petite  rcouo  d'Aire,  juillet  et  septembre  1870. 

(3)  Arch.  not.  Actes  des  15  juin  1721,  24  août  1732,  12  juillet  1769;  un  fuzfl 
évalué  91.  le  21  avril  1771  ;  un  fusil  de/oreat  (pour  le  distinguer  sans  doute  du 
fusil'Soufflet),  23  juin  1773,  2  septembre  1775;  4  fusils  dont  2  à  2  canons  et  2  à  un 
seul  canon  ;  ces  derniers  :  papiers  de  la  famille  Luxey»  Acte  du  11  vendémiaire 
an  VI. 

(4)  Registre  des  comptes  de  la  fabrique  de  TégliSe  de  Mimizan. 

(5)  Arch.  not.  Acte  du  30  mai  1766. 


—  311  — 

Les  habitants  s'assemblent  et  expliquent  que  «  le  droit  de 
pesche.,.  leur  a  étéacordé  par  les  privilèges  de  leurs  roys, 
quil  arrive  tous  les  jours  que  bien  des  manans  (les  Mimiza- 
nais  ie  prennent  de  haut!)  et  gens  sans  aveu  et  de  mauvaise 
vie  se  jettent  dans  la  paroisse  pour  en  profiter,  ce  qui  por- 
te aux  habitants  un  préjudice  considérable  »,  car  la  pêche 
leur  sert  «  a  payer  unne  partie  des  impositions  royalles  »  ; 
c'est  même  «  dans  cette  vue  que  les  roys  ont  accordé  ce  pri- 
vilège »  •  «  En  conséquence,  pouvoir  est  donné  au  sindiq  et 
âu  jurât  de  crier  sur  la  place  peublique  que  les  habitants 
soposent  à  ce  que  ledit  Donesse  et  son  frère  et  autres  estran- 
gers  peschent  avec  aucunne  sorte  de  filets,  de  sortir  les  filets 
et  bateau  dans  les  vingt  quatre  heures.  Défense  à  tous  autres 
qui  ne  seront  pas  natifs  et  propriétaires  de  Mimizan  ou  qui 
nauroDt  pas  la  permission  du  sindiq  et  des  habitants  »  •  -— 
«  On  saisira  les  engins,  on  les  déposera  entre  les  mains  de 
Thuissier  et  on  poursuivra  selon  la  rigueur  des  lois  (i)  ». 
Que  les  usurpateurs  fussent  nobles  ou  roturiers,  on  voit  que 
les  Mimizanais  étaient  intraitables  et  bien'  avaient-ils  raison 
car  ces  beaux  privilèges  étaient  inscrits  en  toutes  lettres  dans 
leur  coutume  :  —  «  Item  que  nous  auons  et  tenons  nos  per- 
sonnes^  toutes  nos  terres,  hostels,  maysons  et  toutes  nos 
autres  causes,  nostre  montaigne  (2),  boscatges,  landes  et 
rivières  en  nostre  coste  de  la  mer,  et  les  eaulx  (sic)  courans 
et  non  courans,  estangs,  e(  toutes  les  choses  et  venaisons 
que  sont  dedans  nos  limites  en  eaulx  et  en  terres,  francs  et 
quittes  et  eocempis  de  toutes  charges...  pour  quinze  livres  de 
Morlanes  que  payons  et  avons  acoustumé  payer...  pour  et 
au  nom  de  notre  seigneur  le  roi  d'Angleterre  et  duc  de 


Çi)  Arch.  not.  Acte  du  7  avril  1771. 

(2)  EUsée  Reclus  constate  que,  «  dans  les  Landes  comme  en  Espagne,  le  nom 
de  «  mont  »  ou  «  montagne  »  s'applique  à  la  fois  aux  collines  de  sable  et  aux 
arbres  qu'elles  portent  ».  Ce  mot,  employé  dans  la  coutume  de  Mimizan,  prouve- 
raitrll  qu'à  l'époque  de  sa  réda(Sion,  les  dunes  étaient  boisées,  comme  cet  auteur 
l'affirme  pour  tout  ou  partie  du  moyen  âge  f 


—  312  — 

Guyenne  à  Tabbé  et  couvent  du  monastère  de  Sainct-Sever, 
par  certain  parriage  entre  eux  faict...  » 

Pour  toutes  ces  propriétés,  pour  tous  ces  droits,  les  sei- 
gneurs,  qu'ils  fussent  nobles,   du  reste,    ou   simplement 
acquéreurs  de  terres  nobles,  devaient  faire,  «  tous  les  trente 
ans  et  à  chaque  mutation  de  seigneur  et  de  vassal  » ,  hom- 
mage au  seigneur  suzerain.  En  1699,  a  mademoiselle  Darti- 
guenave  »  fait  hommage  au  duc  de  Bouillon  pour  vingt  jour- 
naux de  terre  qu'elle  tient  de  lui  «  sous  le  devoir  d'une  paire 
de  gans  blancqz  »   (1).  Dame  Marianne  Duvignac»  épouse 
Pierre  Lataulade,  et  Anne  Saint-Jours,  demoiselle,  veuve 
Jean  Lagoueyte,  seigneur  de  Bias  et  Capas,  font  hommage  au 
même,  la  dernière  en  4696,  la  première  en  1748  (2).  I.'église 
de  Mimizan^  elle  aussi,  fait  de  même  <  pour  les  fiefs  possé* 
dés  par  elle  en  la  prévôté  de  Born,  sous  le  devoir  également 
d'une  paire  de  gants  blancs  »  (5).  Enfin,  nous  trouvons  trois 
hommages  de  1727,  1732  et  1733,  faits  par  une  famille 
Loupit,  de  Bias.  Comme  il  s'agit  d'une  cérémonie  d'ordre 
essentiellement  féodal,  nous  pouvons  très  bien  parier  ici  de 
cette  dernière  famille,  quoique  bourgeoise,  au  même  titre  que 
nous  parlons  des  familles  nobles. 

Les  hommages  que  nous  venons  de  citer  sont  faits  par  pro- 
cureurs. L'église  de  Mimizan  est  représentée  par  un  syndic 
spécial.  Les  Loupit,  de  leur  côté,  donnent  pouvoir  «  de  se 
présenter  pour  eux  au  château  de  Nérac  au  duché  dalberet 
deuant  messire  Daniel  de  la  Mazillière  seigneur  dudit  lieu 
gouverneur  et  intandant  gênerai  dudit  duché  dalberet  et  conte 
du  bas  armaignacq  pour  très  haut  et  très  puissant  prince 
Esmanuel  teodore  de  la  Tour  d'auuergne  duc  souuerain  de 
Bouillon,  viscompte  de  Turaine,  duc  dalberet  conte  dauver- 
gne,  deureux  (1.  Evreux)  et  du  bas  armaignacq,  baron  de  la 


(1)  Papiers  de  la  JbmUle  Luxey.  Acte  du  2  avril  1690. 

(2)  Arch.  not.  Acte  du  25  mai  1761.  * 

(3)  Ino.  des  arch,  dép,  des  Landes,  G.  Il  et  13. 


—  313  — 

Tour  de  montgarcon  cazillocq,  père  {siCj  !•  pair)  et  grand 
chambelanl  de  france,  gouuerneuret  lieatenaot  geaeral  pour 

le  Roy,  du  haut  et  bas  peys  et  province  dauuergne »  •  Là, 

ledit  procureur  devra  «  ce  mestre  teste  nue,  genous  a  terre, 
sans  espèe,  les  mains  jointes  entre  celles  dud.  s'  Lamazil- 

lière »  D'après  Pacte  d'iiomrnage  de  la  demoiselle  d'Arli- 

guenave,  le  procureur  devra  se  mettre  «  teste  nue,  genoux  a 
terre,  wns  boite,  manteau  ny  espérons  •,..  ».  L'iiommage 
était  constaté  par  un  acte  succinct,  sur  parchemin,  dressé 
séance  tenante  et  scellé  aux  armes  du  seigneur  suzerain.  Une 
seule  de  ces  pièces  nous  est  passée  sous  les  yeux.  On  y  voit 
un  cachet  à  cire  rouge  ardente  sur  papier  plié  en  deux  et  pris 
clans  une  découpure  horizontale  du  parchemin.  L'empreinte 
assez  confuse  tkisse  distinguer  un  écartelé  aux  1  et  i,  à  la 
tour  entourée  de  fleurs  de  lys,  au  2  à  tiois  tourteaux  (?),  au 
3  à  trois  bandes;  en  cœur,  un  écu  absolument  indéchiffra- 
ble (4).  Mais  pour  se  faire  représenter  à  une  cérémonie  de 
cette  importance,  comme  nous  voyons  que  l'ont  fait  notam- 
ment les  Loupit,  il  faut  fournir  au  suzerain  une  excuse.  Ohl 
qu'à  cela  ne  tienne!  L'imagination  gasconne  est  fertile.  On  en 
a  de  toutes  prêtes.  La  première  fois  donc,  le  mandataire 
«  représentera  que  ledit  sieur  de  Loupit  est  un  peauure  viel* 
lard  infirme  et  que  ledit  sieur  Ânthoine  de  Loupit  est  ataquè 
de  la  goutte  et  hors  destat  de  monter  a  cheual  et  ladite 
demoiselle  de  Loupit  est  malade  languissante  depuis  long- 
temps et  a  raison  de  ce  hors  destat  de  se  transporter  dans 
ladite  ville  de  Nérac  et  audit  chasteau  sans  courir  risque  de 
leurs  vies  »  (2).  La  seconde  fois,  il  remontrera  «  que  ledit 
sieur  Dupuy  veuf  de  demoiselle  Catherine  Loupit,  est  attaqué 
d'un  rhujie  sur  la  poitrine  et  accablé  d'une  Oeure  quarte 
qui  la  mis  hors  destat  de  monter  a  cheual  et  ladite  demoiselle 

(1)  Papiers  de  la  famille  Luxey,  Hommage  cité  de  demoiselle  Dartigue- 
nave. 

(2)  Arch.  not.  Acte  du  21  juillet  1727. 


—  314  — 

Loupit  malade  languissante  depuis  plus  d'un  mois >  (1). 

La  troisième  fois  enfln,  on  revient  encore  «  au  rhume  sur  la 
poitrine  »  (2).  L'esprit  inventif  le  mieux  doué  s'épuise,  à  la 
longue,  et  n'est  pas  à  l'abri  des  redites.  Mais  peut-être,  après 
tout,  est-ce  calomnier  cruellement  de  pauvres  gens  donl, 
hélas  f  le  temps  a,  depuis  de  longues  années,  guéri  les  fiè- 
vres quartes,  les  langueurs  et  les  rhumes  sur  ia  poitrine... 

Georges  BEAURÂIN. 
{A  suivre.) 


NOTES  DIVERSES. 

CCXLVII.  Une  Bnperstition  ▼ermifnge  en  fiascogne. 

Fréron,  en  rendant  compte  (Année  littéraire,  1755,  t.  m,  p.  214)  de 
V Essai  sur  V éducation  médicinale  des  enfants  de  Rrouzet,  y  relève  une 
pratique  superstitieuse  observée  «  dans  une  de  nos  provinces  méridiona- 
les ».  Le  langage  des  formules  dénote  précisément  la  Gascogne.  Voici  tout 
le  passage  : 

«  Lorsqu'un  enfant  a  une  attaque  de  vers,  on  l'étend  sur  une  table, 
autour  de  laquelle  on  aUume  neuf  petites  bougies.  La  principale  actrice  se 
place  aux  pieds  de  l'enfant  et  dit  avec  un  enthousiasme  singulier,  accom- 
pagné de  grimaces  et  de  gestes  extravagants  :  Nau  herniis  qu'a  Job,  de 
nau  que  n'a  trop,  de  nau  hicnguen  a  oueit.  C'est-à-dire  :  «  ce  petit  Job  a 
neuf  vers  ;  il  en  a  trop  de  neut  qu'ils  soient  réduits  h  huit.  »  On  éteint 
ensuite  une  bougie  et  l'on  recommence  la  même  formule  [en  changeant  les 
noms  de  nombre]  avec  les  mêmes  cérémonies,  jusqu'à  ce  que  Job  n'ait  plus 
qu'un  ver.  Pour  lors  on  finit  en  disant  :  Qu'aquet  un  qu*aje  autan  de 
poudè  sur  Job,  coum  a  part  a  la  misso  lou  qui  l'enten  darrè  la  carcra 
niesso.  Cela  signifie  :  «  que  ce  ver  qui  est  le  seul  qui  reste  ait  autant  de 
pouvoir  sur  Job,  que  celui  qui  entend  la  messe  derrière  la  servante  du 
curé  a  de  part  à  ce  sacriûce.  » 

J'ai  suivi  le  texte  servilement  (si  ce  n'est  que  j'ai  corrigé  deux  fautes 
d'impression)  ;  mais  je  déclare  que  je  n'entends  rien  aux  deux  derniers  mots 
gascons,  probablement  fautifs,  carera  niesso,  même  avec  le  secours  de  la 
traduction  vraie  ou  fausse  qu'on  vient  de  lire. 


L.  G. 


(1)  Arch.  not.  Acte  du  10  octobre  1732. 

(2)  Ibid.  Acte  du  12  septembre  1733. 


ETUDE 

SUR 


L'INSTRUCTION   PUBLIQUE 

A,  LECTOXJRE  (•) 


CHAPITRE  VIII 

Déplaceaient  du  cimetière  du  Saint-Esprit  —  Demande  de  reconstruction 
du  collège.  — -  Intervention  de  Mgr  de  Jumilhac,  et  de  l'intendant  Jour- 
net.  —  Députation  à  Auch.  —  Rapport  de  M.  Ricau.  —  Transaction 
entre  la  Communauté  et  les  Doctrinaires. 

Les  luttes  du  Jansénisme  étaient  à  peine  apaisées  que  de 
nouveaux  conflits  allaient  s'élever  entre  la  ville  et  les  Doctri- 
naires au  sujet  de  Pagrandissement  du  collège.  Le  terrain 
occupé  par  eux  était  très  restreint;  ils  étaient  resserrés  entre 
trois  rues  et  le  cimetière  de  la  paroisse  du  Saint-Esprit.  C'est 
de  ce  dernier  côté  qu'ils  voulaient  s'étendre  et,  à  la  date  du 
2i  octobre  1759,  ils  adressaient  la  requête  suivante  aux  con- 
suls de  Lectoure  : 

A  Messieurs  les  Maire,  Consuls  et  communauté  de  la  ville  et  citté 
de  Lectoure. 

Les  Pères  de  la  Doctrine  Chrétienne  ont  Thonneur  de  vous  repré- 
senter, Messieurs,  que  depuis  que  la  ville  les  a  appelés  pour  Téducation 
de  la  jeunesse,  leur  zèle  et  leur  attei^on  ont  été  sans  bornes,  et  la  ville 
s'est  déclarée  dans  toutes  les  occasions  la  protectrice  du  collège  qu'elle 
a  fondé.  Les  supplyants  se  proposent  de  faire  rebâtir  leur  maison  et 
comme  le  terrain  en  est  fort  resserré,  remplacement  qui  sert  de  cime- 
tière à  réglize  du  Saint-Esprit  leur  seroit  fort  utile  et  même  nécessaire 
|x>ur  leurs  classes  et  pour  la  façade  qui  serviroit  îi  la  décoration  de  la 

(•)  Voir  ci-dessus,  p.  209. 


—  316  — 

ville  et  du  collège.  Les  supplyanis  espèrent,  Messieurs,  qu'en  continuant 
de  les  mettre  sous  votre  protection,  vous  voudrez  bien  favoriser  leurs 
projets  et  accorder  un  terrain  suflSzant  dans  la  fausse  braye  (1)  pour  y 
placer  le  cimetière  de  l'églize  du  Saint-Esprit;  et  dans  le  cas  qu'il 
plaise  à  Mgr  Févèque  d'ordonner  la  translation  du  cimetière  dans  la 
fausse  braye,  leur  accorder  l'ancien  cimetière  pour  y  placer  partie  de 
leur  construction.  Les  supplyants  ne  cesseront  de  renouveller  leurs 
vœux  pour  le  bonheur  de  la  ville.  —  Fayard,  de  la  Doctrine  Chré- 
tienne, recteur  du  collège. 

.  La  communaulè,  ayant  égard  à  la  demande  des  Pères, 
décida  que  le  cimeliëre  du  Saint-Esprit  serait  transféré  sur  uu 
terrain  à  prendre  au  midi  depuis  Taquèduc  dit  du  Pourlel  jus- 
qu'à la  porte  des  Carmes,  et  que  l'autorisation  du  déplacement 
étant  obtenue,  ils  pourraient  bâtir  sur  le  cimetière  actuel  uae 
construction  neuve  destinée  à  devenir  leur  église.  Dans  tous 
les  cas,  le  terrain  ne  leur  appartiendrait  que  lorsque  la  cons- 
truction serait  édiflée  (2).  Celte  demande  d'un  agrandisse- 
ment partiel  n'était  qu'une  feinte  pour  arriver  à  une  recons- 
truction complète  du  collège.  Les  Doctrinaires,  trouvant  le^ 
locaux  insuffisants,  mal  bâtis  et  peu  solides,  avaient  consulté 
plusieurs  jurisconsultes  sur  la  valeur  de  leurs  prétentions. 
Ils  ne  communiquèrent  pas  à  la  communauté  l'avis  motivé 
de  leurs  avocats  et  se  contentèrent  de  formuler  leurs  exigen- 
ces sans  aucune  pièce  justificative.  Les  consuls,  prisàrim* 
proviste,  chargèrent  MM.  Gauran  frères,  et  Comin,  échevin, 
de  rédiger  un  mémoire  sur  la  question  soulevée,  sauf  à  le 
soumettre  plus  tard  à  des  personnes  compétentes  (3).  Ils 
voulaient  éviter  un  procès,  mais  ne  purent  y  réussir.  En  effet, 
les  Doctrinaires  les  assignèrqij^t  devant  le  sénéchal  par  exploit 
du  14  octobre  1767  et  les  sommèrent  de  comparaître  devant 
ce  magistrat  pour  s'entendre  avec  eux  sur  la  nomination 

(1)  On  nommait  fausse  braye  la  seconde  enceinte  terrassée  comme  la  première 
et  qui  n'en  était  pas  séparée  par  un  fossé,  mais  dont  le  terre-plein  joignait 
l'escarpe  de  la  première  enceinte  (Littré). 

(2)  Record  du  21  octobre  1759. 

(3)  Record  du  2  mai  1767. 


~  317  ^ 

d'experts  convenus  on  nommés  d^office,  qui  seraient  chargés  de 
visiter  le  collège,  de  décider  s'il  devait  être  reconstruit  ou  réparé, 
et  dans  ce  dernier  cas,  d'indiquer  les  réparations  à  effectuer. 

Cette  assignation  irrita  profondément  les  consuls.  Les  exi- 
gences des  Doctrinaires  leur  paraissaient  excessives  :  non 
seulement  ils  demandaient  la  reconstruction  d'un  établisse- 
ment Mti  depuis  environ  un  siècle  et  qu'ils  prétendaient 
tomber  de  vétusté,  mais  encore  ils  sollicitaient  un  logement 
sûr  et  commode  tant  pour  eux  que  pour  la  tenue  des  classes. 
L'assemblée  communale,  à  titre  de  représailles,  rétracta  aus- 
sitôt la  délibération  du  21  octobre  1759,  en  vertu  de  laquelle 
elle  avait  abandonné  l'ancien  cimetière  du  Saint-Esprit,  et 
elle  envoya  au  contrôleur  général  une  copie  du  contrat  du 
12  octobre  1630  avec  l'assignation  du  14  octobre  1767  (1). 
Son  parti  fut  bientôt  pris;  elle  résolut  de  résister  à  la  préten- 
tion des  Doctrinaires  et  elle  obtint  de  trois  avocats  au  parle- 
ment de  Toulouse  une  consultation  favorable  à  sa  cause.  Cette 
consultation  fut  transmise  à  l'Intendant  de  Guyenne,  sans  l'au- 
torisation duquel  les  consuls  ne  pouvaient  agir,  et  MM.  Gou- 
lard,  juge  criminel,  et  Gauran,  avocat,  furent  chargés  de 
dresser  un  mémoire  destiné  au  contrôleur  général.  Le  but  des 
consuls  était  d'obtenir  de  cet  officier  un  arrêt  d'attribution 
en  vertu  duquel  il  statuerait  sur  le  litige  ou  nommerait  lui- 
même  un  tiers-expert  (2). 

Le  temps  s'écoulait  et  l'Intendant  ne  répondait  pas  plus 
que  le  contrôleur  général,  lorsque  le  12  janvier  1768,  une 
lettre  de  M.  de  Sallenave,  commissaire  du  roi,  les  informa  que 
l'autorisation  d'ester  en  justice  était  refusée  à  la  commu- 
nauté, et  qu'ils  n'avaient  d'autre  ressource  que  de  s'entendre 
amiablement  avec  les  Doctrinaires,  si  la  chose  était  possible. 
Le  médiateur  naturel  était  l'évêque.  Les  échevins,  les  con- 

(1)  Record  du  18  octobre  1767. 

(2)  Record  du  20  décembre  1767.  Les  honoraires  de  la  consultation  des  aTO- 
cats  et  les  frais  du  messager  envoyé  à  Toulouse  ne  s'élevèrent  qu'à  31  livres, 
4  sols. 


—  318  — 

seiUers  de  la  ville  et  le  procureur  du  roi  se  reûdireot  au  palais 
èpiscopal,  où  ils  trouvèrent  Mgr  de  Jumilhac  parfaitement  dis* 
posé  en  leur  faveur.  Ce  prélat  leur  promit  d'employer  tout 
son  crédit  et  son  autorité  pour  ramener  la  paix  entre  la  ville 
et  les  Pères  (1).  Malheureusement  son  intervention  ne  put 
pas  aboutir  (2),  le  supérieur  général  de  la  Congrégation  ayant 
refusé  de  donner  à  ses  confrères  de  Lectoure  les  pouvoirs 
nécessaires  pour  transiger  avec  la  communauté  qui,  étant 
mineure,  ne  pouvait  d'après  lui  valablement  s'engager.  Les 
sentiments  de  bienveillance  de  Tévéque  envers  les  représen- 
tants de  la  cité  étaient  si  connus  que  les  consuls  voulurent 
lui  donner  une  marque  publique  de  leur  reconnaissance.  Il 
fut  délibéré  le  27  mars  1768  et  — 

Par  M.  Corrent,  éohevin,  conclu  et  arrêté  que  MM.  Goulard  de 
Saint-Michel  lieutenant  principal,  Goulard  juge  criminel,  Gauraui 
avocat  et  Corrent  conseiller-échevin,  seroient  députés  pour  remercier 
ledit  seigneur  évèque  des  soins  qu'il  avoit  bien  voulu  se  donner  à  l'oc- 
casion de  ce  dessus;  lui  témoigner  la  douleur  que  ressentoit  la  commu- 
nauté des  circonstances  malheureuses  qui  en  avoient  empêché  le  succès 
et  le  prier  en  même  temps  de  continuer  ses  bontés  à  une  ville  qui 
mérite  toute  sa  protection  par  les  sentimens  de  vénération,  de  confianoe 
et  d'attachement  dont  elle  sera  toujours  pénétrée  pour  sa  personne;  et 
qu'en  outre  l'assemblée  sera  continuée  et  prorogée  à  mardi  prochain 
vingt  neuf  viesme  du  courant,  à  une  heure  de  l'après-midi,  pour,  après 
la  réponse  dudit  seigneur  évêque,  être  délibéré  sur  le  fond  d'une  affaire 
aussi  importante  (3). 

• 

Une  jurade  générale  fut  tenue  en  effet  le  29  mars.  M.  Mal- 
lac^  procureur  du  roi^  flt  un  rapport  sur  les  tentatives  amia- 

(1)  Record  du  12  janvier  1768. 

(2)  Lettre  de  l'intendant  Journet  aux  consuls  de  Lectoure,  datée  de  Paris  le 
17  avril  1768.  Arch.  mun. 

(3)  Record  du  27  mars  1768.  Les  évoques  de  Lectoure  avaient  à  cœur  de  rem- 
plir l'office  de  médiateur  entre  la  commune  et  ses  adversaires  chaque  fois  que 
cet  office  pouvait  être  efficace.  Nous  l'avons  déjà  constaté  lorsque  Hugues  de 
Bar  se  rendit  h  Monlauban  en  1684  pour  intéresser  aux  affaires  de  la  commune 
l'intendant  Urbain  Legoux  de  la  Berchère.  11  refusa  d'être  défrayé  de  ses  dépen- 
ses et  la  ville  le  pria  d'accepter  comme  gage  de  sa  reconnaissance  six  fromages 
de  Roquefort  et  des  truiles  (Record  du  23  décembre  1684). 


—  310  — 

bles  auxquelles  les  députés  de  là  ville  s'étaient  livrés;  il  dit 
que  les  Doctrinaires  avaient  repoussé  tous  les  moyens  de 
pacification  proposés  par  Tintendant  el  qu'ils  voulaient  forcer 
la  ville  à  plaider,  parce  qu'ils  savaient  qu'elle  n'avait  pas  de 
ressources  suffisantes  pour  soutenir  le  procès.  Il  déclara 
néanmoins  qu'il  n'y  avait  pas  lieu  de  se  décourager,  qu'il 
convenait  de  prendre  un  parti  décisif  et  que,  dans  le  cas  ou 
les  Pères  persisteraient  dans  leur  projet  de  résistance,  il  fau- 
drait s'adresser  de  nouveau,  soit  à  l'intendant,  soit  au  secré- 
taire d'Etat  de  la  province,  pour  demander  la  suppression  du 
collège.  Après  cet  exposé  aussi  énergique  que  précis,  la 
Jurade  décida  à  l'unanimité  des  suffrages  : 

Que  rassemblée  persistoit  toujours  dans  ses  précédentes  vues  de  oon- 
cilialion  et  voulant  en  épuiser  tous  les  moyens  par  l'impossibilité  où 
elle  est  de  plaider  et  à  defFaut  des  ressources  à  ce  nécessaires  et  n'ayant 
même  pu  obtenir  à  être  autorisée,  a  révoqué  et  révoque  d'hors  et  déjà 
toutes  délibérations  dans  lesquelles  il  auroit  été  question  de  d^endre 
au  procès  intenté  par  les  Pères  Doctrinaires,  comme  aussy  tous  pou- 
voirs qui  auroient  pu  être  donnés  à  cet  égard,  même  sous  prétexte 
d'obtenir  uniquement  un  délai  pour  attendre  d'être  authorisée,  désa- 
vouant tous  procureurs  et  voulant  que  tout  soit  regardé  nul  et  comme 
non  avenu,  ou  fait  ou  occasionné  par  erreur,  entendant  que  la  dite 
révocation  soit  faite  en  la  meilleure  forme  possible,  protestant  par 
exprès  de  toutes  les  poursuites  qui  seront  faites  au  préjudice  de  ce,  tant 
en  son  nom  qu'en  celui  du  syndic  du  collège;  et  pour  que  le  dit  syndic 
n'en  puisse  prétendre  cause  d'ignorance,  le  présent  délibéré  lui  sera 
signiffié  à  la  requette  de  M.  le  Procureur  du  Roy,  échevins  et  notables, 
et  pareille  signiffication  au  greffe  du  sénéchal  ;  ce  fait,  qu'il  sera  écrit 
à  M.  l'Intendant  pour  luy  faire  toutes  les  représentations  nécessaires 
en  le  supplyant  de  vouloir  bien  interposer  ses  bons  offices  pour  finir  à 
l'amiable  le  procès  en  question,  la  communauté  ayant  déjà  fait  d'avance 
les  démarches  qui  luy  furent  indiquées  par  M.  l'Intendant,  qui  ont  été 
inuttiles  par  le  dessein  formé  de  la  part  des  Doctrinaires  d'obtenir  des 
plus  grands  avantages  en  plaidant  ;  et  cependant,  dans  le  cas  où  la  com- 
munauté verrait  tous  les  moyens  de  paciffication  détruits,  et  que  toute 
espérance  de  conciliation  luy  seroit  olée,  dans  cette  extrémité,  attendu 
qu'aux  termes  de  Tédit  de  1763  concernant  l'administration  des  collèges, 


—  320  — 

ceux  qui  ne  dépendent  point  des  Unirersités  doivent  être  supprimés  en 
partie,  que  le  Roy  ne  s'est  point  encore  expliqué  sur  la  conservation  ou 
suppression  du  collège  de  cette  ville,  quoiqu'il  soit  du  nombre  de  ceux 
dont  l'état  est  incertain  et  par  là  exposé  à  être  supprimé;  c'est  avec 
douleur  qu'elle  se  verra  forcée  dans  les  tristes  circonstances  où  elle  se 
trouve  de  ne  pouvoir  fournir  à  Fentretien  et  reconstruction  du  collège 
dont  l'état  n'est  pas  encore  assuré,  qu'il  luy  deviendroit  môme  onéreux 
et  nuisible  luy  étant  déjà  inuttile  soit  parcequ'il  est  presque  désert,  soit 
parceque  la  ville  est  environnée  à  trois  ou  quatre  lieues  de  distance  de 
plusieurs  collèges  beaucoup  mieux  desservis  que  le  sien,  d'en  demander 
la  suppression  à  la  Cour;  auquel  effet  demeure  arrêté  d'hors  et  déjà 
que  dans  le  cas  que  les  Doctrinaires  poursuivront  le  procès  commencé 
et  qu'ils  se  refuseront  aux  voyes  de  paciffication,  la  communauté  se 
pourveoira  de  suite  par  devant  M.  le  secrétaire  d'Etat  ayant  le  dépar- 
tement de  la  province  pour  demander  qu'il  plaise  à  Sa  Majesté  de  sup- 
primer ledit  collège  tant  à  cause  des  raisons  susdittes  que  de  l'impos- 
sibilité ou  la  communauté  se  trouve  de  l'entretenir  à  perpétuité  et  de  le 
rebâtir  toutes  les  fois  qu'il  plaira  aux  Doctrinaires  de  n'y  faire  jamais 
aucunes  repparations  comme  cy-devant  ils  n'en  ont  jamais  fait,  quoy 
qu'ils  y  fussent  tenus  par  l'acte  de  1630,  les  actes  primordiaux  relatifs 
à  l'établissement  du  collège  ne  se  trouvant  pas  d'ailleurs  revêtus  d'au- 
cune autliorisation  légalle  soit  de  la  part  du  souverain,  soit  de  la  part 
des  magistrats  qui  le  représentent^  laquelle  est  touttefois  indispensable 
pour  rendre  ces  sortes  d'établissements  publics  irrévocables  (1). 

Le  leDdemaiD,  celle  délibération  était  signiûée  aux  Doctri- 
naires par  exploit  de  Gaillau,  huissier  au  sénéchal  (2). 

Les  relations  de  la  ville  et  des  Doctrinaires  étaient  trop 
tendues  pour  durer  longtemps  dans  cet  état.  Les  deux  adver- 
saires au  procès  avaient,  au  fond,  un  intérêt  égal  à  se  faire 
des  concessions  réciproques.  La  ville  tenait  quand  même  à 
garder  un  collège  prospère,  malgré  Texagération  des  termes 
de  la  délibération  du  29  mars,  et  les  Doctrinaires  étaient  pour 
ainsi  dire  liés  à  ce  même  collège  par  les  acquisitions  impor- 
tantes qu'ils  avaient  faites  en  vue  d'une  fondation  considérée 
par  eux  comme  perpétuelle.  Sept  mois  s'écoulèrent  sans  nouvel 

(1)  Record  du  29  mars  1768. 

(2)  Records.  Acte  du  3(fniars  1768. 


^  321  — 

acte  d'hostilité,  gr&ce  à  un  projet  de  médiation  dontrinlendant 
avait  promis  de  prendre  l'initiative,  mais  auquel  il  ne  donna 
pas  une  suite  immédiate.  Ce  magistrat  s'étant  rendu  à  Lec- 
toure  vers  la  fin  du  mois  d'octobre  1768,  les  consuls  le  priè- 
rent de  servir  d'arbitre  entre  eux  et  les  Pères.  Il  répondit  qu'il 
ferait  vérifier  l'état  du  collège  par  des  experts  chargés  d'in- 
diquer les  réparations  à  faire  et  de  décider  qui  devrait  les 
payer;  que  cette  expertise  serait  longue  et  coûteuse  et  qu'il 
vaudrait  mieux,  pour  un  bien  de  paix^  recourir  de  nouveau  à 
l'intervention  de  l'évêque,  si  celui-ci  voulait  toutefois  s'en 
charger.  La  démarche  était  délicate  après  le  précédent  échec 
du  prélat;  M.  Journet  s'engagea  à  lui  en  parler  lui-même 
avant  toute  action  directe  des  consuls.  Sur  la  réponse  favora- 
ble de  l'évêque,  MM.  de  Gauran,  vicaire  général,  de  Goulard, 
lieutenant   criminel,   Goulard  de   Saint-Michel,   lieutenant 

• 

principal,  et  Gauran,  avocat,  se  rendirent  auprès  de  Mgr  de 
Jumilbac  et  l'assurèrent  que  la  ville  s'en  rapporterait  à  sa 
décision  (i).  Le  prélat  échoua  comme  précédemment  dans  sa 
tentative  de  conciliation  ;  car,  plus  les  consuls  penchaient  vers 
la  transaction,  plus  les  Doctrinaires  se  montraient  exigeants. 
Dans  les  premiers  jours  du  mois  de  mars  1769,  ils  adressaient 
une  requête  à  l'Intendant,  et  celui-ci,  en  la  transmettant  aux 
consuls,  leur  demanda  d'y  répondre  (2). 

La  Jurade  se  réunit  le  18  mars  et,  après  la  lecture  de  la 
requête  ci-dessus,  M.  Mallac,  procureur  du  Roi,  s'éleva  vive- 
ment contre  les  prétentions  qui  y  étaient  formulées.  C'est 
en  vain,  dit- il,  que  les  doctrinaires  prétendent  avoir  soigneu- 
sement entretenu  le  collège,  tandis  que  d'après  la  notoriété 
publique  ils  n'y  ont  jamais  fait  aucune  réparation;  c'est  à 
leur  négligence  seule  qu'il  faut  attribuer  l'état  de  délabrement 
de  la  maison;  c'est  dans  ces  conditions  qu'ils  osent  demander 
une  reconstruction  complète  sur  de  nouveaux  plans  dressés 

(1)  Record  du  2  noyembre  1768. 

(2)  Arch.  mim.  Lettre  du  14  mars  1769. 


par  des  ingénieurs,  alors  que  la  commune  pourrait  tout  au 
plus  être  tenue  des  travaux  de  consolidation  à  effectuer  sur 
les  bâtiments  primitifs  et  non  sur  ceux  qu'ils  ont  acquis  en 
leur  nom  personnel;  les  Pères  doivent  se  contenter  du  col- 
lège tel  qu'il  a  été  accepté  par  leurs  devanciers;  s'ils  veulent 
a  un  bâtiment  neuf  et  à  la  moderne  » ,  ils  n'ont  qu'à  le  faire 
construire  à  leurs  frais,  et  la  commune  leur  cédera  la  propriété 
du  terrain  et  des  vieux  matériaux;  si  ces  propositions  ne  leur 
conviennent  pas,  ils  n'ont  qu'à  se  retirer  et  ils  seront  dégagés 
de  l'obligation  de  régir  le  collège.  Sur  cet  exposé,  la  jurade 
décide  que  la  ville  fera  réparer  et  consolider  les  bâtiments 
originairement  concédés,  sans  nouveau  plan  et  sans  exper- 
tise, se  chargeant  de  payer  toutes  les  réparations  malgré 
le  recours  en  garantie  qu'elle  serait  en  droit  d'exercer 
contre  les  Doctrinaires  ;  que  la  ville  veut  être  généreuse  envers 
eux,  mais  que  si,  dans  le  délai  d'un  mois,  il  n'acceptent  pas 
la  décision  municipale,  ils  seront  remplacés.  Cette  délibéra- 
tion leur  fut  notifiée  dès  le  lendemain.  L'Intendant  Journet 
en  reçut  aussi  une  copie  et  il  fut  prié  de  s'intéresser  au  sort 
de  la  ville,  qui  ne  pouvait  se  prêter  aux  exigences  des  Pères 
sans  savoir  si  le  collège  serait  supprimé  ou  maintenu  et  sans 
se  mettre  dans  l'impuissance  d'acquitter  ses  charges  pour  les 
besoins  de  l'Etat  (i). 

Le  syndic  du  collège  de  Lectoure  ne  tint  aucun  compte  de 
la  délibération  communale  et  refusa  d'accepter  les  offres  de 
la  ville.  11  adressa  au  mois  de  juin  suivant  une  nouvelle 
requête  à  l'Intendant  et  celui-ci  la  communiqua  aux  consuls 
par  l'intermédiaire  de  M.  Dufau,  son  subdélégué.  Ceux-ci  décla- 
rèrent que  tout  ce  qu'elle  contenait  était  «  supposition  et  faux 
raisonnements  »  ;  ils  se  référèrent  aux  propositions  déjà  faites 
et  déclarèrent  que  pour  couper  court  «  aux  tracasseries  des 
Pères  et  prévenir  une  plus  longue  discussion  » ,  ils  s'adresse- 

(1)  Record  du  18  mars  1769.  Cette  délibération  fut  signifiée  le  19  au  syndic  du 
collège  par  Caillau,  huissier  royal.  (-\rcb.  mun.) 


—  323  — 

raient  au  Ministre^  afin  de  pour  voiran  rem  placement  des  Doc- 
trinaires (1). 

Cependant  la  ville  était  assignée  devant  le  sénéchal;  elle 
fil  rédiger  un  mémoire,  qu'elle  envoya  à  MM.  de  Jolis  et  Dési- 
rât {^),  avocats  au  parlement  de  Toulouse,  désignés  par 
M.  Journet  pour  donner  leur  avis,  et  elle  demanda  Tautorisa- 
tton  de  se  défendre  en  justice  (3).  Elle  chargea  en  même  temps, 
pour  parer  au  plus  pressé.  M'  François  Carbonau,  postulant 
en  la  cour  sënéchale,  de  la  représenter  «  en  toutes  réquisi- 
»  tions  et  actes  utiles  à  ses  intérêts  » ,  quoique  son  mandat 
fut  limité  à  la  demande  d'un  sursis  (4).  Sur  ces  entrefaites, 
M.  Journet  mécontent  de  ce  que  la  ville  avait  agi  sans  son 
assentiment  préalable,  écrivit  le  12  juillet  aux  consuls  quMI 
désavouait  leurs  démarches,  que  leurs  prétentions  lui  parais- 
saiemt  douteuses,  qu'en  cet  état,  il  ne  les  autoriserait  pas  à 
intenter  une  action  judiciaire,  mais  que  s'ils  persistaient  à 
vouloir  plaider  malgré  lai,  il  ferait  examiner  les  bâtiments  et 
requerrait  un  procès- verbal  de  visite  par  experts.  Comme 
conclusion,  il  engageait  les  consuls  à  transiger.  Ceux-ci  lui 
écrivirent  aussitôt  pour  lui  demander  une  nouvelle  médiation 
et  le  prier  aussi  d'engager  les  Doctrinaires  à  surseoir  à  toute 
nouvelle  poursuite.  M.  Journet  leur  répondit  d'Aucb  le  48 
juillet  4769: 

Il  ne  m'est  pas  possible,  Messieurs,  de  répondre  en  détail  à  la  lettre 
que  vous  m'avez  écrit  au  sujet  de  votre  affaire  avec  les  Pères  Doctri- 
naires; je  pense  cependant  que  le  parti  que  vous  vous  proposez  de 
prendre  serait  le  meilleur  pour  terminer  vos  différends.  Le  P.  Recteur 
qui  s'est  trouvé  ici  au  moment  que  j'ai  reçu  votre  lettre  m'a  paru  dis- 
posé à  suspendre  ses  poursuites  jusqu'à  ce  qu'on  eut  tenté  de  trouver 
des  moyens  de  vous  concilier.  Il  faudroit  que  quelqu'un  de  vous,  Mes- 
sieurs, vint  conférer  avec  moi  là-dessus;  je  vous  ferais  part  de  mes 
idées,  et  si  elles  étaient  du  goût  de  votre  communauté,  il  seroit  aisé 

(1)  Record  du  13  juin  1769. 

IZ)  Cette  constdtation  coûta  27  livres,  et  le  transport  du  dossier  10  livres. 

(3)  Record  du  3  juillet  1769. 

(4)  Record  du  16  juillet  1769. 


—  324  — 

ensuite  de  faire  procéder  aux  opérations  nécessaires  pour  cet  accomo- 
dement.  Vous  pourriez  charger  celui  qui  viendroit  me  parler  de  m'in- 
diquer  les  architectes  que  vous  croiriez  propres  à  la  vériffication  du 
collège  pour  que  je  puisse  juger  s'il  convient  de  les  en  charger.  Je 
suis Signé  JouRNET. 

M.  Goulard  de  Saint-Michel^  lieutenaDt  principal,  fut  chargé 
d'aller  à  Auch  pour  défendre  les  intérêts  de  la  communauté; 
mais  son  âge  avancé  ne  lui  permit  pas  de  remplir  cette  mis- 
sion et  il  fut  remplacé  par  MM.  Ricau,  avocat,  et  Descamps, 
docteur  en  médecine.  Une  absence  de  M.  Journet  ayant 
retardé  l'entrevue,  les  délégués  lectourois  ne  purent  se  ren- 
dre devant  lui  que  dans  les  premiers  jours  de  décembre  (1). 
Le  P.  Dordé,  recteur  du  collège,  s'y  trouva  aussi  et  exposa 
ses  prétentions  dans  les  termes  suivants,  tels  qu'ils  résultent 
du  rapport  de  la  députation  : 

M.  le  Recteur  du  collège  a  d'afoord  été  admis  la  veille  à  expliquer  ses 
demandes  et  prétentions,  qui  consistent  à  ce  que  la  ville  soit  tenue  à 
réparer  et  reconstruire  le  collège,  et  cela  non  sur  ses  plans  et  forme 
actuels  qu'il  regarde  comme  peu  décents  relativement  au  temps,  mais 
sur  des  nouveaux  plans  plus  décents  et  aux  moindres  frais  que  faire  se 
pourra  ;  qu'à  cet  eflEet  on  laisse  en  oultre  subsister  la  déhbération  qui 
contenait  concession  du  cimetière,  et  que  la  ville  se  charge  des  frais  de 
la  translation  des  ossemens  et  de  la  clôture  du  nouveau.  Il  est  fondé 
sur  les  raisons  contenues  dans  les  consultations  communiquées  à  vos 
prédécesseurs;  que,  parla  fondation  de  1630  et  Taccordde  1641,  ils  ne 
sont  tenus  qu'à  entretenir  et  à  répai'er  l'édifice  et  non  à  le  reconstruire 
lorsqu'il  tombe  par  vétusté  comme  il  arrive,  ajoute-t-il,  dans  ce  cas; 
que  puisque  l'édifice  reviendrait  à  la  ville  si  par  quelque  accident  leur 
Congrégation  venait  à  cesser  de  pouvoir  faire  le  service  convenu,  ils 
ne  peuvent  être  regardés  comme  propriétaires,  mais  comme  simples 
usufruitiers  qui  ne  sont  jamais  tenus  à  reconstruction  de  ce  qui  tombe 
par  vétusté,  la  dépérition  de  la  chose  |étant  sur  le  compte  du  proprié- 
taire ;  que  dans  cette  position  de  nécessité  de  construire,  il  ne  seroit 
pas  proposable  de  le  faire  dans  la  forme,  sur  les  plans  et  les  dimen- 

(1)  Records  des  23  juillet  et  29  octobre  1769.  Lettres  de  l'intendant  Journet 
aux  consuls  de  Lectoure,  en  date  des  22  juillet  et  13  octobre  1769.  Lettre  des 
consuls  à  M.  Journet,  du  2  novembre  1769.  (.\rch.  mun.) 


sions  du  collège  actuel  ou  les  chambres  sont  petites,  basses,  et  étroites, 
les  ouvertures  insuffisantes^  sans  ordre  ny  symétrie,  ce  qui  rend  tout 
rédifiee  incommode,  moins  salutaire  pour  la  santé,  <  moins  propre  à 
favoriser  la  liberté  d'esprit  et  la  force  de  corps  nécessaire  à  des  gens  de 
letti*es;  qu'en  bâtissant  ainsi  à  neuf,  ils  ne  peuvent  faire  moins  que 
d'avoir  au  rez  de  chaussée  six  classes,  une  préfecture,  une  salle  d'exer- 
cices, un  reffectoire,  une  cuisine  et  une  souillarde,  outre  la  chapelle, 
la  sacristie  et  une  chapelle  des  artisans;  que  pour  le  logement,  il  leur, 
faut  six  chambres  pour  les  régents,  une  avec  un  cabinet  pour  le  rec- 
teur, deux  pour  un  preffet  et  un  surnuméraire,  deux  pour  le  provin-  • 
cial  et  son  assistant  ou  pour  des  étrangers  lorsqu'il  en  vient,  une  pour 
le  frère  et  une  infirmerie,  ce  qui  fait  en  tout  le  nombre  de  douze  pièces 
décentes  et  raisonnables,  et  que  c'est  aussi  ce  qu'ils  demandent  leur 
être  accordé. 

Les  délégués  répondirent  à  ces  prétentions  en  droit  et  en 
fait.  Nous  ferons  grâces  des  raisons  de  droit  toujours  arides 
et  tirées  d'Heineccius,  de  Loyseau,  de  Pothier  et  de  l'appli- 
cation de  la  maxime  causa  data,  causa  non  secuta.  En  fait^ 
ils  déclarèrent  que  le  mauvais  état  des  bâtiments  provenait 
soit  du  défaut  d'entretien,  soit  de  la  malfaçon,  dont  les  Pères 
étaient  responsables,  puisqu'aux  termes  de  la  transaction  de 
1641  ils  s'étaient  chargés  de  l'exécution  des  bâtisses. 

Pour  s'en  convaincre,  dit  M.  Descamps,  il  n'y  a  qu'à  suivre  l'ins- 
pection de  quelques  parties;  les  arceaux  au  devant  des  classes  sont 
trop  faibles  dans  leurs  jambages  et  dans  l'encoignure  qui  devait  retenir 
la  poussée;  que  l'escalier  est  une  partie  qu'ils  rebâtirent  à  neuf,  ainsi 
qu'il  résulte  non  seulement  par  l'inspection  et  par  sa  différence  avec 
le  reste,mais  encore  par  les  armoiries  et  l'inscription  qu'ils  ont  mise 
sur  le  portail  et  par  une  autre  inscription  qui  est  au  bout  de  la  pre- 
mière rampe  que  nous  avons  vériffié,  portant  la  date  de  Tannée  1646; 
que  cependant  cette  partie  est  la  plus  ruyneuse  et  la  plus  dangereuse  de 
toutes,  ce  qui  ne  peut  évidenunent  provenir  que  de  mauvaise  construc- 
tion et  qu'un  édifice  bâti  à  neuf  pour  durer  à  perpétuité  doit  durer 
beaucoup  au-delà  de  cent  vingt-trois  ans  ;  que  nous  avons  remarqué 
pareil  vice  de  construction  dans  la  chapelle;  qu'au  lieu  de  bâtir  cette 
partie  à  neuf  comme  le  portaient  les  deux  actes  de  1630  et  1641 ,  les 
Doctrinaires  se  sont  contentés  de  lier  et  de  rajuster  d'anciens  édifices 
Tome  XXX.  %i 


--  326  ~ 

nsi  qu'on  le  voit  par  les  traces,  les  portes  masquées  et  les  ouvertu  • 
res  qui  paraissent  encore,  et  que  pour  y  donner  plus  d'élévation  on  a 
fait  un  surhaussemeut  sur  ces  vieux  murs  reliés  qui  n'étaient  pas  en 
état  de  supporter  cette  charge,  en  sorte  qu'il  n'est  pas  bien  surprenant 
qu'après  cet  espace  de  temps  le  surcroît  penche  et  se  déjette. 

  la  suite  de  ces  explications,  rintondant  prit  la  parole  et 
dit  que,  s'occupanl  de  cette  affaire  «  comme  père  de  la  com- 
munauté »  et  dans  un  but  de  conciliation,  il  laisserait  de 
côté  les  questions  de  droit  et  jugerait  la  question  litigieuse 
d'après  les  convenances  et  Téquité.  Il  résuma  la  demaade 
des  Doctrinaires  qui,  d'après  le  P.  Recteur,  consistait  — 

En  ce  qu'il  fût  fait  un  collège  à  neuf  sur  des  plans,  des  dimen- 
sions et  un  goût  différent,  plus  honnête  et  plus  commode,  en  deux 
ailes  et  un  corps  de  logis  sur  une  cour  raisonnable,  avec  le  nombre  de 
pièces  que  nous  avons  déjà  détaillé,  et  d'y  contribuer  de  leur  pouvoir, 
demandant  aussi  que  la  ville  y  contribue  de  son  côté,  puisque  indépen- 
damment que  ce  sera  un  surcroît  de  décoration  pour  elle,  le  collège 
au  fond  est  aussy  pour  son  utilité  et  pour  l'éducation  de  ses  citoyens. 

Le  P.  Recteur  demandait  d'abord,  pour  Pexécution  de  ces 
travaux  une  somme  de  50, 000  livres,  qu'il  réduisit  bientôt  à 
18,000  et  à  15,000  livres;  les  délégués  municipaux,  dont  le 
mandat  était  limité  et  qui  ne  pouvaient  promettre  que  4,000 
livres,  se  trouvaient  dans  un  extrême  embarras  et  ne  savaient 
quel  parti  prendre,  lorsque  l'Intendant  mît  fm  à  la  discus- 
sion. Il  déclara  au  P.  Recteur  qu'il  ne  le  croyait  pas  fondé  à 
exiger  de  la  ville  la  construction  d'un  collège  sur  de  nou- 
veaux plans;  que,  d'un  autre  côté,  s'il  demandait  la  réédiflca- 
tien  du  collège,  c'est  qu'il  ne  le  croyait  pas  solide  ;  que  la  ville 
pourrait  tout  au  plus  contribuer  à  cette  dépense  à  cause  de 
la  décoration  et  de  l'embellissement  qui  en  résulterait  pour 
elle.  Il  ajouta  que,  d'après  lui,  la  ville  devait  concourir  aux 
frais  de  la  reconstruction  jusqu'à  concurrence  du  chiffre  total 
des  réparations  qu'aurait  nécessitées  le  collège  actuelsi  on  avait 
pu  le  conserver,  pluâ  un  tiers  en  sus  dudit  total  à  titre  d'in* 


\ 


—  327  — 

demnité.  C'est  sur  ces  bases  que  le  résullal  de  la  conférence 
fui  rédigé,  en  présence  de  M.  Journet,  dans  les  termes  sui- 
vants et  sous  forme  de  simple  projet  n'engageant  déflniti- 
vemenl  aucune  des  parties  contractantes  : 

I-  La  communauté  baiUera  aux  Doctrinaires  ce  à  quoy  sera  estimé 
le  montant  des  reconstructions  et  des  réparations  grosses  et  menues 
qui  sont  à  faire  au  coUëge  dans  la  partie  donnée  par  la  ville  pour  la 
mettre  en  état  de  solidité  relativement  à  sa  disposition  originaire  et  sans 
rien  changer  à  ses  plans,  forme  et  dimension  ;  —  et  qu'en  outre,  en 
considération  de  la  construction  dans  le  nouveau  goût  et  des  aug- 
mentations qu'ils  veulent  faire,  il  leur  sera  baillé  le  tiers  en  sus  dudit 
montant  des  réparations  et  reconstructions  cy-dessus  exprimées;  et 
que  Testimation  en  sera  faite  par  M.  Bourgeois,  ingénieur  de  la  ville 
d' Auch  ; 

II.  La  ville  renouvellera  aux  Doctrinaires  la  concession  qu'elle  leur 
avoit  faite  du  cimetière  et,  si  la  translation  est  accordée  par  les  supé- 
rieurs, la  comniunauté  faira  les  frais  du  transport  des  ossements  et 
ceux  de  la  clôture; 

III.  Il  sera  pris  des  mesures  dans  un  accord  ou  dans  un  jugement 
de  justice  pour  faire  déclarer  que  la  propriété  du  collège  appartient  aux 
Doctrinaires,  et  dans  la  suite,  la  ville  ne  pourra  plus  être  actionnée 
pour  cause  de  réparations  ny  même  de  reconstruction  provenant  de 
vétusté  et  elles  seront  à  la  charge  des  Doctrinaires. 

Après  la  lecture  de  ces  divers  actes  et  le  rapport  de  M.  Ri- 
cau,  M.  Devâux,  juge  mage  présidant  la  Jurade,  s'exprima 
ainsi  : 

Le  rapport  que  vous  venés  d'entendre  n'a  peu  que  vous  faire  con- 
noitre  que  vous  ne  pouviez  confier  les  intérêts  de  la  communauté  à 
des  mains  ni  plus  sages  ni  plus  habilles,  elles  ont  sagement  pesé  sur  Tutil- 
Hté  d'uB  coUege  dans  cette  ville  et  sur  le  danger  qu'il  y  auroit  de  cher- 
cher ce  même  secours  dans  des  mains  étrangères  et  moins  connues  : 
si  ces  avantages  se  faisoient  moins  sentir,  je  pourrois  vous  dire  encore 
que  c'est  parmy  ses  élèves  que  l'Eglise  trouve  de  pieux  ministres, 
la  magistrature  des  magistrats  éclairés,  le  barreau  des  zellés  deflfen- 
^urs  de  l'innocence,  des  droits  et  de  la  justice  ;  l'éducation  de  la 
jeunesse  répand  ses  avantages  dans  tous  les  corps  de  l'Etat,  et  tandis 
qu'à  la  faveur  de  ces  trézors  un  citoyen  efface  les  traces  d'une  nais- 


—  328  — 

sance  obscure^  l'autre  donne  un  nouvel  éclat  à  l'ancienneté  de  la  sienne, 
et  que  sy  enfin  de  sy  précieux  avantages  ont  été  dans  les  jours  d'agi- 
tation envisagés  avec  indifférance,  le  vrai  citoyen  a  dû  toujours  les 
regarder  comme  très  prétieux.  C'est  aussy  sous  ce  point  de  veue  que 
M^  l'Intendant  a,  par  la  sagacité  de  ses  lumières,  concillié  les  intérêts 
de  la  communauté  et  des  Pères  de  la  Doctrine  Chrétienne  et  remply 
les  vœux  du  public;  motifs  pressants  qui  augmenteroient^  s'il  est  possi- 
ble, les  sentiments  de  reconnaissance,  de  respect  et  de  confiance  qui 
lui  sont  dûs  à  tant  de  titres.  Vous  ne  devez  pas  aussy  oublier  le  zelle 
et  les  soins  que  MM.  les  députtés  se  sont  donnés  pour  prêter  aux  droits 
de  la  communauté  toute  la  force  que  le  zèle  et  l'érudition  lui  ont  procuré. 

Âpres  ce  discours,  qui  parut  sans  doute  forl  entrainanl, 
la  Jurade  ratifla  les  actes  de  ses  mandataires,  ordonna  que  leur 
rapport  et  les  articles  dressés  en  présence  de  l'Intendant 
seraient  inscrits  sur  ses  registres.  Elle  chargea  en  outre 
M.  Bourgeois,  ingénieur  désigné  par  M.  Journet,  de  dresser, 
sous  le  contrôle  de  MM.  Ricau,  Descamps,  Brocona  et  Bloys- 
Monbrun,  conseillers  de  ville,  Pétat  estimatif  des  réparations 
qui  devraient  être  faites  pour  remettre  le  collège  dans  sa  foirae 
primitive,  et  les  uns  et  les  autres  étaient  autorisés  à  s'assurer, 
le  cas  échéant,  du  concours  de  M.  Mazenq,  architecte  (1). 

Il  semblait  que  Taccord  convenu  dans  le  cabinet  de  Tin- 
tendant  Journet  mettrait  enfln  un  terme  aux  difficultés  pen- 
dantes depuis  trop  longtemps  entre  la  commune  et  les  Doc- 
trinaires. Il  n'en  fut  rien  cependant  ;  le  conseil  supérieur  de 
la  Congrégation  refusa  de  le  ratifier  et,  à  la  date  du  46  mai 
1770  (2),  les  consuls  furent  assignés  devant  le  sénéchal,  on 
jugement  de  défaut  fut  même  rendu  contre  eux  le  30  septem- 
bre (5)  et  le  3  novembre  suivant  les  Doctrinaires  leur  firent 
signifier  un  acte  par  lequel  ils  demandaient, 

En  attendant  la  reconstruction  du  collège  et  en  cas  qu'il  croule,  une 
maison  convenable  et  solide  pour  habiter  et  continuer  les  exercices 


(1)  Record  du  6  décembre  1769. 

(2)  Record  du  16  mai  1770. 

(3)  Record  du  30  septembre  1770. 


—  329  — 

classiques  qu'ils  vont  suspendre  et  se  tenir  dispersés  dans  les  collèges 
voisins,  prêts  à  se  rendre  cependant  dès  qu'ils  auront  été  pourvus  d'une 
maison  solide  et  convenable,  et  protestent  de  tout  refus  ou  délai,  notam- 
ment de  leur  pension,  et  sans  préjudice  de  l'instance  pendante  à  cet 
égard. 

La  Jurade  répondit  à  celle  menace  que  les  Pères  ayant 
suspendu  leurs  classes,  MM.  Goulard  de  Saint-Michel  et  Chas- 
teoet  de  Puységur  seraient  députés  vers  M.  Journet  pour  lui 
demander  une  fois  de  plus  sa  médiation  et  renvoi  de  profes- 
seurs nouveaux,  jusqu'à  la  solution  du  procès  à  Tamiable  ou 
par  justice  (1).  L'Intendant,  toujours  bienveillant,  écrivit  le 9 
janvier  4771  aux  consuls  quMl  se  chargerait  très  volontiers  de 
régler  le  différend  et  il  engagea  la  commune  à  lui  envoyer  un 
mandataire  le  14  du  même  mois. 

M.  de  Puységur  fui  désigné  pour  remplir  cette  mission  et 
les  pouvoirs  les  plus  étendus  lui  furent  donnés,  sous  la  condi- 
tion que  les  Doctrinaires  rouvriraient  incessamment  leurs  clas- 
ses (2).  Le  P.  Lafont,  recteur  du  grand  séminaire  de  Con- 
dom,  et  le  P.  Dordé,  recteur  du  coUège  de  Lectoure,  arbitres 
de  la  Congrégation,  se  réunirent  le  14  janvier  avec  M.  de  Puy- 
ségur dans  le  cabinet  de  Tin  tendant,  et  le  surlendemain  ils 
signèrent  la  transaction  suivante  : 

Entre  messire  Jacques  de  Chastenet  de  Puységur,  habitant  à  Le<î- 
toure,  procureur  fondé  de  la  communauté  dudit  Lectoure,  par 
délibération  du  13  janvier  courant  duement  controUée  le  14  suivant, 
l'extrait  signé  Bouchât  secrétaire  greffier,  d'une  part;  —  et  le  Révé- 
rend père  Joseph  Lafont,  recteur  au  séminaire  de  Condom  et  curé 
de  Sainle-Eulalie  dudit  Condom,  et  le  Révérend  père  Jean-Baptiste 
Dordé,  recteur  du  collège  de  laditte  ville  de  Lectoure,  doctrinaires  de 
la  province  de  Toulouse,  procureurs  fondés  par  acte  du  5  décembre 
dernier  retenu  par  Corail,  notaire  de  Toulouse,  duement  controUé  le 
même  jour,  représenté  en  original  parlesdits  Révérends  pères,  d'autre 


(1)  Fiecord  du  11  novembre  1770,  signifié  le  24  du  même  mois  au  P.  Larri- 
beau,  syndic  du    collège. 

(2)  ïlecord  du  13  janvier  1771. 


—  330  — 

part  (1)  ;  —  a  été  convenu,  sous  mutuelles  stipulations  et  aooeptations, 
ce  qui  suit  : 

Par  lesquelles  parties  a  été  dit  que,  par  acte  du  12  octobre  1630  retenu 
par  M*»  de  Bégué,  notaire  royal  de  Lectoure,  il  fut  établi  un  collège 
dans  la  ditte  ville  pour  l'éducation  de  la  jeunesse  dont  les  Pères  doctri- 
naires dévoient  prendre  soin  ;  qu'à  cet  effet  la  communauté  céda  à 
perpétuité  aux  Révérends  pères  doctrinaires  pour  leur  logement,  habi- 
tation et  construction  qu'il  con viendroit  faire  tant  du  dit  collège  que  d'une 
chapelle,  les  bâtiments  et  maisons  dans  lesquelles  les  anciennes  classes 
et  logements  des  régents  étaient  ordinairement,  au  quartier  de  Reillas, 
paroisse  du  Saint-Esprit,  dans  l'enceinte  de  ladite  ville,  ensemble  la  place 
vuide  où  l'ancienne  église  du  Saint-Esprit  était  bâtie,  sous  les  limites  et 
confrontations  désignées  dans  ledit  acte;  et  ce  bail  fut  fait  aux  chaires, 
clauses  et  conditions  portées  par  le  même  acte,  en  exécution  duquel  les 
révérends  pères  Doctrinaires  ont  dirigé  ledit  collège  et  ont  pris  le  soin  de 
l'éducation  de  la  jeunesse  par  les  écoles  ou\ertes;  postérieurement  les 
Révérends  pères  ont  prétendu  que  le  logement  du  collège  étoit  eu  très 
mauvais  état,  qu'il  étoit  susceptible  de  différentes  réparations  indispen- 
sables qui  augmentoient  journellement  et  que  le  tout  étoit  à  la  charge 
de  ladite  communauté  de  Lectoure,  du  moins  pour  les  grosses  répara- 
tions qui  sont  en  nombre.  Sur  ce  fondement  ils  auroient  assigné 
ladite  communauté  devant  le  Sénéchal  de  Lectoure  pour  s'y  voir 
condamner  à  faire  réparer  incessamment  le  dit  collège,  où  l'instance 
est  actuellement  pendante.  Et  pour  rendre  leur  demande  plus  sérieuse, 
ils  auroient  fermé  les  classes  et  cessé  l'instruction  de  la  jeunesse,  à 
cause  du  danger  imminent  que  menace  le  dit  collège  de  toutes  parts. 
.  Cette  instance  ainsi  formée  a  donné  lieu  à  ceilains  débats  entre  la 
Communauté  et  les  dits  Révérends  Pères  Doctrinaires,  qui,  sous  le 
bon  plaisir  de  M«^  de  Journet,  intendant  de  la  généralité  d'Aucli,  qui 
a  vu  avec  peine  que  la  jeunesse  était  privée  de  l'éducation  si  néccs&ûre 
pour  les  Belles-Lestres,  a  exhorté  toutes  parties  à  se  rapprocher  de  la 
concilliation,  et  par  une  déférence  respectueuse  pour  ses  représentations, 
toutes  parties  ont  déterminé  de  se  régler  ainsi  que  s'ensuit  : 

ARTICLE  I.  —  Lesdittes  parties,  en  approuvant  la  narrative  ci-dessus 
et  en  vertu  des  pouvoirs  à  elles  donnés,  ont  i-enoncé  au  susdit  procès, 

(I)  Cette  procuration  est  signée  par  les  PP.  Joseph  Etienne  Dumas,  ?up<' rieur 
provincial  de  la  Congrégation  de  la  Doctrine  chrétienne  i)our  lu  proince  de  Tou- 
louse; Pierre  Durasse,  ex-provincial  immédiat,  Jean  Honncfon,  ox-proviucial 
médiat  et  conseiller  de  province,  Michel  Dubouscat,  recteur  de  la  maison  tl»" 
SaintrRome,à  Toulouse,  et  Jean  Castaing,  maitre  des  novices  et  cousciUer  adjoint. 


—  331  — 

ses  circonstances  et  dépendances,  avec  promesse  de  n'y  donner  à  Ta- 
venir  aucune  suitte  directement  ny  indirectement,  à  peine  de  tous  dé- 
pens, dommages  et  intérêts; 

ARTICLE  II  —  Il  est  convenu  quelesdits  Révérends  Pères  promettent 
et  s'obligent  de  faire  réédifier  à  neuf  les  bâtiments  du  susdit  collège 
dans  Templassement  qui  leur  fut  baillé  par  le  susdit  acte  du  12  octobre 
1630,  dans  lequel  est  toujours  la  place  vuide  où  l'ancienne  église  parois- 
siale ou  St-Esprit  étoit  battie,  la  ditte  communauté  cédant  en  tant  que 
besoin  pourroit  être  auxdits  Révérends  Pères  tous  les  droits  et  préten- 
tions qu'elle  auroit  pu  exercer  sur  laditte  place  vuide  qui  est  actuel- 
lement le  cimeti^  de  Téglise  du  Saint-Esprit,  sauf  à  ladite  com- 
munauté à  procurer  à  ses  frais  et  dépens  un  autre  cimetière  à  laditte 
paroisse  ; 

ARTICLE  III  —  Et  en  considération  de  la  nouvelle  réédiffication  que 
lesdits  Révérends  Pères  seront  tenus  de  faire  faire  à  leurs  frais  et 
dépens,  laditte  communauté  promet  et  s'oblige  de  leur  payer  une  fois 
seulement  la  somme  de  douze  mil  livres  aux  termes  et  pactes  seront  fixés 
par  l'arrêt  du  Conseil  qui  en  permettra  l'imposition  et  en  authorisera 
l'emploi,  et  de  laditte  somme  de  douze  mil  livres  une  fois  payée  entre 
les  mains  des  Recteur  et  syndic  dudit  collège  de  Lectoure,  lesdits 
Révérends  Pères  Doctrinaires  ne  pourront  rien  plus  prétendre  ni  de- 
mander à  laditte  communauté  pour  les  dépenses  qu'ils  auront  fait  à 
raison  de  la  ditte  réédiffication;  mais  il  leur  sera  libre  d'utiliser  des 
matériaux  des  bâtimens  actuels  qu'ils  pourront  employer  à  la  nouvelle 
construction,  laquelle  nouvelle  construction  sera  faite  et  parachevée 
dans  trois  ans  à  compter  du  premier  payement  qui  leur  sera  fait  en 
déduction  de  laditte  somme  de  douze  mil  livres  ; 

ARTICLE  IV  —  Et  attendu  que  ledit  collège  est  actuellement  vaquant, 
il  est  convenu  que  lesdits  Révérends  Pères  seront  tenus,  comme  s'o- 
bligent, de  rouvrir  les  classes  et  continuer  leurs  instructions  pour  l'éduca- 
tion de  la  jeunesse  à  compter  de  la  première  semaine  du  Carême  pro- 
chain et  continueront  ainsi  leurs  instructions.  Comme  aussy  est  con- 
venu qu'à  compter  du  jour  que  lesdits  Révérends  Pères  Doctrinaires 
commenceront  à  faire  démolir  les  bâtimens  actuels  dudit  collège, 
la  communauté  de  Lectoure  sera  tenue  de  leur  fournir  à  ses  frais  et 
dépens  un  local  le  plus  convenable  pour  les  classes  et  un  logement 
décent  pour  les  régens,  et  ce  jusques  à  ce  ^e  le  nouveau  bâtiment  soit 
logeable  ; 

ARTICLE  v  —  Au  surplus,  Ics  parties  veulent  et  entendent  que  le  sus- 


—  332  — 

dit  acte  du  12  octobre  1630  sorte  son  plein  et  entier  effet;  et  moyennant 
tout  ce-dessus,  le  susdit  procès  demeurera  pour  transigé,  comme  non 
advenu  et  de  nul  effet  et  dépens  compensés  ;  promettant  lesdites  par- 
ties de  rédiger  le  présent  en  acte  public  à  la  première  réquisition  qui 
en  sera  faite  de  l'une  à  l'autre  des  parties,  après  qu'elles  auront  obtenu 
l'arrêt  du  conseil  qui  les  authorisera  à  rédiger  le  présent  en  acte  public 
et  permettant  l'imposition  de  laditte  somme  de  douze  mil  livres,  le 
quel  arrêt  du  Conseil  sera  poursuivi  à  frais  communs  entre  la  com- 
munauté et  lesdits  Révérends  Pères,  ce  qui  sera  ainsi  pratiqué  pour 
la  rédaction  du  présent  en  acte  public.  Et  tout  ce  dessus  a  été  fait  dou- 
ble à  Auch  le  16  janvier  1771^  l'un  ayant  été  retiré  par  M.  de  Chaste- 
net  de  Puységur,  procureur  fondé  de  la  communauté,  et  l'autre  par  les- 
dits Révérends  Pères  Lafont  et  Dordé,  procureurs  fondés  des  Révérends 
Pères  Doctrinaires.  —  Chastenet  de  Puységur;  Lafont,  de  la  Doctrine; 
Dordé,  de  la  Doctrine,  ainsi  signés  sur  l'original  (1). 

A.  PLIEUX, 

{A  suivre.) 


QUESTION 


253.  Le  premier  Juge  de  paix  de  Castes  (Landes). 

J'ai  sous  les  yeux  un  petit  cahier  manuscrit  renfermant  des  poésies  latines 
composées,  au  commencement  de  ce  siècle,  par  le  premier  juge  de  paix  da 
canton  de  Castex,  département  des  Landes  :  Castellensis  pagi  seu  diiionis 
in  maritiniâ  Tarhelloruni  Aquitanicorum  orâ  pacijici  Judicis,  posl  cons- 
iiéutam  hanc  dignitatem  primL  Avant  de  parler  ici  de  ces  vers  latins,  qui 
ont,  à  défaut  de  vrai  mérite,  un  certain  intérêt  de  curiosité,  je  voudraj»  bien 
savoir  le  nom  de  famille  de  Fauteur,  ainsi  que  le  nom  de  son  lieu  natal, 
que  je  n'ose  retraduire  de  la  forme  latine  qu'il  leur  a  donnée  :  Stephani 
PlacUli  BuRGii  NoNiANi,  CASEN-NiGRENSis...  Quelqucs  données  biographi- 
ques seraient  également  les  bienvenues. 

Là»     O* 


(1)  Record  du  20  janvier  1771.  Le  contrôle  de  cette  transaction  coula  a  la  com- 
munauté la  somme  de  74  1.,  4  sols.  (Record  du  8  juin  1775.) 


LE   SÉMINAIRE   DIOCÉSAIN 

DE  CONDOM. 

(Fin*) 


Il  élail  réservé  à  Mgr  Milon  de  terminer  Tœuvre  de  son 
prédécesseur. 

A  peine  arrivé  à  Condom  (septembre  1694),  il  s'occupa 
de  procurer  à  rétablissement  de  nouvelles  ressources  et  obtint, 
^  au  mois  de  mars  1695,  le  consentement  des  consuls  pour  y 
unir  la  cure  de  Sainte-Eulalie  (1). 

Nous  Pavons  déjà  vu  demander  inutilement  au  roi,  en 
1696,  les  biens  des  anciens  consistoires  du  diocèse. 

Cependant,  le  séminaire  ne  fonctionnait  pas  au  gré  du 
prélat,  qui  nous  apprend  lui-même,  en  1716,  qu'on  n'avait 
encore  pu  rétablir  «  d'une  manière  fixe  et  certaine  »  (2). 

Les  lettres  patentes  de  1690  laissaient  toute  liberté  pour  le 
choix  des  directeurs  et  Ton  avait  nommé  des  prêtres  sécu- 
liers. Etienne  Lochon,  du  diocèse  de  Chartres,  docteur  en 


(*)  Voir  Jivraison  de  juin,  p.  269.  —  T^  dernière  page  a  été  anticipée  par  un 
accident  typographique.  Le  lecteur  est  prié  de  ne  pas  en  tenir  compte  et  de  rac- 
corder le  commencement  du  présent  article  avec  la  fin  de  ]a  page  281. 

(1)  V.  délibérations  communales  des  16  et  18  mars  1695.  Le  séminaire  avait, 
à  cette  époque,  cessé  de  fonctionner  depuis  quelques  mois  «  faute  d'entretien,  » 
d'après  une  pièce  de  procédure  relative  à  cette  affaire  (Arch.  municipales). 
Cette  union»  poursuivie  en  vertu  des  lettres  patentes  du  roi  pour  l'établissement 
du  séminaire,  ne  lut  réellement  opérée  qu'en  1718  (V.  j.  du  27  janvier  1718 
et  l'acte  de  consentement  donné  par  les  paroissiens  de  Sainte-Eulalie  et  de 
Ciurac  et  Caulason,  ses  annexes,  le  6  mars  de*  la  même  année,  minutes  de 
M*  Laboupilbère,  étude  de  M*  Lebbé). 

(Z)  V.  traité  du  11  février  1716  pour  l'établissement  des  Prêtres  de  la  Doctrine 
chrétienne  au  séminaire  de  Condom  (Minutes  de  Lacai>ère,  notaire,  étude  de 
M*  Lagon^e). 


—  334  — 

Sorbonne  du  collège  de  Navarre,  fat  un  des  premiers  supé- 
rieurs (4).  M*  Ferréol  Arnollel,  docteur  en  théologie,  chanoine 
et  archidiacre  de  Gondom,  remplissait  cette  fonction  en 
1702  (2);  il  était  assisté  de  M"  Jean  Castéra,  docteur  en 
théologie,  Antoine  Launet,  grand  prèbendier,  et  Jean  Bacon, 
directeurs  (3).  Peut-être  cette  direction  des  prêtres  séculiers 
offrait-elle  des  inconvénients,  soit  au  point  de  vue  de  Tunité 
de  renseignement,  soit  au  point  de  vue  du  recrutement  du 
personnel.  Toujours  est-il  que  Mgr  Milon  crut  devoir  confier 
la  «  conduitte  »  du  séminaire  à  une  congrégation  religieuse, 
«  de  sorte  que  à  l'avenir  le  diocesse  en  peut  tirer  plus 
d'utilitté  » . 

Il  choisit  celle  des  Prêtres  de  la  Doctrine  chrétienne  et  comme 
la  croyant  propre  par  sa  science  et  sa  piété  à  former  les 

clercs et  leur  inspirer  l'esprit  de  leur  estât,  »  et  traita  le 

il  février  1716  avec  le  R.  P.  Moméjean,  provincial  de  la 
province  de  Toulouse,  assisté  du  Père  Raymond  Delnat, 
recteur  du  collège  de  Nérac. 

Aux  termes  de  cet  acte,  passé  par  M*  Lacapère,  notaire  à 
Condom,   Tévêque  Milon  confiait  à  perpétuité   «  Tenlière 

(1)  A\  aux  Arch.  de  l'arche vèché  d'  \uch,  lettre  deTabbé  Sainsot,  curé  deTermi- 
niers  (Eure -etr Loir),  adres.S(5e  en  1883  à  M.  le  secrétaire  général,  Etienne  Locbon 
est  l'auteur  d'un  assez  grand  nombre  d'ouvrages;  il  publia  entre  autres,  en  1708,  un 
Traité  du  Secret  do  la  confeasion.  D'après  un  renseignement  qui  nous  a  été 
fourni  par  l'auteur  de  la  lettre  précitée,  il  n'aurait  été  supérieur  de  notre  sémi- 
naire qu'après  1697.  On  peut  consulter  sur  le  docteur  Lochon  :  Dupin,  t.  xvin, 
p.  437;  Tabl.  unicers.,  t.  ii,  p.  2804;  Bibliothèque  générale  des  Auteurs  de 
France,  t.  i",  par  D.  Liron. 

(2)  V.  acte  du  30  août  1702,  minutes  de  T  ^boupilhère,  étude  Lebbé.  M*  Ferréol 
ArnoUet  était  encore  supérieur  en  1708,  mais  supérieur  nominatif  simplement. 
Ayant,  en  effet,  demandé  à  cette  époque  l'immunité  des  tailles  du  séminaire 
dans  lequel  il  habitait,  les  consuls  lui  répondirent  qu'il  ne  serait  fait  droit  à  sa 
demande  qu'autant  que  le  séminaire  serait  rétabli.  Le  séminaire  ne  fonctiomiait 
donc  pas  à  cette  date.  11  fonctionnait  en  1715  d'après  un  acte  du  14  février  de 
cette  année,  dans  lequel  nous  voyons  le  vicaire  générai  et  deux  chanoines  faire 
subir  à  un  séminariste  un  examen  qui  dura  quatre  heures  (Minutes  de  M*  Corne, 
étude  de  M'  Lagorce). 

(3;  Nous  citerons  M'  Deschamps  au  nombre  des  premiers  directeurs  du  sémi- 
naire. Ce  prêtre  vivait,  en  1701,  sur  la  paroisse  de  Sîiint-Maixent,  de  Bordeaux, 
ou  il  était  précepteur  chez  M.  Delpech,  conseiller.  Il  offrait  alors  de  venir  passer 
le  reste  de  ses  joui-s  ù  l'hôpital  de  Condom  (V.  déUb.  capitulaire  du  2  octobre 
1701.  Arch.  hosp.,  fonds  Notre-Dame,  m,  E.  13.). 


—  885  — 

direction  et  conduitte  de  son  séminaire  dans  la  ville  de 
Gondom  à  la  congrégation  de  la  doctrine  chrétienne  de  la 

province  de  Thonlouse sans  qu*on  pnisse  y  enseigner 

aucune  matière  que  celles  que  les  seigneurs  évêques  ordon- 
neront et  approuveront.  »  Les  Pères  de  la  Doctrine  cJiré* 
tienne  s'engageaient  à  fournir  quatre  prêtres  pour  «  élever  et 
instruire  tant  les  éclesiasUques  qui  demureront  en  pension 
dans  led.  séminaire  que  ceux  qui  pourroint  y  venir  de  dehors» 
ou  y  estre  envoyés  par  les  seigneurs  évéques,  dans  la  piété 
et  l'esprit  éclesiastique,  selon  les  règlements  faits  ou  à  faire 
par  led.  seigneur  évoque  pour  la  conduitte  du  séminaire.  » 
L'un  de  ces  prêtres  devait  être  pourvu  de  la  cure  de  Sainte- 
Eulalie  après  le  décès  du  sieur  Vital  Rizon,  titulaire.  Ils  s'en- 
gageaient à  enseigner^  «  le  inatin,  la  théologie  escolastique^  et 
l'après  midy  la  morale,  particullierement  celle  qui  regarde 
l'administration  des  sacrements;  »  à  faire  «  une  ou  deux  fois 
la  semaine  des  conférences  et  entretiens  sur  l'Ecriture  sainte 
et  la  discipline  et  ordre  de  l'église,  •  à  enseigner  «  les  chants 
et  les  cérémonies  >  et  à  diriger  «  dans  les  exercisses  spiri- 
tuells,  tant  ceux  qui  se  prépareront  à  recevoir  les  ordres,  que 
ceux  qui  pourront  y  venir  pour  faire  des  retraites  ou  y  estre 
envoyés  par  led.  seigneur  evêque  »  (1). 

Mgr  Milon  de  son  côté^  «  pour  la  subsistance  et  entretien 
desd.  prêtres  »>,  s'obligeait  à  leur  fournir,  chaque  année,  une 
somme  de  dix*huit  cents  livres,  exempte  de  toutes  charges, 
payable  sur  celle  qui  se  levait  annuellement  sur  tous  les 


(1)  Jusqu'à  cette  époque,  le  séminaire  n'avait  pu  recevoir  ces  diverses  caté- 
gories d'eclésiasliques,  probablement  iaute  de  logement;  aussi  voyons-nous  en 
1G95,  l'évéque  de  Condom  faire  admettre  à  Tbôpital  de  la  Charité,  moyennant 
pension,  un  prêtre,  le  sieur  Chevallier,  envoyé  par  ordre  du  roi  pour  être  reçu 
au  séminaire  de  Condom.  Ce  prêtre,  entré  à  Thôpital  le  22  juillet  1695,  y  mourut 
dans  la  nuit  du  4  au  5  mars  1696  (V.  acte  capitul.  du  3  août  1695;  Arch.  hosp  , 
londs  Notre-Dame,  m,  E.  13).  De  même,  un  peu  plus  tard,  le  sieur  Gilbert,  pro- 
fesseur et  chancelier  de  l'Université  de  Douai,  exilé  comme  janséniste,  fut 
envoyé  par  ordre  du  roi  au  même  hôpital,  où  il  exerça  pendant  quelque  temps 
les  fonctions  de  chapelain  (V.  Arch.  hosp.  de  Condom,  m,  E.  13,  1698  à  1701; 
Abrégé  de  Uhiatoîre  ecclésiastique,  Cologne,  1754,  t.  xiii,  pp.  379  et  suiv.). 


^ 


^  336  — 

bénéficiers  du  diocèse  en  vertu  des  lettres  patentes  de  1690, 
sauf  après  la  mort  des  titulaires  de  la  cure  de  Sainte-Eulalie, 
des  prieurés  d'Arx  et  Prades  et  de  la  chapelle  de  Sainte-Anne 
de  Buset  (1),  dont  Punion  était  faite  au  séminaire,  à  dimi- 
nuer cette  pension  de  la  valeur  du  revenu  de  ces  divers 
bénéfices. 

Le  prélat  s'engageait  encore  à  leur  fournir  «  une  maison 
commode  et  munie  des  mubles  et  ustanctlles  nécessaires;  » 
mais  il  se  réservait  pour  lui  et  pour  ses  successeurs  rentière 
disposition  des  fondations  faites  par  M.  de  La  Roche  et 
Mgr  de  Matignon  en  faveur  des  pauvres  ecclésiastiques,  ainsi 
que  de  toutes  les  fondations,  dons  ou  legs  qui  pourraient 
être  faits  à  Tavenir;  de  même  Tèvêque  ou  ses  successeurs 
devaient  régler  «  selon  le  prix  et  la  chëreté  des  vivres  »  la 
pension  à  payer  par  les  ecclésiastiques  qui  demeureraient  au 
séminaire  pour  se  préparer  aux  ordres  ou  pour  y  faire  des 
retraites  et  par  ceux  qui  pourraient  y  être  envoyés  par  les 
évéques. 

Enfin,  il  demeurait  convenu  que  rétablissement  des  Pères 
de  la  Doctrine  au  séminaire  de  Condom,  quoique  «  irrévo- 
cable et  consommé  en  vertu  du  contrat,  »  ne  pourrait 
«  cependant  avoir  son  effet  »  que  lorsque  Mgr  Milon  le  juge- 
rait à  propos. 

La  fondation,  qui  n'avait  pu  encore  être  faite  «  d'une 
manière  fixe  et  certaine  »  (2),  était  désormais  assurée. 

Toutefois,  révéque  n'avait  pas  terminé  son  œuvre.  I^es 


(1)  l.^  prieurés  de  Notre-Dame  d'Arx  et  de  Notre-Dame  de  Prades  étaient 
situés  dans  la  juridiction  de  Damazan;  la  chapelle  de  Sainte-Anne  de  Buset 
était  desservie  dans  l'église  Notre-Dame  de  Buset;  ces  bénéfices  durent  être 
unis  au  séminaire  à  la  place  de  ceux  dout  s'était  démis  Messire  de  Curduchesne 
en  1693;  les  deux  prieurés  furent  affermés  moyennant  760  livres  en  1734  (V.  acte 
de  Lacapère,  du  1"  mai  1734,  étude  I^orce);  le  13  mars  17S9,  nous  les  voyons 
affermés  moyennant  une  somme  annuelle  de  1,610  livres,  plus  «  une  barrique 
de  vin  rouge  de  bonne  qualité  du  cru  de  Damazan  »  (Minutes  de  Pelauque, 
étude  Lebbé).  Nous  ne  connaissons  pas  la  valeur  du  bénéfice  de  la  chapelle 
Sainte-Anne.  La  cure  de  Sainte-Eulalie  valait  de  600  à  800  livres. 

(2)  V.  le  traité  sus-énoncé  de  1716. 


—  337  — 

ancieûs  bâtiments  situés  au  quartier  du  Mandat  étaient 
insuffisants;  et  s'il  n'appela  pas  de  suite  les  nouveaux  direc- 
teurs, c'est  qu'il  avait  conçu  le  projet  d'une  construction 
spéciale  répondant  à  tous  les  besoins  d'un  établissement 
aussi  important. 

Dès  l'année  1717  (1)^  il  demandait  aux  consuls  un  peu  de 
terrain,  appartenant  à  la  communauté,  près  de  la  porte 
Sainte-Eulalie;  mais  lui-même  possédait  dans  ce  quartier,  en 
dehors  des  murs,  un  superbe  emplacement,  dit  le  jardin  de 
Vabbé  de  Cous,  qu'il  avait  acheté  à  Françoise  de  Cous,  veuve 
de  Messire  Antoine  de  Pardeilhan,  baron  de  Bonas  (â).  C'est 
sur  une  partie  de  cet  emplacement  qu'il  fit  bâtir  son  sémi- 
naire (5).  Le  12  juin  1719,  Sa  Majesté  lui  permettait  de 
faire  démolir,  jusqu'au  niveau  des  murs  de  la  ville,  une 
grosse  tour,  dite  la  Tow  ronde,  sise  au  quartier  de  Sainte- 
Eulalie,  dans  un  angle  formé  par  les  remparts,  et  lui  en  con- 
cédait les  matériaux  pour  la  construction  déjà  commencée  (4). 
Nous  n'avons  pu  trouver  les  actes  passés  avec  les  ouvriers; 
mais  nous  savons  que  le  bâtiment,  comprenant  une  cour  inté- 
rieure, se  composa  d'un  vaste  parallélogramme  relié  au  sud 
avec  une  chapelle  qui  fut  également  construite  à  cette 
époque  (5)  et  qui  remplaça  l'ancienne  église  de  Sainte- 
Eulalie  (6).  La  clôture  encore  existante  du  jardin  dut  être 
faite  à  cette  même  époque. 

L'ensemble  des  constructions  était  terminé  au  plus  tard 

(1)  V.  junde  du  10  octobre. 

(2)  V.  racte  de  vente  du  6  juillet  1708  (Minutes  de  M*  Laboupilhère,  étude 
Lebbé)  qui  fait  mention  de  l'acquisition.  L'emplacement  est  ainsi  désigné  dans 
l'acte  de  partage  de  la  succession  de  Messire  Antoine  de  Cous,  baron  de 
Fourcés  :  ...  plus  buisson  et  terre  gui  sont  hors  la  oille,  au  parsan  de  Saint- 
Hilaire,  appelées  le  Jardin  de  Cabbé.  L'acte  de  partage,  retenu  par  Labou- 
pilhère,  est  du  3  septembre  1700. 

(3)  V.  manuscrit  du  chanoine  Dobsans  (Archives  de  M.  de  Moncade;. 

(4)  V.  le  Brevet  du  Roi,  transcrit  dans  le  Reg.  des  Jurades. 

(5)  Ces  bâtiments  existent  encore  et  figurent  dans  leur  ensemble  sur  le  plan 
cadastral  de  la  commune. 

(6)  Celle-ci  fut  démolie  quelque  temps  après;  elle  était  située  près  de  la  porte 
de  Sainte-Eulalie,  dans  l'ancien  cimetière  de  la  paroisse  qui  appartient  aujour- 
d'hui à  Mme  Dèche. 


—  338  — 

en  17^  (4).  MgrMilon  s'y  était  réservé  un  appartement^  dans 
lequel  il  se  plaisait  à  résider;  c'est  dans  cet  appartement  qu'il 
fit  son  testament  le  22  janvier  1*751  (2).  Le  prélat  n'oublia 
pas  son  séminaire  et  lui  légua  les  livres  qu'il  y  avait  fait  por 
ter;  mais  il  lui  donna  une  marque  autrement  touchante  de 
Taffection  qu'il  lui  portait.  Il  voulut  que  son  corps  fût  inhumé 
dans  la  chapelle  nouvellement  construite^  «  et  ce  avec  la 
modestie  qui  convient  à  l'humiliation  de  cette  cérémo- 
nie. » 

Le  pieux  évèque,  âgé  d'environ  77  ans,  rendit  son  âme  à 
Dieu  le  24  janvier  1734  dans  son  château  de  Cassagne,  et  le 
29  du  même  mois^  après  l'office  et  la  grand-messe  de  requiem 
«  en  musique  »  à  la  cathédrale^  son  corps  était  porté  selon 
ses  désirs  dans  la  chapelle  du  séminaire^  et  placé  sous  le 
marche-pied  de  l'autel  dans  une  bière  en  plomb  (5).  Sa  mort 
fut  accompagnée  par  les  regrets  unanimes  de  ses  diocésains. 
«  Le  grand  nombre  de  curés  qui  se  rendirent  en  ville  pour 
luy  rendre  les  derniers  devoirs  et  qui  demandèrent  même  de 
le  porter  en  terre,  fait  assés  comprendre^  nous  dit  un  pieux 
biographe,  combien  il  leur  était  cher.  Les  larmes  des  grands 
et  des  petits  qui  vinrent  en  foule  pour  assister  à  ses  funérail- 
les sont  une  preuve  de  la  vénération  qu'ils  avoint  pour  ce 
digne  prélat,  qui  n'aima  jamais  rien  tant  que  le  troupeau  que 


(1)  Cette  date  se  lit  encore  au  haut  de  la  chemiûée  de  l'ancien  salon  du  sémi- 
naire; du  reste,  on  enterrait  en  1723  dans  V ancienne  église^  ce  qui  indique  évi- 
demment que  la  nouvelle  église  était  déjà  livrée  au  culte.  (V.  reg.  des  actes  de 
décos  de  l'ancienne  paroisse  de  Sainte-Eulalie,  acte  du  3  sept.  1723). 

(2)  Le  testament  de  Mgr  Milon  est  déposé  dans  les  minutes  de  M*  Laboupi- 
Ihère,  année  1734,  étude  de  M*  Lagorce. 

(3)  V.  dans  un  ancien  registre  de  la  paroisse  de  Cassagne  déposé  au  greffe  du 
tribunal  civil,  l'acte  de  décès  de  Mgr  Milon,  du  24  janvier  1734. 

Les  héritiers  du  prélat  voulurent  faire  placer  la  litre  à  ses  armes  au  dedans  et 
au  dehors  de  l'église,  mais  les  paroissiens  s'y  opposèrent  par  la  raison  qu'un 
évéque  n'étant  qu'usufruitier  de  la  justice  n'avait  pas  le  droit  de  litre  et  que  le 
défunt  évèque  n'était  ni  fondateur,  ni  dotateur,  ni  restaurateur,  ni  patron  do 
l'église;  il  n'avait  fait  que  remplacer  l'ancienne  église  de  Saintc-Eulalie  parla 
chapelle  du  séminaire,  d'ailleurs  moins  grande  que  la  précédente.  (V.  manuscrit 
du  chanoine  Dobsans,  Arch.  de  M.  de  Moncade,  et  acte  du  23  février  1734,  minu> 
est  de  M'  Cugno,  notaire,  étude  de  M*  Préchac). 


—  339  — 

la  divine  Providence  avoit  confie  à  ses  soins.  »  Mgr  Milon 
avait  administré  le  diocèse  pendant  plus  de  quarante  ans. 

Nous  ne  savons  pas  Tépoque  précise  à  laquelle  furent  ins- 
tallés les  Pères  de  la  Doctrine  chrétienne;  mais  il  est  vraisem- 
blable qu'ils  ne  le  furent  qu'après  Tachèvement  du  nouveau 
séminaire.  Toujours  est-il  que  l'un  d'eux,  le  P.  Gilles  Doazan, 
maîlre  ès-arts,  fut  pourvu  dès  l'année  1716,  de  la  cure  de 
Sainte-Eulalie,  vacante  par  le  décès  de  Vital  Rizon,  dernier 
titulaire  (1). 

Le  31  octobre  de  cette  année,  le  Père  Doazan  prit  posses- 
sion de  son  bénéfice,  qu'il  garda  jusqu'en  1732.  La  cure  de 
Sainte-Eulalie  fut  administrée  après  lui  par  le  P.  Lemas  (1732- 
1741),  le  P.  de  Lafont  (1741-1779)  el  le  P.  Fizes  (1779-1792). 
Ces  deux  derniers  exercèrent  les  fonctions  de  supérieur  du 
séminaire  (2).  Le  premier  supérieur  nous  parait  être  le  P. 
Raymond  Delnat,  ancien  recteur  du  collège  de  Nérac;  il  est 
désigné  comme  exerçant  cette  charge  dans  un  acte  de  mariage 
du  19  novembre  1724  (3),  et  plus  tard  dans  un  acte  du 
20  octobre  1730  (4).  Le  P.  Arnaud  Delom,  qui  lui  succéda, 
figure  en  qualité  de  supérieur  dans  l'acte  de  bail  à  ferme  des 
prieurés  de  Notre-Dame  d'Arx  et  de  Prades  le  1"  mai  1734(5). 
Le  dernier  supérieur  fut  le  Père  Louis  Bonnefont. 


(1)  V.  actes  de  prise  de  possession  de  la  cure  de  Saiste^Ëulalie  du  81  octobre 
1716  (Lacapère  notaire,  élude  Lagorce),  des  8  et  27  janvier  et  du  4  février  1718, 
(Cugno  notaire,  étude  Préchac). 

(2)  V.  registres  de  catholicité  de  l'ancienne  paroisse  de  Sainte-Eulalie,  années 
1741  et  1779.  V.  également  Tacte  du  7  mai  1766,  minutes  de  M'  Lacapère,  Lagorce 
notaire.  Le  P.  de  Lafont  mourut  le  21  octobre  1779.  Par  testament  du  21  juillet 
1762,  il  laissa  une  somme  de  100  libres  aux  prêtres  du  séminaire,  à  la  charge  de 
dire  200  messes  dans  leur  église,  et  une  somme  de  60  livres  pour  les  pauvres  «  du 
district  de  Sainte-Eulalie  et  du  parsan  de  Saint-Pierre  de  Pouy  »  ;  il  fit  un  codi- 
cille à  ce  testament  le  13  janvier  1771.  Ce  dernier  acte  est  scellé  du  sceau  du 
séminaire  qui  figure  la  croix  du  Sauveur  fichée  en  terre  et  chargée  de  l'inscrip- 
tion, de  la  couronne  d'épinos,  de  la  lance  et  du  roseau  surmonté  de  l'éponge, 
avec  l'exergue  :  Seminarium  Côndomiense.  (V.  ces  actes  dans  les  minutes  de 
M"  Rizon,  année  1779;  étude  Préchac). 

(3)  V.  registre  de  catholicité  de  la  même  paroisse. 

(4)  Acte  de  procuration  de  Mgr  Milon  à  M.  de  Saint-Paul,  (Minutes  de  I^bou- 
pilhère,  étude  Lagorce). 

(5)  Minutes  de  Lacapère,  étude  Lagorce. 


—  340  — 

Le  séminaire  de  Condom  fonclionna  jusqu'en  4790,  épo- 
que à  laquelle  il  fut  supprimé  avec  notre  siège  épiscopal  (1); 
les  bâtiments  et  ses  dépendances  tombèrent  dans  le  domaine 
de  la  Nation. 

En  Tan  n,  il  fut  question  d'y  établir  un  hôpital  militaire 
destiné  à  recueillir  les  soldats  malades  et  blessés  des  armées 
des  Pyrénées-Orientales,  et  nous  voyons  à  cet  effet  le  conseil 
général  de  la  commune  en  solliciter  la  délivrance  (2). 

La  municipalité  de  l'an  iv  les  demanda  en  vain  pour  y  éta- 
blir les  deux  hospices  de  la  ville  (3). 

L'année  suivante,  elle  indiquait  comme  dotation  nouvelle 
de  ces  mêmes  hospices  et  pour  remplacer  ceux  de  leurs  biens 
qui  avaient  été  vendus  le  «  ci-devant  séminaire  » .  Indépen- 
damment du  •  revenu  réel  de  Tenclos  » ,  elle  trouvait  dans  cet 
établissement  de  grands  avantages  «  pour  les  malades  ou 
convalescents  (4)  » . 

En  attendant,  l'Etat  utilisait  ces  bâtiments,  soit  en  les 
louant  à  des  particuliers,  soit  en  les  affectant  à  un  usage 
public;  dans  le  courant  de  l'an  n  et  de  l'an  m  (5),  ils  servi- 

(1)  La  communauté  s«  composait  alors  de  Louis  Bonnefont  recteur,  Pierre 
Fize  curé  de  Sainte-Eulalie,  Guillaume  Malaval  syndic  du  séminaire,  et  Bar- 
thélémy Vergne  ou  Vernie  professeur  de  théologie,  tous  les  quatre  prêtres  de 
la  Doctrine  chrétienne.  Sur  la  demande  qui  leur  fut  faite  par  les  officiers 
municipaux  le  19  juillet  1790,  pour  savoir  s'ils  voulaient  quitter  le  séminaire  ou 
y  rester,  ils  répondirent  tous  qu'ils  voulaient  y  rester.  L'inventaire  du  sémi- 
naire dressé  à  cette  date  en  vertu  des  lettres  patentes  et  décret  de  l'Assemblée 
nationale  nous  donne  ce  détail  ;  il  nous  apprend  encore  que  12  chambres  de 
l'établissement  étaient  destinées  aux  séminaristes  et  que  la  bibliothèque  était 
composée  d'environ  400  volumes,  «  dont  la  plus  grande  partie,  lisons-nous  dans 
ce  document,  sont  des  in-folio  et  des  in-4*  sur  l'Ecriture  sainte  et  différents  inter- 
prètes, des  Pères  de  l'Eglise  grecs  et  latins,  et  sur  différentes  matières  ecleziasti- 
ques  et  d'histoire,  à  l'uzage  du  senûnaire  ».  Un  catalogue  détaillé  de  cette  biblio- 
thèque fut  fait  le  1"  octobre  1790.  U  ressort  de  l'état  du  mobilier  dressé  à  cette 
époque  que  le  séminaire  se  composait  de  24  chambres  et  9  mansardes,  indépen- 
damment du  dortoir  d'en  bas,  du  réfectoire,  de  la  cuisine,  office  et  souillarde,  des 
remises,  écurie,  cave  et  tinal  (Arch.  départementales). 

(2)  V.  déUb.  du  27  floréal.  Les  commissaires  chargés  de  procurer  im  local 
avaient  désigné  le  séminaire  comme  étant  celui  qui  réunissait  les  plus  grands 
avantages. 

(3)  V.  délib.  du  23  floréal. 

(4)  V.  délib.  municipale  du  15  floréal  an  v. 

(5)  V.  délib.  du  5*  jour  des  sans-culotides  an  ii  et  des  29  brumaire  et  15  nlvose 
an  111. 


—  341  — 

rent  de  maison  de  réclusion  pour  les  femmes  coupables 
«  d'arislocratie  et  d'incivisme.  »  Enfln,  et  malgré  les  instan- 
ces de  l'administration  communale  qui^  persistait  dans  sa 
demande  en  faveur  des  liospices  (4),  le  séminaire,  «  consis- 
tant en  maison,  grange,  hangard,  église,  écurie  ou  autres 
bâtiments  en  dépendant,  ensemble  les  jardin  et  parterre  et 
généralement  tout  ce  qui  est  clotturé,  ensemble  un  pâtus  hors 
la  clôture  du  dit  jardin  au  nord  et  levant  »,  fut  vendu  comme 
bien  national,  le  8  thermidor  an  vi,  moyennant  le  prix  de 
50,000  francs  (2). 

Une  ancienne  Ursuline  du  couvent  du  Chemin-Droit, 
d'Auch,  qui  après  la  Révolution  s'était  retirée  dans  sa  famille 
à  Yic-Fezensac,  où  elle  faisait  école,  acheta  l'établissement  le 
12  juillet  1808,  pour  y  fonder  une  maison  d'éducation  pour 
les  jeunes  filles. 

Jeanne-Thérèse  Chaillan,  en  religion  sœur  Sainte- Véroni- 
que, c'est  le  nom  de  cette  religieuse,  y  ouvrit  immédiatement 
une  école  et  pension  (3),  avec  le  concours  de  six  Ursulines,  qui 
déjà  vivaient  en  communauté  sous  sa  direction  (4),  et  d'une 
ancienne  Clarisse  du  couvent  de  Condom,  qui  habitait  égale- 
ment Vie  et  voulut  se  joindre  à  elles  (5). 

La  chapelle  du  séminaire,  que  les  paroissiens  de  Sainte- 
Eulaiie  avaient  réclamée  le  6  thermidor  an  m  (6),  en  vertu  de 

(1)  V.  aux  arch.  communales  la  copie  d'une  lettre  adressée  le  4  thermidor 
an  VI  aux  administrateurs  du  département. 

(2)  Procès-verbaux  de  vente  des  domaines  nationaux,  n*  940  (Arch.  départ.). 

(3)  C'est  sur  les  instances  de  M.  Desterac,  archiprêtre  de  Saint- Pierre  et  vicaire 
général  du  diocèse  d'Agen,  dont  dépendait  alors  Condom,  et  de  l'abbé  de  Cadi- 
gnan,  aussi  \'icairc  général,  que  Thérèse  Chaillan  fit  cette  fondation  dans  notre 
ville. 

(4)  L'une  de  ces  religieuses  avait  été  Ursuline  à  Auch  avant  la  Révolution 
comme  Jeanne  Chaillan  ;  une  seconde,  ancienne  religieuse  de  Tordre  de  Fonte- 
vrault  au  couvent  du  Brouilh,  avait  adopté  la  règle  de  saint  Augustin  depuis  la 
Révolution  ;  les  quatre  autres  étaient  entrées  en  religion  après  la  tourmente 
(Arch.  du  monastère  de  Sainte-Ursule.) 

(5)  Tels  furent  les  commencements  du  monastère  actuel  de  Sainte-Ursule 
dont  la  clôture  fut  canoniquemcnt  établie  en  1824  par  M.  Fenasse.  , 

(6)  V.  délibération  municipale  à  cette  date;  un  peu  plus  tard  la  chapelle  fut 
également  choisie  pour  le  culte  en  vertu  do  l'art.  17,  section  m,  titre  iv  de  la 
loi  du  11  vendémiaire  (V.  dél.  du  2  brumaire  an  i\). 

Tome  XXX.  23 


^  342  — 

la  loi  du  11  prairial^  servit  pendant  quelque  temps  sous  la 
Révolution,  à  l'exercice  du  culte  (1).  Le  «citoyen  »  Joseph  de 
Lapanouse,  ci-devant  chanoine  et  grand- vicaire,  y  célébra  les 
saints  mystères  (2);  mais  ce  prêtre  «  insermenté  »  ayant  été 
envoyé  à  Auch  en  réclusion  après  la  loi  du  5  brumaire,  la 
municipalité,  qui  voyait  avec  peine  Téglise  du  «  cy  devant 
séminaire  »  continuer  à  servir  de  lieu  de  réunion  aux  «  sec- 
tateurs d'un  culle  »  sous  la  direction  d'un  pieux  laïque,  le 
citoyen  Fourteau,  boulanger  (3),  en  obtinrent  la  fermeture  par 
arrêté  du  département  du  13  nivôse  an  iv  (4). 
.  Elle  fut  depuis  lors  affectée  à  des  usages  profanes  jusqu'à 
l'arrivée  des  Ursulines,  qui  la  rendirent  à  sa  destination  pri- 
mitive et  en  firent  la  chapelle  de  leur  communauté. 

Quant  à  l'ancienne  paroisse  de  Sainte-Eulalie,  elle  fut  réunie 
à  la  cure  de  Saint  Pierre,  après  le  concordat. 

J.  GARDÊRE. 


(1)  Un  arrêté  du  département  du  26  thermidor  suivant  en  autorisa  ]a  conces- 
sion. 

(2)  Le  ci-devant  vicaire  général  avait  fait  sa  déclaration  conformément  à  la  loi 
du  il  prairial  an  m  (Dél.  municip.  du  4  thermidor  an  m).  Il  renouvela  sa  sou- 
mission  aux  lois  de  la  République  le  1*'  brumaire  an  iv. 

(3)  V.  Registre  des  arrêtés  du  département  du  Gers  (arch.  dép.)  et  copie  de 
lettre  adressée  le  24  nivôse  an  iv  par  les  officiers  municipaux  de  Condom  aux 
arlministrateurs  du  département  du  Gers.  (Arcb.  municipales). 

(4)  Le  citoyen  Jacques  Fourteau,  qui  exerça  les  fonctions  de  maître  d'école  à 
Condom  de  1781  à  1793,  avait  fait  sa  soumission  aux  lois  de  la  République,  le 
3  nivôse  an  iv,  en  qualité  de  «  ministre  de  quelques  unes  des  fonctions  du  culte  ». 
(V.  délib.  municip.).  Le  souvenir  de  cet  homme  de  bien,  qui  rendit  de  si-grands 
services  à  la  religion  pendant  et  après  Tépoque  révolutionnaire,  est  dans  la 
mémoire  de  tous  nos  vieillards.  Fourteau  est  surtout  connu  p  jur  avoir  exercé  de 
longues  années  les  fonctions  de  catéchiste  et  de  chantre  dans  l'église  de  .Saint- 
Pierre  après  le  concordat.  Il  avait  été  considéré  comme  suspect  et  mis  en  réclu- 
aion  en  1793.  (V.  dél.  mun.  des  9  et  12  mai  et  8  juin  1793.)  Jacques  Fourteau 
mourut  le  29  mai  1827. 


MARINS  BASQUES  &  BÉARNAIS 

ESQUISSES  BIOGUAPHIQUES 


III 


PIERRE  DULIVIER 

CHBVALIRR  DK  L'oRDRE  MILITAIRE  DE  N.-D.   DU  MONT-CARMEL, 

GOUVERNEUR  DES  VILLE  ET  FORT  DE  PONDICUKRY, 

DIRECTEUR    GÉNÉRAL    DE    LA    COMPAGNIE    DES     INDES  (*). 


Quelques  extraits  de  la  correspondance  de  Dulivier  démon- 
treront, mieux  que  nous  ne  saurions  le  faire^  l'état  malheu- 
reux dans  lequel  étaient  réduits  nos  établissements  de  Tlnde^ 
non  par  le  défaut  de  capacité  des  agents,  mais  par  le  mau- 
vais état  des  finances  de  la  Compagnie. 

Hougly,  le  29  décembre  1701  (1).  — Les  nouvelles  que  nous 

avons  receu  de  la  mort  du  Roy  d'Espagne  (2)  et  des  grands  événements 
qui  sont  arrivés  en  Europe,  m'ont  fait  faire  beaucoup  de  mauvais  sang, 
et  j'ay  apprehandé  qu'il  n'y  ait  eu  quelque  rupture  avec  nos  voisins  les 

Hollandois J'ay  cependant  de  fortes  espérances  que  la  Compagnie 

aura  sujet  d'estre  contante  de  mon  premier  coup  d'essay.  J'ay  obtenu 
les  marchandises  à  quelque  chose  meilleur  marché  que  les  années  der- 
nières :  les  qualités  de  celles  que  j'ay  receu  et  visité  jusqu'à  présent  en 
sont  meilleures,  et  je  seray  en  estât  de  faire  partir  les  vaisseaux  à  meil- 
leure hure.  Si  je  rCavois  trouvé  un  crédit  de  cent  mille  escus  dès  le 
mois  d'avril  dernier,  il  ne  nCauroit  pas  été  possible  d'assembler  les 

(•>  Voir  ci-dessus,  livraison  de  mai,  p.  234. 

0)  Archiv.  deBayonne,  HH,  267,  n*  15.  ~  Lettres  adressées  à  Léon  Dulivier. 

(2)  Charles  II,  mort  le  1"  novembre  1700.  Far  un  testament,  écrit  quelques 
jours  auparavant,  il  instituait  pour  son  successeur  le  duc  d'Anjou,  petit-fils  de 
Kouis  XIV. 


—  344  — 

assoriimens  dont  favois  besoing.  L'arrivée  des  vaisseaux  de  Fan- 
cienne  et  nouvelle  compagnie  (angloise),  qui  sont  au  nombre  de  huit, 
ont  fait  hausser  considérablement  les  marchandises,  particulièrement 
les  mousselines.  Ils  sont  obligés,  pour  les  changer,  de  prendre  tout  ce 
qu'ils  trouvent  sans  s'arrester  aux  longueurs,  largeurs  ny  qualités. 
Pour  tout  cela  j'espère  que  la  Compagnie  sera  satisfaite  et  obtiendra 
de  bons  résultats 

Hougly,  le  10  novembre  1702  (1).  — Messieurs  les  directeurs 

généraux  me  donnent  ordre  par  la  lettre  que  je  viens  de  recevoir  que  si 
M.  le  chevalier  Martin  abaiidonnoit  les  affaires  pour  se  reposer,  ou 
qu'il  voulût  profiter  de  la  permission  qu'on  lui  a  accordée  de  repasser  en 
France,  de  me  rendre  à  Pondichéry  sans  perte  de  temps  pour  en  pren- 
dre la  conduite  jusqu'à  nouvel  ordre  de  leur  part,  et  de  laisser,  pendant 
mon  absence,  l'administration  des  affaires  d'Ougly  à  M.  Pelle;  ils  me 
prient  en  ce  cas  de  les  mettre,  avant  mon  départ,  en  si  bon  état,  qu'elles 
ne  puissent  souffrir  aucun  préjudice  du  séjour  que  je  pourrois  faire  à 
Pondichéry 

Notre  position  devient  de  plus  en  plus  difficile  avec  les  HoUandois, 
qui  profitent  des  événements  d'Europe  pour  nous  donner  mille  inquié- 
tudes. J'espère  cependant  que  la  Compagnie  prendra  quelques  mesures 
pour  soutenir  son  commerce;  s'il  en  estoit  autrement  et  qu'elle  ne 
m'envoyât  pas  de  secoups,  je  me  trouverois  infailliblement  embarrassé. 
Je  suis  persuadé  que  M.  Deslandes,  qui  connoit  bien  ce  pays,  ne  man- 
quera pas,  à  son  arrivée  en  France,  à  représenter  fortement  à  la  Com- 
pagnie la  nécessité  de  m'envoyer  des  fonds 

Hougly,  le  9  février  1703  (2).  —  Messieurs, Nous  sommes  dans 

une  grande  impatience  d'apprendre  la  résolution  que  vous  aurez  prise 
pour  la  continuation  du  commerce;  car,  comme  nous  avons  eu  l'hon- 
neur de  vous  le  marquer  par  notre  précédente,  dont  nous  envoyons 
inclus  le  duplicata,  nous  serions  hors  d'état  de  nous  soutenir  si  la 
guerre  vous  empechoit  de  nous  envoyer  des  secours,  tant  pour  satis- 
faire aux  engagemens  où  nous  sommes  entrés  que  pour  fournir  aux 
dépenses  journalières.  Nous  avons  peine  même  à  y  suffire  présente- 
ment, notre  crédit  ayant  entièrement  cessé  depuis  la  nouvelle  de  la 


(1)  Archiv.  de  Bayonne^  HH,  267,  n*  20.  Lettre  adressée  à  Léon  Dulivier. 

(2)  Archiv.  de  la  marine  :  fonds  colonial.  Correspondance  générale,  2*  série. 
—  Lettre  adressé<i  à  MM.  de  la  Compagnie,  à  Paris,  par  P.  Dulivier  et  les  mar 
chands  du  comptoir  d*Hougly. 


—  345  — 

déclaration  de  guerre,  (1)  et  largent  oontinuant  toujours  à  estre 
rare. 

Nous  espérons  que  les  vaisseaux  de  la  mousson  dernière  (2),  que 
nous  croyons  arrivés  (en  France)  dès  le  mois  de  juillet,  vous  porteront 
à  faire  de  sérieuses  reflexions  sur  les  engagemens  où  nous  sommes 
entrés  pour  vous  faire  les  retours  considérables  que  vous  aurez  reçu 
par  eux,  et  sur  le  peu  de  fonds  que  vous  nous  avez  envoyé  par  le 
Saint-Louis.  Vous  verrez  que  la  cargaison  l'excède  de  beaucoup.  Elle 
consiste  en  703  marcs  de  bois  (sandal,  aloés,  ébène),  200  de  salpestre, 
1684  de  poivre,  146  de  caffé  et  66  balles  soye.  L'assortiment  en  auroit 
esté  plus  parfait  si  Tinterdiction  temporaire  du  commerce  par  le  Divan 
n'avoit  empêché  un  de  nos  marchands  de  nous  fournir  un  assortiment 
de  mousselines  de  deux  cobes  et  demie  et  trois  cobes  de  large. 

Nous  espérons  cependant,  si  cette  cargaison  vous  parvient  bien 
conditionnée,  que  vous  en  serez  satisfaits  :  nous  fesons  des  vœux  pour 
la  conservation  de  ce  vaisseau.  De  r Etoile  et  de  la  Toison  d'or  nous 
n'avons  pas  jusqu'à  présent  reçu  d'autre  avis  de  Suratte  que  ceux  que 
nous  avons  eu  l'honneur  de  vous  marquer,  ce  qui  nous  fait  appréhen- 
der qu'il  ne  soit  arrivé  quelque  accident. 

Hougly,  le  20  septembre  1703  (3).  — ...Je  croy  vous  avoir  marqué. 
Monsieur,  que  la  Compagnie  me  donna  ordre  de  passer  à  Pondichéry 
pour  y  administrer  les  affaires  en  cas  que  M.  le  gouverneur  Martin 
profitât  de  la  permission  qu'elle  luy  a  accordée  de  repasser  en  France, 
ou  qu'il  fût  dans  le  dessein  de  ne  plus  travailler.  Celuy-cy  ne  s'est  pas 
expliqué  nettement  avec  moy  là  dessus  :  mais  je  doute  qu'il  prenne 
cette  pi'emière  résolution,  à  moins  qu'il  n'y  eût  quelque  vaisseau  du 
Roy  pour  le  passer  ;  pour  l'autre,  je  ne  puis  pas  me  mettre  dans  l'es- 
prit qu'il  quitte  tandis  qu'il  luy  restera  des  forces  pour  agir  (4).  Plu- 
sieurs personnes,  qui  sçavent  que  madame  la  Gouvernante  (5)  n'est 


(1)  Ia  guerre  avait  été  déclarée  à  la  France  par  l'Angleterre  et  la  Hollande  au 
mois  de  mai  1702. 

(2)  ^'ents  périodiques  de  la  mer  des  Indes  qui  soufflent  pendant  six  mois  du 
.S--0.  et  six  mois  du  N.-E.  Le  changement  de  direction  du  vent  se  nomme 
renversement  de  la  mousson;  il  est  ordinairement  accompagné  de  tempêtes  et 
d'ouragan. 

(3)  Archiv.  de  Bayonne,  44,267,  n*  28.  Lettre  adressée  à  Léon  Dulivier. 

(4)  Les  prévisions  de  Dulivier  devaient  se  réaliser.  Martin  voulait  et  devait 
mourir  à  son  poste.  Il  était  au  service  de  la  compagnie  des  Indes  depuis  1672, 
et  préc  Idcmment  avait  longuement  navigué  sous  le  pavillon  hollandais. 

(5)  On  trouvera  quelques  pages  plus  loin  un  curieux  portrait  do  la  femme  du 
gouverneur  général. 


—  346  — 

du  tout  pas  portée  à  repasser  en  France,  croyent  que  ?on  épouse  aura 
assés  de  complaisance  pour  rester,  d'autant  plus  qu'étant  tous  deux 
d'un  âge  avancé,  il  seroit  fort  douteux  s'ils  pourroient  supporter  les  fati- 
gues d'un  si  long  voyage.  Je  ne  sçay  pas  cependant  à  quoy  ils  se  résou- 
dront. . . 

Nous  sommes  toujours  sans  nouvelles  de  France  et  de  la  compa- 
gnie:  et  cet  estât  nous  cause  de  bien  vives  inquiétudes.  Les  HoUan- 
dois  font  courir  les  bruits  les  plus  contradictoires,  que  nous  ne  pouvons 
démentir  faute  de  lettres. 

L'argent  devient  de  plus  en  plus  rare  :  les  Anglois  en  profitent  pour 
charger  à  bon  compte  leurs  navires,  et  toutes  les  affaires  vont  à 
eux... 

Hougly,  le  24  décembre  1703  (1).  —  ...  Nous  voicy  à  la  fin  de  la 
mousson  et  toujours  sans  avis  de  l'arrivée  d'aucun  navire.  Jugez, 
Monsieur,  de  nostre  chagrin.  On  n'a  plus  tôt  sceu  que  la  guerre estoit 
déclarée  que  le  crédit  que  nous  avions  a  cessé,  de  manière  que  je  rae 
trouve  sans  aucune  ressource  et  conséquement  hors  d'estat  de  fournir 
aux  dépenses  journalières.  Il  nous  venoit  autrefois,  devers  le  mois  de 
may,  des  lettres  de  la  compagnie  par  voye  de  Perse;  celte  année  tout 
a  manqué  à  Pondichéry,  Surate  et  icy.  Comme  il  est  essentiel  que 
nous  soyons  informés  des  mesures  que  la  compagnie  so  proposoit  de 
prendre,  je  ne  doute  pas  qu'elle  nous  aitescrit  et  que  des  lettres  u  ayent 
esté  interceptées  par  les  Hollandois.  Cette  nation  nous  menaça,  aux 
premiers  avis  de  la  déclaration  de  guerre,  d'aller  assiéger  Pondichéry. 
On  en  parle  à  la  coste  comme  d'une  entreprise  résolue.  Cependant, 
quoyque  ces  bruits  ayent  cessé  il  y  a  déjà  longtemps,  on  ne  laisse  pas 
de  s'y  fortifier  [)our  mettre  la  place  en  état  de  déffense.  Enfin  mes 
affaires  vont  s'y  mal,  que  je  doute  s'y  je  trouverois  2000  roupies  (2)  à 
emprunter  à  Ougly.  Sy  dans  vingt  jours  au  plus  tard  nous  ne  som- 
mes pas  informés  de  l'arrivée  de  quelque  navire,  il  faudra  se  résoudre 
à  patianter  jusqu'à  la  saison  prochaine.  Jugez  de  nos  embarras... 


(1)  Archiv.  de  Bayonne  HH.  267,  n'  29.  —  Le  vol.  dcja  citô  de  la  Corrcspon- 
danco  générale  (Archiv.  de  la  marine,  fonds  colonial)  contient  de  très  nombreu- 
ses lettres  de  Dulivier,  toutes  adressées  aux  Directeurs  de  la  compagnie,  à 
Paris,  ('cmme  ceUes  extraites  des  archives  de  Bavonne,  ces  lettres  ne  conlicn- 
nent  que  des  plaintes  ou  des  demandes  de  secours.  Nous  avons  cru  devoir 
donner  la  préférence  ft  celles  que  le  directeur  d'Hougly  é(*rivail  :\  son  cousin» 
comme  étant  beaucoup  plus  Intéressantes. 

(2)  Pièce  d'argent,  fort  grossièrement  frappée,  répondant  à  l'ancienne  picc« 
française  de  oingt-gtiatre  sols. 


—  347  — 

Hougly,  le  25  février  1705  (1),  — Je  ne  saurois  vous  dire,  mon  cher 
cousin,  les  embarras  ou  je  prévoy  que  je  tomberay  s'il  ne  nous  vient 
toujours  pas  de  vaisseaux.  La  misère  e?t  si  grande  dans  ce  pays  qu'il  me 
seroit  difficile  de  vous  la  représenter,  et  telle  personne  qui  auroit  veu  le 
Bengalie  et  il  y  a  quelques  années  n'y  connaitroit  plus  rien.  L'argent 
est  d'une  rareté  sy  grande  qu'on  n'en  trouve  pas  pour  fournir  aux 
choses  do  la  vie.  Il  n'est  arrivé  c^tte  mousson  que  quatre  vaisseaux  es- 
trangcrs;  alors  que  les  affaires  estoient  sur  un  bon  pied  il  en  venoit  35 
à  40.  Aussi  les  marchandises  du  pais  sont  à  grand  marché,  et  c'est 
avec  bien  de  la  douleur  que  je  me  voy  sans  fonds  et  conséquemment 
hors  d'estat  de  profiter  d*un  temps  aussi  favorable  pour  faire  des  em- 
plettes. 

Ce  n'est  pas  faute  de  donner  i  vis  à  la  Compagnie  sur  les  mesures 
qu'il  convient  pi^ndre  pour  tirer  du  commerce  de  ce  païs  les  avantages 
qu'elle  y  Irouveroit  si  elle  jugeoit  à  propos  de  s'y  <îonformer.  Mais  ce 
point  a  esté  si  souvent  rebattu  et  appuyé  par  M.  Deslandes,  à  son  arri- 
vée en  France,  que  je  n'y  voy  aucune  aparence  d'espoir  :  aussy  nos 
affaires  continuent-elles  à  se  faire  au  jour  la  journée. 

Le  Divan  (2),  qui  a  suspendu  les  passeports  des  compagnies  de  Cas- 
simbazar  icy  (3),  a  menacé  pendant  un  temps  de  leur  ester  leurs  privi- 
lèges. Il  s'est  ensuite  radoucyet  aexortéles  Hollandois  de  renvoyer  leur 
monde  à  Cassimbazar  et  à  Pattena  (4),  d'où  ils  sont  retirés.  Nous  ne 
voyons  pas  qu'ils  se  pressent  pour  cela,  non  plus  que  les  Anglois.  Ces 
Messieurs  sont  trop  politiques  pour  éloigner  do  leurs  principaux  comp- 
toirs leurs  offciers  dans  un  temps  Si  dangereux,  outre  que  le  grand 
âge  et  les  infirmités  dont  le  Mogol  (5)  est  accablé  nous  donnent  tout 
lieu  de  craindre  qu'il  n'ira  pas  loin.  Jugez,  Monsieur,  des  embarras 
où  je  me  trouveray  s'il  ne  nous  vient  du  secours  de  France,  car  il  ne 
faut  point  compter  sur  les  gens  du  païs  qui,  n'aimant  pas  perdre  leur 
urgent,  le  Ciicheront  en  terre  dès  qu'ils  apprendront  la  mort  du  Mogol. 
Je  vous  assure,  mon  cher  cousin,  que  quand  je  fais  réflection  sur  le^ 

fl)  Archiv.  de  Bayonne,  HH.  267,  n'40. 

(2j  Le  vice-roi  ou  soubahu  du  Bengalie,  l'un  des  plus  grands  feudaiaires  de 
reinpirc  Mogol. 

(3)  De  niénic  que  les  Français,  les  Hollandais  et  les  Anglais  possédaient  une 
loge  dans  l'île  de  Cassimbazar. 

(4)  Patna,  ville  importante,  sur  le  Gange,  capitale  de  l'ancienne  soubabbie 
du  liekar.  Kilo  était  roputée  pour  la  douceur  de  son  climat,  la  beauté  de  ses 
fruits  et  In  fertilité  de  ses  campagnes. 

(5)  Aurcug/cb,  ou  Avrcngzcb,  qui  porta  l'empire  Mogol  au  plus  haut  point  de 
puissance.  Il  mourut  en  1707,  après  avoir  achevé  la  conquête  du  Dekkan. 


—  348  — 

révolutions  inévitables  que  nous  verrons  en  Bengalie  je  ne  puis  que 
me  repentir  de  m^ètre  chargé  du  soin  de  ses  affaires.  Vous  ne  sauriez 
vous  imaginer  les  viollances  du  grand  Divan  à  l'égard  de  tous  les  peu- 
ples et  des  moyens  dont  il  se  sert  pour  les  tiranniser.  On  ne  voit  que 
villages  dépeuplés,  que  rentiers  aux  fers,  que  vexations,  cris,  pleurs, 
enfin  toutes  les  marques  de  la  plus  gi'ande  désolation.  Jamais  vioe-roy 
n'a  été  si  sévère,  ni  n'a  eu,  dans  une  province,  des  pouvoirs  si  extra- 
ordinaires :  il  a  été  fait  encore  nouvellement  divan  de  Pattena.  Il  y  a 
l'apparance  qu'il  achèvera  de  ruiner  ce  païs  comme  il  a  fait  celui- 
cy... 

Vous  sçavez,  mon  cousin,  que  je  ne  suis  engagé  dans  le  service 
de  la  Compagnie  que  pour  six  ans,  et  que  ce  temps,  qui  a  couru  depuis 
le  jour  de  mon  départ,  sera  bientôt  finy.  Les  chagrins  que  j'ay  esté 
obligé  d'essuyer,  les  incommodités  dont  je  suis  fréqaamment  atteint, 
joint  au  peu  de  réputation  que  je  dois  espérer  d'acquérir  dans  le  ser\'ice 
tant  que  les  affaires  continueront  à  se  faire  au  jour  la  journée,  toutes 
ces  raisons,  dis-je,  me  détermineront  à  vous  prier  de  me  donner  votre 
avis  sur  le  party  que  je  dois  prendre.  Je  suis  si  porté  à  me  retirer, 
qu'une  fortune  considérable  ne  m'engageroit  pas  à  rester  dans  le  païs 
autres  six  années,  si  j'estois  obligé  d'y  essuyer  autant  de  chagrins  que 
j'en  ay  eu  jusqu'à  présent... 

Houglj,  le  20  octobre  1705  (1).  —  ...  Jamais  la  misère  n'a  esté  au 
Bengalie  au  point  qu'elle  est,  ny  le  commerce  de  port  en  port  dans  un 
si  triste  estât  :  il  n'y  a  plus  rien  à  faire  d'icy  à  la  coste  de  Coromandel. 
Les  voyages  d'Achain,  de  Chine  et  autres  endroits  sont  devenus  si 
mauvais  que  depuis  trois  ans  ceux  qui  les  font  ont  à  peine  retiré  ce 
qu'ils  ont  déboursé.  Il  n'y  a  donc  uniquement  que  sur  celuy  de  Perse 
qu'il  y  a  quelque  profit,  mais  les  risques  sont  si  grands,  de  môme  que 
sur  tous  les  autres,  que  je  n'ai  pas  osé  risquer  dessus  cent  pistoUes. 

Ce  qu'il  y  a  encore  de  plus  fâcheux,  c'est  que  je  ne  voy  aucune  ap- 
parence de  voir  reprandre  aux  affaires  du  pays,  ny  à  celles  du  dehors, 
leur  cours  ordinaire. 

La  rareté  d'argent  est  à  un  point  incroyable.  Elle  découvi-e  la  fai- 
blesse de  plusieurs  négociants  qu'on  croyoit  puissants  et  qui  ont  tombé 
dès  que  les  compagnies  ont  cessé  de  leur  faire  des  avances,  de  manière 
qu'il  n'y  a  présentement,  en  ces  quartiers,  que  cinq  ou  six  personnes 
qui  soient  en  estât  de  faire  travailler  avec  leui-s  fonds.  Jamais  le  temps 

(l)  Archiv.  de  Bayonne,  44,267,  u*  42. 


—  349  — 

n'a  esté  pi  as  avantageux  pour  ceux  qui  ont  de  l'argent  à  employer  en 
marchandises  pour  Europe,  et  c'est  avec  une  mortification  que  je  ne 
sçaurois  exprimer  que  je  me  trouve  hors  d'estatd'en  pouvoir  profiter.  La 
Compagnie,  à  qui  j'avois  marqué  en  1702  les  engagemens  dans  lesquels 
j'étois  entré  par  les  forts  retours  que  je  leur  fis,  me  pria  de  tout  mettre 
en  usage  pour  me  soutenir  jusques  en  juin  1703  qu'elle  feroit  partirj 
assuroit-elle,  des  vaisseaux  au  commencement  de  la  dite  année,  et  que 
seurement  je  recevrois  des  fonds.  Il  en  arriva  en  efiEet  deux  à  Pondi- 
chéry,  mais  qui  ne  m'aportèrent  pas  le  sol.  Voici  donc  trois  ans  que 
je  suis  sans  secours... 

Telle  était  la  situation  de  nos  comptoirs  aux  Indes,  lorsque, 
en  décembre  1705,  le  gouverneur  général  Martin,  dont  la 
santé  était  depuis  longtemps  ébranlée,  tomba  tout  à  fait  en 
enfance.  Déférant  aux  ordres  de  la  Compagnie,  Dulivierse 
rendit  aussitôt  à  Pondichéry,  afin  de  soulager  Martin  dans 
ses  pénibles  fonctions.  Mais  celui-ci  étant  venu  à  mourir  le 
30  décembre  1706,  la  confusion  fut  portée  à  son  comble; 
elle  devait  bientôt  tourner  à  Tanarchie. 

Choisi  depuis  longtemps  par  la  Compagnie,  désigné  par 
elle  et  présenté  au  conseil  supérieur  de  Pondichéry  comme 
devant  remplacer  Martin  jusqu'à  l'arrivée  d'un  nouveau  titu- 
laire, Dulivier  vit  tout  à  coup  se  dresser  devant  lui  un  second 
compétiteur,  nanti  d'un  pouvoir  régulier  (1).  Celui-ci, 
nommé  de  Flacourt  (2),  s'appuyait  sur  la  garnison  de  Pon- 

(1)  Ce  pouvoir,  portant  la  date  du  7  mars  1704,  était  ainsi  conçu  :  «  De  par  le 
Roy.  Les  Directeurs  de  la  compagnie  des  Indes  Orientales  ayant  représenté  à 
S.  M.  qu'ils  avoient  donné  des  ordres  au  conseil  du  comptoir  de  Pondichéry, 
portant  qu'en  cas  de  déceds  du  sieur  Martin,  gouverneur  du  fort  et  de  la  ville 
de  Pondichéry,  ils  avoient  fait  choix,  sous  le  bon  plaisir  de  S.  M.,  du  sieur  de 
Flacourt,  pour  y  commander  jusqu'à  ce  que  le  sieur  Dulivier  se  fût  rendu  à  Pon- 
dichéry pour  remplir  la  dite  place  de  gouverneur,  et  S.  M.  ayant  bien  voulu 
agréer  ce  choix,  —  elle  mande  et  ordonne  au  sieur  de  Boissieux,  commandant  les 
troupes  du  fort  et  de  la  ville  de  Pondichéry,  à  tous  capitaines,  lieutenans  et  autres, 
de  reconoitre  et  faire  reconoitre  les  dits  sieurs  de  Flacourt  et  Dulivier,  et  leur 
obéir  en  cette  qualité',  jusqu'à  ce  que  autrement  par  S. M.  en  ayt  esté  ordonné 
sur  la  nomination  des  dits  Directeurs.  »  (Archiocs  do  la  marine  :  fonds  colo- 
nialy  Comptoir  des  Indes  Orientales,) 

(2)  D'abord  simple  employé  de  la  cx)rapagnie,  Jacques  Julien  de  Flacourt  fut, 
après  son  intérim  à  Pondichéry,  nommé  directeur  du  comptoir  d'Hougly.  Mem- 
bre du  conseil  supérieur  des  Indes  en  1720,  il  fut  appelé  en  1726  à  la  direction 
de  Sarate.  Il  mourut  en  cette  ville  en  1736  (Ibid.;  dossier  de  Flacourt). 


—  350  — 

dichéry  :  Dulivier  avail  pour  lui  le  pouvoir  civil,  représenté 
par  le  Conseil  des  ludes,  dont  le  siège  était  dans  la  même 
ville. 

Cette  rivalité,  la  mort  de  l'empereur  mogol  Aurengzeb,  la 
guerre  qui  désolait  le  Dekkan  et  les  côtes  de  Malabar,  vinrent 
encore  augmenter  le  malaise  dont  étaient  frappées  noscolonies. 
Abandonné  depuis  longtemps  à  lui-même,  négligé,  réduit  à 
toutes  sortes  d'expédients,  Pondichéry  ne  dut  vraiment  sa 
subsistance  pendant  deux  longues  années  (1707-1708)  qu'à 
l'infatigable  dévouement  de  Dulivier.  Sur  sa  parole,  sur  les 
garanties  personnelles  qu'il  offrait,  il  parvint  à  contracter 
deux  emprunts,  le  premier  de  24,000  éous,  le  second  de 
22,000  livres,  qui  lui  permirent  de  faire  face  aux  premières 
nécessités  (1).  Il  s'apprêtait  à  en  négocier  un  troisième,  avec 
lequel  il  espérait  pouvoir  équiper  un  navire  à  destination  de 
France,  quand  le  nouveau  Directeur  général  de  Pondicliéry, 
Guillaume  André  Hébert,  envoyé  de  France  par  la  Compagnie, 
débarqua  en  janvier  1709  sur  le  quai  de  cette  ville  (2). 

Hevêtu  par  la  Compagnie  des  pouvoirs  les  plus  étendus, 
ayant  mission  de  reformer,  si  besoin  était,  le  personnel  des 


(1)  Ibid.  ;  fonds  colonial,  12  C* .  Lettres  de  Dulivier  à  la  compagnie  des  Indes 
Orientales. 

(2)  D'après  le  Mémoire  déjà  cité  de  Dulivier  {1717,  Mémoire  au  Roy  et  d  son 
conseil  do  Marine),  le  sieur  Hébert  n'était  porteur  d'aucune  commission  l'éle- 
vant à  ce  poste. 

Voici  la  version  de  Dulivier:  «  En  l'année  1706,  la  Compagnie  fit  un  arme- 
ment pour  la  mer  du  Sud.  Le  sieur  Hébert,  l'un  des  Directeurs,  dont  les  affai- 
res étoient  dérangées  en  France,  s'embarqua,  mais  siur  la  mortification  que  sa 
propre  compagnie  ne  lui  confia  point  la  direction  de  cet  armement  :  elle  la  donna 
aux  sieurs  Hardancourt  et  Darguibel,  marchands  et  subrécargues  de  la  dite  com- 
pagnie, donnant  seulement  audit  smir  Hébert  une  commission  denooyé  oers 
les  puissances  des  Indes  et  en  Perse.  Ixs  navires  étant  arrivés  à  la  mer  du  Sud, 
on  détacha  le  vaisseau  le  Saint-Louis,  sous  le  commandement  du  sieur 
de  la  Marre,  de  Cacn,  auquel,  suivant  l'instruction  de  la  Compagnie,  lesdits 
sieurs  Hardancourt  et  Darguibel  consignèrent  les  fonds  embarquez  sur  les 
connoissemens  du  sieur  de  la  Marre,  afin  que  celui-ci  les  livrât  au  sieur  Dulivier. 
à  l*ondichéry,  qui  devoit  en  faire  l'emploi  et  le  renvoi  en  France,  l^  dit  sieur 
Hébert  s'embarqua  sur  le  Saint-Louis,  toujours  sans  aucun  pouvoir  de  la  Com- 
pagnie de  destituer  ledit  sieur  Diilivier,  ni  d'avoir  la  direction  des  fonds.  —  Le 
sieur  Hébert  étant  arrivé  à  Pondichéry  en  1708,  il  fit  confidence  au  sieur  Duli- 
vier de  la  triste  situation  de  ses  affaires  en  France,  et  lui  dit  que  c'étoit  ce  qui 


—  361  — . 

comptoirs  de  Pondicbéry,  Hougly  et  Surate,  autorisé  surtout 

à  retrancher  toutes  les  dépenses  reconnues  inutiles  ou  super- 

flues,  le  nouveau  gouverneur  n'avait  omis  d'apporter  avec  lui 

qu'une  chose,  la  principale,  la  plus  importante  :  l'argent 

nécessaire  pour  payer  les  dettes  de  la  Compagnie,  parer  aux 

dépenses  journalières  et  faire  ainsi  revivre  la  conQance  et  le 

négoce. 

A.  COMMUNAY. 
{A  suivre.) 


lui  avoit  fait  prendre  la  résolution  de  passer  aux  Indes.  H  n'étoit  muni  d'aucun 
pouvoir  de  sa  propre  Compagnie  pour  prendre  le  poste  du  sieur  Dulivier,  mais 
celui-ci,  totiché  de  son  état,  se  démit  oolontairement  de  son  gouoernement  en 
sa  faœur,  » 

Le  document  suivant,  daté  de  1709  et  adressé  au  ministre  de  la  marine,  place 
Dulivier  dïiis  une  contradiction  évidente  : 

«  M.  Hébert,  directeur  de  la  Compagnie,  a  passé  aux  Indes,  sous  'e  bon  plaisir 
de  Monseigneur  et  de  l'aveu  de  la  Compagnie,  pour  prendre  connoissance  de 
l'état  des  affaires,  des  moîens  de  les  rétablir  etde  faire  cesser  les  dépenses  inutiles. 

»  L'intention  de  Ja  Compagnie  étoit  qu'il  repassât  en  France  après  un  an  de 
séjour  dans  le  pays  :  M.  Hébert  s'étoit  soumis  à  cette  condition. 

»  Depuis  son  départ,  on  a  eu  nouvelles  certaines  de  la  mort  de  M.  Martin.  Il 
se  trouve  à  présent  aux  Indes  peu  de  sujets  capables  de  le  remplacer  et  à  qui 
la  Compagnie  puisse  remettre  ses  intérêts  avec  confiance. 

»  I^  Compagnie  n'étant  pas  en  état  de  continuer  son  commerce  par  elle-même, 
n'a  pas  besoin  aux  Indes  du  même  nombre  de  marchands  et  de  commis  qu'elle 
avoît  auparavant.  £lle  se  propose  de  faire  de  très  grands  retranchemens  et  de 
réformer  tout  ce  qu'il  peut  y  avoir  de  dissipation  dans  les  dépenses  de  bouche 
et  de  négoce  qui  ont  été  excessives  jusqu'à  présent,  quoyque  la  Compagnie  ait 
donné  toutes  les  aminées  d  s  ordres  très  positifs  sur  cela  qui  ont  été  mal  exécutés. 
Elle  se  persuade  que  M.  Hébert,  étant  Directeur  et  intéressé,  sera  plus  attentif 
qu'un  autre  à  refformer  ces  abus. 

»  Elle  se  propose,  sous  le  bon  plaisir  de  Monseigneur,  de  le  retenir  aux  Indes, 
et  afin  qu'il  soit  revêtu  de  l'autorité  nécessaire  pour  se  faire  obéii*,  elle  suplie 
très  humblement  Monseigneur  d'avoir  la  bonté  de  lui  acooider  un  brevet  du 
Roy,  sur  la  nomination  de  la  Compagnie,  pour  être  gouverneur  du  fort  et  de  la 
ville  de  Pondichery  et  commandant  des  troupes,  comme  l'avoit  été  cy-  devant 
M.  Martin. 

»  Monseigneur  a  eu  la  bonté  de  faire  accorder  par  le  Roy  à  M.  Martin  des 
lettres  de  noblesse.  Cette  distinction  luy  a  donné  beaucoup  de  relief  parmy  les 
officiers  de  la  garnison.  La  Compagnie  supplie  très  humblement  Monseigneur 
de  faire  la  même  grâce  au  sieur  Hébert.  » 

(Signés  :)  Tardif,  Soullet,  Helissant,  de  Barmey, 

DesRIEUX,   COMPIliGNE,    PELLETIER. 

(Arcllic.  coloniales  :  Correspondance,  13  C  ,  p.  114). 
La  pièce  ci-dessus  n'est  pas  revêtue  du  oisa  du  ministre  ;  cependant  tout  porte 
à  croire  qu'Hébert  reçut  ses  provisions  de  gouverneur. 


EGLISES  ET  PAROISSES 

D'ÂRMAaNÂC,   EÂUZÂN,  aABÂRDAN  ET  ALBRET 

D'APRÈS  UNE  BNQUâTE  DB  1646  C) 


Gaumont  (i)  avait  déjà  envoyé  ses  fabriciens  par-devaDt  la 
Commission;  ils  avaient  compara  à  Termes  le  i9  novembre 
après  ceux  de  Termes.  L'un  d'eux,  Arnaud  Daslier,  accompa- 
gné de  M'  Guilhaume  de  Monbert,  vicaire  du  lieu,  dit  qu'ils 
avaient  recueilli  25  quarts  1/2  de  froment,  46  quarts  de 
mesture,  9  quarts  de  millet,  un  demy-pipot  de  vin  pur  et 
20  fagots  de  lin  «  non  prest  ne  accoustré  » ,  le  tout  valant 
environ  27  1.  t.,  ce  qui  est  le  revenu  annuel  ordinaire;  tous 
ces  fruits  étaient  encore  au  pouvoir  de  la  fabrique,  sauf  H 
quarts  de  froment  qui  avaient  été  déjà  vendus  pour  sufûre 
à  Tentrelien  de  Téglise. 

Celle-ci  fut  visitée  I3  22  novembre;  elle  était  sous  le  vocable 
de  saint  Sernin.  On  la  reconnut  «  assez  bien  et  honorablement 
bastie  de  ses  murailbes,  presque  toute  paincte,  et  en  tel  ordre 
que  n'y  estre  nécessaire  que  quelques  petites  réparations  quy 
ne  sauroient  couster  que  dix  ou  douze  livres  tournois  au 
plus  bault.  »  L'ordonnance  d'Arnaud  Claverie  sur  Caumont 
fut  rédigée  en  conséquence.  Cette  fabrique  se  vit  condamnée 
à  donner  au  collège  la  moitié  de  ses  revenus,  plus  20  1. 1. 
à  prendre  sur  la  vente  des  fruits  de  la  dernière  récolte  qui 
lui  restaient  encore. 


(•)  Voir  ci-desus,  livr.  de  février,  p.  73.  —  Les  premières  pages  du  présenl 
article  complètent  le  n*  i\\  resté  inachevé,  p.  82. 

(1)  Caumont  (Gers),  canton  de  Riscle,  Ecclesia  de  Calco  monte,  ancienne 
paroisse  de  Tarchidiaconé  d'Armagnac.  L'église  est  de  l'époque  romane  et  n'a 
point  de  voûte.  Les  peintures,  dont  le  Procès- verbal  constate  l'existence,  ont  dis- 
paru totalement.  Il  y  a  dans  cette  église  un  rétable  du  .wii*  siècle  dans  le  genre 
de  celui  de  Maulicherre. 


—  353  — 

On  s'arrêta  aussi  à  Tarsac  (1)  pour  voir  Téglise  SaintOrens 
dadit  lieu.  Elle  fut  trouvée  «  bien  bastie  de  ses  murailhes  et 
toute  bien  couverte  et  en  partie  bien  plâtrée  de  poslan  (?),  et 
ce  quy  est  besoing  réparer  est  de  petite  estimation.  » 

Pierre  de  Magenc,  fabricien^  comparut  le  lendemain  à  Ris- 
cle  avec  le  vicaire  et  le  consul  de  Tarsac.  Ils  exposèrent  que. 
Tannée  présente,  ils  avaient  recueilli  40  sacs  de  blé,  6  quarts 
de  froment,  8  sacs  de  mil,  demi-barrique  de  vin,  80  fagots 
de  Un  ferreguat  (2),  valant  environ  dans  Tensemble  45  ou  50 
livres  tournois,  ajoutant  que,  «  du  consentement  de  la  com- 
munaulté  »,  ils  proposaient  de  donner  au  collège  15  1. 1.,  aQn 
qu'on  leur  laissât  le  reste  de  leur  revenu,  ainsi  que  le  petit 
nombre  des  créances  de  la  fabrique,  <  pour  la  réparation  de 
lad.  église  ».  La  Commission  examina  d'abord  leurs  livres 
de  comptes;  il  se  trouva  qu'on  leur  devait  25  écus  petits 
11  s.  11  d.  Cela  fait,  Arnaud  Claverie  rendit  son  ordonnance. 


(1)  Tarsac  (Gers),  canton  de  Riscle,  sur  les  bords  de  l'Adour,  Eccleaia  de  Tar* 
aaco.  L'église  n'a  encore  pour  toute  voûte  qu'un  lambris  plafonné.  Elle  remonte 
au  moins  au  xi*  siècle.  A  cette  époque,  Géraud,  fils  de  Bernard  Tumapaler, 
étant  comte  d* Armagnac,  elle  fut  donnée  au  monastère  de  Saint-Mont  par  Ray- 
mond de  Tarsac  et  son  frère  Guillaume  de  Tarsac,  suivant  le  conseil  de  leur 
mère  Mario  (Cartulaire  de  Saint-Mont,  LXXII.  Nous  tenons  à  remercier  ici 
M.  J.  Maumus,  qui  a  bien  voulu  nous  communiquer  une  copie  de  ce  précieux 
cartulaire  encore  inédit  et  fort  important,  qu'il  a  lui-même  collationnée  sur  l'on* 
ginal).  —  Parmi  les  témoins  de  la  visite  étaient  Peyron  Du  Cassé,  consul, 
Jehanuot  du  Cassé,  Peyron  de  Saint-Guilhem,  Peyron  de  Magenc,  fabricien, 
M*  Dominique  du  Cassé,  prêtre  et  vicaire  de  ladite  église,  Jehan  de  Pages  et 
Jehan  de  Magenc. 

(2)  Ferreguat  est  une  expression  totalement  inconnue  dans  le  patois  actuel 
de  l'Armagnac.  Il  est  probable  qu'ici,  comme  en  bien  d'autres  endroits,  le  rédac- 
teur du  Procès-Verbal  a  voulu  franciser  un  mot  patois  et  l'a  orthographié  à  sa 
manière.  Les  principaux  qualificatifs  patois  se  rapportant  au  lin  sont  ceux  de 
pintouat,  peigné,  et  de  aguazat,  désignant  le  séjour  plus  ou  moins  long  dans 
l'eau  que  le  lin  subit  avant  les  derniers  apprêts  pour  le  tissage.  Le  premier  de 
ces  qualificatifs  ne  peut  évidemment  s'adapter  au  mot  dont  nous  cherchons  le 
sens.  Mais  le  second  s'en  rapproche  au  point  de  s'identifier  presque  avec  lui. 
On  sait,  en  effet,  que  dans  plusieurs  quartiers  de  l'Armagnac  l'adverbe  français  bien 
ou  très  bien  se  rend  par  hère.  Dès  lors  on  voit  comment  hère  agtiazat  ou  hère 
aguat  a  pu  devenir /erra</aai.  —  Ajoutons  qu'il  y  a  une  espèce  de  lin,  crois- 
sant sans  culture  et  en  grande  abondance  dans  les  champs  enfhche.  On  l'appe- 
lait Un  saubatgo  ou  lin  de  serp  et  on  le  recueillait  avec  soin  pour  en  faire  des 
nappes  d'autel.  Les  croyances  populaires  attribuaient  h  ces  nappes  le  pouvoir  de 
détourner  la  grêle,  lorsqu'on  les  déployait  sur  les  autels  des  paroisses  au  mo- 
ment où  l'orage  menaçait. 


—  354  — 

par  laquelle,  ayant  accepté  Poffredes  15  I.  l.,  il  obligea  encore 
ladite  fabrique  à  consacrer  la  moitié  de  ses  revenus  futurs 
à  Tœuvre  du  collège;  il  lui  laissa  néanmoins  rentière  dis- 
position de  ses  créances. 

Cependant  nos  magistrats,  partis  de  bonne  heure  de  Sarra- 
gachies,  étaient  arrivés  à  Riscle  vers  10  h.  du  malin  et  avaient 
pris  leur  logement  chez  Bernard  Ollyer,  hôte  et  consul  dudit 
lieu.  Déjà  les  fabriques  de  Maulicherre  et  de  Tarsac  avaient 
eu  leurs  ordonnances,  lorsque,  convoqués  par  le  sergent 
Saint-Arnaud,  les  gens  de  Riscle  se  présentèrent. 

Jean  Ducassé,  fabricien,  Jean  Pages  et  Bernard  Oliver,  et 
M*  Arnaud  Dargelos,  vicaire  de  Riscle,  dirent  qu'ils  n'avaient 
point  de  livres  de  comptes  autres  que  ceux  datant  de  deux 
ans;  les  comptes  des  années  antérieures  étaient  encore  au 
gretTe  du  Pariement  de  Toulouse,  où  Ton  avait  été  obligé  de 
les  produire  dans  un  procès  qui  s'était  engagé  entre  le  curé 
de  Riscle  et  les  fabriciens  et  qui  venait  alors  de  se  terminer. 
L'année  passée,  la  fabrique  avait  fait  un  revenu  de  100  écus 
petits  environ,  ainsi  que  le  constatait  un  acte  passé  par-devant 
M*  Thezan,  notaire  de  Riscle.  Et  en  l'année  précédente  la 
cueillette  avait  produit  147  quarts  de  blé,  22  quarts  de  mes- 
ture,  51  quarts  de  seigle,  54  quarts  de  millet,  2  quarts 
d'avoine  et  trois  barriques  de  vin  pur,  plus  10  écus  petits 
pour  le  fermage  d'une  partie  de  la  dîme  des  graines.  A  la 
vérité,  la  plus  grande  partie  de  ces  fruits  était  déjà  vendue, 
car  il  avait  fallu  subvenir  aux  frais  du  susdit  procès,  et  le 
reste,  d'une  valeur  de  30 1. 1.  environ,  se  trouvait  en  la  maison 
de  Jean  de  Pardeilban,  habitant  de  Riscle.  De  sorte  que  pres- 
que tout  le  revenu  avait  été  consumé  dans  ce  procès;  «  ce  qu'est 
cause  que  à  présent  leurd.  esglise  est  pauvrement  aornée  et 
munie  de  chappes  et  autres  ornements  nécessaires  pour  le 
service  d'icelle.  »  Sur  quoi,  les  procuriîurs,  voyant  dans  ces 
dernières  paroles  se  dessiner  des  objections,  proieslèrent  et 
déclarèrent  que  «  sy  les  paroissiens  y  veullent  des  plus  riches 


I 

I 

I 


—  355  — 

ornements,  qu'ils  le  fassent  à  leurs  despans  et  non  aux  des- 
pens  de  lad.  Fabrique  ».  Arnaud  Claverie  renvoya  la  sentence 
au  lendemain,  les  comparants  ayant  demandé  sursis  pour 
délibérer  avec  le  conseil  du  corps  do  ville. 

Le  mardi  ^  novembre,  la  journée  débuta  par  la  visite  de 
Téglise  de  Riscle.  Fontana  et  Mailhos,  qui  s'y  rendirent,  rap- 
portèrent qu'elle  «  étoit  bien  et  honorablement  bastie  de 
pierre  de  taille  et  de  tbuille,  en  tel  estât  que  pour  le  présent 
n'y  avons  cogneu  y  avoir  besoing  d'aulcune  réparation  néces- 
saire (i).  V  Après  quoi,  on  ouït  de  nouveau  les  consuls  et 
fabriciens  de  Riscle,  assistés  de  M*  Dargelos,  vicaire.  Ceux-ci 
dirent  qu'ils  avaient  entretenu  le  conseil  de  la  communauté 
de  la  présente  affaire  et  que,  de  la  volonté  de  tous  les  jurats, 
ils  offraient  à  la  Commission  pour  le  collège  la  somme  de 
310  1.  t.,  en  demandant  qu'on  leur  laissât  le  reste  de  leur 
revenu  pour  l'église.  Arnaud  Claverie  accueillit  cette  propo- 
sition. Seulement,  son  ordonnance  porta  que  désormais  la 
fabrique  de  Riscle  donnerait  au  collège  les  deux  tiers  du  revenu 
annuel  de  ses  dimes. 


V Enquête  à  Viella,  Lannux,  Bilhère,  Pf^ofan,  Vefius, 
Bernéde,  Lapujolte,  Le  Lin,  Arblade-le-Bas,  et  Vei'goignan. 

Le  lendemain  24  novembre,  la  Commission  quitta  Riscle  et 
gagna  Viella  (2),   où  elle  s'installa  chez  Messire  Bernard 

(t)  Riscle,  chef-lieu  de  canton  de  l'arrondissement  de  Mirande  (Gers),  an- 
cienne paroisse  de  Tarchidiaconé  d'Armagnac,  Ecclesia  do  RUcla.  Cette  église 
fut  restaurée  de  1478  à  1490  et  consacrée  à  cette  dernière  date  par  Tévéque 
d'Aire  (V.  Comptes  de  Riscle,  p.  LV).  Les  guerres  de  religion  firent  dans  son 
enceinte  de  nombreux  ravages,  tout  en  laissant  debout  une  partie  des  anciens 
murs  romans.  Cette  église  fut  du  nombre  de  celles  que  saint  Austinde,  arche- 
vêque d'Auch,  céda  à  l'abbaye  de  Saint-Mont  vers  1061.  Elle  a  été  de  nos  jours 
l'objet  de  nombreuses  restaurations. 

(2)  VieUa.  canton  de  Riscle  (Gers),  ancienne  paroisse  de  l'archidiaconé  d'Arma- 
gnac, Ecclesia  de  Villario,  Le  Cartulaire  de  Saint-Mont  mentionne  Viella  en 
quelques  passages  ;  Téglise  actuelle  doit  dater  de  cette  époque,  c'est-^-dire  du 
XI*  siècle,'  car  elle  a  gardé  quelques  traces  du  style  roman. 


—  356  — 

BagoQos,  recteur  de  Montpezat  (1),  habitant  du  lieu.  A 
peine  arrivée,  elle  alla  visiter  Féglise  paroissiale  de  Saint- 
Pierre  <  laquelle  est  bien  et  honorablement  bastie  de  pierre 
de  taille  et  en  tel  ordre  que  pour  le  présent  n'y  a  pas  besoing 
que  ayant  cogneu  de  réparation  nécessaire  fors  d'y  faire 
quelques  arcs  voultants  (2)  et  achever  quelques  ungs  de 
ceulx  qui  ont  esté  commencés,  pour  ce  que  lad.  esglise  ou 
murailhes  dMcelle  sont  fondées  en  maulvais  endroict,  et  pour 
rayson  desd.  fentes  et  esviler  la  ruyne  de  lad.  esglise  pour 
Tad venir  est  rayson  y  faire  lesd,  arcs  voultants  quy  ne  pour- 
ront poinct  cousler  grand  chose,  et  selon  nre  advis  et  juge- 
ment ce  qu'il  y  faut  faire  ne  pourra  pas  cousler  plus  hault 
de  deux  cents  livres  ou  environ.  »  Vidal  de  Merisseni,  Jehan 
de  Vichal  et  Rogier  de  Serre,  consuls,  assistaient  à  la  visite; 
et,  comme  les  fabriciens  n'y  avaient  pas  paru,  on  voulut 
interroger  les  consuls  sur  les  revenus  de  la  fabrique.  Mais 
ceux-ci  refusèrent  de  répondre,  disant  que  ce  n'était  pas  là 
le  fait  de  leur  charge  et  que  la  chose  regardait  seulement  les 
marguiliers. 

Or,  tandis  que  la  Commission  rentrait  en  son  logis,  San- 
sonnet de  Reuil,  fabricien  dud.  Viella  et  M' Brusson,  prêtre, 
«soy  disant  avoir  charge  des  habitants  dud.  lieu  »,  compa- 
rurent devant  elle.  Ils  dirent  que  le  revenu  moyen  de  la  dime 
de  la  fabrique  était  de  40  écus  petits.  Cette  dime  leur  avait 
donné  pendant  l'année  courante  un  quarton  de  meslare. 


(1)  Nous  ne  connaissons  pas  de  Montpezat  en  Ânnagnac,  ni  même  dans 
l'ancien  diocèse  d'Auch.  Il  doit  être  question  ici  de  Montpezat,  canton  de 
Sembèye  (Basses-Pyrénées),  à  25  kil.  environ  au  sud  de  Viella.  On  sait  qu'à 
cette  époque  bien  des  curés  ne  résidaient  pas  dans  leurs  paroisses  et  pour- 
voyaient au  service  paroissial  par  des  vicaires  qu'ils  payaient  pour  cela.  Le 
Concile  de  Trente  condamna  cet  abus,  qui  dès  lors  tendit  de  plus  en  plus  à  dis- 
paraître. 

(2)  Agrandie  et  restaurée  vers  1830  et  plus  récemment  encore,  l'église  de  Viella 
est  située  à  l'extrémité  dudit  village,  du  côté  de  Maumusson,  au  centre  d'une 
légère  dépression  de  terrain,  ce  qui  devait  développer  dans  les  murs  une  cer- 
taine humidité,  et  voilà  pourquoi  sans  doute  le  Procès- Verbal  dit  qu'elle  était 
«  fondée  en  maulvais  endroit». 


—  357  — 

3  quarts  de  froment,  20  conques  d'avoine,  5  quarts  de  mil- 
let, 5  conques  de  vin  blanc  et  autant  de  vin  rouge,  140  fagots 
de  lin,  et  «  trente  testes  d'aigneaulx  »,  le  tout  valant  environ 
40  1. 1.,  plus  6  écus  petits  pour  une  partie  de  dîme  quMIs 
avaient  affermée  à  ce  prix;  «  et  vray  est  qu'ils  n'ont  poinct 
led.  vin,  car  l'ont  vendu  pour  le  prix  de  quarante  escus  petits 
pour  les  affaires  de  lad,  esglise,  » 

L'ordonnance  de  Viella  ne  fut  rendue  que  le  lendemain. 
La  fabrique  se  vit  imposée  envers  le  collège  du  paiement  de 
la  moitié  de  ses  revenus  futurs  et  de  300  écus  petits  pris  sur 
ses  créances,  dont  la  somme  s'élevait  à  445  1.  6  s.  9  d.; 
outre  cela,  elle  dut  verser  tout  le  produit  de  sa  dîme  durant 
l'année  1546.  Par  la  même  occasion,  nos  procureurs,  tou- 
jours sans  quartier,  rappelèrent  aimablement  aux  consuls  de 
Viella  que,  suivant  un  acte  antérieur,  ils  devaient  au  collège 
la  somme  de  140  écus  petits.  Mais  un  arrêté  si  sévère,  qui 
menaçait  de  saigner  à  blanc  la  cassette  de  la  fabrique  et  de  la 
communauté,  excita  à  Viella  des  clameurs  universelles.  Devant 
celle  opposition,  Pontana  et  Mailhos  baissèrent  la  main  et 
consentirent  à  une  transaction  d'après  laquelle  le  collège  dut 
se  contenter  de  20  1.  t.  pour  les  revenus  de  l'année  présente, 
et  de  50  l.  t.  pour  les  créances. 

Tout  étant  ainsi  arrété,la  commission  partit  pour  Lannux  (1), 
où  elle  arriva  dans  la  soirée.  Elle  s'établit  à  l'auberge,  chez 
Arnaud  de  Campislron,  hôte  du  lieu.  Le  jour  suivant,  ven- 
dredi 26  novembre,  elle  entendit  d'abord  les  marguilliers  de 
l'église  Saint-Martin  de  Lannux.  L'un  d'eux,  Arnauton  de 
Laporle,  déclara  que  cette  année  le  revenu  de  la  fabrique 

(1)  Lanntrx,  canton  de  Riscle  (Gers),  ancienne  paroisse  de  l'archidiaconé  d*At- 
magnac,  Ecclesia  de  Lannuso.  I/église  actuelle  est  en  bon  état.  Quant  à  cette 
<5glise  «  cliampestre  »,  dont  pSirle  le  Procès- Verbal,  je  ne  sais  où  elle  était;  je 
n'ose  ridentifter,  vu  Téloignement,  avec  l'église  connue  sous  le  nom  de  Gelle  ou 
de  Gellemale,  laquelle  a  disparu  depuis  la  Révolution.  Située  sur  les  bords  de 
TAdour,  en  un  lieu  des  plus  agrestes,  elle  fut  longtemps  desservie  par  les  curés 
de  lannux,  quoiqu'elle  se  trouvât  sur  le  territoire  de  Géc-Rivicre,  près  Saint- 
Germé. 

Tome  XXX.  U 


—  358  — 

avait  été  de  8  ècus  pelils  et  2  ardils  et  qu'il  ne  valait  pas 
davantage  ordinairement.  La  visite  de  Téglise  fit  voir  que 
celle-ci  était  «  fort  ruynée,  et  desja  y  a  fort  de  pierre  et  de 
chaux  pour  la  édiffier;  toutesfois  en  avoient-ils  fait  bastirune 
autre  des  deniers  de  la  fabrique,  laquelle  est  bien  honorable- 
ment bastye,  mais  pour  ce  qu'est  un  peu  champestre,  disent 
n'estre  point  tout  a  bon  gré  ny  aysée  comme  celle  qu'ils  veul- 
lent  réduire  et  préparer.  »  L'ordonnance  concernant  celte 
fabrique  fut  rendue  le  2  décembre,  à  La  Pujole.  Ses  créan- 
ces se  montaient  à  H5  l.  4  s.  Elle  fut  taxée  à  la  moitié 
des  revenus,  plus  45  écus  petits  à  prendre  sur  le  total  des 
créances. 

Le  même  jour,  comparurent  Pey  Lussanet  et  Arnaud 
Dupont,  fabriciens  de  l'église  Saint-Orens  de  Bilhères  (1).  Ils 
rapportèrent  que  le  revenu  avait  été  cette  année  de  12  écus 
petits  et  que  communément  il  ne  dépassait  pas  celte  somme. 
Mais  tout  l'argent  de  l'année  était  passé  entre  les  mains  de 
Mathieu  de  Lacaze,  m'  maçon,  en  payement  «  de  l'édifiBce 
d'une  chapelle  dans  leurdile  esglise.  »  Ils  devaient  encore 
audit  Lacaze  25  écus  petits  «  ou  plus  » ,  bien  qu'il  eût  déjà 
retiré  les  revenus  des  cinq  années  précédentes  pour  le  prix 
de  son  travail.  Mais  aussi  l'église  parut-elle  à  la  Commission 
«  bien  assez  réparée  et  sans  réparation  nécessaire.  »  L'or- 
donnance d'Arnaud  Claverie  s'inspira  d'une  situation  si  par- 
faite et  condamna  Bilhères  à  remettre  au  collège  la  moitié  de 
tous  ses  revenus  et  toutes  ses  créances,  lesquelles  à  la  vérité 
n'étaient  que  de  6  écus  petits  et  2  sols  bons. 

Le  même  jour,  la  commission  était  à  Bernède  (2)  et  visitait 

(1)  Bilhères,  canton  de  Riscle  (Gers),  ancienne  annexe  de  Projan  dans  l'archi- 
diaconé  d'Armagnac,  Ecclesia  de  Vilhera.  Cette  église  n'existe  plus  depuis 
longtemps  ;  elle  était  située  dans  le  hameau  actuel  de  Bilhères,  entre  Projan  et 
Ségos. 

(2)  Bernède,  canton  de  Riscle,  sur  les  coteaux  de  la  rive  gauche  de  l'Adour, 
ancienne  paroisse  de  l'archidiaconé  d'Armagnac,  Ecclesia  de  Berneda*  L'église 
Sainte-Croix  de  Bernède  fut  donnée  au  Prieuré  de  Saint-Mont  par  Odon  de 
Bcnièdc,  vers  le  milieu  du  xr  siècle.  Cette  église  romane  existe  encore  et  a  subi 


-  339  — 

réglise  paroissiale  Sainte-Croix,  laquelle  lui  parut  «  bien  et 
honorablement  bastie  avec  un  beau  grand  clocher  tout  de 
pierre  ou  de  brique,  et  n'y  avoir  poinct  besoin  de  réparations, 
fors  de  parachever  la  poincte  dud.  clocher  quy  ne  pourra  pas 
cousler  guère  grand  chose,  car  il  y  a  quelque  peu  de  provi- 
sion pour  ce  faire  » .  Jehan  Sarrade,  fabricien,  déclare  que  le 
revenu  annuel  de  Téglise  est  d'environ  40  écus  petits.  Et  il 
ajoute  que  «  six  ans  estre  passés  ou  environ  qu'ils  n'ont 
poinct  tiré  la  raute  de  la  fabrique  de  lourd,  esglise  parceque 
ils  l'ont  bailhée  en  payement  au  masson  quy  a  faict  l'œuvre 
du  clocher  d'icelle,  lequel  a  tiré  lesd.  six  années,  comprins 
l'année  présente,  et  encore  l'a  à  tirer  pour  six  ans  en  suyvant, 
en  faisant  certain  besougne  qu'il  doibt  faire  pour  parachever 
lourd,  clocher.  »  L'ordonnance  d'Arnaud  Claverie,  qui  suivit 
ce  rapport,  renversa  les  projets  des  habitants  de  Bernëde  et 
les  plans  des  maçons.  Le  contrat,  signé  avec  les  entrepreneurs 
du  clocher  Arnaud  et  Bernardon  de  la  Fitte,  fut,  en  effet, 
annulé,  à  la  requête  des  deux  procureurs,  qui  avaient  exposé 
que  a  sans  achever  icelle  poincte  dud.  clocher,  led.  clocher 
est  assez  hault  et  ne  reste  que  icelluy  couvrir  de  boys  et 
thuille  à  canal.  »  Leur  avis  fut  suivi  sans  doute;  car  le  clo- 
cher de  Bernède  est  toujours  resté  inachevé;  et  aujourd'hui 
encore,  au  lieu  de  la  flèche  rêvée  par  nos  bonnes  gens  de 
Bernède  en  1545,  c'est  une  simple  et  modeste  toiture  qui 
couronne  ce  clocher.  La  fabrique  se  vit  en  outre  condamnée 
à  appliquer  au  collège  la  moitié  de  ses  revenus  annuels 
et  la  moitié  de  ses  créances,  *dont  le  total  s'élevait  à  127  I. 
13  s. 

Peu  après,  se  présenta  Jehannot  Descomps,  fabricien  de 


diverses  modiûcations.  Le  clocher  dont  il  est  question  dans  l'Enquête  est  une 
tour  très  élevée  dont  la  noire  masse  domine  les  coteaux  environnants  et  la  plaine 
de  l'Adour.  Dom  Brugcles  dit  qu'on  y  remarque  «  des  figures  antiques  »  ;  ce  sont 
probablement  celles  que  l'on  peut  voir  encore  se  dresser  aux  angles  de  l'intérieur 
de  la  toar. —  Témoins  à  l'Enquête  ;  M"  \'ital  Fitte  et  Pierre  Pesquière,  prêtres 
dud.  lien,  et  Jehan  Scrrade,  lahricien. 


—  :s60  — 

réglise  paroissiale  de  Saint-Christaud  de  Vertus  (1).  Il  dit  que 
les  comptes  de  la  fabrique  sont  entre  les  mains  de  MeQJou 
de  la  Gassagne^  son  compagnon,  lequel  est  absent.  Toutefois, 
il  peut  certifler  «  que  le  revenu  est  une  bien  petite  chose  qui 
à  grand  peine  souiTit  à  entretenir  la  luminaire  de  lad.  esglise, 
et  aussy  n'a  pas  aulcuns  debtes  vrayement  deubs  à  icelle. 
Par  quoy,  et  altandu  que  lad.  esgllze  a  besoing  de  répara- 
tions » ,  il  demande  qu'on  dispense  la  fabrique  de  toute  taxe 
en  faveur  du  collège.  Les  procureurs  accueillent  favorablement 
cette  supplique  et  en  reconnaissent  le  bien  fondé.  Le  revenu 
Je  ladite  église  est,  en  effet,  disent-ils,  «  fort  petit,  et  en  icelle 
y  a  bon  besoing  de  réparations.  »  Il  fut  donc  décidé  qu'au- 
cune taxe  ne  serait  infligée  à  la  fabrique  de  Vertus. 

Sur  le  soir  de  ce  jour,  26  novembre,  nos  magistrats  arrivè- 
rent à  La  Pujolc  (2)  et  prirent  leur  logement  chez  Pierre  Des- 
comps,  marchand  dudit  lieu.  Le  lendemain,  Berlhomieu 
Descomps,  fabricien  de  Téglise  Saint-Pierre  de  La  Pujole, 
comparut  devant  eux;  son  compagnon,  Berthomieu  de  Cas- 
taing  était  absent.  Il  dit  que  le  revenu  de  Tannée  précédente 
à  été  de  50  écus  petits.  Cette  année,  la  cueillette  du  vin  leur 
a  donné  3  pipes  et  8  conques  (3)  de  vin  pur,  qu'il  estime 
37  1.  8  s.  Ensuite,  on  visita  l'église  «  laquelle  est  bien  et 
honorablement  bastie,  sans  aulcune  réparation  nécessaire, 

(1)  Verlus,  canton  de  Riscle  (Gers),  ancienne  paroisse  de  Tarchidiaconé  d'Ar- 
magnac; elle  n'est  pas  mentionnée  dans  les  Poullléa  du  livre  Uouge  d'Aucb; 
mais  divers  documents  du  moyen  âge  la  désignent  sous  le  nom  de  Berglissio, 

(2)  I^pujole,  ancienne  paroisse  de  Tarchidiaconé  d*Armagnac,  canton  de  Ris- 
cle (Gers),  aujourd'hui  annexe  du  Lin.  L'église  a  été  tout  récemment  restaurée 
et  remise  à  neuf.  Elle  fut  donnée  au  monastère  de  Saint-Mont,  du  temps  de 
Bernard  Tumapaler,  vers  le  milieu  du  xr  siècle,  par  Gautier  de  Lupé  :  -^cte- 

8iam  Pojole  dédit  Galtcrius  Leiperil  sanctô  Johanni  sancti  MontU cum 

decimiSy  primiciis,  oblatlonibuSt  omnibusque  ibi  pertinent ibtis  (Cartalaire  de 
Saint-Mont,  lxxxx).  Le  pape  Calliite  II  (1124-1130)  la  mentionne  au  nombre 
des  possessions  de  Saint-Mont  dans  une  bulle  adressée  au  Prieur  de  ce  monas- 
tère (Cart.  de  Saint-Mont,  xii).  —  Témoins  à  l'enquête  :  Mengon  du  Bout,  Jehan 
de  Castang,  et  M"  Bernard  du  Castang,  \icaire  dudit  lieu. 

(3)  En  calculant  d'après  les  données  fournies  par  les  savants  éditeurs  des 
Comptes  de  Riscle,  p.  lxvit,  note  2,  la  conque  de  vin  contenait  à  peu  prt*s  25 
itres,  c'est-à-dire  une  cruche  et  demie. 


—  361  — 

fors  de  parachever  el  fermer  leur  cimetière  suyvant  les  fon- 
dements y  commencés,  ce  qui  ne  pourra  pas  couster  grand 
chose,  car  n'est  pas  de  grande  eslendue.  »  Là- dessus,  Arnaud 
Claverie  rendit  son  ordonnance;  la  fabrique  dut  payer  au  col- 
lège la  moitié  de  son  revenu,  mais  elle  garda  la  libre  dispo- 
sition de  ses  créances  qui  se  montaient  à  59  ccus  petits  6  s. 
7d. 

De  La  Pujole,  la  commission  se  rendit  au  Lin  (1).  Cité  à 
comparaître,  Thibaut  d'Angolin,  fabricien  de  Saint-Michel  du 
Lin,  ne  larda  pas  à  arriver,  en  compagnie  de  Pierre  du  Taret, 
un  de  ses  compatriotes.  Le  revenu,  dit-il,  s'élève  à  45  ou 
50  écus  petits  environ. 

Toutesfoys  douze  ans  sont  passés  qu'ils  le  bailhèrent  en  payement 
de  certaines  cloches  qu'ils  firent  faire  pour  leurd.  esglise.  Et  pour  ce 
que  leurd.  esglise  est  trop  petite  pour  les  parrochiens  quy  sont  en 
iceUe.  ils  délibérèrent,  deux  ans  estre  passés,  avec  les  habitants  et  con- 
suls dud.  lieu  d'icelle  faire  agrandir.  Et  de  fait,  pour  ce  faire,  bailhèrent 
la  moytié  de  lad.  rente  à  M®  Marsyal  de  Lamye,  masson  du  lieu  de 
Noguarol,  en  payement  de  la  besougne  qu'il  promit  faire  pour  agrandir 
leurd.  esglise  pour  huict  années  et  huict  cueillettes,  lequel  de  Lamye 
a  commencé  lad.  besougne  et  a  tiré  pour  deux  années,  comprins  Tan- 
née présente,  la  moytié  desd.  fruits. 

Ce  qui  leur  reste  encore  peut  valoir  58  1.  t.  environ; 
Sur  quoi,  on  procéda  à  la  visite  de  Téglisc  du  Lin. 

Laquelle  avons  trouvée  estre  assez  honorablement  bastie  pour  la 

situation  d'icelle  et  n'y  avons  cogneu  n'avoir  besoing  d'aulcune  répara- 

« 

(1)  r^  Lin,  cantou  de  Riscle  (Gers),  ancienne  paroisse  de  rarchidiaconé  d'Ar- 
uiagnac,  Ecclesia  de  Olino.  Nous  ignorons  ce  qu'il  advint  des  travaux  projetés 
eu  1546.  Le  lait  est  qu'en  juin  1683  (minutes  Ducastaing.  notaire  royal  au 
llouga)  réglise  du  Lin  menaçait  fortement  ruine.  Les  Imvaux  de  restauration 
furent  donnés  ii  deux  maçons  du  Béarn,  h  un  architecte  et  à  un  charpentier  de 
Nogaro.  C'est  probablement  alors  que  l'église  dù  Lin  fut  dotée  des  belles  boise- 
ries sculptées,  autels,  statues,  retable,  chaire,  qu'on  y  voit  encore  et  dont  le  style 
accuse  très  nettement  le  xvir  siècle.  L'entreprise  comprenait  une  voûte  à  faire. 
Mais  sans  doute  les  deniers  manquèrent;  et  l'on  dut  se  contenter  de  poser  un 
lambris  qui  s'est  maintenu  jusqu'à  nos  jours.  Les  travaux  de  maçonnerie  furent 
estimés  750  1.,  et  ceux  de  charpente  270  1.  —  Témoins:  Bertrand  Descomps, 
M onou  des  Beros,  consul,  Bernard,  Duporté  et  Peyrot  de  la  Trilhe. 


—  362  — 

tion  nécessaire  pour  le  présent,  sauf  qu'ils  ont  commancé  d'agrandir 
leurd.  esglise,  par  un  des  bouts  d'icelle,  jaçoit  ne  soit  pas  grandement 
nécessaire,  pour  ce  que  est  ung  petit  villaige  (1)  où  ne  peult  avoir  tant 
de  paroissiens  quy  ne  puissent  estre  reçeux  dans  icelle. 

On  devine  par  Timpression  que  décèlent  ces  dernières 
paroles  que  Tordonnance  d'Arnaud  Claverie  ne  fut  pas  des 
plus  favorables.  La  fabrique  du  Lin  fut,  en  effet,  taxée  aux 
deux  tiers  de  ses  revenus  à  venir  et  de  ses  créances  présentes, 
qui  s'élevaient  à  324  écus  petits  16  s.;  en  outre,  elle  dut 
donner  tous  ses  revenus  de  Tannée  courante. 

Nos  Messieurs  du  Parlement  se  transportèrent  ensuite  à 
Arblade-Bassal  (2),  et  se  logèrent  au  village,  chez  Raymond 
Tinarrage.  Les  fabriciens  Raymond  Dubaquier  et  Raymond  de 
La  Serre  leur  déclarèrent  que  le  revenu  annuel  de  la  Fabrique 
était  d'environ  18  écus  petits. 

Lequel  revenu,  deux  ans  sont  passés,  a  esté  bailhé  à  M®  Jehan 
Dubosc,  masson,  du  lieu  de  Tarsac,  en  payement  de  la  besounhe  qu'il 
aprins  à  faire  pour  achever  d'édiffier  et  réparer  lad.  esglise.  Et  disent 
qu'au  livre  des  comptes  ne  peult  pas  avoir  de  debtes  h  tout  le  moyus 
qui  soient  deubs.  Car  depuis  trente  ans  passés,  ils  ont  besogné  à  lad. 
esglise.  Et  après  que  le  clocher  d'icelle  feust  parachevé  y  tomba  la  ioul- 
dre  qui  le  foula  grandement,  et  y  fallut  employer  maints  deniers  pour 
icelluy  remettre  et  racoustrer. 

Ils  ajoutent  qu'en  1540  ils  firent  à  leur  église  quatre  piliers 
et  «  certaine  murailhe  »  de  quoi  ils  ont  dû  payer,  de  concert 


(1)  Le  Lin  n*a  guère  change,  au  point  de  vue  du  chiffre  de  la  population, 
depuis  1546.  C'est  encore  «  un  petit  villaige  *>,  qui  se  réduit  à  Téglise,  au  presby- 
tère, et  à  deux  ou  trois  maisons  groupées  autour  de  l'église.  I-,e  reste  est  fort 
éparpillé  sur  les  coteaux,  dans  les  gorges  profondes  qui  dévalent  vers  la  plaine 
de  TAdour,  et  dans  une  partie  de  cette  plaine  elle-même. 

(2)  Arblade-le-Bas  ou  Bassal,  canton  de  Riscle  (Gers),  ancienne  paroisse  Uc 
Tarchidiaconé  d'Armagnac,  Ecclesia  de  Arblada  Brassait ,  aujourd'hui  anneic 
de  N'ergoignan.  Ce  nom  de  Bas  lui  vient  de  ce  qu'elle  est  située  sur  les  penio 
des  coteaux  de  la  rive  droite  de  TAdour,  et  lui  a  été  donné  par  opposition  à 
Arblade-Comtal  ou  le  Hauty  canton  de  Nogaro,  ancienne  paroisse  du  nirm»* 
archidiaconé  sise  au  sommcl  d'un  plateau  très  élevé.  L'église  d'Arblade-le-Ha* 
n'a  pas  de  voûte  mais  seulement  un  lambris.  Quant  au  clocher,  ce  n'est  autn* 
chose  que  la  surélévation  du  mur  piguon  eu  forme  de  queue  d'aroudo. 


—  363  — 

avec  les  consuls^  la  somme  de  55  écus  petits^  un  char  de 
10  sacs  de  seigle  et  une  pipe  de  vin.  Et  dans  Tannée  cou- 
rante, au  mois  de  juin,  ils  ont  fait  commencer  les  travaux 
d'achèvement  de  la  voûte  et  ont  promis  pour  cette  entreprise 
55  écus  petits,  dont  37  restent  encore  à  payer,  suivant  acte 
retenu  par  Cadroy,  notaire  à  Barcelonne. 

Après  quoi,  on  visita  Téglise  Saint-Martin  d'Arblade, 
•  laquelle  est  bien  èdiffiée  et  en  tel  ordre  que  n'y  avons 
cogneu  pour  le  présent  y  estre  nécessaire  que  faire  parachever 
quelque  peu  de  murailhe,  laquelle  est  tenu  faire  led.  Dubosc 
masson  » .  Dans  son  ordonnance,  Arnaud  Claverie  condamna 
la  fabrique  d'Arblade  à  donner  la  moitié  de  ses  revenus  au 
collège;  mais  elle  garda  la  propriété  do  ses  créances  qui 
étaient  d'une  valeur  de  30  écus  petits  17  s. 

A  Vergoignan  (1),  les  fabriciens  Menaud  de  Bonet  et  Jehan 
de  Claveria,  dirent  que  le  revenu  de  la  fabriqne  était  de  20  à 
25  écus  petits.  En  Tannée  présente,  ils  avaient  recueilli  10 
quarts  de  froment,  30  quarts  de  milhet,  12  quart  de  seigle, 
1  quarton  d'avoine,  1  sesteron  de  baillar,  3  barriques  de 
vin  blanc  et  20  fagots  de  lin  fe^regual.  De  plus,  ils  avaient 
encore  du  grain  de  Tannée  précédente.  Or,  au  prix  que  les 
choses  se  vendaient,  «  sçavoir  est  à  dix-huict  sols  tournois  le 
sac  de  bled  qui  vault  deux  quarts  (2),  quinze  sols  le  sac  de 


(1)  Vergoignan,  canton  de  Riscle  (Gers),  ancienne  paroisse  de  rarchidiaconé 
d'Armagnac,  ecclesia  de  Bergonhano,  L'église  date  de  l'époque  romane  et  offre 
encore  quelques  beaux  restes  de  sa  jeunesse,  particulièrement  dans  une  antique 
chapelle  qui  aujourd'hui  sert  de  sacristie.  Elle  fut  restaurée  dans  le  style  gothi- 
que à  une  époque  qui  ne  dut  pas  être  très  éloignée  de  1546,  puisque  nos  commis- 
saires enquêteurs  déclarèrent  alors  qu'elle  n'avait  besom  d'aucune  réparation  ; 
d*aillcups  il  est  probable  qu'il  faut  considérer  les  peintures  entreprises  en  1546 
comme  le  couronnement  de  ces  restaurations.  U  ne  reste  plus  vestige  de  c«s 
peintures.  Cette  église  eut  beaucoup  à  souffrir  durant  les  guerres  de  religion.  La 
voûte  du  sanctuaire  resta  debout,  mais  celle  de  la  nef  disparut  pour  faire  place  à 
un  lambris  qui  existe  encore. 

(2)  Dans  la  note  2  de  la  page  4  des  Comptes  do  Riscle,  il  est  dit  qu'il  (allait 
quatre  qfuarts  pour  faire  un  sac.  Notre  Procès-eerbal  donne,  on  le  voit,  un 
renseignement  fort  différent.  Le  quart  de  sac  était  représenté  non  pas  par  le 
quart,  mais  par  le  quarton  ;  c'est  d'ailleurs  dans  ce  dernier  sens  que  le  mot 
quarton  s'emploie  encore  couramment  en  Armagnac. 


—  364  — 

seigle  et  douze  sols  le  sac  de  milhet,  et  à  8  écus  petits  la  pipe 
de  vin,  et  tout  led.  lin  à  trois  livres  tournois  » ,  le  tout  valait 
75  1.  t.,  sans  comprendre  dans  cette  évaluation  Tavoine,  le 
bailhar  et  le  lin  nouveaux.  Ils  déclarèrent  en  outre  que  les 
fabriciens  de  1543  avaient  prêté  beaucoup  de  grain  aux 
habitants  du  lieu,  et  requirent  qu'on  leur  en  demandât 
compte.  On  entra  ensuite  dans  Téglise  Saint-Germain  de  Ver- 
goignan,  «  laquelle  est  bien  réparée  et  en  tel  ordre  que  ny 
avons  cogneu  y  estre  nécessaire  aulcune  réparation,  fors  que 
lesd.  ouvriers  ont  dict  qu'ils  avoient  délibéré  de  la  faire  pein- 
dre». 

Puis,  Adrien  de  Bonet,  fabricien  en  1545,  ayant  rendu  tous 
les  fruits  qu'il  détenait,  Arnaud  Claverie  édicta  son  ordon- 
nance. La  fabrique  se  vit  obligée  à  donner  les  deux  tiers  de 
ses  revenus  futurs  et  des  fruits  qui  étaient  encore  entre  les 
mains  des  marguilliers  de  1545  et  de  1546,  et  outre  cela, 
31  écus  petits  12  s.,  à  prendre  sur  le  montant  des  créances 
de  la  fabrique  qui  étaient  de  98  écus  petits  12  s.,  et  parmi  les- 
quelles il  y  en  avait  une  «  des  consuls  dud.  lieu  au  noui  du 
populaire  montant  treitze  escus  petits  troys  sols  bons  ». 

Comme  on  le  pense  bien,  une  telle  ordonnance  refroidit 
considérablement  l'enthousiasme  des  gens  de  Vergoignan 
pour  la  peinture.  Ils  se  résolurent  donc  à  arrêter  les  frais  et 
requirent  «  inhibitions  et  deffenses  estre  faicles  au  pinctre,  qui 
a  icelle  prins  à  faire,  de  ne  les  troubler  ny  rien  demauLÎcr  pour 
jayson  de  lad.  paincture,  car  pour  le  présent  ne  luy  esl  rien 
deu  » .  «  Bernard  Plantier,  painctre,  dict  que  où  et  quand  lad. 
paincture  cessera,  ce  luy  sera  grand  intérest,  car  auroil-il  ail- 
leurs cherché  besongne,  n'cust  esté  la  promesse  qui  par  lesd. 
ouvriers  luy  a  esté  faicle.  »  Les  procureurs  s'associèrent  à  la 
requête  des  habitants.  Et  enfin  tant  il  y  eut  que  les  beaux-ark 
perdirent  leur  procès  et  que  le  pauvre  peintre  dut  plier  bagage 
et  aller  plus  loin  chercher  fortune. 

{A  suivre.)  A.  BREUILS. 


LA  GASCOGNE 

ET   LES   PAYS   LIMITROPHES 

DANS  LA  LÉGENDE  CAROLINGIENNE 

SuUe  (*). 


S  III 

PASSAGES  INTERPOLÉS  DANS  LES  ANCIENNES  VERSIONS  FRANÇAISES 

DU   PSEUDO-TURPIN. 

La  Bibliothèque  Nationale  possède  les  manuscrits  de  plu- 
sieurs versions  françaises  du  Pseudo-Turpifi.  M.  Gaston  Paris 
en  a  examiné  quatre,  dont  les  trois  premières,  dit-il,  remon- 
tent aux  douze  premières  années  du  xui*  siècle.  Je  me  borne 
à  signaler  ici,  d'après  cet  érudit,  la  version  de  Nicolas  de 
Senlis  {Nicolai  Silvanectensis),  faite  probablement  vers  Tan- 
née 4200,  transcrite  sur  deux  cahiers,  et  fortement  interpolée. 
Les  interpolations  ne  sont  pas  Toeuvre  du  traducteur,  mais 
celle  d'un  scribe  plus  récent.  Le  traducteur  ne  suit  pas  mal 
le  texte  jusqu'au  passage  du  chapitre  IX  {De  urba  Agenni)  où 
il  est  dit  qu'Aigoland  s'empara  de  cette  ville,  et  cepit  eam  (1). 
Puis  le  manuscrit  continue,  en  des  termes  que  je  résumerai 
plus  bas,  pour  toute  la  portion  relative  à  la  Gascogne  et  aux 
pays  limitrophes. 

M.  Paris  donne  en  partie  le  texte  interpolé,  qu'il  affirme 
être  écrit  en  saintongeais.  La  nature  de  ce  langage  ne  lui 

(*)  Voir  ci-dessus,  livraison  de  juiu,  p.  253. 
(1)  Gaston  Paris,  De  Pseudo-Turpino,  44-46. 


—  366  — 

laisse  aucun  doute.  M.  Paris  /ait  remarquer  en  outre  que  Tin- 
terpolateur  se  complatt  dans  la  description  de  la  Saintonge, 
de  ses  villes,  bourgs,  églises  et  monastères.  Il  n'oublie  pas  non 
plus  les  reliques  célèbres  (1).  C'est  donc  un  enfant  du  pays. 

Je  suis  sans  compétence  pour  décider  si  les  fragments  dou- 
nês  par  M.  Paris  sont  réellement  du  saintongeais.  Quant  à 
son  argument  géographique,  je  me  réserve  de  Texaminer  un 
peu  plus  bas.  En  attendant  je  constate  que  M.  Auracher  a 
publié  en  son  entier  un  autre  texte  de  l'interpolation,  qui 
diffère  au  point  de  vue  du  langage  de  celui  de  M.  Paris,  et 
que  l'éditeur  donne  pour  du  poitevin.  Un  romaniste  exercé, 
M.  Ant.  Thomas,  m'a  dit  que  ce  pourrait  bien  être  le  langage 
de  l'Angoumois. 

Il  a  été  imprimé  à  Paris,  en  1527,  un  volume  in4**  gothi- 
que, intitulé  :  Cronique  et  histoire  faicte  par  le  reuerend père 
en  dieu  Turpin  arceoesque  de  Reims,  etc.  Ce  n'est  pas  une 
simple  traduction  de  l'ancien  ouvrage.  L'auteur  y  a  ajouté 
différentes  circonstances,  toutes  de  son  imagination,  et  qui 
font  de  son  livre  un  véritable  roman  de  chevalerie  (2). 

J'ai  conféré  les  fragments  donnés  par  M.  Gaston  Paris  avec 
la  portion  du  texte  de  M.  Auracher  relative  à  la  Gascogne  et 
aux  pays  limitrophes,  en  ayant  soin  d'étendre  mon  examen 
à  la  partie  correspondante  de  la  Cronique  de  1527.  Cette  col- 
lation m'a  pleinement  convaincu  que,  sauf  quelques  détails 
propres  à  cette  dernière,  les  événements  racontés  sont  sensi- 
blement les  mêmes  que  dans  le  texte  de  M.  Auracher,  et  qu'il 
s'y  succèdent  dans  le  même  ordre.  C'est  pourquoi  je  me 
décide  à  faire  le  résumé  qu'on  va  lire  d'après  la  publication 
de  M.  Auracher,  en  me  limitant  aux  faits  essentiels,  et  en 
écrivant  en  italiques  et  entre  guillemets  les  passages  qui  mé- 
ritent une  attention  particulière. 


(1)  Gaston  Paris,  Do  Pseuda-Turplno,  49. 

(2)  Th.  AuKACHER,  Der  serg,  Polteelnlêche  Pêeiido-Turpin,  dans  la  Zeitsch- 
Hft/ar  romanUche  Philologie,  i  (1877),  p.  259-366. 


—  367  — 

Chariemagne^  parti  de  Paris^  passe  <  assaint  Martin  a 
Tors  —  a  saint  hylaire  a  Peltiers  —  a  lemogies.  »  Il  gagne 
ensuite  «  Sarlat  »  ^  et  y  fonde  une  riche  abbaye.  Arrivé  en 
«  Pdregorc  »,  il  trouve  un  homme  et  lui  demande  du  vin. 
L'homme  qui  n'en  a  pas  lai  donne  de  Peau^  et  elle  se  change 
aussitôt  en  vin  excellent.  Le  lendemain^  à  son  lever,  Tempe- 
reur  trouve  sa  lance  fleurie.  Sur  le  lieu  même,  il  fonde  une 
a  fiche  abaie  qui  a  nom  Paoniac  » ,  et  lui  donne  un  beau 
morceau  de  la  vraie  croix. 

Gela  fait,  Charles  se  dirige  vers  «  a  Cent  » ,  alors  au  pou- 
voir d'Oumont,  roi  des  Sarrasins.  La  bataille  entre  chrétiens 
et  païens  se  livre  «  entra  dos  montaignes.  lune  aspremont.  E 
laulre  Calabra  ».  Sur  la  prière  de  Tempereur,  Dieu  arrête  le 
cours  du  soleil,  pour  assurer  la  victoire  des  chrétiens.  Oumont 
vaincu  prend  la  fuite,  et  Pempereur  fonde  sur  le  lieu  même 
du  combat  «  une  abeie  que  hom  apelet  Clairac.  e  par  co  ape- 
tel  lom  Clairac.  que  des  li  esclarit  le  ior.  e  fil  M  sebellir  mire 
compaignons  qui  erent  inm*t  enlabataille.  E  fist  seuelir  Gan- 
dabo  deuant  lauter.  e  fist  mètre  en  lauter  mainte  saintuaire 
par  amor  de  ceaus  qui  erent  mort  en  la  balalie,  e  dona.  I.  lègue 
de  terra  en  toz  sens  a  labaie.  » 

Charles  vient  ensuite  «  près  dagent.  e  fist  una  chapele  de 
saincte  croiz  e  fist  equi  Râlant  cheualief\  E  Turpins  establi 
equi.  XII.  compaignons  e  ot  luj.  qui  ne  le  falissant.  Puis  uinc  . 
Karl  A  Agent,  e  se  lassist  estor  la  pasqne  de  sis  meis.  » 

Pendant  le  siège  d'Agen,  Aigoland,  roi  des  Sarrasins,  s'en 
était  venu  à  «  Bordeu  —  e  puis  a  Chastellion  passa  Gironde 
e  sert  alla  axantes.  Dcqui  manda  a  Karles  bataiUie.  e  Karles 
fist  evesque  a  agent  e  chanoines  a  saint  Cabrai.  Adonc  conquis 
Karles  agenes  epuis  senuinc  a  saint  Melion.  e  fit  equi  labaie. 
e  après  sen  uinc  a  Taleborc.  * 

Après  divers  événements,  Charlemagne  revient  «  ala  cite 
dagent  »,  qu'il  avait  déjà  assiégée,  et  s'en  empare.  Aigoland, 
suivi  de  douze  chefs  de  son  armée,  «  si  torna  par  m;  Gua- 


—  368  — 

rone  qui  cort  les  lez  de  la  die.  »  Ils  se  réfugient  à  Saintes, 
qui  était  alors  au  pouvoir  des  Sarrasins. 

Ici,  le  récit  de  la  bataille  de  Taillebourg  et  de  divers  événe- 
ments relatifs  à  la  Saintonge.  Puis  nous  voyons  un  corps  de 
chrétiens  ravager  la  «  tena  de  Blaives.  »  L'archevêque  Tur- 
pin  entre  à  Blaye,  et  y  découvre  ^jj  corz  samz.  saint  Sicara 
et  saint  Romarl  {{).  » 

Aigoland  et  les  siens  s'étaient  retirés  à  Bordeaux.  Alors 
Charles,  suivi  de  Roland,  débarque  «  i4tormw/»,  où  il  fonde 
la  chapelle  de  SainIrSauveur  d'après  le  texte  de  M,  Auracher, 
et  de  Saint  Martin  selon  la  Cronique  de  1527. 

Ici  se  place  l'épisode  d'un  exploit  de  Roland,  qui  tue  le 
sarrasin  Salatraps,  endosse  son  armure,  pénètre  ainsi  dans 
Bordeaux  sans  être  reconnu,  tue  en  sortant  vingt  païens,  et 
retourne  à  Lormont. 

Ganelon  avail  quitté  Charles  avec  quarante  mille  chevaliei*s, 
pour  s'en  aller  «  a  Senonpres  de  Gironde  ».  Lo  lendemain 
on  voit  sortir  d'un  bols  une  biche  blanche.  Poursuivie  par 
l'ost  des  chrétiens,  la  biche  se  jette  à  l'eau.  Bêle  et  chasseurs 
traversent  ainsi  la  Gironde,  et  arrivent  à  l'abbaye  de  Sainte- 
Croix  détruite  par  les  Sarrasins.  Turpin  entre  dans  l'église,  où 
il  trouve  la  preuve  que  le  monastère  avait  été  fondé  par  Clovis. 
Puis  Roland  passe  «  laiguca  longpont,  »  et  parvient  au  lieu 
où  gisaient  force  corps  saints,  notamment  celui  de  saint 
Seurin.  Là  Turpin  trouve,  gravé  sur  un  marbre,  l'état  des 
revenus  de  l'église. 

Suit  le  récit  de  la  prise  de  Bordeaux,  dont  Roland  brise  les 
portes.  Sur  les  bords  du  ruisseau  de  «  Denise,  »  le  paladin 
fait  un  grand  carnage  des  infidèles  qu'y  avait  laissés  Aigoland. 
Un  compagnon  de  celui-ci,  le  roi  de  Bougie,  s'enfuit  vers 
«  Arcaisson  » . 

Après  la  prise  de  Bordeaux,  l'archDvêque  Turpin  reconnaît 

(1)  n  faut  lire,  sans  aucun  doute,  «  saint  Romani  »,  ou  saint  Romain. 


—  369  — 

les  églises  de  Saint-Seurin  et  de  Saint-Marlial.  Martial  et  Béné- 
dicte avalent  converti  le  pays  à  la  foi  chrétienne.  Quand  cet 
évêque  départit  à  <c  Muretagnie  »  les  reliques  apportées  par 
sainte  Véronique,  il  en  donna  une  bonne  partie  à  sainte  Béné- 
dicte, et  une  autre  à  Beagnie.  Le  reste  fut  emporté  par  Eléa- 
sar  «  en  Amenl  en  lilaa  madame  sainte  Marie  » .  Le  surplus 
demeura  à  «  Solac  » .  L'énumération  de  ces  reliques  est 
curieuse;  mais  je  ne  dois  pas  m'y  attarder. 

A  Saint-Seurin,  Turpin  établit  comme  archevêque  son 
filleul  Turpin,  avec  douze  chanoines  réguliers.  Charles 
donne  ensuite  à  cette  église  toutes  les  paroisses  que  Saint- 
Martial  de  Limoges  avait  «  des  leire.  iusquen  Gironde,  e  de 
si  ius  quen  Sironi»,  nommément  celles  de  «  gii*onuHe ,' i^  de 
«  belin,  »  de  «  saint  pan  dosenge,  »  où  gît  Guèrin  d'Aube- 
feuille,  de  «  sainct  pierre  de  compilée,  »  et  de  «  saint  Martin 
de  Carcans  »,  où  sont  les  précieuses  reliques  apportées  par 
sainte  Hélène,  quand  elle  arriva  à  «  Endemos.  » 

Je  crois  inutile  de  pousser  plus  loin  ce  résumé,  que  je  vais 
commenter  maintenant  au  seul  point  de  vue  de  la  géographie 
historique. 

Pas  de  difficultés  sur  «  assaini  Martin  A  Tors,  »  qui  est 
Saint-Martin  de  Tours,  sur  «  saint  hylaire  a  pettiers,  »  qui 
est  Saint-Hilaire  de  Poitiers,  sur  «  lemogies  »  ou  Limoges. 
Le  reste  demande  plus  d'attention . 

1*  «  SARLAT  » .  —  Sarlat,  autrefois  compris  dans  le  Péri- 
.  gord,  est  aujourd'hui  chef-lieu  d'arrondissement  dans  la 
Dordogne.  Celte  ville  posséda  jusqu'en  1317  une  abbaye 
dont  les  uns  attribuent  la  fondation  à  Clovis,  d'autres  à  Pépin 
le  Bref,  d'autres  à  Chariemagne.  Le  premier  abbé  connu  est 
Sodo,  qui  vivait  au  x*  siècle.  En  1317,  le  pape  Jean  XXII  fit 
de  Sarlat  le  siège  d'un  ëvéché  érigé  aux  dépens  de  celui  de 
Périgueux  (1). 

(I)  Gall.  Christ,  ii,  1508-12. 


—  370  — 

2*  «  PEiREGORC  »  •  —  Il  s'agit  évidemment  du  Périgord. 

3*  «  PAONAC  » .  —  Paunat,  commune  du  canton  de  Sainte- 
Alvère  (Dordogne). 

Possessio  PalmaiensiSy  (cart.  de  Saint-Cybard,  collect.  de  Tabbé 
de  Lespine,  vol.  xxxiv,  à  la  Biblioth.  Nation.).  —  Monasterium 
nomine  Palmatus  {Epïst.  Agionis,  abb.  Vabrens.).  —  Paunat  (cartul. 
de  la  Sauve,  manuscrit  de  la  Bibliothèque  de  Bordeaux).  —  Paonai, 
Pounatj  EccL  B.  Mariée  de  Palnaco  (Fouillés)^  —  Prcepaaitura 
Sanctœ  Trinitatis  de  Palnato,  1542  (Lespine,  Distionnaire  géogra- 
phique du  Périgord  par  paroisses  et  population,  xvii®  siècle,  Paunac). 

—  L'église  de  Paunac  était  placée  sous  le  patronage  de  l'Assomption. 
L'abbaye  comprise  dans  le  diocèse  de  Périgueux,  avait  sous  sa  dépen- 
dance les  prieurés  du  Fleix,  de  Tayac,  Ribagnac,  Saint-Nazaire  et 
Monfàucon,  et  était  sous  la  dépendance  de  Saint-Martial  de  Limoges. 

—  Paunac  appartenait  au  v^  siècle  à  saint  Cybard,  qui  donna  cette 
possession  à  l'abbaye  qui  porte  son  nom,  à  Angoulème.  —  Le  bourg 
avait  anciennement  le  titre  de  ville,  Communiton  de  Palnaco^  1316 
(Lettres  des  Rois,  ChampoUion-Figeac).  —  Paulhac,  repaire  noble, 
relevait  de  la  châtellenie  de  Linseuil  (1). 

4*  a  GENT  ».  —  Ce  nom,  qui  reviendra  sous  d'autres  for- 
mes, désigne  clairement  la  ville  d'Agen. 

S""    «  DES  MONTAIGNES.  LUNA  ASPREMONT.  E  LAUTRE  CALABRA.  » 

—  J'ai  vainement  cherché  dans  notre  Sud-Ouest  la  situation 
de  ces  deux  montagnes. 

6**  a  CLAiRAC  » .  —  Clairac,  commune  du  canton  de  Ton- 
neins,  arrondissement  de  Marmande  (Lot-et-Garonne).  L'ab- 
baye de  Saint-Pierre  de  Clairac,  ordre  de  Saint-Benoît,  qui 
subsista  jusqu'à  la  Révolution,  était  comprise  dans  le  diocèse 
d'Agen.  Certains  en  attribuent  la  fondation  à  Charlemagne, 
et  d'autres  à  Pépin  le  Bref.  Mais  Constantin,  qui  vivait  en 
1068,  est  le  premier  abbé  connu  (2). 

7**  «  TERRA  DE  Blaives ».  —  Il  s'agit  du  Blayais  ou  pays  de 

(1)  Db  Gourgues,  Dictionn,  topogr.  du  département  do  la  Dordogne,  art. 
Paunat. 
ÇZ)  Gall.  Christ,  ii,  941. 


—  371  — 

Blaye,  cheMieu  d'arrondissement  du  département  de  la 
Gironde.  Blaye  était  compris  dans  Tancien  diocèse  de  Bor- 
deaux. 

8*  «  Alormont».  —  Lormont,  commune  du  canton  de 
Carbon  Blanc,  arrondissement  de  Bordeaux,  dépendait  de 
Tancien  diocèse  de  Bordeaux. 

9"*  •  Senon  PRES  DE  Gironde  » .  —  Aujourd'liui  Cenon- 
Labastide,  arrondissement  de  Bordeaux. 

10*  «  LoNGPONT  » .  —  Cette  localité,  que  je  n'ai  pu  iden- 
tifier, était  à  coup  sûr  située  proche  de  Bordeaux. 

11**  «  ÀRCAissoN  ».  —  Arcachon,  au  bord  du  bassin  du 
même  nom.  Paroisse  de  l'ancien  diocèse  de  Bordeaux,  aujour- 
d'hui commune  du  canton  de  La  Teste,  arrondissement  de 
Bordeaux. 

12*"  •  Deuise  » .  —  C'est  le  ruisseau  ou  Estey  de  la  Devise, 
appelé  aussi  Devèze  et  Dibëse,  qui  coule  à  Bordeaux. 

15"*  «  Muretagnie  »  —  Mortagne,  commune  du  canton  de 
Cozes,  arrondissement  de  Saintes  (Charente-Inférieure). 
Dépendait  autrefois  de  l'évéché  de  Saintes. 

14*  «  Beagnie  ».  —  Ecrit  «  Veagnie  »  dans  l'édition  de 
1527.  Je  n'ose  proposer  aucune  identification  pour  cette 
localité. 

15<>  «  Aruent  en  lila  a  biadame  saincte  marie  » .  —  Aruert 
dans  l'édition  de  1527.  Il  faut  lire  Arvert.  C'est  une  commune 
du  canton  de  la  Tremblade,  arrondissement  de  Maremne, 
département  de  la  Charente-Inférieure.  Arvert,  compris  autre- 
fois dans  l'évéché  de  Saintes,  forme  une  presqu'île,  en  partie 
couverte  de  dunes,  entre  l'Océan  et  la  Gironde. 

16**    «  PRES  DAGENT.  —  GHAPELE  DE  SAINCTE  CROIZ.  —  AGENT  »  . 

—  Encore  Agen.  Quant  à  la  chapelle  de  Sainte- Croix,  où 
Roland  aurait  été  fait  chevalier,  elle  a  réellement  existé.  Un 
vieux  pouillé  du  diocèse  d'Agen,  visé  par  l'abbé  Barrère  {His- 


—  372  — 

tfjire  religieuse  et  monumentale  du  diocèse  dWgen,  i,  174), 
mentionne,  en  effet,  le  prioratus  Sancte-Crucis,  supra  mon- 
tem  SancH-Vincenlii,  alias  de  Pompejaco. 

47*  «  BoRDEu  ».  —  Bordeaux. 

IS*'  «  AXANTES  »  —  Saintes. 

19*  «  SAINT  CABRAI  ».  —  Il  s'agit  de  Saint-Caprais  d'Agen. 
Avant  la  Révolution,  c'était  une  église  collégiale.  Elle  sert 
présentement  de  cathédrale. 

20  «  AGENES  ».  —  Pays  d'Agenais. 

21*  «  SAINT  Melion  ».  —  Saint-Emilion,  chef-lieu  de  can- 
ton de  Tarrondissement  de  Libourne,  département  de  la 
Gironde.  Cette  ville  posséda  jusqu'à  la  Révolution  une  abbaye 
de  Tordre  de  Sainl^Augustin,  dontAimon,  qui  vivait  vers  1110, 
est  le  premier  abbé  connu  (1).  Elle  était  comprise  dans  le 
diocèse  de  Bordeaux. 

22**  «  Taleborc  » .  —  Taillebourg,  petite  ville  du  canton 
de  Saint-Savinien,  arrondissement  de  Saint-Jean-d'Angély, 
déparlement  de  la  Charente-Inférieure.  Autrefois  compris 
dans  le  diocèse  de  Saintes. 

23*  «  CITE  DA6ENT  o.  —  Eucorc  Agcu. 

24"  a  GuARONE  ».  —  La  Garonne. 

23''  «  SoLAC  » .  Soulac,  commune  du  canton  de  Saint- 
Vivions,  arrondissement  de  Lesparre,  département  de  la 
Gironde. 

24"*  «  LEiRE  ».  —  Il  s'agit  de  la  Leyre,  petit  fleuve  côlier 
qui  se  déverse  dans  le  Bassin  d'Arcachon,  après  avoir  traversé 
Landes  de  Gascogne. 

25*  «  SiRON  » . —  Il  s'agit  du  Ciron,  affluent  de  la  Garonne, 
rive  gauche,  et  qui  a  son  embouchure  entre  Langon  et  Barsac. 
Il  arrose  l'ancien  Pays  de  Bazadais. 

(1)  Gall.  Christ,  ii,  881-82. 


—  373  ~ 

26*  a  GiRONUiLE  » .  —  Impossible  d'idenlifler  ce  nom  de 
lieu  tel  qu'il  est  écrit.  Peut-être  M.  Auracher  a-t-il  mal  lu,  et 
le  texte  porle-t-il  Gironde,  commune  du  déparlement  de  la 
Gironde^  non  loin  de  Tembouchure  du  Dropt. 

27**  «  BELiN  » .  —  Belin,  bourg  sur  lequel  je  me  suis  déjà 
expliqué  dans  le  présent  mémoire. 

28*  «  SAINT  PAU  DOSENGE  ».  —  Ecrit  «  saifict  Paul 
dosenge  »  dans  Pédilion  de  1527.  Ces  deux  orthographes 
sont  défectueuses.  Tout  porte  à  croire  qu'il  s'agit  ici  de  Saint- 
Paul-d'Audenge,  paroisse  de  l'ancien  diocèse  de  Bordeaux, 
près  du  Bassin  d'Arcachon.  Aujourd'hui  chef-lieu  d'un  canton 
de  l'arrondissement  de  Bordeaux. 

29"  «  sAiNCT  PIERRE  DE  coMPREE  » .  —  Saînt-Pierre-de-Com- 
prian,  paroisse  de  l'ancien  diocèse  de  Bordeaux. 

30*  «  sAiNCT  Martin  de  Carcans  » .  —  Carcans,  au  bord 
de  l'étang  du  même  nom,  canton  de  Saint-Laurent,  arrondis- 
sèment  de  Lesparre,  département  de  la  Gironde.  Dépendait 
de  l'ancien  diocèse  de  Bordeaux. 

31"  «  Endernos  » .  —  Andernos,  près  du  Bassin  d'Arca- 
chon, commune  du  canton  d'Audenge,  arrondissement  de 
Bordeaux.  Dépendait  de  l'ancien  diocèse  de  Bordeaux. 

Dans  ce  catalogue  géographique,  j'ai  négligé,  de  parti  pris, 
l'identification^  d'ailleurs  facile,  des  églises  et  monastères  de 
Blaye  et  de  Bordeaux.  Tel  qu'il  est,  mon  travail  prouve  à  suf- 
fisance que,  dans  la  portion  du  texte  interpolé  dont  j'ai  fait 
usage,  il  est  question  de  la  Touraine,  du  Poitou,  du  Limousin, 
de  l'Âgenais,  de  la  Saintonge,  du  Bordelais,  du  Médoc,  du 
Bazadais,  du  Pays  de  Buch  et  des  Landes  de  Gascogne. 

On  se  souvient  que,  pour  attribuer  l'interpolation  à  un 
homme  de  la  Saintonge,  M.  Gaston  Paris  a  simplement 
affirmé  que  le  texte  dont  il  s'agit  est  conçu  dans  le  langage 
de  ce  pays.  On  n'a  pas  oublié  non  plus  que  cet  érudit  a  aussi 

Tome  XXX.  25 


-  374  — 

argumenté,  dans  le  même  but,  de  la  prétendue  complaisance 
dont  Tinterpolateur  fait  preuve  dans  la  description  de  ce  pays. 
Mais,  à  ce  compte,  il  faudrait  comprendre  dans  la  Saintonge 
toutes  les  autres  provinces  que  je  viens  d'énuraérer,  c'est-à- 
dire  un  cinquième  environ  du  territoire  français.  TeSIme 
donc  que  ce  dernier  argument  est  dépourvu  de  toute  force 

probante. 

Jean-François  BLÂDÉ. 
{A  suivre.) 


BIBLIOGRAPHIE  HISTORIQUE 


Publications  relatives  au  département  des  Basses-Pyrénées. 

m  o 

Les  Etats  de  Béarn  depuis  leurs  origines  jusqu'au  commencement  du 
xvi*  siècle.  Etude  sur  Thistoire  et  radministration  d'un  pays  d'Etals, 
par  Léon  Cadier,  membre  de  l'Ecole  française  de  Rome.  Paris,  mpr- 
nationale;  A.  Picard,  1888.  1  vol.  gr.  in-8'  de  xxiv-483  pp. 

Depuis  VHistoire  de  Béarn,  publiée  en  1640  par  Pierre  de  Marca 
et  qui  reste  un  des  meilleurs  travaux  français  d'histoire  provinciale,  les 
annales  béarnaises  n'ont  cessé  d'être  éclairées  par  de  nouvelles  ^eche^ 
ches  et  de  nouveaux  historiens,  parmi  lesquels  un  au  moins,  Faget  de 
Baure,  fut  un  savant  et  un  écrivain  vraiment  distingué.  Mais,  quel 
que  soit  le  mérite  de  ses  Essais  historiques^  simple  manuel  plutôt 
qu'histoire  complète,  il  faut  en  venir  au  beau  travail  de  M.  Cadier  sur 
les  Etats  de  Béarn  pour  rencontrer  un  ensemble  de  faits  et  de  discus- 
sions comparable  à  celui  qui  assura  la  gloire  de  Marca  dans  le  domaine 
de  rhistoire  scientifique.  Ce  livre,  qui  avait  déjà  valu  à  son  auteur  le 
premier  rang  à  l'examen  de  sortie  de  l'Ecole  des  chartes  et  une  place  à 
l'Ecole  française  de  Rome,  sans  compter  les  honneurs  de  rimprimerie 
nationale,  a  obtenu  l'an  dernier  de  l'Institut  la  plus  haute  récompense 


(*)  Voir  les  deux  premiers  articles  de  cette  série  dans  notre  livraison  de  février, 
pp.  89-190. 


—  375  — 

au  concours  des  antiquités  nationales.  Il  doit  absolument  être  lu  et 
même  étudié  par  tous  ceux  qui  s'occupent  sérieusement  de  notre  his- 
toire du  moyen  âge,  encore  si  encombrée  de  faits  douteux  et  de  problè- 
mes non  résolus.  En  le  recommandant  de  mon  mieux,  je  ne  veux  pas 
l'analyser  ici,  ce  serait  une  tâche  infinie  et  presque  inutile;  peu  de  mots 
suifiront  pour  donner  quelque  idée  des  faits  historiques  qu'il  retrace  et 
des  graves  questions  de  vieux  droit  politique  qu'il  éclaire. 

Avant  tout  cependant,  je  tiens  à  signaler  les  pages  placées  en  tète  du 
livre  sous  ce  titre  :  «  Bibliographie.  Sources.  —  Remarques  critiques 
sur  les  fors  deBéam.  Classification  des  documents  relatifs  aux  Etats.  « 
On  pourrait  regretter  que  la  partie  principale  de  ce  travail,  celle  qui 
concerne  les  Fors,  n'ait  pas  obtenu  là  plus  de  développement;  mais 
l'essentiel  y  est  bien,  pour  ce  qui  regarde  la  formation  et  la  classification 
des  fors;  et  un  chapitre  spécial  de  l'ouvrage  fl"  partie,  ch.  ii)  y  ajoute 
à  peu  près  tout  ce  qu'on  peut  désirer,  au  moins  pour  l'état  des  personnes, 
des  terres  et  des  communautés  en  Béam.  Ce  qui  rend  ces  pages  d'in- 
troduction particulièrement  précieuses  aux  travailleurs,  c'est  l'indica- 
tion précise  et  surtout  la  critique  sommaire,  mais  parfaitement  raison- 
née,  des  documents  historiques.  Que  n'avons-nous  pour  toutes  les 
parties  de  notre  province  un  relevé  aussi  sûr,  au  double  point  de  vue 
de  rinformation  et  de  l'appréciation  scientifique  I  Je  n'essaie  pas  d'énu- 
mérer  après  M.  Léon  Cadier  les  sources  où  il  a  puisé.  Pour  tout 
réduire  à  une  formule  aussi  brève  que  possible,  la  première  partie  de 
son  travail  (jusqu'au  xiv®  siècle)  dérive  presque  uniquement  de  Marca 
et  des  fors  de  Béam;  la  seconde  (xiv*  et  xv«  siècle),  de  documents  d'ar- 
chives presque  tous  encore  inédits,  et  aussi  des  historiens,  qui  cepen- 
dant lui  ont  fourni  très  peu  pour  ce  qui  regarde  l'histoire  et  l'organisa- 
tion des  Etats  de  Béam. 

Son  ouvrage  est  très  méthodiquement  divisé.  La  première  partie, 
presque  entièrement  remplie  par  la  période  antérieure  aux  Etats  pro- 
prement dits,  c'est-à-dire  à  la  convocation  réguUère  de  trois  ordres  en 
assemblée  politique,  embrasse  le  xi«,  le  xii«,  le  xni®  et  même  une  bonne 
partie  du  xiv«  siècle.  Qu'on  ne  croie  pas  cette  période  le  moins  du 
monde  étrangère  au  sujet.  Elle  en  ofiEre  les  origines.  S'il  n'y  a  pas 
encore  d'Etats,  —  et  à  vrai  dire  on  ne  peut  fournir  la  date  précise  de 
leur  formation, — il  y  a  la  cour  féodale  et  judiciaire  des  vicomtes,  dès  le 
XI®  siècle;  au  douzième,  la  cour  majour  et  des  cours  plenières,  déjà 
très  analogues  aux  Etats,  car  elles  ont  des  attributions  politiques,  en 
même  temps  que  judiciaires.  M.  Cadier  éclaire  l'état  et  la  valeur  de  ces 
institutions,  difficiles  à  saisir  dans  la  pénombre  du  moyen  âge,  en 


—  376  — 

étudiant  de  près  les  événements  où  elles  figurent  aux  xii®  et  xm*  siècles, 
dans  les  derniers  règnes  de  la  maison  de  Béarn,  et  à  l'avènement  suc- 
cessif des  maisons  de  Moncade  et  de  Foix.  Les  premiers  Etats  apparais- 
sent sous  les  comtes  de  cette  race,  dont  Tadminislration,  en  particulier 
celle  de  Gaston  Phœbus,  est  étudiée  de  très  près,  sur  les  documents, 
dans  ses  principaux  détails.  J'ai  déjà  signalé  le  chapitre  intitulé  «  les 
Fors  de  Béam  et  les  communes  »,  qui  achève  le  tableau  politique  et 
civil  de  la  province  à  la  fin  du  xin®  et  au  xiv®  siècle. 

La  deuxième  partie  renferme  l'histoire  des  Etats  de  Béam,  et  à  quel- 
que chose  près  celle  du  Béam  lui-même,  aux  dernières  années  de  ce 
siècle  et  pendant  toute  la  durée  du  xv«.  Il  suffit  de  citer  quelques  titres 
pour  faire  apprécier  l'intérêt  de  ce  grand  travail  historique,  presque 
partout  renouvelé  par  une  étude  attentive  et  une  intelligence  nette  des 
documents  et  des  témoignages  contemporains  :  L  Etats  de  1391,  suo-- 
cession  de  Gaston-Phœbus  ;  Yvain  de  Béarn,  les  bourgeois  d'Orthez, 
le  partage  du  trésor  comtal;  réception  de  Mathieu  de  Castelbon.  — 

II.  Les  comtes  de  la  maison  de  Foix-Grailly;  réformes  imposées  par 
les  Etats;  régence  d'Isabelle  pour  le  comte  Jean  I ;  serment  des  Etats; 
réception  de  Gaston  XII,  serment  modifié;  succession  de  Navarre.  — 

III.  Maison  de  Foix-Navarre  :  délibérations  ou  décisions  des  Etats  sur 
la  tutelle  des  enfants  de  Gaston  prince  de  Viane,  sur  le  mariage  de  Jean 
d'Albret  et  de  Catherine  de  Navarre,  sur  la  guerre  de  succession  de 
Navarre  et  pour  la  restitution  de  c^tte  province  ;  etc. 

La  troisième  partie  «  Organisation  et  attributions  des  Etats  de  Béam  » 
traite,  en  six  chapitres,  de  leur  composition,  de  leur  tenue,  de  leur 
action,  de  leur  rôle  politique,  financier,  administratif  et  législatif.  C'est 
là  surtout  qu'il  faut  tout  lire  et  qu'il  serait  dangereux  de  résumer. 

Au  reste,  soit  comme  histoire  proprement  dite,  soit  comme  exposition 
théorique,  le  travail  de  M.  Cadier  restera  certainement.  C'est  une  œuvre 
solide,  dont  quelques  points  pourront  et  devront  être  encore  examinés 
et  renouvelés,  mais  dont  l'ensemble  s'impose.  Je  ne  crois  pas  que  rien 
vienne  seulement  modifier  ces  derniers  mots  de  la  conclusion,  qui  résu- 
ment bien  le  sens  général  de  Touvrage  :  «  Le  xv*  siècle  a  été  l'époque 
la  plus  féconde  de  l'histoire  des  Etats  de  Béarn.  Le  rôle  qu'ils  ont  joué 
dans  le  gouvernement  du  pays  a  été  prépondérant  et  ils  ont  exercé  une 
action  décisive  sur  les  institutions  du  pays.  Mais  s'ils  ont  pu  exercer 
une  influence  aussi  grande,  il  faut  reconnaître  que  la  rapidité  de  leur 
développement  n'est  pas  due  seulement  aux  conditions  historiques  dans 
lesquelles  s'est  trouvé  le  Béam  à  cette  époque;  elle  a  été  due  surtout  à 
l'état  politique  et  social  du  Béam  au  xiv«  siècle.  L'institution  des  Etats 


—  377  — 

a  été  le  résultat  de  cette  vieille  législation  des  fors,  des  progrès  du  tiers 
état  et  de  radministration  sage  et  éclairée  des  vicomtes  de  Béarn.  » 

Dans  cette  dernière  phrase  se  trouve  indiquée  la  thèse  la  plus  nou- 
velle du  livre  de  M.  Cadier,  celle  qui  regarde  l'origine  des  Etats;  sur 
celte  question,  sa  doctrine  s'oppose  plus  ou  moins  à  d'autres  théories 
soutenues  avec  éclat  dans  ces  derniers  temps.  Voici  comment  cette 
opposition  est  présentée  par  M.  Eug.  de  Rozière,  l'un  des  juges  les  plus 
compétents  en  pareille  matière  : 

«  La  tradition  ou,  comme  le  dit  M.  [Antoine]  Thomas  (1),  Vopinion 
classique  rattachait  l'origine  des  Etats  provinciaux  à  ces  réunions  de 
vassaux  qui  devaient  aide  et  conseil  à  leur  suzerain,  et  que  celui-ci 
convoquait  pour  l'assister  dans  le  gouvernement  de  son  fief.  M.  Cal- 
lery  (2)  pense,  au  contraire,  que  les  Etats  provinciaux  sont  nés  des 
rigueurs  du  contrat  féodal,  dont  la  fixité  et  Timmutabilité  mettaient  le 
seigneur,  chaque  fois  qu'il  voulait  y  introduire  dos  modifications,  dans 
la  nécessité  de  réunir  les  habitants  nobles  et  non  nobles  de  ses  domai- 
nes, afin  d'obtenir  leur  consentement.  M.  Luchaire  (3)  et,  après  lui, 
M.  Cadier  n'ont  pas  eu  de  peine  à  montrer  tout  ce  qu'il  y  avait  de  faux 
dans  une  semblable  théorie,  qui  attribue  aux  conti-ats  féodaux  une  pré- 
cision imaginaire,  et  qui  ne  tient  aucun  compte  des  diversités  profondes 
qu'offrait  au  moyen  âge  l'état  social  de  nos  provinces.  Ils  se  sont  l'un 
et  l'autre  rattachés  à  la  tradition  classique,  dont  M.  Thomas  s'était  lui- 
même  à  peine  écarté.  Mais  ils  l'ont  fait  avec  des  nuances  qu'il  importe 
de  signaler.  —  M.  Luchaire,  qui  se  préoceupait  exclusivement  de  Tori- 

ginedes  Etiits  généraux ,  [a  pu  les  rattacher]  à  cotte  assemblée  des 

fidèles  et  des  grands  du  royaume  qu'à  l'exemple  des  dynasties  précé- 
dentes les  Capétiens  réunissaient  autour  d'eux  dans  toutes  les  solennités 
poUtiques  et  reUgieuses,  et  [soutenir]  par  conséquent  que  les  premiers 
Etats  généraux  n'avaient  été  qu'un  déreloppenient  régularisé  de  ces 
assemblées.  —  Mais  le  champ  des  investigations  de  M.  Cadier  était 
beaucoup  plus  limité...  L'institution  sur  laquelle  il  a  fait  porter  des 
recherches  est  de  nature  essentiellement  seigneuriale  et  provinciale.  Il 
i'est  proposé  d'en  déterminer  l'origine,  d'en  suivre  les  développements, 
d'en  décrire  l'organisation  intérieure,  d'apprécier  enfin  son  rôle  politi- 
que et  social.  Aux  procédés  de  discussion  théorique  usités  par  un  trop 


(1)  Etats  prooînciawo  de  la  Franco  centrale  sous  Charles  V//.  Introd. 

(2)  Auteur  de  deux  brochures  sur  l'Origine,  les  pouoolrs  et  les  attributions 
des  Etats  génératuo  et  prooinciauw.  Bruxelles,  1881. 

(3)  Articles  dans  les  Annales  des  facultés  des  lettres  de  Bordeaux  et  de 
Toulouse,  4*  année. 


—  378  — 

grand  nombre  d'historiens  il  substitue  ]a  recherche  patiente  des  docu- 
ments originaux. , .  Il  les  produit  avec  la  sûreté  d'un  paléographe  exercé, 
il  les  expose  avec  la  sincérité  d'un  esprit  qui  ne  cherche  que  la  vérité, 
il  les  met  en  lumière  et  les  résume  avec  une  maturité  qu'on  est  étonné 
de  rencontrer  dans  un  homme  aussi  jeune.  Les  conclusions  auxquelles 
l'a  conduit  cette  longue  et  consciencieuse  étude  ont  une  portée  bien  plus 
générale  que  le  sujet  choisi  ne  semblait  le  promettre,  et  je  suis  con- 
vaincu qu'elles  jetteront  une  vive  lumière  sur  plusieurs  points  obscurs 
de  rhistoire  des  Etats  provinciaux  (1),  » 

Au  point  de  vue  purement  régional,  ce  qui  ressort  avec  le  plus  de 
force  des  pages  neuves  de  M.  Cadier,  c'est  la  part  notable  du  tiers  état 
dans  la  constitution  ancienne  du  Béam,  c'est  le  caractère  de  bonne 
heure  très  prononcé  de  ce  qu'on  pourrait  nonmier  la  représentation 
nationale  dans  le  gouvernement  du  pays,  c'est  enfin  l'étonnante  éten- 
due des  attributions  et  l'attitude  constamment  fière  et  digne  des  Etals 
jusqu'aux  temps  modernes,  qui  devaient  les  réduire  à  un  rôle  infini- 
ment moins  relevé.  Sur  ces  divers  points  il  y  aura  sans  doute  des 
détails  à  discuter  sans  préjudice  de  l'ensemble;  j'en  trouve  quelques- 
uns  dans  le  dernier  numéro  de  la  Revue  de  Béam,  Navarre  et  Lan- 
nesy  où  M.  Paul  Labrouche  a  consacré  de  bonnes  pages  au  travail  de 
M.  Cadier;  j'y  renvoie  le  lecteur,  sans  me  prononcer  sur  des  vnes 
qui  attendent  un  surcroît  de  preuves.  Je  tiens  pourtant  à  viser  expres- 
sément les  réserves  de  M.  Labrouche  touchant  l'explication  donnée 
par  M.  Cadier  de  ce  fait  que  le  clergé  n'avait  que  cinq  représentants  aux 
Etats  de  Béarn  :  les  évoques  de  Lescar  et  d'Oloron,  les  abbés  de  Lar- 
reule,  Lucq  et  Sauvelade.  Cette  explication  revient  en  somme  à  dire  : 
1**  que  le  clergé  béarnais  était  peut-être  peu  estimé  et  2?  que  Gaston- 
Phœbus  se  contenta  d'appeler  aux  Etats  les  titulaires  ecclésiastiques 
qui  avaient  figuré  à  la  cour  féodale  ou  à  la  cour  majour.  M.  Labrou- 
che fait  remarquer,  d'abord,  que  la  déconsidération  du  clergé  béarnais 
n'est  constatée  tout  au  plus  que  pour  le  xv®  siècle,  et  encore  pour  les 
sécuUers  seulement;  peut-être  trouverait-on  çà  et  là,  dans  le  Cariulaire 
de  Sordes  par  exemple,  des  indices  fâcheux  pour  les  réguliers  eux- 
mêmes  et  pour  une  date  antérieure.  Mais  M.  Labrouche  a  toute  rai- 
son d'écarter  cette  considération  conune  étrangère  à  la  question.  H 
arrive  lui-même,  en  rappelant  l'histoire  des  dîmes  usurpées  et  des 
bénéfices  laïques  en  Béarn,  à  une  explication  qui  paraît  la  vraie,  d'au- 
tant que  «  si  l'on  met  en  regard  d'un  côté  les  cinq  sièges  attribués  au 

(1)  Nouo.  Reoue  hist.  de  droit  franc,  et  étranger,  juiUet-août  1888,  p.  479-481. 


—  379  — 

clei^é  et  le  total  de  sièges  possédés  par  les  abbés,  de  l'autre  les 
douze  sièges  de  barons  et  le  total  des  domengeadures  anciennes,  on 
arrive  à  une  balance  à  peu  près  égale,  » 

J'ai  dépassé  peut-être  les  bornes  que  je  m'étais  prescrites,  mais  c'est 
surtout  en  citant  des  textes  et  des  autorités  qui  ne  peuvent  qu'être  bien 
accueillies.  Je  m'aperçois  que  je  n'ai  rien  dit  ni  de  la  forme  littéraire  du 
travail  de  M.  Cadier,  ni  des  nombreux  documents  inédits  qu'il  a 
publiés  à  l'appui  de  ses  récits  et  de  ses  doctrines  (pp.  373-462). 

Ce  sont  des  morceaux  très  importants,  qui  touchent  souvent  à 
l'histoire  générale  de  France  en  même  temps  qu'à  celle  de  la  province, 
qui  sont  même  parfois  de  vraies  pages  historiques  très  piquantes,  mais 
toujours  de  solides  pièces  justificatives,  de  bonnes  assises  qui  garan- 
tissent la  durée  du  monimient  qu'elles  supportent;  l'intérêt  linguistique 
n'y  manque  pas,  la  plupart  des  textes  étant  béarnais  et  établis  par  l'é- 
diteur avec  une  parfaite  sûreté.  Je  dois  ajouterqu'aux  vingt-trois  docu- 
ments ici  publiés  doit  s'ajouter  le  Livre  des  Syndics  des  Etais  de 
Béarriy  complément  naturel  de  son  grand  ouvrage,  que  M.  Cadier  a 
bien  voulu  confier  à  notre  Société  et  qui  paraîtra  sous  peu  eu  un  fas- 
cicule des  Archives  historiques  de  la  Gascogne, 

Quant  aux  mérites  de  rédaction  qui  distinguent  les  Etats  de  Béarn^ 
j'aime  mieux  citer  encore  M.  Eugène  de  Rozière  que  de  parler  de  mon 
chef.  «  Le  style  de  M.  Cadier,  dit  cet  excellent  juge,  est  sobre  et  clair; 
les  citations  sont  nombreuses,  bien  choisies,  et  prouvent  qu'avant  de 
rien  rédiger  M.  Cadier  s'était  armé  de  toutes  pièces.  Les  chapitres  sont 
divisés  en  paragraphes  et  accompagnés  de  sommaires  qu'on  trouve 
réunis  sous  forme  de  table  à  la  fin  du  volume,  sans  préjudice  d'une 
très  bonne  table  alphabétique  des  noms  de  lieux,  des  noms  de  person- 
nes et  des  matières.  » 

IV 

Histoire  topographique  et  anecdotique  des  rues  de  Bayonne,  par 
E.  DucÉRÉ.  Tome  i.  Bayonne,  inipr.  A.  Lamalgnère,  1887.  Ia-16  de 
360  pp.  Prix  :  5  fr. 

Ce  n'est  assurément  pas  le  meilleur  ciidre  de  Tliistoire  urbaine  que 
le  parcours  des  rues  et  des  places;  mais  ce  cadre  répond  à  certaine 
curiosité  fort  naturelle  et  se  prête  surtout  à  noter  les  faits  détachés,  les 
anecdotes,  sans  lesquelles  l'histoire  morale,  c'est-à-dire  l'histoire  la 
plus  intime  et  la  plus  vraie,  se  montrerait  à  peine.  Aussi,  malgré  les 
inconvénients  de  la  méthode  viograpliique,  —  le  morcellement,  le 


—  380  — 

décousu,  les  répétitions,  que  sais-je?  —  le  livre  de  M.  Ducéré  offre-l-il 
un  véritable  intérêt,  même  aux  lecteurs  qui  connaissent  peu  BayoDne. 
Pour  les  bayonnais,  ce  devrait  être  un  répertoire  familier;  ils  y  trouve- 
raient constamment  plaisir  et  profit. 

Les  deux  premiers  chapitres  forment  Tintroduction.  On  y  prend  des 
notions  générales  sur  la  topographie  de  Bayonne,  sur  l'origine  et  les 
variations  des  noms  de  ses  rues,  sur  la  police  urbaine,  objet  de  nom- 
breux et  curieux  règlements  dès  le  xiii®  siècle.  On  y  voit  aussi  un 
tableau  des  vieilles  maisons  bayonnaises,  que  nos  lecteurs  connaissent 
déjà  (I).  Les  rues  étudiées  dans  ce  premier  volume  appartiennent  à  la 
cité  romaine,  reconstruite  au  commencement  du  xi®  siècle;  c'est  le 
grand  Bayonne,  par  opposition  au  Bourg-Neuf  ou  petit  Bayonne  et  au 
faubourg  Saint-Esprit.  La  cité  est  partagée  en  deux  parties  presque 
égales  par  la  rue  Mayou  {major)  ou  rue  d'Espagne. 

L'auteur  commence  sa  tâche  historique  et  statistique  par  une  rue 
fort  éloignée  du  centre  et  aujourd'hui  des  plus  tristes,  mais  dont  le 
passé  est  plein  de  souvenirs  :  la  rue  des  Faures,  forgerons,  armuriers 
et  autres  ouvriers  en  métaux,  qui  eurent  une  haute  renommée  indus- 
trielle et  une  part  notable  dans  l'histoire  mihtaire  de  la  cité  (2).  Vien- 
nent ensuite  :  la  rue  des  Prébendes,  qui  emprunta  son  nom,  dans  les 
temps  modernes,  aux  titulaires  des  prébendes  de  la  cathédrale  voisine, 
prébendes  que  l'historien  nous  fait  connaître  d'après  le  manuscrit  de 
Veillet;  —  la  rue  de  Luc,  qui  coupe  presque  à  angle  droit  la  rue  d'Es- 
pagne et  qui  s'élève  à  14  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la  mer,  ce  qui 
est,  peu  s'en  faut,  la  plus  haute  altitude  de  Bayonne; — la  rue  il/b/i/a«^, 
qui  ne  compte  que  trois  numéros,  mais  dont  l'histoire  est  des  plus  bril- 
lantes, parce  qu'elle  posséda  longtemps  la  maison  de  ce  nom,  manoir 
aristocratique  illustré  par  le  séjour  des  rois  et  des  reines;  —  la  rue 
Doer,  c'est-à-dire  des  tonneliers,  car  je  ne  doute  pas  que  doerSj 
quoique  tombé  de  bonne  heure  de  l'usage  commun,  ne  fût  synonyme 
de  doalersy  qui  lui  a  survécu  (3);  —  les  rues  Sabaterie  et  VieMe 
boucherie  ou  Carnaceirie,  qui  devaient  leur  nom  l'une  aux  cordon- 
Ci)  Voir  dans  notre  t.  xxvii  (1886),  un  extrait  fort  détaiUé  (p.  235-242)  des 
Etudes  sur  la  cic  pricée  bayonnalse  au  commencement  du  xvr  siècle,  de 
M.  Ducéré. 

(2)  L'auteur  a  déjà  traité  ce  sujet  dans  V Artillerie  et  les  arsenaux  de 
Bayonne.  Cf.  Reçue  de  G.,  xxvii,  283. 

(3)  Cette  conjecture,  qui  s'est  imi)osée  d'ellft-méme  à  M.  Ducéré,  me  parait 
tout  à  fait  justifiée  par  la  linguistique.  Doaler  vient  de  doala,  en  français 
douelle.  Et  comme  ce  dernier  mot  est  le  diminutif  de  douce  (en  italien  et  eu  cv 
t<ilan  doga)f  doala  nous  ramène  à  une  forme  simple  doa,  qui  donnait  doer^ 
comme  doala  a  donné  aoaler. 


—  381  — 

niers  et  savetiers,  l'autre  aux  bouchers  qui  les  habitaient;  —  enfin  la 
rue  May  ou  ou  d'Espagne,  avec  la  porte  célèbre  de  ce  dernier  nom. 
Vient  ensuite  la  place  publique  avec  THôtel-de- Ville,  qui  défraie  sept 
chapitres  des  plus  remplis  et  des  plus  importants  pour  l'histoire  de  la 
vie  conamunale  :  la  place  publique  au  moyen  âge,  —  au  xvi®  et  au 
^xiV'  siècle,  —  au  xvni®  siècle;  —  V HôteUde-Villé  au  moyen  âge; 
—  V administration  municipale  et  ses  officiers)  —  les  prérogatives 
des  maires  sous  Vancien  régime;  —  VHôtel-de-  Ville  et  ses  annexes 
jusqu'à  nos  fours» 

Laissant  de  côté  ces  pages  d'histoire  municipale,  où  M.  Ducéré  se 
rencontre  plus  qu'ailleurs  avec  ses  divers  devanciers,  je  voudrais 
appeler  l'attention  sur  certaines  classes  de  notions  et  de  faits  oii  l'his- 
torien  des  rues  de  Bayonne  a  dû  plus  particulièrement  insister.  Je  ne 
puis  y  comprendre  les  menus  faits  d^archéologie  et  d'art  qui  paraissent 
presque  à  toutes  ses  pages.  Signalons  pourtant  la  description  et  l'his- 
toire de  la  geôle  (p.  230),  qu'on  appelait  éloquemment  «  maison  du 
roi  »,  les  demeures  successives  des  Clarisses  (p.  154-9),  et  parmi  les 
monuments  tout  modernes,  l'édicule  élevé  aux  héros  des  journées  de 
1830  (p.  81).  Ce  qui  revient  presque  aussi  souvent,  et  avec  nombre  de 
détails  neufs  et  piquants,  ce  sont  les  notices  sur  les  métiers  et  profes- 
sions, les  relations  d'entrées  et  réceptions  princières,  enfin  les  indica- 
tions biographiques. 

Parler  ici  desfaures  et  hasters,  ce  serait  reprendre  un  sujet  que 
nous  avons  déjà  traité.  Il  y  aurait  beaucoup  d'intérêt  à  suivre  aujour- 
d'hui M.  Ducéré  chez  les  cordonniers  et  les  savetiers,  chez  les  tonne- 
liers, chez  les  bouchers,  voire  chez  les  apothicaires  (p.  224)  du  vieux 
temps.  Mais  j'espère  bien  qu'il  nous  donnera  quelque  jour  l'histoire, 
depuis  longtemps  promise,  de  toutes  les  corporations  bayonnaises,  et 
j'aime  mieux  l'attendre  là. 

Les  réceptions  de  rois,  reines,  princes  et  autres  hauts  personnages 
doivent  elles-mêmes  nous  être  offertes  dans  un  volume  spécial,  et 
même,  si  je  ne  me  trompe,  dans  un  fascicule  de  nos  Archives  histo- 
riques de  la  Gascogne.  Il  suffira  donc  de  signaler  aux  lecteurs,  dans 
le  volume  actuel,  les  pages  très  curieuses  où  M.  Ducéré  raconte  l'entrée 
à  Bayonne  de  Dunois  et  du  comte  de  Foixen  1451  (p.  245),  des  enfants 
de  France,  fils  de  François  I®**,  en  1531  (p.  218),  de  l'infante  d'Autri- 
che en  1616  (p.  130  et  182),  d'Henri  de  Bourbon,  père  du  grand  Condé 
en  1638  (p.  133),  de  Louis  XIV  et  de  la  reine  Marie-Thérèse  en  1660 
(p.  186),  d'une  autre  Marie-Thérèse  qui  allait  épouser  le  dauphin,  fils 
de  Louis  XV  en  1745  (p.  188),  d'Anne  de  Neubourg,  reine  douairière 


—  382  — 

d'Espagne,  qui  devait  passer  trente  ans  à  Bayonne  de  1708  à  1738 
(p.  134),  du  duc  et  de  la  duchesse  d'Ângoulème  après  la  campagne 
d'Espagne  de  1823  (p.  194),  du  duc  et  de  la  duchesse  de  Montpensier 
en  1846.  Bayonne,  on  le  voit,  résume  dans  la  série  de  ses  fêtes  l'his- 
toire des  rapports  belliqueux  ou  pacifiques  de  la  France  avec  l'Es- 
pagne. 

Mais  je  veux  emprunter,  avant  de  finir,  quelques-uns  des  noms 
historiques  et  des  traits  de  biographie  qui  abondent  dans  ce  volume. 
Dans  la  rue  des  Prébendes  se  rencontre  la  maison  habitée  au  xvni*  siè- 
cle par  le  notaire  Lesseps,  anobli  en  1777  en  des  lettres  bien  flatteuses. 
Au  reste,  ce  nom  illustre  doit  s'offrir  encore  ailleurs  à  l'historien  des 
rues  de  Bayonne.  —  Dans  la  rue  des  Bouchers,  \in  membre  de  celte 
corporation,  Jehannot  Duverger,  devenu  grSs  et  riche  propriétaire,  fonde 
au  commencement  du  xvi*  siècle  la  fortune  de  sa  famille,  qui  devait 
produire  cent  ans  après  l'abbé  de  Saint-Cyran.  Il  n'y  a  pas  trace 
de  cette  origine  dans  les  innombrables  notices  que  les  écrivains  jan- 
sénistes ont  consacrées  pendant  deux  siècles  à  leur  patriarche.  — 
Dans  la  rue  Sabaterie,  se  trouve  très  probablement  la  maison  natale  du 
célèbre  marin  Bernard  Dubourdieu  (1774-1811),  père  d'un  sénateur 
du  second  empire. 

D'autres  honunes  de  mer,  dont  les  services  mériteraient  bien  d'être 
remis  en  pleine  lumière,  ont  attiré  l'attention  de  l'historien  ;  tel  surtout 
La  Courtaudière,  dont  il  nous  fait  lire  une  intéressante  relation  navale 
de  16lBl  et  une  admirable  instruction  adressée  à  son  fils  qui  partait  pour 
les  Indes.  Les  lettres  de  ce  dernier,  qui  suivit  avec  honneur  la  même 
carrière,  renferment  de  curieux  détails  sur  la  société  indienne  et  sur  la 
fatale  décadence  de  nos  possessions  asiatiques.  On  y  voit  comme  ail- 
leurs que  le  courage  ne  manqua  pas  à  nos  soldats,  pas  plus  que  la 
sagesse  à  nos  hommes  d'affaires,  comme  ce  Dulivier  dont  nos  lecteurs 
connaissent  l'instructive  correspondance.  Ainsi  le  jeune  La  Courtau- 
dière, en  juillet  1783,  rend  compte  d'une  action  très  chaude  contre  les 
Anglais.  «  La  brigade  d'Austrasie,  dit-il,  a  chargé  à  la  baîonn^te  à 
plusieurs  reprises  et  toujours  avec  beaucx)up  de  succès.  Un  bayonnais 
[M.  Delabade],  capitaine  des  grenadiers  de  cette  brigade,  s'est  couvert 
de  gloire.  Il  a  été  fait  lieutenant-colonel  et  a  reçu  peu  de  jours  après  la 
croix  de  Saint-Louis.  Il  n'a  eu  qu'une  corne  de  son  chapeau  emportée 
par  un  boulet,  et  deux  balles  qui  ont  percé  les  poches  de  son  habit...  » 
Tel  est  le  ton  de  cette  précieuse  correspondance.  M.  Ducéré  ajoute  à 
ses  extraits  ce  renseignement  instructif  :  «  Travailleur  par  excellence, 
le  jeune  La  Courtaudière  profitait  de  ses  moments  de  loisir  pour  rédi- 


—  383  — 

ger  une  histoire  des  Indes  sous  forme  de  dictionnaire,  dont  nous  avons 
heureusemeni  retrouvé  le  manuscrit  (p.  109).  » 

J'ose  à  peine  indiquer,  à  côté  de  ces  noms  vraiment  dignes  de  gloire, 
un  nom  fameux  à  tout  autre  titre,  celui  de  Tactrice  et  aventurière 
Marguerite  Brunet,  dite  la  Montansier,  bienvenue  de  Marie- Antoinette, 
et  qui  faillit,  dit-on,  épouser  Napoléon  Bonaparte  encore  officier  d'ar- 
tillerie. Elle  mourut  à  90  ans,  en  1820,  après  une  canière  théâtrale  et 
romanesque  des  plus  accidentées. 

Je  ne  cherche  pas  de  transition  pour  signaler,  en  finissant,  deux  de 
nos  contemporains  notables  :  un  marin  vivant,  l'amiral  Jauréguiberry, 
que  nous  avons  vu  ministre  de  la  guerre,  —  né  le  28  août  1815,  dans 
la  rue  d'Espagne;  —  un  ecclésiastique  défunt,  l'abbé  Dassance,  né  à 
Ustaritz  en  1801  et  qui  a  fini  sa  carrière  dans  une  maison  de  la  même 
rue  en  1858.  Je  voudrais  bien  connaître  sa  notice  nécrologique,  par  un  de 
ses  amis  qui  est  aujourd'hui  le  cardinal  archevêque  d'Alger  :  M .  Ducéré, 
qui  la  cite,  ne  paraît  pas  l'avoir  utilisée  beaucoup  dans  les  quelques 
lignes  qu'il  accorde  à  ce  prêtre,  à  cet  écrivain  estimable. 

(A  suivre.)  Léonce  COUTURE. 


lA  «ASGOGNE  Al  GONGRfS  DE^  SOCIt^TtS  SAVANTES 

A  LA  SORBONNE 


Le  congrès  s'est  ouvert  à  deux  heures,  le  mardi  11  juin,  dans  le 
grand  amphithéâtre  de  la  Sorbonne,  sous  la  présidence  de  M.  Levas- 
seur,  membre  de  l'Institut,  et  les  cinq  sections  n'ont  pas  tardé  à  se 
réunir  dans  les  locaux  qui  leur  ont  été  respectivement  affectés.  Elles 
ont  continué  jusqu'au  vendredi  à  tenir  deux  séances  par  jour.  Voici, 
d'après  le  Journal  officiel^  le  relevé  des  communications  afférentes  à 
notre  histoire  provinciale. 

SECTION  D^HISTOIRE  BT  PHILOLOGIE. 

Séance  du  12  juin  (soir),  —  M.  Rébouis,  de  la  Société  archéolo- 
gique et  historique  de  Tam-et-Garonne,  répond  à  la  9"  question  du 
programme  (textes  inédits  ou  nouvellement  signalés  de  chartes  de 
communes  ou  de  coutumes). 

Il  donne  d'abord  la  liste  des  textes  de  coutumes  des  communes  de 
FAgenais  qui  ont  été  publiés  et  la  liste  de  ceux  qui  sont  encore  inédits. 
Tous  ces  documents  sont  antérieurs  au  quinzième  siècle  et  datent  du 
treizième  siècle  pour  la  plupart. 

Sauf  des  omissions  probables,  nous  possédons  pour  l'Agenais 
44  textes,  dont  24  sont  encore  inédits;  20  ont  été  publiés  par  le  Recueil 


r 


—  382  — 

d'Espagne,  qui  devait  passer  trente  ans  à  Bayonn^  ^^^ 
(p.  134),  du  duc  et  de  la  duchesse  d'Angoulème/ 

d'Espagne  de  1823  (p.  194),  du  duc  et  de  la  d^y  {  ^sus^  ^® 

en  1846.  Bayonne,  on  le  voit,  résume  à^xy^jf  f  -^^''j^ionl- 

toire  des  rapports  belliqueux  ou  pacifio'  ^- .*  >  ^eU^P^ 

Mais  je  veux  emprunter,  avant  '         «'  ,nt  M.    ^g  par 

historiques  et  des  traits  debiof»^  '/.-     /  Jié  accoi>*  ^j^^jaye 

Dans  la  rue  des  Prébendes  se  •  ;-''  ^    /  tf^nf !tr  l'<>^^T 

^     '  aïons  sur  7|ips   les 

de  par  le  notaire  Lesseps,  r       f  -.     /  vées,  les  ^^^^\^  de 

Au  reste,  ce  nom  illustra,  ,  /  •                        le  seigneur   ^^^laret 

_  ,    «„  ^^^^             •  '                              iecellesdeMoï^7iUQ;i. 

rues  de  Bayonne.  -    ,  ..^or.çue  d«  dr^^^/'^ 

corporation,  Jehaiu»  jgg 

au  commenoemr   '  -.  Baradat  de  Lacaze,  Tédit^^  ^u- 

nrodiiipe  cent  ^^'^^  ^^  Meilhan,  qui  va  publier  l^boto, 

produire  cent  ^  Bruilhois,  grâce  au  concours  de  M.  G.  ^JJ^^ 

de  cette  or  ^i-Garonne,  M.  Rébouis  termine  en  montrant  ^  -^^es 

sénistes       ^né  le  jour  où  toutes  les  coutumes   agenaises  ^^Afo\[ 
D  ns  '      bl^'»  ^^^^  seulement  une  étude  d'ensemble  sur   1^ 
yX^  moyen  âge  sera  possible. 

/'       j^nce  du  13  iuin  {matin), —  M.  Paul  Labrouche,  archivist^. 
'^^^.-pyrénées,  fait  part  à  la  réunion  du  projet,  en  voie  d'exécU^^  ^J^ 

ff*^  fJULLAIRE    DE    LA    PROVINCE    ECCLÉSIASTIQUE    DE    GaSCOGN^I-     \ 

^"^jet,  dont  ridée  première  a  été  présentée  par  M.  Douais,  en  l^fvVis 
f^  réunion  générale  de  la  Société  historique  de  Gascogne,  a  été  ^'^t, 
depuis  quelques  mois  :  les  neuf  prélats  des  provinces  actuelles  d'A-"^V^^l 
de  Bordeaux  et  de  Toulouse  qui  ont  des  fractions  de  la  Novemp^P^\s 
lanie  dans  leurs  diocèses  contribuent  proportionnellement  aux    ^  rriè 
d'une  mission  qui  a  été  établie  à  Rome  pour  un  nombre  indéter*^ 
d'années.  ^^^x- 

Le  délégué  provincial,  M.  Guérard,  a  déjà  relevé  un  millier  de  ^^il. 
ments  intéressant  la  Gascogne  pour  le  seul  pontificat  de  Jean  ?C^  ^è 
Son  collaborateur,   M.  Ambroise,   poursuit  un  travail  parallèle 
dépouillement  dans  les  registres  parus.  ^      -^ji 

La  publication  projetée  comprendra  l'analyse  ou  la  transcrîp*^î-j5 
intégrale  d'un  nombre  de  documents  qu'on  ne  saurait  évaluer  à  n^^* 
de  50,000,  ni  à  plus  de  100,000.  -^a 

Il  est  difficile  de  mesurer  l'étendue  de  la  contribution  que  ^ont't^ 
le  bullaire  à  l'histoire  sous  toutes  ses  formes,  à  Tarchéologie,  à  la  tOp^ 
nymie,  aux  reconstitutions  biographiques  ou  généalogiques,  aux  nXQpO^ 


régionale 

M.   Labrouche  espère  que  l'Etat  apportera  son  concours  à  ç^j 
œuvre  importante,  qui  sera  dirigée  par  une  réunion  d'érudits  du  Xijj.^ 

(1)  J'avais  eu  le  plaisir  de  communiquer  à  M.  de  Bourrousse  de  Laffon:  |g 
texte  qui  a  été  transcrit  par  ses  deux  confrères  de  la  Société  d*Agen.  —  L.  C. 


—  386  — 

<)rmme  en  exprimant  le  vœu  que  le  Bullarium  txta^^onicum  soit 

'>remière  page  du  Bullarium  gallicanum. 

Delisle  [président  de  la  section],  félicite  les  organisateurs  d'une 

£^  se  qui  sera  sans  doute  imitée  dans  plusieurs  de  nos  provinces 

"\  is  mettra  en  possession  de  documents  tout  à  fait  nouveaux, 

utiles  poujr  Thistoire  ecclésiastique  et  pour  l'histoire  civile. 

"i  composés  sur  le  plan  qui  vient  d'être  exposé  seront  le 

'a  publication  que  Té'iole  française  de  Rome,  sous  la 

?  M.  Geflfroy  et  LeBlant,  poursuit,  depuis  plus  de  dix 

très  des  papes  du  treizième  siècle,  publication  qui  fait 
neur  à  l'érudition  française  et  dont  le  succès  doit 
•;;  'X)ucbe  et  ses  collaborateurs  (1). 

*•  u,  archiviste  du  Gers  et  membre  de  la  Société 

lit  une  note  sur  un  compte  en  gascon,  contenant 

OYAGE  fait  en  1528  et  1529  par  deux  bour- 

V.OUR  DE  France,  où  résidaient  alors  Henri  d'Al- 

idvarre,  et  sa  femme  Marguerite  d'Angoulème^  sœur  de 

ler 

x-e  but  du  voyage  était  d'enlever  à  la  ville  de  Lectoure  le  siège  de 
l'importante  sénéchaussée  d'Armagnac,  ou  du  moins  d'obtenir  la 
création  à  Auch  d'une  sénéchaussée  particulière.  Cette  création  n'eut 
lieu  qu'un  siècle  plus  tard,  en  1639. 

La  relation  renferme  des  détails  intéressants  sur  les  divers  itiné- 
raires suivis,  sur  le  prix  des  repas,  sur  le  séjour  des  députés  de  la 
ville  d'Auch  à  la  Cour,  qu'ils  suivirent  à  Paris,  à  Fontainebleau  et  à 
Saint-Germain  en  1529,  à  Amboise  et  au  château  de  la  Bourdaisière 
en  1529. 

SBGTION  D^ARGHAOLOOIB. 

Séance  du  12  juin  (soir).  —  M.  l'abbé  de  Carsaladb  du  Pont 
donne  lecture  d'un  travail  sur  des  mosaïques  romaines  trouvées  à 
Montréal  (Gers),  au  lieu  dit  Glésia.  Elles  ont  été  transportées  au 
musée  d'Auch.  Le  dessin  en  est  assez  beau.  L'une  surtout  est  inté- 
ressante :  elle  représente,  au  centre  d'ime  bordure  formée  de  dauphins, 
la  tète  du  dieu  marin  Ocianus,  surmontée  de  deux  pinces  de  homard. 
Une  monnaie  recueillie  dans  les  décombres  montre  que  ces  mosaïques 
sont  du  quatrième  siècle  au  plus  tard;  une  petite  statuette  de  Mercure, 
en  bronze,  a  été  recueillie  au  même  lieu. 

M.  l'abbé  de  Carsalade  soumet  aux  membres  du  congrès  un  moulage 
d'un  fragment  de  sarcophage  chrétien  représentant  un  personnage  qui 
paraît  être  un  chasseur.  Ce  débris,  trouvé  à  Auch,  est  conservé  au 
musée. 

M.  Paul  Parfouru,  archiviste  du  Gers,  membre  de  la  Société 
historique  de  Gascogne,  fait  connaître  divers  documents  inédits  re- 
latifs à  Tachèvement  du  grand  porche  et  des  tours  de  la  cathédrale 
d'Auch.  Ces  travaux,  dont  on  ignorait  la  date  exacte,  furent  exé- 
cutés de  1670  à  1681  par  les  soins  et  aux  frais  de  l'archevêque 

(1)  Il  y  a  un  détail  dont  M.  Paul  I^brouche  a  négligé  de  parler  dans  cette 
intéressante  communication.  C'est  que  si  le  beau  projet  conçu  par  M.  Douais  et 
proposé  à  la  réunion  générale  de  1887  de  la  Société  historique  de  Gascogne  est 
aéjà  en  voie  d'exécution,  on  le  doit  a^'ant  tout  au  zèle  admirable  du  jeune 
archiviste  des  Hautes-Pyrénées,  qui  a  lui-même  provoqué  celui  des  vénérables 
prélats  de  la  région.  ~  L.  C. 


—  386  — 

Henri  de  Lamothe-Houdancourt,  sous  la  direction  de  deux  architectes 
toulousains  :  Pierre  Mercier  et  Pierre  Miressou  dit  Bellerose. 

Les  chapiteaux  des  colonnes  engagées  sont  dues  au  ciseau  de 
François  Auxion,  maître  sculpteur  à  Auch,  de  François  et  Raymond 
Mercier  et  de  Jean  Miressou,  architectes.  François  Auxion  est  Fauteur 
des  bas-reliefs  qui  ornent  les  architraves  et  les  frises  de  la  façade. 

Un  sculpteur  toulousain,  Etienne  Dugast,  exécuta  plusieurs  rétables 
pour  les  autels  de  la  nef.  Enfin,  un  autre  artiste  toulousain,  Jean 
Rioneau,  peignit  quatre  grands  tableaux  à  Thuile  pour  la  chapelle  royale. 

M.  Parfouru  a  découvert  également  le  devis  dressé  en  1688  par 
M®  Jean  de  Joyeuse,  facteur  d'orgues  à  Paris,  pour  la  construction  des 
orgues  de  la  cathédrale  d'Auch.  Ce  chef-d'œuvre  fut  terminé  en  1695 
et  coûta  16,000  livres. 

SECTION  DB  0É06RAPHIB. 

Séance  du  11  juin,  —  M.  Sacaze  montre  l'intérêt  que  présente  la 
toponymie  des  Pyrénées  au  point  de  vue  de  l'étude  de  nos  origines 
nationales.  Il  signale  les  similitudes  que  Ion  remarque  dans  les  noms 
de  lieux  des  Pyrénées  et  ceux  de  l'Afrique,  principalement  de  la  Mau- 
ritanie.—  Dans  le  même  ordre  d'idées,  M.  Cartailhac  appelle  l'atten- 
tion de  la  section  sur  un  important  travail  exécuté  en  1887  par 
M,  Sacaze  lui-même,  avec  le  concours  de  MM.  les  recteurs  des  acadé- 
mies de  Toulouse,  Bordeaux  et  Montpellier,  sur  la  toponymie  de  cha- 
cune des  communes  de  la  région  des  Pyrénées.  Les  documents  ainsi 
recueillis  forment  33  forts  volumes  en  40  manuscrits  (?),  actuellement 
conservés  à  la  bibliothèque  de  la  ville  de  Toulouse.  Tous  les  noms  de 
heux  sont  écrits  non  seulement  en  français,  mais  aussi  dans  l'idiome 
local,  avec  la  prononciation  figurée  ;  la  carte  détaillée  de  chaque  com- 
mune est  jointe  aux  texte.  —  M.  Sacaze  ajoute  que  par  sa  nature  même, 
et  surtout  à  cause  du  grand  nombre  de  collaborateurs  appelés  à  y  con- 
courir, ce  vaste  recueil  est  loin  d'être  parfait,  mais  il  rendra  sûrement 
des  services  aux  linguistes,  aux  ethnographes,  aux  géographes  qui  le 
consulteront.      >  .    »  .       >^  -v  -      .  .    *- 

Séance  du  12,  soirl  —  M.  Julien  Sacaze,  de  l'association  pyré- 
néenne, fait  une  communication  sur  les  neuf  peuples  et  l'inscrip- 
tion d'Hasparren.  Ce  difficile  problême  de  géographie  historique  avait 
été  étudié  et  résolu  en  des  sens  divers  par  MM.  Léon  Renier,  Ernest 
Desjardins,  Allmer,  Mommsen  et  d'autres  érudits.  En  s'aidant  des 
documents  fournis  par  les  auteurs  anciens  et  par  l'épigiaphie  elle-même, 
M.  Sacaze  est  arrivé  à  une  solution  précise  qui,  sur  certains  points, 
confirme  les  assertions  de  tel  ou  tel  de  ses  devanciers  et  sur  d'autres  les 
contredit  absolument. 

L'an  27  avant  notre  ère,  Auguste,  tenant  un  conseil  à  Narbonne,  fit 
le  recensement  des  trois  Gaules  conquises  par  César  et  régla  leur  orga- 
nisation politique.  Jusqu'alors  l'Aquitaine  était  composée  des  peuples 
situées  entre  les  Pyrénées  et  la  Garonne.  Pour  augmenter  l'importance 
territoriale  de  cette  province,  Auguste  lui  annexa  onze  ou  douze  peu- 
ples gaulois  qui  habitaient  entre  la  Garonne  et  la  Loire.  C'était  réunir 
brusquement  des  éléments  ethniques  tout  à  fait  distincts^  car  les  Aqui- 
tains différaient  de  la  race  celtique  et  par  leur  constitution  physique  et 
.par  leur  langue;  ils  ressemblaient  plus  aux  Ibères  qu'aux  Gaulois. 
Aussi  protestèrent-ils  contre  cette  union  forcée.  Une  inscription  métri- 
que découverte  à  Hasparren  nous  apprend  que  les  Novempopuli^  nom 


—  887  — 

sous  lequel  les  vrais  Aquitains  se  distinguaient  des  onze  peuples  gau- 
lois annexés,  envoyèrent  un  légat  vers  Tempereur  pour  obtenir  que  les 
Gaulois  fussent  séjjarés  d'eux,  et  la  requête  ayant  été  bien  accueillie, 
Pro  novem  opiinuit  pojpulis  sejungere  Gallos,  le  messager,  Verus, 
flamine,  ancien  decemvir,  dédia  un  autel  au  génie  protecteur  du  pays, 
Urbe  reduxy  Genio  pagi  hanc  dedicai  aram. 

En  quoi  consistait  cette  séparation  ?  Slrabon,  vers  Tan  19  de  notre  ère; 
Pline,  vers  Tan  79,  et  Ptolémée,  vers  Tan  140,  constatent  que  l'Aqui- 
taine formait  une  seule  province,  comprenant  les  peuples  situés  entre 
les  Pyrénées  et  la  Loire.  Ce  que  les  peuples  de  l'Aquitaine  ethnogra- 

Ehique  avaient  obtenu,  c'est  au  moins  la  séparation  au  point  de  vue 
scal.  Strabon  dit  que  les  Bituriges  Vinisques  sont  le  seul  peuple  étran- 
ger qui  soit  établi  chez  les  Aquitains  primitifs;  «  mais,  observe-t-il,  ils 
ne  payent  pas  le  tribut  avec  eux,  et  ils  ont  pour  marché  Bordeaux.  » 
Les  neuf  peuples  formèrent  donc  une  circonscription  financière  dis- 
tincte du  reste  de  l'Aquitaine  politique  organisée  en  l'an  27  avant  notre 
ère,  et  cela  très  peu  de  temps  après  cette  date  elle-même,  puisque  la 
séparation  était  déjà  réalisée  quand  Strabon  écrivait  sa  géographie,  vers 
l'an  19  de  J.-C.  Auguste  ayant  v4cu  jusqu'en  l'an  14,  le  fait  rapporté 
dans  le  monument  épigraphique  d'Hasparren,  quelle  que  soit  la  date  de 
la  confection  du  monument  lui-même,  eut  donc  Ueu  sous  cet  empereur 
ou,  moins  probablement,  dans  les  quatre  ou  cinq  années  qui  suivirent 
sa  mort.  Il  ne  faut  donc  plus  rattacher  cet  événement  et  la  constitution 
spéciale  des  Neuf-Peuples  aux  modifications  administratives  opérées 
par  Dioclétien  vers  la  fin  du  troisième  siècle. 

Une  inscription  d'Aquilée,  datée  de  Tan  105,  nous  apprend  non  seu- 
lement la  coexistence  de  deux  districts  financiers  dans  l'Aquitaine  poli- 
tique, mais  le  nom  du  chef-lieu  du  district  des  Novempopuli,  Lectoure  : 
Procurator  provinciarum  Lugudunensia  et  Aquitaniae  item  Lac- 
torae. 

Une  autre  inscription  trouvée  à  Lyon,  mentionne  un  fonctionnaire 
du  temps  d'Antonin  le  Pieux,  chargé  de  faire  le  recrutement  de  l'impôt 
chez  les  Onze-Peuples  de  l'Aquitaine,  les  onze  peuples  gaulois  ajoutés 
par  Auguste  et  énumérés  plus  ou  moins  exactement  par  Strabon  et  par 
Ptolémée  :  dilectator  per  Aquitaniae  XI  populos.  Chacune  de  ces 
deux  inscriptions  prouve  que  l'Aquitaine  celtique,  celle  des  onze  peu- 
ples, et  l'Aquitaine  ethnographique,  celle  des  Neuf-Peuples,  formaient 
chacune  un  district  particulier.  M.  Sacaze  trouve  la  confirmation  de 
ce  fait  dans  un  autre  monument  épigraphique  découvert  à  Saint- 
Bertrand  de  Comminges,  Lugdunum  Conoenarum^  et  concernant  la 
reconstruction  du  bureau  du  «  Quarantième  des  Gaules.  »  La  per- 
ception de  l'impôt  se  faisait  par  les  agents  d'une  compagnie  de  che- 
valiers romains,  les  Socii  quadragesimae  Galliarum;  mais  le  bureau 
des  Convènes,  c'est-à-dire  d'un  peuple  de  l'Aquitaine  ethnographique, 
était  placé  sous  la  gérance  d'un  agent  préposé  par  l'empereur.  Ce  fait, 
signalé  jusqu'à  ce  jour  comme  tout  exceptionnel,  n'a  donc  rien  que  de 
très  rationnel.  L'épigraphie,  dit  en  terminant  M.  Sacaze,  est  l'auxi- 
liaire et  parfois  la  suppléante  de  l'histoire. 

M.  J.-F.  Bladé,  correspondant  de  l'Institut,  accepte,  sous  quelques 
réserves  de  détail,  les  conclusions  de  M.  Sacaze,  et  le  félicite  d'avoir 
ainsi  résolu  une  des  questions  les  plus  difficiles  de  la  géographie  his- 
torique de  la  Gaule. 

Séance  du  13  juin  (éoir).-^  M.  Bladé,  correspondant  de  Tlnstitat, 


—  388  — 

étudie,  d'après  Tensemble  des  textes  actuellement  connus,  la  géographie 
générale  des  anciens  diocèses  de  la  Novempopulanie,  et  les  change- 
ments apportés  au  cours  des  temps  dans  ces  douze  circonscriptions.  Il 
prouve  que  Tétat  de  choses  a  beaucoup  changé  depuis  la  fin  du  Bas- 
Empire,  et  qu'il  serait  téméraire  de  considérer,  d*après  la  théorie  cou- 
rante, les  diocèses  du  Sud-Quest,  tels  qu'ils  existaient  encore  en  1789, 
comme  les  représentations  territoriales  des  anciennes  civitatea  de  cette 
région. 

M.  Bladé  s'attache,  en  outre,  à  distinguer,  d'après  un  passage  de 
Strabon,  les  territoires  de  la  civitqs  Elusatium  et  dç  la  civitas  Aus- 
ciorum.  Il  démontre  aussi  que  la  civitas  Aquensium  englobait  du  côté 
du  midi  la  vallée  de  la  Bidassoa  tant  française  qu'espagnole. 

Séance  du  14  juin, —  M.  Paul  Labrouche,  archiviste  des  Haut^- 
Pyrénées,  présente  sous  ce  titre  :  La  province  ecclésiastique  d'Auch 
anciennement  et  de  nos  jours,  quelques  notes  sur  les  modifications 
profondes  qu'ont  entrainées  les  divisions  actuelles.  Les  douze  diocèses 
de  la  Novempopulanie  d\i  neuvième  siècle  sont  aujourd'hui  répartis 
entre  douze  diocèses  qui  en  ont  des  fractions  plus  ou  moins  étendues, 
sans  qu'aucun  d'entre  eux  possède  la  totalité  de  la  circonscription  cor- 
respondant aux  diocèses  anciens  du  même  nom.  Sur  ces  douze  diocè- 
ses, neuf  sont  en  France  et  trois  en  Espagne. 

Le  fait  le  moins  connu  et  le  plus  obscur  est  la  délimitation  méridio- 
nale du  diocèse  de  Bayonne  au  moyen  âge.  Toute  la  Navarre  cis-pyré- 
néenne  —  aussi  bien  la  Navarre  restée  française  que  la  vallée  de  la 
Bidassoa,  devenue  espagnole  en  1512,  —  appartenait  incontestablement 
au  diocèse  de  Bayonne. 

U  en  était  de  même  de  la  partie  du  Guipuzcoa  comprise  entre  l'em- 
bouchure de  la  Bidassoa  et  la  ligne  de  faîte  entre  les  vallées  de  l'Oyar- 
zim  et  d'Urumea.  Les  deux  archi prêtres  navarrais  et  l'archiprêtré  gui- 
puzcoan  de  la  vallée  de  la  Bidassoa  furent  réunis  au  diocèse  de  Pam- 
pelune  par  une  bulle  de  1565.  Où  le  doute  subsiste,  c'est  pour  toute  la 
partie  du  Guipozcoa  s'étendant  au  delà  du  petit  bassin  côtier  de  rOjax- 
zun.  Sans  vouloir  préjuger  la  solution  du  problème,  voici  trois  faits  à 
retenir  :  1°  deux  textes  de  980  et  1106  donnent  au  diocèse  de  Bayonne 
des  localités  situées  en  dehors  de  cette  limite,  Saint-Sébastien  et 
Emani;  2°  deux  textes  de  1194  et  1417  n'y  comprennent  plus  Saint- 
Sébastien  et  Emani;  3°  les  deux  tiers  des  paroisses  du  Guipuzcoa 
étaient  du  diocèse  de  Pampelune  et  un  tiers  du  diocèse  de  Calahorra. 
Or  le  démembrement  de  1565  n'a  donné  à  Pampelune  que  cinq  parois- 
ses sur  près  de  cent  qu'il  possédait  en  Guipuzcoa. 

M.  Labrouche  espère  pouvoir  apporter  à  la  réunion  de  1890  la 
solution  raisonnée  de  cette  question  délicate  et  controversée;  il  espère 
aussi  pouvoir  présenter  une  carte  comparative  détaillée  par  archiprètréa 
et  paroisses,  de  la  province  d'Auch  à  ses  diverses  époques. 

M,  GuÉRARD,  licencié  ès-lettres,  dél^ué  de  la  province  ecclésias- 
tique d'Auch  au  Vatican  pour  la  collection  du  Bullaire  de  Gascogne, 
envoie  im  mémoire  sur  ce  même  problème  des  limites  méridionales  du 
diocèse  de  Bayonne.  M.  Labrouche  donne  lecture  de  ce  travail,  où 
sont  examinés  et  critiqués  un  à  un  les  documents  invoqués  par  les 
auteurs  français  ou  espagnols  dans  la  discussion.  M.  l'abbé  Guérard, 
après  avoir  examiné  l'état  actuel  de  la  question,  se  propose  également 
de  rechercher  dans  les  archives  vaticanes  des  documents  de  nature  à  ap- 
porter quelques  éclaircissements  dans  ce  débat  plusieurs  fois  séculaire. 


LES  VICTIMES  DU  GERS 

DEVANT  LE  TRIBUNAL   RÉVOLUTIONNAIRE  DE  PARIS,   AN   II 


LE  COMTE  DE  BARBOTAN-CARRITZ 

m 

Les  études  sur  l'année  1789  et  sur  toutes  les  phases  de 
la  période  révolutionnaire  se  multiplient^  comme  on  devait 
s'y  attendre.  L'attention  universelle  se  reporte  aux  événements 
qui  se  passaient  il  y  a  cent  ans,  et  la  moindre  question  sur 
cette  époque  orageuse  excite  Tintérét  et  la  curiosité.  Aussi 
croyons-nous  le  moment  favorable  pour  révéler  au  public, 
avec  le  secours  des  documents  que  nous  avons  recueillis, 
quelques-uns  des  sanglants  épisodes  de  ce  que  Ton  appelle 
la  grande  révolution. 

Comme  dans  toute  la  France,  elle  a  marqué  de  plus  d'une 
manière  son  passage  dans  le  Gers.  L'enthousiasme  excité 
par  les  idées  nouvelles  y  fut  aussi  spontané  et  aussi  una- 
nime que  dans  les  autres  provinces;  mais  ici  comme  ailleurs, 
les  événements  se  succédèrent  avec  une  effroyable  rapidité,  et 
les  passions  une  fois  déchaînées  ne  purent  être  contenues.  A 
1789  succéda  1793;  aux  réformes  utiles  la  terreur  ;  tous  ceux 
qui  voulurent  endiguer  le  courant  furent  broyés  par  lui. 

De  tous  les  points  delà  Gascogne,  «  ce  magazin  de  braves,  » 
comme  dit  un  vieil  écrivain,  on  partit  gafment  pour  la  fron- 
tière, et  nos  soldats  défendirent  vaillamment  la  patrie  en 
danger.  En  même  temps,  d'autres  gascons  non  moins  coura- 
geux montaient  sur  l'échafaud  pour  leur  roi  et  leurs  croyan- 
ces. 11  fallait  alors  peu  de  chose  pour  attirer  l'attention  des 

Tome  XXX.  —  Septembre-Octobre  1889.  26 


—  390  — 

maîtres  du  jour;  un  geste,  une  parole  mal  interprétée  suffisait 
pour  amener  devant  les  tribunaux  chargés  de  punir  les 
contre-révolutionnaires  et  les  prétendus  ennemis  de  la 
Liberté.  Les  noms  du  représentant  Dartigoeyte  (1)  et  des 
membres  de  la  commission  extraordinaire  de  Bayonne  n'évo- 
quent chez  nous  que  de  cruels  et  sanglants  souvenirs. 

L'échafaud  révolutionnaire  s'est  dressé  à  Auch  sur  la 
place  de  la  Fraternité  (2)  et  plus  d'un  de  nos  compatriotes  y 
est  monté  avec  courage.  Nous  ne  rappellerons  pas  les  noms 
de  ces  victimes,  ils  ont  déjà  été  cités  dans  ce  recueil  (3); 
nous  ne  voulons  nous  occuper  que  des  victimes  du  tribunal 
révolutionnaire  de  Paris. 

Mais  avant  d'aller  plus  loin,  nous  devons  rendre  un  public 
hommage  à  la  mémoire  de  celui  qui,  avant  nous,  avait  com- 
mencé ce  travail  et  recueilli  ces  notes.  On  n'a  pas  oublié 
M.  Amédée  Tarbouriech,  que  la  mort  a  enlevé  si  prématuré- 
ment, au  moment  même  ou  il  publiait  les  CuriosUés  révolu- 
tionnaires du  Gers  (4).  Ses  notes,  précieusement  conservées 
aux  Archives  départementales,  augmentées  de  nos  recher- 
ches personnelles,  sont  celles  que  nous  allons  publier  aujour- 
d'hui, sans  nulle  prétention  d'originalité,  avec  le  seul  désir 
d'éclairer  et  de  compléter  notre  histoire  provinciale. 

Dans  la  série  des  victimes  de  notre  département  immolées 
par  le  Tribunal  révolutionnaire  de  Paris,  nous  signalons  tout 
d'abord  les  noms  du  comte  de  Barbotan-Carritz,  des  parle- 
mentaires Daspe,  Belloc  et  Pérès,  du  baron  de  Rouilhan  et 
de  Tursan  d'Espagnet. 

(1)  Dartigoeyte  (Pierre-Arnaud)  naquit  à  Mugron  (Landes)  en  1763.  Repré- 
sentant en  mission  dans  le  Gers,  il  se  montra  partout  farouche  et  cruel.  Il  épousa 
une  demoiselle  de  Foix-Candalle,  du  château  de  Doazit,  et  mourut  à  Lahosse, 
près  Mugron,  en  1812. 

(2)  Aujourd'hui  place  de  l'Hôtel-de-Ville. 

(3)  Reçue  de  Gascogne,  année  1863,  p.  508. 

(4)  Une  bastille  de  Palloy,  —  Le  procès  de  l'archecâque  d'Auch,  —  Barthe. 
eêque  constitutionnel  du  Gers,  —  Et,  en  dehors  de  cette  série,  Histoire  de  la 

Commission  extraordinaire  de  Bayonne;  Bibliographie  politique  du  Gers 
pendant  la  période  récolutionnaire,  etc. 


—  391  — 

Le  procès  Barbotan  est  un  des  plus  curieux  et  des  plus 
intéressants. 

Clair-Joseph,  comte  de  Barbotan- Carritz  {\),  naquit  vers 
1719.  Issu  d'une  illustre  famille  de  Gascogne,  il  embrassa 
la  carrière  des  armes.  Il  était  parvenu  au  grade  de  maréchal 
de  camp,  quand  éclatèrent  les  événements  de  1789.  La 
noblesse  de  Dax  le  choisit  pour  le  représenter  aux  Etats 
Généraux,  et  plus  tard  il  fit  partie  de  l'Assemblée  Constitu- 
ante. Retiré  des  affaires,  et  revenu  dans  ses  terres,  il  ne 
tarda  pas»  malgré  son  grand  âge,  à  être  dénoncé  au  Comité 
Révolutionnaire  du  Gers.  Son  litre  de  noblesse,  sa  position 
de  fortune  convoitée  par  ses  ennemis  politiques,  sa  parenté 
avec  des  émigrés,  sa  correspondance  avec  son  petit-fils, 
chef  d'une  compagnie  dans  l'armée  des  princes,  il  n'en  fal- 
lait pas  tant  pour  être  accusé  du  crime  de  contre-révolu- 
tion. 

Il  fut  arrêté  et  incarcéré  avec  son  fils,  le  comte  Jean-Marie 
de  Barbotan,  et  Nègre,  son  homme  de  confiance.  Mais  les 
preuves  qu'on  avait  contre  lui  ne  parurent  pas  suffisantes 
aux  jurés  du  Gers  pour  entraîner  la  peine  capitale.  Il  res- 
sort du  jugement  publié  ci-après  que  Barbotan  et  Nègre 
furent  acquittés,  mais  retenus  en  prison  comme  suspects 
par  le  Comité  de  surveillance  (2). 


EXTRAIT  DU   REGISTRE  DES  JUGEMENTS  DU   TRIBUNAL  CRIMINEL 

DU   DÉPARTEMENT  DU   GERS. 

Vû  par  le  Tribunal  criminel  du  département  du  Gers  les  actes 
d'accusation  dressés  contre  joseph  clair  carritz  barbotan,  ex-^ons- 
tituanty  habitant  de  Mormez  dans  le  district  de  Nogaro,  et  contre 
JOSEPH  nÈGKZy  négociant,  habitant  à  Belbèze ;  par  le  directeur  du 

(1)  Voir  Armoriai  des  Landes,  par  le  baron  de  Cauna,  art.  Barbotan, 

(2)  On  trouve  le  nom  du  défenseur  de  Barbotan;  ce  fut  le  citoyen  Deflès,  qui 
encourut  plus  tard  la  colère  des  membres  de  la  Société  montagnarde,  pour  avoir 
osé,  sans  consulter  la  Société,  défendre  des  contre-révolutionnaires. 


—  302  — 

juré  dudit  district  de  Nogaro,  séant  à  Plaisance  et  dont  la  teneur 
suit  : 

Le  Directeur  du  Juré  du  tribunal  du  District  de  Nogaro  séant  à 
à  Plaisance,  expose  que  le  14  frimaire  courant,  le  citoyen  Sarraméa, 
huissier  habitant  du  Houga,  porteur  du  mandat  d'arrêt  délivré  le  11 
frimaire  par  le  Juge  de  paix,  officier  de  police  du  canton  du  Houga 
contre  Joseph  Clair  Barbotan,  citoyen  habitant  de  Mormez,  prévenu 
d'avoir  entretenu  une  correspondance  avec  les  émigrés,  et  d'avoir 
trempé  dans  le  complot  de  leur  faire  passer  des  secours  en  argent,  a 
conduit  à  la  maison  d'arrêt  dud.  tribunal,  la  personne  dud.  Joseph 
Clair  Barbotan  et   réuni   les   pièces  concernant  ledit  Barbotan  au 
Greffe  du  tribunal;  qu'aussitôt  ladite  remise,  ledit  J.C.  Barbotan  a  été 
entendu  par  le  Directeur  du  Juré  sur  les  causes  de  sa  détention  ;  que 
le  citoyen  Dutoya,  accusateur  public  près  le  tribunal  criminel  du 
département  du  Gers  devant  le  juge  de  paix,  officier  de  police  du  can- 
ton du  Houga,  pour  être  procédé  contre  led.  Barbotan  en  conformité 
des  loix  suivant  la  lettre  du  cinq  Brumaire  signée  de  lui,   ledit  Juge 
de  paix  n'ayant  pas  fait  sa  procédure  contre  ledit  Barbotan  et  Tayant 
renvoyé  devant  l'accusateur   public,    l'aurait    renvoyé  de  nouveau 
devant  le  même  juge  de  paix  pour  continuer  la  procédure  commejicée 
contre  ledit  Barbotan,  et  ne  s'étant  pas  présenté  dans  les  deux  jours 
de  la  remise  du  prévenu  en  la  maison  d'arrêt;  Le  Directeur  du  Juré  a 
procédé  à  Texamen  des  pièces  relatives  aux  causes  de  l'arrestation,  et 
de  l'arrestation  dudit   Joseph    Clair   Barbotan;  qu'ayant   vérifié  Li 
nature  du  délit  dont  est  prévenu  ledit  Barbotan,  il  avait  trouvé  que  oe 
délit  était  de  nature  à  mériter  peine  afflictive  ou  infamante;  en  consé- 
quence le  directeur  du  Juré  adresse  le  présent  acte  d'accusation,  pour, 
après  les  formalités  prescrites  par  la  loi,  être  présenté  au  juré  d'accu- 
sation. 

Le  directeur  du  Juré  déclare  en  conséquence,  qu'il  résulte  de  l'exa- 
men des  pièces  et  notamment  de  la  lettre  cottée  n*^  3,  du  verbal  du  7 
juin  1792,  fait  par  le  juge  de  paix  du  canton  du  Houga,  et  de  l'extrait 
de  la  séance  du  conseil  général  du  département  du  Gers,  du  30  août 
1793  au  soir,  qui  demeureront  annexés  au  présent  acte,  que  ledit 
Joseph  Clair  Barbotan,  est  prévenu  d'avoir,  au  mépris  de  la  loi,  entre- 
tenu une  correspondance  avec  les  émigrés,  et  qu'il  est  vivement  sonb- 
çonné  de  leur  avoir  fourni  des  secours  en  argent,  qu'il  résulte  de 
tous  ces  détails,  que  le  délit  dont  s'agit  a  été  commis  méchamment  et 
à  dessein  ;  sur  quoi  les  jurés  auront  à  prononcer  s'il  y  a  lieu  à  act*usa- 


—  393  — 

sation  contre  ledit  Joseph  Clair  Barbotan  à  raison  du  délit  mentionné 
au  présent  acte. 

Fait  à  Plaisance,  le  dix  neuf  Frimaire  Tan  second  do  la  république 
française  une  et  indivisible,  signé,  Lazies  directeur  du  juré.  La  loi 
authorize.  Fait  à  Plaisance,  le  19  Frimaire  de  l'an  2*  delà  Republique 
une  et  indivisible,  signé:  Pugens,  commissaire  national. 

Acte  d'accusation  contre  Nègre 

Le  directeur  du  Juré  du  Tribunal  du  district  de  Nogaro,  séant  à  Plai- 
sance, expose  que  le  quatorze  frimaire  courant,  le  citoyen  Sarraméa 
huissier  habitant  du  Houga,  porteur  du  mandat  d'arrêt  délivré  le 
onze  frimaire  par  le  juge  de  paix  officier  de  police  du  canton  du  Houga 
contre  Joseph  Nègre,  negt,  habitant  de  Belbèze,  prévenu  d'avoir  porté 
de  l'argent  à  Bordeaux  pour  le  compte  des  émigrés,  a  conduit  dans  la 
maison  d'arrêt  dud.  Tribunal  la  personne  dud.  Joseph  Nègre,  et  remis 
les  pièces  concernant  ledit  Nègre  au  greffe  du  Tribunal;  qu'aussitôt 
laditte  remise,  ledit  Joseph  Nègre  a  été  entendu  par  le  directeur  du 
Juré  sur  les  causes  de  sa  détention;  qu'ayant  été  dénoncé  à  l'accusa- 
teur public  du  Tribunal  Criminel  du  département  du  Gers  parle  Con- 
seil Général  dud.  département,  comme  il  conste  de  la  séance  du  30 
août  1793,  ledit  accusateur  public  ne  s'étant  pas  présenté  dans  les  deux 
jours  de  la  remise  du  prévenu  en  la  maison  d'arrêt,  le  directeur  du 
juré  a  procédé  à  l'examen  des  pièces  relatives  aux  causes  de.  l'arresta- 
tion et  de  la  détention  dud.  Joseph  Nègre;  qu'ayant  vérifié  la  nature  du 
délit  dont  est  prévenu  led.  Nègre,  il  avait  trouvé  que  ce  délit  était  de 
nature  à  mériter  peine  afflictive  ou  infamante;  en  conséquence  le  direc- 
teur du  Juré  a  dressé  le  présent  acte  d'accusation,  pour  après  les  for- 
malités prescrites  par  la  Loi  être  présenté  au  juré  d'accusation. 

Le  Dii*ecteur  du  Juré  déclare  en  conséquence,  qu'il  résulte  de  l'exa- 
men des  pièces  et  notamment  de  la  lettre  cottée  n**  2  sous  la  datte  du 
1«^  juin  92  que  ledit  Nègre  est  vivement  soubconné  d'avoir  porté  de 
l'argent  à  Bordeaux  pour  le  compte  des  émigrés,  et  encore  de  la  lettre 
aussi  cotiée  n^  2,  que  ledit  Nègre  est  vivement  soubconné  d'avoir 
voulu  nuire  à  la  chose  publique,  en  s'enlendant  avec  le  citoyen  Pes- 
quidous  de  Sl-Justin  pour  que  les  enchères  des  biens  de  Juliac  (1)  ne 
fussent  pas  portés  plus  haut,  lesquelles  lettres  demeureront  annexées 
au  présent  acte;  qu'il  résulte  de  tous  ces  détails  que  le  délit  dont 
s'agit  a  été  commis  méchamment  et  à  dessein;  sur  quoi  les  jurés 

(1)  Le  comte  de  Juliac,  émigré^  parent  et  pupille  de  Barbotan. 


auront  à  prononcer  s'il  y  a  lieu  à  accusation  contre  ledit  Joseph  Nègre 
à  raison  du  délit  mentionné  au  présent  acte. 

Fait  à  Plaisance  le  dix  neuf  frimaire;  Tan  second  de  la  République 
Française  unf.  et  indivisible,  signé  Lazies  directeur  du  Juré.  La  Loi  au- 
thorise.  Fait  à  Plaisance,  Tan  2«  de  la  République  une  et  indi\isible. 

La  déclaration  du  juré  d'accusation  de  ce  district,  écrite  au  bas  de 
ces  deux  actes,  et  portant  qu'il  y  a  lieu  à  l'accusation  mentionnée  en 
iceux,  les  deux  ordonnances  de  prise  de  corps  rendues  par  le  directeur 
du  Juré  de  ce  district  contre  lesdits  Barbotan  et  Nègre,  les  procès-ver- 
baux de  la  remise  de  leur  personne  en  la  maison  de  Justice  du  dépar- 
tement et  la  déclaration  du  Juré  de  Jugement  portant  sur  le  premier 
fait  :  1**  qu'il  est  constant  que  le  premier  juin  1792,  il  a  été  écrit  une 
lettre  dont  l'adresse  était  à  Monsieur  Barbotan  officier  de  cavalerie  à 
Berguen  près  Mayence;  2^  que  Joseph  Clair  Carritz  Barbotan  est 
convaincu  d'avoir  écrit  laditte  lettre  audit  Barbotan  son  petit-fils  le 
premier  juin  1792  à  Berguen  près  Mayence;  3°  qu'il  n'est  pas  con- 
vaincu de  l'avoir  écrite  pour  favoriser  les  projets  hostiles  des  émigrés 
ou  d'un  émigré.  —  Sur  le  second  fait  :  V  qu'il  n'est  pas  constant  qu'il 
ait  été  envoyé  depuis  le  9  mai  1795  des  secours  pécuniaires  à  Barbo- 
tan, ni  à  JuUac  émigrés;  2*^  que  Joseph  Clair  Carritz  Barbotan  n'est 
pas  convaincu  d'avoir  entretenu  des  intelligences  avec  Barbotan  son 
petit-fils  émigré,  pour  l'engager  à  commettre  des  hostilités  contre  la 
France.  —  Sur  le  troisième  fait,  qu'il  n'est  pas  constant  qu*il  ait  été 
envoyé  de  l'argent  à  Bordeaux  depuis  le  9  mai  1792  pour  le  compte 
des  émigrés  —  et  finalement  sur  le  quatrième  fait  qu'il  n'est  pas  cons- 
tant qu'il  y  ait  eu  un  concert  pour  empêcher  que  les  enchères  des  biens 
de  Juliac  émigrés  saisis  au  profit  de  la  Nation  ne  fussent  pas  plus 
haut  qu'elles  ne  le  furent. 

Le  Président  du  Tribunal  a  déclaré  que  lesdits  Barbotan  et  Nègre 
sont  acquittés  de  Vaccusation  portée  contre  eux  et  a  ordonné  que 
ledit  Nègre  soit  sur  le  champ  mis  en  liberté. 

Et  à  l'instant  l'Accusateur  public  a  requis  en  conformité  de  larticle 
10  du  décret  du  17  septembre  dernier  que  ledit  Carritz  Barbotan 
violamment  suspect  par  la  conduite  qu'il  a  tenue  fut  renvoyé  à  la 
maison  de  réclusion  de  cette  commune  pour  y  rester  tous  le  tems  qui 
sera  déterminé  par  le  Tribunal. 

Ouï  l'Accusateur  Public  : 

Considérant  que  ledit  Carrits  Barbotan,  quoique  acquitté  par  la 
déclaration  du  Juré,  est  néanmoins  très  suspect  à  la  patrie; 


—  395  — 

Que  œtte  suspicion  est  déterminée  par  les  causes  les  plus  graves, 
puisqu'il  est  de  fait  que  ledit  Carrits  a  entretenu  avec  son  petit-fils 
émigré  une  correspondance  coupable;  qu'enchainé  par  la  déclaration  du 
Juré,  le  Tribunal  doit  recourir  à  la  mesure  salutaire  indiquée  par 
laditte  loi. 

Considérant  que  ledit  Carrits  Barbotan  est  âgé  de  soixante -quinze 
ans  révolus,  et  que  le  code  pénal  voulant  que  l'âge  influe  sur  la  durée 
des  peines  et  que  celle  des  fers  et  la  réclusion  soit  réduite  à  cinq  ans 
si  Taccusé  est  âgé  de  soixante-quinze  ans  accomplis,  cette  mesure  doit 
servir  de  base  et  de  règle  à  la  décision  actuelle. 

Considérant  enfin  que  l'âge  de  quatre-vingts  ans  est  un  fardeau  assez 
accablant  pour  ne  devoir  pas  ajouter  une  autre  surcharge  à  celui  qui 
est  parvenu  à  ce]te  loi\gue  carrière. 

I^  Tribunal,  disant  droit  sur  le  réquisitoire  de  l'accusateur  public, 
ordonne  que  ledit  Carrits  Barbotan  sera  conduit  à  la  maison  de 
détention  de  cette  commune  destinée  aux  personnes  suspectes  où  il 
restera  sous  la  surveillance  de  la  municipalité  pendant  cinq  ans. 

Fait  à  Auch  dans  la  salle  d'audience  dudit  Tribunal,  le  dix  huit 
nivôse  (1)  Tan  deuxième  de  la  République  française  une  et  indivisible, 
présents  les  citoyens  S.-G.  Desmolin  président,  Mathias  Boubée, 
Joseph  Molier,  et  Barthélémy  Seignan,  juges  en  exercice  près  le  Tri- 
bunal, lesquels  ont  signé  la  minute  du  présent  jugement  avec  le  gref- 
fier (2). 

Desmoulin  président,  Molié,  Seignan  juge, 

Boudée  juge,  Lébé  c.  greffier. 

Comme  on  le  voit,  dans  tous  ces  actes  il  n'est  aucunement 
question  du  comte  Jean-Marie  de  Barbotan.  La  raison  en  est 
bien  simple.  Pour  échapper  à  la  justice  révolutionnaire  il 
avait  tenté  de  s'évader.  Il  sauta  d'une  fenêtre  élevée  de  la 
prison-  de  l'évêché  et  se  blessa  grièvement.  Il  mourut  deux 
heures  après  (3). 

(1)  7  janvier  1794. 

(2)  Extrait  du  Registre  des  jugements  rendus  par  le  tribunal  criminel  du  Gers. 
Registre  n'  3.  Greffe  du  Tribunal  d'Auch. 

(3)  Extrait  des  registres  des  décès  de  la  ville  d'Auch  : 

<f  Aujourd'hui  14  août  1793  Tan  second  de  la  République  Française  à  sept 
heures  du  matin,  pardevant  moi  J.  Marie  Davejan,  membre  du  conseil  général 
de  la  commune  et  le  8  du  courant  a  comparu  devant  moi  :  J.  F.  Rey,  juge  de 
paix,  lequel  a  déclaré  à  moi  J.  Davejan  qu'ayant  été  instruit  qu'un  citoyen 


—  396  — 

L'arrêt  rendu  parle  tribunal  criminel  du  Gers  fut  loin  de 
satisfaire  le  représentant  Dartigoeyté.  Il  ne  se  tint  pas  pour 
battu  ;  comme  la  plupart  de  ses  collègues  des  autres  dèpar- 
temenls,  il  ne  savait  guère  se  résoudre  à  abandonner  ses  vic- 
times. Il  en  référa  à  la  Convention.  On  trouve  dans  le  Mont- 
leur  du  7  pluviôse  an  n  (26  janvier  1794)  la  lettre  quMl 
écrivit  à  ce  sujet,  en  voici  un  extrait  : 

Je  dénonce  à  la  Convention  un  acte  contre-révolutionnaire,  fait  au 
nom  de  la  Loi.  Barbotariy  ci-devant  député  à  l'Assemblée  consti- 
tuante, avait  été  déféré  au  Tribunal  criminel  du  département  du  Gers; 
il  était  accusé  d'avoir  entretenu  des  correspondances  criminelles  avec 
les  émigrés  et  les  ennemis  de  la  Patrie,  Les  lettres  onginales  ont  été 
produites;  il  en  résulte  que  Barbotan  et  son  fils  entretenaient  des  cor- 
respondances avec  Barbotan  leur  fils  et  petit-fils,  et  avec  un  autre  émi- 
gré, et  qu'ils  leur  avaient  fait  divers  envois  d'argent,  un  entre  autres  de 
22,000  liv.  au  premier  juin  1793,  et  qu'ils  les  excitaient  à  combattre 
contre  leur  patrie.  Trois  jurés  ont  néanmoins  prononcé  qu'il  n'était  pas 
constant  que  depuis  le  26  mai,  Barbotan  eût  entretenu  des  correspon- 
dances criminelles  avec  les  émigrés,  ou  qu'il  leui*  eût  envoyé  de  l'ar- 
gent. Les  neuf  autres  jurés  ont  opiné  dans  le  sens  contraire;  mais  le 
tribunal  enchaîné  par  la  loi  n'a  pu  que  prononcer  la  rMusion.  Il  est 
important  de  réviser  ce  jugement  si  funeste  pour  la  liberté,  et  qui 
enhardirait  les  conspirations  par  Tespoir  de  l'impunité. 

La  Convention  immédiatement  discute  Taffaire  : 

CiiARLiER  (1).  —  Je  demande  que  Barbotan  soit  traduit  au  tribunal 
révolutionnaire  de  Paris. 


s'éioit  jette  d'une  fenêtre  de  la  maison  de  réclusion  du  ci-devant  ôvêohé,  il 
s'étoit  transporté  sur  le  lieu  et  y  avoit  rédigé  le  procès-verbal  dont  la  teneur 
suit  : 

»  Extrait  des  Registres  de  la  justice  do  paix  de  la  cille  d^Auch,  section  du 
midi  :  Le  citoyen  Jean  Marie  Barbotan,  âgé  de  48  à  50  ans,  habitant  de  Bar- 
botan, décédé  dans  la  maison  de  réclusion  du  ci-devant  évéché  à  suite  d'une 
chute  par  une  fenêtre  de  lad.  maison,  comme  il  est  const^ité  par  notre  procès- 
verbal  de  ce  jour.  Ce  12  d'août  à  3  h.  après  midi  1793.  » 

(Greffe  du  Tribunal  civU.  Etat  civil  1793.  p.  53, 

(1)  Charlicr  ^Charles)  avocat,  né  à  Laon,  député  à  l'Assemblée  législative 
et  plus  tard  à  la  Convention.  Il  se  montra  ardent  révoluUonnaire  et  partisan 
des  idées  les  plus  avancées.  Son  esprit  exalté  lui  fit  faire  plus  d'une  extrava- 
gance; il  se  brûla  la  cervelle  dans  un  accès  de  folie  (1797). 


—  397  — 

MoNTAUT  (1).  —  J'appuie  cette  propositioa,  je  suis  d'un  départe- 
ment voisin  de  celui  de  Barbotan.  Il  est  certain  qu'il  était  un  des  chefs 
de  la  conspiration  de  ce  pays.  Il  a  une  fortune  considérable  et  des 
fiefs  immenses,  dont  il  s'est  servi  pour  faire  passer  des  secours  aux 
émigrés.  Presque  tous  ses  parents  sont  parmi  nos  ennemis  à  Texté- 
rieur. 

Merlin  de  Douay  (2).  —  Il  ne  faut  employer  des  moyens  extraor- 
dinaires que  lorsqu'on  a  épuisé  les  moyens  ordinaires.  Il  peut  se  trou- 
ver dans  le  jugement  des  causes  de  cassation.  Je  demande  le  renvoi 
des  pièces  au  Comité  de  Sûreté  Générale  et  de  Législation. 

Le  renvoi  est  décrélé. 

En  ce  temps-là,  la  justice  était  expéditive;  le  comité  de  la 
sûreté  générale  eut  bien  vite  examiné  la  question.  Dubar- 
ran  (5)  fut  chargé  de  lire  le  rapport  devant  la  Convention 
présidée  ce  jour-là  par  Vadier.  On  le  trouve  en  entier  dans  le 
Moniteur  du  14  pluviôse  an  ii. 

Le  rapporteur  fit  ressortir  les  charges  plus  ou  moins  graves 

« 

(1)  Louis  de  Marlbon  de  Moniaut,  né  en  1754,  au  château  de  Montautprès 
de  Montréal.  Mousquetaire  du  Roi  et  officier  dans  l'armée,  il  s'empressa  de 
quitter  le  service  dès  les  premiers  jours  de  la  Révolution,  dont  il  embrassa  la 
cause  avec  enthousiasme,  bien  que  sa  famille  entière  prit  la  défense  de  la 
monarchie.  Aussi  fut-il  successivement  administrateur  du  district  de  Condom, 
lieutenant-colonel  de  la  garde  nationale  do  cette  ville,  et  enftn  membre  de  l'As- 
semblée législative  et  plus  tard  de  la  Convention  pour  représenter  le  départe- 
ment du  Gers.  Dans  le  procès  de  Louis  XVI,  il  vote  la  mort.  Décrété  d'accusa- 
tion le  IS  germinal  an  111,  il  fut  amnistié  en  l'an  IV.  La  loi  du  12  janvier  1816 
l'ayant  contraint  de  quitter  la  France,  il  se  réfugia  en  Suisse,  où  il  demeura 
jusqu'à  la  Révolution  de  juillet.  Il  revint  alors  en  France,  à  sou  château  de 
Montaut,  où  il  mourut  le  27  mai  1842. 

(2)  Merlin  de  Douay  (Philippe-Antoine),  né  en  1754  à  Arlenx  dans  le  Cam- 
brésis.  Député  aux  Etats  généraux  pour  le  bailliage  de  Douai,  il  siégea  à  l'Assem- 
blée constituante  et  à  la  Convention;  après  le  18  fructidor  il  fut  un  des  cinq 
directeurs.  Sous  l'Empire  il  jouit  de  la  faveur  de  Napoléon,  qui  le  fit  comte. 
\près  les  cent  jours,  il  fut  exilé  et  ne  revint  en  France  qu'en  1830.  Il  mourut 
huit  ans  après. 

(3)  Barbeau  Dubarran  (Joseph-Nicolas),  né  au  Barran  près  Castelnau- 
d'Auzan  (Gers),  mort  à  BÀle  (Suisse)  en  1816.  Membre  de  la  Convention,  il  fit 
partie  en  octobre  1793  du  Comité  de  sûreté  générale,  et  présida  la  Société  des 
Jacobins.  Dans  le  procès  de  Louis  XVI,  il  vote  pour  la  mort  du  roi.  Le  9  ther- 
midor, il  se  prononça  contre  Robespierre.  Prévenu  d'être  l'un  des  auteurs  de 
l'insurrection  du  1"  prairial  an  m,  il  fut  condamné  à  la  déportation  et  renfermé 
au  château  de  Ham.  L'amnistie  de  brumaire  lui  rendit  la  liberté.  Mais  en  1816 
il  fut  compris  dans  la  loi  de  bannissement  des  régicides.  Il  mourut  la  même 
année. 


—  39a  — 

qiM  pesaient  sur  BarbolàR  et  Nègre.  Les  lettres  échangées 
avec  les  émigrés  figurent  au  dossier,  le  crime  est  donc  avéré, 
il  faut  de  toute  nécessité  sévir  contre  les  ennemis  de  la 
République.  Et  non  seulement  on  doit  punir  le  maître,  mais 
encore  le  serviteur.  Nègre  est  aussi  coupable  que  son  maître  : 
c'est  lui  qui  portait  à  Bordeaux  les  lettres  et  l'argent  qu'un 
tiers,  le  citoyen  Martel,  faisait  parvenir  à  Francfort.  Lui  aussi 
a  correspondu  avec  Barbotan,  Juliac,  Noé  et  les  autres;  de 
plus,  il  blasphème  contre  la  Liberté  et  «  espère  que  les 
choses  changeront  bientôt  de  face,  et  les  fermiers  de  maî- 
tres. » 

Et  Dubarran  termina  son  rapport  en  proposant  le  décret 
suivant,  que  la  Convention  accepta  : 

Art.  I*"*.  —  Le  Jugement  prononcé  le  18  nivôse  par  le  Tribunal 
criminel  du  Gers  dans  la  cause  des  nommés  Carris  dit  Barbotan,  est 
déclaré  nul  et  non  avenu. 

Art.  II.  —  La  Convention  nationale  décrète  que  lesdits  Barbotan . 
et  Nègre  seront  incessamment  traduits  au  Tribunal  Révolutionnaire 
séant  à  Paris,  à  l'effet  d'y  être  jugés  sur  les  accusations  intentées  con- 
tre eux. 

Art.  m.  —  La  Convention  charge  Dartigoeyte,  Représentant  du 
Peuple,  de  doimer  les  ordres  nécessaires,  soit  pour  la  prompte  trans- 
lation des  accusés,  soit  pour  l'apport  des  pièces  de  conviction,  les- 
quelles devront  être  adressées  à  l'accusateur  public. 

Art.  IV.  —  Le  présent  décret  sera  expédié  sur  le  champ,  et  envoyé 
au  ministre  de  la  justice  pour  qu'il  le  transmette  sans  délai  au  repré- 
sentant du  Peuple. 

Aussitôt  le  Journal  du  département  du  Gers  publia  les 
lignes  suivantes  : 

On  sait  que  le  département  avoit  dénoncé  au  tiibunal  criminel  les 
nommés  Carris  dit  Barbotan  (1),  et  Nègre  son  agent,  le  premier  pour 
avoir  envoyé  des  sommes  considérables  à  un  émigré  armé  contre  la 
République;  Tauli^e  pour  avoir  porté  ces  sommes  à  un  négociant  de 

(l)  Cette  désiguatiou  est  erronée  :  le  titre  de  Barbotan  était  plus  ancien  dans 
la  famille  que  celui  de  Carriiz  et  il  tenait  lieu  de  nom  patronymique. 


—  390»  — 

Bordeaux  qui  les  fit  passer  à  leur  destinatton  ;  et  l'on  soit  oepetidani 
que  ces  deux  contre-révolutionnaires  furent  acquittés  dans  la  session 
du  mois  dernier,  parce  que  le  juré  déclara  que  Barbotan  avait  bien  écrit 
le  premier  juin  1792  à  un  émigré  pour  lui  annoncer  l'envoi  d'argent, 
mais  qu'il  n'avait  pas  pour  cela  voulu  favoriser  les  projets  hostiles  des 
émigrés. 

Le  représentant  Dartigoeyte  était  présent  à  l'instruction  de  cette 
affaire;  il  trouva  assez  singulier  que  l'on  jugea  un  crime  de  lèse- nation 
comme  une  injure  particulière;  qu'on  mit  en  question,  si  un  français 
qui  envoyait  de  l'argent  à  un  émigré  armé  contre  la  République,  à 
intention  de  nuire  à  la  République,  comme  si  on  mettoit  en  question  si 
l'auteur  d'un  assassinat  l'a  commis  avec  l'intention  de  le  commettre. 
Aussi  Dartigoeyte  dénonça-t-il  à  la  Convention  la  déclaration  du  juré. 
Dans  les  départements,  à  la  Convention^  par  tout,  les  montagnards 
ont  les  mêmes  principes,  ils  tendent  au  même  but,  et  par  les  mêmes 
moyens,  ils  veulent  écraser  la  révolution  en  écrasant  ses  ennemis. 
Dubarran,  qui  fut  procureur  général  sindic  du  déparlement,  son  député 
à  la  Convention,  fit  un  excellent  rapport  sur  cette  affaire;  et  la  Conven- 
tion, en  cassant  le  jugement  du  tribunal  criminel  du  Gers,  ordonna  la 
traduction  de  Barbotan  et  Nègre  devant  le  Tribunal  Révolutionnaire. 

Dartigoeyte  chargé  de  l'exécution  de  ce  décret,  l'a  confié  au  départe- 
ment. Les  deux  prévenus  sont  actuellement  sur  la  route  de  Paris. 

Ainsi  parlait  le  Journal  du  département  du  Gers,  le 
29  pluviôse  an  n.  Quelques  jours  après,  le  comte  de  Barbo- 
tan et  Nègre  comparaissaient  devant  le  sanglant  tribunal.  Us 
furent  condamnés  à  mort.  Peu  après  on  pouvait  lire,  dans 
le  Moniteur,  les  lignes  suivantes,  a^xompagnèes  de  bien  d'au- 
tres dans  le  même  sens  : 

Clair  Joseph  Carris  dit  Barbotan  âgé  de  75  ans,  demeurant  à  Bon- 
nais  (Mormès)  département  du  Gers,  ex-comte,  député  à  l'Assemblée 
Constituante,  cen vaincu  d'avoir  eu  des  intelligences  avec  les  ennemis 
extérieurs  de  la  République,  spécialement  avec  les  émigrés,  tendantes 
à  favoriser  le  succès  de  leurs  armes  contre  la  Patrie,  en  leur  faisant 
passer  à  cet  effet  des  secours  en  argent  et  notamment  une  somme  de 
35  raille  liv.  d'une  part,  et  celle  de  2  mille  9  cent  liv.  d'une  autre  et 
et  différentes  sommes  particulières. 

Et  Joseph  Nègre  âgé  de  61  ans,  natif  de  Lavasga  (Lavardac), 
département  de  Lot-et-Garonne,  fermier  de  Juliac,  l'un  des  émigrés 


—  400  — 

avec  lequel  Barbotan  correspondait,   convaincu  d'être  complice  des 
intelligences  dont  il  s'agit,  ont  été  condamnés  à  la  peine  de  mort. 

L'exécution  suivait  de  près  le  jugement,  et  le  11  germinal 
an  II  (31  mars  1794)  les  deux  infortunés  montèrent  sur 
réchafaud^  ou  les  avaient  précédés  tant  d'illustres  victimes. 

Charles  PALANQUE. 
NOTES  DIVERSES. 


CCXLVIIl.  Le  carflinal  de  Polignae  et  Saint-Simon. 

L*admirable  éditeur  des  Mémoires  du  duc  de  Saint-Simon  dans  la  col- 
lection des  Grands  ècrioains  de  la  France^  M.  A.  de  Boisllsle,  a  publié, 
ces  jours  derniers  (Annuaire-Bulletin  de  la  Société  de  l'Histoire  de 
France.  Documents  et  notices  historiques^  p.  239  et  suiv),  une  série  de 
curieuses  lettres  inédites  du  plus  spirituel  des  chroniqueurs  adressées  à  son 
ami  le  cardinal  Gualterio.  D'une  de  ces  lettres  (23  juillet  1754)  j'extrais 
(p.  254)  quelques  lignes  relatives  à  l'illustre  archevêque  d'Auch,  lignes  que 
l'on  aimera  certainement  à  rapprocher  des  vigoureuses  pages  consacrées  à 
ce  prélat  dans  le  tome  iv  des  Mémoires  (p.  346-347), 

«  Je  ne  doute  pas  que  le  cardinal  de  Polignae,  qui  est  très  conûant,  très 
estourdi,  et  qui  a  d'ailleurs  toute  l'éloquence,  toute  la  superficie  des  sciences 
et  des  histoires,  toute  la  mémoire,  tout  l'entregent,  toutes  les  grâces  et  tous 
les  talents  de  les  faire  valoir,  ne  se  promette  de  gouverner  un  pape  de  ce 
caractère  et  de  tirer  grand  parti,  les  uns  par  les  autres,  de  tout  ce  qui  l'en- 
vironnera (1).  Il  est  de  toutes  couleurs,  tout  à  tous,  prend  toutes  les  formes, 
a  des  raisons  pour  les  contradictoires,  paye  d'effronterie  avec  un  air  doux 
et  modeste,  a  l'art  de  faire  entendre  tout  ce  qu'il  ignore  le  crémier,  avec 
une  complaisance  naturelle  et  universelle  qui  ne  luy  couste  rien.  Les  ami- 
tiés, les  services,  les  engagements,  les  promesses  ne  lui  cousteront  pas  plus, 
mais  aussy  ne  le  retiendront  et  ne  le  contraindront  pas  davantage.  En  un 
mot,  c'est  la  plus  charmante  écorce  qui  soit  au  monde,  et  la  plus  à  souhait; 
mais  n'en  demandés  rien  au  delà,  (/est  uir  enchanteur;  mais  il  ne  sera  pas 
dit  de  luy  comme  dans  le  Psaume  ;  Vox  incantantis  sapienter.  Je  plains 
Y.  £.  de  se  trouver  avec  un  tel  ouvrier,  avec  qui  jamais  de  confiance  à 

S  rendre,  et  dont  tout  est  séducteur.  Elle  aura  besoin  de  toute  sa  sagesse  et 
e  toute  sa  prudence,  et,  à  la  longue,  cela  est  bîen  pesant  à  chaque  pas.  Il 
n'a  conservé  d'amis  que  ceux  de  pur  commerce,  parce  que  le  sien  est  déli- 
cieux et  que  qui  ne  va  pas  plus  avant  luy  en  passe  toutes  les  irrégularités  ; 
mais  d'amis  importants,  d'amis  q^ui  l'ont  protégé,  secouru,  avancé,  servi 
d'une  manière  essentielle,  aucun,  ou  par  désertion  quand  il  n'en  a  plus  eu 
besoin,  ou  par  leur  avoir  fait  du  mal  quand  il  a  cru  qxie  cela  luy  feroit  du 
bien.  Malgré  un  extérieur  et  des  préludes  si  accomplis,  je  doute  qu'il  soit 
long  temps  à  faire  des  duppes;  mais,  comme  nous  le  sommes  en  France  au 
delà  de  toute  expression,  pcut-estre  y  sera-t-on  les  siennes  tout  du  long. 
Voilà  ce  que  je  croy  devoir  dire  à  V.  E.  dans  la  dernière  conflence,  puis- 
qu'elle a  à  vivre  avec  luy,  et  par  conséquent  à  s'en  garder  jusque  dans  les 
choses  les  plus  indifférentes.  » 

Le  portrait  est  de  main  de  maître,  comme  on  le  voit,  mais  je  n'en  garan- 
tis pas  la  parfaite  ressemblance.  T.  de  L. 

(1)  M.  de  Boislisle  rappelle  (en  note,  sous  ce  passage)  que  notre  cardinal  avait 
été  envoyé  comme  cbarêé  des  affaires  de  France  à  Home,  où  il  prit  part  aux 
élections  d'Innocent  Xlll,  de  Benoit  XIII  et  de  Clément  X H,  et  parvint  à  ter- 
miner répincuse  et  grosse  aJXaire  de  la  bulle  Unlgenitus, 


L'ABBAYE  DE  FLARAN 


II 


PARTIE  HISTORIQUE  (Suite'') 


XIV   SIÈCLE 

Nous  ne  savons  malheureusement  que  très  peu  de  chose 
sur  le  rôle  joué  par  Tabbaye  pendant  Finvasion  anglaise, 
el,  au  XIV*  siècle,  dans  les  années  de  trêve  entre  les  deux 
grandes  nations,  pendant  la  lutte  mémorable  des  comtes  de 
Foix  et  d'Armagnac.  Sise  dans  les  domaines  de  ces  derniers, 
bien  que  sur  les  limites  extrêmes  de  leur  comté  et  du  Con- 
domois,  elle  dut,  en  tant  que  pouvoir  civil  et  féodal,  suivre 
la  fortune  diverse  de  ses  puissants  suzerains.  Son  nom  n'est 
que  rarement  indiqué  dans  les  chartes  de  Fépoque.  En  revan- 
che nous  voyons  apparaître,  dès  ce  moment,  celui  de  la  ville 
de  Valence,  construite,  ainsi  que  nous  Tavons  dit,  en  partie 
par  elle,  et  dont  la  seigneurie  appartenait  à  ses  abbés.  Elle 
dut  par  conséquent  partager  presque  toujours  le  sort  de  la 
nouvelle  bastide  (1). 

Valence,  ainsi  que  le  Saint-Puy,  La  Sauvetat,  Condom, 


(*)  Voir  ci-dessus,  livraison  de  mai,  p.  221. 

(1)  Un  document  tout  nouveau,  que  nous  devons  à  l'obligeance  bien  connue 
de  notre  zélé  archiviste»  M.  Paul  Parfouru^  est  venu  trancher  définitivement 
cette  question,  jusqu'ici  un  peu  obscure,  des  origines  de  Valence-sur-Baîse.  11 
confirmé^  tout  en  le  rectifiant  dans  une  certaine  mesure,  ce  que  nous  avons 
précédemment  dit  à  cet  égard.  Il  ressort,  en  effet,  d'une  requête  du  receveur- 
général  des  domaines  au  bureau  des  finances  de  la  Généralité  d'Auch,  à  la  date 
du  26  février  1773  (Archives  départementales  du  Gers,  C.  472),  tendant  à  ce  que 
l'abbé  de  Flaran  ne  puisse  percevoir  dans  le  territoire  de  Valence  que  les  droits 


—  402  — 

Montréal,  fut  réunie  en  1515  à  la  couronne  d'Angleterre, 
qui  la  posséda  jusqu'en  1524;  mais  à  celte  époque,  elle 
secoua,  comme  les  principales  villes  de  la  Gascogne,  le  joug 
étranger  et  elle  ouvrit  ses  portes  au  comte  de  Valois. 

En  même  temps,  et  dans  un  tout  autre  ordre  d'idées,  Jean  XII 
érigeait,  le  15  août  1517,  Tabbaye  de  Condt)m  en  évêché  en 
faveur  de  Raymond  de  Galard.  Ce  fait  apporta  un  très  grand 
trouble  dans  les  églises  et  les  couvents  de  la  Gascogne,  dont 
certains  furent  incorporés  dans  le  nouveau  diocèse.  Bien 
qu'à  huit  kilomètres  de  Condom,  Tabbaye  de  Flaran  ne 
cessa  toutefois  d'appartenir  au  diocèse  d'Âuch. 

Elle  était  alors  gouvernée  par  un  abbé  qui  porta  à  son  apo- 
gée sa  puissance  et  son  influence  (1),  Bernard  de  Ville,  plus 
tard  évêque  de  Bayonne.  Ce  personnage  joua  un  rôle  con- 
sidérable dans  tous  les  faits  importants  de  cette  époque. 
Nous  le  retrouvons  à  chaque  page  de  l'histoire  de  la  Gascogne. 
Ainsi,  en  1515,  il  assista  au  Concile  provincial  tenu  à  Nogaro, 
au  sujet  de  la  création  du  nouvel  évéché  de  Gondom  (2). 


seigneuriaux  qui  lui  sont  reconnus  par  les  contrats  antérieurs,  que  le  syndic  de 
la  communauté  de  Valence  «  produisit  dans  le  cours  de  l'instance  les  Coutu- 
mes du  lieu  de  Valence,  accordées  aux  habitants  en  Vannée  1276 par  Géraud, 
comte  d'ArmagnaCy  et  Gilibert,  abbé  de  Flaran,  et  recendiqua  l'exécution  du 
parédge/ait  entre  ces  deux  seigneurs  »;  puis  «  que  le  Roi  de  France /ut  plus 
tard  subrogé  aux  droits  du  comte  d'Armagnac,  d 

D'où  il  résulte  qu'un  contrat  de  paréage  fut  passé  dans  la  dernière  moitié  du 
XIII'  siècle  entre  Géraud  V,  comte  d'Armagnac,  et  Gilbert,  abbé  de  Flaran,  pour 
la  fondation  définitive  de  Valence,  et  que  ces  deux  personnages,  et  non  le  séné- 
chal de  Gascogne,  octroyèrent  tk  cette  ville,  en  l'année  1272,  des  Coutumes,  dont 
le  texte,  comme  celui  du  contrat,  ont  sans  doute  à  tout  jamais  disparu. 

(1)  Voici  le  passage  de  D.  Estiennot  qui  le  concerne  :  «  Anao  mcccviii, 
Bernardus  de  Villa,  abbas  Sanctse  Mahœ  de  Flarano,  fecit  pacem  et  oon- 
cordiam  inter  dominum  Bernardum  episcopum  Adurensem  et  Aymonem  abba- 
tem  Sancti  Antonii  Viennensis  super  hospitali  de  Balazuno,  ordinis  Sancti 
Antonii  Viennensis,  ex  archiviis  domini  episcopi  adurensis.  Hic  abbas  postea 
factus  est  Episcopus  Bayonnensis,  anno  circiter  mcccxii.  Ex.  mss.  Cod.  Ta- 
bularii  Ep.  Adurensis  et  Aginnensis.  »  —  Dom  Estiennot.  Probationes.  Mss. 
fonds  latin.  N.  12752,  p.  451  et  suiv. 

(2)  Cartulaire  d'Auch.  —  Voir  aussi  Dom  Brugèles.  Voici  le  passage  que  lui 
consacre  à  ce  sujet  le  Gallia  Christiana,  tome  1,  col.  1315  :  «  Bernardum  de 
Villa,  catalogis  onmibus  inscriptum  legimus,  assignatis  pro  ipsius  episcopatus 
tempore  annis  13X5  et  1316.  Addunt  docti  Fr.  Sammarthani  Ipsum  electum  et 
confinuatum  nuncupari  in  actis  concilii  provincialis  Ausciensis  apud  Nugaro- 


—  403  — 

Quatre  ans  auparavant,  le  5  décembre  1511,  il  avait  obtenu 
que  Raymond  Bernard  de  Gelas,  un  des  plus  puissants  sei- 
gneurs du  pays,  léguât,  dans  son  troisième  et  dernier  testa- 
ment, cinq  sols  morlas  aux  religieux  de  Flaran.  Dans  son 
testament,  du  12  janvier  1525,  le  fils  de  Raymond  Bernard, 
noble  Arnaud  Guillaume  de  Gelas,  seigneur  de  Bonas  et  de 
Rozës,  dispose  de  la  même  somme  en  faveur  des  mêmes  reli- 
gieux (1). 

Huit  ans  après,  Bernard  de  Ville  est  témoin  de  Thom- 
mage  que  Garbonnel  de  Luppé  rend  à  Jean,  comte  d'Arma- 
gnac (2), 

Le  21  mai  1521,  Tabbé  de  Flaran  assiste  au  contrat  de 
mariage  passé  entre  Bernard-Ezi  d'Albret,  fils  aîné  d'Ama- 
nieu  d'Albret,  et  Mathe  d'Armagnac,  sœur  du  comte  Jean.  Ce 
mémorable  événement,  qui  agrandit  considérablement  la  for- 
tune des  sires  d'Albret,  se  passa  à  Gondom,  en  présence  des 
plus  grands  seigneurs  de  la  Gascogne,  les  Barbazan,  les  Ver- 
duzan,  les  Labarthe,  les  Pardaillan,  etc.  (5). 

Enfin,  le  25  mai  1552,  le  pape  Jean  XII  correspond  direc- 
tement avec  l'abbaye  de  Flaran.  Il  envoie  à  son  abbé  B., 
ainsi  désigné  par  le  Gallia  à  celte  date,  mais  qui  n'est  autre 
que  Bernard  de  Ville,  une  lettre  très  importante,  par  laquelle 

il  constitue  une  commission  d'enquête  formée  de  l'abbé  de  Flaran,  de 
Berald  de  Serres,  prieur  de  Saint-Caprais  d'Agen,  et  de  l'official 
d'Agen,  qui  devra  examiner  l'acte  en  vertu  duquel  Guillaume,  évoque 
de  Bethléem  [cède,  moyennant  une  rente  emphytéotique  de  trente  flo- 
rins d'or,  les  possessions  de  l'élise  de  Bethléem],  situées  à  La  Sau- 
vetat  et  à  Biasalem,  diocèse  de  Gondom,  et  Thospicede  la  Peyronnelle, 

lium  in  Armaniaco  habiti  anno  1316.  Ceterum  acta  concilii  hujus  ignoramus, 
uti  et  Marsiacensis,  quod  ab  episcopis  ausciensis  provinoiœ  celebratum  fuisse 
anno  1320,  mense  Decembri,  aiunt.  Bemardus  vero  Villanus  non  amplius 
sedebat  hoc  anno,  si  constent  quse  de  Petro  ipsius  successore  legimus.  » 

(1)  Cartulaire  de  Gelas.  Bibl.  Mazarine. 

(2)  Monlezun»  Histoire  de  la  Gascogne^  t.  vi,  p.  483. 

(3)  Collection  Doat.  Voir  aussi  l'article  de  M.  Denis  de  Tbézan  sur  Valence- 
sur- Baîse.  Recwe  de  Gascogne^  t.  xi. 


—  404  — 

diocèse  de  Lectoure,  à  la  prieure  et  aux  religieuses  de  Pontrert  ou 
Prouillan  (1),  diocèse  de  Condora  (2). 

Dom  Brugëles  cite,  à  la  date  âe  1348^  un  certain  Géracd 
DE  SoROBEYROUSE,  commc  abbé  de  Flaran.  Nous  n'avons  trouvé 
à  son  sujet  aucun  document. 

Nous  n'en  avons  pas  davantage  sur  un  certain  abbé  Ber- 
nard, que  Dom  Estiennol  mentionne  vers  cette  époque  en 
ces  termes  :  «  Bemardm  curam  habet  cœnobii  Flaranensis 
anno  mcgclxh  et  aliis  ». 

Il  ne  nous  a  pas  été  possible  non  plus,  à  part  quelques 
rares  documents  que  nous  indiquerons,  de  combler  d'une 
façon  satisfaisante  la  vaste  lacune  que  nous  avons  à  consta- 
ter ici,  pendant  plus  de  cent  ans,  jusque  vers  la  fin  du  xv*  siè- 
cle. Tout  a  disparu,  brûlé  en  grande  partie  en  1569  par  les 
troupes  huguenotes.  M.  le  marquis  de  Galard  affirme  qu'après 
Géraud  de  Sorobeyrouse  «  les  religieux  de  Flaran  ne  s'enten- 
dirent pas  pour  lui  nommer  un  successeur  et  que  le  couvent 
demeura  sans  abbé  jusqu'en  1484  »  •  Sur  quoi  base-t-il  cette 
assertion  ?  Le  GaUia  et  Dom  Brugèles,  il  est  vrai,  se  taisent 
sur  ce  long  laps  de  temps.  Mais  faut-il  conclure  de  leur 
silence  que  le  couvent  n'eut  point  d'abbé?  Nous  le  croyons 
d'autant  moins  que  nous  verrons  dans  les  comptes  consu- 
laires de  Montréal  qu'il  en  existait  un  en  1411.  Son  nom, 
ainsi  que  ceux  de  ses  devanciers  et  de  ses  successeurs,  ne 
nous  a  malheureusement  pas  été  conservé. 

Lorsqu'en  1340,  la  guerre  entre  la  France  et  l'Angleterre 
s'alluma  de  nouveau,  Edouard  III  écrivit  à  toutes  les  villes  et 
communautés  de  Gascogne  qu'elles  eussent  à  reconnaître  sa 

(1)  Le  monastère  de  Poutvert  ou  Prouillan  était,  avant  la  Révolution  qui  en 
ferma  les  portes,  un  couvent  de  Dominicaines,  n  avait  été  fondé  en  1280  par 
Diane  de  Gontaut.  Il  était  situé  au  sud-est  de  Condom,  sur  les  bords  de  la 
Gèle,  à  500  mètres  à  peine  de  cette  ville.  On  y  voit  encore  les  restes  assez  bien 
conservés  d'un  grand  portail  qui  date  du  xvii*  siècle. 

(2)  Rome,  Archives  du  Vatican.  Johannes  XXII,  Reg.  C.  m,  ep.  1549.  Voir 
à  ce  sujet  le  très  remarquable  article  du  comte  Riant  sur  Us  possessions  de 
l'église  de  Bethléem  en  Gascogne.  Reçue  de  Gascogne,  t.  xxviii,  p.  111  et  116. 


—  405  — 

souveraineté^  leur  promettant  en  échange  de  respecter  leurs 
franchises  et  leurs  libertés.  Valence,  Condom,  Montréal,  le 
Saint-Puy,  Fleurance,  etc.,  reçurent  communication  de  cet 
acte  (i).  Mais,  pour  ne  parler  que  de  la  première  de  ces  villes. 
Valence  ne  tint  aucun  compte  des  prétentions  du  roi  anglais 
et  elle  resta  dévouée  à  la  cause  française  sous  le  commande* 
ment  d'un  puissant  seigneur  voisin,  Manaut  de  Lasseran, 
seigneur  de  Massencômc.  Sa  fidélité  au  roi  de  France,  à  Tar- 
chevéque  d'Âuch  et  au  vaillant  comte  d'Armagnac,  qui  tous 
deux  en  ces  temps  si  troublés  combattirent  toujours  pour 
lui,  fut  mal  recompensée;  car,  en  1577,  la  garnison  anglaise 
de  Lourdes,  conduite  par  Pierre  de  Galard,  s'empara  par 
surprise  de  ta  ville  de  Valence,  la  pilla  et  Fincendia  en  partie. 
Ses  habitants  ne  durent  leur  salut  qu'à  une  forte  rançon,  qu'ils 
payèrent  de  concert  avec  Jean  II,  le  nouveau  comte  d'Arma- 
gnac (2).  Qu'advint-il  de  l'abbaye  de  Flaran,  en  cette  cir- 
constance? Fut-elle,  comme  la  ville  voisine,  saccagée  par  les 
troupes  anglaises?  Son  caractère  sacré,  au  contraire,  arrèta- 
t-il  la  fureur  de  l'ennemi?  Cette  dernière  hypothèse  est  peu 
admissible,  au  moins  si  nous  en  croyons  Dom  Estiennot, 
qui  écrivait  ses  Antiquiiés  bénédictines  de  Gascogne  en  1680, 
et  qui  nous  dit  à  cet  égard  (3)  :  «  Sub  Angliœ  reyibm  duci- 
busqué  Afpiilaniœ,  dura  pertulil  tamen  hœc  domus  de  Fia- 
rano  in  betlis  Francos  into*  Anglosque  saspius  recrudescent 
abus.  » 

XV*  SIÈCLE 

Pendant  le  xiv^  siècle,  les  abbayes  bénédictines  fondées 
en  Gascogne  sont  encore  prospères.  Elles  se  maintiennent 
comme  au  plus  beau  temps  de  leur  épanouissement.  Les 
libéralités,  il  est  vrai,  commencent  à  diminuer.  Les  donations 

(1)  Rymer. 

(2)  CoU  Doat,  Rymer,  Monlezun,  etc. 

(3)  Dom  Estiennot,  fonds  latin.  N*  12,752,  fol.  188. 

Tome  XXX.  27 


1 


—  406  — 

se  font  plus  rares.  Mais  les  actes  d'acquisilion  sont  encore 
nombreux.  Les  ventes  n'ont  pas  fait  leur  apparition. 

Avec  le  xv*  siècle,  au  contraire,  la  décadence  arrive  rapi- 
dement. L'extension  progressive  des  vastes  domaines  monas- 
tiques devait  amener,  avec  la  fortune  et  la  puissance,  le  luxe 
et  Toisivetè.  Individuellement,  il  est  vrai,  le  moine  bënédictia 
ne  possède  rien,  mais  la  communauté  peat  rivaliser  d'ai- 
sance avec  les  plus  grands  seigneurs.  Toutes  les  construc- 
tions bâties  à  cette  époque  en  font  foi.  Le  cloître  affecte  une 
suprême  élégance,  la  sacristie  regorge  d'objets  de  valeur, 
l'hôtellerie,  la  cave,  le  grenier  sont  pleins  de  provisions  et 
ouverts  à  tout  venant.  Les  moines  ne  se  livrent  plus  à  aucun 
travail  manuel.  Ils  donnent  toutes  leurs  terres  en  affermes, 
et  se  contentent  d'en  toucher  les  gros  revenus.  Souvent 
même  les  abbés  prennent  les  armes,  luttent  avec  leurs  suze- 
rains, ou  dans  des  missions  diplomatiques,  à  la  cour  des 
Papes  et  des  Rois,  étalent  un  luxe  fastueux.  Que  sont  deve- 
nus les  principes  d'humilité  et  de  pauvreté  imposés  jadis 
par  saint  Bernard?  Sous  quelle  voûte  bénédictine  inconnue 
s'est  conservée  la  ferveur  antique,  l'ardente  foi  religieuse  des 
premiers  temps?  LaCommende  enfin,  cette  plaie  terrible  de 
l'ordre  bénédictin  au  xv^  siècle,  vient  lui  donner  le  dernier 
coup. 

L'abbaye  de  Flaran  ne  fut  pas  plus  épargnée  que  les 
autres  abbayes  cisterciennes.  Elle  conserve  encore  au  xv*  siè- 
cle tous  ses  domaines;  mais  elle  n'en  acquiert  plus.  Libre, 
indépendante,  elle  cesse  tous  rapports  avec  la  maison-mère 
de  l'Escale-Dieu  ;  à  peine  en  garde-t-elle  avec  Morimond;  et 
encore  pour  des  besoins  urgents. 

Nous  ne  trouvons,  durant  cette  première  moitié  du 
xv*"  siècle,  que  des  actes  assez  insignifiants  concernant  l'ab- 
baye de  Flaran.  Dans  les  comptes  consulaires  de  Montréal, 
et  aux  rôles  de  l'année  liil,  nous  lisons  toutefois  sous  la 
rubrique  c  Aquesta  eê  la  despensa  feyta  par  Guiraud  de 


—  407  — 

Lanavùf  cosseUi  de  la  hUa  de  Mont  tteyau,  en  Van  mcccgxi  » , 
et  à  Tarlicle  xxvi  de  ces  dépenses  :  «  Item  bengo  rabat  de  Fta- 
ran,  lo  xviii  de  gier,  fem  lo  présent  deu  quau  paget  V*.  » 
Quel  était  ce  présent?  Sans  doute  qaelque  redevance  féodale. 
Bien  que  Pacte  ne  nous  donne  pas  le  nom  de  cet  abbé,  il 
nous  apprend  du  moins  qu'en  l'année  1411,  l'abbaye  de 
Fiaran  n'en  était  pas  dépourvue. 

Ces  mêmes  rôles  consulaires  nous  disent  également  qu'à 
cette  époque,  l'abbaye  de  Fiaran  possédait,  dans  la  juridic- 
tion de  Montréal,  plusieurs  biens  et  droits  seigneuriaux  : 

• 

Aquesta  es  la  collecta  de  la  bessiau  donada  a  lebar  a  Joban  de 
Lalana,  cosselh  de  Mot  Reyau  et  collector  de  la  carrera  de  Sent  Jas- 
mes,  que  sen  seu  : 

De  1411  à  1448  (pour  Tabbaye  de  Fiaran),  la  Mayson  de  Gaodun. 
—  III  sois  morl,  —  (1). 

Nous  pouvons  présumer  de  ce  passage,  ainsi  que  d'un  acte 
de  1748,  d'après  lequel  «  Monsieur  de  Balarin  tient  une 
pièce  de  terre  appelée  àGaudun,  dont  il  doit  ce  fief  au  monas- 
tère de  Fiaran  (2),  »  comme  nous  le  verrons  à  cette  époque, 
que  cette  maison  de  Gaudun  était  une  grange,  possédée  déjà 
au  XV*  siècle  par  l'abbaye  de  Fiaran. 

Parmi  les  moines  de  haute  naissance  qui  vinrent  en  ces 
temps-là  s'abriter  sous  les  cloîtres  de  Fiaran,  citons  un 
Pierre  de  Castillon,  vivant  en  1440,  et  vénérable  père  Guil- 
laume de  Ruppibus  (S),  signataires  tous  deux  en  1456  de 
contrats  importants. 

Les  documents  nous  font  défaut  pour  la  ville  de  Valence, 
autant  que  pour  l'abbaye  de  Fiaran,  en  cette  première  moi- 


ci)  Gaudun  est  une  ancienne  paroisse  de  la  juridiction  de  Montréal,  dédiée  à 
saint  Jean.—  Nous  devons  à  M.  Tabbé  BreuUs,  curé  de  Gazeneuve,  (Gers),  cette 
intéressante  communication.  Qu'il  veuille  bien  agréer  ici  nos  remerciments. 

(2)  Archives  du  château  de  Malliac,  à  M.  H.  de  Moncade. 

(3)  Ce  Guillaume  estriX  le  même  que  celui  qui,  sans  aucun  commentaire  du 
reste,  est  signalé  par  Dom  Estiennot  comme  abbé  de  Fiaran,  en  1420  :  «  Guil^ 
lelmujB  memorcUur  abbas,  anno  mccccxx  »? 


—  408  — 

tié  du  XV"  siècle.  On  sait  cependant  que  Charles  VII  flt  pro- 
noncer par  le  Parlement  de  Paris  la  confiscation  du  comté 
d'Armagnac  au  profit  de  la  couronne,  el  que  dès  1461, 
Louis  XI  rendit  ses  biens  à  Jean  V  d'Ârmagnac.  Mais  il 
les  lui  reprit  bientôt,  à  la  suite  de  la  lutte  terrible  qui  s'enga- 
gea entre  ces  deux  princes,  et  qui  finit,  en  1472,  par  le  sac 
de  Lectoure  et  la  mort  tragique  du  dernier  comte  d'Arma- 
gnac. La  seigneurie  de  Valence,  et  avec  elle  presque  tout  le 
Fezensac,  furent  donnés,  par  lettres  patentes  de  juin  1472 
au  sire  du  Bouchage.  Peu  de  temps  après  ils  revinrent  à  tout 
jamais  à  la  couronne. 

En  même  temps,  étaient  rendues  par  Charles  VIII  à  Chartes 
d'Armagnac,  frère  du  malheureux  Jean  V,  détenu  dans  les 
prisons  royales,  la  liberté  et  une  partie  des  domaines  de 
son  frère.  Ce  prince  vint  en  prendre  possession  en  1484. 
Son  entrée  à  Auch  fut  des  plus  solennelles.  Tous  ceux  qui 
par  la  reconnaissance  étaient  attachés  à  la  maison  d'Arma- 
gnac, tinrent  à  honneur  de  l'assister  en  cette  circonstance. 
Au  nombre  des  premiers,  nous  voyons  Tabbé  de  Flaran,  Jean 
DE  MoNLEZUN,  dc  l'iUuslre  maison  des  comtes  de  Pardiac. 

Cet  abbé  joua  à  celte  époque  un  rôle  signalé  dans  l'his- 
toire politique  du  pays.  Il  fut  désigné  par  les  Etats  d'Arma- 
gnac pour  être  envoyé  comme  député  du  clergé  aux  Etats- 
Généraux  de  Tours.  Les  comptes  consulaires  de  Riscle  sont 
formels  à  cet  égard  :  Le  juge  d'appel,  député  du  Tiers-Etal, 
i  abe  presa  carga  de  anar  en  la  companhia  de  Mosenh 
l'abat  de  Flaran  et  de  mosenh  de  Montant  en  enbaysada 
deberl  nostra  senhor  lo  rey,  etc.  (1).  »  Cette  citation,  jointe 
à  plusieurs  autres,  comble  la  lacune  du  journal  de  Masse- 
lin  (2),  qui,  à  propos  des  députés  de  la  sénéchaussée  d'Ar- 

(1)  Comptes  consulaires  do  la  cille  de  Riscle»  publiés  par  MM.  Parfouru  ei 
J.  de  Carsalade  du  Pont.  Fascicule  xu'  des  Archives  historiques  de  Gascogne, 
page  289«  et  aussi  282  et  291. 

(2)  Journal  des  Etats  de  Biais  en  1484,  {Collection  de  documents  pour  scr- 
cir  à  V histoire  de  France.) 


—  409  — 

magnac,  dit  :  «  Un  prévôt  et  d'autres  députés  dont  je  n'ai 
pu  connaître  les  noms  »;  et  de  ceux  du  pays  de  Fezensac  : 
a  Clergé  N.  ;  Noblesse  :  le  seigneur  de  Montant;  Tiers-Etal  : 
M*  Mathieu  Molinerii  »  (1).  Le  député  du  clergé  aux  Etals- 
Généraux  de  Tours  pour  la  sénéchaussée  d'Armagnac,  qui 
comprenait  alors  entre  autres  pays  le  duché  de  Fezensac, 
fut  donc,  en  1484,  Jean  de  Monlezun,  abbé  de  Flaran. 

Cet  abbé,  qui  fut,  croyons-nous,  le  premier  commenda- 
taire  de  ce  monastère,  mourut  peu  de  temps  après  à  l'ab- 
baye  même,  dans  un  âge  fort  avancé. 

Bernard  de  Vicmont  {Vico- Monte)  lui  succéda.  Il  est 
déclaré  bachelier  es  décrets  dans  des  actes  de  Pierre,  évéque  de 
Lecloure,  en  1485  (2).  Cet  évêque  était  Pierre  d'Abzac  de 
Ladouze,  déjà  évéque  de  Rieux,  qui,  nommé  à  Tévèché  de  Lec- 
loure par  le  pape  Clément  VIIl,  eut  à  lutter,  pour  prendre 
possession  de  son  siège,  contre  les  prétentions  de  Bernard  de 
Roquelaure,  abbé  de  Bouillas,  que  le  chapitre  avait  nornmé. 
L'abbé  de  Flaran  est  souvent  cité  dans  les  divers  actes  de 
procédure  qui  accompagnèrent  ces  contestations  :  il  appuyait 
naturellement  le  choix  de  son  collègue.  Néanmoins  Pierre 
d'Abzac  l'emporta  et  fit  son  entrée  solennelle  à  Lectoure  le 
o  août  1487  (3).  Bernard  de  Vicmont  entreprit  d'impor- 
tants travaux  au  monastère  de  Flaran.  Reslaura-l-il  l'église, 
ou  bien  une  partie  des  cloîtres?  Leur  caractère,  ainsi  qu'il  a 
été  dit  dans  la  partie  descriptive  de  cette  monographie,  les 
fait  remonter  à  une  époque  déjà  bien  antérieure. 

Son  remplaçant  sur  le  siège  abbatial  de  Flaran  fut  un 
certain  ANTorNE  de  Bois  Redon  {de  Bosco- Rolundo,  dit  le  Gai- 
lia),  qui  vivait  en  1495.  Il  assista  l'abbé  de  Gimont,  Aymeric 
de  Bidos,  lors  de  la  consécration  de  la  célèbre  chapelle  de 
Notre-Dame  de  Cahuzac. 

([)  Voir  aussi  noire  brochure  :  Los  Députés  du  département  de  Lot^t-Garonno 
atuo  anciens  Etats-Généraux  et  aux  Assemblées  modernes  (Agcn,  1876>,  p.  10. 
(2;  GalUa  Christiana,  i,  i. 
(3)  Monlezun,  Histoire  de  la  Gascogne,  t.  v,  p.  195. 


—  410  — 


XVI"  SIÈCLE 

Avec  le  xvi  siècle,  nous  reprenons,  sans  discontînoatioD 
aucune  jusqu'à  la  Révolution,  la  liste  des  abbès  de  Flaran. 
Les  documents  abondent  à  partir  de  ce  moment.  Nous  ne 
résumerons  que  les  plus  importants. 

Les  archives  du  pays  d'Âgenais  nous  donnent  en  1532  le 
nom  d'un  abbé  de  Flaran  inconnu  de  Dom  Bragèles  comme 
du  GcUlia  Christiana.  Pons  de  Beinac,  abbé  de  Flaran,  prolo- 
notaire  apostolique  et  doyen  du  doyenné  de  Moirax,  assiste, 
en  effet,  le  5  juin  1552,  aux  pactes  de  mariage  d'Arnaud 
de  Cruzi,  seigneur  de  Fauroux,  conclus  au  château  de  Ceze- 
raCj,  juridiction  de  Tournon  (1). 

Après  lui,  Pons  I  d'Aspremont  commença  à  Flaran  la 
série  d'abbés  de  ce  nom  qui  jeta  un  lustre  tout  particulier  sur 
l'histoire  de  l'abbaye.  De  la  grande  race  des  comtes  d'As- 
premont  en  Béarn,  Pons  I  appartenait  à  la  même  famille  que 
ce  terrible  vicomte  d'Orlhe,  Adrien  d'Aspremont,  dont  la 
prétendue  réponse  à  Charles  IX,  au  sujet  du  massacre  de  la 
Saint-Barthélémy,  a  été  de  nos  jours  déflnitivement  éliminée 
de  l'histoire  (2).  Désigné  par  le  Gallia  comme  abbé  de  Flaran 
en  1559,  il  eut  avec  l'héritière  de  Jean  de  Pardeillan,  qui  avait 
légué  à  l'abbaye  quelques  terres  avoisinantes,  de  violents 
débats  à  ce  sujet,  lesquels  ne  s'apaisèrent  que  par  l'entremise 
de  l'abbé  de  Simorre  et  du  seigneur  de  Massencôme. 

Pierre  d'Aspremont  succéda  à  Pons  I  en  1551.  Il  eut, 
nous  dit  M.  le  marquis  de  Galard,  en  même  temps  que  le 
gouvernement  de  Flaran  celui  de  l'abbaye  de  Berdoues  «  dont 
l'abbé  cooimenda taire,  Jean  de  Bazillac,  conseiller  au  Parle- 
ment de  Toulouse,  l'avait  chargé.  Quoique  séculier,  ce  Jean 

(1)  Archives  du  château  de  Laplague  (Gers).  Cartous  et  notes  de  feu  M.  le  con- 
seiller Paul  Laplagne-Barrïs. 

(2)  Voir  les  articles  de  M.  Tamizey  de  Larroque,  dans  la  /?.  des  Questiofi^ 
historiques,  ii,  293,  et  dans  la  ^pue  de  Gascoyne,  xxni,  753. 


—  411  — 

de  Bazillac  possédait  aussi  les  abbayes  de  rEsca1e*Dieu  et  de 
SaïQt-Sever  de  Rustan  (1).  Dans  la  liste  des  défaillants  ou 
absents  à  la  monstre  du  ban  et  arrière-ban  d'Armagnac^  faite 
à  Mauvezin  le  2  mars  1555>  nous  voyons  figurer  parmi  les 
gens  d'église  et  à  côté  des  abbés  de  Bouilias,  de  Simorre  et 
de  Lacase  Dieu,  «  M.  Tabbé  de  Flaran  (2).  • 

Pons  II  d'Aspremont,  troisième  de  cette  famille,  le  remplaça 
sur  le  siège  abbatial  de  Flaran,  Tannée  suivante,  en  1556. 
De  trop  graves  événements  surgirent  à  celle  époque,  pour 
que  nous  ne  nous  arrêtions  pas  plus  longtemps  sur  les  prin- 
cipaux actes  qui  signalèrent  le  gouvernement  de  cet  abbé. 

Noble  frère  Pons  d'Aspremout  était  déjà  religieux  de  Fab- 
baye  deClairac,  en  Agenais,  quand  son  parent  Pierre  d'Aspre- 
mont,  alors  abbé,  le  manda  auprès  de  lui  à  Flaran  (3).  A  sa 
mort,  il  obtint  facilement  la  Commende  de  Tabbaye.  Le 
26  mars  1565^  Jeanne  d'Albret,  reine  de  Navarre  et  comtesse 
d'Armagnac,  «  acheta  les  seigneuries  de  Valence,  Calyan  et 
de  Goûts  s  appartenant  à  Tabbé  de  Flaran,  à  Févéque  d'Auch 
et  au  commandeur  de  Goûts,  en  conséquence  de  l'édit  du 
Roy  Charles  neufviesme,  par  lequel  il  ordonnait  la  vente  des 
biens  d'église  jusqu'à  la  valeur  de  cent  mille  escus  de  rente  ». 
De  cet  acte  fort  important,  mais  malheureusement  trop  long 
pour  que  nous  puissions  le  reproduire  ici  in  extenso,  nous  ne 
donnerons  que  les  passages  relatifs  à  l'abbaye  qui  nous 
occupe  (4). 

Le  Roi  a  besoin  d'entretenir  ses  soldats  et  les  troupes 
étrangères,  Suisses,  Allemands,  reitres,  etc.  Le  temporel  des 
évéché  de  Lectoure  et  archevêché  d'Auch  est  fixé  pour  la 
vente  à  la  somme  de  2,700  escus  sols  de  rente,  dont  Lec- 
toure pour  2(K)  escus,  et  Auch  pour  2,500.  Aussi  est-il 
ordonné  au  sénéchal  d'Armagnac  de  faire  procéder  au  plus 

(1)  Reçue  (V Aquitaine t  t.  v- 

(2)  Monlezun,  t.  vi,  p.  174. 

(3)  Etude  du  Notariat  de  Valence.  Keg.  Dupont,  1558. 

(4)  Collection  Doat.  Bibl.  nat.  de  Paris.  Mss.  toI.  137,  p.  312-361. 


—  412  — 

vite  à  la  vente  desdils  biens  par  voie  d'enchères  et  d'adjudi- 
cation. Sur  la  convocation  de  M*  Pierre  Vacquier,  lieutenant 
principal  en  la  sénéchaussée  d'Ârmagnac,  se  présentèrent 
Guillaume  Ranse^  secrétaire,  et  Bertrand  de  Lavalade,  procu- 
reur général  au  duché  d'Albret,  au  nom  de  la  reine  de  Navarre, 
duchesse  d'Albret  et  comtesse  d'Armagnac.  Us  déclarèrent  : 

• 

Que  ladite  Dame  Reine  vouloit  et  entendoit  acquérir  le  droict  que 
Tabbé  de  Flaran  prétend  avoir  et  luy  appartenir  en  la  justice  de  Valence 
en  Armagnac  et  juridictiou  d'icelle,  avec  les  fiefs,  lods  et  ventes  et 
autres  droicts  et  devoirs  seigneuriaux  qu'il  prend  et  a  accouslumé 
prendre  audit  lieu  et  juridiction  d'icelle;  ensemble  les  fiefs  que  le 
sacre  stain  des  religieux  de  l'abbaie  de  Flaran  a  accoustumé  prendre 
en  la  juridiction  dudit  Vallence;  ce  qui  a  esté  enchéry  à  la  somme  de 
cinq  cens  livres. 

Et  de  même  pour  la  justice  des  lieux  de  Calyan  (i)  et  de 
Goûts. 

Là-dessus  il  fut  ordonné  que  lesdites  seigneuries  seraient 
mises  aux  enchères  et  adjugées  le  15  janvier  1565 

En  la  court  de  Monsieur  le  Sénéchal  d*Armagnac,  à  Leytoure.  — 
Ce  jour  là,  se  s^eroit  présenté  M®  Remond  Despés,  conservateur  pour 
ladite  dame  Reyne  de  Navarre  du  domaine  d'Armagnac,  qui  auroit 
percisté  auxdites  enchères,  montant  en  une  et  universelle  somme 
de  mil  huit  cens  cinquante  livres  tournois,  et  pour  autant  que  autre 
ne  se  seroit  présenté  pour  plus  enchérir,  lesdites  seigneuries,  droicts  et 
devoirs  susdits  par  Texlinction  du  feu  de  ladite  chandelle  scroieni 
demeurés,  et  adjudication  en  auroit  esté  faite  en  l'honneur  de  ladite 

Dame  Reine  pour  la  somme  de  1850  livres  tournois h  savoir  la 

somme  de  1850  livres  tournois  en  cscus  sols  i\  cinquante  sols  pièce  ; 
1000  livres  tournois  pour  la  vente  et  adjudication  à  elle  faites  du 
droit  que  Tabbé  de  Flaran  prétend  avoir  et  lui  appartenir  en  la  justice 
et  juridiction,  avec  les  fiefs,  los  et  ventes  et  autres  droits  seigneuriaux 
qu'il  prend  audit  lieu,  ensemble  les  fiefs  que  le  sacrestain  des  religieux 

de  Tabbaie  de  Flaran  prend  en  la  juridiction  do  Valence et  pour 

lesdites  seigneuries  de  Calyan  et  de  Goûts,  pour  850  livres,  etc. 

(1)  Le  fief  de  Calllan^  qui  appartenait  à  rarchevéque  d'Auch,  est  acluellemcni 
dans  Tarrondissement  d'Auch,  cantou  de  Vio-Fezensac. 


—  413  — 

Soit  le  procès- verbal  d'adjudication  fait  à  ladite  Dame 
Reine  par  Pierre  Vacquié,  lieutenant  principal  en  la  séné- 
chaussée d'Armagnac,  de  la  justice  que  Tabbé  de  Flaran 
tienl  en  parcage  avec  ladite  dame  Reine  en  la  ville  de 
Valence,  avec  les  fiefs,  lods  et  ventes  et  autres  droits  seigneu- 
riaux, appartenant  audit  abbé  en  ladite  ville  de  Valence. 
Idem  pour  les  deux  autres  seigneuries. 

Et  le  27  janvier  1563,  nous  nous  sommes  acheminés  en  ladite  ville 
de  Valence,  pour  mettre  ledit  Reimond  Despés,  conservateur  dudit 
Armagnac,  en  possession,  au  nom  de  ladite  Dame,  en  ladite  seigneurie  : 
et  en  présence  des  Consuls  et  notables  habitans  de  Valence,  l'avons 
mis  en  possession  de  lad.  seigneurie,  droits,  etc.  Les  clefs  de  Valence 
ont  été  remises  audit  Despés,  lesdits  habitans  le  suppliant  de  conserver 

leurs  libertés,  franchises  et  privilèges et  les  armoiries  de  ladite 

Dame  Reine  furent  mises  à  une  des  portes  de  la  ville  :  et  avons  fait 
deffense  auxdits  habitans  et  abbé  et  sacrestain  de  troubler  ou  empescher 
ladite  dame  en  la  jouissance  et  possession  desdits  biens  à  peine 
d'amendes,  etc. 

Cette  vente  de  la  seigneurie  de  Valence  avait  été  faite  sous 
faculté  de  rachat.  L'abbé  de  Flaran  ne  tarda  pas  à  user  du 
droit  quMI  s'était  réservé;  et  deux  ans  après,  le  9  juillet  1565, 
il  rachetait  à  la  même  reine  de  Navarre  les  mêmes  droits 
seigneuriaux  sur  la  ville  de  Valence,  pour  la  somme  égale  à 
celle  de  leur  aliénation  (1). 

En  1569  Tabbaye  de  Flaran  fut  dévastée  et  incendiée  par 
les  hordes  de  Mongonmery;  désastre  immense  dont  elle 
faillit  ne  pas  se  relever.  On  connaît  les  ravages  qu'exerça 
celte  année  là  en  Gascogne  le  terrible  chef  des  religion- 
naires,  et  comment  les  dissensions  qui  s'élevèrent  entre  les 
chefs  de  l'armée  catholique,  Terride,  Damville  et  Monluc, 
facilitèrent  au  lieutenant  de  Jeanne  d'Albret  ses  projets  de 
revanche,  de  rapine  et  de  meurtre.  On  sait  qu'après  le 
fait  d'armes  de  Navarrens  et  la  prise  sanglante  d'Orthez, 

(1)  Dom  Brugèles,  Chroniques  eccléa.  du  diocèse  d'Auch. 


—  4U  — 

en  aAûl  1569j^  Moogonmery  se  trouva  maître  du  Bèarn, 
et  qu'ayant  la  route  libre  de  tous  côtès^  il  envahit  la  Bigorre 
et  sema  partout  la  ruine  et  la  désolation.  C'est  en  sep- 
tembre qu'il  vint  brûler  Tabbaye  de  L' Escale-Dieu^  déjà 
fortement  endommagée  par  la  compagnie  du  sieur  Arnaud 
Guilhem,  qui  Tavait  précédé  de  deux  ans^  et  qu'après  huit 
jours  de  dévastations  de  toutes  sortes  il  n'y  laissa  qu'un, 
monceau  de  ruines. 

De  là^  franchissant  fa  plaine  de  Tarbes,  il  s'abattit  sur 
Aire  et  toute  la  vallée  de  l'Adour,  se  dirigea  sur  Nogaro  où 
il  était  le  24  octobre,  ravagea  Eauze  et  ses  environs,  incendia 
l'église  de  Montréal,  et,  les  derniers  jours  d'octobre,  s'alta- 
quant  à  toutes  les  ^lises  et  à  tous  les  monastères,  aussi  bien 
ceux  de  femmes  que  d'hommes,  n'out  aucun  scrupule  pour 
incendier  le  monastère  de  Vaupillon,  à  quatre  kilomètres  ouest 
de  Flaran,  et  pour  en  exterminer  les  religieuses.  Le  procès- ver- 
bal inédit  de  cet  acte  de  brigandage,  que  nous  reproduirons 
in  extenso  en  appendice,  nous  donne  les  plus  curieux  et  les 
plus  navrants  détails  sur  cette  journée  néfaste  qui  amena  la 
ruine  complète  et  définitive  du  couvent  (1).  Dix-sept  des 
religieuses  s'étaient  enfuies  la  veille  vers  Lectoure,  cher- 
chant un  asile.  Quatre  avaient  eu  le  courage  de  rester  et 
s'étaient  cachées  dans  une  métairie.  Ayant  été  découvertes, 
une  fut  massacrée  séance  tenante,  et  les  trois  autres  furent 
tellement  maltraitées  qu'elles  moururent  quelques  jours 
après.  Le  couvent  fut  rasé,  et  Téglise  resta  à  moitié  démolie, 
telle  qu'on  la  voit  encore  aujourd'hui. 

De  Vaupillon  les  troupes  de  Mongonmery  marchèrent  sur 
Condom,  où  elles  demeurèrent  jusqu'au  4  novembre  1569, 
se  dirigeant  ensuite  par  Valence,  Dému,  Vic-Fezensac,  le 
Brouil,  Barran  et  Ordan,  sur  la  ville  d'Auch. 

(1)  Attestation  de  l'incendie  du  monastère  de  Vaupillon  et  des  saccage- 
ments  et  pilleries  que  les  troupes  huguenotes  y  commirent  en  Vannée  Î569, 
dans  le  mois  d'octobre,  du  tems  de  Charles  IX.  Mss  d'Aiguan.  Bibl.  d*Auch. 
r.  IV.  Pièces  jusUflcatives,  p.  1467. 


—  415  — 

Ce  dut  être  en  quillant  Gondom,  dans  les  premiers  jours 
de  novembre  4369,  alors  qu'elles  remontèrent  le  cours  de  la 
Baise,  ou  peut-être  même  le  lendemain  de  Tincendie  de 
Vaupillon,  que  les  hordes  protestantes  se  présentèrent  devant 
Flaran,  et,  suivant  leur  habitude  journalière,  pillèrent  Tab- 
baye,  renversèrent  les  trois  côtés  sud,  est  et  nord  des  cloî- 
tres et  incendièrent  Téglise,  dont  la  façade  occidentale,  les 
voûtes  de  la  nef  et  du  transsept  et  les  murs  extérieurs  de 
Tabside,  jusqu'à  la  ligne  des  modillons,  subsistèrent  seuls. 
Tout  le  reste  fut  détruit,  ainsi  que  les  cellules  des  moines,  le 
réfectoire,  et  chose  plus  regrettable  encore,  toutes  les  archi- 
ves du  monastère.  Aucun  document  ne  nous  dit  formelle- 
ment si,  comme  à  Vaupillon,  les  moines  furent  massacrés; 
mais  il  est  probable  qu'eux  aussi  durent  subir  en  partie  le 
sort  de  tous  leurs  frères  de  Gascogne,  du  moins  si  nous 
interprétons  de  cette  façon  le  passage  d'un  acte,  postérieur 
seulement  de  cinq  années,  où  il  est  dit  à  plusieurs  reprises, 
à  propos  des  quatre  religieux  survivants  seulement,  «  des- 
puis la  ruyne  et  démolition  qui  a  esté  faicte  du  couvent  par 
les  trouppes  conduictes  par  le  conte  Mongonmery,  les  autres 
n'estant  plus  à  présent  en  vye,  etc.  (i).  » 

Du  reste,  les  troupes  de  Mongonmery  passèrent  à  trois 
reprises  différentes,  à  la  fm  de  cette  année  1569,  sous  les 
murailles  de  l'abbaye,  allant  vers  Auch  et  revenant  sur 
Condom.  Et  ce  fut  peut-être  à  chacun  de  leurs  passages 
qu'elles  s'arrêtèrent  à  Flaran,  pour  y  porter,  dans  leur  haine 
jalouse  et  sauvage  contre  tout  ce  qui  touchait  de  près  ou  de 
loin  à  la  religion  catholique,  la  ruine,  la  dévastation  et  la 
mort.  Ce  qu'il  y  a  de  sûr,  c'est  que  des  dix  religieux  qui 
habitaient  alors  le  monastère  et  dont  l'histoire  nous  a  con- 
servé les  noms,  à  savoir  :  Pons  II  d'Aspremont,  abbé,  Pierre 
Bride,  prieur,  frère  Jehan,  Bernard  et  Jacques  Bajole,  Pierre 

(1)  Notariat  de  Valence.  Reg.  pour  Tannée  1574.  Mangnac,  notaire. 


—  416  — 

âogeaux,  chapelain  de  la  chapelle  de  Massencôme,  Jehan 
Martin,  Pierre  Trilhe,  Arnaud  de  Marignac  et  Jehan  Boyer, 
quatre  seulement  se  retrouvent.  Tannée  suivante,  les  autres 
ayant  été  massacrés  ou  ayant  pris  la  fuite  et  n'étant  plus 
revenus,  comme  l'abbé  lui-même,  Pons  d'Aspremont.  Ce 
dernier,  en  effet,  se  relira  à  Tabbaye  de  BouiUas,  ou  il  mou- 
rut en  1574  (1),  non  sans  avoir  vu,  Tannée  précédente  1573, 
ses  anciens  frères  de  Flaran,  «  les  quatre  encore  en  vye, 
nobles  frères  Pierre  Sogeaux,  Pierre  Trilhe,  Bernard  et 
Jehan  Bajolle  »,  se  syndiquer  et  le  citer  devant  le  sénéchal 
d'Armagnac  «  pour  exiger  de  lui  la  pension  qui  leur  était 
due  depuis  le  tems  que  le  comte  Mongonmery  entra  avec  ses 
troupes  au  présent  pays;  et  ensemble  le  contraindre  à  répa- 
rer ledit  couvent  ^t  y  mettre  le  nombre  complaicl  des  reli- 
gieux, suivant  leur  règle  (2).  » 

Ces  quatre  religieux,  en  effet,  s'étaient,  aussitôt  après 
Tincendie  de  leur  couvent,  «  retirés  en  maisons  profanes, 
ayant  cessé  tous  offices  et  service  divin  (3)  »  dans  la  ville  de 
Valence^  «  en  une  masure,  ajoute  le  manuscrit  d'Aignan, 
appelée  Lanus  »;  et  ils  s'étaient  empressés  de  faire  appel 
à  la  charité  des  fidèles,  ainsi  qu'au  supérieur  de  leur  ordre. 
Ce  dernier,  «  en  la  personne  de  Monsieur  le  Vicaire  Géné- 
ral dudit  ordre,  leur  donna  un  certain  advertissement  concer- 
nant Tarrét  du  Conseil  privé  du  Roi,  par  lequel  ung  tiers  en 
revenu  dudit  mostier,  et  autres  desmolis,  serait  emploie  à  la 
réparation,  construction  et  réédificalion  desdits  co vents 
récemment  détruits,  et  leur  auroit  demandé  de  bailler  décla- 
ration des  revenus  et  charges  de  ladite  abbaie  » .  Ce  qui  fut 
fait,  le  26  mars  1571,  «  par  procuration  desdits  religieux  don- 
Ci)  D'un  autre  oôt<S  ïious  voyons  dans  le  précieux  plan  de  l'abside  de  la  vieille 
cathédrale  Saint-Etienne  d'Agen,  conservé  aux  archives  de  Tévcché  de  cette 
ville,  et  qui  indique  les  tombes  des  évéques  et  principaux  personnages,  que 
sous  le  n*  31,  à  gauche  du  maitre-autol,  est  désignée  la  tombe  de  «  Pons  d'As- 
premont,  abbé  de  Flaran  ».  Kst-ce  la  tombe  de  Pons  I  ou  de  Pons  Ut 

(2)  Notariat  de  Valence.  Reg.  Dupont,  1573. 

(3)  Idem. 


—  417  — 

née  auxdits  frères  Pierre  Sogeaox  et  Jehan  Bajolle,  leur  syn- 
dic et  procureur.  (1)  » 

En  même  temps  était  nommé  abbè  de  Flaran,  vers  la  fin 
de  celle  année  1573,  au  lieu  et  place  de  Pons  II  d'Aspremont, 
qui,  au  dire  du  Gallia  el  de  Dom  Brugèles,  aurait  lui-même 
résigné  sa  charge  en  sa  faveur,  Messire  Jehan  de  Boyer. 

La  tâche  du  nouvel  abbé  n'était  pas  facile.  Après  l'épou- 
vantable désastre  qui  s'était  abattu  sur  le  monastère,  on  put 
croire  un  instant  que,  semblable  à  ses  voisins  dont  les  ruines 
jonchaient  partout  le  sol  de  la  Gascogne,  il  ne  se  relèverait 
pas  du  coup  terrible  qui  lui  avait  été  porté.  C'est  la  gloire  de 
Jean  Boyer  d'avoir,  par  son  habileté  el  le  zèle  de  toute  sa 
vie,  reconstitué  Pabbaye  de  Flaran,  non  pas  certes  telle  qu'elle 
était  autrefois,  même  au  milieu  du  xvi*  siècle,  mais  du  moins 
avec  un  nombre  suffisant  de  religieux  et  assez  de  revenus 
pour  pouvoir  se  suffire  à  elle-même  et  subsister  ainsi  jusqu'à 
la  Révolution. 

Dès  l'année  1573,  Jean  de  Boyer,  qualifié  d'abbé  de  Fla- 
ran, d'archiprêlre  et  de  cosseigneur  de  Valence,  reçoit  des 
seigneurs  du  voisinage  et  notamment  de  Jehan  de  Besolles, 
comme  aussi  des  habitants  de  cette  ville,  de  nombreuses 
donations  en  faveur  de  l'abbaye.  Il  en  entreprend  aussitôt  la 
restauration,  fait  fermer  les  brèches  de  l'église  el  recouvrir 
sa  toiture,  consolida  les  trois  côtés  des  clottres,  dont  les  élé- 
gantes arcatures  sont  affreusement  mutilées  ou  brisées  à  tout 
jamais;  et  lui-même  prend  en  mains,  avec  une  rare  habileté, 
l'administration  de  tous  ses  biens.  C'est  ainsi  qu'il  achète,  le 
1"  octobre,  à  Géraud  Rieumajou  de  Maignaut  et  à  Ârnaut 
Bauthian  du  même  lieu,  les  terres  de  la  Plante  et  de  Laroste; 
qu'il  fait  venir,  l'année  suivante,  <c  Jean  Laffargue,  maistre 
percheur  de  Montesquieu  en  Brulhois,  pour  percher  et  arpen- 
ter le  territoire  de  Valence,  en  ce  que  concernent  les  droits 

(1)  Notariat  de  Valence.  Reg.  Dupont,  1574. 


—  418  — 

seigneuriaux  audit  sieur  abbé  sur  ledit  territoire,  moyennant 
8  deniers  pour  concade  »;  qu'il  renoutelle  les  baux  d'affermé 
et  les  arrantements  du  moulin  de  Flaran,  des  granges  du 
Hillet  de  Dauzan,  da  Mian,  du  Gibra,  des  dîmes  que  possède 
Tabbaye  dans  les  paroisses  de  Saint-Gaprais  et  de  Polignac, 
etc.  (1);  et  qu'il  échange  la  métairie  de  La  Grangette,  près  du 
Sempuy,  contre  celle  de  Lauzit,  sise  en  la  juridiction  de  Mai- 
gnaut^  appartenant  à  demoiselle  Françoise  de  Mondenard 
et  attenant  aux  terres  de  Tabbaye  : 

«  L'an  mil  cinq  cens  septante  quatre  et  le  xi^  jour  du  mois  de  jan- 
vier,  régnant  Charles  IX,  dans  le  chdpistie  clostral  de  Tesglise  N.- 
Dame  de  Flaran,  ordre  des  Cisteaux,  lez  Vallance,  au  comté  de  Fezen- 
sac,  sénéchaussée  d'Armagnac,  diocèse  d'Aux,  devant  moy  notaire 
royal  et  tesmoing  bas  nommé,  personnellement  estably,  Révérend 
Père  Messire  Jehan  Boyer,  baschelier,  abbé  commendataire  dudit 
Flaian,  avec  frères  Pierre  Sogeaux,  prieur,  Bernard  et  Jehan  BaioUe 
et  Pierre  Trilhe,  religieux  prestres  de  lad.  abbaie,  capitulairement 
assamblés  à  la  manière  accoustumée  d'une  part,  M®  Bertrand  Lauzit 
bachelier  ez  droits,  advocat  en  la  cour  du  juge  de  Gaure,  au  nom  et 
comme  procureur  especiallement  fondé  de  Demoiselle  Françoise  de 
Mondenard,  veuf  ve  de  feu  Philippe  de  Barathe,  en  son  vivant  homme 
d'armes  de  la  compagnie  de  Monsieur  de  Monluc,  d'autre  part...  » 

lesquelles  parties  possédant  les  métairies  de  La  Grangette  et 
de  Lauzit,  «  de  semblable  contenance  » ,  les  échangent; 

«  Joinct  aussi  la  ruyne  et  desmolition  qtii  a  été  faite  dudit  couvent 
par  les  trouppes  conduictes  par  le  comte  Mongonmery  sur  l'invanon 
faicte  en  ce  païs,  à  cause  de  quoy  et  despuis,  ledit  couvent  est  en 
ruyne  et  inhabitable;  que  pour  ceste  occasion  les  religieux  ont  esté  con- 
traincts  se  retirer  en  maisons  profanes,  cessant  les  offices  et  service 
divin;  et  prévoyant  aussi  ladite  ruyne  augmenter,  si  n'estoit  avisé  à 
reconstruire  et  réédifier  en  partie  le  couvent  pour  y  remectre  et  faire 
ledit  service,  toutefois  considéré  aussi  que  ledit  Boyer,  de  noveau 
pourveu,  n'auroit  trouvé  aulcuns  fruitz  en  ladite  abbaie,  ny  aultres 
moiens  pour  ladite  réédification,  et  que  de  plus  en  plus  la  ruyne  s'y 

(1)  Notariat  de  Valence.  Registres  Dupont  et  Marignac;  années  1573, 1574, 
1578, 1581-82,  etc. 


—  419  — 

augmente,  auroient  ad^âsé  lesdites  parties...  contracter  ledit  acte 
d'échange;  et  en  oultre  ladite  dlle  de  Mondenard  baille  qua/trecâns 
livres  pour  soubvenir  tant  à  ladicte  construction  que  aultre  améliora- 
tion et  profict  du  couvent  (1).  » 

Le  12  janvier  1574,  Pierre  Sogeaulx  est  nommé  chapelain 
de  la  chapelle  de  Sainte-Catherine,  fondée  dans  Tabbaye  de 
Flaran  (2).  L^année  suivante,  les  religieux  s'assemblent  dans 
ledit  chapitre,  et  constituent  comme  syndic  et  procureur  les 
deux  frères  Bajolle,  Pierre  Sogeaux  étant  toujours  prieur,  et 
Jean  de  Boyer,  abbé  du  monastère. 

Bien  que  cet  abbé  ait,  par  ses  multiples  efforts,  reconstitué 
ainsi  Tadministration  des  domaines  de  Tabbaye,  il  ne  put 
néanmoins  empêcher,  en  1576,  le  démembrement  légal  d'une 
partie  de  ces  biens.  Déjà,  en  1562,  Charles  IX,  à  court  d'ar- 
gent, avait  ordonné,  en  vertu  d'une  bulle  du  pape,  qu'il 
serait  vendu  sur  le  temporel  de  l'église  de  France,  jusqu'à 
concurrence  de  100,000  écus  de  rente.  C'est  alors,  comme 
nous  l'avons  vu  plus  haut,  que  la  reine  de  Navarre  fit  l'acquî- 
silion  des  seigneuries  de  Valence,  de  €alyan  et  de  Goûts.  En 
1576,  le  pape  permit  au^même  roi  d'aliéner  à  nouveau  sur 
le  temporel  de  l'église,  jusqu'à  concurrence  de  50,000  écus 
de  rente.  Le  diocèse  d'Auch  qui,  la  première  fois,  avait  été 
taxé  pour  2,500  écus,  le  fut  cette  fois  pour  811  écus  de  rente, 
soit  65,258  livres  en  capital.  Chaque  abbaye  dut  y  contribuer 
pour  sa  part.  Celle  de  Flaran  aliéna  <  la  grange  et  moulin 
de  Jandieu,  à  Monréal,  pour  2,000  livres;  la  pièce  de  terre, 
dite  la  Sacristanie,  près  la  ville  de  Valence,  pour  80  livres; 
les  droits  seigneuriaux  que  l'abbé  possédait  à  Valence,  pour 
500  livres;  la  grange  et  métairie  de  Seiches  dans  le  Sainte 
Puy,  pour  2,500  livres;  enfln,  quelques  autres  pièces  de 
terre  dans  l'Isle  d'Orbessan»  pour  250  livres  (5)  » .  L'acte 


(1)  Notariat  de  Valence.  Reg.  1574.  Marignac,  not. 

(2)  Idem. 

(3)  Monlezun.  Histoire  de  la  Gascogne,  Supplément.  Note  16,  p.  613. 


—  420  — 

n'ajoute  pas  si,  comme  en  1562,  ces  biens  dans  la  suite  furent 
rachetés. 

Ce  fut  également  sous  le  gouvernement  de  Jean  de  Boyer, 
que  les  troupes  du  maréchal  de  Biron  vinrent,  en  1580, 
assiéger  Valence,  occupée  et  vaillamment  défendue  par  le 
capitaine  Rison,  qui  était  à  la  tête  d'une  compagnie  de  reli- 
gionnaires  : 

Celui-cy,  dit  Dupleix,  s'étant  jeté  dans  Valence,  place  très  forte 
d'assiette,  à  une  lieue  de  Condom  (car  elle  est  sise  sur  un  tertie  séparé 
et  a  pour  fossé  le  conflans  de  deux  petites  rivières),  y  fut  assié;^  par  le 
M*"*  de  Biron,  auquel  il  la  rendit  par  composition,  luy  estant  permis 
avec  tous  les  siens  d'en  sortir,  vies  et  lîagues  sauves.  Le  Maréchal  la 
fît  raser  et  démanteler.  Mais  le  M'^  de  Montespan  fit  depuis  réparer  les 
brèches  et  y  mil  garnison  pour  la  Ligtie.  Elle  a  esté  naguères  derechef 
demantellée  (1). 

L'histoire  ne  nous  dit  pas  s^  Tabbaye  de  Flaran,  déjà  si 
fortement  éprouvée,  eut  à  supporter,  comme  cela  est  plus  que 
probable,  durant  ces  deux  sièges,  les  conséquences  d'un  voi- 
sinage aussi  rapproché. 

Jean  de  Boyer  fut  remplacé  sur  le  siège  abbatial  de  Flaran, 
en  1583,  par  Pierrb-André  de  Gelas,  de  Tillustre  famille  des 
Gelas  de  Léberon,  qui  y  resta  jusqu'en  1603.  Abbécommen- 
dataire^  le  nouveau  titulaire  ne  suivit  pas,  en  ce  qui  concerne  la 
gestion  des  biens  de  Tabbaye,  l'exemple  de  son  prédéces- 
seur; et  il  ressort  des  titres  nombreux  que  nous  fournissent 
le  notariat  de  Valence  et  les  archives  locales  que  les  religieux 
eurent  plus  d'une  fois  maille  à  partir  avec  lui. 

Pierre-André  de  Gelas  descendait  des  anciens  seigneurs  de 
Bonas,  de  Rozès  et  de  Léberon,  qui,  depuis  le  xm*  siècle, 
jouaient  un  rôle  important  dans  les  annales  de  la  Gasco- 
gne (2).  Né  au  château  de  Flarambel,  dit  plus  tard  de  Lèbe- 

(1)  Dupleix,  Histoire  d'Henri  UI,  roi  de  France  et  de  Pologne, 

(2)  Voir  Reeue  d'Aquitaine,  t.  xii.  Le  château  de  Bonaa  et  ses  seigneurs, 
par  M.  Noulens. 


—  421  — 

ron,  lors  de  Pacquisition  qu'en  ûl  la  famille  de  Gélas-Léberon 
qui  lui  donna  son  nom,  il  était  le  frère  de  ce  fameux  Lysan- 
der  de  Gelas,  chevalier  de  Tordre  du  roi,  capitaine  de  cent 
hommes  d'armes  de  ses  ordonnances,  petit-neveu  du  maré- 
chal Biaise  de  Monluc,  et  célèbre  par  ses  faits  d'armes  dans 
toutes  les  guerres  de  religion.  C'est  ce  Lysanderde  Gelas, 
seigneur  de  Flarambel  et  marquis  de  Léberon,  qui,  par  son 
mariage  avec  demoiselle  Ambroise  de  Voisins  d'Ambres, 
devint  la  souche  des  marquis  d'Ambres  et  des  vicomtes  de 
Lautrec  et  porta  si  haut  la  fortune  de  sa  maison  (1).  Le  châ- 
teau de  Flarambel  est  à  un  kilomètre  ouest  à  peine  de 
l'abbaye  de  Flaran.  Ce  voisinage  explique  suffisamment  com- 
ment les  seigneurs  de  Léberon,  Pierre-André  de  Gelas 
d'abord,  puis  Charles-Jacques  son  neveu,  cherchèrent  à  se 
faire  donner  la  commende  d'une  si  importante  et  si  proche 
abbaye. 

En  même  temps  qu'il  remplaçait  Jean  de  Boyer  à  Flaran, 
Pierre-André  de  Gelas  obtenait  également  la  commende  du 
prieuré  de  Sainte-Livrade,  au  diocèse  d'Agen,  et  il  montait 
peu  après  sur  le  siège  épiscopal  de  Valence  eu  Dauphinè, 
vacant  par  la  mort  de  son  propre  oncle  maternel  Jean  de 
Monluc,  frère  du  fameux  maréchal.  Il  .l'occupa  de  1600  à 
1621.  Le  nouvel  abbé  ne  résida  donc  que  très  rarement  à 
Flaran,  ce  qui  engendra  bien  vite  des  abus  et  des  actes  d'in- 
discipline de  la  part  des  moines,  ses  subordonnés. 

Dès  le  6  juillet  1583,  ceux-ci  se  plaignent  en  effet  par 
l'intermédiaire  de  leur  prieur  Pierre  Sogeaux,  de  Bernard  et 
de  Jehan  Bajolle  et  de  Jehan  Bosc,  tous  quatre  religieux,  «  de 
ne  pas  toucher  la  jouissance  de  la  dime  de  certains  biens  à 

(1)  Tous  les  titres  de  cette  tamille  de  Gelas  de  Léberon  existent  dans  le  Car- 
tulaire  Gelas  à  la  Bibliothèque  Mazarine.  Ils  constituent  l'histoire  entière  de 
cette  maison  (dont  la  généalogie  se  trouve  du  reste  en  partie  dans  le  tome  ix, 
p.  114,  de  Lachenaye-des-Bois),  en  même  temps  que  celle  du  château  de  Léberon, 
dont  nous  espérons  pouvoir  écrire  plus  tard  la  monographie,  grâce  à  l'extrême 
obligeance  de  MM.  J.  Laplagne-Barris  et  J.  de  Carsalade,  qui  possèdent  copie 
de  la  plupart  de  ces  importants  documents. 

Tome  XXX.  28 


> 


—  42»  — 

eux  baillés,  el  que  perçoit  indûment  Tabbé  Pierre-André  de 
Gêias  » .  Ils  lui  adressent  même  une  sommation  au  sujet  des 
revenus  de  la  métairie  du  Coulleou.  Le  48  janvier  1587, 
une  procuration  est  donnée  par  les  mêmes  religieux  à  Guil- 
laume Marignac,  pour  «  saisir  tous  les  fruits  que  touche  à 
tort  l'abbé  de  Flaran  » .  Enfin,  le  frère  Gilbert  Tasque,  syndic 
de  Tabbaye  de  Flaran,  refuse  énergiquement  de  payer  à  Fabbé 
de  Citeaux,  son  supérieur,  une  certaine  somme  qu'il  lui 
réclame,  celle  somme  ayant  été  considérablement  augmentée 
depuis  le  gouvernement  de  Pons  d'Aspremont  (1). 

Du  reste  Tabbé  est  toujours  qualifié  «  d'absent  »  dans  tous 
les  actes,  affermes,  baux,  arrentements,  provisions,  échanges 
de  toutes  sortes  que  nous  avons  sous  les  yeux,  et  où  il 
institue  pour  son  procureur  fondé  son  frère  Lysander  de 
Gelas,  seigneur  de  Léberon.  Relevons,  entre  autres  posses- 
sions de  l'abbaye  à  celte  époque,  les  métairies  de  la  Ma- 
deleine, du  Coulleou,  du  Gibra,  du  Moutouet,  de  la  Bour- 
dille,  de  Lauzit,  de  Trouillon,  du  Miau,  du  Hillef,  de  Poli- 
gnac,  de  Saint-Caprais,  de  Lasserre  en  Lavardens,  etc., 
etc.  (2).  C'est  au  château  noble  de  Flarambel  que  les  reli- 
gieux sont  convoqués,  représentés  par  leur  prieur  Pierre 
Sogeaux,  qui  est  en  -même  temps  chapelain  de  la  chapelle  de 
Massencôme,  fondée  en  l'abbaye,  et  par  leur  syndic  Guillaume 
Cambon,  et  qu'ils  défendent,  tant  au  sujet  des  pensions, 
rentes,  dîmes  réclamées  par  l'abbé  que  des  réparations  qu'ils 
exigent  de  lui,  leurs  intérêts  et  ceux  de  l'abbaye.  Celui-ci 
prend  encore  dans  un  acle  du  20  décembre  1594  le  litre  de 
«  coseigneur  au  paréage  de  Valence  (3),  »  en  qualité  duquel 
il  donne  à  cet  effet  «  en  afferme  tous  les  flefs,  lods,  ventes 
el  droits  seigneurieux  qu'il  possède  en  la  ville  de  Valence, 


(1)  Notariat  de  Valence.  Reg.  1583^  84,  85,  86,  87,  elo.  Marignac. 

(2)  Idem. 

(3)  Notariat  de  Condom,  ^tiide  Lagorce.  Inventaire  de  biens  de  Jos.  de  Mou- 
chan. 


—  4â3  — 

ce  jourd'huy,  46  avril  4603,  Pierre  Sogeaux  prieur,  et  Guil- 
laume Cambon  syndic  (i).  » 

H  semble  cependant  que  dans  la  dernière  année  de  son 
gouvernement,  1605,  André  de  Gelas  ait  voulu  améliorer  le 
sort  de  ses  religieux,  et  qu'il  ait  ordonné  dans  leur  intérêt 
qu'on  fit  quelque  réparation  à  Tabbaye.  Le  16  avril,  eu 
effet,  il  passe  — 

Un  marché  pour  la  condition  du  dourtoir  de  Flaran  avec  Jehannot 
de  Bonnegardes,  de  son  estât  charpentier,  qui  s'engage  de  bastir  à  ses 
despens  le  plancher  du  dourtoir  qui  est  sur  la  salle  capitulaire  et  la 
sacristie,  et  de  réparer  les  chambres  desdits  Cambon,  BajoUe  et  de 
Béon,  religieux  de  ladite  abbaye,  pour  la  somme  de  cent  livres  tour- 
nois (2). 

Un  autre  marché,  fait  le  22  juillet  de  la  même  année 
pour  la  construction  d'un  pont,  près  le  moulin  de  Flaran, 
sur  la  rivière  de  Baise,  et  dont  le  besoin  se  faisait  depuis 
longtemps  impérieusement  sentir,  présente  un  plus  grand 
intérêt  : 

Dans  le  chasteau  noble  de  Flarambel,  Jehan  Lugrades,  musnier  de 
Graziat,  habitant  de  la  juridiction  de  Gondom,  promet  à  Messire  Lysan- 
der  de  Gelas,  seigneur  de  Léberon,  Flarambel  et  autres  places,  etc. 
de  bastir,  dresser  et  rendre  parfaict  un  pont  sur  la  rivière  de  Baïze,  au 
devant  le  molin  de  Flaran,  lez  la  ville  de  Vallanoe,  avec  de  bons  pil- 
liers  de  bois,  une  poutre  plantée  dans  la  rivière,  et  de  bons  tabliers 
pour  le  plancher  du  pont,  le  tout  de  bois  de  chesne,  de  la  largeur  de 
huit  pans,  et  rendre  en  bon  estât  pour  pouvoir  passer  et  repasser  ladite 
rivière  d'un  bord  à  l'autre,  tant  les  personnes  que  les  chevaux,  voitu- 
res, charges,  etc.,  le  tout  moyennant  la  somme  de  six  vingt  livres 
tournois  (3). 

Ce  pont  fut  plusieurs  fois  réparé.  Il  relie  encore  aujour- 
d'hui Tabbaye  de  Flaran  à  la  ville  de  Valence  et  à  la  route  de 
Condom  à  Âuch. 

(1)  Notariat  de  Valence.  Reg.  1603,  Marignac  net. 

(2)  Idem. 

(^  Idem.  Heg.  1601-1604,  Marignac  not. 


—  424  — 

D'après  uii  Abrégé  de  l'Histoire  du  prieuré  de  Sainte- 
Livrade  (1),  Pierre- André  de  Léberon,  que  nous  ne  Irouvons 
plus  abbô  de  Flaran  dès  la  fin  de  Tannée  1603,  ne  mourut 
qu'en  1622,  le  18  du  mois  de  septembre,  dans  la  maison 
môme  dudit  prieuré.  Il  fat  enseveli,  nous  dit  ce  travail, 
«  an  pied  du  grand  aulel  de  ladite  église  prieuriale  »  (2). 

P.    BeNOU VILLE,  Pli.    LAUZUN. 

{A  suivre.) 


QUESTION 


254.  Sur  une  anthologie  Bartassienne. 

J'ai  entendu  dire  que  deux  bibliophiles,  un  de  Bretagne,  l'autre  de 
Gascogne,  ont  Fintontion  de  publier  chez  Lemerre  un  recueil  d'extraits  bien 
choisis  des  œuvres  complètes  de  notre  Du  Bartas.  Ce  projet  m'avait  d'au- 
tant plus  souri  que  les  deux  collaborateurs  sont  des  hommes  de  plus  de 
goût  et  de  talent.  Pourrait-on  me  donner  quelque  bonne  nouvelle  de  l'en- 
treprise? Si  ma  présente  question  pouvait  tomber  sous  les  yeux  d'un  des 
futurs  éditeurs,  je  le  prierais  ici  de  reproduire,  dans  l'élégant  volume 
annoncé,  les  sonnets  de  Guillaume  de  Saluste  insérés  dans  la  Muse  chres- 
tienne  de  1573  (Bordeaux,  S.  MillBuges),  Jucenilia  que  l'on  chercherait  en 
vain  dans  les  diverses  éditions  de  la  fin  du  x\  i*  siècle  et  du  commencement 

du  xvii'. 

T.  DE  L. 


(1)  Abréffé  chronologique  de  V histoire  du  prieuré  de  Sainte-Liorade  en 
Agenais  (Monasticon  be.'icdictinuni).  Bibl.  nat.  Mss.  fonds  latin.  N*  12,678. 
Notre  savant  compaliiote  M.  Ph.  Tamizey  de  f^rroque  a  résumé  avec  sou 
exactitude  habituelle  et  commenté  comme  il  sait  le  faire  cet  abrégé  un  peu 
diffus  de  Dom  Gaspar  Dumas,  dans  son  intéressante  Notice  sur  le  prieuré  de 
Sainte-LicradCf  Agen,  1869. 

(2)  D'après  M.  l'abbé  Chevalier,  dans  sa  Notice  sur  les  écêgues  de  Valence , 
Pierre- André  de  Gelas  serait  mort  en  1621.  M.  Jules  Marlon,  dans  sa  liste  des 
mêmes  évoques  fourme  par  lui  à  V Annuaire  historique  pour  l'année  18^1, 
attribue  à  sa  mort  la  même  date. 


ETUDE 

SUR 


L'INSTRUCTION   PUBLIQUE 


CHAPITRE  IX 

Réouverture  des  classes.  —  Union  des  chaires.  —  Reconstruction  du 
collège.  —  Procès.  —  Allocution  du  maire.  —  Augmentation  de  la  rente 
annuelle.  —  Prébende  préceptoriale.  —  Programme  des  distributions  des 
prix.  —  Délibération  du  25  mars  1792.  —  Liste  des  recteurs,  syndics  et 
professeurs  du  collège  de  Lectoure. 

La  paix  était  momentanément  rétablie.  La  ville  s'empressa 
détenir  ses  engagements.  L'arrêt  du  Conseil  homologuant  la 
transaction  ci-dessus  fut  prononcé  le  10  avril  4772(1),  et  le 
27  juillet  suivant  M.  Journet  rendait  une  ordonnance  auto- 
risant les  consuls  à  emprunter  la  somme  de  12,000  livres, 
dont  ils  s'étaient  reconnus  débiteurs  envers  les  Doctrinaires. 
Ceux-ci,  de  leur  côté,  avaient  haie  d'ouvrir  leurs  classes,  et 
ils  demandaient  qu'on  leur  procurât  une  maison  assez  vaste 
pour  les  exercices  scolaires  et  pour  leur  logement.  Il  ne  s'en 
trouvait  aucune  dans  la  ville  qui  remplit  cette  double  condition. 
Dans  cette  situation,  les  Pères  offrirent  de  réduire  tempo- 
rairement à  trois  les  cinq  classes  réglementaires,  de  telle  sorte 
que  le  régent  de  la  cinquième  professerait  à  la  fois  la  qua- 
trième et  la  cinquième,  un  autre  se  chargerait  de  la  rhéto- 
rique et  des  humanités.  La  classe  de  troisième  étant  la  plus 
im[>orlantc,  devait  être,  comme  précédemment,  confiée  à  un 

(•)  Voir  ci-dessus,  p.  315. 
(1)  Record  du  2  juin  1771. 


—  426  — 

maître  spécial,  el  le  cours  de  philosophie  serait  suspendu 
pendant  trois  ans  à  dater  du  commencement  de  la  recons- 
truction (1).  Celte  combinaison  ne  pouvait  être  que  tempo- 
raire; aussi  les  Doctrinaires  usèrent-ils  de  la  plus  grande 
diligence  pour  mettre  les  ouvriers  à  Tœuvre.  L'adjudication 
des  travaux  fut  effectuée  au  rabais  en  présence  du  maire,  des 
èchevins,  du  procureur  du  roi  el  de  M.  de  Puységur  (2).  Le 
bail  d'entreprise  fut  passé  le  8  février  1772,  sous  forme  d'acte 
public,  en  faveur  de  Joseph  Lapeyrère  dit  Paris,  de  Jacques 
et  Samson  Tourné  frères  et  de  François  Ducomet,  tous  les 
quatre  maçons  à  Condom,  et  retenu  par  xM'  Labat,  notaire 
royal  de  Lectoure  (3).  Les  Doctrinaires  agissaient  dans  la  plé- 
nitude de  leur  droit,  mais  il  ne  leur  était  pas  possible  de 
Texercer  valablement  si  la  ville  ne  leur  payait  pas  immédiate- 
•ment  les  4,000  livres  exigibles  dès  le  début  de  la  recons- 
truction. Les  officiers  municipaux  cherchèrent  vainement  à 
se  procurer  celte  somme  par  voie  d'imposition;  le  recouvre- 
ment en  eût  été  trop  lentement  opéré,  et  comme  il  (allait  h 
payer  sans  retard,  ils  l'empruntèrent  au  bureau  de  Thôpilal 
qui  la  leur  prêta  sur  un  reçu  du  maire  (4).  D'un  autre  côté, 
le  déplacement  du  cimetière  de  la  paroisse  du  Saint-Esprit  fut 
demandé  et  obtenu  (5).  Quatre  mois  s'étaient  écoulés  depuis 
l'adjudication  des  travaux,  et  les  entrepreneurs  n'avaient  pas 
encore  ouvert  leur  chantier  sous  prétexte  qu'ils  attendaient 
la  solution  d'un  procès  engagé  par  eux  contre  un  carrier 
nommé  Banel.  Celui-ci  se  refusait  à  leur  vendre  la  pierre 
employée  d'ordinaire  à  Lectoure,  et  comme  en  leur  qualité 
d'étrangers,  ils  ne  connaissaient  pas  les  carrières  des  envi- 
rons de  la  ville,  les  consuls  craignaient  qu'ils  ne  bâtissoul 
avec  la  pierre  de  Lauba,  qui  était,  paraît-il,  de  mauvaise 


(1)  Record  du  13  octobre  1771. 

(2)  Record  du  5  janvier  1772. 

(3)  Minutes  de  M'  lAtour,  notaire  à  Lectoure. 

(4)  Record  du  8  février  1772. 

(5)  Record  du  3  juin  1772. 


—  427  — 

qualité.  Etant  intéressés  «  à  la  reconstruction  indispensable, 
prompte  et  solide  du  collège  » ,  ils  se  présentèrent  comme 
partie  intervenante  au  procès  et  défendirent  aux  entrepre- 
neurs de  se  servir  soit  de  la  pierre  de  Lauba,  soit  des  arbres  de 
la  forêt  du  Ramier,  qui  ne  valaient  rien  pour  la  charpente  (i). 
Le  collège  était  entièrement  rebâti  en  1775.  Le  P.  Dordé, 
délégué  du  provincial  de  Toulouse,  demanda  à  M.  de  Mon- 
dran,  maire,  de  choisir  des  experts  chargés  de  visiter  les 
travaux,  au  bon  état  desquels  la  ville  était  intéressée,  puis- 
qu'en  sa  qualité  de  propriétaire  elle  demeurait  chargée  des 
grosses  réparations.  Guillaume  Laguillermie  cadet,  maître 
charpentier,  et  Pierre  Maraignon,  maçon,  furent  désignés  par 
la  commune  (2),  et  Tarchitecte  Mazenq  par  les  Doctrinaires, 
qui  récusèrent  Maraignon  comme  incapable,  étant  illettré,  de 
dresser  un  rapport.  Les  consuls  persistèrent  dans  leur  choi^ 
et  déclarèrent  qu'ils  se  contenteraient  des  explications  orales 
de  cet  expert  qui  fut,  plus  tard,  reconnu  inutile  (3).  Laguil- 
lermie déposa  dans  le  courant  du  mois  de  février  un  rapport 
dont  les  conclusions,  acceptées  par  toutes  les  parties  inté- 
ressées (4),  portaient  que  l'entrepreneur,  «  pour  rendre 
l'ouvrage  parfait  »,  serait  obligé  de  faire  quelques  travaux 
de  consolidation  à  la  chapelle,  dont  la  voûte  s'était  démontée 
par  suite  d'un  faux  aplomb  et  de  nombreuses  lézardes  dans 
le  mur  du  couchant  (5).  De  nouveaux  experts  furent  nom- 
més; les  entrepreneurs  choisirent  Maudon,  architecte  à  Gî\s- 
teljaloux,  en  Bazadais,  et  les  consuls  continuèrent  à  investir 
de  leur  confiance  Maraignon,  qui  fut  récusé  par  les  Pères  et 
les  entrepreneurs  (6).  En  présence  d'un  conflit  inévitable, 
les  consuls  acceptèrent  Bernard  Pandellé,  architecte  à  Agen, 
nommé  d'office  par  M.  Goulard  de  Saint-Michel,  lieutenant 

{\)  Record  du  3  juin  1772. 

(2)  Record  du  9  janvier  1775. 

(3)  Records  des  18  et  22  janvier  1775. 

(4)  Arch.  m  un.  Adhi^^sion  du  P.  Bonnet,  recteur,  en  date  du  30  mars  1775. 

(5)  Record  du  26  février  1775. 

(6)  Record  du  1"  avril  1775. 


—  428  — 

principal,  et  Antoine  Pouchel,  architecte  à  Goulens.  Le  rap- 
port de  ces  derniers  experts  (1)  fut  signifié  au  maire  par  le 
P.  Bonnet,  recteur,  qui  n'en  accepta  pas  les  conclusions  et 
demanda  la  nomination  d'un  syndic  chargé  d'intervenir  à  la 
réception  des  travaux  du  collège  et  de  la  chapelle,  qui  eut  lieu 
le  6  juin  1775  (2).  Le  maire  répondit  que  les  entrepreneurs 
ayant  traité  avec  les  Pères  et  non  avec  la  ville  qui  n'était 
point  partie  au  contrat  d'entreprise,  ceux-ci  n'avaient  nulle 
décharge  à  recevoir  de  sa  part,  et  que,  si  la  ville  avait  des 
obligations  envers  les  Doctrinaires,  les  Doctrinaires  seuls  en 
avaient  contracté  vis-à-vis  des  entrepreneurs  (3).  La  bâtisse 
étant  terminée  et  les  travaux  intérieurs  complètement  achevés, 
une  commission  composée  de  MM.  Belmont,  ancien  maire, 
Comin  cadet,  notaire,  et  Lasserre,  procureur,  déclara  que  le 
collège  pouvait  être  habité  sans  préjudice  pour  la  santé  des 
maîtres  et  des  élèves  (4),  Les  Pères,  déjà  sommés  par  délibé- 
ration du  26  février  1775  de  reprendre  le  nombre  réglemen- 
taire des  professeurs  sous  peine  de  retenue  d'une  part  pro- 
portionnelle de  leur  pension  (5),  refusèrent  d'y  obtempérer 
sous  prétexte  qu'ils  manquaient  des  meubles  nécessaires,  et 
chaque  classe  ne  fut  pourvue  d'un  professeur  spécial  qu'à 
dater  de  la  fête  de  Saint-Luc  ou  de  l'ouverture  des  cours.  La 
ville,  qui  aurait  été  en  droit  de  retenir  le  montant  de  la 
pension  des  Doctrinaires  pendant  plus  d'un  semestre,  so 
montra  généreuse  envers  eux  et  leur  paya,  comme  précédem- 
ment, l'intégralité  des  termes  échus  (6). 
Les  mesures  de  précaution  prises  par  la  municipalité  lec- 

(1)  Record  du  25  mai  1775. 

(2>  Acte  devant  Labat,  notaire  (étude  de  M*  Latour).  Le  collège  avait  codUî 
36,000  livres,  non  cx)mpris  la  valeur  des  matériaux  provenant  de  la  démolition 
des  anciens  bâtiments  et  du  mur  du  cimetière  de  la  paroisse  du  Saint-Kspnt.  Les 
I  Doctrinaires  ajoutèrent  à  la  somme  allouée  par  la  ville  celle  de  3,000  livres  que 

la  congrégation  avait  emprunt<^e  pour  achever  les  travaux,  suivant  acte  retenu 
le  13  décembre  1774,  par  Corail,  notaire  à  Toulouse. 

(3)  Reoortl  du  3  juin  1775. 

(4)  Record  du  18  avril  1775. 

(5)  Record  du  22  avril  1775. 

(6)  Record  du  10  décembre  1775. 


—  429  — 

touroise  contre  les  entrepreneurs  du  collège  et  au  besoin 
contre  les  Doctrinaires^  n'èlaient  pas  inutiles.  Le  bâtiment 
nouveau  ne  paraissait  pas  plus  solide  que  Tancien  et,  en  1778, 
la  voûte  de  la  chapelle  s'effondrait.  Les  entrepreneurs  qui  en 
étaient  responsables,  offrirent  de  la  remplacer  par  un  plafond 
à  anse  de  panier  terminé  par  une  corniche.  Cette  proposition 
fut  acceptée,  à  la  condition  que  les  poutres  de  la  charpente 
seraient  reliées  aux  murs  par  des  ancres  de  fer  (1).  Ce  n'était 
là  qu'une  consolidation  partielle,  et  l'ensemble  du  collège 
présentait  déjà,  en  1783,  une  quantité  de  détériorations  qui 
dénotaient  le  mauvais  état  des  matériaux  et  l'ignorance 
absolue  des  règles  de  l'art  chez  les  constructeurs.  Tout 
annonçait  la  chute  prochaine  de  l'édifice.  Devant  une  sem- 
blable éventualité,  le  corps  de  ville  se  décida  à  faire  tous  les 
actes  nécessaires  pour  la  sauvegarde  de  ses  droits  (2).  «Une 
sommation  fut  adressée  au  P.  Recteur,  ^Qn  de  lui  demander 
d'agir  contre  ces  entrepreneurs  et  d'exiger  d'eux  les  répa- 
rations nécessaires,  faute  de  quoi,  la  ville  l'appellerait  en 
garantie  (3).  Les  entrepreneurs  furent  également  sommés  de 
se  rendre  à  Lectoure,  dans  un  délai  de  huitaine,  pour  faire 
procéder  par  experts  à  la  vériflcation  contradictoire  des  bâti- 
ments et  assister  à  la  rédaction  d'un  procès-verbal  indiquant 
les  travaux  à  exécuter  par  eux  (4).  Ils  offrirent  un  accom- 
modement amiable,  et  sur  celte  proposition,  la  commune 
chargea  MM.  Comin,  avocat,  de  Castaing  et  Chappès,  de 
nommer  un  expert,  dont  le  mandat  complexe  consisterait  à 
établir  la  pari  de  responsabilité  des  ouvriers  pour  mal-façon 
et  celle  des  Doctrinaires  pour  défaut  d'entretien  (5).  Les 
entrepreneurs  s'étant,  deux  ans  plus  tard,  dédits  de  leur 
projet  de  transaction,  les  moyens  légaux  furent  employés 

(1)  Record  du  4  octobre  1778. 

(2)  Record  du  30  novembre  1783. 

(3)  Records  des  3  décembre  1783  et  19  décembre   1784.  Acte  de   Launes, 
huissier. 

(4)  Record  du  20  décembre  1783.  Acte  de  Caillau,  huissier. 

(5)  Records  des  24  avril  1785  et  24  juin  1787. 


—  430  — 

contre  eux;  ils  furent  accusés  de  ne  pas  s'être  conformés  à 
ravis  des  commissaires  de  la  ville  et  d'avoir  dépassé  les  devis 
stipulés  (1).  Le  sénéchal  rendit  un  appointement  en  vertu 
duquel  deux  experts  nommés  d'ofQce  déposaient,  le  43  jan- 
vier 1788,  un  rapport  concluant  à  leur  condamnation  (2). 
Un  appel  de  Tappointement  du  sénécbal  fut  interjeté  devant 
le  Parlement  et  les  entrepreneurs  demandèrent  une  seconde 
vériQcation,  à  laquelle  ils  renoncèrent  bientôt  après  (3). 

C'est  au  moment  où  les  finances  de  la  commune  de  Lee- 
toure  étaient  épuisées  par  la  reconstruction  du  collège  et  par 
les  subsides  destinés  à  la  création  des  routes  royales  (4)  que 
les  Doctrinaires  sollicitèrent  de  la  ville  un  supplément  de 
pension  sur  lequel  la  jurade  refusa  de  se  prononcer  avant  le 
retour  de  Tévêque  alors  absent  (5).  W  de  Cugnac  étant  revenu 
d'un  voyage  en  Pèrigord,  déclara  qu'il  se  désintéressait  de 
la  question  et  qu'il  pe  donnerait  aucun  avis  (6).  U  fut  alors 
décidé  que  MM.  Descamps  et  Gauran,  avocat,  rédigeraient  un 
mémoire  relatif  à  la  valeur  des  prétentions  des  Doctrinaires 
et  à  l'étendue  des  ressources  de  la  ville.  Ce  mémoire  fut 
dressé,  les  conclusions  en  furent  adoptées  et  la  jurade  statua 
qu'en  présence  d'une  demande  aussi  insolite,  il  serait  pru- 
dent de  prendre  l'avis  de  deux  jurisconsultes  du  Parlement 
de  Toulouse,  au  choix  des  rapporteurs  (7). 

Pendant  ce  temps,  les  Pères  du  collège  assignaient  la  com- 
mune devant  le  sénéchal  en  payement  de  3,000  livres  à  titre 
d'augmentation  de  pension  alimentaire  (8).  Elle  ne  se  fit  pas 
représenter  et  fut  condamnée  par  défaut  à  leur  servir  annuelle- 
ment la  somme  supplémentaire  de  1,2XX)  livres,  qu'ils  trou- 

(1)  Record  du  30  mars  1788. 

(2)  Record  du  13  janvier  1788. 

(3)  Record  du  1"  juin  1789. 

(4)  La  route  de  Lectoure  à  Condom  fut  piquetée  en  1774  par  des  ourriers  placés 
sous  les  ordres  de  M.  laroche,  ingénieur  du  Roi  (Livre  des  dépenses,  1774). 

(5)  Louis- Emmanuel  de  Cugnac,  évéquc  de  Lectoure  depuis  1772. 

(6)  Record  du  13  octobre  1776. 

(7)  Record  du  6  arrii  1777. 

(8)  Record  du  8  mai  1777. 


-  431  — 

vèreot  insuffisante  (4).  Les  Doctrinaîres  firent  appel  devant 
le  Parlement  de  Toulouse^  qui  leur  alloua  le  montant  intégral 
de  la  demande  contenue  dans  Tassignation.  La  municipalité 
attendait  la  consultation  de  ses  avocats  pour  prendre  un 
parti;  elle  n'était  pas  autorisée  à  se  défendre,  et  il  fallait 
cependant  qu'elle  se  décidât  avant  la  signification  de  Tarrêt. 
M.  Goulard,  maire,  écrivit  à  Fintendant  (2)  pour  l'informer 
de  l'issue  du  procès  intenté  à  la  ville  et  des  dangers  qui  la 
menaçaient  si  elle  négligeait  de  se  pourvoir  en  retraitement. 
Il  le  priait  de  l'excuser  si,  vu  l'urgence,  elle  n'attendait  pas 
son  autorisation  pour  se  présenter  en  justice;  il  lui  deman- 
dait cette  autorisation,  et  comme  toujours  sa  bienveillante 
médiation  (5). 

Près  de  trois  mois  s'écoulèrent  ainsi,  et  les  consuls  se  trou- 
vaient toujours  dans  le  même  embarras,  lorsque  le  Conseil 
provincial  de  la  Congrégation  leur  proposa  une  transaction 
par  voie  de  proposition  directe.  L'intervention  de  l'intendant 
qui  aurait  pu,  dès  le  début,  être  très  efficace,  devenait  inutile 
après  une  décision  judiciaire  et  aurait  paru  blessante  pour  le 
Parlement  (i).  L'autorisation  de  plaider  avait  été  concédée 
le  1"  décembre  1777,  mais  les  Pères  ayant  o|fert  de  se  con- 
tenter de  la  somme  de  2,000  livres  (5),  il  s'agissait  de  se 
prononcer  sur  cette  demande.  Le  maire  convoqua  la  jurade 
et  prit,  devant  elle,  la  parole  en  ces  termes  : 

Il  est  certain  que  vous  devez  à  la  Congrégation  des  Doctrinaires 
tous  les  égards  el  toute  la  reconnaissance  possible;  c'est  chez  elle  que 
presque  tous  vous  avez  reçu  les  premiers  principes  de  religion  et 
d'éducation;  c>.st  par  ses  soins  que  vous  avez  été  mis  à  même  de  déve- 
lopper, de  mettre  en  œuvre  et  de  faire  valoir  les  différents  talents  qui 
vous  rendent  aujourd'huy  si  recommandables;  ce  sont  ces  avantages 


(1)  Record  du  8  juin  1777. 

(2)  Douet  de  I^bouUaye,  intendatit  de  la  généralité  d'Auch  de  1776  à  1782. 

(3)  Record  du  24  août  1777. 

(4)  Record  du  9  novembre  1777. 

(5)  Arch.  mun.  [.étire  du  P.  Tapie,  provincial  de  Toulouse,  en  date  du  30 
novembre  1777. 


i . 


—  432  — 

que  vous  exaltez  et  faites  valoir  vous-mêmes  aujourd'huy  à  vos 
enfants  qui  en  profitent  après  vous,  pour  leur  inculquer  à  bonne  heure 
les  sentimens  de  gratitude  dont  vous  êtes  vous-mêmes  pénétrés.  Vous 
admirez  avec  reconnaissance  le  précieux  établissement  que  vos  pères 
ont  fait  de  notre  collège  et  vous  bénissez  leur  mémoire  d'en  avoir  eu 
ridée.  Mais  en  même  temps  vous  devez  considérer  qu'il  est  des  grands 
avantages  auxquels  on  est  quelquefois  forcé  de  renoncer  par  l'impuis- 
sance de  fournir  aux  dépenses  nécessaires,  ou  pour  se  les  procurer, 
ou  pour  se  les  conserver.  Quand  vos  pères  fondèrent  ce  collège,  la 
communauté  était  dans  une  autre  position  qu'elle  n'est  aujourd'huy; 
je  veux  dire  qu'elle  n'était  point  surchargée  de  dettes  et  d'impositions: 
elle  ne  connaissait  presque  alors  que  la  simple  taille,  dépouillée  même 
de  tous  les  accessoires  qui  y  sont  depuis  survenus.  Quoique  dans  ces 
temps  heureux,  la  somme  de  1,550  livres  fut  très  considérable,  la  com- 
munauté crut  être  en  état  de  s'obliger  à  la  payer  annuellement  pour  se 
procurer  l'avantage  d'avoir  un  colley.  L'administration  d'alors  prévit 
bien  qu'on  pourrait  dans  la  suite  demander  quelque  chose  de  plus; 
aussi  prit-elle  dans  les  actes  de  ses  obligations,  la  précaution  de  faire 
insérer  que  les  Pères  Doctrinaires  ne  pourraient  plus  rien  demander. 
Cette  précaution  paraît  encore  renouvelée  dans  la  dernière  transaction 
passée  entre  les  Pères  Doctrinaires  et  le  syndic  nommé  par  la  com- 
munauté au  sujet  de  la  i*econstruction  de  la  maison  du  collège. 
Nonobstant  tout  cela,  les  Pères  Doctrinaires  vous  demandent  aujour- 
d'hui 2,000  livres  pour  supplément  à  la  pension  originaire  de  1,550 
livres  :  encore  paraît-il  qu'ils  entendent  faire  grâce  à  la  communauté 
s'ils  n'en  exigent  pas  3,000.  Messieurs,  sans  perdre  de  vue  et  sans 
altérer  les  obligations  que  vous  avez  aux  Pères  Doctrinaires,  vous 
devez  songer  que  vous  êtes  citoyens,  que  l'administration  des  biens  de 
la  cité  vous  est  confiée  et  que  vous  devez  à  ses  intérêts  les  mêmes 
soins  et  les  mêmes  allenlions  qu'à  ce  qui  vous  est  personnel.  Or,  dans 
vos  intérêts  personnels  et  dans  les  obligations  que  vous  contractez,  vous 
envisagez  d'abord  vos  forces  et  les  balancez  ensuite  avec  les  avantages 
que  vous  devez  ou  pouvez  retirer  de  vos  traités;  peut-être  vous  est-il 
arrivé  quelquefois  de  renoncer,  comme  je  l'ai  déjà  dit,  à  certains  avan- 
tages par  la  difficulté  de  fournir  aux  frais  à  faire  pour  vous  les  procu- 
rer. Pour  en  user  donc  de  même  pour  les  intérêts  de  la  communauté, 
veuillez  examiner  ses  forces,  et  pour  cela,  considérez-la  telle  qu  elle 
est  :  je  veux  dire  chargée  de  dettes  anciennes  et  de  dettes  nouvelles 
déjà  forcément  contractées,  à  la  veille  d'en  contracter  d'autres  pour  des 
réparations  indispensables  dont  elle  est  menacée  et  qu'elle  ne  peut  évi- 


—  433  — 

ter,  comme  sont  celles  de  cette  maison  commune,  du  palais  du  séné- 
chal, du  pavé  et  des  murs  de  la  ville,  de  l'entretien  de  ses  anciennes 
avenues,  de  la  confection  des  nouvelles  projetées,  du  dédommagement 
qui  sera  dû  pour  les  fonds  qu'on  aura  pris  à  ce  sujet;  considérez 
ensuite  les  roUes  de  ses  impositions  grossies  presque  tous  les  ans  et 
toujours  susceptibles  d^augmentation  au  moindre  besoin  de  TEtat. 
Quelle  surcharge  pour  elle  dans  une  pareille  situation,  pour  payer 
annuellement  2,000  livres  de  plus  !  2,000  livres  de  supplément  pour 
un  principal  qui  n'est  que  de  1,550  livres!  2,000  livres  qui  faisaient 
autrefois  peut-être  et  lors  de  l'établissement  du  collège,  la  moitié  de 
toutes  les  charges  de  la  communauté  I  Eh  quoi  donc,  Messieurs,  lors- 
que la  communauté  ne  faisait  presque  que  4,000  livres  de  charges, 
elle  crut  que  ses  forces  ne  pouvaient  faire  accorder  au  collège  que 
1,550  livres  et  aujourd'hui  que  ses  charges  montent  à  plus  de  33,000 
livres,  pourriez-vous  croire  qu'elle  soit  en  état  de  donner  au  collège 
annuellement  2,000  livres  de  plust  Vous  devez  donc  en  revenir  tou- 
jours là,  consulter  les  forces  de  la  communauté.  Considérez  aussi  les 
avantages  que  vous  retirez  du  collège  :  oui.  Messieurs,  il  peut  se  f^ire 
qu'année  commune,  il  y  a  douze,  quinze,  vingt  jeunes  gens,  si  vous 
voulez,  de  la  juridiction,  ici  au  collège;  tout  le  reste  est  étranger; 
cependant  cet  étranger  peut  bien  par  la  consommation  qu'il  fait  en 
ville,  entrer  un  peu  en  considération  d'utilité  au  collège,  mais  cet  objet 
vous  paraîtra-t-il  d'assez   grande  conséquence?  D'après  toutes  ces 
observations,  à  quoi  vous  déterminerez-vous?  sera-ce  à  vous  défendre 
comme  vous  y  êtes  autorisés  et  à  faire  valoir  les  clauses  des  transac- 
tions par  lesquelles  les  Pères  Doctrinaires  paraissent  s'être  liés  à  ne 
plus  rien  demander  ni  exiger?  c'est  là  un  premier  party  à  prendre.  Si 
vous  l'abandonnez  par  un  esprit  de  paix,  entrerez-vous  en  composi- 
tion? Par  exemple,  vous  résoudrez- vous  à  n'exiger  plus  que  trois  clas- 
ses, en  attendant  du  bénéfice  du  temps  que  la  communauté  soit  en 
état  de  rétablir  les  six?  Ce  party  pourrait  avoir  son  mérite  :  car  la 
classe  de  philosophie  est  ici  très  inutile;  l'année  dernière,  par  exem- 
ple, il  n'y  avait  pas  d'étudiants  et  cette  année-ci  il  n'y  en  a  que  deux 
ou  trois.  Le  cours  de  philosophie  fait  ici  ne  servant  point  pour  le  grade, 
il  n'est  point  merveilleux  que  les  parents  envoyent  leurs  enfans  le  faire 
dans  des  collèges  où  il  peut  être  ou  nécessaire  ou  compté  pour  quelque 
chose  dans  le  grade;  quant  aux  autres  classes,  elles  ne  sont  pas  assez 
nombreuses  pour  être  un  obstacle  que  le  même  régent  ne  fasse  la  cin- 
quième et  la  quatrième,  qu'un  autre  ne  fasse  encore  la  seconde  et  la 
rhétorique,  et  je  pense  que  la  troisième  comme  la  plus  essentielle  soit 


—  434  — 

confiée  à  un  seul  régent;  dans  les  circonstances  présentes^  un  pareil 
party  paraîtrait  être  assez  assorti  aux  embarras  multipliés  où  la  com- 
munauté se  trouve.  Vous  déterminerez-vous  encore  à  ne  plus  avoir 
dutout  de  collège  et  à  remercier  les  Pères  Doctrinaires^  J'avoue  que 
nous  avons  vu  autrefois  le  moment  où  les  choses  allaient  être  ainsi,  je 
veux  dire,  où  les  Pères  Doctrinaires  allaient  être  forcés  ou  de  se  retirer, 
ou  d'abandonner  les  prétentions  qu'ils  avaient  alors  formées  pour  la 
reconstruction  de  la  maison  du  collège;  mais  les  choses  changèrent  de 
face  et  il  serait  inutile  de  rien  plus  rappeller  aujourd'hui  à  ce  sujet.  Le 
party  donc  de  ne  plus  avoir  de  collège  et  de  remercier  les  Doctrinaires 
parait  d'abord  révoltant  parceque,  après  avoir  été  dans  Thabitude 
d'avoir  un  collège,  de  l'avoir  regardé  comme  un  monument  et  un  éta- 
blissement qui  fait  honneur  à  la  ville  et  lui  procure  un  grand  avan- 
tage, on  ne  peut  sans  émotion  concevoir  l'idée  d'en  être  privé!  Mais 
tout  cela  tient  du  préjugé  parcequ'en  tout  on  doit  proportionner  la 
dépense  à  la  valeur  et  à  l'avantage  de  l'objet  qu'on  a  à  acquérir  ou  à 
conserver.  Enfin,  Messieurs,  fairez-vous  quelque  proposition  aux 
Pèi;es  Doctrinaires?  Leur  offrirez-vous  une  augmentation  de  pension 
quelconque?  Accéderez-vous  à  la  demande  qu'ils  vous  font  de  2,000 
livres?  C'est  à  prendre  un  de  tous  ces  partis  ou  quelqu'autre  meilleur 
que  votre  sagesse  pourra  vous  inspirer  que  vous  êtes  priés  de  vous 
déterminer  après  qu'on  vous  aura  fait  la  lecture  de  l'ordonnance  de 
M.  l'Intendant  et  delà  lettre  du  P.  Provincial  des  Doctrinaires. 

Sur  cet  exposé,  des  remerciements  furent  votés  au  P.  Rec- 
teur qui  avait  arrêté  le  procès,  et  on  le  pria  de  se  contenter 
de  1,200  livres  que  MM.  Guillon  et  Gauran  furent  chargés  de 
lui  offrir  dans  l'espoir  que  le  conseil  provincial  reconnaîtrait 
les  sacriûces  de  la  ville  et  le  désir  de  pacification  qui  ranimait. 
Dans  le  cas  où  la  congrégation  refuserait  cette  proposition, 
la  jurade  demandait  quMl  fut  procédé  sans  délai  au  dénom- 
brement des  biens  possédés  par  les  Pères  de  la  maison  de 
Lectoure  (4). 

Le  conseil  provincial  n'accepta  pas  les  offres  de  la  ville 
et  il  déclara  que  si  on  n'allouait  pas  1,500  livres,  il  faisait 
convertir  l'arrêt  provisoire  en  arrêt  définitif.  En  présence 

(1)  Record  du  7  décembre  1777. 


—  435  — 

d'une  telle  prétention,  deux  partis  se  formèrent  au  sein  de  la 
jurade;  les  uns  penchaient  vers  l'acceptation  du  chiffre  pro- 
posé et  les  autres  vers  le  renvoi  des  Doctrinaires.  Après  une 
longue  discussion,  il  fut  décidé  que  la  ville  leur  donnerait  le 
supplément  de  1,500  livres  à  dater  du  1"  janvier  1778  et 
que  s'ils  refusaient  ce  point  de  départ,  !e  collège  serait  réduit 
à  trois  classes  comme  celui  de  Gimont  (1).  Un  délai  d'un  mois 
leur  fut  accordé  pour  fournir  leur  réponse.  Elle  fut  favora- 
ble, et  une  ordonnance  de  l'intendant  Douet  du  18  juin 
1778  et  un  arrêt  du  Conseil  du  Roi  du  20  juillet  1779  auto- 
risèrent la  communauté  à  transiger  sur  ces  bases,  qui  devin- 
rent définitives  (2). 

Les  procès  et  les  transactions  elles-mêmes  entraînaient  la 
ville  dans  des  dépenses  considérables,  et  il  était  de  son  devoir 
de  se  créer  des  ressources  nouvelles  pour  les  supporter.  Elle 
résolut  d'obliger  le  Chapitre  à  lui  donner  le  revenu  de  la  pré- 
bende préceptoriale  qui  devait  être  affecté  à  l'entretien  du 
collège.  Ce  revenu  avait  considérablement  augmenté  depuis 
l'année  1050^  quoiqu'il  fût  toujours  payé  suivant  le  taux  primi- 
tif au  lieu  de  l'être  d'après  son  état  actuel.  MM.  de  Puységur 
et  de  Castaing  rédigèrent  on  faveur  de  la  communauté  un 
mémoire  présenté  à  l'intendant  avec  une  requête  sollicitant 
de  lui  l'autorisation  d'assigner  le  Chapitre  devant  le  Séné- 
chal (3). 

L'intendant  Douet  rendit  le  17  septembre  1775  une  ordon- 
nance par  laquelle  il  accueillait  favorablement  la  demande  du 
corps  de  ville,  et  le  11  octobre  il  lui  permettait  de  poursuivre 
son  action  contre  le  Chapitre  de  Sahit-Gervais.  Deux  syndics 

(1)  Records  des  ^  janvier  et  17  mai  1778. 

(2)  Records  des  8  juin  et  4  octobre  1778.  Les  officiers  municipaux  de  Lectoure 
firent  bien  de  transiger,  car  ils  auraient  probablement  perdu  leur  procès  devant 
le  Parlement.  Le  P.  Théron,  doctrinaire  de  Toulouse,  écrivait,  en  effet,  le  14 
mai  1778  au  V,  Thomas,  recteur  du  collège  :  «  Nous  poursuivrons  un  arrêt,  et 
»  j'espère  l'obtenir  dans  peu.  J'ai  éé}\  parlé  k  l'avocat  et  au  procureur  deux 
n  fois.  J'ay  vizité  presque  tous  les  grands  chambriers;  ils  me  paraissent  bien 
»  disposés...  » 

(3)  Record  du  16  mai  1773. 


—  436  — 

nommés  par  la  jurade  furent  chargés  de  représenter  les  con- 
suls jusqu'à  rissue  du  procès  (1).  Pendant  la  durée  de  Tins- 
tance,  les  chanoines  refusèrent  de  payer  la  somme  habituelle 
de  200  livres  pour  la  valeur  de  la  préceptoriale;  les  Doctri- 
naires s'en  plaignirent  à  la  commune,  qui  engagea  les  cha- 
noines à  agir  comme  par  le  passé,  sauf  à  prier  Tévéqne  de 
s'interposer  en  cas  de  difficulté  (2).  Ces  difficultés  naquirent 
à  la  suite*  d'un  arrêt  du  6  septembre  1774,  en  vertu  duquel 
le  parlement  relaxa  le  Chapitre  des  fins  de  la  poursuite 
intentée  contre  lui  et  lui  imposa,  comme  obHgation  unique, 
d'ériger  en  préceptoriale  la  première  prébende  majeure  qui 
serait  vacante.  Jusqu'au  moment  de  cette  vacance  il  devait 
continuer  à  payer  annuellement  les  200  Uvres  stipulées  dans 
le  contrat  du  12  octobre  1630.  Une  prébende  ayant  vaqué  au 
commencement  du  mois  de  mars  de  l'année  1780,  le  Chapi- 
tre, en  exécution  de  l'arrêt,  l'érigea  en  préceptoriale  et  fit 
titre  en  cette  qualité,  en  faveur  de  M.  Soûles,  le  14  du 
même  mois.  Il  dénonça  le  22  août  1780  aux  consuls  l'acte 
qu'il  venait  d'accompUr,  et  se  croyant  p^r  là  dispensé  de 
payer  la  rente  de  200  livres,  il  ne  versa  plus  aucune  somme 
entre  les  mains  du  corps  de  ville,  de  telle  sorte  qu'en  1787  il 
devait  un  arriéré  de  1,400  livres,  dont  la  commune  était  res- 
ponsable envers  les  Doctrinaires.  Les  Pères  n'intentèrent  de 
ce  chef  aucune  action  en  justice;  ils  se  bornèrent  à  réclamer 
verbalement  ce  qui  leur  était  légitimement  dû.  La  municipa- 
lité prit  leur  défense  (5)  et  la  cause  était  en  instance  devant 
le  parlement  lorsque  le  procès  prit  fin,  en  1790,  par  suite  de 
la  suppression  du  Chapitre  cathédral. 

Nous  avons  dit  plus  haut  qu'à  dater  de  la  Saint-Luc  et  de 

» 

(1)  Records  des  20  mai  et  17  octobre  1773.  MM.  de  Jolis  et  Ricard,  avocats  à 
Toulouse,  avaient  rédige  le  5  octobre  1773  une  consul  tation  en  faveur  de  la  com- 
mune. —  Actes  du  4  octobre  1774  et  transaction  entre  les  Chanoines  et  les  pré- 
bendes de  Saint-Gervais  au  sujet  de  la  Préceptoriale  en  date  du  5  novembre  1774, 
sur  la  médiation  de  l'évêque.  (Comin  notaire). 

I  (2)  Record  du  24  avril  1785. 

!  (3)  Record  du  9  mai  1787. 


—  437  — 

la  renlrée  des  coui-s  en  1775,  après  rachévement  du  collège, 
chaque  classe  avait  été,  comme  précédemment,  pourvue  d'un 
professeur  spécial.  Ces  classes  étaient  régulièrement  suivies; 
mais  la  fin  de  Tannée  scolaire,  qui  se  clôturait  le  25  août, 
n'était  marquée  par  aucune  solennité,  les  élèves  les  plus 
méritants  ne  recevant  pas  de  prix.  L'établissement  leclourois 
était  le  seul  qui  n'en  distribuât  pas  et  il  résultait  de  là  un 
défaut  d'émulation  préjudiciable  au  progrès  des  études.  Les 
Doctrinaires  auraient  fait  eux-mêmes  quelques  sacrifices 
pour  l'achat  des  livres  de  prix  si  leurs  ressources  le  leur 
avaient  permis.  Ils  possédaient,  il  est  vrai,  deux  métairies, 
mais  ils  les  avaient  acquises  à  des  conditions  onéreuses  et 
leur  revenu  représentait  les  honoraires  de  fondations  pieuses 
à  remplir,  telles  que  missions,  messes,  retraites,  catéchis- 
mes, prières  et  aumônes  (1).  D'un  autre  côté  ils  avaient  été 
obligés  de  vendre,  le  10  mai  1787,  deux  maisons,  pour  sub- 
venir à  leur  propre  entretien  et  parer  aux  charges  du  col- 
lège (2).  Les  consuls,  reconnaissant  la  légitimité  de  la 
demande  des  Doctrinaires,  votèrent  une  somme  de  cent  livres 
pour  l'achat  d'ouvrages  à  distribuer  en  prix  (3). 

(1)  Arch.  mun.  Lettre  du  28  juillet  1776  écrite  par  le  P.  Corbin,  provincial  des 
Doctrinaires,  aux  consuls  de  Lectoure.  Outre  les  deux  métairies  indiquées  plus 
haut,  les  Doctrinaires  possédaient  15  journaux  de  vigne  au  quartier  de  Parriou- 
1ère,  acquis  au  prix  de  250  livres,  suivant  acte  passé  devant  Bégué  notaire,  le 
8  mars  1709.  (Etude  de  M-  Boue  du  Boislong). 

(2)  Acte  devant  Labat  notaire  (Etude  de  M*  Latour).  Ces  deux  maisons  conti- 
gués  au  jardin  du  collège  furent  vendues  à  Pierre  Juillera,  marchand  à  Lec- 
toure, moyennant  la  somme  de  2,700  livres,  en  vertu  d'une  délibération  du 
conseil  de  la  province,  datée  du  19  décembre  1786  et  basée  sur  «  la  détresse  du 
collège  ». 

(3)  La  somme  de  100  livres  fut  votée  jusqu'en  1791  (Délib.  du  comité  perma- 
nent de  la  commune  de  Lectoure,  du  13  juillet  1790).  Ces  livres  devaient  être  vrai- 
semblablement achetés  à  Agen,  à  Toulouse  ou  à  Condom,  car  jusqu'à  l'installa- 
tion des  frères  Guilhon,  en  1794,  Lectoure  ne  possédait  ni  imprimerie  ni  librairie. 
Nous  avons,  il  est  vrai,  trouvé  sur  les  registres  de  catholicité  de  la  paroisse  du 
Saint-Esprit  le  décès  de  Jean  Salamon,  maître  imprimeur,  survenu  à  Lectoure 
le  10  janvier  1626,  mais  rien  ne  prouve  que  cet  ouvrier  ait  exercé  sa  profession 
dans  noire  ville.  11  y  était  sans  doute  né,  puisque  Jean  Salamon,  praticien,  son 
père,  y  est  inscrit  sur  le  livre  terrier  de  1612  (p.  331)  comme  possédant  une  mai- 
son au  quartier  de  Constantin,  et  il  dut  y  mourir  accidentellement.  Si  Lectoure 
avait  eu  un  imprimeur,  les  consuls  se  seraient  adressés  à  lui  pour  les  papiers 
de  la  communauté  et  non  à  Arnaud  Manas,  imprimeur  à  Coudom,  à  Raymond 

Tome  XXX.  29 


—  438  — 

M.  Malus,  conseiller  au  présidial  et  premier  consul,  se 
transporta  au  collège  avec  M.  de  Boubèe,  avocat  du  roi,  et 
ils  réglèrent  avec  le  P.  Recteur  Tordre  qu'il  conviendrait 

Gayau  et  à  Jean  Non  bel,  imprimeurs  à  Agcn,  comme  ils  le  firent  en  1638, 1750 
et  1766  (Arch.  mun.  Livres  des  dépenses). 

Parmi  les  imprimeurs  et  les  libraires  de  Condom,  qui  étaient  les  plus  voisins 
de  Lectoure,  nous  pouvons  citer  : 

Arnaud  Manas,  imprimeur  libraire  et  relieur,  établi  à  Condom  dès  l'année 
1602,  dont  nous  possédons  «  I.e  Rituel  ou  Cérémonial  romain  »  et  «  le  Fonuu- 
laire  de  prosne  pour  tous  les  Recteurs  et  vicaires  du  diocèse  de  Condom  »,  aux 
armes  de  Mgr  de  Cous,  in-8',  1638.  Il  était  marié  avec  Anne  Lauberjat.  dont  il 
n'eut  pas  d'enfants  et  qui  fit  un  testament  public  en  date  du  20  juin  1653. 
(Suberbie,  not.  à  Condom,  étude  de  M*  Lagorce). 

Guillaume  et  Jkan  Laplace,  frères,  libraires  en  1618  et  1646  (Actes  des  4 
novembre  1618  et  2  mai  1646,  Dericheome,  not.  à  Condom,  même  étude). 

Jean  Chazot,  libraire  en  1620  (Acte  du  15  octobre  1620,  même  notaire). 

Marie  Laplace,  mère  de  Jean  Laplace,  marchand  libraire  d'Agen,  libraire 
à  Condom  en  1650  (Acte  du  14  fé^nrier  1650,  Dupuy,  not.  à  Condom,  même 
étude). 

Jean  Roudet,  libraire  dès  1660,  sur  lequel  Bru,  libraire  d'Agen  tirait  en  1670 
une  «  lettre  d'échange  »  de  60  livres.  Sa  boutique  était  près  de  la  halle  et  il  y 
exerçait  encore  sa  profession  en  1(586  (.\ctes  des  23  septembre  1670  et  14  septeni- 
bre  1686,  de  Rizon  et  Dupuy^  not.  à  Condom,  études  de  M"  Préchac  et  Lagorce). 

Etienne  Dubois^  marchand  de  Condom,  était  chargé  par  Jean  Gayau  père, 
imprimeur  du  roi  et  libraire  à  Agen,  de  vendre  les  produits  de  son  imprimerie 
et  de  sa  Ubrairie.  C'est  à  raison  des  conventions  intervenues  entre  eux  à  ce 
sujet  que  Jean  Gayau  fils,  libraire,  agissant  pour  le  compte  de  son  père,  lui 
réclama  le  14  janvier  1665  la  somme  de  400  livres  (Saint-Estèphe,  not.  ù  Con- 
dom, étude  de  M'  Lagorce). 

Ti.mothl:e  Gayau,  imprimeur  et  libraire  établi  à  Condom  dès  1684  et  logi»  en 
1689  dans  la  maison  de  Jean  Roudet,  décédé  à  cette  date  (Acte  du  10  mars  1689, 
de  Rizon,  not.  à  Condom,  étude  de  M*  Préchac). 

Jacques  Dkstadens,  imprimeur-libraire,  établi  avant  1689  comme  libraire, 
s'était  engagé  dans  le  courant  de  cette  année  envers  les  consuls  à  faire  porter 
une  imprimerie  à  Condom.  11  exerçait  encîore  en  1703  et  céda  son  imprimerie  i 
Bernard  Larroire,  son  gendre  (Actes  des  24  avril  1689  et  25  février  1703,  de 
Rizon  et  Legras,  not.  à  Condom,  études  de  MM"  Préchac  et  Lagorce). 

Antoine  Doaz^vn,  imprimeur  en  1690  (Acte  du  7  juin  1690,  de  Rizon,  not.  à 
Condom,  étude  de  M'  Préchac). 

Jkan  Mesplet,  libraire  en  1690  et  1692  (Actes  dos  7  juin  1690  et  1"  juin  Wî, 
de  Rizon  et  Dupuy,  not.  à  Condom,  études  de  MM**  Préchac,  3t  Lagorce). 

Bernahd  Imiihoirk,  imprimeur-libraire,  marié  avec  Marie  Destadens,  fit  sou 
apprentissage  à  Bordeaux  chez  Pierre  Séjourné  et  commença  à  exercer  à  Con- 
dom en  1723,  après  avoir  été  admis  par  les  consuls  aux  gages  de  50  livres  par 
an,  suivant  délibération  du  27  novembre  1723  (Andrieu,  His^t.  d$  Vlmp.  ff* 
A(fenais).  Il  a\  ait  eu  de  son  mariage  six  enfants,  parmi  lesquels  nous  remar- 
quons :  Pierre  Jacques,  qui  lui  succéda;  Charles  Vital,  régent  sixième  auccUèg* 
de  Condom  en  1766  et  maître  de  pension  à  Mézin  en  1788;  Françoise  Elisabeth, 
mariée  en  1754  avec  Jean- Baptiste  Roy,  maitre  écrivain  à  Condom,  et  Jeanne 
Jac<iiictte,  religieuse  h  l'hôpital  général  de  ia  Manufacture  de  Condom,  qui  l«ta 
le  26  janvier  1773  en  faveur  de  Charles  Vital  son  frère  (.\ctes  des  12  juin  1766. 


—  439  — 

crobserver  dans  celte  cérémonie  (1).  Le  voici,  tel  qu'il  fut 
arrêté  avec  les  Pères  du  collège  et  adopté  par  la  jurade  le 
27  juin  4784  : 

Plan  à  suivre  dans  la  distribution  des  prix  arrêté  entre  les  Révé- 
rends Pères  Doctrinaires  du  collège  de  la  ville  de  Lectoure  et 
MM.  Malus,  conseiller  au  presidial  et  premier  consul  de  ladite  ville, 
et  Boubée,  avocat  du  roi  au  dit  siège,  commissaires  députés  &  cet  effet 
par  la  délibération  du  31  mai  dernier,  et  agréé  par  la  communauté 
ainsi  que  suit  : 

Art.  I.  —  La  distribution  des  prix  sera  faite  le  jour  de  la  clôture 
du  collège,  qui  demeurera  fixée  à  l'avenir  au  25  août  de  chaque  année; 

Art.  n.  —  Quelque  temps  avant  la  fin  de  Tannée,  le  R.  Père  Préfet 
du  collège  présentera  à  MM.  les  officiers  municipaux  la  liste  des 
livres  qu'il  aura  choisis  pour  servir  de  prix  cette  année,  pour  les  leur 
faire  agréer,  et  agréés  qu'ils  soient,  MM.  les  officiers  municipaux  les 
achèteront  jusques  et  à  concurrence  de  cent  livres  comme  ils  y  sont 
authorisés; 

Art.  m.  —  Les  livres  reçus  seront  déposés  dans  Thôtel  de  ville  ou 
ils  seront  gardés  jusqu'au  temps  de  la  distribution  qui  en  sera  faite; 

Art.  IV.  —  Trois  ou  quatre  jours  avant  ladite  distribution,  les 

10  août  1788,  16  janvier  1754  et  26  janvier  1773,  Reynaut-Come,  I^acapère  et 
Fugens,  not.  à  Condom,  étude  de  M*  Lagorce). 

Pierre-Jacques  Larroire,  marié  à  Jeanne-Laurence  Joli,  succéda  à  son  père 
dès  1751  et  son  imprimerie  lui  appartenait  encore  en  1785*  (Actes  des  6  août  1751 
et  28  mars  1785,  Reynaut- Corne  et  Pugens,  not.  à  Condom,  même  étude). 

Antoine  Delrieu,  marchand  libraire  en  1732  (Acte  du  2  novembie  1732, 
Pugens,  not.  à  Condom,  même  étude). 

Bertrand  Dbmail,  imprimeur  en  1765  (Acte  du  24  mars  1765,  même  notaire). 

Joseph  Crêpe,  imprimeur  en  1772  (Acte  du  27  novembre  1772,  Reynaut- 
Corne,  not.  à  Condom,  même  étude). 

Etienne  Fournie,  libraire  en  1780  et  1788  (Actes  des  22  novembre  1780  et 
1"  juillet  1788,  Lannet  et  Reynaut-Come,  not.  à  Condom,  même  étude). 

Jean  Larroire,  imprimeur-libraire  en  1786  (Acte  du  8  octobre  1786,  Rey- 
naut-Come, not.  à  Condom,  même  étude). 

Bernard  Dupouv,  fils  de  Jean  Dupouy,  marchand,  et  de  Marie  Dégue,  entra 
le  1"  janvier  1781  en  qualité  d'apprenti  chez  Pierre-Jacques  Larroire  et  se 
maria  le  28  mars  1785  avec  la  fille  de  son  patron,  nommée  Jeanne.  Aux  termes 
du  contrat  de  mariage  passé  entre  eux,  Larroire  constitua  en  dot  à  sa  fille  l'en- 
tière imprimerie  avec  son  outillage,  sous  la  réserve  de  la  moitié  des  profits  et 
de  l'exercice  commun  de  leur  profession.  Cette  association  dura  jusqu'à  la 
Révolution  (Actes  des  10  janvier  et  28  mars  1785,  Pugens,  not.  à  Condom, 
même  étude). 

(1)  Record  du  31  mai  1784. 


—  440  — 

livres  seront  portés  au  collège  sur  la  demande  du  P.  Préfet  pour  y 
être  arrangés  et  classés  d'après  les  dispositions  laites  par  les  RR.  Pètes 
Recteur,  Préfet  et  les  professeurs  respectifs,  conjointement  avec 
MM.  les  officiers  municipaux,  et  on  aura  soin  de  garder  dans  ces 
dispositions  les  proix)rtions  d'une  classe  à  une  autre; 

Art.  V.  —  Il  sera  établi  trois  prix  dans  les  classes  de  rhétorique, 
de  seconde  et  de  troisième,  et  deux  dans  chacune  des  deux  autres,  et 
les  RR.  PP.  Recteur,  Préfet  et  les  professeurs  respectifs  décideront 
du  mérite  des  élèves  auxquels  les  prix  seront  adjugés,  le  tout  préala- 
blement communiqué  à  MM.  les  officiers  municipaux; 

Art.  VI.  —  Les  armes  de  la  ville  seront  gravées  sur  un  papier 
volant  avec  cette  devise  :  Ex  munijicentià  cicitatis  Lectorensh.  Sur 
ce  papier  ser#  écrit  le  certificat  du  R.  Père  Préfet,  et  ce  papier  sera 
collé  dans  l'intérieur  du  livre  pour  servir  de  monument; 

Art.  vn.  —  Le  jour  de  la  distribution  des  prix,  les  livres  classés  et 
ornés  seront  remis  vers  le  matin  à  Thôtel  de  ville  pour  êuce  portés  de 
là  en  triomphe  au  collège  et  y  être  distribués; 

Art.  viii.  —  Le  jour  de  la  distribution,  vers  les  tiws  heures  du 
soir,  MM.  les  ofliciers  municipaux  se  rendront  à  l'hôtel  de  ville  au  son 
de  la  cloche  dudit  hôtel  qui  donnera  le  signal  de  leur  arrivée;  aussitôt, 
les  écoliers  qui  doivent  faire  ce  jour-là  un  exercice  littéraire  se  ren- 
dront à  l'hôtel  de  ville  précédés  de  deux  drapeaux  et  de  fanfares,  pré- 
senteront leurs  hommages  à  MM.  les  officiers  municipaux  revêtus  des 
marques  de  leur  dignité  et  auront  l'honneur  de  les  accompagner  jusques 
au  collège,  où  ils  seront  reçus  à  la  grande  porte  par  les  RR.  PP.  Rec- 
teur et  Préfet,  et  conduits  à  la  salle  des  exercices.  Les  livres  ornés  de 
lauriers  seront  portés  en  grande  cérémonie  et  précéderont  MM.  les 
officiers  municipaux  dans  leur  marche; 

Art.  IX.  —  Dès  que  MM.  les  ofliciers  municipaux  auront  pris  leur 
place,  l'exercice  fini,  le  R.  Père  Préfet  du  collège  nommera  ceux  qui 
auront  mérité  d'être  couronnés;  les  candidats  recevront  leurs  prix;  ils 
en  fairont  hommage  à  chacun  de  MM.  les  officiers  municipaux; 

Art.  X.  —  La  distribution  des  prix  faite,  MM.  les  officiers  muni- 
cipaux reviendront  à  l'hôtel  de  ville  dans  le  même  ordre  qu'ils  seront 
venus  au  collège;  ils  seront  précédés  de  ceux  des  écoliers  qui  auront 
remporté  des  prix  ou  mérité  des  couronnes  et,  arrivés  à  l'hôtel  de  ville, 
ils  fairont  leurs  remcrciemenls  à  Messieurs  leurs  protecteurs  (1). 

(1)  Uecord  du  27  juin  1784. 


—  441  — 

L'exercice  lilléraire  du  collège  de  Lecloure  consistait  eu 
une  série  de  dissertations  sur  des  sujets  religieux^  poétiques 
et  historiques,  choisis  par  les  maîtres  et  développés  par  les 
élèves.  Nous  n'en  avons  retrouvé  que  deux  exemplaires,  Tun 
chez  un  chiffonnier,  et  Tautre  aux  archives  municipales. 
Celte  rareté  s'explique  par  le  très  petit  nombre  d'épreuves 
distribuées  aux  personnes  de  qualité  qui  y  assistaient.  Le  pre- 
mier, en  date  du  50  juillet  4714,  est  imprimé  sur  une  feuille 
de  papier  de  dimension  ordinaire,  sans  ornements,  et  con- 
tient les  indications  suivantes  : 

GUM  DEO 

PUBLIGAS   HABEBUNT  EXERG[TATIONES 

IN  GOLLEGIO  LEGTORËNSI 

PATRUM   DOGTRINiE   GHRISTIAN.fi. 

HUMANISTiE 

UT   STUDII   SUI    PRiEBEANT    ARGUMENTA. 


Interrogati,  Memoriter  et  Gallice  reddent. 

1°  Octo  capita  Actuum  ApostoLorum. 

2^  Tertiam  Ciceronis  Orationem  in  Catilinam. 

3''  Secundum  librum  Iloratii  Satirarum. 

4*^  Tertium  Quiiiti-Curtii  librum  de  rébus  gestis  Alexandri  magni, 

5*^  Aphlonii  Progiumasmata  de  fabula,  narratione  et  chriâ. 


Agrent  adjuvante  superna  sapientià,  die  30  mensis  Julii, 
hora  3%  post  meridiem.  Anno  1714. 


Guillelmus  Agasson. 
Fj'anciscus  Despons. 
Josephus  ViTALis. 
Jaeobus  Agasson. 
Josephus  Merlin. 

Adeste  viri  Lectorenses  ornatiasimil 


Joannes  Saintavit. 
Joannes  Granier. 
Joannes  Soucaret. 
Joannes  Gauran. 
Joannes  Dubosc. 


—  442  — 

Le  second  exemplaire  consiste  en  deux  feuilles  de  grand 
papier,  juxtaposées,  collées  sur  une  toile  et  mesurant  ensemble 
0"  95  de  hauteur  sur  0"  65  de  large,  La  première  moitié  esl 
occupée  par  une  gravure  représentant  la  famille  de  Darius  aux 
pieds  d'Alexandre,  d'après  Le  Brun;  au-dessous  et  entre  deux 
cariatides  supportant  un  encadrement  timbré  d'un  écu  aux 
armes  de  France,  le  programme  suivant  esl  imprimé  sur  deux 
colonnes  parallèles  : 

Exercice  lUtéraire  dédié  à  Messieurs  Despiau,  maire,  LéglisCy 
Maragnorij  Suberoie,  Dumoulin,  Cazenoce,  Guilhon,  Vallée , 
SalesseSy  officiers  municipaux  de  la  ville  de  Lectoure,  Gaaran^ 
procureur  de  la  commune,  par  Messieurs  : 

Antoine  Duplan  d'Aubiac;  —  François  Davasse,  de  Saint-Créac; 
—  Jean  Couaix,  de  Lectoure;  —  Jean  Pécastaing,  de  Lectoure;  — 
Pierre  Comin,  de  Lectoure;  —  Pierre  Cézei-ac,  de  Plieux,  écoliers  de 
seconde  au  collège  royal  de  Lectoure  des  Prêtres  séculiers  de  la  Doc- 
trine chrétienne. 

L  Ecriture  Sainte  :  Première  épître  de  Saint  Paul  à  Tiino- 

thée 

H.  Elémens  de  Littérature  :  Définition  du  mot  art 

IIL  De  la  Poésie  en  général  :  Définition  de  la  poésie 

IV.  Genre  narratif  :  De  Tapologue;  de  la  poésie  pastorale;  de  la 

poésie  épique 

V.  Genre  dramatique  :  Du  drame  en  général;  de  la  tragédie  en 

général;  de  la  comédie 

VL  Genre  lyrique  :  De  Tode;  de  Télégie... 
VIL  Genre  didactique  :  De  la  satyre;  de  Tépître  en  vers;  des 

pièces  fugitives 

VI IL  CicÉRON  :  Seconde  Catilinaire 

IX.  Quinte-Curce  :  Histoire  d'Alexandre  le  Grand. 
X.  Géographie  :  Amérique 

Cet  exercioe  se  fera  le  25  du  mois  d'août  1790,  dans  la  salle  ordinaire 
du  collège,  et  sera  suivi  de  la  distribution  générale  des  prix  (1). 

(1)  Agen,  chez  la  veuve  Noubel,  imprimeur-librair©,  rue  Garonne.  Nousavon^ 
trouvé,  serv'ant  de  couverture  aux  minutes  de  M*  Gauran,  notaire  à  Lectoure. 
année  1775,  un  fragment  d'exercices  classiques  et  liUtéraires  soutenus  par  ie$ 


—  443  — 

La  Révolution  marchait  à  pas  précipités^  et  les  Doctrinaires 
ne  devaient  pas  rester  longtemps  au  collège  de  Lectoure.  Les 
biens  qu'ils  possédaient  à  Notre-Dame  de  Tudet,  consistant 
en  une  métairie  de  36  concades  et  9  places  de  pré,  au  lieu 
dit  d'Endemort,  fureat  soumissionnés  le  31  juillet  1790  (1) 
et  saisis  comme  leurs  autres  immeubles  (2).  Il  ne  leur  restait 
plus  que  la  subvention  municipale,  dont  ils  réclamèrent  le 
payement  par  acte  d'assignation  du  24  décembre  1791  (3). 
La  commune  répondit  à  leur  demande  par  une  délibération 
du  25  mars  1792,  prise  à  la  suite  de  Texposé  suivant  du 
maire  Lagrange  : 

«  Messieurs,  uu  motif  d'économie  excile  la  proposition  que  j'ai  aujour- 
d'hui riionneur  de  vous  faire;  je  m'empresse  de  vous  en  développer 
les  motifs  que  je  puise  dans  Tobligation  de  chaqun  de  nous  à  s'occuper 
de  tout  ce  qui  peut  contribuer  à  Tavantage  de  la  communauté.  La 
masse  des  charges  locales  jointe  à  l'augmentation  considérable  des  im- 
positions ordinaires  fait  accroître  les  difficultés  de  les  acquitter,  et  le 
surenchérissement  des  denrées  met  le  pauvre  dans  la  même  impossi- 
bilité. Cette  communauté  paye.  Messieurs,  aux  Doctrinaires  une  pen- 
sion de  3,250  livres;  les  causes  qui  déterminèrent  nos  prédécesseurs  à 
cette  contribution  n'existent  plus.  Le  collège,  absolument  dépourvu 
d'écoliers,  laisse,  comme  vous  le  savez,  les  professeurs  dans  un  état 
d'oisiveté;  vainement  chercherait- on  k  nous  opposer  les  anciennes 
capitulations,  elles  ne  sauraient  résister  à  ce  principe  do  justice  et  de 
raison  qui  a  toujours  prononcé  l'état  de  minorité  des  communautés  en 
leur  accordant  la  faculté  de  revenir  sur  tout  ce  qui  peut  les  grever.  La 
loy  du  12  octobre  dernier  relative  aux  corps  et  étabUssements  d'ins- 
truction et  éducation  publique  ne  peut  s'adapter  qu'à  ceux  qui  sont  à 
la  charge  de  la  nation;  s'il  en  était  différemment,  n'existerait-il  peut- 
élèves  ci-après,  de* la  classe  de  quatrième  :  Arnaud  Comin,  de  L^îctoure;  Domi- 
nique Junqua,  de  Lectoure;  Etienne  de  Labastide,  d'Auvillars;  Guillaume  Lar- 
roche,  de  Terraube;  Guillaume  Ricau,  de  Lectoure;  Jean-Baptiste  Barres,  de 
.Saint-Clar;  Jean-Baptiste  Danzas,  de  Saint-Léonard;  Joseph  Malus,  de  Lec- 
toure; Joseph  ï^bordère,  de  Miradoux;  Joseph  Gauran,  de  Lectoure;  Joseph  de 
Larroche,  de  Lectoure;  Michel  Cantaloup,  de  Saint-CIar. 

(1)  Arch.  mun.  Registre  des  soumissions  des  biens  nationaux,  p.  98. 

(2)  Guillaume  KoussiUe  cadet,  domicilié  de  Lectoure,  se  rendit,  le  7  juillet 
1793,  adjudicataire  d'un  jardin  contigu  au  collège  et  appartenant  aux  Doctri- 
naires (Délibération  du  7  juillet  1793). 

(3)  DéUbéraUon  du  27  décembre  1791. 


—  444  — 

être  pas  une  injustice  dans  celle  loy  et  une  contradiclion  évidente  dans 
les  principes  de  T Assemblée  nationale  qui  proportionne  toujours  le 
salaire  au  travail?  Enfin,  Messieurs,  dans  le  cas  où  vous  adoptiez  ma 
proposition,  je  la  soumets  à  votre  discussion  et  me  réfère  au  moyeu 
que  vous  prendrez  pour  soustraire  la  communauté  à  une  surcharge  si 
gratuite,  et  veuillez  y  délibérer.  »  La  matière  mise  en  délibération, 
les  voix  recueillies  par  M.  le  maire,  il  a  été  unanimement  conclu  ei 
arrêté  : 

I.  —  Que,  vu  les  frais  énormes  que  coûte  à  la  communauté  un 
enseignement  devenu  inutile  parle  défaut  d'écoliers,  il  ne  sera  à  Tave- 
nir  rien  imposé  pour  cette  dépense,  le  Conseil  général  de  la  commune 
abrogeant  d'hors  et  déjà  toutes  les  capitulations  que  ses  prédécesseurs 
auraient  pu  faire  dans  un  temps  où  elles  étaient  aussi  nécessaires 
qu'elles  sont  aujourd'hui  inutiles; 

IL  —  Qu'un  extrait  de  la  présente  délibération  sera  signifié  aux 
recteur  et  syndic  du  dit  collège,  pour  leur  déclarer  qu'à  compter  du  dit 
jour  cessera  tout  traitement  et  pension  que  la  communauté  était  d'usage 
de  leur  payer;  arrête  en  outre  qu'un  autre  extrait  sera  adressé  au  direc- 
toire du  département  pour  l'instruire  des  motifs  de  justice  et  d'écono- 
mie qui  l'ont  dicté  (1). 

Celle  délibéralion  ne  précéda  que  de  quelques  mois  le 
décret  portant  qu'aucune  partie  de  renseignement  ne  con- 
tinuerail  d'être  confiée  aux  maisons  de  charité  ni  aux  con- 
grégations d'hommes  et  de  femmes,  séculièreres  ou  régu- 
lières (2).  Les  Doctrinaires  quittèrent  leur  collège  (3)  et 
furent  dispersés  comme  les  autres  ordres  religieux.  Les  biens 
immeubles  qui  leur  appartenaient  furent  vendus,  et  nous  eu 
trouvons  l'énumération  dans  les  procès- verbaux  d'adjudica- 
tion déposés  aux  archives  départementales  du  Gers  : 

I.  —  Biens  vendus  par  le  Directoire  du  district: 

N**  361.  —  31  décembre  1792.  —  La  métairie  de  Bartherote,  située 
à  Lectoure,  consistant  en  une  maison  composée  de  chambres  pour  le 

(1)  Délibération  du  25  mars  1792. 

(2)  Décret  du  22  août  1792,  art.  4. 

(3)  Le  dernier  quartier  de  rente  fut  payé  aux  Doctrinaires  le  1"  avril  1792 
(Arch.  mun.  Etat  des  impositions  locales  pour  Tannée  1792). 


—  445  — 

maître  et  pour  le  bordier,  granges,  écuries,  pigeonnier  et  autres  dé- 
charges, sol,  pàtus,  jardins,  terres  labourables,  preds  et  vignes,  avec 
un  pred  sur  la  rivière  du  Gers;  de  la  contenance  totale  de  19  concades; 
lesdits  biens  affermés  conjointement  avec  un  autre  domaine  aux 
citoyens  Deluc  et  CoUongues  par  acte  du  11  avril  1792.  Adjugé  au 
s^  Vital  Maignaut,  armurier  à  Lectoure,  pour  24,200  livres,  lequel 
Maignaut  a  subrogé  à  son  lieu  et  place  le  citoyen  Bernard  Lanes,  curé 
de  la  paroisse  Saint-Gervais,  de  cette  ville,  ici  présent  et  acceptant. 

N^  362.  —  31  décembre  1792.  —  La  métairie  de  Boulouch,  située 
h  Lectoure,  sur  la  rivière  du  Gers,  consistant  en  bàtimens  pour  le  bor- 
dier,  avec  une  grande  tour  servant  de  grenier,  chai  et  pigeonnier, 
granges,  écurie  et  autres  décharges,  terres  labourables,  jardin,  vignes, 
pred  et  sol;  le  tout  de  la  contenance  d'environ  29  concades;  ledit 
domaine  affermé  conjointement  avec  celui  de  Bartherote  aux  citoyens 
CoUongues  et  Deluc,  par  acte  public  du  11  avril  1792.  Adjugé  au 
s^  Joseph  Bouet,  de  Saint-Martin,  pour  33,300  livres. 

N°  363.  —  31  décembre  1792.  —  La  fézende  appelée  du  Coutellier, 
située  à  Lectoure,  le  long  de  l'ancienne  grande  route  du  Pont  de  Pile 
à  Estafort,  consistant  en  une  petite  maison  pour  le  fezendier,  deux 
petits  jardins,  terre  labourable  et  vigne,  de  la  contenance  totale  de 
35  journaux.  Adjugé  au  citoyen  Dominique  Monbrun  61s,  de  Lectoure, 
pour  la  somme  de  5,525  livres. 

N°  451.  —  25  pluviôse  an  m.  —  Une  maison  à  Lectoure,  adjugée 
à  Pierre  Barthe  pour  10,275  livres. 

IL  —  Biens  vendus  par  V  Administration  centrale  du  département: 

N°  61.  —  25  prairial  an  iv.  —  Jardin  de  304  toises  de  surface,  con- 
frontant du  nord  à  mur  de  la  ville,  du  levant  à  jardin  de  la  citoyenne 
Bruils,  midi  à  rue  Jusane,  et  couchant  à  jardin  d'Esperon  et  épouse 
Dantin.  Adjugé  au  citoyen  Pierre  Roussille,  d'Auch,  faisant  pour  le 
citoyen  Jean  Pujol  aîné,  charron  à  Lectoure,  pour  1,100  livres.  (L'ad- 
ministration municipale  de  Lectoure  s'était  d'abord  opposée  à  la  vente 
de  ce  jardin,  croyant  qu'il  appartenait  à  la  ville  et  était  de  tout  temps 
une  dépendance  du  collège,  propriété  de  la  ville  :  depuis,  cette  oppo- 
sition avait  cessé,  lorsque  l'administration  eut  découvert  que  le  local  en 
question  avait  été  donné  à  la  ci-devant  Congrégation  de  la  Doctrine 
chrétienne).  Procès- verbal  d'estimation  du  12  prairial  an  iv. 


—  446  — 


Telle  est  Thisloire  du  collège  de  Lectoure  sous  la  direction 
des  Pères  de  la  Doctrine  chrétienne.  Depuis  son  origine  en 
1630  jusqu'à  sa  tin  en  1792,  son  existence  n'a  été  qu'une 
longue  série  de  procès.  Peu  important  par  lui-même»  il  sut 
pourtant  se  soutenir,  et  le  niveau  des  études  y  était  aussi 
élevé  que  dans  les  autres  établissements  similaires.  I^rOS  luttes 
du  jansénisme,  qui  amenèrent  des  changements  nombreux  et 
trop  souvent  répétés  dans  le  personnel  enseignant,  rabais- 
sèrent pendant  la  seconde  moitié  du  xvnr  siècle;  nonobstant 
ces  défaillances,  la  généralité  des  habitants  de  Lectoure  pro- 
fitait avec  empressement  des  cours  absolument  gratuits  de 
celte  maison,  à  laquelle  la  ville  tenait  beaucoup,  malgré  les 
dépenses  considérables  qu'elle  lui  occasionaail  (i). 

Les  tableaux  suivants,  publiés  en  1792  par  ordre  du  Direc- 
toire du  déparlement  du  Gers  (3),  nous  Axeront  complète- 
ment sur  l'état,  les  revenus  et  les  dépenses  du  collège  au 
moment  du  dépari  des  maîtres  qui  y  étaient  préposés  : 


(1)  Le  nombre  des  élèves  des  Doctrinaires  morts  à  Lectoure  pendant  la  durée 
de  leurs  études  ne  s'élève  qu'à  9,  d'après  les  livres  de  catholicité.  Ce  sont  ; 

30  novembre  1670,  Fabien  Péfaur,  étudiant  de  philosophie,  né  à  Benque,  en 
Comminges. 
30  juin  1730,  Joseph  Lartigue,  étudiant  eu  philosophie,  22  ans. 
25  mai  1732,  Nicolas  Ducasse,  16  ans,  flls  d'un  procureur  au  sénéchal,  nojé 
dans  le  Gers  et  dont  le  corps  fut  retrouvé  au  moulin  de  Lamothe. 

13  janvier  1767,  Jean-BapUste  GuiUemette,  13  ans,  flls  de  Charles  Guillemette. 
notaire  à  Miradoux. 

4  juin  1776,  Jean-Hilaire  Lodéran,  14  ans,  écolier  de  cinquième. 
6  mai  1777,  Samuel  Dulong,  9  ans. 

25  lévrier  1786,  Antoine  Labarthe,  11  ans,  écolier  de  cinquième. 
29  juin  1786,  Pierre  I^bartbe,  18  ans,  écolier  de  logique. 
3  juin  1787,  Joseph  Bascou,  16  ans,  écolier  de  cinquième,  noyé  dans  le  Gers. 

(2)  Arch.  dép.  du  Gers,  série  L,  388. 


uoSviod  niliuif  leii 


HpiA  mivueiiauiKKi  np 
SNOISKaHlQ 


3AUV0<n  anaivA 


■tM»B  in  iW  MfXal 
mDBHiwKt  •■«lu  «1  a 


n<ii|iddDt  ma  us^dc 

sia^H  si[Q«a 
-sa3i3NOJ  enNSASH 


«S. 
8 
£ 
I 

J 


^ 

1 

SI 

'Ûï 

i 
si 

i 

saxiaa 

1 

û.     i 

Quatre  mille 
neuf   cent 
vingt-cinq 
livres, 
ci...     4,925 

np 

Nanaaina 

i                                 1 

»p 

NaU3HlNH 

Entretien 
des  biens, 
20ff. 

Entretien 
des  mai- 
sons,]»' 

SNounarax?» 

■ 

-BHOISNB.I 

saMivaoNOH 

^1 

i  M 

s        1 

i    i  -! 

Un  recteur  et  sept  professeurs 
doctrinairea:  un  recteur  prê- 
tre, un  préfet  laïque. 

Un  professeur  de  philosophie; 

Un  professeur  de  rhétorique; 

l.'n  professeur  d'humanités; 

Un  professeur  de  troisième; 

Un  professeur  de  quatrième; 

Un  profesaeur  de  cinquième. 

■sj,HawaBBnuvi.ï 
NOIlVNDISga 

s 

«dp 
I10N 

Lectoure. 

—  449  — 

La  suppression  du  collège  privait  dMnslrucUon  les  élèves 
qui  l'avaient  fréquenté  :  il  convenait  d'arrêter  autant  que 
possible  «  les  progrès  destructeurs  de  Tignorance  qui  dévas- 
tait notre  contrée  » .  C'est  «  afin  de  remplir  un  objet  si  bien- 
faisant pour  rhumanilë  j>,  que  M.  Despiau,  président  du 
Comité  permanent^  proposa  à  ses  collègues  d'établir  à  Lec- 
toure  un  cours  de  chirurgie.  M.  Gilbert,  chirurgien  major  de 
l'hôpital  et  correspondant  de  l'Académie  royale,  offrit  de  faire 
quatre  leçons  publiques  par  semaine  sur  l'anatomie,  la 
pathologie,  les  maladies  des  os,  les  bandages  et  les  accou- 
chements. Une  salle  de  l'hôpital  devait  être  mise  à  sa  dispo- 
sition, ainsi  que  les  cadavres  des  étrangers  morts  dans  cet 
établissement.  Nous  croyons  qu'aucune  suite  ne  fut  donnée 
à  cette  bizarre  délibération  du  Comité  permanent  (1). 

L'établissement  des  Doctrinaires  de  Lectoure  avait  duré 
162  ans  et  pendant  ce  temps  un  grand  nombre  de  religieux 
y  séjournèrent  à  divers  titres.  Quels  sont  les  noms  de  ces 
obscurs  mais  infatigables  ouvriers,  qui  travaillèrent  sans 
relâche  à  l'instruction  des  enfants  de  la  Lomagne?  Le  temps 
n'en  a  respecté  qu'un  petit  nombre;  les  archives  domestjr 
ques  du  collège  sont  perdues;  ce  n'est  donc  qu'après  de  longues 
recherches  que  nous  avons  pu  en  dresser  une  liste  malheu- 
reusement incomplète.  Nous  nous  sommes  aidés  pour  accom- 
plir cette  partie  de  notre  travail  des  éléments  les  plus  divers 
et  disséminés  un  peu  partout.  Les  quittances  publiques  ou 
privées,  les  minutes  des  notaires,  les  archives  municipales  et 
départementales,  les  Nouvelles  ecclésiastiques,  les  baux  d'en- 
treprises, les  vieux  livres  terriers,  en  un  mot  tout  ce  que 
l'on  a  bien  voulu  nous  communiquer  a  été  mis  à  contribution 
et  minutieusement  fouillé,  et  cependant  que  de  noms  reste- 
ront encore  plongés  dans  un  éternel  oubli  ! 

{Asuivf-e.)  A.  PLIEUX. 


(1)  Comité  permanent.  Séance  du  13  janvier  1790. 


L'EAU-DE-VIE  DU  BAS-ARMAGNAC 

A    CAZAUBON. 


Il  est  hors  de  doute  que  Cazaubon  et  les  oommunes  environnantes 
fournissent  un  des  meilleurs  crus  de  cette  excellente  production;  mais  il 
m'est  impossible  de  préciser  l'époque  oii  les  habitants  commencèrent  à 
se  livrer  à  cette  industrie.  Ce  ne  dut  pas  être  avant  1600;  car,  outre 
le  peu  d'étendue  des  vignes  et  la  petite  quantité  de  AÎn  récoltée  avant 
cette  époque,  on  sait  que  Tcau-de-vie  n'était  pas  encore  devenue  un  objet 
de  consommation  ordinaire.  Mais  dès  les  premières  années  du  xvii* 
siècle  les  grands  propriétaires  de  la  contrée  durent  commencer  à  distiller 
l'excédent  de  leur  récolte.  Ce  commerce,  qui  était  sans  doute  fort  peu 
de  chose  à  l'origine,  grandit  avec  l'étendue  des  vignobles;  de  sorte 
qu'il  avait  déjà  une  certaine  importance  vers  1650. 

Néanmoins  je  n'ai  rencontré  aucun  écrit  qui  en  affirme  l'existence  k 
Cazaubon  avant  1680.  Mais  ce  négoce  était  alors  assez  considérable 
pour  nous  porter  à  croire  qu'il  datait  d'assez  loin.  Nous  voyons  d'ail- 
leurs, parla  Relation  véritable  de  Jean  Laborde  Péboué,  qu'en  Chalosse, 
en  1666,  il  y  avait,  aux  environs  de  Doazit,  60  chaudières  qui  brû- 
laient cent  barriques  de  vin  par  jour.  Ce  bonhomme,  un  peu  supersti- 
tieux, raconte  sérieusement,  à  cette  occasion,  que  le  jour  de  la  purifi- 
cation (2  février),  six  chaudières,  fonctionnant  au  lieu  dit  Saint-Aubin, 
se  détraquèrent  tout  à  coup  et  ne  donnèrent  presque  plus  d'eau-de-^âe; 
que  le  curé,  appelé  sur  les  lieux,  y  fit  des  exorcismcs^  dit  ensuite  la 
messe,  et  qu'après  cela  les  chaudières  reprirent  leur  marche  régulière. 
Il  n'affirme  pas  avoir  été  le  témoin  du  fait  ;  son  récit  ne  devait  être 
fondé  que  sur  des  on  dit;  mais  il  montre  bien  que  la  distillation  du 
vin  était  alors  largement  pratiquée  dans  le  pays  de  Chalosse,  et  le  Bas* 
Armagnac  ne  devait  pas  lui  être  très  inférieur  sous  ce  rapport. 

Un  règlement  d'affaires  de  1683,  entre  Laborde-Lagrauley,  négo- 
ciant, et  Joseph  Teychousin,  tailleur  d'habits  à  Lancelot  en  Cazaubon, 
nous  apprend  que  ce  dernier  était  redevable  de  la  somme  de  110  livres 
et  de  13  veltes  d'eau-de  vie.  Vers  cette  même  époque,  Pierre  Laborde, 
notaire^  ancien  régisseur  de  Maniban^  demeurant  à  Pépéré,  se  livrait  à 


^ 


—  451  — 

ce  commrcee  assez  en  grand.  Il  faisait  acheter  du  vin  pour  le  distiller. 
Jean  Lacoste,  maréchal  ferrant,  habitant  de  I..agouanère  en  Cutxan, 
était  son  commissionnaire  dans  cette  contrée  et  recevait  cinq  sous 
pour  l'adhat  de  chaque  barrique.  Après  quatre  années,  dans  un  règle- 
ment fait  au  presbytère  de  Sainte-Fauste,  il  se  trouva  détenteur  de  820 
livres  d'avances,  en  argent,  et  de  quatre  pièces  d'eau-de-vie. 

La  pièce  d'eau-de-vie,  comme  la  barrique  de  vin,  ne  contenait  que 
32  veltes.  Cette  mesure  fut  en  usage  jusque  vers  la  fin  du  xvni*  siècle; 
mais  les  ventes  se  faisaient,  le  plus  souvent,  je  crois,  à  tant  la  velte. 

A  répoque  où  nous  sommes,  vers  1700,  la  plupart  des  grands  pro^ 
priétaires  étaient  nantis,  pour  le  moins,  de  deux  chaudières. 

Ainsi  le  sieur  Jean  Duby  en  possédait  deux  en  1713,  et  certaine-* 
ment  depuis  longtemps.  En  1721,  le  sieur  Jean  Rozis,  marchand,  en 
installa  deux  aux  Mouliés,  dans  une  maisonnette  achetée  à  cette  fin. 
Mais  ce  ne  fut  pas  sans  difficultés.  Ce  bâtiment  était  resté  très  long- 
temps abandonné,  et  les  voisins  s'étaient  habitués  à  en  user  comme 
de  leur  bien  propre.  Quand  le  sieur  Rozis  voulut  y  transporter  ses 
chaudières,  il  rencontra  de  leur  part  une  absolue  opposition.  Il  dut 
s'adresser  au  juge  et  assigner  les  plus  récalcitrants  pour  avoir  la  per- 
mission de  passer  provisoirement,  en  offrant  telle  indemnité  qui  serait 
jugée  l^time^  après  l'instruction  de  l'affaire. 

En  1741,  il  fut  constaté  par  un  inventaire,  après  le  décès  du  sieur 
Jean  Genous,  qu'il  possédait,  à  Bégué,  deux  chaudières  sur  maçonna 
rie  h  poste  fixe,  et  deux  à  Laroque,  sur  charriot/  avec  un  attelage, 
pour  aller  sans  doute  d'une  métairie  à  l'autre^  ou  même  chee  des 
étrangers.  Je  me  souviens  d'avoir  lu  un  billet  du  sieur  Louis  Corrent 
à  un  Laborde  (probablement  Laborde-Lancelot),  où  il  le  priait  de  se 
hâter  avec  sa  chaudière,  qu'il  devait  envoyer  à  son  frère,  curé  de  Mau- 
vezin.  Je  n'ai  rencontré  que  cet  exemple  d'une  chaudière  isolée,  si 
toutefois  elle  l'était.  Car  rien  n'empêche  que  sous  le  nom  de  chaudière 
il  n'entendît  un  couple,  qui  pouvait  voyager  sur  un  seul  charriot.  11 
est  probable  qu'il  en  étajt  ainsi  pour  les  deux  de  M.  Genous  à  Laro- 
que, attendu  que  Tinventaire  ne  fait  mention  que  d'un  charriot  et  d'un 
attelage.  La  distillation  par  ce  procédé  primitif  était  tellement  lente  que, 
sans  doute,  on  eût  cru  perdre  son  temps  en  se  bornant  à  la  surveil*- 
lance  d'une  seule  chaudière. 

Le  propriétaire  des  chaudières  prenait  trois  livres  pour  les  frais  de 
distillation  d'une  pièce  y  compris  le  bois,  avant  1700.  En  1724,  le 
sieur  Rozis  en  fit  distiller  quatre  pièces,  en  faveur  d'un  nommé  Câin* 
pagne,  par  Joseph  Marre,  forgeix>n,  qui  exigea  4  livres  de  la  pièce.  Ce 


—  452  — 

prix  n'était  pas  encore  bien  établi  ;  car  il  y  eut  pix)o6s.  Mais  il  prévalut, 
et  à  partir  de  ce  moment  je  le  trouve  généralement  admis. 

Il  y  avait  alors  comme  aujourd'hui,  des  hommes  qui  exerçaient  le 
métier  de  faiseurs  d'eau-de-vie,  et  qu'on  désignait,  comme  aujourd'hui 
encore,  sous  le  nom  de  Brûleurs.  Il  est  probable  que  le  forgeron  Marre 
avait  joint  cette  industrie  à  son  premier  état,  qui  sans  doute  lui  lais- 
sait des  loisirs.  Un  nommé  Jacques  Coucréges  avait  la  même  profes- 
sion et  était  appelé  dans  le^  maisons  où  il  y  avait  du  vin  à  distiller. 

Jusqu'à  cette  date  nous  n'avons  trouvé  aucune  indication  pi-écise  sur 
la  valeur  des  eaux-de-vie.  Nous  serons  plus  heureux  à  partir  des  pre- 
mières années  du  xvni*  siècle.  Mais  avant  d'entrer  dans  ce  détail, 
disons  que  la  futaille  dite  pipot  coûtait  6,  8  et  10  livres,  en  divers 
temps;  que  le  transport  d'une  pièce  de  Cazaubon  à  Mont-de-Marsan 
était  payé  après  1750  4  livres,  et  10  livres  de  Mont-de-Marsan  à 
Bordeaux  ou  à  Rayonne.  On  s'était  aperçu  dès  lors  que  certains  bou- 
viers ou  charretiers  puisaient  dans  les  pièces  et  refaisaient  ensuite  le 
plein  avec  de  l'eau.  Pour  empêcher  cette  fraude,  on  remettait  à  chaque 
bouvier  une  bouteille  cachetée  remplie  du  liquide  qu'il  portait  et  qui,  à 
l'arrivée,  devait  se  trouver  conforme  à  l'échantillon. 

J'ignore  si,  dans  les  premiers  temps,  les  eaux-de-vie  d'Armagnac 
furent  appréciées  à  leur  juste  valeur;  mais  il  paraît  certain  qu'elles 
étaient  fort  goûtées  pendant  la  seconde  motié  du  dernier  siècle.  Je 
trouve  plusieurs  envois,  à  Paris,  à  la  marquise  de  Livry,  et  surtout  à 
Chauliac,  son  agëht  à  Toulouse,  et  à  plusieurs  amis  de  ce  dernier. 
Pierre  Bedout,  négociant,  en  vendait  beaucoup,  dans  cette  dernière 
ville,  à  «  une  livre  cinq  sous  la  bouteille.  » 

Voici  maintenant  les  divers  prix  que  j'ai  pu  constater  en  suivant 
Tordre  des  années.  Gomme  pour  le  vin,  ce  prix  est  sujet  à  une  fluc- 
tuation continuelle.  Nous  trouvons  quelquefois  des  variations  consi- 
dérables dans  le  même  mois.  L'accroissementn'en  reste  pas  moins  sen- 
sible en  considérant  un  long  espace  de  temps. 

La  vente  la  plus  éloignée  avec  indication  du  prix  est  de  1713. 
Douze  pièces  furent  vendues,  à  cette  date,  à  70  livres  les  32  veltes. 
Quelle  que  soit  la  contenance  des  futailles,  la  vente  à  la  pièce  est  tou- 
jours OAlculée  à  raison  de  32  veltes  jusque  vers  la  fin  du  dernier 
siècle. 

174?.  Jean  Lagoraet,  de  Soubëre  vendit  au  sieur  Brettes,  négociant 
à  Mont-d&*Marsan,  une  pièce  pour  cent  deux  livres. 

1748.  Au  décès  du  sieur  Dupuy-Guilheman,  on  trouva  dans  son 


—  453  — 

chai  387  veltes  d'eau-de-vie,  qui  furent  vendues  le  1*^*"  décembre  de  la- 
dite année  à  90  livres  les  32  veltes. 

En  1749,  nous  trouvons  plusieurs  ventes  au  même  prix  :  90  livres. 

L'année  1754  fut  abondante  et  le  vin  excellent;  aussi  la  baisse  fut 
considérable  :  le  prix  tomba  à  41  livres  la  pièce. 

En  1755^  quoique  le  vin  fût  encore  excellent,  il  y  eut  enchérisse- 
raent.  Il  se  fit  des  ventes,  d'abord  à  50  livres,  puis  à  60  et  67.  Cail- 
hava,  notaire,  vendit  en  novembre  à  62  livres  la  pièce. 

En  1757,  le  même  Cailhava  vendit  162  veltes  à  76  livres  la  pièce. 
Cependant  je  trouve,  dans  la  même  année,  des  ventes  à  70  livres . 

1761.  Le  môme  sieur  Cailhava  vendit  quatre  pièces  à  73  livres. 

1768.  21  veltes  envoyées  à  M.  Chauliac,  à  Toulouse,  furent  estimées 
à  raison  de  139  livres  les  32  veltes.  Il  est  plus  que  probable  que  cette 
eau-de-vie  n'était  pas  de  l'année.  Néanmoins  le  cours  s'était  élevé. 

Sauboua  de  Maridan  vendit  trois  pièces,  au  mois  d'août  1769, 
à  115  livres  la  pièce,  avec  la  réserve  que,  si  le  prix  venait  à  s'élever 
avant  le  15  septembre  suivant,  le  surplus  serait  payé  par  l'ache- 
teur. 

Ce  haut  prix  se  maintint  les  années  suivantes.  En  1772,  il  était  de 
128  à  133  hvres,  à  Bordeaux;  ce  qui  le  réduisait  à  115  à  Cazaubon, 
comme  en  1769. 

Les  eaux-de-vie  enchérirent  encore  au  commencement  de  1773.  On 
trouve  des  ventes  à  Cazaubon,  à  124  livres.  Mais  sans  doute  l'an- 
nonce d'une  bonne  récolte  les  fit  tomber  à  96  livres  au  mois  d'août. 
Thomas  Bedout  vendit  les  siennes  à  ce  prix,  le  14  de  ce  mois.  Les 
vendanges  ne  durent  pas  répondre  à  l'attente  des  habitants;  nous  trou- 
vons le  cours  à  116  livres  à  la  fin  de  l'année. 

La  hausse*  continua  en  1774;  les  eaux-de-vie  se  vendirent  à  123 
livres  en  février  et  mois  suivants,  et  à  135  livres  en  novembre. 

On  put  vendre  encore  à  ce  haut  prix  en  1775. 

L'eau-de-vie  envoyée  à  Paris,  à  la  marquise  de  Livry,  en  1777,  fut 
estimée  348  livres  les  32  veltes.  Elle  devait  être  très  vieille  et  d'excel- 
lente qualité. 

Il  y  eut  des  ventes  en  mars  1779,  à  112  livres  la  pièce. 

Il  y  eut  baisse  les  années  suivantes.  Eu  1782  et  1783,  nous  trouvons 
des  ventes  à  72  et  73  livres  la  pièce. 

1784.  Le  sieur  Bères  vendit  quatre  futailles,  à  raison  de  76  livres 
les  32  veltes.  Il  dut  se  produire  une  hausse  à  la  fin  de  l'année;  le  sieur 
Laborde,  curé  de  Bouau,  vendit  sa  récolte  à  89  livres  la  pièoe. 
Tome  XXX.  30 


—  454  — 

1787.  Jean  Démolie,  tailleur  de  Marquestau,  vendit  son  eau-de- 
vie  à  Jean  Dupuy-Guilheman,  marchand,  à  90  livres  les  32  veltes. 

Il  y  eut  hausse  en  1788;  nous  voyons  des  ventes  à  Mont- de-Mar- 
san à  110  livres. 

Je  n'ai  aucun  renseignement,  concernant  les  eaux-de-vie,  dans  les 
années  de  la  révolution.  Il  pst  probable  que  ce  commerce  fut  très-res- 
Ireint.  En  1798,  je  trouve  une  vente  à  275  livres  les  50  veltes,  à  Mont- 
de- Marsan.  Ce  produit  dut  être  rare  et  d'un  prix  fort  élevé  pendant  ces 
années  d'agitation. 

Désormais  la  pièce  est  de  50  veltes  ou  400  litres. 

Aux  premières  années  de  notre  siècle,  il  se  produisit  une  hausse 
considérable.  En  1802,  il  se  fit  des  ventes  en  octobre,  à  375  francs. 
Dans  les  premiers  mois  de  1803,  les  eàux-de-vie  valurent,  à  Cazau- 
bon,  de  365  à  370  francs,  et  380  à  Bordeaux.  Ce  prix  fléchit  après  les 
vendanges.  En  décembre,  l'eau-  de-vie  n'était  plus  cotée  à  Bordeaux 
que  de  250  à  280  francs. 

La  baisse  s'accentua,  l'année  suivante  1804  :  à  Bordeaux,  fluc- 
tuation entre  230  et  265  fr.  et  à  la  fin  de  Tannée  222  fr. 

En  août,  il  y  eut  des  ventes  à  Cazaubon  à  160  fr.  la  pièce. 

1805.  Grande  variation  entre  230  et  155  fr.  Le  prix  le  plus  élevé  fut 
celui  des  premiers  mois;  la  baisse  se  fit  graduellement. 

1806.  A  Cazaubon,  la  pièce,  dans  les  six  premiers  mois,  valut  de  150 
à  157  fr  ;  en  septembre  elle  fut  cotée  175  francs,  190  francs  en  octobre. 

En  1807,  le  cours  redescend  entre  130  et  155  fr.  les  400  litres. 

1809.  Je  trouve  des  ventes  à  Cazaubon  à  170  francs.  En  1810,  le 
prix  est  à  peu  près  le  même.  Cette  même  année,  l'eau-de-vie  se  ven- 
dit mille  fr.  la  pièce  à  Madrid,  où  était  entrée  l'armée  française. 

1813.  A  Mont-de-Marsan,  ventes  à  212  fr.  50  centimes  la  pièce. 

1816.  Grande  hausse  :  450  francs  la  pièce  à  Cazaubon.  La  hausse 
continua  en  1817;  nous  voyons  les  eaux-de-vie  à  550  et  600  francs, 
en  août,  à  Mont-de-Marsan,  et  en  décembre  à  800  et  850  francs  à 
Bordeaux. 

Ce  haut  prix  fléchit  en  1818;  Pierre  Bedout  vendit  à  394  francs  45 
centimes  la  pièce. 

La  baisse  continue  les  années  suivantes.  En  janvier  1820,  je  trouve 
des  ventes  à  cent  francs.  Néanmoins  vers  la  fin  de  l'année,  le  cours 
remonta  à  180  et  à  195  francs.  La  hausse  continua  en  1821.  Dans  les 
premiers  mois,  il  y  eut  des  ventes  à  200  francs;  dans  le  reste  de  rannèe, 
à  200  et  jusqu'à  280  francs  la  pièce. 


—  455  — 

L'année  1821  avait  eu  de  très  fortes  gelées;  ce  qui  explique  le  grand 
enchérissement  de  la  fin  de  Tannée.  Ce  prix  élevé  se  maintint  en  1823. 
Les  ventes  se  font  de  220  à  245  fr.  la  pièce. 

Dans  les  six  premiers  mois  de  1823,  forte  baisse  :  on  n'obtenait  plus 
que  de  .155  à  190  livres.  Ce  prix  tomba  même  à  110  francs,  après  ven- 
danges, pour  remonter  ensuite  à  environ  130. 

On  trouve  le  môme  cours  en  1824  et  années  suivantes.  Les  eaux-de- 
vie  valurent  200  francs  les  400  litres  en  1827. 

Jusque  vers  1852,  les  prix  oscillent  entre  130  et  200  francs.  Je  crois 
que  les  plus  communs  furent  de  140  à  160  fr. 

Par  l'effet  des  maladies  désastreuses  qui  ont  atteint  et  même  détruit 
en  partie  les  vignes  dans  ces  derniers  temps,  nous  avons  vu,  pour 
le  moins  deux  fois,  l'eau-de-vie  s'élever  au  haut  prix  de  1,000  francs 
la  pièce  et  même  le  dépasser. 

DUCRUC, 
Curé-doyen  de  Cazaubon. 


LA  OILTVRE  DE  U  VIGNE  DANS  LE  BAS-ARMAGNAG 

AUX    XIV  KT    XV   SIÈCLES 


Un  ancien  document,  qui  porte  la  date  de  1346  et  dont  je  possède 
l'original,  me  permet  de  fournir  un  supplément  au  très  intéressant 
mémoire  que  M.  l'abbé  Ducruc  a  publié  ici  même  sur  la  culture  de  la 
vigne  aux  alentours  de  Cazaubon  (1).  Ce  document  est  un  manuscrit 
patois  relatant  les  tailles  imposées  sur  les  propriétaires  de  Sainte- 
Christie,  près  Nogaro,  au  prorata  de  la  valeur  de  leurs  terres.  Malheu- 
reusement je  n'ai  pu  retrouver  qu'un  fragment  de  ce  manuscrit,  et 
encore  les  rats  ou  «  aultres  malignes  bestes  »  ont-ils  brouté  le  com- 
mencement de  plusieurs  pages.  Mais  tel  quel,  il  offre  des  renseigne- 
ments précieux  sur  l'état  agricole  du  Bas-Armagnac  vers  les  derniers 
temps  du  xiv«  siècle^  époque  d*autant  plus  intéressante  à  observer 
qu'elle  se  rapproche  davantage  d'une  des  périodes  les  plus  troublées  de 

(1)  Voir  ci-dessus,  livraison  de  juin,  p.  245. 


—  456  — 

la  Guerre  de  cent  ans;  il  y  avait  alors,  en  effet,  vingt  ans  à  peine 
que  l'invasion  du  Prince  Noir  avait  mis  tout  l'Armagnac  à  feu  et  à 
sang. 

En  ce  qui  concerne  les  vignes,  voici  la  situation  que  ce  document 
accuse.  Sur  94  propriétaires,  73  possèdent  127  vignes.  C'est  donc  une 
moyenne  de  près  de  deux  vignes  par  propriétaire.  En  réalité,  plusieurs 
n'ont  qu'une  vigne,  quelques-uns  en  ont  deux,  sept  ou  huit  en  ont 
trois,  et  deux  seulement  en  ont  quatre.  L'ensemble  des  terres  de  ces 
94  propriétaires  est  estimé  6,619  écus  (1),  en  supprimant  les  centimes, 
c'est-à-dire  les  «  ardits,  Jaques  et  bagues  ».  Sur  celte  somme,  les 
vignes  figurent  pour  714  écus.  Par  conséquent,  elles  représentaient, 
du  moins  quant  à  leur  valeur,  le  9^  à  peu  près  de  toutes  les  pro- 
priétés. 

De  ces  127  vignes,  15  sont  désignées  sous  le  nom  de  plantes^  jeunes 
vignes  dont  l'âge  pouvait  aller  jusqu  a  8  ou  10  ans;  4,  sous  le  nom  de 
vieilles  oignes,  terme  dont  il  est  malaisé  de  fixer  le  sens  exact  parce 
qu'il  varie  selon  les  circonstances  et  les  terrains;  6,  sous  le  nom  de 
tergersy  mode  de  viticulture  dont  M.  l'abbé  Ducruc  a  très  bien  marqué 
les  principaux  caractères.  J'ajouterai  qu'il  y  a  7  autres  pièces  de  terne 
dénommées  vergers;  mais,  comme  elles  sont  mentionnées  en  commun 
avec  la  maison  et  le  jardin,  il  est  impossible  d'en  faire  un  départ 
exact. 

11  reste  donc,  en  dehors  des  vignes  sus-désignées,  101  vignes  en 
plein  rapport.  Les  plantes,  sauf  deux  dont  les  rats  ont  fait  disparaître 
l'évaluation,  sont  estimées  91  écus;  les  vieilles  vignes  33  écus  1/2;  les 
six  vergers,  111  écus;  les  autres  vignes,  481  écus.  Ainsi,  la  moyenne 
de  la  valeur  des  plantes  est  de  7  écus,  ou  un  peu  plus;  celle  des  vignes 
vieilles,  de  8  écus  1/2;  celle  des  autres  vignes,  de 5  écus  environ;  celle 
des  vergers,  de  18  écus.  En  rê^alité,  sur  ces  101  vignes,  16  dépassent 
10  écus,  et  deux  seulement  montent  jusqu'à  25  et  28  écus.  Les  vergers 
étaient  de  beaucoup  les  plus  appréciés;  sur  les  six^  en  effet,  dont  la 
valeur  nous  est  connue,  deux  sont  estimés  8  et  9  écus;  les  quatre 
autres  arrivent  à  20,  21,  25  et  28  écus. 

La  différence  entre  les  vignes  de  Sainte-Chrislie  en  1399  et  celles 
de  Cazaubon  en  1477  est  donc  des  plus  marquées  (2).  Je  trouve  une 

(1)  Ces  écus  doivent  être  les  écus  de  Bcarn,  alors  les  plus  usités,  lesquels 
valaient  16  sous.  Kn  multipliant  les  prix  de  1396  par  50,  on  aurait  à  peu  pr^s  ^ 
valeur  aotuello  do  ces  biens. 

(2)  l^n  1477,  «\  Cazaubon,  «  sur  88  propri(H(^s,  28  seulement  paraissent  renfemn^r 
des  vignes  ».  Reçue  de  Gascoono,  juin  1889,  p.  245. 


—  457  — 

différence  semblable  et  même  plus  accusée  sur  un  autre  point  du  Bas- 
Armagnac,  à  Montégut  (Landes),  près  Monlguilhem  (Gers).  D  après 
les  données  fournies  par  une  Enquête  des  premiers  temps  du  xv«  siè- 
cle (Bulletin  de  Borda^  1888,  2''  trimestre,  p.  129),  on  peut  calculer 
que  la  production  du  vin  dans  ladite  paroisse  allait  de  384  hectolitres 
pour  les  années  mauvaises  à  960  hectolitres  au  moins  pour  les  bonnes 
années.  Or,  Montégut  a  toujours  été  une  commune  des  plus  minces  et 
ne  compte  aujourd'hui  encx)re  que  202  habitants;  il  paraît  certain  qu^u 
moyen  àgc  ce  chiffre  étmt  de  Ijeaucoup  inférieur  et  ne  devait  guère 
dépasser  la  centaine.  Si  maintenant  ou  déduit  les  enfants,  on  voit  qu'il 
ne  devait  pas  y  avoir  beaucoup  plus  de  soixante-dix  peraonnes  en  état 
de  consommer  du  vin.  En  accordant  2  à  3  hectolitres  par  personne  (car 
il  faut  tenir  compte  des  demi-vins  ou  piquettes  y  qui  permettaient  d'éco- 
nomiser le  vrai  vin),  on  verra  qu'il  restait,  dans  les  pires  récoltes,  une 
centaine  d'hectolitres  à  livrer  au  commerce  et  que,  dans  les  années 
heureuses,  ce  chiffre  montait  à  700  hectolitres  en virou;  c'est-à-dire  pres- 
que aux  deux  tiers  delà  récolte.  Il  y  avait  donc,  dès  cette  époque,  dans 
c-ertaines  piu-ties  du  Bas-Armagnac,  beaucoup  plus  de  vin  qu'il  n'en 
fallait  pour  la  consommation. 

La  situation  de  la  vigne  dans  le  Bas-Armagnac,  à  la  tin  du  xiv**  siè- 
cle et  au  commencement  du  xv%  devait  donc  être  bien  meilleure  que 
ne  la  montre  le  document  de  1477,  étudié  par  M.  l'abbé  Ducruc.  A  la 
vérité,  ce  document,  une  reconnaissance  de  fiefs,  ne  saurait  être  la  base 
de  conclusions  décisives,  ces  sortes  de  reconnaissances  se  rapportant 
uniquement  aux  pièces  de  terre  qui  payaient  des  fiefs  et  laissant  de  côté 
toules  les  autres.  C'est,  au  reste,  ce  qui  n'a  pas  échappé  à  M.  l'abbé 
Ducruc.  Avec  ce  grand  sens  d'exaxîiilude  et  de  précision  qu'on  retrouve 
dans  tous  ses  travaux,  il  n'a  pas  conclu  au  delà  d(5  oe  que  son  docu- 
ment autorisait  et  s'est  borné  à  dire  que  28  propriétés  seulement  sur 
88  paraissent  avoir  renfermé  des  vignes.  L'expression  laisse  une  cer- 
taine marge;  et  peut-être  les  notes  qui  précèdent  aideront-elles  à  la 
remplir. 

A.  BREUILS. 


DOCUMENTS  INÉDITS 


TESTAMENT  D'ÂRNAVIMÎilILLËM  DE  SÂINT-PASTOU 

SEIGNEUR    DE    BONRBPAUX 

(1397) 

(Expéd.  orig.  eo  parcbeiuin. — Areb.  de  H.  le  B'"'^  Eugène  de  Sainl-Paston  Bonrepaiix] 


Le  recueil  des  Documents  inédits  sur  VHistfAre  de  France  (1  ) 
doit  à  M.  Alexandre  Taeley,  archiviste  aux  Archives  natio- 
nales, la  publication  d'un  certain  nombre  de  testaments  enre- 
gistrés au  Parlement  de  Paris  sous  le  règne  de  Charles  YI. 
Le  Parlement  avait  pour  mission  de  protéger  Texécution  des 
actes  de  dernière  volonté,  qui  étaient  à  cet  effet  transcrits  au 
greffe  sur  un  registre  spécial.  Ce  registre  en  parchemin  est 
conservé  de  nos  jours  aux  Archives  nationales  (2).  Il  com- 
prenait 256  testaments;  mais  de  coupables  lacérations  en  ont 
de  beaucoup  réduit  le  nombre,  suffisant  encore  heureuse- 
ment pour  fournir  une  ample  moisson  de  textes  au  savant  et 
laborieux  archiviste  (5). 

Le  testament  d'Arnaud-Guillem  de  Saint-Pastou~i4niei/cfiiÀ' 
GuiUermus  de  Sancto-Pastore — ,  seigneur  de  Saint-Ferrèol  et 
Bonrepaux,  en  Comminges,  est  aussi  du  temps  de  Charles  VI 
et  a  pour  nous  un  mérite  de  plus  que  les  précédents,  celui 
d'appartenir  à  la  Gascogne. 

(1)  Mélanfjes  historiques  ci  choijo  de  documents ,  t.  m. 

(2)  X"  9,807. 

(3)  Ajoutons  que  la  iacuiie  que  nous  indiquons  peut  éti'e  comblce,  ainsi  qu<' 
le  dit  M.  Tuetey,  au  moyeu  d'une  copie  du  registre  exécutée  au  xvir  sâôcii», 
copie  qui  formait  en  principe  un  recueil  de  trois  volumes  in-folio,  dont  les 
tomes  II  et  iii>  seuls  existants,  font  actuellement  partie  de  la  collection  Moreau  À 
la  Bibliothèque  nationale,  n*'  1,161  et  1,162. 


—  459  — 

On  comprend  ruUlité  de  ces  rares  documents,  tant  pour 
rbisloire  du  droit  que  pour  la  connaissance  des  usages 
domestiques  et  des  coutumes  morales  de  nos  ancêtres.  Ainsi 
le  testament  de  Jean  de  Salais^  maître  ès-arts  et  en  médecine, 
curé  de  Villévèque,  en  Anjou,  contient  une  ënumération 
détaillée  d'objets  d'ameublement  et  de  vestiaire;  celui  de  Jean 
de  Neuilly-Saint-Front  nous  montre  le  catalogue  presque 
complet  de  la  bibliotbëque  d'un  chanoine  de  Paris  au  xiv* 
siècle. 

A  côté  de  ces  renseignements  qui  piquent  la  curiosité  de 
Fautlquaire  et  du  bibliophile,  d'autres  se  rapportent  à  Tétat 
d'esprit  de  l'homme  en  face  du  redoutable  problème  de  la 
mort,  et  s'adressent  au  chrétien  et  au  philosophe. 

Matérialisé  par  le  scepticisme  moderne,  le  formulaire  nota- 
rial de  nos  jours  n'a  rien  qui  parle  à  l'àme.  Il  n'en  était  pas 
de  même  au  moyen  âge,  où  la  religion,  associée  à  tous  les 
actes  importants  de  la  vie  civile,  leur  prêtait  ses  touchantes 
couleurs,  les  animait,  pour  ainsi  dire,  de  son  souffle.  Et 
quelle  action  évoque  plus  vivement  au  fond  des  cœurs  l'idée 
religieuse  que  l'action  de  tester?  Les  païens  eux-mêmes 
plaçaient  leurs  dernières  volontés  sous  les  auspices  d'un  Dieu 
suprême,  témoin  l'antique  testament  de  Cuspidius  dont  le 
début  n'est  assurément  pas  sans  grandeur  :  Dei  Optimi 
maximi  numine  invocalo,  absquc  cujus  nutu,  neque  quid- 
quam  inchoari  neque  recte  perfici  potesl,  Hœc  est  L.  Cuspidh 
dispositio  et  lUtimœ  votuntalis  sente ntia,  de  eo  quod  post  mor- 
lem  suam  fieri  cupit  deccrnilque  (1). 

La  conception  chrétienne  du  néant  des  biens  terrestres,  de 
la  brièveté  des  jours  de  l'homme  et  de  sa  fin  dernière,  se 
traduit  dans  les  testaments  du  xiv  siècle  en  exordes  plus 
expressifs  encore,  dont  les  figures  de  langage  sont  la  plupart 
du  temps  empruntés  aux  livres  saints.  Quel  mélancolique 

(1)  Daniel  Galtier,  Theofihilus  Renooatus,  Appendiz  ad  lib.  ii. 


—  460  — 

• 

sourire  de  Tàme  s'exhale  de  celte  citation  de  Job  qui  sert  de 
considérant  et  de  prélude  aux  dernières  dispositions  de  Phi- 
lippe Vilate,  bachelier  en  décret,  procureur  au  Parlement  de 
Paris  en  1410  :  Quia  humane  nature  condicio,  slatum  fiabcris 
labUein,  quasi  flos  cgredilur  et  conterilur,  fugilque  velul 
unil)ra{i).  Evidemment  un  cœur  de  poète  dut  battre  sous 
la  robe  de  ce  procureur  d'antan,  quelque  peu  contemporain 
de  Villon,  qui  lui  aussi  citait  Job  à  ses  heures  (2). 

Dans  le  testament  d'Arnaud- Guillem  de  Saint-Paslou,  la 
même  idée  de  la  fragilité  de  la  vie  et  des  enseignements 
qu'elle  suggère  esl  Urée  du  passage  des  Evangiles  où  la  mort 
est  comparée  à  un  voleur  :  «  Jl  est  sage  de  se  considérer  soi- 
même  et  de  préférer  son  âme  à  toute  chose,  il  faut  sans 
délai  mettre  ordre  à  ses  affaires  temporelles  pour  prévenir 
les  surprises  de  la  morl,  admonente  dicta  evangelico,  quia  si 
sciret  paterfajnilias  qua  liora  fur  vmlurus  essel,  vigilarel 
utiquc  nec  sinerelperfodi  domum  suam.  » 

Une  fois  en  présence  de  ces  salutaires  pensées,  dont  la 
forme  varie  au  gré  dev  aspirations  personnelles,  nos  ancêtres 
disposaient  de  leurs  biens,  non  sans  s'être  recommandés  à 
Dieu  et  aux  saints  dans  des  invocations  souvent  touchantes 
de  repentir  et  d'espérance. 

L'influence  romaine  se  reconnaît  à  l'énergie  avec  laquelle 
les  testateurs  de  l'époque  repoussent  en  général  la  pensée  de 
mourir  intestats.  Nolens  ah  hoc  seculo  inlestalus  dccedcrc. 
Cette  formule  ou  d'autres  semblables  reviennent  à  chaque 
instant  dans  les  actes  qui  nous  occupent,  et  avec  une  persis- 
tance particulière  dans  le  testament  d'Arnaud-Guillem  de 
Saint-Pastou  rédigé  en  pays  classique  de  droit  écrit.  Mais, 
toujours  par  suite  de  la  prédisposition  religieuse  du  temps 

ri)  Job,  XIV,  2. 

(2)         «  Mes  jours  s'en  sont  allez  errant, 
«  Comme  dict  Job...  » 

(Poébie  intitulée  :  Tiré  du  Grand  Testament). 


—  461  — 

à  sancliQer  les  théories  humaines  en  les  étayant  de  Tautorité 
des  croyances^  le  testateur  gascon  remonte  au  delà  de  la  tra- 
dition romaine  pour  cliercher  dans  les  textes  sacrés  Poriginé 
du  droit  de  tester,  et  il  s'approprie  le  précepte  que  Dieu  lui- 
même  adressait  à  Ezecbias  malade,  par  la  bouche  du  pro- 
phète Isaïe  :  Dispoixe  de  rébus  tais,  quia  monturus  es  et  non 
vives. 

Ensuite  il  désigne  pour  lieu  de  son  dernier  repos  le 
monastère  d'Anisos  ou  La  Bénisson-Dieu,  asile  funèbre  de 
ses  ancêlres,  prescrit  la  vente  de  ses  chevaux,  dont  il  veut 
que  le  prix  serve  à  acquitter  les  honneurs  de  sa  sépul- 
ture, et  fait,  selon  Pusage  du  temps,  une  quantité  de  legs- 
pies  si  considérable  que  leur  nomenclature  a  presque  la 
valeur  d'un  document  de  géographie  ecclésiastique  contem- 
poraine. 

L'évéque  de  Comminges  ouvre  celle  liste  de  gratifiés^  dans 
laquelle  nous  relevons  les  quatre  établissements  hospitaliers 
de  Sainte-Marie  de  Roncevaux,  de  Saint- Jean  de  Jérusalem, 
du  Saint-Esprit,  et  de  Saint-Jacques  du  Haut-Pas.  Nous  nous 
sommes  tout  d'abord  demandé  quel  pouvait  être  cet  hôpital 
du  Saint-Esprit;  la  réponse  est,  croyons-nous,  dans  les  tes- 
taments publiés  par  M.  Tueley,  qui,  presque  tous,  contiennent 
des  legs  à  Phôpital  de  Saint-Jacques  du  Haut-Pas  et  à  celui 
du  Saint-Esprit  ou  Saint-Esprit  de  Grève  :  /lem  paupefibus 
orphanis  hospitalis  sancU  spiriius  in  Gravia,  dit  le  testament 
d'Etienne  Poissonnal,  huissier  d'armes  de  Charles  V. 

Qu'on  nous  pardonne  encore  deux  courtes  observations 
d'ordre  juridique.  L'assistance  de  sept  témoins  constituait 
selon  le  droit  écrit  une  formalité  indispensable  de  la  solennité 
des  testaments;  sept  témoins  figurent,  en  effet,  dans  celui 
d'Arnaud-Guillem  de  Saint-Pastou. 

Les  termes  ^'exequtor  (exécuteur  testamentaire)  et  de 
sponderius  y  sont  conjointement  employés  comme  synony- 
mes. Le  mot  sponderius  ou  spondarius  signifiait,  dans  Pan- 


ciepq^  coiiiumi;  dQ  Toulouse,  tuteur  teâtiatme^taire  (i);  d'où  il 
faift  induire  que  Jean  de  Saint-Pastou,  fils  et  héritier  du  testa- 
tei;r^  se  troi^ vait  en  état db  minorité.  L'équivalence  des  deui  ter- 
me^ précités  fait  supposer  en  outre  qu'à  Toulouse,  comme  à 
Moplpeliier^où  on  les  nommdiil gadiaioreSfVadiatores,  lesexécu- 
li^urs  lestamentAires  étaijent  de  droit  licteurs  de  Penfant  du  tes- 
tateur, si  ce  dernier  n'avait  pas  fait  de  désigation  spéciale  (2)« 

Ifi  nom  de  Saint-PastourBonrepaui  est  un  des  plus 
ancieiis  du  nobiliaire  gascon  :  un  ancêtre  d'Arnaud- Guillem, 
nommé  Guillem-Bernard,  est  présent  en  1096  a  la  consécra- 
tion de  l'abbaye  de  Saint- Pé  de  Génères.  Sous  Henri  III,  un 
arrière- pelit-flls  de  notre  testateur,  Savai^  de  Sainl-Pastou, 
fait  partie  des  quarante-cinq  gentilshommes  de  la  chambre 
du  roi  (3).  Peu  s'en  fallut  même  que,  le  jour  de  Tassassinat 
de  son  maître,  il  n'égorgeât  sur  place  le  procureur  général 
de  la  Guesie,  coupable  d'avoir,  de  la  meilleure  foi  du  monde, 
introduit  Jacques  Clément  à  l'audience  royale.  Le  pauvre  La 
GuQsle,  raconte  Mézeray,  insensé  de  douleur  et  de  honte, 
«  alloit  priant  tous  ceux  qui  entroient  de  luy  donner  la  mort. 
Ce  qu'un  des  quarante-cinq  nommé  Savary  de  Saint  Pastour 
Bon  repos  fut  sur  le  poinct  de  faire  :  mais  l'extrême  regret 
dont  il  le  vid  saisi  luy  retint  la  main  (4).  » 

De  plu3  amples  détails  généalogiques  ne  rentreraient  pas 
à  c^lte  heure  dans  notre  sujet;  là  d'ailleurs  n'est  pas,  nous 
savons  essayé  de  Iç  démontrer,  le  principal  intérêt  du  docu- 
ment qu'on  va  lire  : 

In  Dei  nomine  amen.  Âiino  a  nativitate  Jhesu-Xristi  millesimo 
tresoentesimo  nottag[esiino  septirao  (5)]  die  quarta  décima  mensis 


(1)  Cout.  de  Toulouse,  art.  6,  49. 

(2)  Cout.  de  Montpellier  de  1205,  ait.  7. 

(3)  Il  était  uiariû  à  Marguerite  de  Lauzières-l^>hapelle,  contrat  du  17  janvier 
1592  ;  sou  fils  épousa  Marguerite  de  l^beron  de  Gelas  d'Ambres. 

(4)  Méaeray,  Hlêt.  (la  Franae,  édit.  de  IW,  t.  m.  p.  794. 

(5)  Uu^  dcAbfrure  a  (ai^  disp^raitre  la  fin  du  millésime,  mais  cUe  est  facile  & 
rétablir  au  moyen  de  la  mention  subséquente  de  la  3*  année  du  Pontificat  de 
lteD9it  KW,  élu  pape  '^  ATi^og  e4  sepleipbre  1^4. 


—  463  — 

octobris,  indictione  quinta>  Pontifîcatus  sanctissimi  in  Xr[ist]o  p^ris  et 
domini  nostri  domini  Benedicti  diviua  piovidentia  pape  tertii  âedmi^ 
anno  tertio.  Noverint  universi  présentes  pariter  et  futuri,  quoniam 
disposita  et  ordinata  solempniter  sunt  in  scriptis  redigenda,  et  sapieo- 
tis  est  considerare  de  se,  et  suam  animam  omnibus  rébus  preferre... 
intestatus  aliqualiter  remanere  non  débet  et  propter  prompte  mortis 
insidias.  cessare  non  débet  disponere  et  de  rébus  suis  solempniter 
ordiuare,  ue  fato  letali  preventus,  reperiatur  intestatus,  admonente 
dicto  evangelieo  quia  si  sciret  pater  familias  qua  horafur  venturu» 
easeij  oigilarei  utique  nec  sinerei  per/odi  domum  avkam  (1);  yigilan- 
dum  est  itaque  super  rerum  suarum  dispositione  et  ordinatione,  ates- 
tante  auctoritate  Ezechielis  oui  precepit  Deus  dicens  in  hune  modum 
disponey  inquid,  de  rébus  tais  quia  moriiurus  es  et  non  vives  (2). 
Idcirco  nobilis  Arnaldus  Guillermus  de  Sancto-Pastore,  dominus 
locorum  de  sanclo  Feriolio  (3)  et  de  Bono  Repaussio  (4),  habitator 
q[ue]  dicti  loci  de  Bono  Repaussio,  attendens  et  considerans  at[que] 
cogitaus  moitem  quam  nullus  in  humanis  existens  evitare  potest, 
cum  nil  certius  morte  quamvis  bora  sit  dubia  et  incerta,  in  suo  bono 
sensu  existens  bonaq[ue]  et  perfecta  memoria,  Dei  clementia  interoe- 
dente,  ad  salutem  sue  anime  quam  Domino  Jhesu  Xr[ist]o  filio  Marie 
gloriose  virginis  pro  mundi  redemptione  crucifixo,  ejusque  genitrici 
gloriossB  virgini  comendavit,  suum  ultimum  testamentum  et  ultimam 
voluntatem  seu  rerum  suarum  dispositionem  et  ordinationem  conti* 
nens,  per  quod  omnia  alia  testamenta  seu  codicilios  et  causa  mortis 
donationes  ac  voluntates  ultimas  per  ipsum  acthenus  fàctas  et  conditas 
ac  etiam  ordinatas,  cassavit,  revocavit,  anuliavit  ac  etiam  irritavit  (5), 
volens,  mandans,  jubens  et  precipiens,  hoc  publicum  esse  suum  ulti- 
mum testamentum  et  ultimam  voluntatem,  ordinationem  et  disposi- 
tionem propter  humane  nature  memoriam  que  labilis  est,  et  ad  fines  ne 
post  ejus  excessum  in  et  super  bonis  ejusdem  ac  hereditate  inter  ali- 


(1).S.  Matth.,  XXIV,  43.  —  S.  Luc,  xii,  39. 

(2)  I>e  rédacteur  du  testament  a  écrit  Ezechielis  pour  Eiechiœ,  et  la  citation 
des  paroles  divines  adressées  au  saint  roi  par  la  bouche  du  prophète  Isale  n'est 
pas  d'une  fidélité  littérale.  Voici  au  surplus  le  texte  d'Isale  :  «  In  diebus  illis 
segrotayit  Ezechias  usque  ad  mortcm  ;  et  introivit  ad  eum  Isaîas  filius  Amos 
propheta  et  dixit  ei  :  H  ace  dicit  Dominus  :  Dispone  domtU  tuœ,  quia  marier  is 
tu,  et  non  oioes,  »  Isale,  xxxviir,  1. 

(3)  Saint-Ferréol,  canton  de  lioulogne  (Haute-Garonne) annexe  de  PéguUhan. 

(4)  Bourepos,  qui  à  l'époque  du  testament  formait  une  paroisse  distincte,  n'est 
plus  aujoiH^'hui  qu'un  quartier  de  la  commune  de  SaintrFerréol,  devenue  eUe- 
même  depuis  la  révolution  annexe  ecclésiastique  de  Péguilban. 

(5)  Verbe  formé  de  l'adjectif  irritas,  annulé,  mis  4  néaat. 


—  464  — 

quas  gentes  sui  generis  nec  alias  qu&scumque  aliqualis  questio  seu 
controversia  oriatur,  sed  q[uodjpotîus  omnia  ejus  bona  et  hereditas  in 
secure  et  claro  remanea[n]t  et  hered[es]  infra  scripti  illa  pacifiée  in 
tranquilitate  et  sine  debato  possideant...  dédit  et  ordina vit  hoc  testa* 
mentum  ultimum  quod  voluit  redigi  per  me  nofarium  infra  scriptum, 
per  ipsum  testatoi'em  ad  hoc  vocatum  specialiter  et  rogatum  ac  etiam 
requisitum  in  formam  publicam  et  solempnem,  ac  etiam  oi^dinari  et 
dictari  equaliter  per  me  et  cum  sapientis  consilio  q[uod]in  sui[s]  robore  . 
et  finnitate  comissa,  per  ipsum  disposita  et  ordinata  infrascripta  in  hoc 
présent!  publico  instrumento  remaneant  et  concistant,  veritatis  subs- 
tantia  in  aliquo  minime  mutata,  cum  ea  que  consilio  agantur  recte 
[et]  solempniter  geranlur  et  ordinata  juris  effeclu  intuentur;  fecit,  dis- 
posait et  ordinavit  in  modum  qui  sequitur,  et  in  primis  voluit  dictus 
testator  atq[ue]  jussit  suum  corpus  sive  ejus  cada\'er  casu  quo  ab  hac 
luce  ipsum  migrare  atque  mori  contiugat  de  presenti  infirmitate  qua 
detinetur,  in  monasterio  de  Anisocio  al[ias]  Beneiîictionis  Dei  (1)  in 
tumba  sive  sepulcro  ubi  predecessores  sui  et  alii  de  suo  génère  sepeliri 
consueverunt.  Et  recepit  (2)  de  bonis  suis  a  Deo  sibi  collatis  pro  sahite 
anime  sue  et  parenlum  suorum  et  omnium  Xri[sli]  fidelium  defunc- 
torum  videlicet  quinquagenta  fiorenos  Fmncie  cugni  et  legis  domini 
nostii  Francie  i-egis,  locis  et  personis  infra  scriplis  dividendes,  de  qui- 
bus  legavit  et  expendi  precepil  die  qua  ipse  sepelictur  in  tumba  sive 
sepulcro  predicti  monasterii  viginti  fiorfenos]  Francie  (3)  tam  in  cera 
quam  in  basalica  (4)  q[uam]  in  funeralibus  etaliis  necessariis,  et  voluit 
q[uod]  pix)  predictis  viginti  florenis  solvendis  vendantur  equi  sui,  et 
dé  summa  que  a  dictis  equis  habebitur  predicti  viginti  floreni  solvan- 
lur  et  distribuantur  modo  prodicto.  Item  legavit,  relinquid  et  dare  jus- 
sit, amore  Dei,  dictus  testator  domino  episcopo  Convenarum  ununi 

(1)  Abbaye  cistercienne  dWnisos  ou  La  Bénisson-Dieu  ou  Nizors,  dont  le 
cartulaire,  promis  par  le  savant  abbé  Douais  à  la  dernière  réunion  générale  de  la 
Société  historique  de  Gascogne,  est  impatienunent  attendu.  Nizors  semble  être 
l'appellation  la  plus  moderne  de  cette  abbaye,  fondée  vers  1180  et  qui  depuis 
joua  toujours  un  rôle  important  dans  la  contrée.  .Aux  xvii*  et  xviir  siècles,  les 
abbés  de  Nizors  étaient  présidents  des  Ktats  de  Nébouzan. 

(2)  Ce  verbe  doit  s'entendre  dans  le  sens  de  retirer,  distraire,  se  réserver  sur. 

(3)  1^  mot  Francie  parait  écrit  sur  un  grattage,  constaté  du  reste  par  le 
notaire  au  bas  de  la  formule  de  subscription. 

(4)  \a  basali<iue  était  une  distribution  d'argent  faite  aux  personnes  dti  clergé 
présentes  à  la  cérémonie  des  obsèques.  «  Et  après  anan  far  basai byquc  aus 
»  caperaas,  religioos  et  clercx,  los  qui  dabant  son  hordenat^...;  cade  un  caperaa. 
»  prenc  un  florin  feyt,  et  lo  clerc  très  florins  feytz  et  los  abesques  et  abatz,  et 
»  autres  grana  clerx  et  chantres,  sengles  scutz.  »  {Les  Honneurs  cCArcham- 
baud,  comte  de  Foix^  document  publié  par  M.  Lespy.) 


—  465  — 

grossum  argenti  ;  Item  Icgavit  et  dare  jussit  dictus  testator  operi  eccle- 
sie  saneti  Berlrandi  de  Gonvenis  unum  grossum  argenti  ;  Item  legavit 
et  dare  jussit  dictus  testator  rectori  loci  de  Pegulhano  (1)  très  grossos 
argenti;  Item  legavit  et  dare  jussit  dictus  testator  domino  Petro  de  Jus- 
sen  presbitero  habitatori  loci  de  Sancto  Feriolio  très  grossos  argenti; 
Item  legavit  et  dare  jussit  dictus  testator  domino  Jobanni  de  Navarro 
presbitero  habitatori  loci  de  Pegulhano  très  grossos  argenti;  Item 
legavit  et  dare  jussit  dictus  teslator  operi  ecclesie  de  Sancto  Feriolio 
médium  francum  auri;  Item  legavit  et  dare  jussit  operi  ecclesie  de 
bono  Repaussio  médium  francum  auri;  Item  legavit  et  dare  jussit 
dictus  testator  operi  ecclesie  de  Pegulhano  très  grossos  argenti;  Item 
legavit,  relinquid  et  dare  jussit  dictus  testator  (2)  ecclesie  de  Nenigano  (3) 
très  grossos  argenti  ;  Item  legavit  et  dare  jussit  operi  ecclesie  de  Podio 
Maurino  (4)  très  grossos  argenti;  Item  legavit  et  dare  jussit  dictus  tes- 
lator operi  ecclesie  de  Lunacio  (5)  très  grossos  argenti  ;  Item  legavit 
et  dare  jussit  dictus  testator  operi  ecclesie  de  Selerimo  (6)  très  grossos 
argenti;  Item  legavit  et  dare  jussit  dictus  testator  operi  ecclesie  de 
Sancto  Laurencio  (7)  très  grossos  argenti;  Item  legavit  et  dare  jussit 
dictus  testator  operi  ecclesie  de  Montesquivo  de  Sereria  (8)  très  grossos 
argenti;  Item  legavit  relinquid  et  dare  jussit  dictus  testator  operi  eccle- 
sie de  Monte  Dilhano  (9)  très  grossos  argenti;  Item  legavit  et  dare  jussit 
dictus  testator  operi  ecclesie  de  Bononia  (10)  très  grossos  argenti;  Item 
legavit  et  dare  jussit  dictus  testator  confratrie  beati  Nicholai  de  Bono- 
nia très  grossos  argenti;  Item  legavit  et  dare  jussit  dictus  testator  oon- 
ventui  fratrum  minorum  conventus  Samatani  (11)  unum  florenum 
Francie;  Item  legavit  et  dare  jussit  dictus  testator  conventui  fratrum 
predicatorum  conventus  Insuie  Dodonis  (12)  unum  florenum  Francie; 


(1;  Péguilban,  canton  de  Boulogne  (Haute-Garonne). 

(2)  Dans  le  manuscrit  il  y  a  ici  un  signe  de  renvoi  qui  indique  Tomission  du 
mot  operi,  dont  l'addition  est  reportée  à  la  fin  de  l'acte  et  constatée  au  bas  de  la 
formule  de  subecription. 

(3)  Nénigan,  canton  de  Boulogne  (Haute-Garonne). 

(4)  Puymaurin,  canton  de  TIsle-en-Dodon  (Haute-Garonne). 

(5)  Lunax.  canton  de  Boulogne  (id.). 

(6)  Salhem,  canton  de  risle-en>Dodon  (id.). 

(7)  Saint-Laurent  (id.)  (id.). 

(8)  Montesquieu-Guitaut  (id.)  (id.).  Autrefois  Montesquieu-de-Ser" 
rière.  Voir  sur  le  pays  de  Senière,  un  article  de  M.  Edmond  Cabié,  Rûoue  de 
Gascogne,  t.  xxx,  p.  165. 

(9)  Mondilhan,  canton  de  Boulogne  (id). 

(10)  Boulogne,  ch.-Ueu  de  canton  (id.). 
(It)  Samatan,  ch.-Ueu  de  canton  (Gers). 

(12)  L'Isle-en-Dodon,  ch.-Ueu  de  canton  (Haute-Garonne). 


-  4Ô6  — 

Item  legavit  et  dare  jussit  dictus  testator  conventui  fratrum  cannelita- 
rum  lod  de  Tria  (1)  unum  florenum  Francie;  Item  legavit  et  date 
jussit  dictus  testator  conventui  fratrum  augustinorum  conventus  de 
Monte-R(^li  (2)  unum  florenum  Frande;  Item  legavit  et  dare  jussit 
dictus  testator  hospitali  béate  Marie  Roncidevallis  duos  grosses  ai^nti; 
Item  legavit  et  dare  jussit  dictus  testator  hospitali  Sancti  Johannis 
Jerolomitani  duos  grossos  argenti;  Item  legavit  et  dare  jussit  dictus 
testator  hospitali  Sancti  Spiritus  duos  grossos  argenti;  Item  legavit  et 
dare  jussit  dictus  testator  hospitali  sancti  Jacobi  de  Alto  passu  duos 
grossos  argenti;  Item  legavit  et  dare  jussit  dictus  testator  fratri  Petro 
Molineri  monacho  monasterii  Benedictionis  Dei  al.  de  Anisocio^  pro 
celebrando  unum  trentenarium  missarum  de  Requiem  pro  anima  dicti 
et  parentum  suorura,  duos  francos  auri  ;  Item  legavit  et  dare  jussit 
dictus  testator  fratri  Guilh[er]mo  de  Fortassino  monacho  ejusdem 
monasterii  (3)  unum  aliud  trentenarium  missarum  de  Requiem  pro 
anima  dicti  testatons  et  parentum  suorum  duos  francos  auri;  Item 
legavit  et  dare  jussit  dictus  testator  fratri  Augerio  Lobolha  monacho 
ejusdem  Benedictionis  Dei  pro  celebrando  unum  trentenarium  missa- 
rum de  Requiem  pro  anima  dicti  testatoris  et  parentum  suorum  duos 
francos  auri;  Item  legavit  et  dare  jussit  domino  abbati  monasterii 
Benedictionis  Dei  al.  de  Anisocio  unum  grossum  argenti;  Item  legavit 
et  dare  jussit  dictus  testator  fratri  Dominico  de  Campano  monacho 
predicti  monasterii  unum  grossum  argenti;  Item  legavit  et  dare  jussit 
dictus  testator  fratri  Arnaldo  de  Casteliano  monacho  dicti  monasterii 
unum  grossum  argenti;  Item  legavit  et  dare  jussit  dictus  testator  fratri 
Guillermo  de  Dulceda  monhaco  ejusdem  monasterii  unum  grossum 
argenti;  Item  legavit  et  dare  jussit  dictus  testator  fratri  Petro  Molineri 
ejusdem  monasterii  unum  grossum  argenti;  Item  legavit  et  dare  jussit 
dictus  testator   fratri    Bertrando  de  Malo  leone  monacho  ejusdem 
monasterii  unum  grossum  argenti;  Item  legavit  et  dare  jussit  dictus 
testator  fratri  Guillermo  de  Fortassino  monacho  ejusdem  monasterii 
unum  grossum  argenti;  Item  legavit  et  dare  jussit  dictus  testator  fratri 
Augerio  Lobolha  monacho  ejusdem  monasterii  unum  grossum  aiigenti; 
Item  legavit  et  dare  jussit  dictus  testator  fratri  Jacobo  de  Lanis  mona- 
cho ejusdem  monasterii  unum  grossum  argenti;  Item  legavit  et  dare 

(1)  Trie,  ch.-lieu  de  canton  (Haates-Pyrénées). 

(2)  Montréjeau,  ch.'-lieu  de  canton  (Haute -Garonne). 

(3)  Dans  le  manuscrit  il  y  a  Ici  un  signe  de  renvoi  qui  indique  romlssiou  des 
mots  :  pro  celebrando  dont  l'addition  est  reportée  à  la  fin  de  Tacte  et  constatée 
au  bas  de  la  formule  de  subscription. 


-^  467  — 

jussit  dictus  tesUitor  fratri  Bertrando  de  Podio  monacho  ejusdém 
monasterii  unum  grossum  argent!  ;  Item  legavit  et  dare  jussit  dictus 
testator  Iratri  Jobauni  de  Abbatia  monacho  ejusdem  monasterii  unum 
grossum  argent!  ;  Item  legavit  et  dare  jussit  dictus  testator  fratri  Ber* 
trando  Tomeri  monacho  ejusdem  monasterii  unum  grossum  àigenti  ; 
Ix&m  legavit  et  dare  jussit  dictus  testator  fratri  Dominico  de  Garderia 
monacho  ejusdem  monasterii  unum  grossum  argenti  ;  Item  legavit  et 
dare  jussit  dictus  testator  ouilibet  heremite  ejusdem  monasterii  médium 
grossum  argenti;  Item  legavit  et  dare  jussit  dictus  testator  cuiddm  filie 
Ramundi  de  Podio  Lobrino  filiole  sue  duos  francos  auri  pro  fàciendo 
unam  tunicam  sive  cotam  ;  Item  legavit  et  dare  jussit  dictus  teflkator 
filiis  M àlvini  de  S^  Pastore  in  comuni  viginti  francos  auri  quos  voluit 
eisdem  exsoivi  per  suum  beredem  infra  scriptum  ultra  snmmam  quin- 
quagenta  flor[enorum]  auri  superius  per  ipsum  testatorem  receptam  de 
bonis  suis;  Item  legavit  et  dare  jussit  dictus  testator  operi  ecclesie  de 
Manho  (1)  duos  florenos  Frande;  Item  legavit  et  dare  ju&sit  dictus 
testator  operi  ecclesie  de  Gastanheda  (2)  unum  flor[enuifn]  FVancie; 
Item  legavit  et  dare  jussit  dictus  testator  fratri  Petro  de  Rabastenchis 
ordinis  sancfi  Âugustini  (3)  de  Monte  Regali  unum  flor[enum]  Fmn- 
cie;  Item  legavit  et  dare  jussit  dictus  testator  omnibus  monfaaciis 
monasterii  sancti  Laurencii  duos  florenos  Francie  equaliter  intef*  ipsos 
dividendes;  Item  legavit  et  dare  jussit  dictus  testator,  aihohe  Dei, 
dominabus  monialibas  monasterii  pitédicti  sancti  Laurencii  (4)  duos  flo^ 
renos  Francie  equaliter  inter  ips[as]  diviâend[os]  ;  Item  legavit  et  dare 
jussit  dictus  testator  duabus  monialibus  neptîbus  suis  motiasterii  de 
Favars  (5)  cuilibet  illarum  duos  flojr[enos]  Francie  ;  Item  legavit  et 
dare  jussit  dictus  testator  fratri  Bernardo  Davini  conventus  fratrum 
minorum  Samatani  duos  francos  auri;  Item  legavit  et  dare  jussit  fratri 
Fortio  de  S^assio  ejusdem  conventus  Samatani  unum  francum  auri; 
Item  voluit  et  ordinavit  dictus  testator  q[uod]  cum  ipse  co[n]!stituisset 
ut  ibidem  diiit  certam  summakh  pecunie  in  dotem  Caterine  de  Sancto 
Pastore  ejus  liKe  Intime  et  âaturali  prout  contin^tur  in  qnodïtm 

(1)  Mane«  canton  de  Salies  (Haute-Garonne). 

(2)  Castagnède         id.  id. 

(3)  Dans  lé  manuscrit  il  y  a  ici  un  signe  de  renvoi  qui  indique  Tomission  du 
mot  loci  dont  l'addition  est  reportée  &  la  fin  de  Tacte  et  constatée  au  bas  de  la 
formule  de  subscription. 

(4)  Il  parait  que  Saint-Laurent  fui  un  de  ces  monastèk'es  doubles  dont  l'insti- 
tution, d'origine  celtique,  disparut  sous  les  Franks  pour  être  remise  en  honneur 
par  la  France  cbevaleresque.  Les  religieux  et  les  religieuses  y  vivaient  séparés» 
m^s  sous  la  même  règle. 

(5)  Fabas,  canton  de  l'Isle-en-Dodon  (Haute-Garonne). 


—  468  — 

publico  instrumento  malrimoiiiali  retento  per  nolarium  publicum  ul 
ibidem  dixit  et  asseruit  dictas  lestator  et  hoc  ratec  (?)  (1)  et  ex  causa 
matrimonii  contracti  inter  dict[am]  Caterinam.de  Saocto  Pastoreejus 
iiliam  legitimam  et  ziaturalem  ex  parte  una  et  nobilem  Johannem  de 
Sabalhano  (2)  ex  altéra,  q[uod]  predicta  Gat^rina  dicta  dote  conte[D](e- 
tur  et  ipsam  in  predicta  dote  heredem  particularem  instituit  atq[ue] 
lecit  jure  institutionis  et  hereditarie  portionis.  In  omnibus  autem  aliis 
bonis  suis  mobilibus  et  inmobilibus,  juribus,  vocibus,  rébus  et  actioni- 
bus  quovismodo  sibi  pertinentibus  et  spectar[e],  pertiner[e]  seu  conpe- 
ter[e]  debentibus  quocumq[uej  modo  et  quocumq[ue]  modo  (3)  et  quo- 
cumq[ue]  nomine  censeantur,  dictus  testator  nobilem  Johannem  de 
Sancto  Pastore,  iilium  suum  legitimum  et  naturalem,  heredem  suum 
generalem  et  universalem  instituit  atq[ue]  fecit,  et  si  oontingat  casus 
q[uod]  dictus  nobilis  Johannes  de  sancto  Pastore  decedat  seu  contin* 
gat  decedere  absq[ue]  liboro  vel  liberis  de  légitime  matrimonio  pro- 
creat[is]  q[uod]eo  casu  in  bonis  et  hereditate  eidem  Johanni  dimissis 
Caterinam  de  Sancto  Pastore  filiam  dicti  testatoris  heredem  sibi  subs- 
tituit  atq[ue]  fecit  casu  quo  dicta  Caterina  eidem  Johanni  supravixerit; 
et  in  casu  quo  dicta  Caterina  eidem  Johanni  de  Sancto-Pastore  non 
supravixerit.  q[uod]  filii  et  fiUe  dicte  Caterine  superstites  seu  rema- 
nent[es]  si  quem  velquos  babuerit  procreat[osJ  de  légitime  matrimonio 
et  eidem  Johanni  supravixerint,  hered[es]  sibi  substituit  atq[ue]  fecif  ; 
et  in  casu  quo  dicta  Caterina  eidem  Johanni  non  supravixerit  nec  iilios 
vel  filias  habuerit  de  légitime  motrimonio  procreat[os]  veL  si  habuerit 
eidem  Johanni  non  supravixeri[n]t,  q[uod]  eo  casu  in  bonis  et  heredi- 
tat[e]  eidem  Johanni  dimissis  filios  et  iilias  Malvini  de  Sancto-Pastorc 
hered[es]  sibi  substituit  pleno  jur[e]  p[ro]  o[mni]bus  voluntatibus  indc 
perpétue  laciend[is];  Item  voluit  et  ordinavit  dictus  testator  q[uodJ 
nobilis  domina  Bertranda  de  Puissino  ejus  uxer  sit  domina  maiorissa 
et  usu  fructuaria  omnium  bonorum  dicti  testatoris  absq[ue]  redditione 
conputi  tam  diu  q[uam]  diu  vitam  duxerit  vidualem  et  honestam; 
Item  voluit  et  oréhnavit  dictus  testator  q[uod]  in  casu  quo  predicta  Ber- 


(1)  Probablement  confirme,  rati/le. 

(2)  Un  Baudouin  de  SabaLhan  est  témoin  de  la  charte  de  coutumes  octroyée 
aux  habitants  de  Pradôre,  le  14  juin  1285,  par  Jourdain  de  Tlsle  et  Baron  de 
Blanqdefort.  (V.  Arch.  hist.  de  Gasc,,  fasc.  5*,  Chartes  de  coût.  înéd.  de  la 
Gascogne  toulousaine,  par  Ed.  Cabié,  p.  45.)  Un  seigneur  de  Savailhan  était 
aussi  gouverneur  de  l'Isle-Jourdain  sous  Henri  IV.  (V.  note  de  M.  Tamizey  de 
Larroque,  Reo.  de  Gasc,  t.  xxix,  p.  80.) 

(3)  Ce  souligné,  reproduit  du  manuscrit,  est  constaté  au  bas  de  la  formule  de 
subscription. 


—  469  — 

tranda  e)us  uxor  et  nobilis  Johannes  de  Sancto-Pastore  ejus  filius  non 

possent  se  ad  invicem  concordare  q[uod]  eo  casu  dictus  testalor  legavit 

et  eidem  Bertrande  ejus  uxori  dimisit  omnes  redditus  proventus  sive 

rende  et  emolumenta  p6rtinent[esl  eidem  testatori  in  loco  de  Sancto 

Feriolio  pro  omnibus  suis  voluntatibus  faciendis  tam  diu  q[uam]  diu 

viiam  vidualem  et  honestam  duxerit;  Item  voluit  et  ordinavit  dictus 

lestator  q[uod]  predicti  rende,  redditus,  proventus  et  emolumenta  loci 

predicti  de  Sancto-Feriolio  revertantur  et  devolvantur  ad  predictum 

nobilem  Jobannem  de  Sancto-Pastore  et  heredes  suos  post  mortem 

dicte  nobilis  Bertrande  de  Puissino.  Preterea  ad  exsolvendum  omnia 

legata  sua  in  hoc  presenti  testamento  contenta  et  expressata,  fecit, 

creavit,  ac  etiam  ordinavit  suos  exequtores  et  sponderios  sui  ultimi 

lestamenti  et  sue  ultime  voluntatis   videlicet  dominos   rectorem  de 

Pegulhano  et  Petrum  de  Jussen  presbiteros  et  eorum  quemlibet  in  soli- 

dum  ita  q[uod]  non  sit  melior  conditio  «ecupantis  sed  id  q[uodi  per 

unum  ipsorum  inceptum  fuerit  per  alium  eorumdem  valeat  continuari, 

mediari  et  finiri,  quibus  quidem  exequtoribus  et  sponderiis  et  eorum 

cuilibet  in  solidum  dictus  testator  dédit  plenam  licentiam  et  liberam 

potestatem  lot  de  bonis  dicti  testatoris  vend[ere]  et  alienar[e]  modo 

et  forma  infra  scriptis  q[uod]  sufficiant  ad  omnia  legata  et  expens[as] 

inde  factas  solvendi  et  q[aodJ  omnis  illa  vendilîo  et  alienatio  de  lx)nis 

dicti  testatoris  pro  solvendo  legata  superius  inserta,  facta  per  piedictos 

exequtores  et  eorum  quemlibet  in  solidum,  sit  ita  firma  et  valida  ac  si 

per  ipsum  testatorem,  in  humanis  viventem,  esset  facta  et  concessa. 

Et  voluit  dictus  testator  q[uod]  legata  supra  dicta  solvantur  de  reddi- 

tibus,  proventps]  et  emolumentis  loci  de  S*^  Feriolio,  videlicet  quolibet 

anno  decem  flor[enos]  Francie,  donec  predicta  legata  fuerint  exsoluta, 

excepte  q[uod]  voluit  et  ordinavit  dictus  testator  q[uod]  [pro]  viginti 

florfenis]  divisi  et  expendi  mandatis  die  sue  sépulture,  dicta  die  de 

equis  predictis  vendendis  exsolva[n]tur  et  distribua[n]tur  secundum 

q[uod]  extitit,  per  dictum  testatorem,  supra  [dictum].  Et  voluit  dictus 

testator  istud  testamentum  ultimum  per  ipsum  conditum  valere  jure 

lestamenti,  vel  codicillp]  vel  donationis  causa  mortis  vel  al[iis]  meliori 

modo  et  forma  quibus  poterit  de  jure  vel  de  consuetudine  vel  istius 

patrie.  Acta  f uerunt  hec  in  loco  de  Bono  Repaussio  in  bospitio  dicte 

testatoris,  anno,  die,  mense,  indictione  et  pontificatu  quibus  supra; 

presentibus  in  premissis  videlicet  Arnaldo  de  Fabrica  hostalerio,  Vitali 

de  Preya  habitatores  loci  de  Bononia,  Petro  Casa,  Guillermo  de 

Manento,  Arnaldo  de  Cortada  loci  de  Pegulhano,  Arnaldo  Lanis  et 

Johanne  de  Lacu  loci  predicti  de  Bono  Repaussio  habitator[es]  ut 

Tomn  XXX.  31 


—  470  — 

dixerunt,  leslibiis  ad  premissa  per  dictum  testatorem  ad  hoc  vocatis 
specialiter  et  rogatis.  operi.  p[ro]  celebra[n]do.  loci. 

Et  me  Petro  Planta  clerico,  aiictoritate  apostolica,  publiée  notarié  qui 
in  premissis  omnibus  et  singulis  in  dicto  testamento  contenus  dum  sic  ut 
premititur  agerentur  et  fièrent,  unacum  prenominatis  testibus  presens 
fui  et  ita  fieri  vidi  etaudivi  et  publicum  testamenti  instrumentum  retinui 
ad  h  foc]  requisitus  specialiter  et  rogatus  per  dictum  testatorem  eaq[ue] 
omnia  et  singula  in  notam  recepi  et  scripsi  a  qua  nota  hoc  pfresejns 
publicu[m]  tcst[a]ra[entum]  in  hanc  publicam  formara  redigi,  manu- 
q[ue]  mea  prop[ri]a,  facta  p[ri]us  diligenti  collatione  cum  oiiginali^  hic 
me  subs[cri]psi  signoq[ue]  meo  consueto  signavi  in  fidem  et  teslimo- 
ni[um]  omfnium]  premissor[um].  Co[n]stat  de  additione  sup[er]ius 
facta  in  not[a]  antedicla  sup[er]  verbps]  operi^  plro]  celehrando^  loci 
et  de  rasura  sup[er|ius  facta  sup[er]  verb[o]  Fran[eié\  et  de  punctatura 
sup[er]ius  fact[a]  sup[er]  veAps]  et  quocu\m]que  modo. 

François  ABBADIE. 


BIBLIOGRAPHIE  HISTORIQUE. 


PUBLICATIONS  RELATIVES  AU  DEPARTEMENT  DES  BASSES-PYRENEES 

vc) 

Armorialde  Béarn  (1696-1701),  extrait  du  recueil  officiel  dressé  par  ordre 
de  Louis  XIV.  Première  partie  :  Armes  déposées.  Texte  publié  d'après 
les  manuscrits  de  la  Bibliothèque  nationale  et  annoté  par  A.  de  Duffal* 
DE  Maluquer,  juge  supjiléant  à  Sarlat,  et  J.-B.-E.  de  Jaurgain.  Tome 
premier.  Paris,  Hon.  Champion.  1889.  Grand  in-8'  de  xxj-384  pp. 

Un  édit  royal  de  novembre  1696  ordonna  l'entegistrement  des 
armoiries  de  tout  ordre,  à  peine  de  300  livres  d'amende  contre  tont 
contrevenant,  c'est-à-dire  contre  toute  personne  usant  d'armoiries  non 
enregistrées.  C'était  là,  on  s'en  cloute  bien,  une  mesure  fiscale,  l'en- 
registrement  étant  soumis  à  un  tarif  dont  le  chiffre  le  plus  bas  était  de 
vingt  livi^s.  Dans  le  Béarn,  en  particulier,  cette  mesure  parut  menacer 
le  pays  d'une  ruine  totale;  ce  sont  les  termes  d'une  délibération  des 

(•)  Voir  les  articles  précédent  de  celte  série,  ci-dessus,  pp.  89-100  et  374-383. 


—  471  — 

Etals  du  23  septembre  1698.  Toutefois,  après  beaucoup  d'hésitations, 
on  résolut  de  s'abstenir  de  toutes  remontrances  proprement  dites 
contre  Tédit,  «  pour  le  peu  d'apparence  qu'il  y  a  qu'elles  fussent  écou- 
tées »,  mais  de  s'adresser  à  l'intendant  pour  qu'il  eût  à  protéger,  contre 
les  prétentions  abusives  des  recouvreurs  de  la  finance  héraldique, 
les  corps  et  les  personnes  qui  n'avaient  ni  ne  prétendaient  avoir  de 
vraies  armoiries  (1).  Malgré  ces  sages  précautions,  les  préposés  à  la 
confection  de  V Armoriai  blasonnèrent  d'office  quantité  de  seigneurs  et 
de  fonctionnaires  et  de  plus  141  prêtres,  chanoines  ou  curés,  qui  se 
seraient  bien  passés  de  ce  coûteux  honneur. 

«  Néanmoins,  disent  les  savants  éditeurs  de  V Armoriai  de  Béarn 
(p.  x),  les  observations  des  Etats  ne  furent  pas  absolument  inutiles. 
Chose  bizarre  I  elles  semblent  avoir  profité  surtout  à  une  classe  de  per- 
sonnes qui,  par  leur  fortune  et  leur  position  sociale,  avaient  incontes- 
tablement droit  d'armoiries  et  pouvaient^s  bien  payer  la  taxe.  Le 
Béarn  abondait  en  familles  dont  les  membres,  s'honorant  avec  raison 
du  titre  de  bourgeois  et  marchanda^  surpassaient  souvent  la  noblesse 
en  biens  et  en  crédit  et  s'alliaient  tous  les  jours  à  elle,  lorsqu'ils  ne  s'y 
agrégeaient  point  tout  à  fait  par  l'acquisition  d'une  seigneurie  ou  de 
quelque  menu  fief  donnant  droit  d'entrée  aux  Etats. —  Or,  V Armoriai 
de  Béarrty  nous  l'avons  constaté  à  notre  grande  surprise,  ne  mentionne 
aucun  de  ces  riches  marchands.  Aussi  plusieurs  familles  qui  jouèrent, 
dans  le  courant  du  xviii*'  siècle,  un  rôle  considérable  dans  l'aristo- 
cratie  béarnaise,  n'eurent-elles  même  pas  un  blason  imposé  d'office.  » 

Malgré  cette  lacune,  —  explicable  peut-être  par  les  ménagements  de 
l'Etat  pour  les  commerçants  ou  par  les  idées  françaises  des  recou- 
vreurs, qui  devaient  entendre  la  noblesse  autrement  que  les  Béarnais, — 
on  comprend  que  l'Armoriai  dressé  à  la  fin  du  xvii*  siècle  est  un 
document  très  important  pour  cette  province  comme  pour  les  autres. 
Aussi  n'est-il  pas  resté  tout  à  fait  inédit.  Pour  ne  parler  que  de  notre 
région.  M,  Paul  Labrouchea  publié  dans  la  Revue  de  Béarn j  Na- 
varre et  Lannes  les  Armoriaux  de  Mont-de-Marsan  (i,  558),  de 
Dax  (il,  220)  et  de  Bayonne  (n,  441).  Celui  de  Béarn  a  paru  dans  le 
Bulletin  de  la  Société  héraldique  et  généalogique  de  France  de 
1879.  Mais  les  éditeurs  actuels  en  ont  corrigé  soigneusement  le  texte, 
et  ce  n'était  pas  une  petite  besogne  ni  de  peu  d'importance,  car  les 
copistes  du  xvu^  siècle  avaient  estropié  une  foule  de  noms  au  point  de 


(1)  On  les  distinguait  des  a  chiffres  )i  ou  «  simples  figures  d'animaux  ou  d'au- 
tres choses  »  graves  sur  des  cachets. 


—  472  — 

les  rencli^e  méconnaissables.  Ce  n'a  été  là  que  la  moindre  partie  de 
la  tâche  entreprise  par  MM,  de  Dufau  et  de  Jaurgain.  Ils  ont  de  plus 
commenté,  discuté,  documenté  V Armoriai  de  Béarn^  et  leurs  addi- 
tions, beaucoup  plus  considérables  que  le  texte,  renferment  une  foule 
de  notices  historiques  et  généalogiques  puisées  aux  sources  les  plus 
sûres  et  principalement  dans  les  archives  départementales  et  commu- 
nales des  Basses-Pyrénées. 

Un  travail  de  ce  genre  échappe  à  l'analyse.  A  le  parcourir  seulement 
en  prenant  note  des  pages  les  plus  curieuses  ou  les  plus  neuves,  on 
dépasserait  bien  vite,  sans  épuiser  la  matière,  les  justes  bornes  de  nos 
comptes-rendus.  Je  me  contente  de  faire  remarquer  que  les  eui'egistre- 
ments  d'  «  annoiries  déposées  »,  objet  de  ce  premier  volume,  sont  au 
nombre  de  cent  dix-neuf;  une  centaine  de  familles  y  trouvent  la  des- 
cription de  leurs  armoiries;  mais  le  nombre  des  notices  ajoutées  par  les 
éditeurs  est  bien  plus  considérable.  Je  les  remercie  d'avoir  mis  en 
vedette,  dans  leur  Table  des  matières  (1),  quelques  points  d'un  intérêt 
particulier  pour  l'histoire  provinciale.  Un  livre  comme  celui-ci  étant  à 
consulter  plutôt  qu'à  lire,  il  est  utile  d'être  averti  d'avance  de  certaines 
curiosités  historic|ues  qu'on  n'y  rencontrerait  autrement  que  par  un  heu- 
reux hasard.  Je  signale  seulement  quelques  particularités  de  jurispm- 
dence  nobiliaire  : 

1°  «  Les  transports  de  noblesse  eu  Béarn.  »  Le  droit  d'entrée  aux 
Etats  étant  attaché  au  fîef  ou  maison  noble,  on  pouvait  obtenir  des 
lettres  patentes  pour  le  faire  passer  d'un  lieu  à  un  autre.  Les  intendants 
ne  s'habituaient  pas  sans  peine  à  ces  usages  béarnais;  tout  en  s'y  sou- 
mettant, ils  trouvaient  ridicule  «  de  faire  dépendre  d'un  pigeonnier  le 
droit  d'entrée  aux  Etats  »  :  ce  sont  les  termes  de  l'intendant  Douel  de 
La  Boullaye  en  1782. 

2°  a  Noblesse  utérine  ou  coutumière  en  Soûle,  en  Basse-Navarre  et 
en  Labourd;  transmission  du  nom  et  des  armes  d'une  maison  noble 
par  l'héritièi*e  à  son  mari  et  à  ses  enfants;  preuves  et  généalogies  faites 
suivant  lordi-e  de  succession  de  la  maison.  »  Il  suffit  d'indiquer  aux 
travailleurs  qui  s'occupent  d'histoire  nobiliaire  ces  singularités,  dont  ils 
trouveront  la  pleine  justification  aux  passages  désignés  par  la  Table. 

S*'  «  Les  entrées  des  seigneurs  adventices  aux  Etats  de  Basse-Na- 
varre. »  On  trouve  en  1785  une  mesure  de  ce  genre,  dans  un  cas  ex- 
pressément contraire  au  droit  local,  mais  elle  parut  justifiée  par  l'équité 


(1)  1^1  mblc  g«'nfirale  des  noms  de  personnes  et  do  lieux  sera  plao4»e  à  la  flu 
de  l'ouvrage. 


—  473  — 

en  faveur  des  «  familles  les  plus  anciennes  el  les  plus  nobles  »,  et  dut 
amener  une  réforme  dans  les  règlements. 

4®  «  Supercheries  nobiliaires.  »  Voir  le  volume,  oii  Ton  cite  des 
généalogies  officielles  fondées  sur  des  actes  faux  et  même  «  horrible- 
ment faux  !  » 

5°  «  Changement  de  nom  en  Béarn  »,  etc. 

Plus  encore  que  les  questions  de  droit  nobiliaire  et  d'héraldique, 
l'histoire  proprement  dite,  dans  toutes  ses  branches,  trouvera  beau- 
coup à  prendre  dans  celte  savante  publication.  Les  biographies  mili- 
taires, juridiques,  ecclésiastiques  y  abondent;  et,  même  quand  elles  se 
rapportent  à  des  noms  peu  célèbres,  elles  ont  leur  prix  et  ajoutent  nota- 
blement à  ce  qu'on  savait  de  l'histoire  des  mœurs  sous  l'ancien  régime. 
Les  auteurs  ont  par  là,  dans  beaucoup  de  pages,  très  heureusement 
continué  le  petit  livre  par  trop  malicieux  peut-être,  la  Société  béar- 
naise  au  xvm®  sièclej  ainsi  que  le  curieux  volume  de  M.  de  Lagrôze 
(auquel  ils  ont  fait  des  corrections),  la  Société  et  les  mœurs  en 
Béarn, 

Négligeant  toutes  ces  richesses,  je  m'arrête  à  une  ou  deux  notices 
qui  intéressent  l'histoire  littéraire.  La  plus  importante  concerne  le 
célèbre  jurisconsulte  béarnais  Maria,  de  son  vrai  nom  Jacques-Antoine 
de  Lafite,  seigneur  de  Canaber,  de  Maria,  de  Baigt  et  de  Beyrie, 
auteur  de  Mémoires  et  éclaircissements  sur  les /ors  et  coutumes  de 
Béarn  et  de  plusieurs  savantes  dissertations  juridiques.  Une  notice 
publiée  dans  la  Biographie  Michaud  assigne  à  l'ouvrage  le  plus  connu 
de  Maria  la  date  de  1730  à  1750;  c'est  une  grave  erreur.  L'auteur 
entra  aux  Etats  de  Béarn  dès  1654,  et  les  savants  éditeurs  de  V Armo- 
riai prouvent  par  le  texte  même  des  Eclaircissements  qu'ils  furent 
écrits  de  1690  à  1695.  Lafite-Maria,  mort  à  Pau  le  8  janvier  1703,  lais- 
sait plusieurs  enfants,  dont  deux  furent  comme  lui  protestants  et  avocats 
au  parlement  de  Navarre,  et  un  autre,  converti  et  devenu  ecclésiasti- 
que et  abbé  commendataire  de  Saint-Polycarpe,  se  fit  un  nom  célèbre 
dans  les  annales  de  l'ordre  bénédictin  et  du  jansénisme.  Sa  vie  occupe 
une  très  large  place  dans  les  deux  histoires  de  son  abbaye,  dont  la 
dernière  a  été  écrite  par  notre  Dom  Labat,  de  Saint-Sever. 

Le  savant  Maria  mériterait  une  étude  détaillée,  que  MM.  de  Dufau 
et  de  Jaurgain  ne  pouvaient  lui  accorder  sans  sortir  de  leur  cadre. 
J'en  dirai  autant  d  un  autre  jurisconsulte  béarnais,  encore  moins 
connu,  David  de  Labourt,  seigneur  d'Aressy,  maître  des  comptes  de 
Navarre,  qui  dédia  ses  Commentaires  sur  les  Fors  aux  Etats  de 
Béarn  en  1644;  ce  qui  n'a  pas  empêché  certains  écrivains  d'en  rap- 


—  474  — 

porter  la  composition  en  xvni'^  siècle.  MM.  de  Dufau  et  de  Jaurgam 
ont  repoussé  cette  erreur  et  fourni  quelques  détails  (p.  24  et,  parmi  les 
additions  et  corrections,  p.  367-8)  sur  Tauteur  et  sa  descendance. 

Je  signalerai  encore  :  la  riche  et  curieuse  notice  sur  les  Belzuiioe 
(on  sait  que  la  famille  du  saint  évêque  de  Marseille  est  d'origine 
navarraise  ou  bayonnaisc);  on  y  remarquera  surtout  (p.  150)  la  dis- 
cussion de  la  légende  du  dragon  de  leurs  armes  (1)  ;  —  celle  de  Fran- 
çois de  Salettes,  évêque  d'Oloron;  —  celles  des  familles  parlementaires 
Doat,  de  Faget,  Desclaux-Mesplès,  de  Casaus,  Mosqueros,  etc.,  qui 
touchent  plus  ou  moins  à  l'histoire  littéraire  prise  au  sens  le  plus  large. 
On  me  pai'donnera  do  chercher  habituellement  mon  gibier  spécial  sur 
toutes  les  terres,  même  quand  il  y  est  rare,  comme  ici.  J'aurais  bien 
envie,  à  ce  propos,  de  demander  aux  savants  auteurs  si  le  poète  satiri- 
que dacquois  Du  Camp,  qu'on  dit  ancêtre  de  Tacadémicien  actuel  du 
même  nom,  tenait  à  la  famille  béarnaise  de  Carsusan  du  Camp  ;  si  le 
romancier  et  polygraphe  Préchac  (qu'on  a  fait  naître,  sans  preuve  con- 
nue, à  Vic-Fezensac)  n'appartenait  pas  au  même  estoc  que  le  conseiller 
au  Parlement  de  Navarre  Jean  de  Préchac;  notez  que  V Héroïne  mous- 
quetaire, qui  a  fourni  le  titre  de  son  ouvrage  le  plus  connu,  est  une 
béarnaise  ! 

Mais  j'aurais  mauvaise  grâce  à  multiplier  ici  des  questions  auxquel- 
les les  savants  éditeurs  n'avaient  pas  à  répondre.  Ils  ont  traité  avec 
une  compétence  supérieure  et  un  appareil  vraiment  admirable  d'infor- 
mation spéciale  les  innombrables  problèmes  héraldiques  et  historiques 
compris  dans  leur  sujet.  De  plus,  ils  ont  su  constamment  unir  à  Téru- 
dilion,  qui  fournit  les  matériaux,  la  saine  critique  qui  les  explique  et 
les  juge  et  Tart  qui  les  coordonne  et  les  met  au  point.  Des  fautes  leur 
seront  échappées  sans  doute  (2),  on  ne  les  évite  jamais  toutes  dans 
une  œuvre  si  étendue  et  si  difïicile;  mais  elles  doivent  être  rares,  et 
pourront  être  corrigées  dans  la  suite  de  cet  ouvrage,  qui  prendra  rang 
parmi  les  répertoires  les  plus  utiles  aux  travailleurs  de  notre  région 
pour  rhistoiredes  deux  derniers  siècles. 

LÉONCE  COUTURK. 


(1)  La  généalogie  qui  est  passée  du  Moréri  dans  I^  Clienaye-De^bais  et  ail- 
leurs «  fourmille  d'erreurs,  d'anaclironismes  et  de  pei-sonuages  supposés.  » 

(2)  Pour  ma  part,  je  ne  relèverai  qu'une  distraction  de  la  p.  184,  note  2. 
Catholique  A.  et  R.  veut  dire  évidemment  apostolique  et  romaine  et  non  pas 
«  apostat  et  relaps.  » 


—  475  — 


VI 
Histoire  d'un  collège  municipal  aux  xvi*,  xvn'  et  xviii*  siècles.  Les 

KCHEVINS,  le  clergé,  LES  ORDRES  REUGIEUX  ET  l'iNSTRUCTION  SECON- 
DAIRE A  Bayonne  AVANT  1789.  Thèse  présentée  à  la  faculté  des  lettres  de 
Toulouse  i>ar  J.-M.  Drevon,  censeur  des  études  au  lycée  d'Agen. 
Agcn,  imprimerie  de  Virgile  Lenthèric,  et  librairie  de  Michel  et  Médan, 
18i39.  Vol.  grand  in-8*  de  440-lxxxviii  pages. 

Indiquons  d*abord  les  divisions  principales  de  l'important  ouvrage 
de  M.  Drevon,  aujourd'hui  censeur  des  études  au  lycée  de  Marseille  : 
V Introduction  (de  58  pages)  se  compose  à!  Un  coup  d*œil  général  sur 
la  situation  de  V instruction  publique  en  France  et  particulièrement 
à  Bayonne  au  xv®  et  au  xvi*  siècles  et  du  récit  de  la  fondation 
d'un  collège  à  Bayonne.  Trois  autres  chapitres,  fort  substantiels, 
sont  intitulés  :  2^  La  prébende  précepioriale  et  le  collège  ;  ^"^  les 
ordres  religieux  et  le  collège  ;  4°  le  collège.  Puis  se  déroulent  des 
Pièces  justificatives,  au  nombre  de  vingt- trois,  presque  toutes  inédites 
et  presque  toutes  extraites  des  riches  Archives  municipales  de 
Bayonne  (1),  flanquées  d'un  Appendice  formé  :  1°  de  V Extrait  d'un 

(1)  A'oici  rénumération  complète  de  ces  documents  :  I.  Lettres  patentes  de 
Henri  IV  pour  l'établissement  d'un  collège  à  Bayonne  (novembre  1594); 
II.  Achat  du  teiTain  et  emplacement  de  l'ancien  collège  de  Bayonne  (du  18  novem- 
bre 1589  et  du  9  février  1590);  IH.  Arrêt  de  Charles  ÏX  enjoignant  au  prévôt  de 
Paris  de  faire  exécuter  les  ordonnances  d'Orléans  (22  novembre  1563);  IV.  Le 
coips  de  ville  décide  de  nommer  Tuscan,  prêtre,  régent  du  collège,  et  de  ren- 
voyer le  laïque  Formel;  V.  Protestation  de  Formel  et  des  chanoines  (20  mai 
1594);  VI.  Formet  donne  volontairement  sa  démission  (17  août  1595);  VII.  Pro- 
testation des  échevins  contre  la  nomination  de  Jean  Diharce,  faite  par  les 
chanoines.  Installation  de  Lalandc  dans  le  collège,  malgré  l'opposition  de 
Diharce;  VI II.  Violente  altercation  entre  le  corps  de  ville,  qui  soutient  le  cha- 
noine de  Lalande,  et  les  chanoines,  qui  persistent  dans  la  nomination  de 
Jeim  Diharce  comme  principal  du  collège;  IX.  Arrêt  de  Louis  XIII  qui 
casse  la  nomination  de  Jean  Diharce,  et  confirme  celle  de  Lalande,  l'ins- 
truction des  enfants  devant  appartenir  aux  magistrats  de  la  ville  (21  janvier 
1616);  X.  Lettre  de  l'abbé  de  J^aint-Cyran  aux  Echevins  de  Bayonne  (9  avril 
1643);  XI.  Délibéiation  du  corps  de  ville  sur  l'installation  des  Jésuites  au  col- 
Ingc  de  Bayonne;  XII.  Dclibôraiion  du  corps  de  ville  sur  l'installation  des 
Jésuites  au  collège  de  Bayonne.  Oppositions  des  bourgeois  ;  XIII.  Opposition  du 
maréchal  de  CJraniont  àl'istallation  des  Jésuites  ;  XIV.  Conférence  entre  les  dépu- 
tés du  corps  de  ville  et  ceux  du  chapitre  sur  l'installation  des  Jésuites  au  col- 
lège de  Bayonne  (23  janvier  1654)  ;  XV.  C'onvocation  des  officiers  du  Roy  pour 
délibérer  sur  cette  insuiUation  (26  janvier  1654);  XVI.  Déclaration  du  corps  de  ville 
à  ce  sujet  (30  dudit  mois);  XVII.  S l'ance  orageuse  «'i  THôtel-de- Ville.  Violente 
opposition  des  bourgeois  ii  l'installation  proposée  (mars  1654);  XVIII.  L'évo- 
que de  Bayonne  propose  d'installer  les  Jésuites  dans  le  collège.  Refus  des 
Echevins  (10  mars  1683);  XIX.  Lettre  de  l'évéque  de  Bayonne,  et  de  Jacques 


—  476  — 

règlement  pour  les  petites  écoles  du  diocèse  d'Oloron^  imprimé 
par  l'ordre  de  Monseigneur  l'Illustrissime  et  Revérendissime  mes- 
sire  Jean  François  de  Montillet,  évèque  d^Oloron,  imprimé  à  Pau, 
chez  Jean  Dupoux,  1740;  2^  d'un  tableau  de  renseignement  supérieur, 
secondaire  et  primaire  dans  les  Basses-Pyrénées  avant  1789.  L'Ap- 
pendice est  suivi  de  quatre  spécimens  d'affiches  du  collège  de 
Bayonne.  Le  tout  est  couronné  par  une  très  bonne  Table  [analytique] 
des  matières. 

Pour  décrire  la  situation,  avant  1789,  de  l'instruction  publique  en 
France  et  particulièrement  en  notre  i-égion,  M.  Drevon  a  consulté  les 
meilleurs  travaux.  Tout  ce  qu'il  dit  sur  les  écoles  claustrales,  sur  les 
écoles  épiscopales  ou  cathédrales,  sur  les  <^olcs  presbytérales  ou 
paroissiales,  est  puisé  à  des  sources  irréprochables,  qu'il  s'agisse  d'in- 
dications générales  ou  de  détails  spéciaux  sur  les  établissements  du 
Sud-Ouest.  En  ce  qui  i^arde  ces  établissements,  M.  Drevon  n'a 
négligé,  sans  parler  de  notre  chère  Revue ^  ni  les  notices  de  M. 
l'abbé  Jules  Bonhomme,  de  M,  Soulice,  de  M.  Tartière,  etc.,  ni  même 
les  documents  inédits  des  Archives  d'Agen,  de  Bayonne,  etc.  Quant  a 
l'histoire  propre  du  collège  de  cette  dernière  ville,  elle  est  presque 
toute  tirée  des  Archives  bayonnaises  et  devient  ainsi  une  œuvre  origi- 
nale. 

Interroger  beaucoup  de  pièces  nouvelles,  c'est  un  mérite;  mais  les 
interpréter  en  leur  vrai  sens,  savoir  en  dégager  toute  la  lumière  qu  elles 
contiennent,  c'est  un  mérite  plus  grand  encore.  Il  faut  qu'un  laborieux 
paléographe  soit  doublé  d'un  sagace  ciitique  et  que,  selon  la  célèbre 
métaphore,  k  la  force  patiente  du  IxBuf  s'associe  l'acuité  du  regard  de 
l'aigle.  Félicitons  M.  Drevon  d'avoir  avec  autant  de  soin  que  de  sagacité 
arraché  tous  leurs  secrets  aux  vieux  papiers  et  d'avoir  fait  jaillir  de  leur 
vénérable  poussière  des  flots  de  vérité.  Félicitons-le  aussi  d'avoir  dédai- 
gneusement laissé  de  côté  tout  ce  qui  aurait  pu  ressembler  à  des  idées 
systématiques,  à  des  préjugés  rétrogrades,  et  de  ne  s'être  préoccupé  que 
de  bien  faire  le  noble  métier  d'historien.  L'avouemi-je?  sachant  que 
M.  Drevon  est  un  des  jeunes  capitaines  de  l'armée  uaiversitaire,  je 

Fiers,  principal  du  collège  de  Guyenne,  aux  Kchevins  sur  M.  Hony,  proposa 
comme. principal  du  coUège  (22  mai  et  8  avril  1655);  XX.  «  Etat  des  écoliers  à 
leur  apprendre  à  lire  et  à  écrire  »  (liste  dressée  par  Le  Lièvre  le  10  décembre 
1727);  XXI.  Procès-verbal  d'une  visite  faite  au  collège  par  les  délégués  du  coqw 
de  ville  (27  novembre  1725);  XXII.  ^^uppliquc  des  régents  pour  obtenir  de 
dire  la  messe  aux  écoliers  et  d'en  percevoir  la  rétribution  (septembre  WÙ2)  ; 
XXI II.  Aune  de  Neubourg,  reine  douairière  d'Espagne,  assiste  aux  représen- 
tations du  collège. 


—  477  — 

craignais  de  trouver  dans  son  livre  quelque  fâcheux  écho  des  querelles 
d'autrefois,  je  redoutais  surtout  pour  le  nouveau  docteur  es  lettres  un 
écueil  contre  lequel  on  a  vu  se  briser  bien  des  thèses  passionnées  jus- 
qu'à l'injustice  :  je  veux  parler  de  la  question  des  Jésuites. 
M.  Drevon  a  eu  le  bon  goût  de  laisser  dans  Tarsenal  des  parlementai- 
res fanatiques,  des  universitaires  endurcis,  les  armes  rouillées  desti- 
nées à  tuer  ceux  qui,  dit-il  (p.  164),  furent,  «  suivant  l'expression  pit- 
toresque d'un  vieil  historien,  les  plus  puissans  limiers  du  iems  à  la 
queue  des  hérétiques  (l);  »  il  s'est  dit,  en  homme  d'esprit,  que  les 
gens  bien  élevés  ne  mangent  plus  du  jésuite;  il  s'est  dit  aussi,  en 
homme  de  cœur,  que  moins  que  jamais  on  doit  attaquer  des  religieux 
qui  sont  proscrits,  qui  sont  malheureux.  Res  sacra  miser,  Joseph  de 
Maistre  s'écriait  avec  sa  mordante  éloquence  :  L'impiété  est  canaille. 
De  quelle  expression  plus  injurieuse  encore  ne  flétrirait-il  pas,  de  nos 
jours,  l'intoléa'ance  à  l'égard  des  vaincus  1 

Loyale  et  solide  d'un  bout  à  l'autre,  l'histoire  du  collège  de  Bayonne 
a  des  pages  fort  intéressantes.  M.  Drevon  raconte  avec  agrément  les 
compétitions  d'autorité  entre  les  chanoines  et  les  échevins,  entre  les 
évoques  et  ces  mêmes  échevins,  entre  les  Jésuites  et  les  bourgeois, 
appuyés  par  le  gouverneur  de  la  ville,  le  maréchal  de  Gramont 
{qu' allait-il  faire  dans  cette  galère^)  Sans  doute  ce  sont  là  des  tem- 
pêtes dans  un  verre  d'eau,  mais  les  petites  circonstances  sont  à  leur 
place  dans  une  monographie.  Ajoutons  que,  tout  en  décrivant  l'organi- 
sation du  collège  de  Bayonne,  le  judicieux  écrivain  nous  fait  connaitre 
rhistoire  intime  de  tous  les  autres  collèges  municipaux  d'autrefois  et  que 
son  étroit  sujet,  ainsi  envisagé,  se  féconde  et  s'agrandit  singulièrement. 

Au  nombre  des  particularités  curieuses  de  l'ouvrage,  je  signalerai 
ce  qui  concerne  le  séjour  à  Bayonne,  en  qualité  de  principal  du  collège, 
du  trop  fameux  Jansénius.  M.  Drevon  nous  rappelle  d'abord  que  Cor- 
neille Jansen  et  Jean  Duvergier  de  llauranne,  —  ancien  élève  du  col- 
lège de  Bayonne,  où  il  avait  fait  ses  études  jusqu'aux  humanités,  et 
alors,  par  la  protection  de  Mgr  Deschaux  (2),  chanoine  de  l'église 

(1)  André  Favyu,  Histoire  de  Naoarrc,  Paris,  1612. 

(2)  On  sait  que  ce  nom  a  reçu  les  formes  les  plus  diverses.  Voir  ce  que  j'en 
ai  dit  ici  à  deux  reprises  :  Lettres  inédites  de  Bertrand  d'EcJiaax  à  Villoroy 
(1861)  ;  Trois  lettres  Inédites  de  Bertrand  cVEchaux  (1879).  A  propos  du  pré- 
lat béarnais,  je  contesterai  cette  assertion  de  M.  Drevon  Cp.  96,  note  1)  :  «  Des- 
chaux était  alors  à  Paris  (mais  1614)  et  y  briguait  probablement  sa  nominalion 
ù  Tarclievéché  de  Tours  ».  Ce  probablement  est  très  improbable.  Le  siège  de 
Tours  était  à  ce  moment  occupé  et  ne  devint  vacant  que  quelques  mois  plus 
tard  par  le  décès  de  Fr.  de  la  Guesle  (30  octobre).  Ce  ne  fut  pas,  d'ailleurs, 
révoque  de  Bayonne  qui  lui  succéda,  mais  bien  Sébastien  Dori-Oaligaî. 


—  478  — 

cathéâmle,  tnoyennam  dispefise  d'assister  au  chœur,  sauf  les  diman- 
ches Ht  jours  de  f^es,  dlauM  <|u'il  ^vait  encore  à  Famitié  de  l'ëvèque, 
et  qui  lui  p^srmettait  de  se  consacrer  tout  entier  à  ses  chères  études, 
—  vivaient  retirés  dans  une  petite  maison  de  campagne,  sur  une  hauteur 
dominant  la  ville,  en  un  lieu  nommé  Candeprat  (1).  Puis  il  nous  raconte 
en  ces  termes,  d'après  les  registres  municipaux,  comment,  pareil  à  un 
météore,  le  futur  évèque  d'Ypros  apparat  au  ooU^e  de  Bayonne  et  en 
disparut  (p.  171-175)  : 

«  Gelui^i,  qui  était  pauvre  et  à  qui,  par  fierté  naturelle,  ii  répu- 
gnait d'être  complètement  à  cha^  à  son  ami,  se  laissa  nommer  à 
ces  «kbsorbantes  fonctions.  Toutefois,  ce  ne  fut  pas  sans  hésitation, 
car  le  sort  de  îses  prédécesseurs  Tépou vantait.  L'évôqoe  calma  ses  inquié- 
tudes en  hii  conseillant  de  faire  exorciser  le  collège  par  ses  confrères. 
Cette  curieitse  cérémonie,  dont  Ck>rnieiile  Jansen  fit  la  condition  sine 
qua  non  de  son  entrée  au  collège,  eut  lieu  le  samedi  15  décembre,  et 
le  lendemain  dimanche,  à  deux  heures  de  Tapirès-midi,  le  principal 
était  ofiicielleineni  installé  dans  des  nouvelles  fonctions...  —  [Quelques 
mois  plus  tard]  Jansen  songeait  à  donner  sa  démission.  Les  embarras 
multiples  de  sa^charge,  son  anleur  croissante  pour  l'étude,  à  laquelle  il 
ne  pouvait  donner  carrière,  lui  faisaient  désirer  une  retraite  plus  tran- 
quille. D'ailleurs,  il  n'avait  accepté  que  pour  un  an,  sur  les  sollicita^ 
ticms  réitérées  du  chapitre  etdel'évêque...  Le  4  avril  1619,  il  vint  donc 
au  conseil  de  ville,  et  annonça  aux  Echevins  qu'il  quitterait  le  collège 
dans  trois  mois.  Cette  décision  trompait  toutes  leurs  espérances.  Ils  se 
flaUèfônt  un  moment  de  l'en  faire  revenir  et  lui  députèrent  un  des 
leurs,  iMurent  et  homonyme  de  sou  ami  de  Hauranne.  Mais  sa  résolu- 
tion était  inébranlable,  et,  à  toutes  les  instances  de  ce  bienveillant  et 
sympathique  intermédiairo,  il  se  borna  à  répondre  que  sa  ferme 
volonté  était  de  quitter  le  collège  au  mois  de  juillet.  En  effet,  le  27 
juin,  il  se  rendit  de  nouveau  à  l'hôtel  de  ville  pour  remercier  une  der- 
nière fois  les  magistrats  de  Thonneur  qu'il  lui  avaient  fait  en  le  nom- 
mant principal,  et,  le  V^  juillet  suivant,  il  quittait  définitivement  le 
œllège...  A  paît  quelques  reçus  autographes,  c*est  là  tout  ce  que  nous 
apprennent  les  Archives  de  Bayonne  sur  le  fcuneux  auteur  de  VAuf/ua- 

il)  M.  Drcvon  reproche  «^  8ainlc-Hcuve  une  petite  erreur  g^éograpliique  : 
«  Celte  campagne,  observe- t-il  (p.  171,  note  1),  était  ù  plus  de  hait  kilomètres  et 
non  pas  procfiû  do  la  mer.  »  (Port-Royal,  t.  i,  p.  280).  M.  Drevon  aumit  pu 
ajouter  que  Til lustre  critique,  non  content  de  déplacer  la  maison  de  campante 
en  l>ivan^ant  trop  vers  rOoéan,  la  débaptisa  en  ra]>pelant  «  Champré  mi  Cani- 
pipmt,  le  jour  où  j'ai  dit  —  ici,  je  te  crois  bien  —  que  Itt  avait  été  couvô  par 
le  docteur  gascon  et  le  docteur  h(.iUandai«  Tœuf  UM  an  iansémame* 


—  47Ô  — 

iinua,  »  Quant  à  Duvergier  de  Uauranae,  ooxituitte  M.  Orevoii(p.  177)^ 
«  soû  histoire  appartient  tout  entière  à  rhtstoire  du  )aii9éiiisme. 
L*abbé  de  Saint- Cyran,  absorbé  parles  soins  de  son  ministère,  ne  & 
plus  dans  sa  ville  natale  que  de  rares  et  rapides  apparitions  quand  des 
devoirs  impérieux  de  parenté  ou  d'amitié  l'y  appelaient  (1).  Mais  il 
n'en  resta  pas  moins  très  attaché  à  Bayonne  et  à  ses  ooneitoyens  (2), 
qui  le  regardèrent  toujours  comme  un  de  leurs  compatriotes  les  plus 
vertueux  et  les  plus  éminents.  » 

Après  avoir  payé  un  tribut  de  regrets  à  l'habile  imprimeur  du 
volume  —  «  d'une  magnifique  exécution  matérielle  »,  pour  leprendxe  te 
mot  appliqué  par  notre  cher  directeur  au  François  Bosquet  de  TKbbé 
Henry,  —  Virgile  Lenthéric,  mort,  le  mois  dernier,  en  toute  la  force  de 
l'âge  (3),  je  donnerai  un  dernier  éloge  à  ['Histoire  d'un  collège  muni- 
cipal, en  reproduisant  ces  lignes  finales  de  Y  Introduction  où,  dans 
un  légitime  hommage  rendu  au  passé,  se  condensent  l'impartialité  et 
la  sagesse  de  l'auteur  :  «  Même  en  matière  d'instruction,  comme  le 
déclarait  M.  Guizct  en  matière  politique  et  financière,  notre  révolution 
na  rien  dit,  rien  coulu^  rien  fait  qui  n'ait  été  dit,  fait  ou  tenté  déjà 
cent  fois. ..{A),  »  Ph.  TAMIZEY  DE  LARROQUE. 


VII 

Etude  sur  l'Académie  d*Orthez,  fin  du  xvi'  et  commencement  du 
xvii*  siècle,  par  Joseph  Coudirolle.  Orthe^,  J.  Goude-Dumcanil,  1885. 
Grand  in-8'  de  91  p. 

L'article  de  M.  T.  de  L.  sur  la  thèse  française  de  M.  Drevon  m'a 
rappelé  une  publication,  Inen  moins  étendue,  déjà  presque  ancienne,  que 

(1)  Nous  avons  lu  deux  fois  son  nom  dans  les  registres  des  baptêmes,  sur 
lesquels  il  signa  comme  parrain. 

(2)  Arcliives  de  Bayonne,  AA,  37.  Voir  aux  pièces  justificatives,  nMO,  une  let- 
tre autographe  de  Tabbé  de  Saint-Cyran  aux  magistrats  de  la  ville,  qui  lui  avaient 
écrit  poui'  le  féliciter  de  sa  mise  en  liberté.  La  lettre  est  fort  bien  tournée.  Kn 
voici  quelques  lignes  :  «...  J'ay  eu  de  la  jo>e  de  l'honneur  qu*il  vous  a  plu  me 
faire  de  me  témoigner  la  vôtre.  J'ay  tousjours  eu  une  inclination  particulière 
pour  le  lieu  de  ma  naissance,  et  pour  tous  oeux  qui  en  sont  avecq  moy.  Je  vous 
supplie  de  ne  doubter  point  qu'alors  mesme  que  je  vieilly,  elle  ne  se  renouvelle 
en  moy,  et  que  cette  joye  que  vous  avez  daigné  me  faire  n'y  contribue  beaucoup. .  » 

(3)  I<enthéric  laisse  im  gi-and  nombre  d'ouvrages  admirablement  imprimés* 
parmi  lesquels  je  me  contenterai  de  citer  :  Le»  eieuw papiers  du  château  de  Cau- 
zac  (1882),  Faits  d'armes  de  Geoffroy  de  Vioant  (1^7),  Bibliographie  générale 
do  VAgenaie  (1886-1887). 

(4)  A  rapprocher  de  ces  lignes  de  la  page  259  :  «  L'on  peut  dire  qu'il  n'est 
aucun  progrès  accompli  de  nos  jours  dont  ou  ne  trouve  alors  le  germe  et  la 
première  indication.  De  sorte  que  la  nouveauté  la  moins  attendue  qui  ressort,  à. 
la  iln,  de  l'étude  impartiale  et  approfondie  des  vieux  documents,  c'est  qu'il  n'y 
a,  en  sonune,  presque  rien  de  nouveau,  d 


—  480  — 

j'avais  eu  le  tort  de  perdre  de  vue  et  qui  intéresse  elle  aussi  l'histoire 
de  rinslruction  publique  dans  la  région  du  sud-ouest.  On  vient  d'en 
lire  le  titre;  il  faut  y  ajouler  qu'il  s'agit  encore  d'une  thèse,  mais  sou- 
tenue devant  la  Faculté  de  théologie  protestante  de  Paris.  Je  suis  heu- 
reux à  oe  propos  de  faire  remarquer  tout  de  suite  que  non  seulement  ce 
travail  est  purement  historique  sans  préocuppation  confessionnelle,  mais 
encore  que  l'auteur  n'y  a  pas  mis  un  mot  capable  de  blesser  un  lecteur 
catholique.  Il  a  d'ailleurs  un  ton  modeste,  bien  propre  à  lui  gagner 
toutes  les  sympathies.  Lisez  seulement  les  lignes  qui  terminent  son 
Atani-propos  : 

«  'Et  maintenant,  va,  petit  livre  :  tu  entendras  dire  souvent  —  si 
toutefois  on  te  lit  —  que  tu  laisses  beaucoup  à  désirer,  mais  tu  ne 
t'en  fâcheras  pas  parce  que  c'est  la  vériîé  :  lâche  seulement  d'éveiller 
la  curiosité  du  lecteur  et  de  l'intéresser  à  l'histoire  que  tu  racon- 
tes, et  peut-être  aura-  t-il  le  désir  de  la  faire  connaître  aux  autres. 
Tu  te  garderas  d'être  jaloux  si  tu  te  vois  un  jour  préférer  un  rival  : 
tu  penseras  que  tu  as  bien  rempli  ton  rôle  et  que  mon  souhait  s'est 
réalisé.  » 

Il  est  certain  qiie  l'Académie  protestante  d'Orthez  attend  un  travail 
plus  complet.  Elle  en  vaut  certainement  la  peine,  ayant  tenu  quelque 
temps  une  place  assez  importante  dans  l'enseignement  provincial  et 
même,  par  quelques-uns  de  ses  professeurs,  dans  l'histoire  littéraire 
générale. 

A  son  origine,  le  collège  d'Orthez  ne  fut  qu'une  transformation  de 
celui  de  Lescar,  fondé  au  milieu  du  xvi*  siècle  par  Henri  II  d'Albret 
et  sa  femme  Marguerite.  Leur  fille  Jeanne  d'Albret  le  tranféra  en  1566 
dans  le  couvent  des  jacobins  d'Orthez,  dont  elle  avait  expulsé  les  reli- 
gieux, et  elle  lui  donna  le  litre  d'Académie.  Jusqu'en  1569,  on  évalue 
à  60  ou  80  le  nombre  annuel  des  pensionnaires.  En  1569,  à  cause  de 
l'épidémie  qui  suivit  les  invasions  successives  de  Terride  et  de  Mon- 
gonmery,  le  collège  fut  remis  à  Lescar.  Bientôt  parut,  il  est  vrai,  une 
ordonnance  de  Jeanne  (nov.  1573)  qui  le  transférait  de  nouveau  à 
Orthez  ;  mais  elle  ne  fut  pas  exécutée,  par  suite  de  la  préférence  que 
donnaient  à  Lescar,  plus  voisin  de  Pau,  la  plupart  des  membres  du 
Conseil.  Les  prétentions  contradictoires  des  deux  villes  rivales  et  Ten- 
quôte  (1579)  qui  eut  lieu  h.  ce  sujet  sont  des  pièces  très  curieuses  pour 
l'étude  des  lieux,  des  personnes  et  des  mœurs.  Ortliez  l'emporta  et  un 
édit  du  roi  de  Navarre,  le  futur  Henri  IV,  du  1***  septembre  15^3, 
éleva  son  académie  au  rang  d'Université.  C'est  le  tenips  de  la  plus 
grande  prospérité  de  l'établissement,  qui  comptait  alors  au  nombre  de 


—  481  — 

ses  professeurs  des  étrangers  de  marque,  entre  autres  l'illustre  théolo- 
gien Lambert  Daneau.  Ce  temps  dura  peu.  Dès  1591,  Lescar  obtient 
le  retour  du  collège,  qui  repart  de  nouveau  et  définitivement  pour 
Orthez  en  1609.  Mais  dès  les  premières  années  du  siècle,  Henri  IV 
avait  considérablement  diminué  l'état  de  sa  «  royale  Université  »,  qui 
s'éieignit  vers  1620,  après  rentier  rétablissement  de  la  religion  catho- 
lique en  Béam  et  la  fondation  du  collège  des  Jésuites  à  Pau. 

Tel  est  le  résumé  très  décharné  du  premier  chapitre  de  V Etude  de 
M.  J.  Coudirolle.  Dans  le  second  il  étudie,  malheureusement  sans  le 
secours  des  règlements  propres  à  TAcadémie  d'Orthez,  qui  sont  perdus, 
l'organisation  de  cet  établissement  et  la  vie  universitaire;  dans  le  troi- 
sième chapitre,  intitulé,  à  tort  peut-être,  tendance  ihéologiquCy  on  ne 
trouve  guère  que  des  notices  très  brèves  sur  l'histoire  littéraire  d'un 
trop  petit  nombre  de  professeurs  d'Orthez  :  Pierre  Viret,  l'un  des  pre- 
miers héros  de  la  Réforme,  qui  fut  «.  enseveli  à  côté  des  souverains 
dans  réglise  du  collège  »,  Lambert  Daneau,  déjà  nonmié,  et  notre 
compatriote  Paul  Charles,  de  Mauvezin  (Gers). 

L'auteur  n'a  pas  eu  le  temps  de  poursuivre  jusqu'au  bout,  soit  dans 
les  livres,  soit  dans  les  archives,  les  recherches  nécessaires  pour  nous 
donner  une  histoire  plus  complète.  Son  travail  avait  été  précédé  de 
quelques  bonnes  pages  du  pasteur  Lourdes-Rocheblave,  dans  le  troi- 
sième volume  du  Bulletin  de  l'histoire  du  Protestantisme  français  y 
et  de  M.  Bourchenin,  dans  sa  thèse  française  de  1882  sur  les  Acadé- 
mies protestantes  en  France  au  xvi«  et  au  xvn«  siècle.  Il  n'a  pu  pro- 
fiter de  V Histoire  de  Vacadémie  de  Montauban,  publiée  à  peu  près 
en  même  temps  par  feu  M.  le  professeur  Michel  Nicolas.  Mais  l'auteur 
a  eu  le  précieux  secours  de  pièces  d'archives  et  de  notices  encore  iné- 
dites alors,  communiquées  par  MM.  Planté,  maire  d'Orthez,  et 
L.  Batcave.  Il  se  plaint  lui-même  de  n'avoir  pu  pousser  assez  loin  aux 
Archives  Nationales  les  études  que  lui  avaient  indiquées  son  président 
de  soutenance,  M.  Bonet-Maury.  On  peut  bien  aussi  lui  reprocher 
quelques  inexpériences  de  détail  :  le  nom  du  cardinal  Godin  estropié 
(p.  15),  l'idée  qu'il  ait  fallu  «  fixer  la  métrique  »  (p.  11)  d'une  pièce  de 
vers  hendécasyllabes,  que  tout  bon  élève  de  seconde  scanderait  à  pre- 
mière vue,  etc.  Telle  qu'elle  est,  son  Etude  est  une  ébauche  très  inté- 
ressante, qui  aidera  sans  doute  à  attendre  et  peut-être  à  faire  naître 
un  tableau  complet. 

L.  C. 


48S  — 


BROCHURES    DIVERSES 


I 


Recherches  sur  la  numismatique  de  la  Novempopulanie  depuis  les  pfe- 
mier»  temps  jusqu'à  nos  jours  —  3'  partie  —  par  M.  Emile  Taillebois, 
secr.  gôn.  de  la  Soeiétôde  Borda,  etc.  etc.  Dav,  impr.  H.  Labèque,  1889. 
Gr.  in-8*  de  29  pp. 

M.  Em.  Taillebois  a  publié  en  1882  la  première  et  plus  considérable 
partie  de  ses  Recherches  sur  la  numismatique  de  notre  province,  et 
il  y  a  ajouté  en  1884  un  supplément,  pour  réparer  les  omissions  de  son 
travail,  qui  a  obtenu  en  1886,  au  jugement  de  TAcadémie  de  Bordeaux, 
le  prix  de  numismatique  (600  fr.)  fondé  par  le  marquis  de  La  Grange  (1). 
Il  nous  donne  aujourd'hui  une  nouvelle  suite,  destinée  à  compléter  et 
corriger  ses  pages  précédentes  et  surtout  à  faire  connaître  quelques 
nouveaux  types  récemment  signalés. 

Celui  qu'il  nous  présente  avant  tous  les  autres,  et  qui  est  à  la  fois  le 
plus  antique  et  le  plus  intéressant,  c'est  un  denier  élusate  du  même 
genre  que  ceux  qui  sont  assez  connus  chez  nous,  surtout  depuis  la 
trouvaille  de  Laujuzan,  chez  M.  Fr.  de  Cours;  mais  dans  le  nouvel 
exemplaire,  déterré  dans  le  canton  d'Albi  avec  tout  un  trésor  de  pièces 
gauloises  anciennes,  le  cheval  du  revers  est  beaucoup  mieux  formé 
que  dans  les  autres  pièces  connues.  M.  Taillebois  facilite  la  comparai- 
son en  nous  donnant  le  dessin  du  denier  élusate  trouvé  en  Albigeois, 
et  au-dessus  le  dessin  de  cinq  exemplaires  du  type  habituel. 

La  période  mérovingienne  fournit  assez  peu  de  types  propres  à  notre 
province.  M.  Taillebois  ajoute  à  ceux  qu'il  avait  indiqués  précédem- 
ment neuf  triens,  dont  il  emprunte  la  description  à  1  Essai  sur  la 
numiematique  mérovingienne  de  feu  Ponton  d'Amécourt  (1864)  :  il  y 
en  a  deux  d'Aire,  un  d'Auch,  deux  de  Tarbes,  trois  de  Saint-Lizier, 
un  de  Saint-Bertrand  (2).  Il  fait  connaître,  d'après  M.  Vallier,  qui  Ta 
publié  dans  VAnnuaire  de  numismatique  de  1885,  un  triens  d'or 
d'Aire,  qui  parait  de  la  première  moitié  du  vi^  siècle,  d'après  la  pureté 

(1)  Voir  un  article  de  M.  Adr.  Lâvergûd*  Reoue  de  Gascognû,  t.  xxvu  (1886)/ 
p.  427. 

(2)  Les  légendes  de  ces  pièces  sont  des  documents  essentiels  pour  la  topony- 
mie de  notre  proTince< 


—  483  — 

du  type  et  le  nom  de   Vicus  Julii  (civetas  vico  ivli)^  qui  tomba  de 
bonne  heure  en  désuétude. 

Parmi  les  monnaies  féodales,  l'auteur  signale  et  réelame  pour  Dax 
un  très  grand  nombre  de  pièces  du  Prince  Noir  «  dont  la  légende  finit 
par  un  monogramme  inédit  composé  d'un  A  et  d'un  Q  retourné.  »  Ces 
pièces  (56  demi-gros  avec  28  légendes  variées  et  30  esterlings  en  4 
variétés)  font  partie  de  la  magnifique  collection  de  M.  le  comte  Alexis 
de  Chasteigner  (à  Bordeaux),  qui  devrait  bien  en  publier  les  dessins. 
—  Citons  encore  une  monnaie  de  Gaston-Phébus,  vicomte  de  Béarn 
(1343-1361),  la  seule  connue  de  ce  prince;  c'est  un  florin  d'or  révélé  par 
M,  Théodore  de  Se  vin  (Le  Trésor  de  Grenade).  «  Avers  :  f  Fébus- 
coMEs,  fleur  de  lis  florencée.  Revers  :  S.  ioha-nnes.  B.  Heaume  à 
gauche;  saint  Jean-Baptisle  barbu  et  nimbé  bénissant  de  la  main  droite 
et  tenant  un  sceptre  de  la  gauche.  » 

Je  ne  dis  rien  ni  des  jetons^  qui  occupent  une  assez  grande  place  dans 
cette  brochure,  grâce  surtout  aux  recherches  de  M.  Adrien  Blanchet 
(Jetons  de  la  famille  de  Henri  II  de  Navarrey  etc.),  ni  des  poids 
monétif ormes,  ni  des  soeau}(i,.etc.  Ce  qui  précède  suffit  pour  reconmuin* 
der  aux  travailleurs  la  publication  du  savant  secrétaire  de  la  Société 
Borda  et  pour  leur  faire  vivement  désirer  l'apparition  d'une*  Numis^ 
matique  de  la  Gascogne,  complète  et  méthodique,  que  M,  Taillebois 
serait,  sans  doute,  plus  capable  que  personne  de  nous  donner  à  bref 
délai. 

Il 

Grottes  préhistoriques  de  la  Ténarèze  (Grers,  Lotret-Gàronne),  par 
M.  Tabbé  A.  Breuils.  Paris,  Maisonnetioe,  1889,  gr.  in-8^  de  20  pp. 
Prix:  1  fr. 

Nos  lecteurs  n'ont  pas  oublié  ces  curiausesc  pages,  publiées  ici  même- 
l'an  dernier, sur  lesgrottes :  1^ de  Saint-Orens,  en Castelnau«d'Aiizan; 
2*^  et  3^  du  Peyré  et  du  Pont-Neuf,  dans  Saint-Pé-Saint-Simon; 
4^'de  Saînt-Michel  de  la  Roque,  grotte  changée  en  église^  etc.  Je  tiens  à 
noter  seulement  que  Fauteur  a  beaucoup  amélioré  son  travail  en  le 
publiant  en  brochure  et  qu'il  y  a  joint  plusieurs  additions  importantes. 
Je  signalerai  celle  qui  concerne  le  cimetière  préhistorique  découvert  il 
y  a  une  dizaine  d'années  chez  M.  Dat,  &  Callonge,  à  300  mètres  du 
Pont-Neuf,  dans  la  commune  de  Saint-Pé  Saint-Simon  ;  là  le  «  vase 
cinéraire  celte  »  côtoyait  le  vase  romain  et  l'amphore;  d'où  un  archéo- 
logue compétent,  M.  Piette,  concluait  que  la  date  de  ces  sépultufes 


—  484  — 

élait  peu  antérieure  k  la  conquête  do  la  Gaule.  Mais  le  pays  élail 
habité  bien  auparavant;  carie  dernier  âge  préhistorique  avait  sup- 
primé les  tumulus  et  les  cromlechs  ;  or  on  peut  signaler  un  cromlech 
dans  les  environs  de  Saint- Pé,  à  Saint-Pau;  il  existait  encore  il  y  a 
une  vingtaine  d*années,  et  il  a  été  dessiné  en  1842  dans  la  Guienne 
monumentale  (t.  i,  p.  4).  L.  C. 

RÉPONSE. 


252.  Sur  le  lieu  de  naissance  du  O^  Gabiran. 

(Voir  la  Question,  ci-dessus,  livr.  de  février,  p.  72). 

M.  Gatien  Arnoult  a  eu  raison  de  dire,  dans  la  courte  notice  qu'il  a 
consacrée  au  D'  Gabiran  dans  les  Mémoires  de  l'Académie  des  sciences, 
inscriptions  et  belles-lettres  de  ToulousCy  «  qu'il  était  né  d'une  famille 
plus  honorable  que  fortunée.  »  Le  D'  Gabiran  n'eut,  en  effet,  pour  sa  part 
d'un  patrimoine  qui  fut  partagé  entre  dix-huit  frères  ou  sœurs,  que 
6,000  francs,  somme,  il  est  vrai,  relativement  importante  à  la  fin  du  der- 
nier siècle,  x>uisque  les  valeurs  mobilières  n'existaient  pas  à  cette  époque. 
Il  dut  à  l'aisance  de  sa  famille  de  pouvoir  faire  ses  études  de  médecine,  à 
son  intelligence,  à  son  amour  du  travail,  de  devenir  un  des  meilleurs  doc- 
teurs de  Toulouse  et  de  mourir  millionnaire.  Je  peux  parler  à  mon  aise  de 
sa  fortune  sans  compromettre  ma  modestie,  quoique  membre  de  sa  famille; 
car  je  n'ai  hérité  de  lui  —  ironie  du  sort  !  —  qu'un  sac  de  vieilles  monnaies 
avec  quelques  jetons  de  présence  aux  réunions  des  sociétés  savantes.  Gette 
circonstance  nous  indique  qu'il  cultivait,  en  même  temps  que  d'autres 
sciences,  la  numismatique. 

Le  D'  Gabiran  n'est  point  né  au  lieu  imaginaire  d'Armagnac,  comme  le 
dit  très  bien  M.  J.  B.,  mais  au  château  de  Mouras,  à  Arcagnac,  aujour- 
d'hui annexe  de  la  commune  d'Haulies,  située  sur  les  coteaux  qui  bordent 
la  vallée  du  Gers,  près  d'Auch.  La  famille  du  D'  Gabiran  avait  acquis  la 
terre  de  Mouras  des  barons  d' Arcagnac  ;  son  père,  qualifié  de  bourgeois 
hàult^  dans  les  actes  notariés  du  temps,  était  syndic  de  la  commune  d'A^- 
cagnac  en  1788  (1). 

Le  D'  Gabiran,  né  en  1759,  est  mort  à  Toulouse  en  1839.  Son  corps  repose 
dans  les  cryptes  de  l'église  Saint-Aubin;  une  inscription  lapidaire  en  fait  foi. 

J'extrais  ces  quelques  détails,  que  j'aurais  voulu  fournir  plus  nombreux 
et  surtout  plus  précis,  de  papiers  de  famille  ou  de  mes  propres  souvenirs. 

FEUX  TROYES. 

(1)  Aroagnac  avait  été  désigné  comme  le  lieu  de  naissance  de  Gabiran  par 
M.  le  D'  Noulet,  daas  l'éloge  de  ce  médecin.  M.  Gatien  Amoult,  qui  l'a  suivi, 
reste  donc  responsable,  s'il  y  a  li\  autre  chose  qu'une  coquille,  de  l'altération  de 
ce  nom.  —  L.  C. 


VOYAGES 


DE 


DEUX  BOURGEOIS  D'AUCH  A  LA  COUR 

EN  1528  ET  1529  C). 


Deux  comptes  en  gascon,  conservés  dans  les  archives  de 
la  mairie  d'Âuch,  contiennent  an  étal  détaillé  des  dépenses 
d'un  double  voyage  fait  en  1528  et  1529  à  la  cour  de  France, 
où  résidaient  alors  Henri  d'Albret,  roi  de  Navarre,  comte 
d'Armagnac,  et  sa  femme,  Marguerite  d'Angoulême,  sœur 
de  François  I*'. 

Ces  comptes,  malgré  leur  concision  regrettable,  —  car  ce 
n'est  guère  qu'une  sèche  nomeaclature  des  localités  traver- 
sées, avec  l'indication  du  prix  des  repas,  —  ces  comptes, 
dis-je,  m'ont  paru  mériter  une  analyse,  tant  à  cause  de  leur 
date  et  de  l'idiome  dans  lequel  ils  sont  écrits,  que  des  per- 
sonnages de  marque  qui  s'y  trouvent  mentionnés. 

C'était  une  grosse  affaire  qu'un  pareil  voyage  à  cette  épo- 
que, et  il  fallait  de  graves  raisons  pour  l'entreprendre.  Il 
s'agissail,  en  effet,  d'une  question  du  plus  haut  intérêt  pour 
la  ville  d'Auch. 

Louis  XI,  par  édit  du  27  décembre  1473,  avait  fixé  à  Auch 
le  siège  de  la  Sénéchaussée  d'Armagnac;  mais  «  quelque 
temps  après  —  lisons-nous  dansl'édit  de  janvier  1639,  —  la 
maladie  contagieuse  obligea  les  officiers  dudit  seneschat  de  se 
retirer  par  provision  en  la  ville  de  Lectoure...»  (1).  Comme 

(*)  Cette  note  a  été  lue  à  la  Sorbonne,  au  Congrès  des  sociétés  savantes,  sec- 
tion d'histoire  et  de  philologie  (séance  du  12  juin  1889). 

(1)  Divers  documents,  conservés  dans  les  Archives  de  Lectoure,  racontent  les 
faits  d'une  autre  façon.  D'après  cette  version,  rétablissement  du  Sénéchal  à  Auch 

Tome  XXX.  —  Novembre  1889.  32 


—  486    — 

il  n'y  avait  aucune  ordonnance  par  écrit,  les  consuls  de  Lec- 
toure  se  firent  octroyer  des  lettres  de  mairitien  par  Charles 
VIII  (septembre  1490)  (4). 

On  conçoit  le  dépit  qu'en  éprouvèrent  les  habitants  d'Âuch, 
qui  par  la  suite  firent  de  fréquentes  tentatives  pour  enlever  à 
la  cité  rivale  un  tribunal  de  cette  importance  (â). 

Le  31  décembre  15217,  le  roi  et  la  reine  de  Navarre  firent 
leur  entrée  solennelle  dans  leur  bonne  ville  d'Auch  :  tous  deux 
prêtèrent  serment  de  respecter  et  de  défendre  les  immu- 
nités et  franchises  municipales.  Les  consuls  durent  profiter 
d'une  occasion  si  favorable  et  renouveler  leurs  instances.  Ce 
qu'il  y  a  de  certain,  c'est  qu'une  enquête  fut  faite,  vers  celle 
époque,  parles  soins  du  chancelier  de  Foix  et  de  Béarn.  Mais 
elle  fut,  sans  doute,  contraire  aux  prétentions  des  Auscitains, 
car  c'est  surtout  pour  la  faire  rapporter  qu'on  entreprit  le 
voyage  de  1528,  «  per  ana  a  la  Cort,  et  asso  per  fe  raportar 
certaine  inquisition  feyta  per  Mons'  lo  chancellier  de  Foix  et 
de  Bearn,  touchant  le  siège  du  seneschal  d'Armaignac  ». 

La  communauté  confia  la  mission  d'aller  plaider  la  cause 
de  la  ville  à  deux  bourgeois  :  M'  Raymond  de  Bonnecaze, 
licencié  en  droits,  et  sire  Bernard  Cabandé,  sieur  du  Fa^;et. 
Leur  mission  est  ainsi  définie  en  télé  de  l'un  des  comptes  : 
Aller  à  la  Cour  et  présenter  requête  de  la  part  des  consuls 
«  aux  rey  et  regina  de  Navarre,  per  remectre  lo  siège  de  la 
cort  de  seneschal  d'Armanhac  de  Leclore  a  Aux,  ou  bien  de 
erigir  un  novel  siège  particular  et  aquet  mette  et  stablir  en  la 
ville  d'Aux  » . 

Raymond  de  Bonnecaze  et  Bernard  Cabandé,  après  avoir 

daterait  du  mois  de  mai  1473  (édit  donné  au  Plessis-du-Parc);  cette  déoi8i<m  au- 
rait été  rapportée  par  Tédit  du  27  décembre  suivant,  et  le  siège  attribué  à  Lec- 
toure  (Communication  de  M.  Paul  Druilhet,  adjoint  au  maire  de  Lectoure.).  — 
Vérification  faite,  le  texte  de  redit  du  27  décembre  1473,  enr^stré  à  Toulouse 
le  3  février  suivant,  porte  Auch  et  non  Lectoure,  ce  qui  tranche  la  queatioii. 

(1)  Ordonnances  des  rois  de  Franco,  t.  xx,p.  250.      * 

(2)  Le  ressort  de  la  sénéchaussée  d'Armagnac  était  très  étendu  et  comprenait 
TArmagnac  proprement  dit,  le  Fezensac,  l'Astarac,  le  Pardiac,  la  LomagnA,  le 
Brulhois,  le  Fezensaguet  et  les  Quatre-Vallées. 


fait  Tachât  de  trois  chevaux,  de  deux  sacs  en  basane  «  laâ%» 
pour  serrer  les  papiers,  et  d'une  malle  de  voyage,  se  mirent 
en  route  le  14  juillet  1528,  la  bourse  garnie  de  la  forte  somme 
de  400  livres  (i),  dont  500  empruntées  aux  «  caperas  de 
Purgatori  de  Senta  Maria  d'Aux.  »  Un  page  et  un  laquais 
composaient  leur  escorte. 

Ils  allèrent  souper  et  coucher  à  Condom,  où  Ton  fit  Tem- 
plelte  d'un  «  cabeste  de  suât  »  (2);  ils  dînèrent  le  lendemain 
ùNérac.  Là  on  s'aperçut  que  Tun  des  chevaux  «  flaquec  »  (3); 
il  fallut  le  renvoyer  à  Auch  et  en  acheter  un  autre.  Disons 
une  fois  pour  toutes  que  le  prix  des  repas  variait  peu  d'une 
étape  à  l'autre  :  le  dîner  coûtait  15,  16  ou  17  sous,  et  le 
souper  (avec  coucher)  1  livre  5  sous  ou  1  livre  6  sous  et 
quelques  deniers  tournois  (4). 

Nos  gens  traversèrent  successivement  «  Damasan,  Mar- 
manda,  Monsegur,  Siurac  (Givrac-de-Dordogne),  SenUMeUon 
(Saint-Emilion),  Guitres,  Barbasius  (Barbezieux),  Gbâleau- 
neuf  (passage  de  la  «  Ghalanta  •  moyennant  un  péage  de 
2  sous),  Grobila  (Gourville),  Vilafaye  (Ville fagnan),  Ghauné 
(Chaunai),  Bibona  (Vivonne),  Poyties  (Poitiers),  Trichayria 
(la  Tricherie),  Ghalelaraut  (GhàtellerauU),  Port-de-Pila  (Port- 
de-Piles),  Matelant  (Manthelan),  Blerë,  Amboysa  (Amboise), 
Escuras  (Seur),  Blays  (Blois),  Seynt-Lorans  (Saint-Laurent- 
des-Eaux),  Orleanx,  Arteney,  Tori  (Toury),  Etampes,  MoUeheri 
(Montlhéry),  et  Paris  » . 

Après  un  repos  de  trois  jours  à  Paris,  il  fallut  partir  pour 
«  Fonteneblau  >  avec  arrêts  à  «  Bilaneba-Saynt-Jory  (Villeneuve- 
Saint-Georges),  Gorbelh,  Ghely  (Ghailly)  et  Arclosa  »  (Reclo- 
ses). Le  retour  subit  de  nos  voyageurs  à  Paris  et  leur  départ 
pour  «  Seynt-Jermeyn  »  coïncident  évidemment  avec  les  dépla- 

(1)  400  livres,  au  xvi*  siècle,  avaient  une  valeur  relative  de  plus  de  4,000  francs. 
^2)  Un  licol  en  peau  de  truie  (sucU). 

(3)  Faiblissait,  marchait  péniblement. 

(4)  C'est  toujours  de  monnaie  toumoise  qu'il  «st  liait  usage  dans  tes  deux  voya- 
ges que  nous  analysons. 


—  488  *- 

céments  de  la  Cour  (1).  Les  chevaux  étaient  exténaés.  Tan 
d'eux  tomba  malade  en  arrivant  à  Saint-Germain,  il  en  coûta 
2  livres  8  sous  pour  le  droguer,  «  per  fe  gari  hun  de  nostres 
chibals  que  era  marfondut  et  per  lo  tira  lo  suros  ». 

Les  députés  d'Âucb  purent  enQn  accomplir  leur  mission. 
Il  est  regrettable  que  la  relation  ne  dise  rien  des  audiences 
royales  qu'ils  durent  obtenir.  Par  contre,  on  y  trouve  consi- 
gnées avec  soin  toutes  les  petites  dépenses  quMl  était  d'usage 
de  faire  dans  Tanlichambre  ou  dans  les  bureaux  et  chez  les 
hommes  de  loi.  Je  transcris  textuellement  cette  partie  du 
compte  : 

Plus,  en  ana  a  Seynt-Jenneyn,  per  los  v  pasatges  (de  la  Seine)  : 
iiii  s.  IX  d. 

Plus,  per  rechala  los  papafigos  (2)  :  ix  s. 

Plus,  per  crompa  bin,  peyn  et  poeras  pour  banqueter  :  m  s. 

Plus,  combidem  lo  conserbado  (3),  per  dus  biatyes,  en  probision  et 
bin  et  autras  causas  :  i^  1.  xii  s. 

Plus,  demorem  a  Seynt-Jermeyn  xv  jorns  :  xxx  1.  xii  s. 

Pour  paser  la  ribieca  pour  aler  a  Paris  :  un  s.  ix  d. 

Plus,  balhem  a  Joan,  secretari  de  Mos.  le  chanselier  de  Foys,  per 
lo  proses  que  nos  enbiee  [a]  Aux  :  ii  1.  ii  s. 

Plus,  balhem  a  Tenfantde  Mos^'lecontrarolierdeLanson,  per  crompa 
hun  bonet  :  un  l.  n  s. 

Plus,  au  servidor  de  Mos.  lo  contrarolier  :  xn  s. 

Plus,  au  clerc  de  Mos.  le  chanselier  de  Lanson  (4)  :  xn  s. 

Plus,  au  clerc  de  Mos.  le  baylif  d'Orleanx  :  x  s. 

Plus,  anec  Mos.  de  Bonacasa  a  Seynt-Jermeyn  (5);  que  despensec  : 
nn  1.  vn  s. 


(1)  Ces  déplacements  sont  indiqués  dans  le  Catalogua  des  actes  de  Fran^ 
çoie  /"  (tome  i).  Voici  quelques  dates  :  à  Fontainebleau,  du  1*'  au  14  août  1528; 
à  Paris,  du  SO  au  27  août;  à  Saint-Germain-en-Laye,  du  27  ao&t  au  6  septembre; 
à  Paris,  depuis  le  7  septembre. 

(2)  Papqfiges,  manteaux  (f). 

(3)  Le  conservateur  des  domaines  de  la  maison  de  Navarre.  J'ignore  son 
nom. 

(4)  Le  chancelier  d'Alençon.  l\  se  nommait  Jean  Brinon  et  était  premier^vé- 
sident  au  parlement  de  Rouen. 

(5)  Cet  article  et  les  suivants  montrent  que  cet  état  a  été  dressé  par  Bernard 
Cabaadé»  compagnon  de  M.  de  Bonnecaze. 


—  489  -* 

Plus,  balhe  a  Mos.  Robiihart  (1),  pour  la  menute  des  letres  :  ii  1. 1  s. 

Plus,  au  clerc  de  Mos.  Robilbart  :  v  s. 

Plus,  auhem  balbat  au  oonserbador,  que  nos  enprontet  :  un  1.  ii  s. 

Plus,  per  so  que  jo  he  despendut  a  Paris  cant  jo  demore  et  Mos.  de 
Bonacasa  era  [a]  Seynt-Jermeyn  :  ii  L  v  s.  vi  d. 

Plus,  au  clerc  d'Adrien,  sécrétera  de  Madame  (2)  :  v  s. 

Plus,  pour  paser  Seyna  :  ii  s.  vi  d. 

Plus,  pasames  [a]  Arjentulh  (Argenteuil)  pour  boer  les  reliques  (3)  : 
XI  s.  viii  d. 

Plus,  aboms  demuré  a  Paris  xi  joms  :  xxuii  1. 

Le  retour  en  Gascogne  s'effeclaa  par  une  route  plus  directe* 
appelée  dans  le  compte  :  «  Le  chamin  de  Paris  [a]  Aux  » .  C'est 
presque  le  tracé  actuel  de  la  voie  ferrée  de  Paris  à  Âgen  par 
Limoges  (4). 

Voici  les  étapes  successivement  parcourues  :  «  MoUeheri, 
Etampes,  Tori,  Orleanx,  Chaumonl  (Chaumont-sur-Tharonne), 
Milhansé  (Miilançay),  Seynt-Cristofle  ^^ainl-Cristophe)*  Batan 
(Vatan),  !o  Bort-de-Diu  (Bourg-Dieu  ou  Déols),  Arjenton, 
Mohé  (Mouhel),  Mortayrol  (Morterolles),  Rase  (Razès), 
Limotyes,  Belos  (Bélours,  commune  de  Janailhac),  TOpital^ 
paser  Dordonhe  :  n  s.  ii  d.,  Tortoyrac  (Tourloirac),  Roflnhac 
(Rouffignac),  Cadoin,  paser  Lot,  Montinhac  (Montagnac)^ 
Autafaye  (Autefage),  pour  fere  dire  mesa  [a]  Autafaya,  et 
boere  de  malin  :  xv  sos,  paser  Garona  :  ii  s.  vi  d.«  Làyrac^ 
Laylora  (Lecloure),  Florensa  (Fleurance);  lo  xiin*  jorn  de 
seteme  (septembre),  aribem  [a]  Aux  a  sopa.  » 

Le  voyage  avait  duré  60  jours  et  coûté  184  livres.  Pour 

(1)  C'était  un  procureur  auprès  du  Grand  Conseil;  son  nom  se  retrouve  dans  le 
voyage  de  1529. 

(2)  Marguerite,  reine  de  Navarre. 

(3)  Sans  doute  la  tunique  sans  couture  de  N.^S.  «A-C,  donnée  par  Charlema- 
gne  à  l'ancien  monastère  d'Ârgenteuil. 

(4)  Cinquante  ans  plus  tard,  en  1585,  un  bourgeois  d'Agen,  chargé  d'une  mis- 
sion h  la  Cour,  suivit  à  peu  près  les  mêmes  itinéraires  à  l'aller  et  au  retour. 
M.  (î.  Tholin  a  publié  un  très  intéressant  et  très  spirituel  résumé  de  ce  voyage, 
sous  ce  titre  :  Un  ooyage  d'Agen  à  Parla  au  xvi*  siècle  (Reoue  de  l'Agenais, 
1876,  p.  153).  —  La  raison  de  cette  différence  d'itinéraires  à  l'aller  et  au  retour 
est  facile  à  comprendre  :  on  voulait  s'assurer  tout  d'abord  si  la  cour  n'était  point 
à  Amboise  ou  à  Blois,  résidences  favorites  des  rois  de  France  au  xvi*  siècle. 


témoigner  leur  satisfaction»  les  consuls  firent  don  à  leurs 
députés  d'une  somme  de  72  livres,  à  titre  d'honoraires,  à 
raison  de  12  sous  par  jour,  «  per  saychanta  dielas  que  an 
vacat  per  fe  lo  viatge  en  cort  deu  rey  et  regina  de  Nabarra, 
conte  et  contessa  d'Armanhac  » . 

Les  lettres  royaux  rapportées  de  Paris  prescrivaient  une 
nouvelle  enquête  sur  l'affaire  du  sénéchal.  Elle  fut  conflée  à 
un  conseiller  au  Parlement  de  Toulouse,  «  Mons'  de  Riberie» 
{cdias  Riverie).  La  dépense  «  per  fer  la  enquesta  contre  los 
de  Laytora  »  est  consignée  à  la  fin  du  compte  et  s'éleva  à  409 
livres  5  sous. 

Menacés  dans  leurs  intérêts,  les  habitants  de  Lectouro 
firent,  de  leur  côté,  d'activés  démarches  pour  conserver  le 
siège  tant  convoité  par  la  ville  voisine.  Ils  parvinrent  à  faire 
«  inhibir  Mons.  de  Riverie,  commissari  députât  per  auzir  las 
partidas,  ab  lettres  reaies  tant  deu  Conselh  que  per  cameram 
de  la  cort  de  Parlement  de  Tholose  »  (1). 

Pour  parer  ce  coup  imprévu,  un  second  voyage  à  la  Cour 
était  nécesisaire.  Car  il  fallait  obtenir  du  roi  et  de  la  reine  de 
Navarre  l'entérinement  de  la  requête  des  consuls  d'Auch, 
nbnobstant  les  lettres  d'inhibition  octroyées  à  la  partie 
adverse,  «  per  suppllcar  los  rey  et  regina  de  Navarre  los  pla- 
cia  intherinar  nostre  requeste  de  lor  propri  movement  » . 

Comme  il  n'y  avait  plus  d'argent  dans  la  caisse  du  trésorier 
de  la  ville  «  Johauot  deu  Baradau  » ,  on  contracta  un  nouvel 
emprunt  de  200  livres;  on  acheta  deux  chevaux,  dont  un  au 
trésorier  de  l'archevêque  d'Âuch,  et  le  20  avril  1529,  Ray- 
mond de  Bonnecaze  s'acheminait  une  seconde  fois  vers  la 
Cour,  ayant  pour  seul  compagnon  l'un  des  gardes  consulaires, 
Guillem  de  Àuthon  ou  Danton,  chaussé  d'une  paire  de  <  bolas 
bielhas  »,  du  prix  de  12  sous. 

(1)  D'après  un  inventaire  des  archives  de  Lectoure,  dressé  en  1591,  les  lettres 
de  ohancellerie  ne  lite  pendentc  du  Parlement  de  Toulouse  sont  du  23  février 
1529.  (Coannonication  de  M.  P.  Druilhet.) 


—  491  — 

Le  journal  de  Boimeeaie  est  no  peu  moins  concis  et  moias 
sec  que  celui  de  Bernard  Gabandè^  et  îl  a  sur  lui  Tavantage 
de  donner  les  dates. 

Bonnecase  modifia  un  peu  son  itinéraire.  Au  lieu  de  passer 
par  Condom,  Nèrac  et  Marmande^  il  se  dirigea  sur  Agen, 
après  avoir  couché  à  Fleurance  et  diné  à  «  Hastafort  »  (1); 
d'Agen  il  gagna  successivement  «  Villanava-d'Agenes»  MoQt* 
flaquin  (Monflanquin),  Monlpassié  (Montpazier),  Limel 
(Umeuil;  passage  de  la  Dordogne  :  1  sou),  Sanctdreu  (Gen* 
drieux),  Peyrigurs  (Pèrigueux),  Bordelhe  (Bourdeilles)  (2), 
Marelh  (Mareuil),  la  Rochefocaut,  Valence  (canton  deMansle), 
Refifel  (Ruffec),  Coé  »  (Couhé).  A  Vivonne,  il  reprit  la  grande 
route  ordinaire  de  Bordeaux  à  Paris  (3)  et  arriva  à  Amboise 
le  30  avril,  dans  la  soirée.  La  Cour  y  résidait,  le  but  du  voyage 
était  atteint.  Toutefois,  François  P'  devait  partir  quelques 
jours  après  pour  le  château  de  !a  Bourdai.^ière  et  y  séjourner 
du  4  au  22  mai  (4).  C'est  ce  qui  expique  les  allées  et  venues 
conTtinuelles  de  R.  Bonnecaze  d' Amboise  à  la  Bourdaisière 
et  de  la  Bourdaisière  à  Amboise,  où  il  revenait  coucher  cha* 
que  soir,  ainsi  qu'on  va  le  voir. 

Les  chevaux  furent  logés  à  t  Tostalaria  de  la  Teste  deu 
Serin  »  (5);  mais  il  n'y  avait  pas  de  chambre  disponible  dans 
cette  hôtellerie,  il  fallut  en  chercher  une  en  ville,  <  per  dor- 
mir et  per  gardar  nostre  bagatge  »;  le  loyer  coûta  5  sous  par 
jour. 

Ici  la  relation  devient  un  peu  plus  intéressante*  Je  vais 

(1)  «  Et  per  la  disnada  pague  hoevt  s.  t.,  et  dus  tholosans  per  los  serridors  et 
chambrière».  »  A  ce  second  voyage,  le  coût  de  chaque  diner  fut  de  8, 9  ou  10  sous, 
celui  de  chaque  souper,  de  14, 15  ou  16  sous. 

(2)  Il  y  a  Corbelhe  dans  le  texte,  mas  c'est  un  lapsus  évident.  Au  retour, 
Bonnecaze  repassa  par  le  même  endroit  et  cette  fois  il  écrit  correctement 
Bordelhe, 

(3)  C'était  la  route  suivie  par  les  pèlerins  se  rendant  à  Saint-Jacques  de  Com- 
postelle  (A.  Lavergne,  Les  chemins  de  Saint-Jacques  en  Gascogne,  p.  32). 

(4)  Catalogue  des  actes  d$  François  /",  tome  i. 

(5)  En  1566,  le  messager  de  Bordeaux  à  Paris  laissa  un  cheval  malade  à 
Amboise  dans  l'hôtellerie  de  la  Teste  noire  (Ernest  Gaullieur,  Un  eoyag^  çle 
Paria  d  Bordeatuo  en  1566;  Reoue  cTAquitaino,  t.  xi,  p.  374). 


^^i  trait  au  séjour  du  député 

M  ^.^/ï«^j,/î/îée  précédente,  il  dut  financer 

^  u^^/se-  ^^^^ats  et  procureurs,  avec  leurs  clercs 

j'A^^/refl^^^^^iidè^^^  m'si  paru  curieux  :  lorsque  Bon- 

*^ Tser^^^^J^lp  5(;eller  des  lettres  de  chancellerie  que 

^\^e  ^^  \&(i  *  'i^i  avait  fait  prendre,  il  apprit  que  le 

fg^yû€»[  \^imi  à  la  campagne,  «  sur  les  champs  •  dit 

^^^*  /j^fldâDt  une  huitaine,  ce  ne  furent  qu'allées  et 

le  '^*  ^^jitûboise  au  château  de  la  Bourdaisière  et  de  la 

^^Ij^isière  à  Amboise.  Mais  je  cède  la  parole  au  député 

Itetn,  ey  baUiat  a  Mons'  maeste  Ramon,  advocat  deu  Gran  Conselh, 
pgr  oonsultar  las  pièces  et  nostre  requesle,  un  escut  deu  sorelh  :  n  1. 

Item,  perso  que  lodit  advocat  foc  d'abiis  impetressem  letres  de  chan- 
cellerie, balhey  a  Robilhart,  procureur,  las  pièces;  auquau,  per  visitar 
jasdites  pièces  et  far  lasdites  letres,  balhey  ung  escut  deu  sorelh  :  ii  1. 

Item,  balhey  au  clerc  deudit  Rovilhart,  per  mette  en  net  la  minuta 
de  lasdites  letres  per  las  remostrar  audit  maeste  Ramon,  et  per  las  mptte 
en  parchemin  :  sept  s.  sieys  dines  t. 

Item,  et  perso  que  no  ère  possible  de  sagerar  lasdites  letres;,  a  causa 
que  lo  chancelier  (1)  demoraba  sur  les  champs,  balhey  lasdites  letres 
au  secretari  Longuet,  per  ne  far  ladite  expedicion;  loqual,  tant  per  los 
sagetz  que  anadas  et  vengudas  de  Amboysa  a  la  Bordaziere  (2)  que  de 
la  Bordasiere  a  Amboyse  que  per  sa  pena,  me  fec  pagua  quatre  esculz 
deu  sorelh  en  aur,  que  son  :  vni  1. 

Item,  au  clerc  de  mons^  lo  chancelié  de  Lanson  (3)  :  1 1. 

Item,  balhey  au  porte  de  la  Royne  (4)  una  liura  en  dus  testons. 

Item,  lo  IX®  jom  deudit  mees  de  may,  anam  soppa  a  Tors,  et  per  la 
soppadapague  quinze  s.,  et  sieys  dines  per  los  servidors. 

Item,  lo  X»  jorn,  anam  disna  a  la  Bordasiera  :  x  s. 

Item,  lo  jorn  susdit,  pague  per  passar  la  rivière  apperada  lo  Chiet  (5)  : 
X  dines. 

Item,  davant  la  maison  de  la  habitation  deu  chancellier  de  France, 

(1)  Antoine  Duprat,  chancelier  de  France. 

(2)  Le  château  de  la  Bourdaisière,  commune  de  Montlouis. 

(3)  Le  chancelier  d'Alençoii. 

(4)  Marguerite  de  Nayarre. 

(5)  Le  Cher. 


—  493  — 

ond  eram  aiiatz  per  far  la«  dillgenoes  de  sagerar  lasdhds  letreÂ,  balliein 
detz  dines  de  fen  aux  cbivalx. 

Item,  lo  )ora  susdit,  aoam  soppar  Amboysa  :  xiui  s. 

Item,  lo  XI®  jorn  deudit  mees,  anam  disna  a  la  Bordasiere  :  ix  s. 

Item,  très  dines  per  gardar  nostre  mala,  mentre  que  disna bam. 

Item,  lo  medix  jorn,  anam  soppar  Amboysa  :  xiiii  s. 

Item,  lo  XII  jorn  deudit  mees,  anam  disna  a  la  Bordasiera  :  vu  s.  x  d. 

Item,  lo  jorn  susdit,  anam  soppa  a  Amboysa  :  xini  s. 

Item,  lodit  jorn,  per  paskuir  la  rivere  deu  Chiet  :  x  d. 

Item,  lo  xiii  jorn  deudit  mees,  demoram  tôt  lo  jorn  Amboysa  per 
recrubar  lasdites  letres  deu  secretari  Longuet,  per  la  despensa  pague 
una  liura  nu  s. 

Item,  aussi,  lo  xiiii  jorn  deudit  mees,  demoram  Amboysa,  et  per  la 
despensa  deudit  jorn  pague  una  liura  quatre  s. 

Item,  lo  XV  jorn  deudit  mees,  anam  disna  a  la  Bordasiere  :  x  s. 

Item,  lo  jorn  susdit,  anam  soppa  Amboysa  :  xiiii  s. 

Item,  losetzeme  jorn  deudit  mees,  anam  disna  a  la  Bordasiera  :  x  s. 

Item,  lodit  jorn,  anam  soppa  Amboysa  :  xnii  s. 

Item,  lo  xvn®  jorn  deudit  mees,  anam  disna  a  la  Bordasiera  :  x  s. 

Item,  lo  medix  jorn,  anam  soppa  Amboysa  :  xiiii  s. 

Item,  lo  xviii^'  jorn  deudit  mees,  demoram  lo  jorn  Amboysa  :  i*  liura 

IV  s. 

Item,  et  a  causa  que  lodit  jorn  anam  après  disna  a  la  Bordasiera, 
per  la  collation  de  nos  et  deus  chivalz  :  dus  s.  sieys  dines. 

Item,  lo  xix  jorn  deudit  mees  de  may,  anam  disna  a  la  Bor- 
daziera  :  x  s. 

Item,  balhe  lo  susdit  jorn  aux  servidors  et  chambrières,  tant  per 
lavar  las  camisas  (1)  que  autres  services  que  nos  aben  feyt  demoran 
tant  de  temps  a  l'ostalarie  :  m  s. 

Item^  lo  jorn  susdit,  balbey  au  secretari  deu  Rey,  Martin,  per  sa 
pena  que  habe  presa,  duas  liuras  en  ung  escut  deu  sorelh. 

Le  même  jour,  c'esl-à-dire  le  19  mai  1529,  Raymond  de 
Bonnecaze,  «  après  haber  prees  conget  deus  Rey  et  Regina  » 
(de  Navarre),  repril  la  roule  de  la  Gascogne;  il  relra versa, 
sans  incidents  dignes  de  remarque,  les  n  émes  localités  et 

(t)  Plus  d'une  fois,  en  route,  se  fit  le  iajcoQQ  dot  chemises,  PreuTC  qu'on  ne 
se  cbargeait  pas  de  beaucoup  de  linge.  Et  cela  se  conçoit,  puisque  Ton  voyageait 
àchevaL 


—  494  — 

arriva  i  Aadi  d»3  ia  ittatinée  du  34  mai,  après  uoe  absence 
de  44  jours. 

Les  frais  de  6e  deâxiëme  voyage  s'ëlevèreut  à  72  livres 
seuletneDt. 

Le  «  licencié  »  Bonnecaze  n'était  pas  au  bout  de  ses  péré- 
grinations. On  le  fit  partir,  le  9  septembre  4527,  pour  Gre- 
nade-su r-Garonne,  afin  de  montrer  au  commissaire  Riverie 
les  lettres  rapportées  d'Amboise;  puis  pour  Lectoure,  le 
96  novembre  suivant,  <  per  anar  visitar  los  procès;  »  enfin, 
le  4*^  janvier  4530,  pour  Toulouse,  où  ledit  commissaire  était 
retourné  (i)r  Après  six  jours  consacrés  aux  affaires  de  sa 
patrie,  Bonnecaze  rentra  à  Auch,  le  9  janvier.  Sa  mission  était 
terminée,  il  put  enfin  jouir  d'un  repos  bien  mérité  et  repren- 
dre ses  occupations  ordinaires. 

Le  conseil  de  ville  s'empressa,  sur  sa  demande,  de  lui 
allouer  une  indemnité  de  26  livres,  toujours  à  raison  de  42 
sous  par  jour,  «  per  Tinterest  lucri  cessanHs  et  autras  penas 
et  tribaulx;  et  autant  n'agosse  gasanbat  estan  a  Aux  et  plus  • . 

Les  deux  comptes,  que  j'ai  tâché  de  résumer  le  plus  clai- 
rement possible,  ne  nous  font  pas  connaître  la  suite  de  cette 
affaire.  D'après  l'édit  du  mois  de  janvier  4639,  analysé 
dans  X Histoire  de  la  ville  (TAuch  (t.  ii,  p.  79),  «  le  réta- 
blissement du  sénéchal  à  Auch  aurait  été  ordonné;  mais 
ladite  ordonnance  aurait  demeuré  sans  exécution  jusqu'en 
4615  que  ladite  ville  de  Lectoure  s'étant  trouvée  dans  la 
rébelUoû  (2),  Sa  Majesté,  par  lettres  patentes  de  décembre 
audit  an,  aurait  fait  rétablir  ledit  sénéchal  d'Armagnac  dans 
la  ville  d'Auch,  qui  depuis  le  traité  de  Loudun  aurait  été 
remis  audit  Lectoure...  * 


(1)  I^s  comptes  des  consuls  de  Lectoure  mentionnent  diverses  dépenses  faites 
à  Toulouse  en  1529  et  1590,  pour  la  poursuite  de  ce  procès  contre  la  Tille  d'Audi, 
et  aussi  contre  les  consuls  de  Vic-Pezensao,  qui  eux  aussi  rerendiquaieat  le 
siège  du  sénéchal.  (Communication  de  M.  P.  Druilhet  ) 

(2)  Benjamin  d'Astano-Fontrailles»  sénéchal  d* Armagnac  et  gouveraettr  de 
Lectoure,  arait  livié  le  château  de  cette  ville  au  duc  de  Roliaa«  allié  du  prince 
de  Coudé  dans  sa  lutte  contre  le  pouvoir  royal. 


—  4Ô5  — 

Le  Journal  de  Maître  Jean  de  Sdle,  publié  en  4877  par 
M.  Fabbè  de  Carsalade  du  Ponl,  contient  (p.  26-32)  des 
détails  intéressante  et  précis  sur  cette  translation,  manu  mU- 
tari,  du  siège  de  la  sénéchaussée  de  Lectoure  à  Auch.  L'ins- 
tallalion  eut  lieu  le  30  janvier  1616,  «  dans  la  grande  salle 
de  la  maison  priorale  de  SainUOrens,  avec  lôrofes  applabdis- 
semenls  du  peuble.  »  Cette  joie  eut  peu  de  durée  :  dix-huit 
mois  après,  un  arrêt  du  parlement  de  Toulouse  (31  juillet 
1617)  rétablissait  le  siège  à  Lectoure,  en  exécution  de  Tune 
des  clauses  du  traité  de  Loudun. 

Ce  ne  fut  que  vingt-deux  ans  plus  lard  (édil  de  janvier 
1639),  que  la  ville  d'Auch  obtint  enfin  un  siège  de  séné- 
chaussée. Lectoure  conserva  le  sibn,  mais  considérablement 
amoindri,  puisqu'on  lui  prit  la  moitié  environ  de  son  ressort 
pour  former  celui  de  la  nouvelle  sénéchaussée  d'Auoh. 


Paul  PARFOURU. 


RÉPONSE 


253.  Le  premier  Juge  de  paix  de  Gastets  (liandes). 

(Voyez  la  Question  ci-dessus,  p.  332). 

Deux  de  nos  meiUeurs  correspondants,  M.  l'abbé  Foix,  curé  de  Laurède 
près  Poyanne  (Landes),  et  M.  François  Abbadie,  ancien  magistrat,  se  sont 
empressés  de  m'éclairer  sur  le  vrai  nom  français  du  juge  dé  paix  latiniste. 
Ils  m'ont  de  plus  fourni,  &  cette  occasion,  des  renseignettients  bi<^iiiphi- 
ques  intéressants,  dont  je  tiens  à  les  remercier  tout  de  suite  et  qve  je  oom- 
muniquerai  aux  lecteurs  de  la  Reçue  un  peu  plus  tard,  avec  l'extrait  des 
élucubrations  poétiques  d'Etienne- Placide  du  Bourg.  Voilà  le  vrai  nom 
patronymique.  Casen-nigrensis  doit  se  traduire  sans  doute  par  Caunâ- 
GRE,  nom  d'une  branche  des  du  fiou^  établie  à  Magescq,  me  dit  M.  Foix; 
mais  était-ce  également  le  nom  de  ceux  d'Escurade,  auxquels  appartenait 
le  juge  de  paix  métromane?...  Le  nom  de  Noniani  est  encore  inexpliqué.  Je 
dois  déjà  beaucoup  à  mes  eélés  et  doctes  correspondants  :  je  n'en  réclame 
pas  moins  de  leur  bonne  volonté  un  supplément  d'informations  onomaêéi* 
quesy  et  même  biographiques  et  littéraires. 


LA  GASCOGNE 

ET  LES  PAYS  LIMITROPHES 

DANS  LA  LÉGENDE  CAROLINGIENNE 

Suite  (*). 


S  IV 

AUTEURS  D£S  XV11%  XVIII*  ET  XIX'  SIÈCLES. 

Bon  nombre  d'auteurs  contemporains  admettent  comme 
anciennes  et  authentiques  de  prétendues  traditions  caroUn* 
giennes  dispersées  tgut  le  long  de  la  chaîne  des  Pyrénées.  Il 
en  est  ainsi  notamment  de  M.  Petit  de  Julleville»  dans  un  pas* 
sage  que  j'ai  déjà  cité.  Ce  fragment  me  semble  résumer  Pétat 
de  Topinion  courante,  mais  il  contient  du  reste  à  peu  près 
autant  d'erreurs  que  d'affirmations.  En  attendant  que  je  le 
prouve  par  l'examen  des  prétendus  souvenirs  de  Roland 
répandus  «  de  Cauteretz  à  Tarbes  et  de  Tarbes  à  Biarritz  »»  je 
liens  à  constater  qu'on  trouve  aussi  dans  le  reste  de  la 
chaîne  des  Pyrénées  des  racontars  qui  ne  méritent  pas  le 
moindre  crédit. 

Parlons  d'abord  de  la  vallée  de  Querol,  improprement 
appelée  Carol,  et  sise  dans  le  comté  de  Cerdagne  {cofnitatus 
Cerdaniensis).  Le  nom  de  ce  comté  apparaît  pour  la  première 
fois  dans  l'acte  de  restauration  du  diocèse  d'Urgel^  que 
Baluze  date  à  tort  de  819  (1)  et  qui  n'est  réellement  que  de 

(•)  Voir  ci-dessus,  p.  365. 

(1)  Martia  Hispaniaa,  Append.  i,  65-66.  V.  le  texte  beaucoup  plus  correct  de 
la  restauration  du  diocèse  d'Urgel  dans  Viixanueva»  VUi^/e  Uterarioa  lasfgU-- 
aias  d$  Espana,  x,  Append.  xvii. 


S40  (1).  On  croit  trop  généralement  que  ce  nom  défectueux 
de  Garol  vient  de  ce  que  Charlemagne  aurait  visité  la  vallée. 
Mais  le  vrai  nom  de  celle-ci  est  Querol,  comme  Ta  démonlré 
abondamment  mon  vieil  ami  B.  Âlart,  dans  Teicellent  petit 
volume  intitulé  Notices  historiques  sur  tes  communes  de 
RoussiUon,  où  se  trouve  un  article  spécialement  consacré  à 
la  Vallée  de  Querol  (â). 

A  propos  de  la  vallée  d'Andorre,  contiguë  à  celle  de  Querol, 
on  débite  aussi  de  fausses  traditions  carolingiennes. 

Et  d'abord  il  existe,  aux  archives  de  cette  Vallée,  deux 
manuscrits  intitulés  Tun  Manual  Digcst  et  Tautre  PoUtar 
Andorrà,  qui  font  également  mention  d'un  prétendu  diplôme 
de  Charlemagne  relatif  à  l'Andorre.  Le  Manual  Digcst,  com- 
posé au  siècle  dernier  par  Anton  Fiter  y  Rossell,  viguier 
épiscopal  de  la  Vallée,  est  un  véritable  traité  du  droit  public 
et  de  l'histoire  de  ce  pays.  Le  PoUtar  Andorre,  œuvre  de 
Père  Puigt,  prêtre  des  Escaldes,  en  Andorre,  n'est  qu'un 
résumé  du  Manual  Digest.  Ces  deux  manuscrits  ont  la  pré- 
tention de  résumer,  et  parfois  de  citer  partiellement,  un  pré- 
tendu diplôme  attestant  que  Charlemagne  aurait  envoyé  des 
colons  dans  l'Andorre  jusque-là  déserte,  et  qu'il  aurait  doté 
ce  pays  de  privilèges  importants. 

Plusieurs  fables  se  sont  entées  sur  ce  premier  faux.  On 
signale,  comme  ayant  abrité  Charlemagne,  durant  son  pré- 
tendu voyage  en  Andorre,  une  maison  de  construction  rela- 
tivement très  récente,  la  Casa  Berenguer,  située  au  Puig 
d'Olivesa,  dans  la  paroisse  de  San-Julia. 

On  dit  aussi  que  l'empereur  franc  battit  les  Maures  à  la 
Serra  de  la  Nor,  dans  la  paroisse  de  la  Massana.  A  la  droite 
da  Pon  Pia,  situé  dans  cette  paroisse,  on  montre  une  pierre 
creusée,  dit-on,  d'un  coup  d'épëe  par  Charlemagne  ou  par 

(1)  Jean-François  Blad^»  ÉgUm  ctUrgel,  fonnant  la  Note  clxvii  de  l'Histoire 
générale  de  Languedoo  (édition  Privât),  tv,  900-911.  La  critique  de  Baluze  est 
aux  pp.  903-4. 

(2)  Pp.  146-68. 


— 466  — 

UD  de  ses  pairs,  poar  y  verser  Tavoine  ^estioèe  à  sa  loooture. 
Entre  le  Pon  Pia  el  le  Pon  de  San-Antoni,  est  une  autre  pierre 
où  la  chaussure  de  Teroperour  aurait  laissé  son  empreinte.  On 
affirme  aussi  que  Louis  le  Débonnaire  séjourna  au  Mas  del 
Dumenge  dans  la  paroisse  d'Eneamp.  Ce  Mas  est  de  cons- 
truction peu  ancienne. 

Inutile  de  perdre  mon  temps  à  montrer  que  ces  diverses 
narrations  ne  sont  pas  conformes  à  Thistoire.  Elles  ne 
remontent  certainement  pas  plus  haut  que  Tépoque  d'Oliba 
déjà  nommé,  et  d'un  autre  faussaire  encore  plus  fameux, 
Bosch,  dît  le  Menteur  {et  H/etidoso)  à  cause  de  toutes  les 
faussetés  par  lui  accumulées  dans  ses  Tikds  y  honors  de 
taUdunya. 

Ce  n'est  pas  tout.  Bon  nombre  d'historiens  français  et 
espagnols  affirment  quHl  existait  de  leur  temps  un  anneau 
{anell  ou  argoUa)  de  fer  scellé  sur  le  sommet  de  la  montagne 
du  Puig  de  Altavaca,  et  un  autre  sur  la  cime  de  la  monta- 
gne de  Fontargente,  appartenant  toutes  deux  à  TAndorre. 
D'autres  auteurs  plus  récents  déclarent  que  Ton  ne  voyait 
plus  de  leur  temps  que  les  vestiges  de  ces  anneaux,  auxquels 
on  attribue  des  origines  très  diverses.  Morales,  Yiladamor, 
Colsa,  etc.,  affirment  que  ces  anneaux  ne  sont  autre  chose 

que  les  trophées  de  Pompée  (tk  no^Amitou  r/>09raca «vM^iara) 

dont  parle  Slrabon,  1.  iv.  Il  suffit  d'avoir  étudié  tant  soit  peu 
la  géographie  historique  des  Pyrénées-Orientales  pour  com- 
prendre combien  est  insoutenable  l'opinion  de  Morales  et  de 
ceux  qui  l'ont  suivi  (1).  Un  autre  clH*oniqueur  espagnol.  Bou- 
ter, affirme  dans  ia  Segunda  parte  de  la  Cronica  gênerai  de 
Espana,  que  ces  anneaux  furent  placés  là  par  ordre  de 
l'empereur  Gallien.  D'autres  enfin  font  honneur  de  la  ckose 
à  Louis  le  Débonnaire. 

(1)  Marea  Hiêpanioa,  oal.  46,  61,  79.  Mavoa  veut  retrourer  les  trophées  de 
Pompée  dans  l9B*Clauêarae  <La  Clu^,  près  de  BeUegand^.de  l'époque  visigo- 
tbique  et  des  temps  postérieurs.  Mais  il  reste  à  prouver  que  ces.  trophéeii  étaient 
de  véritables  fortiflcatloni. 


—  «9  — 

A  l^heore  présente,  toutes  ces  oj[»iniûfi8  sont  encore  soute- 
nues en  Andorre,  et  surtout  celle  qui  concerne  Louis  le 
Débonnaire.  La  yérilé  est  que  j'ai  ouvert  dans  te  pays  une 
enquête  qui  n'a  pas  donné  plus  de  résirttats  qu'une  yisito 
des  lieux.  Il  n'est  pas  néanmoins  douteux  que  les  argoUas 
fussent  encore  en  place  au  xvir  siècle.  Quant  à  Torigine  de 
ces  anneaux,  les  auteurs  qui  de  nos  jours  ont  copié  Beuter 
ou  Morales  auraient  bien  mieux  fait  de  lire  le  passage  où 
Marca  prouve  à  suffisance  que  les  argoUas  étaient  tout  bon- 
nement destinées,  selon  Tancien  usage,  à  servir  de  bornes  (1), 
ainsi  que  le  constataient  d'ailleurs  certains  litres  existant 
jadis  en  Andorre,  et  que  je  n'ai  pu  retrouver  {2). 

Ainsi,  les  prétendues  traditions  carolingiennes  des  Pyré- 
nées-Orientales ont  été  forgées  à  des  époques  plus  ou  moins 
récentes.  On  va  voir  qu'à  l'exception  de  Roncevaux,  il  en  a 
été  de  même  pour  tout  le  reste  de  la  chaîne. 

Dans  ce  but,  je  vais  explorer,  en  suivant  l'ordre  alphabéti- 
que, les  diverses  parties  de  mon  domaine  pour  lesquelles  on 
trouve,  dans  les  livres  postérieurs  au  xvi*  siècle,  des  traditions 
carolingiennes  ou  données  pour  telles. 

l"*  «  Ag£nais  » .—  Un  annaliste  du  pays,  Darnalt  (3),  dont  le 

(1)  Marca  ffispanica,  ool.  65.  Un  Roussillonnais  fortrersé  dans  Tliistoire  de 
wm  pays,  iea  M.  de  Boonetaj,  m'a  affirmé  avoir  oui  dire  qa'il  y  avait  un 
anneau  de  fer  scellé  sur  un  des  escarpements  de  la  montagne  du  Canigè  qui 
regardent  le  nord.  M.  de  Bonnefoy  n'avait  rien  constaté  par  lui-même.  —  Un 
auteur  espagnol  dont  le  nom  ne  me  revient  pas  place  les  trophées  de  Pompée 
au  Col  de  Saint-Louis,  dans  l'ancien  pays  de  Razès,  aujourd'hui  compris  dans 
le  département  de  l'Aude.  Cet  auteur  fixe  même  le  nombre  des  monticules  qui 
composaient  ces  trophées.  Cette  affirmation  est  évidemment  inadmissible.  —  Un 
peu  an  nord  du  Col  de  Saint-Louis  se  trouve  le  rocher  de  la  Falconnière  (com- 
mune de  Bugarach),  où  les  gens  du  pays  croient  qu'il  y  a  un  anneau  de  fer 
scellé  au  sommet.  Pourtant  personne  ne  l'a  vu.  Un  de  mes  amis,  le  baron 
Henry  de  Séverac,  a  même  ouvert,  dans  mon  intérêt,  une  enquête  qui  n'a  pas 
donné  de  résultat. 

(2)  Jean-François  Bladé,  Études  géographiques  sur  la  Vallée  d'Andorre, 

(3)  Darnalt,  Remontrance  ou  fuirangue  solennelle,  faicte  en  la  cour  de  la 
Seneschaucee,  et  siège  Présidial  d^Agenois,  et  Gascongne,  à  Agen.  La  partie 
du  livre  intitulée  Remontrance^  qui  suit  immédiatement  la  dédicace  à  Mar- 
guerite de  Valois,  première  femme  de  Henri  IV^  va  jusqu'à  la  page  16,  oùcosunen- 
cent,  avec  le  chs^tre  UI«  les  AnUquUes,  qui  remplissent  tout  le  reste  du  volume. 


—  500  — 

livre  parut  en  1604,  s'est  longuement  inspiré,  pour  la  période 
carolingienne,  du  Pseudo-Turpin,  et  de  la  Cronique  impri* 
mée  en  4527,  qu'il  accepte  comme  authenlique.  Voici  ce 
qu'il  importe  d'emprunter  à  ce  volume,  tantôt  en  résumant, 
tantôt  en  citant  le  texte. 
Après  l'affaire  deRoncevaux,  dit  Darnalt(i), 

«  Roland  et  Olivier  furent  portez  et  enterrez  à  Blaye,  sur  Gironde, 
prez  de  Bordeaux,  en  PAbbaye  de  sainct  Romain,  à  laquelle  Charles  le 
Grand  fit  de  grands  dons.  Il  y  fitappendre  le  cor,  et  Tespée  de  Roland, 
lequel  on  tient  estre  celuy  qui  est  encor  de  présent  en  ceste  église  de 
sainct  Seurin.  » 

Durant  son  séjour  dans  le  sud-ouest  de  la  Gaule,  Charle- 
magne  fonda  au  pays  d'Agenais  — 

«  L'Abbaye  de  Cleyrac, —  dont  il  se  lit  quelque  chose  dans  la  légende 
de  Turpin.  Il  y  fonda  aussi  l'abbaye  d*Eysses.  —  11  est  vraysemblable 
que  ceste  Abbaye  d'Eysses  ne  fut  que  restaurée  et  reedifiée  par  Charles 
le  Grand,  ayant  esté  longtemps  auant  luy  fondée.  » 

Toujours  d'après  Darnalt,  on  lit  — 

«  Dans  les  anciens  titres  d'ioelle  Abbaye  presque  en  ces  termes, 
qu'elle  est  fondée  de  longue  ancienneté  :  et  quasi  la  première  de  toute 
la  Chrestienté  Cisalpine.  Ladite  fondation  faicte  par  Seguin,  Comte, 
qui  estoit  grand  Seigneur  et  de  grande  autorité  en  ce  païs  d'Agenois  : 
lequel  par  droict  de  fondation,  et  dotation  luy  conféra  plusieurs  fiefs 
nobles,  places,  et  revenus  spirituels,  et  temporels.  Entre  autres  sécu- 
liers le  territoire  de  Gaiac,  tant  deçà  que  delà  la  riuiere  de  Lot  (oii  est 
assise  de  présent  la  ville  de  Ville-neufue)  et  de  la  seigneurie  directe  de 
la  viUe  d'Eysses,  comprenant  cinq  ou  six  paroisses,  et  quelques  places 
et  chasteaux,  àuec  l'hommage,  debvoir  et  pension  que  les  Baronnies 
de  Puiols,  Monsequi  et  autres  luy  font.  » 

Plus  loin  Darnalt  accepte  comme  authentique  le  récit  du 
PseudO'Turpin  sur  le  séjour  d'Aigoland  à  Âgen  et  sa  lutte 
contre  Charlemagne. 

(1)  Darnalt,  Remontrance,  p.  48-62. 


—  501  — 

La  portion  du  livre  que  je  viens  d'utiliser  ne  réclame 
aucun  commentaire.  Je  puis  donc  passer  à  un  livre  de 
Labènazie,  annaliste  agenais,  né  en  1635,  et  mort  en  1724. 

«  Si  le  second  voyage  que  Belle-Forest,  Serres  et  d'AruauU  (sic,  1. 
Daraall),  dans  ses  Antiquités,  font  faire  à  Charlemagne,  d'après  le 
livre  attribué  à  Turpin,  arche vesque  de  Reims,  contemporain  de 
Charlemagne,  estoit  conforme  aux  annalistes  et  histoires  de  ce  tems-là, 
je  croirois  le  siège  d'Agen  indubitable  ;  mais  comme  toutes  les  annales 
de  France  disent  que,  l'année  779,  Charlemagne  fut  en  Allemagne,  le 
fait  que  Turpin  rapporte  d'Agen  me  paroist  suspect. 

Quoique  ce  roman  ait  ses  partisans,  et  qu'il  soit  fait  depuis  le 
dixième  siècle,  il  n'a  pas  tout  le  crédit  qu'il  devroit  avoir  pour  passer 
pour  véritable.  —  Il  rapporte  qu'Aygolan,  roy  des  Sarrasins,  ayant 
ramassé  une  forte  armée  de  deux  cent  mille  hommes  pour  venger  sa 
nation  des  injures  que  Charlemagne  avoit  faites  aux  Sarrasins,  entra 
en  Aquitaine^  vint  à  Agen  qu'il  prist,  et  qu'il  y  fit  séjour  tout  l'hiver  de 
Tannée  778.  Turpin  ajoute  que  Charlemagne,  le  printems  ensuite, 
revint  en  ce  pays,  et  qu'il  défit,  près  de  Clayrac,  l'armée  d'Aygolan, 
conduite  par  Amon.  Il  y  a  près  de  là  une  petite  ville  qui  s'appelle  Cas- 
telmauron,  Castrum  Maurorum,  qui  sans  doute  fut  le  lieu  du  com- 
bat, qui  dura  depuis  le  matin  jusques  un  peu  avant  la  nuit.  Char- 
lemagne défit  Tarmée  des  Sarrasins,  où  Amon  fut  tué.  Roland  envoya  la 
teste  de  ce  général  à  Aygolan,  dans  Agen.  Cependant,  Charlemagne, 
en  recognoissance  de  la  défaite  des  Sarrasins  avant  la  nuit,  et  de  ce 
qu'il  avoit  remporté  la  victx)ire  pendant  qu'il  y  restoit  encore  du  jour, 
dota  l'abbaye  de  Clayrac  et  lui  voulut  donner  ce  nom  à  cause  de  la 
circonstance  du  gain  de  la  bataille  avant  la  nuit.  Tous  les  auteurs 
tombent  d'accord  que  Charlemagne  adoté  l'abbaye  de  Clairac  (1);  ce  qui 
ne  me  paroist  pas  avoir  esté  fait  à  son  premier  voyage.  Ensuite,  Char- 
lemagne vint  assiéger  Aygolan  dans  Agen  ;  si  Ton  doit  en  croire  Tur- 
pin, le  siège  dura  sept  mois.  Cette  premierer  circonstance  de  Càstelmau- 
ron,  près  de  Clayrac,  sur  la  rivière  du  Lot,  autorise  l'histoire  de.  Tur- 
pin, Voici  une  seconde  circonstance,  qui  se  trouve  d'ailleurs  véritable  : 
c'est  que  Turpin  dit  que,  pendant  le  siège  d'Agen,  Charlemagne  fit 
bastir  une  chapelle  de  Sainte-Croix,  près  d'Agen,  où  il  donna  l'ordre 
de  chevalerie  à  Roland,  son  neveu.  Je  ne  sais  pas  d'où  cet  auteur, 

(1)  Rien  n'est  plus  faux.  Le  fait  est  uniquement  consigaé  dans  des  documents 
légendaires. 

Tome  XXX.  33 


—  502  — 

qu'on  croit  estre  Espagnol,  a  sceu  ce  fait  d'Agen  :  car  il  est  vrai  qu'il  y 
a  une  chapelle  de  Sainte-Croix  sur  Saint- Vincent  qui  feust  ensuite 
une  paroisse,  et  Saint- Vincent  est  dans  l'étendue  de  la  paroisse  de 
Sainte-Croix.  Le  nom  de  cette  paroisse  subsiste  encore;  le  lieu  en  est 
conneu  tout  près  d'Agen;  Téglisea  été  démolie  parles  huguenots, 
ou  par  le  tems    qui    dévore  tout;  les  masures   paroissent  encore 
sur  la  montagne  de    Saint- Vincent.  Enfin,   la    troisième  circons- 
tance est  que  cet  autheur  dit  que  qu'Aygolan  se  voyant  pressé  dans 
Agen  par  Charlemagne,  se  sauva  vers  la  rivière  de  Garonne  par  des 
conduits  souterrains  qu'il  y  a  dans  cette  ville.  C'est  une  vérité  cons- 
tante qu'il  y  a  vers  le  palais  des  conduits  et  des  voustes  soubs  terre  de 
la  hauteur  d'un  homme,  qui  conduisent  vers  la  rivière  de  Garonne, 
qu'on  découvre  tous  les  jours  lorqu'on  fait  bastir.  On  peut  s'en  éclaircir 
dans  la  maison  qui  estoit  à  M.  Baille,  où  ces  sortes  de  conduits  sont 
découverts.  —  Pendant  le  séjour  de  Charlemagne  en  ce  pays,  il  donna 
aux  Agenois  pour  armes  une  aigle  d'argent,  au  champ  de  gueules, 
tenant  un  bandeau  avec  cette  inscription  :  Agen,  à  la  bordure  de  France 
liserée  d'azur,  chargée  de  fleurs  de  lys.  Les  Agenois  et  les  magistrats 
d'Agen  ont  esté  si  jaloux  de  cet  honneur,  qu'ils  ont  conservé  les  armes 
depuis  Charlemagne,  ce  sont  encore  les  mesmes  doot  la  ville  se  sert  qui 
ont  pour  devise  le  verset  du  psaume  126  (1),  si  Dieu  ne  preiyi  le  soin 
de  la  cité,  le  soin  des  hommes  et  leurs  veilles  sont  inutiles  (2).  » 

Très  visiblement^  le  passage  précité  procède  presque  en 
entier,  non  pas  de  la  lecture  du  Pseuda-Turpin,  mais  de  la 
Cront^ue  imprimée  en  1527.  D'après  Labénazie,  le  nom  de  Cas- 
telmoron  (Lot-et-Garonne),  attesterait  que  cette  ville  est  d'ori- 
gine moresque.  C'est  une  grosse  erreur.  Les  Sarrasins  n'ont 
fait  que  passer  dans  nos  contrées.  Us  se  sont  bornés  à  dé- 
truire des  villes  et  villages,  sans  avoir  eu  le  temps  d'en  èdifler. 
Les  noms  des  deux  Castelmoron  (Gironde,  Lot-et-Garonne)  et 
des  deux  Gastelsarrasin  (Tarn-et-Garonne,  Landes)  ne  prouvent 
pas,  comme  certains  l'ont  cru,  que  ces  centres  de  population 
ont  une  origine  musulmane.  Il  y  a  même  longtemps  que  le 
contraire  est  démontré. 

(1)  Nisi  Dominus  custodierit  civitatem,  frustra  vigilat  qui  custodit  eam.  PS. 
cxxvi. 

(2)  Labénazib,  Histoire  de  la  Ville  d'Agen  et  paya  dPAgenoiSp  57-W. 


—  503  — 

Quant  aux  souterrains  qui  auraient  servi  de  retraite  à 
Aigoland,  et  aux  armoiries  données  à  la  ville  d'Agen  par 
Charlemagne,  je  n'ai  pas  besoin  de  réfuter  ces  billevesées. 

La  chapelle  de  Sainte-Croix,  où  Roland  aurait  été  armé 
chevalier,  se  retrouve  dans  divers  textes  légendaires.  Or  il 
existait  jadis  deux  églises  de  Sainte-Croix  {de  Sancla  Cruce) 
aux  environs  d'Agen.  L'une  était  au  midi  de  la  ville,  dans 
les  champs  alors  dits  de  Renaud,  et  on  la  surnommait  la  Cape- 
lette.  Ce  surnom  persiste  encore  aujourd'hui.  Ladite  église 
{Rectoria  Sancle-Crucis  de  Raynaldo)  est  signalée  dans  le 
pouillè  de  1515  dressé  par  Jean  de  Vallier(l).  Un  autre  vieux 
pouillé  cité  par  Tabbé  Rarrère,  porte  ce  qui  suit  :  Rectoria 
Sancte-Crucis  de  Renaldo  habet  totam  decimam  prioratas 
Sancle-Cruds,  supra  mantem  Sancti-Vincentii  alias  de  Pompe- 
jaco  (â).  L'autre  église  de  Sainte-Croix,  celle  où  Roland  aurait 
été  armé  chevalier,  a  véritablement  existé  jadis,  sur  la  monta- 
gne an  nord  d'Agen,  non  loin  de  l'église  de  Saint*Vincent 
qui  en  dépendait.  Il  y  a  dix  ans  à  peu  près,  on  en  a  décou- 
vert les  ruines  gothiques,  et  non  pas  romanes.  Elles  sont 
situées  à  cent  mètres  environ  au  sud-ouest  de  l'ancien  télé- 
graphe aérien. 

On  retrouve  reproduites  dans  l'ouvrage  de  l'abbé  Rarrère,  les 
principales  assertions  de  Labénazie  (5). 

2*  Razadais.  —  D'après  l'abbé  Rocher,  Charlemagne,  lors 
de  son  voyage  en  Aquitaine,  avait  enrichi  le  monastère  de 
la  Réole,  et  en  avait  donné  la  propriété  à  l'abbaye  de  Pleury- 
sur-Loire.  Toujours  d'après  l'abbé  Rocher,  le  couvent  de  la 
Réole  aurait  été  fondé  par  saint  Mummole,  abbé  de  Fleury- 
sur-Loire,  en  677  (4). 

(1)  BouRROUssB  DB  Lafpore,  DioUiofis  eoclésioètiquoê  de  VAgenaU  du  xi* 
au  xvr  siècle,  dans  le  Recueil  des  traoauo)  de  la  Société  d'Agriculture,  Scien- 
ces et  Arts  d'Agen,  1"  série,  vu,  94. 

(2)  Barhêre,  Histoire  religieuse  et  monumentale  du  diocèse  d'Agen,  i,  171. 

(3)  Abbé  Barrôrb,  Histoire  religieuse  et  monumentale  du  diocèse  d'Agen, 
1,  16^73. 

(4)  RocuBR,  Histoire  de  l'abbaye  royale  de  Fleury-^ur-Loire,  07. 


—  504  — 

La  Chronique  de  Bazas  signale,  non  loin  de  celte  ville,  hu 
pas  de  Rolland,  ou  l'empreinte  du  pied  du  paladin  laissé 
sur  une  pierre  (1). 

3*"  BiGoaRE.  —  Quantité  d'auteurs  récents,  et  notamment 
M.  Petit  de  Julleville,  admettent  comme  très  ancienne  la 
dénomination  de  Hréche  de  Roland,  située  près  du  Cirque  de 
Gavarnie  (Hautes-Pyrénées),  Ces  affirmations  dénuées  de 
preuves  ne  comptent  pas.  Le  nom  de  Brèche  de  Roland  ne 
se  trouve,  en  effet,  dans  aucun  manuscrit  ou  imprimé  anté- 
rieur au  xviii''  siècle,  ni  dans  la  Nolilia  utriusque  Va^coniœ 
d'Oïhenart,  ni  dans  la  partie  bigorraise  de  V Histoire  de  Béarn 
de  Marca,  ni  dans  les  travaux  inédits  du  paléographe 
Larcher  conservés  à  la  préfecture  des  Hautes-Pyrénées  et 
à  la  Bibliotèque  municipale  de  Tarbes,  ni  dans  les  publica- 
tions des  annalistes  subalternes  de  la  Bigorre,  tels  que  Dave- 
zac-Macaya,  Deville,  Bascle  de  Lagrèze,  etc.  On  ne  le  ren- 
contre pas  non  plus  dans  la  partie  pyrénéenne  des  cartes 
dressées  aux  xvi*  et  xvn*  siècles  par  Ortelius,  Mercator,  Bla- 
ueu,  etc.  I^a  Carie  du  Béarn,  du  Bigorre,  de  P Armagnac  et 
des  pays  voisins,  dressée  par  Delisle  en  1712,  est  la  première 
que  je  sache,  à  mentionner  la  Breca  de  Roldan,  en  français 
Brèche  de  Roland.  Mais  la  Tabula  Aquilaniœ  comprise  dans 
Tatlasde  Homann,  publié  en  1716,  porte  Port  de  Gabamie 
ou  Gavarnie,  qui  se  trouve  sur  certaines  caries  antérieures, 
tandis  que  d'autres  portent  le  Port  de  Lavedan.  La  carte  de 
Cassini,  exécutée,  comme  on  sait,  entre  1744  et  1785,  nomme 
la  Brèche  de  Roland,  avec  indication  d'un  fort  ou  château, 
qui  n'a  certainement  jamais  existé.  Par  contre,  un  Béarnais 
fort  judicieux,  et  préoccupé  des  choses  historiques,  Palassou, 
n'en  dit  rien  dans  son  Essai  sur  la  minéralogie  des  Pyrénées, 
imprimé  en  1781. 

(1)  Dum  Charolus  Magnus  expeditionem  ia  Hispaniam  contra  Sarracenos 
parai,  copias  suas  Vazati  coatigit,  prsDcipue  Duccm  et  Comitem  Aquitaniae  ut 
Rollandum  et  cœteros,  unde  remansit  vestigiuin  illud  lapidi  impressum  quod 
plebei  nostri  vocant  lou  pas  de  Rolland  non  longe  ab  urbe.  Chro/i,  VcuoX. 
dans  les  Arch,  hiet  de  la  Gironde,  x\,  24. 


—  505  — 

Avant  le  six"*  siècle^  toat  ce  qoî  conceroe  la  Brèche  de 
Roland  se  réduit  donc  aux  mentions  des  cartes  de  Delisle  et 
de  Cassini.  Nul  n'affirme  encore,  comme  le  font  aujourd'hui 
les  itinéraires  pyrénéens  imprimés  àTusagedes  touristes  et 
des  baigneurs,  qu'une  tradition  immémoriale  attribue  ladite 
Brèche  à  un  coup  d'épée  de  Roland.  Ce  récit  n'apparaît  pour 
la  première  fois  que  dans  les  publications  de  Ramond.  Encore 
faut-il  distinguer.  Quand  il  parle  uniquement  en  savant, 
Ramond  mentionne  sans  commentaire  la  Brèche  de  Roland  (1). 
Quand  il  hasarde  trois  lignes  sur  le  paladin,  c'est  dans  un 
autre  travail  où  la  fantaisie  abonde,  le  Voyage  poétique  au 
Mont  Perdu. 

«r  C'est  k\  que  Roland,  monté  sur  son  cheval  de  bataille,  a  fait  une 
brèche  de  300  pieds  d'ouverture  d'un  coup  de  sa  fameuse  épée  (2).  » 

Ceci  est  écrit  en  1823.  Cinq  ans  plus  tard,  Arbanère  se  mon- 
tre encore  très  circonspect. 

«  Des  traditions  vagues  comme  toutes  les  traditions,  et  qu'embel* 
lissent  au  gré  de  leur  fantaisie  tous  ceux  que  l'amour  des  grandes 
scènes  de  la  nature,  toujours  uni  aux  dispositions  poétiques,  attirent 
dans  ces  déserts,  représentent  le  fameux  Paladin,  monté  sur  son  cour- 
sier, se  formant  avec  son  épée  un  passage  dans  le  haut  mur.  Ce  ma- 
gnifique portail,  d'une  largeur  presque  égale  à  la  hauteur  du  mur,  est 
digne  des  deux  royaumes,  de  la  force  prodigieuse  de  l'amant  d'Angélique 
et  de  ce  goût  du  merveilleux,  qui  semble  une  inspiration  céleste,  et  par 
lequel  l'homme  veut  agrandir  son  existence,  qu'il  sait  dans  la  réalité 
trop  bornée  et  trop  impuissante  I  (3)  » 

Chausenque,  dont  le  livre  est  postérieur  à  celui  d'Arbanère 
(1834),  se  borne  à  décrire  la  Brèche  de  Roland,  sans  parler 
des  prétendues  traditions  populaires  qu'on  y  rattache  (4). 

Après  Ramond,  Arbanère  et  Chausenque,  la  fausse  légende 
va  se  précisant  davantage  dans  les  livres  des  historiens  bigor- 
rais  et  surtout  dans  ceux  des  touristes.  Je  ne  perdrai  certes 

(1)  IIamonu,  Obseroatio/18  /aitea  dans  les  Pyrénées,  90-97. 

(2)  Ramond,  Voya  je  poétique  au  Mont-Perdu,  93, 

(3)  Arbanère,  Tableau  des  Pyrénées  françaises,  ii,  63. 
(4;  Chausenque,  Les  Pyrénées,  i,  247-64. 


—  506  — 

pas  mon  temps  à  discuter  avec  eux  ;  car  je  crois  avoir  prouvé 
à  suffisance  Torigine  essentiellement  moderne  des  prétendues 
traditions  relatives  à  la  Brèche  de  Roland  dans  les  Hautes- 
Pyrénées. 

i*  Bordelais  ET  Blayais. — On  sait  que  d'après  la  Chanson  de 
Roland  et  le  Pseudo-Turpin,  le  corps  de  Roland  fut  enseveli 
àBlayc.  En  revenant  d'Espagne,  François  !•'  fit  à  ce  préten- 
du tombeau  une  visite  dont  le  récit  est  fort  curieux  (i).  Un 
chroniqueur  bordelais,  Delurbe,  dit  que  le  paladin  fut  déposé 
dans  réglise  de  Saint-Sauveur,  avec  son  épée  Durendal  à  la 
tête,  et  son  olifant  aux  piede-.  Plus  tard,  on  transporta  les 
restes  de  Roland  à  Bordeaux,  et  son  épée  fut  donnée  à  Notre- 
Dame  de  Rocamadour  en  Qaercy  (2).  D'après  Damait, 

«  Rolland  estoit  comte  du  Mans,  et  seigneur  de  Blaye.  Fort  belles  mar- 
ques se  revoyent  au  pais  de  Cuzagues,  non  loin  de  Blaye.  Ce  sont 
d'antiques  ruines  qui  marquent  auoir  esté  autrefois  quelque  chose  de 
grand,  que  ceux  du  païs  appellent  pour  le  jourd'huy  le  Ghasteau  de 
Roland  (3).  » 

5*  Basse-Navarre,  —  Le  Livre  d'Or  du  diocèse  de  Bayonne 
contient  unedescriplion  sommaire  de  cet  évêché  vers  980  (4). 
J'en  extrais  le  passage  suivant.  <  Omnis  vaUU  quœ  Cirsia 
diciiur  usque  Karoli  crucem,  vallis  quœ  dkilur  Bigur,  etc. 

La  vaUis  Cirsia  est  la  vallée  de  Cize,  et  la  vallis  quœ  dici- 
tur  Bigur  celle  de  Baïgorry.  Toutes  deux  sont  situées  dans  la 
Navarre  cispyrénéenne.  La  première  s'étendait  usque  Karo- 
li crucem,  jusqu'à  la  croix  de  Charles.  Par  là  il  faut  entendre 
une  véritable  croix.  Reste  à  savoir  si  vers  980  on  attachait  à 
la  Karoli  crux  wn  souvenir  carolingien.  M.  Petit  de  Julieville 
semble  l'admettre  dans  le  passage  déjà  «ilé  de  son  édition  de 
La  Chanson  de  Roland.  Ladite  croix  aurait  donc  été  placée  à 

(1)  GÉNiN,  La  chanson  de  Roland,  p.  xxii. 

(2)  Delurbb,  Chronique  BourdeloUe,  7. 
(3;  Darnalt,  Remontrance,  f  52,  V. 

(4)  Le  meilleur  texte  de  cette  description  se  trouve  dans  BAiJusauB»  ÉUtdeë 
hUtoriqUM  sttr  la  oille  de  Bayonne,  i,  389-91. 


—  507  — 

peu  près  où  se  trouve  celle  que  j'ai  vue  en  suivant  la  roule 
dite  Chemin  de  Yalcarlos,  qui  va  de  Saint-Jean*Pieâ-de-Port  à 
Roncevaux.  J'eslime,  au  contraire^  que  Karoli  crux  signifie 
tout  simplement  croix  de  Valearlos. 

Ce  vallon  forme^  en  effets  une  sorte  de  triangle,  dont  un 
côté  est  constitué  au  sud  par  la  ligne  médiane  des  Pyrénées, 
un  autre  à  Test  par  le  pays  de  Cize,  et  le  troisième  à  Touest 
par  la  vallée  de  Baïgon  y.  A  gauche  ^e  Val  Carlos  s'échappe 
le  Gave  qui  vient  de  Roncevaux  et  tombe  dans  la  Nive  (rive 
gauche,  près  dThart).  Ainsi  ce  territoire  n'était  pas  compris 
dans  le  diocèse  de  Rayonne  vers  980.  La  pointe  méridionale 
du  triangle  est  tournée  vers  Saint-Jean-Pied-de-Port,  et  le 
chemin  de  Val  Carlos  y  passe.  La  Karoli  crux  était  donc  tout 
bonnement  un  signe  de  délimitation.  Elle  marquait^  au  midi 
de  la  vallée  de  Cize,  Textréme  limite  du  diocèse  de  Rayonne. 
Venait  ensuite  Val  Carlos,  d'où  la  Karoli  crux  tirait  son  nom. 
Voilà  donc  la  preuve  qu'avant  la  rédaction  du  Pseudo-Tur- 
pin  le  vallon  dont  s'agit  se  nommait  déjà  vallis  Karoli.  Je 
n'affirme  ni  ne  conteste  que  ce  fut  en  souvenir  de  Charle- 
mage.  Mais  la  croix  en  question  signalait  un  territoire  et  non 
un  lieu  rappelant  le  souvenir  du  grand  empereur.  La  croix 
de  Charles  actuelle,  qui  a  remplacé,  dit-on,  celle  de  980^  ne 
saurait  donc  avoir  une  signification  que  la  première  n'avait  pas. 

&  Laboijrd.  —  Les  itinéraires  imprimés,  depuis  quelques 
années,  à  l'usage  des  touristes  signalent  près  de  Cambo  (Ras- 
ses-Pyrénées),  dans  l'ancien  pays  de  Labourd,  un  défilé 
qu'ils  désignent  sous  le  nom  de  Pas  de  Roland.  M.  Petit  de 
Julleville  croit  à  l'antiquité  de  cette  dénomination.  C'est  une 
erreur.  L'excellent  Dictionnaire  topographique  du  départe- 
ment des  Basses-Pyrénées,  publié  en  1863  par  le  regretté 
P.  Raymond,  signale  le  Pas  de  l'Aiguë  et  le  Pas  du  Rer,  mais 
point  du  tout  le  Pas  de  Roland.  Celte  appellation  récente  pro- 
vient uniquement  du  troubadourisme  indigène,  et  surtout 
de  la  cupidité  des  guides  basques  qui  spéculent  sur  la  génè* 


—  508  — 

rosité  des  crédules  voyageurs.  Voici  du  reste  ce  que  m'écri- 
vait à  ce  sujet,  il  y  a  déjà  longtemps,  Thonnêle  Jules  Balas- 
que,  l'auteur  des  Etudes  historisques  ^sur  la  ville  de  Bayonne, 
brisé  prématurément  dans  sa  tâche  d'annaliste. 

«  A  Cambo,  par  exemple,  tous  les  étrangers  ne  manquent  pas  d  aller 
visiter  le  Pas  ou  Gorge  de  Roland.  Les  indigènes  pur  sang  ignorent 
ce  nom  de  Pas  de  Roland  et  l'appellent  utheca  gaiz,  porte  mauvaise, 
dangereuse.  C'est,  en  effet,*  un  étroit  et  dangereux  défilé.  Le  nom  de 
Roland  a  donc  été  rapporté  tout  récemment  dans  notre  Pays  basque.  © 

7"  Landes  de  Gascogne  et  Chalosse.  —  D'après  le  premier 
des  quatre  docuraenls  apocryphes  connus  sous  le  nom  do 
Charles  de  Mon l-de  Marsan,  Charlemagne,  revenant  d'Espa- 
gne après  l'affaire  de  Roncevaux,  créa  et  organisa,  en  faveur 
de  son  fils  Louis,  encore  au  berceau,  le  royaume  d'Aquitaine. 
Cela  est  incontestable.  Mais  ce  qui  est  faux,  c'est  la  division 
du  pays  en  consulies  {consulias)  que  la  première  charte 
attribue  à  l'empereur  Franc.  Ces  consulies  auraient  été  : 
1°  le  comté  de  Gascogne;  2°  le  Marsan  et  les  pays  voisins; 
3*  Dax  et  les  pays  voisins;  4*  Pée-deDouze  et  les  pays  voisins; 
5*  Albret  ou  Lebret,  et  pays  voisins;  6"  Sos,  et  le  pays 
d'Ai?e-sur-t'Adour;  7**  Soulac  {Finibus-teire),  le  Boucau, 
Mimisan,  autrement  dit  le  littoral  landais,  dont  Charlemagne 
aurait  alors  fixé  les  sables  mouvants  amoncelés  par  la  mer 
{las  arenas  de  ail  bolegades),  en  employant  à  cette  entreprise 
beaucoup  d'hommes  et  d'argent  {am  mult  h'tns  cl  mulla 
pecune)  (1). 

La  seconde  des  quatre  chartes  de  Mont- de-Marsan  attribue 
la  fondation  de  cette  ville  à  Charlemagne,  après  le  combat 
de  Roncevaux.  L'empereur  aurait  fait  cette  fondation  dans 
le  pays  appelé  Cap-de-Mards,  entre  les  rivières  de  la  Douze 
et  du  Midou  (2). 

J'ai  prouvé,  dans  une  dissertation  spéciale  intitulée  Pierre 

(1)  V.  le  texte  de  cette  pièce  fausse  dans  J.-F.  Bladi^.,  Picrro  de  Lobannvr 
et  les  quatre  chartes  de  Mont-de-Marean,  97-101. 

(2)  V.  la  seconde  charte  dans  le  même  ouvrage,  pp.  102-8. 


—  509  — 

de  Lobanner  et  les  quatre  chartes  de  Mont-de-Marsan,  et 
publiée  en  1861,  que  ces  documents  doivent  être  repoussés 
comme  apocryphes.  J'ai  démontré  aussi  quMIs  sont  Toeuvre 
d'un  faussaire  en  liistoire  locale,  Ducournau  de  Carilz,  mort 
président  du  tribunal  de  Mont-de-Marsan,  qui  les  fabriqua  et 
les  présenta  solennellement  en  1810,  avec  la  complicité  du 
baron  Duplanlier,  alors  préfet  du  département  des  Landes. 
H  me  suffit  donc  ici  de  renvoyer  le  lecteur  à  ma  dissertation. 
J'ai  déjà  signalé  plus  haut  les  prétendues  traditions  caro- 
lingiennes relatives  à  Sordes,  abbaye  du  diocèse  de  Dax. 

S""  RoNCEVAUx.  ~  Ce  village  espagnol  est,  d'après  moi,  le 
seul  où  la  tradition  orale  conserve  encore  la  mémoire  de 
Charlemagne  et  surtout  de  Roland.  La  chose  s'explique  sans 
peine  quand  on  songe  que  celte  localité  possède  une  église 
collégiale,  et  qu'elle  est  le  but  d'un  pèlerinage  où  la  légende 
se  vivifie  constamment. 

Ayant  déjà  consacré  plus  haut  une  notice  historique  à  Ron- 
cevaux,  je  n'ai  plus  à  m'inquicter  de  cette  localité  qu'au 
point  de  vue  légendaire,  et  à  interroger  à  cet  effet  les  récils 
des  voyageurs  du  xix*  siècle. 

Voici  d'abord  ce  que  dit  Arbauère,  dont  l'ouvrage  remonte 
à  1828. 

«  Le  souvenir  de  Roland,  que  je  trouve  partout  dans  les  Pyrénées,  est 
surtout  vivant  et  glorieux  à  Roncevaux.  C'est  dans  la  plaine,  à  un 
quart  de  lieue  au  midi  de  Tabbaye,  au  lieu  où  est  le  village  de  Burguette, 
que  se  donna  la  bataille  où  succomba  le  preux.  Le  soin  que  les  moines 
mettent  à  conserver  quelques  armes  du  paladin,  prouve  Timportance 
qu'ils  attachent  à  ce  trophée.  On  me  montra  deux  boules  de  fer  de  trois 
à  quatre  pouces  do  diamètre,  attachés  par  deux  forts  chaînons  à  un 
gros  manche  de  bois,  long  de  deux  pieds,  et  garni  de  fer  à  Texlrémité 
de  celui  où  est  l'anneau  qui  tient  les  deux  chaînons.  Ces  boulets  reve- 
naient sans  cesse,  et  chaque  coup  devait  être  décisif.  Une  barre  de  fer 
grosse  comme  le  bras,  longue  comme  un  grand  bâton,  servait  encore, 
selon  le  dire  du  cicérone  du  couvent,  d'arme  à  Roland.  Un  énorme 
gant  du  paladin  est  aussi  conservé.  Il  est  vraisembhible  que  le  compa- 
gnon de  Charlemagne  ne  maniait  pas  cette  énorme  barre  de  fer  comme 


—  510  — 

les  Baaques  se  senrent  du  bâton,  el  que  sa  xamn  ne  remplit  janats  ee 
gant  gigantoeque.  Mais  nous  voyons,  dans  ces  amplifications  des  moi* 
nés,  la  grande  idée  qu'ils  avaient  du  chevalier. 

Il  est  dans  la  destinée  de  Roland  que  son  souvenir,  à  Roncevauz 
comme  dans  l'Ârioste,  soit  lié  à  des  choses  facétieuses.  On  me  montra 
après  ces  objets,  les  pantoufles  de  velours  rouge  et  les  guêtres  de  soie 
cramoisie  de  l'archevêque  Turpin,  que  mon  interprète  nommait  un 
ancien  prieur  de  Tabbaye  et  l'historien  du  paladin. 

Ces  détails  m'étaient  donnés  par  Ibagnez,  vicaire  de  Roncevaux,  qui, 
dans  la  guerre  de  Tinvasion  s'était  réfugié  en  France.  —  Mon  retour 
fut  par  la  montagne  d'Astoa-Biscar,  ou  dos  (Tâne,^  nommée  ainsi  à 
cause  de  sa  forme.  Près  du  lieu  dit  Château-Pignon,  mon  guide  me 
montra  une  ruine  qu'il  nommait  l'Hôpital  de  Roland.  C'est  là  qu'à 
travers  des  flots  d'ennemis  le  guerrier,  blessé  mortellement,  parvint 
encore  victorieux,  et  qu'il  rendit  le  dernier  soupir.  Auprès  est  une  fon- 
taine que  les  gens  du  pays  regardent  comme  bienfaisante  à  cause  de 
Roland,  et  dont  ils  viennent  boire  l'eau  avec  foi  (1).  » 

Voici  maintenant  comment  s'exprime  Chausenqoe  : 

«  On  y  a  conservé  (à  Ronce  vaux),  si  l'on  en  croit  les  moines,  quelques 
parties  de  l'armure  de  Roland.  —  Son  tombeau,  à  Blaye,  dans  l'élise 
de  Saint-Romain,  où  il  avait  été  enterré  avec  son  épée  sous  la  tête  et 
son  olifant  à  ses  pieds,  portait  cette  épitaphe,  composée,  dit-on,  par 
Charlemagne  : 

Tu  patriam  repetis,  tristi  nos  orbe  reliquis, 
Te  tenet  aula  nitens,  nos  lacrymosa  dies  : 
Sed  qui  lustra  gerens  octo  et  binos  super  annoa 
Ereptus  terris  justus  ad  astra  redis  (2). 

On  dit  que  plus  tard  son  corps  fut  porté  à  Saint-Seurin  de  Bordeaux, 
et  son  épée  à  Roquemadour,  en  Quercy  (3).  » 

On  sait  que  P.  Raymond  a  aussi  fourni  à  M.  Léon  Gantier 
une  note  que  j'ai  reproduite  plus  haut,  et  dont  une  partie 
est  consacrée  aux  traditions  légendaires.  Le  lecteur  peut  donc 

(1)  Akbanèrb,  Tableau  des  Pyrénées  françaises,  u,  266^.  Publ.  1S28. 

(2)  I^  brave  Chausenque  ne  se  doute  pas  que  ces  quatre  vers  sont  complétés 
par  deux  autres  Tous  les  six  appartiennent  au  Pseudo-Turpin,  c.  xxv.  De 
eiêione  Turpini  episcopi  et  de  lamentatione  KaroU  super  Rotholandum.  Voici 
le  dernier  distique  : 

«  Âd  paradisiaoas  epulas  te  cive  reducto, 

»  Uude  gémit  mondus,  gaudet  honore  polus.  » 

(3)  CHAVsimqui^  Lsê  Py^nées,  i,  194. 


—  511  — 

la  revoir.  Je  me  souviens  en  outre  d'avoir  certainement  lu 
dans  un  livre  dont  j'ai  oublié  le  lilre  elle  nom  d'auteur  que 
les  murs  de  la  collégiale  de  Roncevaux  étaient  jadis  décorés 
de  peintures  représentant  Charlemagne,  Roland,  et  autres 
héros  du  cycle  carolingien.  Ces  peintures  ont-elles  jamais 
existé? Rien  ne  le  prouve  aujourd'hui. 

Moi  aussi,  j'ai  visité  Roncevaux,  où  j'ai  vécu  deux  jours, 
interrogeant  les  chanoines  de  la  collégiale  et  les  villageois. 
Mais  les  uns  et  les  autres  ne  m'ont  rien  appris  de  nouveau. 

Jean- François  ELÀDË. 
{iM  fin  prochainement.) 

QUESTION 


255.  A  propos  de  oilos. 

En  faisant  les  fomUes  pour  les  fondations  de  l'église  de  Samatan  (Gers^ 
sur  une  colliûe  qui  domine  lu  vallée  de  la  Save,  et  oùs'élevail  autrefois  le 
château  des  comtes  de  Comminges,  on  a  mis  à  découvert  des  trous  ou  silos 
de  formes  géométriques  parfaites,  emplis  de  décombres  ou  terres  transpor- 
lees* 

Ces  creux  de  dimensions  moyennes  rappelaient  les  dessins  aux  contours 
si  purs  des  vases  antiques.  On  se  demandait  en  les  voyant  comment  ils 
avaient  pu  être  creusés  d'une  manière  si  régulière,  comme  si  l'artisan  avait 
pétri  de  la  terre  glaise  avec  ses  mains. 

Ils  ne  contenaient  rien  qui  pût  indiquer  à  quelle  époque  ils  remontaient: 
ni  monnaies  ni  vieux  débns  caractéristiques.  Quant  à  leur  usage,  ils 
devaient  sûrement  servir  à  conserver  ou  à  cacher  les  grains  et  les  autres 
objets  nécessaires  à  la  vie. 

J'ai  consulté  l'ABC  archéologique  de  M.  de  Caumont,  les  diction- 
naires de  Larousse  et  de  BouiUet,  et  quelques  autres  livres  modestes  d'une 
bibliothèque  de  campagne,  je  n'ai  rien  trouvé  de  précis  à  ce  sujet. 

Ces  silos  remontent-ils  à  l'époque  romaine?  —  On  croit  avoir  trouvé 
autrefois  à  Samatan  les  vestiges  d'une  station  romaine,  tels  que  voieâ  dal- 
lées, lacrymatoires,  etc.  -  Datent-ils  du  moyen  âge?  du  passage  du  Prince 
Noir,  de  Moulue,  de  Mongonmery,  célèbres  capitaines  dont  le  nom  seul 
terrifiait  nos  populations  pendant  les  guerres  avec  les  Anglais  et  les  guer- 
res de  religion?  Ne  faut-il  les  dater  que  de  la  Révolution  ou  du  campement 
de  l'armée  anglaise  et  de  Wellington  dans  notre  petite  ville  en  1814? 

On  a  creusé,  en  eftet,  si  je  ne  ine  trompe,  des  silos  à  toutes  les  épo<j[ues. 
La  forme  si  parfaite  de  ceux  que  nous  venons  de  découvrir,  leur  situation  à 
plus  d'un  mètre  au-dessous  du  sol  actuel,  leur  superposition  —  constatée 
pour  quelques-uns  —  m'empêchent  de  leur  attribuer  une  origine  récente. 
L'absence  de  tout  revêtement  bâti  n'est-elle  pas  caractéristique? 

Quoi  qu'il  en  soit,  des  silos  semblables  ont  dû  être  découverts  par  des 
hommes  plus  compétents  que  moi  ;  les  descriptions  qu'ils  ont  dû  faire  de 
leurs  découvertes  pourraient  nous  donner  quelques  indications.  J'espère  donc 
que  quelqu'un  des  savants  rédacteurs  de  la  Reoue  voudra  bien  répondre  à 
une  question  qui  m'a  semblé  présenter  plus  qu'un  intérêt  local. 

F.  Trotes, 


ETUDE 

SUR 


L'INSTRUCTION   PUBLIQUE 

A  LEOTOUI11B2  (•) 


Nous  savons  que  dès  rorigine  H  y  eut  six  religieux  char- 
gés du  professorat,  un  recteur  et  un  syndic.  Le  recensement 
de  4695  nous  apprend  que  les  Doctrinaires  étaient  au  norn-. 
bre  de  dix,  quatre  prêtres,  quatre  clercs  et  deux  frères  laïcs, 
sans  compter  les  pères  chargés  des  retraites  et  des  missions, 
dont  le  ministère  était  souvent  utiUsé  à  Lecloure  et  dans 
les  environs. 

Voici,  aussi  exacte  que  possible,  la  liste  des  recteurs  et  des 
syndics,  à  laquelle  nous  ajouterons  les  noms  de  quelques 
professeurs  : 

Recteurs  du  Collège. 

1630-1638  Le  P.  Jean  Baptiste  Gamin  (1), 

1638-1640  Le  P.  Jean  Gabriel  (2). 

1641-1646  Le  P.  Jean  Bossât,  docteur  ea  théologie  (3). 

1646-1648  Le  P.  Charles  Lefrançois  (4). 

1660-1663  Le  P.  Michel  Julia  (5). 

1664-1666  Le  P.  Louis  Clerc  (6). 

(•)  Complément  du  chap.  ix.  Voir  ci-dessus,  p.  423. 

(1)  Records.  Quittances.  Arch.  mun. 

(2)  ïd.  id.         Arch.  mun. 

(3)  Quittances.  Acte  du  30  novembre  1645,  Bégué,  notaire  («tude  de  M'  Boue 
du  Boislong). 

(4)  Quittances.  Arch.  mun. 

(à)  Quittances.  Actes  d**s  9  septembre  1060  et  5  janvier  1663,  Agasson  et  Labat 
notaires  (études  de  MM**  Boue  du  Boislong  et  [^tour;. 
(6).  Quittances.  Arch.  mun. 


—  513  — 

1668-1671  Le  P.  Jacques  Chalvet  (1),  à  qui  Pierre  de  Cas- 
taing,  chanoine  de  Saint-Gervais  et  abbé  de  Sère,  au  diocèse  d'Auch, 
légua,  par  testament  du  19  janvier  1668,  une  somme  de  40  livres  à 
charge  de  dire  cent  messes  de  Requiem^  plus  un  tableau  placé  au-des- 
sus du  maltre-autel  de  la  chapelle  des  Doctrinaires,  marqué  aux  armes 
du  donateur  et  représentant  le  mystère  de  l'Annonciation  (2).  Magde- 
leine  du  Bourg,  épouse  de  noble  Jacques  de  Chastenet,  sieur  de  Bonot 
et  de  Lacoupette,  donna  au  P.  Chalvet  le  26  mars  1668  huit  sacs 
de  blé  et  deux  barriques  de  vin  rouge,  à  la  oondition  par  lui  et  sa  com- 
munauté «  de  réciter  un  requiem  et  un  de  profundis  tous  les  soirs  et 
matines  ensuite  de  leurs  oraisons  pour  le  repos  de  son  âme  (3).  •  Ce 
même  recteur  fut  obligé  d'emprunter  le  18  décembre  1669,  pour  les 
besoins  du  collège,  à  Isaac  Mazières,  marchand  chapelier  de  Lectoure, 
une  somme  de  1,200  1.  qu'il  lui  remboursa  le  23  mars  1671  (4). 

1672-1675    Le  P.  Loms  Valière  (5). 

1675-1681    Le  L.  Barthélémy  de  l'Hospital,  docteur  en  théo- 
logie (6). 

1681-1683  Le  P.  Paul  Juvenet,  docteur  en  tiiéologie,  était 
docteur  lorsque  Jean  Nogués,  curé  de  Léognan-en-Grave,  au  diocèse 
de  Bordeaux,  donna  à  la  chapelle  du  collège  la  somme  de  30  L,  à  la 
condition  que  les  Pères  célébreraient  120  messes  pour  lui  (7).  Il  était 
en  1694  recteur  de  la  maison  de  Notre- Dame-de-Tudet,  vicaire  perpé- 
tuel de  réglise  Saint-Laurent  de  Casteron  et  de  Saint-Michel  de  Gau- 
donville,  son  annxe.  II  se  démit  le  15  juillet  1695  de  ces  deux  bénéfices 
entre  les  mains  des  Pères  du  monastère  de  Tudet^  auquel  ils  étaient 
réunis  et  qui  en  étaient  les  curés  primitifs  (8). 

1683-1685  Le  P.  Barthélémy  de  l'Hospital,  recteur  pour 
la  seconde  fois  (9),  qui  acheta  le  29  mai  1684  la  métairie  de  Boulouch, 
dont  les  doctrinaires  étaient  encore  propriétaires  au  moment  de  la 
Révolution  (10). 

(1)  Quittances.  Arch.  mun. 

(2)  Labat  notaire.  Ce  legs  fut  révoqué  en  partie  par  un  testament  postérieur  du 
22  janvier  1672,  même  notaire. 

(3)  Labat,  notaire  (Etude  de  M*  Latour). 

(4)  Labat,  notaire  (Etude  de  M'  Latour). 

(5)  Quittances.  Arch.  mun. 

(6)  Acte  du  22  février  1680,  Castéra  notaire  (Etude  de  M*   Boue  du  Bois- 
long). 

(7)  Acte  du  12  décembre  1682,  Labat.  notaire  (Etude  de  M*  Latour). 

(8)  Barbalane^  notaire.  (Etude  de  M«  Boue  du  Boislong). 

(9)  Quittances.  Aroh.  mun, 

(10)  Acte  du  3  juillet  1684,  Gardey,  Labat  et  Barbalane,  notaires  (Etudes  de 
MM**  Boue  du  Boislong  et  Latour). 


—  514  — 

1687-1690    Le  P.  Antoine   Robert  (1). 

1691-1692  Le  P.  Bernard  Lafourcade,  qui  emprunta  le  28 
mars  1691,  à  Léonard  Sabatier,  maître  teinturier»  la  somme  de  200 1. 
afin  de  payer  le  reste  de  la  taxe  de  L'amortissement  dont  les  biens  fonds 
du  collée  avaient  été  frappés  (2). 

1692-1695    Le  P.  Louis  Darche  (3), 

1695-1696    Le  P.  Etienne  Jouffret  (4). 

1696-1700  Le  P.  Etienne  Meichin  emprunta  le  26  octobre 
1696  à  Dominique  Baocarère  600 1.  pour  se  libérer  des  dons  gratuits  et 
de  la  capitation  auxquels  il  avait  été  (axé  (5).  Il  subit  dans  le  courant  de 
l'année  1696  un  procès  que  lui  intenta  Pierre  Cazenave,  chanoine  de 
Saint- Gervais,  qui  l'accusait  d'être  l'auteur  de  certaines  imputations 
calomnieuses,  de  nature  <  à  laisser  des  cicatrices  à  son  honneur.  » 
D'après  la  requête  du  plaignant,  le  P.  Meichin  aurait  fui  le  débat,  en 
se  défendant  «  vago  et  offuao  sermone  (6).  » 

1700-1703    Le  P.  Bertrand  Certain  (7). 

1703-1705    Le  P.  Etienne  Meichin,  recteur  pour  la  seconde 
fois  (8). 

1707-1711  Le  P.  Prémont  (9),  à  qui  Jean  Castaing,  bourgeois 
et  marchand  de  Lectoure,  légua  par  testament  du  15  octobre  1707, 
toutes  les  sommets  que  la  communauté  du  collège  pourrait  lui  devoir 
au  moment  de  son  décès  (lOJ.  Nous  le  retrouvons  en  1734  syndic  du 
séminaire  de  Condom  (11). 

1711-1713    Le  p.  Richard  (12). 

1713-1717  Le  P.  Chalvet,  prédicateur  célèbre,  né  à  Brives  en 
1670,  prononça  ses  vœux  le  19  mars  1690,  et  devint  l'un  des  plus 
ardents  propagateurs  du  jansénisme  à  Lectoure.  Augustin  de  Mons, 
docteur  en  théologie,  chanoine  et  archidiacre  de  Lomagne,  lui  l^ua 

(1)  Acte  du  20  août  1687,  Bétous  notaire  (Etude  de  M*  Latour). 

(2)  Labat,  notaire  (Etude  de  M*  Latour). 

(3)  Quittances.  Arch.  mun.  Acte  du  16  octobre  1693^  Castéra  notaire  (Etude 
de  M*  Doué  du  Boislongj. 

(4)  Quittances.  Arch.  mun. 

(5;  Labat  notaire  (Etude  de  M*  Latour).  Actes  des  25  juillet  1^98,  3  février 
1699  et  1"  [évrier  1700.  Barbalane,  notaire  (Etude  de  M*  Boue  du  Boialong). 

(6)  Archiv.  mun. 

(7)  Acte  du  8  avril  1700,  Barbalane  notaire  (Etude  de  M'  Boue  du  Bois- 
long). 

(8)  Acte  du  23  septembre  1708,  Labat  noUire  (Etude  de  M*  Latour). 

(9)  Quittances.  Arch.  mun. 

(10)  I^bat  notaire  (Etude  de  M*  Latour). 

(11)  Acte  du  1"  mai  1734,  Lacapère  notaire  à  Condom  (Etude  de  M'  Lagorce). 

(12)  Quittances.  Lettre  du  P.  Richard  k  Mgr  de  Polastrcm,  éyèque  de  Lectoure, 
en  date  du  9  janyier  1713.  (Archiv.  de  M.  Plieuz.)  ' 


—  516  — 

par  testament  du  31  octobre  1713  la  somme  de  50  1.,  qui  devait  servir 
à  payer  les  honoraires  de  dix  messes  célébrées  à  son  intention  (1).  Il 
comparut  comme  réappellant  le  11  mars  1721  devant  M.  de  Baudry^ 
alors  lieutenant  de  police,  et  refusa  de  signer  le  formulaire  d'adhésion 
à  la  bulle  Unigenitus.  Professeur  de  théologie  des  novices  dans  la 
maison-mère  de  Saint-Charles,  à  Paris,  le  P.  Ghalvet  fut,  sur  Tordre 
du  P.  Griffon,  supérieur  général  de  la  congrégation,  exilé  successive- 
ment à  Villefranche,  à  Pierre-Endse,  à  Moissac  et  à  Nérac,  où  il 
mourut  le  20  décembre  1745,  à  Tftge  de  75  ans  (2). 

1720-1725  Le  P.  Jean  Denux  (3),  professeur  de  philosophie 
des  pères  de  la  Doctrine  Chrétienne  en  1746  (4),  accepta  le  11  juillet 
1723  un  legs  de  1800  1.  fait  le  5  juillet  1714  par  Pierre  Lacourt, 
avocat,  aux  doctrinaires  du  collège,  sous  la  condition  que  trois  d'entre 
eux  prêcheraient  tous  les  six  ans  une  mission  d'un  mois  dans  relise 
du  Saint-Esprit  ou  dans  leur  chapelle.  Une  déUbération  de  la  commu- 
nauté, datée  du  6  février  1723,  confirmée  par  une  ordonnance  épisco- 
pale  du  23  du  même  mois,  autorisa  le  P.  Denux  à  se  faire  remettre  le 
montant  de  ce  legs  par  Pierre  de  Lacourt,  avocat  du  roi  et  héritier  du 
donateur  (5).  Dans  le  courant  des  années  1724, 1725  et  1726,  les 
PP.  Denux  recteur,  Duprom  et  Maillard  syndics  furent  chargés  de 
Tadministration  de  la  paroisse  du  Saint-Esprit  de  Lectoure  (6). 

1725-1727    Le  P.  François  Lespinasse  (7). 

1727-1732  Le  P.  Jean  Latannerie  (8),  qui  avait  été  successi- 
vement attaché  aux  collèges  de  Tarbes  et  de  Bayonne,  et  devint,  par 
le  choix  d'un  concile  provincial  tenu  à  Toulouse  dans  le  courant  du 
mois  de  septembre  1738,  supérieur  de  l'important  collège  de  Villefran- 
che de  Rouergue  (9). 

1734-1735  Le  P.  Raymond  Catugier,  depuis  provincial  de 
Toulouse,  donna  en  1748  des  signes  d'aliénation  mentale  qui  obligè- 
rent ses  confrères  à  le  transférer  de  Toulouse  à  Notre-Dame-de-Tudet, 

(1)  Acte  du  6  novembre  1713,  Barbalane,  notaire  (Etude  M*  Boue  du  Bois- 
long). 

(2)  Nouoellm  êodéêioBiiqueê  du  3  juillet  1746.  —  Nécrologe,  t.  ii,  p.  112. 

(3)  Quittances.  Ardiiv.  mun. 

(4)  NouoellêB  ecclésiastiques  du  74  avril  1746. 

(5)  Actes  des  11  Jumet  1723  et  12  mai  1725,  Barbalane  ét'Fomez,  notaires. 
(Etudes  de  MM"  Boue  du  Boialong  et  Salles.) 

(6)  Arebiv.  mun.  livres,  de  cathoJioité  de  la  paroisse  du  Saint-Esprit. 

(7)  Délibération  capitulaire  du  29  décembre  1726,  Comin,  notaire,  (Etude  de 
M-  SaUes). 

(8)  Quittances.  Aarch.  mun.  Aotes  du  8  août  1771  et  18  avril  1732,  Bétons  et 
C^omin  notaires.  (Etudes  de  MM**  Latour  et  Salles.) 

(9)  Nowelles  ecclésiastiques  «du  18  mais  1799). 


—  ^516  — 

pèlerinage  desservi  par  les  Doctrinaires.  Il  y  mourut  en  1750  (1). 

1735-1738    L  P.  Louis  Bonnefont  (2),  qui  devint  provincial 
de  Toulouse  en  1745  (3). 

1738    Le  p.  Raymond  Catugier,  recteur  pour  la  seconde 
fois  (4). 

1738-1740  Le  P,  Gabriel  Joseph  de  Lafont  (5),  fils  de  Ber- 
nard de  Lafont,  sieur  de  Trignac  et  de  Martlie  Denux  de  Larrivière, 
céda  le  7  août  1731  tous  ses  droits  légitimaires  à  son  frère  Jean  Bap- 
tiste de  Lafont,  sieur  de  Larivière,  lieutenant  d'infanterie,  moyennant 
une  pension  annuelle  de  25  1.  payable  à  Notre-Dame  d'août  (6).  Il  fut 
en  1747  institué  titulaire  de  la  chapelle  de  Notre-Dame  dans  Téglisc  de 
Saini-Gervais,  en  remplacement  d'Ambroise  de  Boubée,  chanoine, 
décédé  le  25  septembre  1746,  par  Marie  Corrent  de  Labadie,  dame  de 
Lafont  de  Larivière,  sa  belle-sœur,  à  qui  appartenait  cette  collation  en 
vertu  de  son  droit  de  patronage  (7).  Le  P.  de  Lafont  était  en  1736  rec- 
teur du  collège  de  Moissac  (8),  et  en  1747  curé  de  la  paroisse  Sainte- 
Eulalie  de  Condom  et  supérieur  du  grand  séminaire  de  cette  ville  (9). 
Il  légua  le  13  décembre  1764  aux  hôpitaux  de  la  Manufacture  et  de 
Notre-Dame  de  Piétat  de  Condom  une  somme  de  3000  livres,  dont  la 
rente  devait  être  employée  à  fournir  de  la  viande  ou  du  bouillon  aux 
pauvres  malades  qui  ne  pourraient  pas  y  être  admis  (10). 

1740-1743  Le  P.  Raymond  Catugier  (11),  recteur  pour  la  troi- 
sième fois,  fut  chargé  le  21  avril  1741,  par  Etienne  de  Renaud,  titu- 
laire du  prieuré  de  Saint-André,  dans  la  paroisse  de  Marsolan,  et 
chanoine  de  Lavaur,  d'affermer  les  fruits  décimaux  dépendants  dudit 
prieuré,  à  prendre  sur  la  rivière  du  Gers,  près  de  Millioc  (12). 
1743-1745    Le  P.  Charles  Barric  (13). 

(1)  Noucclles  ecclésiastiques  des  17  avrU  1747  et  1750. 

(2)  Quittances.  Arch.  muni. 

(3)  NouoelUis  ecclésiastiques  du  7  avril  1745. 

(4)  Acte  du  5  mai  1738,  Bétous  notaire.  (Etude  de  M'  Latour). 

(5)  Quittances.  Arch.  mun. 

(6)  Actes  des  7  août  1731   et  27  juillet  1734,  Bétous  notaire.  (Etude  de 
M*  Latour.) 

(7)  Actes  des  22  novembre  1738,  25  et  26  janvier  1747,  Barbalane,  Labat  et 
Comin  notaires.  (Etudes  de  MM"  Latour,  Salles  et  Boue  du  Boislong.) 

(8)  Acte  du  26  juillet  1739,  Bétous  notaire  (Etude  de  M*  Latour), 

(9)  Actes  des  26  janvier  1747  et  3  juin  1769,  Labat  et  Comin  notaires.  (Etudes 
de  MM**  Salles  et  Iwitour.) 

(10)  Acte  devant  Lacapère,  notaire  à  Condom,  étude  de  M*  Lagorce. 

(11)  Acte  du  20  juin  1740,  Bétous  notaire.  (Etude  de  M*  Latour.) 

(12)  Labat,  notaire  (Etude  de  M*  Latour). 

(13)  Nouoellee  ecclésiastiques  du  23  octobre  1745. 


—  517  — 

1758-1761  Le  P.  Alexis  Fayard,  docteur  en  théologie  (1), 
reçut  de  dame  Catberine  de  Morillier,  veuvtf  de  Pierre  Belin,  avocat 
en  parlement,  la  somme  de  500  liv.,  dont  la  rente  devait  èim  affectée  à 
la  fondation  de  vingt  messes,  dans  la  chapelle  des  Doctrinaires.  Ce 
capital,  versé  entre  les  mains  du  P.  Fayard,  fut  employé,  suivant  une 
délibération  du  16  février  1758,  à  la  reconstruction  et  à  l'entretien  du 
collège  (2).  Le  P.  Fayard  avait  un  frère  nommé  Raymond,  curé  de 
Taybosc  et  d'Ayguesmorles  son  annexe,  au  diocèse  de  Lectoure  (3). 

1763-1771.  Le  P.  Jean-Baptiste  Dordé  des  Coutures  (4) 
devint  provincial  de  Toulouse,  vers  1774  (5).  11  était  en  1764  titulaire 
de  la  cure  de  Perville  et  de  Lagarde  son  annexe,  dans  le  diocèse  de 
Cahors,  et  chapelain  du  prieuré  de  Saint-Martin  dans  Téglise  collé- 
giale de  Notre-Dame  de  Nesles-lez-Noyon.  Il  céda  le  20  avril  1781 
cette  chapellenie  à  Guillaume-  Alexandre  de  Juglart  du  Tillet,  vicaire 
général  de  Bourges,  qui  lui  donna  en  échange  le  prieuré  d'Endéchan, 
desservi  dans  Téglise  du  Saint-Esprit  de  Lectoure  (6). 

1771-1773  Le  P.  Jean-Baptiste  Maurette,  qui  fit  recons- 
truire le  collège  en  1772  et  emprunta  le  8  février  de  la  même  année, 
à  Basile  de  Cornet,  chanoine  de  Saint-Gervais,  la  somme  de  712  1. 
6  sols  pour  les  besoins  du  collège  (7). 

1774-1777    Le  P.  Antoine  Bonnet  (8). 

1778-1784  Le  P.  Joseph  Thomas  (9),  qui  remboursa,  le  23  juin 
1782,  743 1.  7  sols  à  Marie  Joseph  Grégoire  Delort,  syndic  du  chapitre 
de  Saint-Gervais  (10). 

1786-1787    Le  P.  Guillaume  Cibaud  de  Nique  (11). 

1788-1790    Le  P.  Joseph  Thomas,  recteur   pour   la   seconde 
fois  (12). 

ri)  Record  du  21  octobre  1759,  délibération  du  16  février  1758.  Archiv.  da 
M.  Plieux. 

(2)  Acte  du  18  février  1758  Comin,  notaire  (Etude  de  M*  SaUes). 

(3)  Actes  des  3  mars  1755  et  17  mars  1758,  Comin  et  Bétouâ  notaires.  (Etudes 
de  MM"  Salles  et  Latour.) 

(4)  Quittances.  Arch.  mun.  Actes  des  6  décembre  1763,  26  février  et  10  octo- 
bre 1767  et  21  mars  1770,  Comin,  notaire.  (Etudes  de  MM"  Latour  et  SaUes.) 

(5)  Acte  du  28  février  1772,  Labat  notaire.  (Etude  de  M'  Latour.) 

(6)  Actes  des  5  février  et  des  4  avril  1764  et  20  avril  1781,  Gomin  notaire 
(Etude  de  M*  Salles). 

(7)  Labat  notaire  (Etude  de  M^  Latour). 

(8)  Record  du  3  juin  1775.  Actes  des  6  juin  1775,  17  novembre  1776  et  12  avril 
1777,  Labat  notaire  (Etude  de  M*  Latour). 

(9)  Arch.  mun.  Lettre  du  P.  Théron,  en  date  du  14  mai  1778.  Actes  des  7  avril, 
20  et  23  juin  1782,  Bétous,  l^bat  et  Comin  notaires  (Etude  de  M*  Latour). 

(10)  Labat  notaire  (Etude  de  M*  Latour). 

(11)  Acte  du  10  mars  1787,  Labat  notaire  (Etude  de  M*  Latour). 

(12)  Quittances.  Arch.  mun. 

Tome  XXX.  34 


—  518  — 

1790-1792  Le  P.  Charles  Morbl  (1),  qui  fut  entendu  comme 
témoin  dans  le  procès  infbnté  à  Mgr  de  Cugnac,  évèque  de  I..ectoui6^ 
à  roocasio»de  la  publication  de  son  avertissement  aux  fidèles  du  dio- 
oèscy  en  date  du  23  mars  1791  (2). 

Syndios  du  Collège. 

1638-1639    Le  P.  François  Marrb  (3). 
1639-1640    Le  P.  Jean  Bossac  (4),  recteur  en  1641. 
1642-1645    Le  P.  Charles  du  Verger  (5). 
16^1648    Le  P,  Jacques  Lefrançois,  vice-recteur  (6). 
1648-1650    Le  P.  Jacques  Artous  (7). 
1652-1654    Le  P.  Gardey  (8),    prédicateur   populaire,    aussi 
remarquable  à  table  qu'en  chaire,  s'il  faut  en  croire  l'épigramme  sui- 
vante de  J.-6.  d'Astres,  bien  faite  pour  perpétuer  le  souvenir  d'un 
vrai  gascon  : 

Per  deplica  la  sanoto  ley, 
Presica  la  sancto  paraulo, 
E  tengue  bero  trouign'  en  taulo, 
Bibo  lou  boun  pero  Grardey! 
Mes  s'et  minjo  e  s'et  beott  ta  plan  coum  et  presico 
Adieu  pan,  adiou  car,  adiou  praûbo  barrique  (9)  ! 

1657-1660    Le  P.  Vialères  ou  Vialars  (10). 

1663-1669    Le  P.  Hugues  Beynette  (11). 

1682-1684    Le  P.  Etienne  Jouffret  (12),  recteur  en  1695. 

1685-1690  Le  P.  Etienne  Meichin,  recteur  en  1696.  Il  acheta 
par  acte  du  1^  décembre  1685  à  Jean  Darmaignac,  homme  d'armes, 
une  maison  sise  rue  Constantin,  qui  confrontait  du  levant  à  un  jardin 
dépendant  du  collège  (13). 

(1)  Quittances.  Arch.  man.  Records. 

(2)  A.  Plieux.  Louis-Emmanuel  de  Cugnac,   dernier  écèque  de  Lectoure, 
in-S-,  1879,  p.  3. 

(3)  Quittances.  Arch.  mun. 
(4;  Quittances,  Arch.  mun. 

(5)  Acte  du  25  août  1642,  Bétous  notaire  (Etude  de  M'  Latour). 

(6)  Quittances.  Aroh.  mun. 

(7)  Id.  Id. 

(8)  Id.  Id. 

(9)  Poésies  Gasconnes  recueillies  et  publiées  par  F.  T[aillaèe],18e9,  t.  n,  p.  129. 

(10)  Quittances.  Arch.  mun. 

(11)  Acte  du  Janvier  1668,  Labat  notaire  (Etude  de  M*  Latour). 

(12)  Quittances.  Arch.  mun.  Acte  du  3  Juillet  1684,  Barbalane  notaire  (Etude 
de  M*  Boue  du  Boislong). 

(13)  Barbalane  notaire.  Acte  du  12  août  1685,   Labat  notaire  (Etude  de 
M'  Latour). 


—  519  — 

1691  Le  P.  François  Bobt  (1). 

1692-1694  Le  P.  Charles  Caupbnne  (2). 

1694-1685  Le  P.  Décis  (3). 

1695-1696  Le  P.  Etienne  Mbichin^  syndic  pour  la  seconde 
fois  (4). 

1696-1797  Le  P.  Jean  Chabrit  (5),  que  nous  retrouvons  en 
1717  syndic  du  collège  de  Nérac  (6). 

1698-1700    Le  P.  Guillaume  Cayre  (7). 

1700-1703  Le  P.  Etienne  Meichin,  précédemment  recteur,  et 
syndic  pour  la  troisième  fois  (8). 

1703-1705    Le  P.  Charles-Antoine  Malacria  (9). 

1705-1709    Le  P.  Christophe  Nazal  (10). 

1709-1712    Le  P.  Jean  Doazan  (11). 

1719-1722  Le  P.  Caraguel  (12),  prédicateur renomméet  ardent 
janséniste,  fut  nommé  recteur  à  Villefrancbe  de  Rouergue  en  1735  et 
assistant  du  père  général  pour  la  province  de  Toulouse  malgré  la  pres- 
sion exercée  dans  cette  élection  par  M.  Hérault,  commissaire  du  roi. 
Pour  éviter  tout  conflit,  le  P.  Caraguel  donna,  le  18  septembre  1737, 
sa  démission  d'assistant,  et  il  mourut  en  1744  (13). 

1622-1724    Le  P.  André  Dupron  (14). 

1724-1726    Le  P.  Etienne  Meichin,  syndic  pour  la  quatrième 
fois  (15). 

1726-1729    Le  P.  Louis  Belmont  (16). 


(1)  Acte  du  28  mars  1691,  Labat  notaire  (Etude  de  M*  Latour). 

(2)  Acte  du  6  décembre  1693,  Bégué  notaire  (Etude  de  M*  Boue  du  Boislong). 

(3)  Quittances.  Arch.  mun. 

(4)  Quittances.  Arch.  mun. 

(5)  Quittances.  Arch.  mun. 

(6)  Acte    du  29  novembre  1717,   Lacapère  notaire  à  Ck>ndom  (étude  de 
M*  Lagorce). 

(7)  Acte  du  27  juillet  1698,  Barbalane  notaire  (Etude  de  M' Boue  du  9oifllong). 

(8)  Acte  du  3  avril  1700  Id.  Id. 

(9)  Actes  des  10  mars  et  23  septembre  1703,  Barbalane  et  Labat  notaires  (Etu- 
des de  MM**  Boue  du  Boislong  et  Latour). 

(10)  Quittances.  Arch.  mun. 

(11)  Quittances.  Arch.  mun.  Actes  du  8  mars  1709,  Barbalane  et  Bégué  notai- 
res (Etude  de  M*  Boue  du  Boislong). 

(12)  Quittances.  Arch.  mun. 

(13)  Nouoellea  ecclésiastlquea  du  22  mai  1745. 

(14)  Quittances.  Arch.  mun.  Acte  du  11  juillet  1723,  Barbalaae  notfûre  (Etude 
de  M*  Boue  du  Boislong). 

(15)  Délibération  capitulaire  du  29  décembre  1726,  CQmin  notaire  (jEtud^  de 
M*  Salles). 

(16)  Quittances.  Arch.  mun. 


—  5âO  — 

1726-1727    Le  P,  François  Maillard,  vice-recteur  (1). 

1732-1733    Le  P.  Gabriel-Marie  Racolis  (2). 

1734-1735  Le  P.  Roques  (3),  qui  fut  député  par  la  maison  de 
Moissac  au  chapitre  provincial  tenu  le  1®"^  septembre  1744  dans  le 
séminaire  de  l'Esquille,  à  Toulouse  (4). 

1738-1743    Le  P.  Jean-Pierre-Joseph  Morlet  (5). 
1758-1760    Le  P.  Dardenne,  vice-recteur  (6). 
1758-1763    Le  P.  Jean-Baptiste  Dordé  des  Coutures,  rec- 
teur en  1763(7). 

1766-1768    Le  P.  Jean-Baptiste  Pelauque,  de  Condom  (8). 
1770-1772    Le  P.  Charles  Larribeau  (9). 

1775-1778  Le  P.  Jean-Baptiste  Tronc  (10)  quitta  Lectoure 
dans  les  premiers  mois  de  1778  et  fut  pourvu  le  4  avril  de  la  même 
année  de  la  cure  de  Saint-Nicolas  de  Nérac,  annexée  au  collège  des 
Doctrinaires  de  cette  ville,  à  la  place  du  P.  François  Morel  décédé  (11). 
Il  prit  possession  de  ce  bénéfice  ecclésiastique  le  14  mai  1778  et  les 
formalités  canoniques  de  son  installation  furent  accomplies  dans  la 
chapelle  des  Pères  Cordeliers,  siège  du  service  paroissial  pendant  la 
reconstruction  de  l'église  Saint-Nicolas  (12).  Le  P.  Tronc  mourut  au 
commencement  de  Tannée  1779  et  fut  remplacé  par  le  P.  Vital  Gau- 
theyron  Libéral,  religieux  de  la  même  congrégation  (13). 

1783-1704    Le  P.  Charles  Gazelle  (14). 

1785-1788    Le  P.  Joseph  Thomas  (15),  recteur  en  1782  et  1788. 

1790-1792    Le  P.  François  Orliac  (16). 


(1)  Délibération  capitulaire  du  29  décembre  1726,  Comin  notaire  (Etude  de 
M*  SaUes). 

(2)  Acte  du  18  aTTil  1732,  Comin  notaire  (Etude  de  M«  Salles). 

(3)  Quittances.  Arch.  mun. 

(4)  Nouvelles  ecclésiastiques  du  7  avril  1745. 

(5)  Quittances.  Arch.  mun.  Actes  des  3  février  et  5  mai  1738,  et  20  juin  1740, 
Comin  et  Bétous  notaires  (Etudes  de  MM**  Salles  et  Latour). 

(6)  Délibération  capitulaire  du  16  février  1758  (Arch.  de  M.  PUeux.) 

(7)  Id.  Id. 

(8)  Acte  du  10  octobre  1767,  Comin  notaire  (Etude  de  M*  Salles). 

(9)  Quittances.  Arch.  mun.  Actes  du  7  mars  1771  et  8  février  1772,  Labat  et 
CoQiin  notaires  (Etude  de  M*  Latour). 

(10)  Acte  du  6  juin  1775,  Labat  notaire  (Etude  de  M*  Latour). 

(11)  Reynaud  Corne,  notaire  à  Condom,  étude  de  M' Lagorce. 

(12)  Pugens,  notaire  à  Condom,  même  étude. 

(13)  Acte  du  27  février  1779,  Keynaud-Come  notaire  à  Condom,  même  étude. 

(14)  Quittances.  Arch.  mun. 

(15)  Quittances.  Arch.  mun. 

(16)  Acte  du  11  avril  1792,  Monbrun  notaire  (Etude  de  M*  Salles). 


—  521  — 


Professeurs  du  Collège. 

1670  Le  P.  ÂRQuiER,  chargé  «  d'instruire  la  jeunesse  à 

>  lire,  escripre  et  à  compter  de  l'arimétique  (1).  » 

1674  Le  P.  Trouvé,  professeur,  atteste  qu'il  a  entendu 

la  confession  c  d'ung  pauvre  mallade  dans  une  mayson  ruynée  par  le 
»  vent,  dont  le  débris  réclame  le  soin  de  la  charité  des  dames  de  la 
»  Miséricorde  (2).  » 

1683  Le  P.  Philippe  Laguzon  sert  de  témoin  dans  un 

acte  révocatoire  passé  par  Glaire  de  Monlezun  de  Lupiac,  épouse  de 
Guillaume  de  Chastenet,  sieur  de  Lacoupelte  (3). 

1692  Le  P.  RuFFv  «  réthoricien  »,  qui  reçut  de  la  juradela 

somme  de  25  1.  «  pour  une  tragédie  qu'il  a  fait  l'honneur  de  dédier  à  la 
»  ville  en  la  personne  des  consuls  (4).  » 

1696  Le  P.  Jean  Amiel.  — Le  P.  François  Lespinasse. 

—  Le  P.  Charles-Antoine  Malacria.  —  Le  P. 
Bernard  Caupenne.  —  Le  P.  Guillaume 
Cayre  (5). 

1704-1705  Le  P.  Mathurin  Baccarrère,  légataire  de  sa  sœur 
Dominique  Baccarrère,  en  une  pension  annuelle  de  100  L,  aux  termes 
de  son  testament  du  9  août  1704  (6). 

1705  Le  P.  Guillaume    Santuron,    fils  de  Guillaume 

Sanluron,  marchand  de  Lectoure,  et  de  Marie  Taste,  qui  fit,  le  20  février 
1705,  un  testament  public,  avant  de  s'engager  définitivement  dans  la 
congrégation  de  la  Doctrine  chrétienne  (7). 

1713  Le  P.  Cyprien  Bapfoigne.  —  Le  P.  Bernard  Clu- 

ZET  (8). 

1723  Le  P.  Pages.  —  Le   P.    Sbllibres.   —  Le   P. 

Décis  (9).  —  Le  P.  Arlat  (10). 


(1)  Quittances.  Arch.  mun. 

(2)  Certifloat  du  12  janyier  1674.  Arch.  mun. 

(3)  Acte  du  6  mars  1683,  Labat  notaire  (Etude  de  M*  Latour). 

(4)  Quittances.  Arch.  mun. 

(5)  Acte  du  26  octobre  1696,  Labat  notaire  (Etude  de  M*  Latour). 

(6)  Acte  du  19  janvier  1705,  même  notaire. 

(7)  Ijtbat  notaire  (Etude  de  M*  Latour). 

(8)  Acte  du  6  avril  1713,  Arch.  mun.  —  Livre  de  catholicité  de  la  paroisse  de 
Saint-Geny. 

(9)  Nouoellêê  ecclésiastiques  du  3  juin  1723. 

(10)  Arch.  mun.  Livres  de  catholicité  de  la  paroisse  Saint-Gervais  de  Leotoore. 


—  622  — 

1726  Le  P.  Jean-Jacques  Vignibr.  —  Le  P.  Etienne 

Parades  (1). 

1730  Le  P.  LsepiNAfise.  —  Le  P.  Dolmières  (2). 
1730-1733    Le  P.  Raimond  Catugier  (3),  professeur  de  philo- 
sophie, recteur  en  1734, 1738  et  1740. 

1731  Le  P.  JeaN-Baptiste  Denux,  sous-diacre,  profes- 
seur aux  collèges  de  Castelnaudary  et  de  Lectoure,  fît  le  7  octobre  1731, 
donation  de  certains  immeubles  en  faveur  de  Pierre  Denux,  son  frère, 
demeurant  à  La  Salle  de  Paillasse,  dans  la  juridiction  de  Terraube.  Il 
était  neveu  du  P.  Jean  Denux,  recteur  du  collège  en  1720  (4). 

1739  Le  P.  François  Goulard  (5). 

1740  Le  P.  François-Joseph  Devilla  encouragea  les 
Carmélites  de  Lectoure  dans  leur  lutte  en  faveur  du  Jansénisme,  et 
contraignit  par  ce  fait  Mgr  de  Beaufort  à  demander  son  éloignement. 
Il  se  retira  à  Montpellier,  où  il  y  passa  plusieurs  anjiées,  et  mourut  à 
Toulouse  dans  le  courant  du  mois  de  décembre  1744  (6). 

1740-1741  Le  P.  Cazeneuve  quitta  le  collège  de  Lectoure  dans 
Tannée  1741  et  fut  nommé  à  la  cure  de  Castelnau-Barbarens,  au  dio- 
cèse d'Auch,  par  la  princesse  de  Léon  (7),  à  qui  appartenait  la  collation 
de  ce  bénéfice.  Les  vicaires  généraux  du  cardinal  de  Polignac  refusè- 
rent de  lui  accorder  leur  tisa,  malgré  les  attestations  d'orthodoiie  des 
archevêques  de  Toulouse  et  de  Bordeaux  et  des  évêques  de  Condom  ei 
de  Carcassonne  (8). 

1750  Le  P.  Rbinal,  professeur  d'humanités  à  Lectoure, 

et  plus  tard  recteur  à  Nérac  (9). 

1750  Le  P.  Charles  Marc  était  en  1752  et  1760  recteur 

de  la  maison  de  Tudet,  et  en  cette  qualité,  il  afienna  les  fruits  déci- 
mant de  Oaudonville  à  Jeen-Joseph  Lespiau,  procureur  fondé  de 
MM.  Marchai  et  Miny,  économes  généraux  du  clergé  de  France,  régis- 
seurs des  revenus  de  i'évéché  de  Lectoure,  vacant  par  le  décès  de 
Claude-François  de  Narbonne-Pelet  (10). 

(1)  Délibération  capitulaire  da  29  décembre  1726,  Comin  notaire  (Etude  de 
M*  Salles). 
f2)  Noucelles  occléaiaaiiquea  du  3  juillet  1730. 
r3)  Nouœllea  ecclésiastiques  du  16  octobre  1733. 
'^  Comin  notaire  (Etude  de  M*  Salies). 

Noueelles  ecclésiastiques  du  15  octobre  1748. 
Nouoelles  ecolésiastigues  du  22  mai  1745. 

(7)  Françoise  de  Roquelaure,  fille  de  Gascon-Jean-Baptiste»  duc  de  Roque- 
laure,  gouverneur  de  Lectoure,  et  de  Marie-Louise  de  Laval,  mariée  le  29  mai 
1707,  à  Louis  Bretaene  de  Rohan-Chabot,  prince  de  Léon. 

(8)  Nouoelles  ecclésiastiques  du  1"  mai  1741. 

!9)  Nouoelles  ecclésiastiques  du  24  avril  1651. 
10)  Actes  des  29  décembre  1652  et  23  juin  1660,  Comin  et  Bétous  notaire8(EtQde 
de  Ni*  Latour). 


I 

(6) 


—  §«3  — 

1754  Le  P.  JsàiH  MAUQUuéi>  fils  de  Bernai  kfoiqiué,. 
bouqjQois  d6  Montgaillard»  quitta  la  congr^tion  de  la  Doctrine  ohré- 
tienne  le  4  juillet  1754  et  son  père  stipula  en  sa  faveur  une  pensîoii 
annuelle  de  100 1*  jusqu'à  oe  qu'il  fut  pourvu  d'un  bénéfice  (1). 

1755  Le  P.  Jean  Dayraud,  professeur  de  philosophie,  fit 
un  testament  le  8  février  1753  (2)  et  tranfiigea  le  20  juin  1770  avec  sa 
mère  et  ses  frères  sur  le  montant  de  ses  droits  légitimairas  (3). 

1759  Le  P.  Jean-Baptiste  Ricard,  professeur  à  Lectoure 
et  à  la  maison  de  Saint-Rome,  fut  pourvu  le  12  janvier  1770,  de  la 
chapelle  de  Saint*Nioolas,  desservie  dans  l'église  de  Saînt-Gervais, 
par  Anne-Jeanne-Thérèse  de  Larrocbe,  marquise  de  Gensae,  qui  en 
était  patronne  (4).  Il  en  afferma  les  fruits  décimaux  moyennant  la 
somme  annuelle  de  300  livres  (5), 

1760  Le  P.  Jean  Castaing  devint  recteur  du  collège  de 
Lavaur  et  fut  nonmié  chapelain  de  la  chapelle  de  Lasmaitres  par  le 
comte  de  Narbonne,  qui  en  était  patron  coUateur.  Bcmiface  Castaing, 
son  frète,  curé  de  Dunes  et  docteur  en  théologie,  prit  possession  de 
celle  chapelle  en  son  nom  le  8  novembre  1763  (6). 

1762  Le  P.  Dubois,  diacre,  professeur  de  philosophie  et 

bachelier  en  théologie  de  la  faculté  de  Paris  (7). 

1762  Le  P.  Cristophe  Gonzy,  ancien  professeur,  était  le 

15  mars  mars  1662  syndic  de  la  maison  de  Notre-Dame  de  Tadet  (8). 

1767  Le  P.  Jean  Pelauque,  professeur  de  philosophie  et 

chapelain  de  la  chapelle  de  Lartigue,  desservie  dans  la  juridiction  de 
Montréal  (9). 

1772  Le  P.  Jean  de  Madères,  frère  de  Joseph  de  Madè- 

res, avocat  du  roi  au  siège  présidial  de  Leotoure,  était  en  1776  recteur 
de  la  maison  de  Saint-Rome  à  Toulouse  (10). 

1777  Le  P.  Arnaud-François-Pascal  Gopfret,  profes^ 

seur  d'humanités,  sert  de  témoin  à  une  constitution  de  rente  consentie 


(1)  Bétous  notaire  (Etude  de  M*  Latour). 

(2)  Id.  Id. 

(3)  Comin  notaire.  Id. 

(4)  Comin  notaire  (Etude  de  M*  Latour). 

(5)  Actes  des  21  mars  1770^  10  mars  1776  et  7  avril  1782,  Comin  notaire  (Ëiude 
de  M*  Latour). 

(6)  Comin  notaire  (Etude  de  M*  Latour). 

(7)  Arch.  mun.  Certificat  du  6  février  1762. 

(8)  Labat  notaire  (Etude  de  M'  Latour). 

(9)  Acte   du  5  septembre  1767^   Pelauque^   notaire  à  Condom  (Etude  de 
M*LeM>é). 

(10)  Acte  du  7  janvier  1776,  Labat  notaire  (Etude  de  M*  Latour). 


—  524  — 

par  Jean-Baptiste  Comin  bourgeois,  en  faveur  de  Marie  de  Gonlard  (1). 

1782  Le  P.  Jean-Baptiste   Tourtonde,   professeur  de 

rhétorique  (2). 

1784  Le  P.  Lapujade,  professeur  de  seconde  (3). 

1788  Le  P.  Jérôme  Castex,  fils  de  Joseph  Castex,  procu- 

reur en  la  sénéchaussée  d'Armagnac,  et  de  Jeanne  Barres,  fut  d'abord 
professeur  à  Lectoure,  puis  à  Carcassonne.  Présenté  au  chapitre  de 
Saint-Gervais  et  agréé  par  lui  en  qualité  de  titulaire  de  la  chapellenie 
de  Nomine  Jesu^  vacante  par  la  démission  de  François  Lannes,  prêtre 
prébende,  il  prit  possession  de  ce  bénéfice  le  28  -février  1785  (4).  Le 
P.  Castex  céda  le  26  janvier  1788  à  son  frère  Marc  Melciade  Castex, 
docteur  en  médecine  à  Lectoure,  tous  ses  droits  aux  successions  de  ses 
parents,  moyennant  une  rente  annuelle  de  100  livres  (5). 

1788-1792  Le  P.  Arnaud  Castille,  pourvu  d'une  prébende  à 
Saint-Gervais  (6),  ancien  professeur  aux  collèges  de  Lectoure  et  de 
Saint-Rome,  né  à  Lectoure  le  20  avril  1749,  obtint  un  certificat  de 
résidence  le  5  frimaire  an  m  (25  novembre  1794)  de  la  part  du  district 
de  Lectoure  (7).  Il  lui  fut  alloué  une  pension  de  500  livres,  qu'on  sup- 
prima peu  après  son  obtention,  par  Je  motif  que  le  nombre  de  ses  années 
de  congrégation  devait  être  établi  autrement  que  par  sa  déclaration 
personnelle  (8). 

1790  Le  P.  Mathurin  Larribeau,  ancien  professeur,  né 

en  1742^  obtint  un  certificat  de  résidence  le  12  frimaire  au  m  (2  décem- 
bre 1794)  (9). 

1790  Le  P.  Michel-Antoine  Cantaloup,  ancien  profes- 

seur et  ancien  curé  de  Bivès,  né  à  Saint-Clar  le  39  septembre  1764, 
obtint  le  4  frimaire  an  ui  (24  novembre  1794)  un  certificat  de  rési- 
dence (10).  Il  lui  avait  été  alloué  en  Tan  ii  une  pension  de  400 1.,  sup- 
primée quelques  mois  plus  tard  (11). 

(1)  Acte  du  22  décembre  1777,  Labat  notaire  (Etude  de  M'  Latour). 

(2)  Acte  du  7  avril  1782,  Comin  notaire  (Etude  de  M*  Latour). 

(3)  Reoue  de  Gascogne,  t.  xvii,  p.  283. 

(4)  Actes  des  26  et  28  février  1785,  Mombrun  notaire  (Etude  de  M*  Sales). 

(5)  Actes  des  13  mars  1787  et  27  janvier  1788,  Comin  et  Mombrun,  notaires. 
(Etudes  de  MM"  latour  et  Sales). 

(6y  Actes  des  1"  et  8  avril  1788,  Labat  notaire  (Etude  de  M'  Latour). 

(7)  Délibération  du  5  frimaire  an  m. 

(8)  Tableau  arrêté  par  le  ministre  des  finances  le  14  frimaire  an  x  (5  décembre 
1801).  Arcb.  dép.  du  Gers. 

(9)  Délibération  du  12  frimaire  an  m. 

(10)  Délibération  du  4  frimaire  an  m. 

(11)  Tableau  arrêté  par  le  ministre  des  finances  le  14  frimaire  an  x  (5  décembre 
1881).  Arcb.  dép.  du  Gers. 


—  525  — 

1792  Le  P.  Calau.  —  Le  P.  Gaudé.  —  Le  P.  Vidal. 

Le  P.  Labatut  (1), 

(A  suivre.)  A.  PLIEUX. 


LETTRES   INEDITES 

DE  QUELQUES  MEMBRES 

DE  LA  FAMILLE  DE  MONLUC^'^ 


APPENDICE 


I 

Charte  de  Gaston  de  Gontaut,  seignéUr  de  Biron, 

1  Conoguda  cauza  sia  que  1  senher  Gasto  (3)  de  Gontaut,  cavaler,  sen- 
her  de  BiroD  (4),  per  si  e  per  totz  los  seus  e  per  tôt  son  ordenh  e  per  tôt  2 
son  heret  a  donat  e  au^rem^  a  feus  per  las  costumas  gênerais  d'Agenes  a 
n  Guiihem  Ar[nautj  so  fiih  e  a  son  ordenh  e  a  son  heret  per  totz  3  temps 
per  far  totas  las  proprias  voluntatz  del  predig  Guiihem  Ar[naut]  e  de 
son  ordenh  e  de  son  heret  per  totz  temps  totas  las  terras  4  on  om  apela 
a  la  terra  de  las  Fontas  ab  totz  los  apertenemens  de  las  meissas  terras 
de  las  Fontas  lasquals  terras  so  en  l  abesquat  d'Age-  5  nés  en  las  perro- 

(1)  Bail  à  ferme  des  métairies  de  Boulouch  et  de  Bartherote  eu  date  du  11  avril 
1792  (Mombruu  notaire).  Les  témoins  de  cet  acte  furent  Jean  Bousquet  et  Paul 
Aylies,  régents  latinistes  «i  Lectoure. 

(2)  Sous  ce  titre  commun  sont  réunis,  dans  le  tirage  à  part,  les  documents 
publiés  dans  la  Reouo  de  Gascogne  sous  les  titres  suivants  : 

1*  Trois  lettres  de  Biaise  de  Monluo  et  une  lettre  de  sa  femme  Ysabeau  de 

Beauoille.  (R.  de  C,  xxix,  40.) 
2'  Trois  lettres  et  une  ordonnance  de  Jean  de  Monluc,  éoêque  de  Valence  (xxix» 

189.  375.) 
3*  Deuw  lettres  de  Joachim  do  Monluc,  (xxix,  522.) 
4*  Dioerses  lettres  du  fils  de  Biaise  de  Monluc.  (xxx,  83.) 
5*  Dioerses  lettres  des  petits-fils  de  Biaise  de  Monluc.  (xxx,  180  et  283.) 

(3)  Les  mots  imprimés  en  italique  sont  efifacés  dans  la  charte. 

(4)  Voir  sur  Gaston  de  Gontaut,  dont  les  possessions  étaient  si  considérables 
en  Agenais  comme  en  Périgord,  le  recueil  du  P.  Anselme  (t.  iv)  et  surtout  l'am- 
ple généalogie  fournie  par  Tabbé  de  Lespine  au  recueil  du  chevalier  de  Cour- 
celles.  Histoire  généalogique  des  pairs  de  France  (t.  ii). 


—  6*6  — 

quias  deks  gleks  de  Senfa  Joan  de  Boluc  ede  Cazals  entre  leaslel  de 
Manurt  (1)»  d'une  part,  e  1  castel  d'Agulho  d'autra  6  part,  e  1  fluvi  de 
la  Baita  d'aulie  part  e  Boluc  (2)  d'autra  part,  ab  totas  las  terras  coûtas 
e  no  coûtas  e  ab  totz  les  cammas  e  Is  cam*  7  mazils  et  ab  tots  los  homes 
6  ab  totas  las  femnas  e  Is  pratz  e  Is  pradals  e  ab  totas  las  oblias  e  Is 
acaptes  e  las  rendas  e  las  senhorias  e  ab  8  totas  las  agas  e  ab  totas  las 
cauzas  que  s'ap^eno  e  s  devo  apert^fier  a  las  predkhas  terras  de  Las 
Fontas  e  ab  totz  los  dregs  e  las  9  razos  e  las  acdos  que  1  predigs  senhor 
Gastos  avia  e  aver  dévia  en  las  predichas  terras  de  Las  Fontas  e  vesti 
1  en  fenzelment  dei  10  tôt  pef  las  costumas  genends  d'Agenes  ab.  u 
parelh  de  gans  nues  blancs  d'aoapte  a  senhor  mudant  ses  plus  e  ses 
tôt  autre  ser-  11  vezi  cessai  que  1  predigs  Guilhem  Ar[naut]  ni  sos 
ordenhs  ni  sos  heretz  no  n  fassa  ni  n  reda  al  predig  senhor  Gaslo  ni  a 
son  ordenh  ni  12  a  son  heiet  mas  quant  tant  solament.  i.  parelh  de 
gans  nuos  blancs  d'acapte  a  senhor  mudant  e  deu  Ih  en  e  Ih  en  promes 
13  del  tôt  portar  bona  e  ferma  guirentia  de  totz  homes  e  de  totas  fem- 
nas que  al  predig  Guilhem  An[naut]  e  a  son  ordenh  e  a  son  heiet  14 
f[or]sa  ni  turbasio  ni  deman  ni  questio  i  fesao  m  i  moguesso  en  las 
predichas  cauzas  afeuzadas  en  tôt  ni  en  partida  per  nulh  traaps  15  mai 
d'aici  avant;  per  laquai  guirentia  far  e  portai  bcma  e  ferma  e  establa 
per  totz  tempp,  k>  predigs  senher  Gasto  a  o- 16  bligatz  lotz  sos  bes  pef 
totz  loos  prezens  e  avenidors  al  predig  Guilhem  Ar[naut]  per  si  e  per 
tôt  son  ordenh.  Aisso  fo  fag  xi  dias  a  Tissida  del  17  mes  d'aesl.  TeB«* 
timonis  :  Helyas  Ros,  Garciac  de  Calviac,  Bertran  de  Goncas,  P«  éfb 
Manhinon,  Senhoret  d'Astafort,  Aimar  de  18  Lagarda,  et  ego  Raaoïi- 
dus  de  Lagarriga,  oomunis  notarius  Montis  franquini,  qui  hano  oar- 
tam  scrisi  utroque  (3)  consensu  anoo  Domini  19  tâ^ccf^iJ^x  sexto* 
Régnante  domino  Alfonso,  Tholosano  comité,  e  Petro  (4),  Agennensé 
episeopo  (5). 

(1)  C'est  Monheurt^  aujourd'hui  commune  du  canton  de  Damazan,  à  peu  de 
distance  d'Aiguinon. 

(2)  M.  Clément  Simon  (Le  testament  du  maréchal  Biaise  de  Monluc)  rappelle 
(p.  dSO)  que,  dans  un  acte  du  3  septembre  1318  (contrat  de  mariage  d'Odet  do 
Monlesquiou  et  d'Aude  de  Lasseran-Massencôme),  sont  énumérées  les  terres 
de  Massenoôme»  Bonlao,  Monburt,  Puch-de-Gontaut.  Il  ajoute  (p.  3S4)  que  la 
localité  de  Monluc  figure,  sous  le  nom  de  Bonus  lue.us,  dans  le  Fouillé  des  pre- 
mières années  du  xvi*  siècle  analysé  par  M.  Jules  de  Laffore  (Recueil  des  tra- 
caua  de  la  Société  des  sciences,  lettres  et  arts  d^Agen,  tome  rii,  1854,  p.  112), 
pouillé  que  la  savante  compagnie  va  prochainement  publier  in  emtenso, 

(3)  C'est  bien  ce  que  semble  donner  le  fac-similé,  mais  il  doit  y  avoir  et  il  faut 
vtrlusque  (Note  de  M,  Paul  hfeyer). 

(4)  Pierre  Jerlaudi,  qui  siégea  de  1209  au  28  juillet  1271. 

(5)  Archives  des  Basses-Pyrénées,  Ë  161.  Fao*similé  k  l'usage  des  élèves  de 
l'Ecole  des  Chartes. 


—  «H  — 


II 

Lettre  de  M.  Garctère  sur  le  lieu  où  mourut  Biaise  de  Monluc. 

Condom,  ce  14  juin  1887. 

Moulue  6St-*il  mort  à  Condoml  le  oommenoe  par  vous  dire  que 

rien  dans  nos  archives  communales^  au  moins  à  ma  connaissanoe,  ne 
peut  nous  éclairer  sur  oe  point.  Les  procès-  verbaux  des  jurades  con** 
domoises  sont  intervompus  sur  nos  rcigistres  de  1569  à  1580,  si  j'ez- 
eepte  un  cahier  de  1576,  et  quand  aux  comptes  consulaires,  il  existe, 
entre  autres,  une  lacune  de  vingt  ans  qui  va  de  1563  à  1589.  En 
dehors  de  ces  sources,  les  registres  paroissiaux  du  xvi*  siècle  n^exis* 
tant  pas  à  Condom,  je  ne  vois  que  les  archives  privées,  livres  de  rai* 
son,  correspondances,  qui  puissent  faire  mention  de  Tévfoem^it.  Pour 
ce  qui  regarde  la  sépulture  de  Monluc  dans  le  chœur  de  notre  cathé- 
dcale,  pas  un  document  de  nos  archives,  pas  un  feuillet  du  manuscrit 
Lagutëre,  qui  donne  pourtant  de  précieux  renseignem^ite  sur  l'église 
de  Saînt-Pierre,  ne  contient  une  indication  de  œ  genre. 

Gependani  Scipion  Dupleix  est  affirmatif  [ici  reproduction  du  pas- 
sage de  VJSisioire  de  France  déjà  cité  dans  mon  Averti9aenien^.  Je 
me  bâte  de  dire  que  la  chose  ne  me  parait  pas  impossible.  Les  histo- 
riens qui  sont  venus  après  Dupleix,  mais  longtemps  après  lui,  décla- 
rent, il  est  vrai,  que  Monluc  est  mort  à  Ëstillac.  Sur  quoi  s'appuient-iks? 
lÀB  se  bornent,  ce  me  semUe,  à  affirmer  le  fait.  Ils  écrivent  pourtant 
bien  loin  de  l'événement,  et  combien  je  préfère  l'opinion  de  Dupleix,  un 
contemporain,  un  Condomois,  qui  a  pu  assister  lui-même  à  la  céré* 
monie  funèbre  (il  avait  alors  près  de  sept  ans)  ou  qui  a  d&  certaine- 
ment en  entendre  parler  par  les  siens!  Chose  remarquable!  les  partisans 
d'Estillac  paraissent  ignorer  que  Dupleix  ait  mentionné  avec  tant  de 
{«éeision  le  lieu  de  la  mort  de  Monluc.  Pourquoi  n'ont*ils  pas  pris  la 
peine  de  rectifier  son  erreur,  en  justifiant  leur  assertion  toute  différente 
de  la  sienne?  L'existence  du  tombeau  à  EstiUac  ne  saurait  prouver 
d'une  façon  péremptoire  que  Monluc  soit  mort  k  Ëstillac;  elle  autorise 
seulement  à  admettre  que  son  corps  y  a  été  apporté. 

Si  Monluc  était  mort  à  Ëstillac,  les  consuls  d'Agen  n'auraient-ils  pas 
fait  mention  de  l'événement  dans  leurs  jurades?  Et  les  comptes  con- 
sulaires de  1577  ne  contiendraient-ils  pas  quelque  article  de  dépense  k 
cet  égard?  Si  les  jurades  sent  muettes,  si  les  comptes  sont  muets,  je 


—  528  — 

me  refuse  à  croire,  ne  serait-ce  que  pour  l'honneur  des  consuls,  que 
Monluc  soit  mort  à  Estillac,  c'est-à-dire  aux  portes  d'Âgen. 

Est-il  invraisemblable  que  le  vieux  maréchal  soit  mort  à  Condomt 
Je  croirai  Dupleix  tant  que  Ton  ne  m'aura  pas  prouvé  qu'il  se  trompe, 
car  Dupleix  était  placé  dans  les  meilleures  conditions  pour  savoir  la 
vérité.  Son  père,  tous  les  siens  étaient  amis  de  Monluc,  et  certainement 
il  aura  souvent  entendu  parler  dans  sa  famille  de  l'événement  de  1577. 
Du  reste,  Monluc  est  à  Condom  au  mois  d'août  de  cette  année  et,  pen- 
dant son  séjour  dans  notre  ville,  il  ajoute  un  codicille  à  son  testa- 
ment. 

A-t-il  été  enterré  dans  le  chœur  de  la  cathédrale!  Tout  d'abord  cela 
parait  étrange,  si  l'on  considère  que  le  chœur  dans  les  cathédrales  est 
généralement  réservé,  à  cause  de  la  sainteté  du  lieu,  pour  la  sépulture 
des  granas  dignitaires  de  l'église,  des  évèques  notamment.  Mais  il 
ne  s'agit  pas  ici  d'un  personnage  ordinaire.  Moulue  fut  un  grand 
défenseur  de  la  foi  catholique.  Son  fils  Jean,  alors  évèque  de  Condom, 
n'aurait-il  pu  vouloir  donner  aux  restes  du  maréchal  une  place 
d'honneur  en  rapport  avec  ses  hautes  dignités  et  surtout  avec  les 
services  qu'il  avait  rendus  à  sa  religion?  Ne  pourrait-on  d'ailleurs 
admettre  que  le  corps  de  Monluc  fut  déposé  provisoirement  dans  le 
chœur  de  la  cathédrale  où  se  trouvait  déjà  le  tombeau  de  son  parent 
Mgr  Robert  de  Gontaut,  pour  être  plus  tard  transporté  soit  au  Sempuy, 
soit  à  Estillac?  Du  reste,  ne  l'oublions  pas,  nous  nous  trouvons  en  pré- 
sence d'une  affirmation  formelle  de  Dupleix,  que  doivent  seuls  faire 
tomber  des  documents  d'une  incontestable  autorité. 

Si  l'on  m'objecte  que  Dupleix  a  pu  se  tromper,  appliquant  au  maré- 
chal ce  qui  est  vrai  de  l'évoque  Jean  de  Monluc,  son  fils,  dont  le  corps 
fut  enterré  dans  le  chœur  de  la  cathédrale  en  1582,  je  réponds  que  si 
la  confusion  est  possible,  elle  n'est  pas  probable.  Je  ne  crois  pas  notre 
historiographe  capable  d'avoir  pris  un  événement  dont  il  aurait  été 
témoin  à  l'âge  de  douze  ans,  avec  un  événement  qui  se  serait  passé 
quatre  ou  cinq  ans  auparavant.  Les  circonstances  de  la  mort  et  de  l'en- 
terrement du  maréchal  firent  sur  son  jeune  esprit  une  impression  trop 
profonde,  pour  qu'il  ait  pu  y  avoir  confusion  daos  ses  souvenirs.  D'ail- 
leurs, s'il  en  eût  été  ainsi,  les  Condomois,  témoins  des  deux  faits,  ne 
lui  auraient-ils  pas  signalé  sa  méprise  et  l'erreur  n'aurait-elle  pas  été 
corrigée  dans  les  éditions  successives  de  V Histoire  de  France f 

Si  l'on  m'objecte  encore  que  Tabbé  Lagutère  ne  parle  dans  ses 
mémoires  manuscrits  sur  Téglise  de  Condom  ni  de  la  mort,  ni  de  l'en- 
terrement de  Biaise  de  Monluc,  je  réponds  qu'il  ne  parle  pas  davan- 


—  529  — 

tage  de  la  sépulture  d'un  ancien  gouverneur  de  Gondom,  le  sieur  du 
Bouzet  de  Roquepine^  laquelle  se  fit  dans  la  cathédrale  de  Saint- 
Pierre 

III 

Extrait  du  testament  de  Jean  du  Chemin,  évêque  de  Condom  (1), 
(1®'  décembre  1615),  relatif  à  son  prédécesseur  Jean  de  Monluc. 

«  Premièrement  je  veux  et  ordonne  qu'après  qu'il  aura  plu  à 

Dieu  séparer  mon  ame  de  mon  corps  mortel  et  corruptible,  de  m'appel- 
1er  de  cette  vie  mortelle  à  l'immortelle^  que  mon  corps  soit  enterré  en 
réglise  de  Gassaigne,  qui  est  dans  l'enclos  du  château  où  j'ai  passé  la 
plus  part  de  ma  vie,  et  où  feu  M.  le  Commandeur  de  Monluc  mon 
prédécesseur  et  bienfaiteur  décéda,  et  où  j'ai  fait  dresser  mon  tombeau 
joignant  le  sien,  où  après  son  décès,  avant  faire  porter  ou  enterrer  son 
corps  dar^  le  chœur  de  l'église  cathédrale  de  Condom,  je  fis  enterrer 
son  cœur  et  ses  entrailles,  désirant,  puisque  mes  os  n'ont  pu  être  joints 
aux  siens,  qu'ils  le  soient  pour  le  moins  à  cette  partie.  Et  pour  honorer, 
comme  j'ai  fait  toujours,  sa  mémoire,  que  la  postérité  ne  me  tienne 
entaché  de  fort  salle  et  vilain  vice  d'ingratitude,  j'ai  fait  apposer  sa 
statue  en  pierre  et  partout  fait  mettre  ses  armoiries,  les  siennes  au  costé 
droit,  les  miennes  à  gauche,  afin  que  cette  (un  mot  illisible)  lui  serve  de 
monument  et  à  mon  corps  de  sépulcre.  » 

Jean  Du  Chemin,  après  avoir  distribué  ses  biens  à  ses  neveux  et 
avoir  substitué  lesdits  neveux  les  uns  aux  autres,  termine  en  disant 
que  dans  le  cas  où  ses  héritiers  mourraient  sans  postérité,  il  leur  subs- 
titue Jean  de  Forcés,  son  filleul,  fils  d'Antoinette  de  Monluc,  fille  de 
son  susdit  feu  bienfaiteur  (2). 

(A  suivre.)  Philippe  TAMIZEY  DE  LARROQUE. 

(1)  Sur  Jean  Da  Chemin  voix  la  remarquable  étude  de  M.  Léonce  Couture 
dans  ses  Trois  poètes  Condomois  du  xvi*  siècle,  1877,  p.  17. 

(2)  M.  l'abbé  de  Carsalade  Du  Pont,  qui  a  trouvé  le  testament  de  l'évéque 
Jean  Du  Chemin  aux  archives  du  château  de  Saint-Blancard  (fonds  Gobas),  a 
trouvé  aussi  dans  le  même  fonds  les  éléments  de  la  note  que  voici,  dont  il  veut 
bien  encore  enrichir  mon  petit  recueil  :  «  Jean  de  Monluc,  évêque  de  Condom, 
eut  une  fille  naturelle,  nommée  Antoinette,  qui  fut  mariée,  le  26  février  1591»  à 
Guillaume  de  Forcés,  seigneur  de  Goalard,  près  Condom.  Ce  mariage  se  fit  à 
l'instigation  de  Jean  du  Chemin.  Ce  prélat  donna  à  la  future  mille  écus  et  son 
trousseau,  en  considération,  dit-il  dans  l'acte  de  mariage,  de  la  grande  amitié 
qu'il  avait  pour  ledit  feu  seigneur  Jehan  de  Monluc,  père  de  ladite  Antoinette, 
laqueUe  il  avait  recueillie  ohez  lui  et  fait  élever  à  la  mort  dudit  feu  Jean  de 
Monluc.  De  cette  union  vint  un  ÛJs,  Jehan  de  Forcés,  qui  fut  tenu  sur  les  fonts 
baptismaux  par  l'évéque  Jean  du  Chemin  ». 


BIBLIOGRAPHIE 


I 

BuLLAiEE  DE  GASCOGNE.  Rapport  présenté  à  S.  G.  Mgr  TArcherêque  d'Aach  et 
(i  NN.  SS.  les  évéques  de  la  province  ecclésiaustique  d'Auch,  par  l'abbé  Louis 
GuÉRARD.  Tarbea,  impr.  Larrieu.  1889.  19  pp.  in-8\ 

Nos  lecteurs  savent  déjà,  s'ils  ont  lu  les  extraits  des  procès^ verbaux 
du  Congrès  des  Sociétés  savantes  publiés  ici  au  mois  d*aout  (p.  364), 
rimportante  mission  que  M.  l'abbé  Guérard  remplit  à  Rome  pour 
l'honneur  de  la  Gascogne  et  pour  le  profit  de  notre  histoire  provinciale. 
La  Revue  fera  connaître  sous  peu  les  décisions  prises  à  Auch  le  5 
octobre  dernier  pour  l'heureux  accomplissement  de  l'œuvre  commencée. 
En  attendant^  pour  la  satisfaction  de  beaucoup  de  nos  lecteurs  qui  n'ont 
pas  sous  la  main  le  premier  rapport  du  jeune  délégué  de  nos  évêques, 
en  voici  du  moins  quelques  fragments  caractéristiques  et  particulière- 
ment instructifs. 

Après  avoir  dit  que  les  Archives  du  Vatican,  ouvertes  aux  tra- 
vailleurs par  S.  S.  Léon  XIII,  renferment  plus  de  2,000  registres  pon- 
tificaux, correspondant  aux  quatre  siècles  écoulés  depuis  Innocent  III 
jusqu'à  l'avènement  de  Sixte-Quint,  M.  Guérard  déclare  qu'il  a  com- 
mencé son  travail  par  les  registres  de  Jean  XXII,  parce  qu'ils  sont 
plus  inédits  à  la  fois  que  ceux  qui  les  précèdent  et  que  ceux  qui  les  sui- 
vent. Il  y  a  relevé  jusqu'ici  environ  900  pièces  intéressant  la  province 
d'Auch,  et  très  souvent  les  nombreux  cardinaux  gascons  de  la  oour  cle 
Jean  XXII,  en  particulier,  Raymcod  abbé  de  St-Sever,  Vital  (die 
Bazafi),  Guili.  Godin  (de  Bayonne),  Guill.  Teste  (de  Condom),  etc. 
L'objet  le  plus  ordinaire  des  actes  pontifioaux,  c'est  la  collation  des 
bénéfices  réservés  au  pape.  «  Ces  réserves,  extrèmem^t  nombreuses, 
surtout  dans  les  diocèses  d'Auch,  Bazas  et  Comminges,  atteignent  par* 
tibaulîèremeiit  les  évèchés.  » 

«  J'ai  retrouvé,  poursuit  M.  Guérard,  les  bulles  soit  de  provision, 
soit  de  confirmation,  des  évèqoes  de  Lectoui»,  Bazas^  Dax,  Aire, 
Bayonne,  Lescar,  Tarbes,  Comminges  et  Couserans.  Ces  bulles  nous 
donnent  des  renseignements  intéressants  sur  les  résistances  qu'éprouva 
l'autorité  pontificale  de  la  part  de  certains  chapitres  qui  voulaient  eon- 
server  leur  ancien  droit  d'élire  les  évèques.  » 

L'auteur  signale  ensuite  les  réserves  relatives  aux  ohapitres  et  àœr-^ 
tains  bénéfices  importtmts,  les  conflits  assez  fréquents  de  f  autorité  ecclé- 
siastique avec  les  sénéchaux  et  les  seigneurs  tamforels,  les  seooiirs 


—  631  — 

accordés  par  le  pape  aux  églises  xpinées  par  les  funestes  guerres  du 
temps,  son  intervention  dans  les  alliances  des  familles  féodales,  etc. 

On  a  ridée  de  rintérèt  de  ce  rapport,  qui  du  reste  en  promet,  pour 
un  temps  peu  éloigné,  un  autre  beaucoup  plus  étendu.  On  partagera 
la  reconnaissance  du  rapporteur  pour  les  évèques  qui  favorisent  et 
soutiennent  cette  œuvre  si  importante.  On  applaudira  surtout  aux 
félicitations  qu'il  adresse  spécialement  à  Mgr  rArchevèque  d'Auch  : 

«  Votre  XSrandeur donne  un  bel  exemple  aux  autres  provinces  de 

Fhmce  :  cet  exemple,  s'il  est  suivi,  ne  pourra  manquer  d'avoir  les 
résultats  les  plus  heureux  pour  l'histoire  générale  de  l'Eglise  :  l'hon- 
neur et  le  mérite  en  resteront  à  Votre  Grandeur.  » 

II 

Lbs  correspondants  de  Pbirbsg.  —  XV.  Thomas  d'Arcos.  Lettres  médites 

écrites  de  Tunis  à  Peiresc  (16dS-16d6),  publ.  et  ann.  par  Ph.  Tamizey  de  Lar- 

ROQUE.  Alger,  typ.  Ad,  JourcUm,  1889. 56  pp.  gr.  in-8*.  (Ëxtr.  delà  Reouo afri^ 

caine,  tir.  à  part  à  100  ex.) 
Le  corr.  de  p.  —  XVI.  François  Luillier.  Lettres  inédites  écrites  de  Paris  à 

Peireso<16SO-ie96),  publ.  et  uin.  par  Ph.  T.  de  L.  Puris,  Lion  Téchenar. 

1889.  56  pp.  in-8% 
Deux  lettres  eéNéDicriNEs  inédites.  —  Do»  Germain,  dom  Devic,  —  par 

Ph.  T.  de  L.  Toulouse,  Ed.  Prioat,  1889, 11  pp.  in>8.  (Extrait  des  Annales 

du  Midi.) 

Les  trente-six  lettres  de  Luillier,  père  du  eélèbre  poète  Chapelle,  sont 
planes  de  nouvelles  littéraires  et  le  ton  en  est  fort  agréable.  Il  y  a  aussi 
beaucoup  d'agrément  dans  les  missives  du  renégat  marseillais  Thomas 
â*Aroos,  presque  uniquement  connu  jusqu'ici  par  une  notice  de  Fau- 
ris  ée  Saint-Vincent  (Magnsin  encycL  mai  1815),  et  qui  transmet- 
tait à  Peiresc  des  eoriosités  naturelles  et  autres  du  continent  africain. 
Mais  en  lisant  avec  autant  de  soin  que  d'intérêt  ces  deux  nouvelles 
plaquettes  de  laotre  excellent  collaborateur,  je  n'y  ai  trouvé  absolument 
rien  de  gaâcon,  excepté  tout  au  plus,  dans  cette  dernière  (p.  52,  note  4), 
la  mention  d'un  fait  nouveau  relatif  à  J.  Jaubert  de  Barrant,  archev^ 
q»e  d'Arles,  ancien  évoque  de  Bazas.  —  Toutefois,  je  tiens  à  signaler 
aux  lecteors  de  la  Reeue  toutes  les  productions  de  M.  Tamizey  de 
LftRoque,  même  quand  elles  ne  touchent  pas  à  notre  domaine.  C'est 
l'auteur,  avant  tout,  qui  nous  appartient  et  dont  lliistoire  littéraire 
devra  se  trouver  en  «mier  dans  un  recueil  périodique  honoré  de  sa 
constante  collaboration.  Je  crois  qu'il  nous  a  déjà  donné  plus  de  cent 
wixttile  pubHeations,  et  tout  le  monde  sait  que  pas  une  n'a  manqué 
d'ajoaler  quelque  chose  à  la  sdence.  Puisse-t-il  doubler  encore  ee  nom- 
bre  i  et  poisse  la  Renue  de  Gascogne  le  suivre  jusqul'au  bout  de  sa 


—  532  — 

féconde  carrière,  avec  la  même  attention  intéressée^  mais  hautement 
sympathique  et  reconiiaissante! 

...  J'en  étais  là  lorsque  m'est  arrivée  la  troisième  brochure  annoncée 
ci-dessus.  II  est  naturel  que  M.  T.  de  L.  continue  à  recueillir  les  reli- 
quiœ  de  ces  savants  bénédictins  de  Saint- Maur  dont  il  suit  les  traces. 
Des  deux  religieux  qui  ont  les  honneurs  de  cette  petite  publication,  l'un 
nous  est  étranger  (D.  Germain  était  né  à  Péronne)  et  sa  lettre,  très  cu- 
rieuse d'ailleurs,  ne  roule  guère  que  sur  le  fameux  hérésiarque  espa- 
gnol Molinos.  Mais  l'autre  nous  appartient  un  peu  :  né  à  Sorèze,  D. 
Devic  après  avoir  été  professeur  à  Saint-Sever  (Landes),  fut  le  colla- 
borateur de  D.  Vaissète  dans  cette  admirable  Histoire  de  Languedoc 
qui  renferme  une  si  large  part  de  l'histoire  de  la  Gascogne.  Il  suffit  de 
dire  que  la  lettre  publiée  ici  intéresse  à  la  fois  l'histoire  religieuse,  litté- 
raire et  politique  du  temps  (1705).  C'est  le  cas  ordinaire  dans  ces  cor- 
respondances bénédictines  dont  Valéry  nous  a  donné  un  si  brillant  échan- 
tillon en  trois  volumes,  et  dont  un  savant  archiviste  et  bibliographe, 
M.  H.  Stein,  doit  publier  bientôt,  dans  la  collection  des  Documents  iné- 
dits pour  rhistoire  de  France,  un  recueil  bien  plus  considérable. 

III 

Blasons  peints  k  la  frksqub.  Crypte  de  Sainte-Quitterie  du  Mas  d'Aire,  par  le 
D'  LÉON  Sorbets.  Daœ,  imp.  H,  Labèque,  1889. 13  pp.  gr.  in  8'. 

M.  le  docteur  Léon  Sorbets  a  étudié  en  héraldiste  et  en  historieales 
blasons  peints  à  fresque  au  xvi^  siècle  sur  le  mur  oriental  de  la  orypte 
de  Sainte-Quitterie,  naguère  si  admirablement  restaurée  par  le  zèle  de 
Mgr  Delannoy.  Le  sujet  n'était  pas  sans  difficultés;  car  «  ces  peintures 
murales  sont  à  moitié  eSacées,  et  les  blasons  à  deux  couleurs  seule- 
ment à  peu  près  illisibles.  »  Lorsque  la  Société  française  d'archéologie 
visita  le  15  juin  1888  la  crypte  du  Mas  d'Aire,  elle  ne  put,  à  cause  de 
l'obscurité^  se  rendre  compte  de  ces  blasons  encadrant  des  scènes  de  la 
vie  de  la  Sainte  Vierge.  M.  Léon  Sorbets  y  révèle  les  armes  d'Asta- 
rac,  de  Castelbon,  de  Comminges,  etc.,  et  il  entre  dans  de  nombreux 
détails  généalogiques  et  historiques  pour  montrer  que  toutes  ces  armoi- 
ries appartiennent  «  à  divers  membres  de  la  grande  et  puissante  famille 
de  Foix-Candalle  ».  Il  prouve  ainsi  par  l'exemple  la  vérité  de  cette 
remarque^  qu'une  quantité  de  données  historiques  peuvent  «  être  renfer- 
mées dans  le  champ  d'un  blason.  »  Tout  au  plus  pourrait-on  désirer, 
dans  ce  mémoire  si  plein  de  faits,  une  énumération  et  une  description 
précises,  plus  dégagées  de  tout  commentaire,  des  peintures  héraldiques 
qui  en  sont  l'objet  essentiel.  L.  C« 


(HIELQUES  NENTHfflS  m  ROI  M  MERCIERS 

DANS  LB  SUD-OUBST  DE  LA  FRANCE 


Un  savant,  qui  a  renda  les  plus  grands  services  à  Ttiistoire 
de  la  Gascogne,  et  dont  la  mort  récente  vient  d'exciter  de  si 
vifs  et  de  si  légitimes  regrets,  a  posé  dans  cette  Revue  une 
question  au  sujet  du  «  roi  des  merciers  »  (1). 

Peut-être  a-t*on  publié,  pour  la  France  ou  pour  quelqu'une 
de  ses  provinces,  des  travaux  historiques  spéciaux  sur  cette 
singulière  royauté;  il  m'est  Impossible  de  le  vérifier,  n'ayant 
pas  sous  la  main  les  grands  recueils  de  bibliographie.  Mais, 
si  des  publications  de  ce  genre  ont  été  faites,  elles  sont  pour 
le  moins  assez  peu  connues  et,  pour  mon  compte,  je  ne  pos- 
sède pas  d'autres  renseignements  généraux  relatifs  au  roi  des 
merciers  que  les  notions  élémentaires  que  fournissent  quel* 
ques  livres  encyclopédiques  (2). 

Nous  voyons  qu'au  moyen  âge  les  merciers  vendaient  prin- 
cipalement des  objets  de  luxe.  On  trouvait  chez  eux  les  étoffes 
de  soie,  l'hermine  et  le  vair,  les  riches  ceintures,  les  bourses 
de  soie,  les  broderies  d'or  et  de  perles,  les  gants,  les  boucles, 
les  chaînettes,  les  écrins  pour  joyaux,  etc.  Ces  marchands 
formaient  une  corporation  établie  déjà  à  Paris  dès  le  xiir 
siècle  ;  elle  étendit  ses  ramifications  dans  les  provinces  et  acquit 
peu  à  peu  une  grande  importance.  Pour  y  être  admis,  il  fallait, 

(1)  Tome  XXIX,  482.  La  question  n'est  pas  signée.  Mais  on  trouve  le  nom  de 
son  auteur  (M.  P.  La  Plagne  Barris)  dans  le  Sommaire  des  matières  imprimé 
sur  la  couverture  de  la  livraison. 

(Z)  Du  Gange,  Glossaire,  V  Mercerius;  —  Le  Bas,  Diction,  encyclop,  de  la 
France,  V  Mercier;  —  Chéruel,  Dl'itionn,  histor.  des  institut,  de  la  Fr,,  v* 
Merciers,  Merciers  (roi  des),  et  aussi  rois  des  arbalétriers;  —  Dictionn,  de 
Larousse,  v'*  roi  et  mercerie  ;  —  Rambaud,  Hist.  de  la  cioilisaiion,  I,  407. 

Tome  XXX.  —  Décembre  1889.  35 


—  534  — 

dit-on,  avoir  fait  un  apprentissage  de  trois  ans  et  avoir  servi 
les  maîtres  trois  autres  années  :  la  maîtrise  coûtait  1,000 
livres. 

Les  membres  de  l'association  obéissaient  à  un  roi  des  mer- 
ciers, lequel  était  représenté  dans  les  principales  villes  par 
des  lieutenants.  Ce  roi  avait  inspection  des  poids  et  mesures/ 
délivrait  le  brevet  de  marchand  mercier,  surveillait  la  qualité 
de  la  marchandise  et  percevait  divers  droits.  Sa  charge  fut 
supprimée  une  première  fois  en  1544  et  déflnitivement  en 
1597. 

En  dehors  de  ces  quelques  données,  je  n'ai  recueilli  dans 
les  ouvrages  locaux  que  des  mentions  isolées  et  accidentelles 
du  roi  et  de  la  milice  des  merciers.  Ces  indications  sont  en- 
core trop  rares  pour  permettre  d'ébaucher  un  aperçu  d'en- 
semble; mais  c'est  peut-être  une  raison  de  plus  pour  les 
signaler  et  pour  chercher  ainsi  à  provoquer  d'autres  décou- 
vertes sur  une  institution  dont  les  vicissitudes  dans  notre 
pays  restent  encore  fort  obscures.  Si  l'on  me  reprochait 
aussi  de  présenter  dans  celte  Revue  des  renseignements 
qui  appartiennent  presque  tous  à  des  provinces  voisines 
et  non  à  la  Gascogne,  je  répondrais  que  le  rôle  du  roi  des 
merciers  ne  devait  guère  varier  dans  les  diverses  régions  du 
midi,  et  que  réunir  et  reproduire  ici  la  série  des  textes  qu'elles 
nous  ont  conservés  à  ce  sujet  me  paraît  être,  vu  rinsuflisance 
des  documents  particuliers  à  chacune  d'elles,  le  meilleur 
moyen  de  faire  entrevoir  ce  que  fut  celte  ancienne  fonction 
sur  la  rive  gauche  de  la  Garonne. 

En  commençant  par  les  localités  les  plus  éloignées,  parcou- 
rons la  province  du  Languedoc. 

En  1360,  on  voit  J.  de  Gaudiac,  de  Saint-Sernin-du-Port, 
roi  des  merciers  dans  tout  le  diocèze  d'Uzès,  tenir  les  foires 
de  Bagnols,  et  là,  après  avoir  reçu  le  serment  de  Raim.  Rocel, 
en  présence  de  divers  merciers,  nommer  le  même  Rocel  che- 
valier des  merciers  et  lui  permettre  d'exercer  partout  l'office 


—  585  — 

de  mercerie^  en  jouissant  des  privilèges  de  la  corporation. 
Le  documenl  où  ce  fait  est  consigné  (1)  appelle  le  corps  de  ces 
marchands  milice  mitilaire  des  merciers,  et  nous  allons  re- 
trouver d'autres  exemples  de  cette  dénomination  (2).  Pour 
celte  même  partie  de  la  province^  il  est  aussi  question,  en 
1424-25,  des  compositions  et  des  amendes  qui  furent  réglées 
par  la  sénéchausée  de  Beaucaire  par-devant  J.  de  Jaure,  roi 
des  merciers  du  Languedoc. 

En  janvier  et  février  4393,  M**  Aimeric  Nicolas,  roi  de  la 
noble  milice  des  merciers,  se  trouvait  à  Sainl-Sulplce  (Tarn). 
11  v  créa  d'abord  chevalier  mercier  Arn.  Vidal,  marchand  de 
celte  ville  qui  lui  prêta  serment;  et  ensuite,  ayant  pris  l'avis 
de  divers  autres  chevaliers  de  sa  milice,  habitants  de  Lavaur, 
de  Rabastens  en  Albigeois,  de  Gastelnaudary,  et  de  Puygaillard 
en  Quercy,  il  nomma  pour  son  lieutenant  Picard  Peyrot,  de 
Buzet,  au  diocèse  de  Toulouse.  Ce  lieutenant  reçut,  entre  au- 
tres pouvoirs,  celui  de  créer  à  son  tour  des  chevaliers  mer- 
ciers, et  on  le  voit  en  effet  quelques  mois  plus  tard  exercer 
cette  pérogative  en  faveur  de  R.  Girma,  marchand  de  Revel 
en  Toulousain  (3). 

M.  du  Bourg  n'a  pas  eu  l'occasion  de  citer  le  roi  des  mer- 
ciers en  s'occupant  de  la  corporation  de  ces  marchands  éta- 
blie à  Toulouse  (4);  mais  nous  constatons  encore  pour  le 
Languedoc  l'existence  du  roi  des  merciers  en  1534,  épo- 
que où  les  Etats  de  la  province  chargèrent  un  syndic  de 

(1)  Du  Cange,  Glossaire,  v*  mercerius.  —  l\  ne  semble  pas  impossible  que 
ce  document  se  rattache  par  l'un  de  ses  personnages  à  l'histoire  de  la  Gascogne. 

\  On  y  indique  en  effet  R.  Rocel  comme  originaire  de  Chatillon  Sulhan,  archie^ 

I  piscopatus  Sauwiensis.  Comme  je  ne  trouve  pas  d'archevêché  de  ce  nom  dans 

I  le  Dictionn,  do  statistique  relig.  de  la  collection  Migne,  je  serais  assez  porté  à 

croire  que  nous  sommes  en  présence  d'une  altération  de  la  forme  Auœiensls: 

pour  justifier  cette  leçon,  il  resterait  cependant  à  retrouver  dans  le  diocèse 

d'Auch,  ou  peut-être  même  dans  les  diocèses  suffragants,  un  lieu  de  CastiJlon 

i  Sulhan,  mais  je  n'ai  pu  le  découvrir. 

(2)  Hambaud,  I,  407,  rappelle  qu'on  trouve  même  des  «  chevalières  de  la  mi- 
lice militaire  de  la  mercerie.  » 

(3)  Nous  avons  trouvé  les  textes  de  ces  nominations  dans  l'un  des  registres 
des  anciens  notaires  de  Saint-Sulpice.  Confér.  Reoue  du  Tarn,  VI,  233. 

(4)  Mémoires  de  la  Soc,  archéoL  du  Midi,  XIV,  254. 


—  596  — 

poursuivre  la  suppression  de  cet  officier  à  cause  des  extor- 
sions qu'il  commettait  dans  le  pays  (1). 

Si  nous  passons  maintenant  en  Guyenne,  nous  pouvons 
faire  un  premier  relevé  dans  un  excellent  livre  de  M.  Tabbé 
Rouquette,  intitulé  Le  Rouergue  sous  les  Anglais  (2).  En  1447 
le  roi  octroya  définitivement  aux  habitants  de  Millau  trois  foi- 
res annuelles,  et  cet  octroi  fut  annoncé  par  les  soins  des 
consuls  dans  la  ville  et  dans  les  environs;  mais  il  restait  à  faire 
la  dernière  proclamation  qui  n'était  pas  de  leur  compétence. 

Il  y  avait  à  cette  époque,  à  Paris  et  aussi  dans  les  provinces  (ce  sont 
les  termes  de  M.  Rouquette),  une  espèce  d'officier  ministériel,  connu 
sous  le  nom  de  roi  des  merciers.  En  vertu  de  sa  charge,  qu'il  tenait  du 
roi,  il  devait  assister  à  rétablissement  des  marchés  et  des  foires;  et, 
comme  sa  juridiction  s'étendait  quelquefois  sur  plusieurs  sénéchausées, 
on  lui  donnait  des  lieutenants.  C'était  le  cas  de  J.  Barrault,  établi  roi 
des  merciers  en  Auvergne,  en  Grévaudan,  en  Quercy,  en  Limousin,  en 
Rouergue  et  ailleurs.  Requis  par  les  consuls  de  Millau  de  venir  faire  la 
proclamation  d'une  des  nouveUes  foires,  J.  Barrault  envoya  pour  le 
remplacer  Nicolas  Ducrot.  Celui-ci,  arrivé  à  Millau,  organisa  la  fête. 
Il  forma  une  petite  troupe  de  miliciens  pris  parmi  ses  sujets,  les  mer- 
ciers, et  nomma  pour  son  connétable  le  marchand  J.  Mora.  Au  jour  fixé 
pour  la  publication  des  foires,  le  lieutenant  du  roi  des  merciers,  précédé 
du  crieur  public,  des  trompettes,  des  ménétriers  et  du  connétable,  te* 
nant  l'épée  nue  à  la  main,  escorté  des  milices  et  d'un  grand  nombre 
de  bourgeois,  fait  son  apparition  sur  la  place  publique,  avec  les  insignes 
de  sa  charge  et  à  cheval  sur  un  bœuf;  c'était  sa  monture  officielle.  Puis, 
le  cortège  se  met  en  marche,  parcourt  les  rues  et  les  places  de  la  ville, 
s'arrètant  sur  les  points  où  il  était  d'usage  de  faire  les  proclamations 
consulaires.  A  chacune  de  ces  haltes,  le  crieur  public,  de  sa  voix  la 
plus  sonore,  proclame  le  don  du  roi  et  lit  ensuite  les  règlements  muni- 
cipaux, qui  avaient  pour  but  de  pourvoir  à  la  bonne  tenue  et  à  la  pos- 
périté  des  nouvelles  foires.  Cette  cérémonie  eut  lieu  le  21  février  (1448 
n.  st.),  veille  de  la  fête  de  saint  Pierre,  jour  où  commençait  la  foire 
de  ce  nom.  Elle  fut  répétée  aux  deux  autres  foires  de  saint  Jean  et  de 
saint  Laurent,  et  présidée  chaque  fois  par  Jean  Régis,  marchand  de 

(1)  Hiêt.  de  Langtied.,  édit.  Da  Mège.  VIII»  £66. 

(2)  Seconde  édit.  p.  487. 


—  637  — 

Rodez^  qui  lui  aussi  se  disait  roi  des  merciers  en  Rouergue.  Ce  fat  à  ce 
litre,  et  par  suite  d'un  accord  avec  Nie.  Ducrot,  que  le  juge  de  Millau 
le  nomma  commissaire* 

Voici  encore  ce  que  nous  lisons  dans  de  Gaujal  (i),  et  sous 
la  date  1482: 

11  y  avait  alors  dans  1{  comté  de  Rodez  et  les  quatre  châtellenies  du 
Rouergue  un  Roi  des  merciers  appelé  J.  Gros,  qui,  par  lettres  du 
20  de  juin,  fit  don  à  G.  Cance,  du  villagede  Rayrat,  dans  le  mandement 
de  Prades,  de  l'office  de  mercier  pour  acheter  et  vendre  en  toutes  foires 
et  marchés.  La  principale  fonction  du  roi  des  merciers  était  de  visiter 
et  de  vérifier,  même  dans  les  terres  des  seigneurs,  les  poids,  les  crochets 
et  les  balances  de  tous  les  marchands.  Ils  étaient  d'abord  nommés  par 
le  grand  chambellan,  et  le  furent  par  le  roi  de  1545  à  1597,  époque  à 
laquelle  ils  furent  supprimés. 

  Montricoux^  arrondissement  de  Montauban,  P.  Ratoys^ 
roi  des  merciers  en  Languedoc,  étant  assis  sur  un  bœuf,  pro- 
clama, le  1"  septembre  1480,  dans  les  rues  de  la  ville,  qu'il 
ne  s'opposait  pas  à  ce  que  la  foiré  de  Saint-Thomas  fût  leuue 
ledit  jour  et  maintint  les  consuls  dans  les  privilèges  que  les 
rois  des  merciers  avaient  accoutumé  de  leur  accorder  (2). 

Nous  rentrons  en  Gascogne  avec  un  document  qui  est  rela- 
tif à  Lavlt  de  Lomagne  (arrondissement  de  Castelsarrasin). 
Après  la  guerre  des  Anglais,  la  population  de  Lavit  s'étant 
considérablement  accrue,  ses  consuls  réclamèrent  en  1478 
la  création  d'une  nouvelle  foire  à  noble  Guill.  de  Castillon^ 
qui  visitait  alors  cette  ville,  et  qui  prenait  le  titre  de  roi  et 
maftre  de  tous  les  merciers  dans  le  duché  d'Aquitaine.  Cette 
faveur  leur  fut  gracieusement  accordée  par  une  ordonnance 
du  16  juillet  1478,  laquelle  porte  qu'il  y  aurait  chaque  année 


(1)  Etud,  histor.  sur  lo  Rouergue,  II,  335.  —  Le  texte  du  document  est  dans 
Doat,  vol.  223,  t  465. 

(2)  Docum.  histor.  sur  le  Tam-et-Gar,,  par  M.  Moulenq,  H,  243.  —  L'Inœnt, 
dUis  Archio.  d'Albi  (CC.  176)  nous  apprend  que  cette  yiile  ayant  obtenu  en 
1420  une  nouvelle  foire,  on  en  fit  l'ouverture  en  promenant  un  bœuf,  précédé  de 
musiciens.  N'est-ce  pas  ici  la  même  cérémonie  qu'à  Millau  et  à  Montriooux,  et 
ce  bœuf  ne  portait-il  pas  le  roi  des  merciers  f 


—  538  — 

une  foire  à  la  Saint-Michel  de  mai;  les  consuls  donnèrent  an 
roi  en  échange  de  celle  concession  6  francs  bordelais  et  di- 
verses friandises  (4). 

Enfin  n^oublions  pas  la  nomination  du  roi  des  merciers  en 
Armagnac,  faite  par  le  roi  de  Navarre  en  4534,  nominalion 
qui  a  été  publiée  par  feu  M.  P.  La  Plagne  Barris  et  qui  a 
donné  lieu  au  présent  article. 

Edmond  CâBIÉ. 


RÉPONSE 


254.  Une  anthologie  Bartassienne. 

(V.  la  Question  ci-dessus,  p.  424.) 

Léon  de  Cazenove  de  Pradines,  maire  de  Marmande,  ancien  membre  du  con- 
seil général  de  Lot-et-Garonne,  président  de  la  Société  d'Agriculture  d'Agen, 
auteur  de  nombreuses  et  charmantes  poésies  qu'il  n'a  jamais  voulu  publier,  ei 
d'une  tragédie  qui  fut  reçue  à  la  Comédie  française,  avait  prcpar  j  une  édition  de 
la  Semaino  de  du  Bartas  ;  élaguant  beaucoup,  ne  conservant  que  les  morceaux 
importants,  qu'il  reliait  par  une  courte  note  ou  analyse,  il  serait  parvenu  à 
nous  faire  partager  l'opinion  de  Goethe  sur  Guillaume  de  Saluste,  le  premier  des 
poètes  français.  Il  est  mort.  Son  fils,  le  glorieux  mutilé  de  Palay,  le  loyal  et 
énergique  député  de  Nantes,  M.  Edouard  de  Cazenove  a  certainement  conservé 
les  manuscrits  de  son  père.  Je  me  permets  de  signaler  ce  travail  fait  par  im 
homme  aussi  aimable  qu'intelligent.  L.  Auoiat. 

La  question  reste  ouverte  après  cette  communication  du  savant  président  de 
la  Société  des  Archives  historiques  de  la  Salntonge  et  de  l'Aunis.  Je  veux  y 
ajouter  ici  que  M.  de  Cazenove  père,  dont  j'avais  l'honneur  d'être  beaucoup 
l'ami  et  un  peu  le  pareot,  m'a  lu,  dans  la  dernière  visite  que  le  lui  fis  (à  la 
Garenne,  près  d'Agen),  une  grande  partie  de  son  travail  sur  notre  cher  du  Bar- 
tas  et  que  ce  travail  me  parut  fait  avec  tout  le  soin  et  tout  le  goût  que  l'on  i>ou- 
Tait  attendre  d'un  critique  accompli.  U Introduction  était  écrite  d'une  plume 
fine  et  charmante  et  il  serait  fort  à  désirer  que  nos  deux  Bartassiens  pussent 
en  orner  le  recueil  projeté.  T.  db  L. 

(1)  Moulenq,  ibid.,  Ili,  445. 


GENTILSHOMMES   LANDAIS 

DU  DIX-HUITIÈME  SIÈCLE  (*) 


III 

On  sait  que  jusqu'en  ces  dernières  années  on  pensait  gêné- 
lalementqu'autempsancienlanoblesse  était  à  peu  près  illettrée. 
«Nous  entendons  répéter  chaque  jour,  disait  M.  Louandreen 
1877  (1),  même  par  des  lettrés,  que  le  moyen-àge  a  systéma- 
tisé rignorance,  que  le  clergé  abêtissait  les  populations  pour 
les  dominer,  que  les  nobles  ne  savaient  pas  même  signer  leur 
nom  et  s'en  faisaient  honneur,  »  Il  s'empresse  de  protester  en 
des  termes  qu'il  peut  être  intéressant  de  rappeler  ici: 

«  Les  nobles,  pas  plus  que  les  vilains,  n'étaient  hostiles  au  savoir 
et  aux  lettres.  Ils  se  sont  associés  d'une  manière  brillante  au  mouvement 
poétique  du  midi  :  témoins,  Bertrand  de  Born,  Guillaume  d'Aquitaine, 
Bernard  de  Ventadour.  Les  premiers  chroniqueurs  qui  aient  écrit  en 
français,  Villeliardouin  et  Joinville,  sont  sortis  de  leurs  rangs,  et  il  est 
inexact  de  prétendre  qu'ils  ont  abandonné  les  magistratures  au  tiers-état 
parccî  qu'ils  étaient  complètement  étrangers  aux  études  de  Droit,  attendu 
qu'en  1337,  les  enfants  des  plus  grandes  familles  suivaient  assidûment 
ces  études  à  l'université  d'Orléans.  Quant  aux  actes  qu'ils  n'auraient 
pa5  signés,  sous  prétexte  que  leur  qualité  les  dispensait  d'apprendre  à 
écrire,  ce  qui  serait,  dit-on,  constaté  dans  ces  actes  par  les  tabellions 
qui  les  ont  rédigés,  ils  n'ont  jamais  existé^  et  l'on  peut  mettre  le  ban 
et  Tarrière-ban  des  paléographes  au  défi  de  produire  une  seule  charte 
où  celte  formule  soit  énoncée.  » 

Je  ne  sache  pas  que  ce  défi  ait  été  relevé  par  les  paléographes. 
M.  Léon  Gautier,  au  contraire,  a  montré  d'une  façon  positive 
quelle  était  Finslruction  d'un  baron  au  xii*  siècle  (2).  Il  est 

(•)  Voir  ci-dessus,  livraison  de  juillet-août,  p.  293. 

(1)  Los  études  historiques  en  France  depuis  1871,  (Reouo  des  Deuso-Mondes.) 

(2)  La  cheealerie,  pp.  143  et  suiv. 


—  540  — 

vrai  que,  toujours  d'âpres  M.  Louandre,  la  guerre  de  Cent 
ans  et  les  guerres  de  religion  portèrent  à  renseignement  pu* 
blic,  très  florissant  au  moyen-àge,  un  coup  fatal  ;  en  sorte 
qu'on  a  pu  dire  avec  vérité  qu'au  xvn"  et  au  xvm*  siècles,  «  le 
clergé  des  paroisses  représentait  la  portion  la  plus  intelligente 
et  la  plus  instruite  de  la  population  des  campagnes  (1).  » 

Chateaubriand  (2)  lui-même  a  constaté  la  même  ignorance 
de  la  noblesse  en  une  page  sévère  mais  profondément  vraie  : 
«  A  voir  le  monarque  (Louis  XV)  endormi  dans  la  volupté,  des 
courtisans  corrompus,  des  ministres  méchants  ou  imbéciles, 
des  philosophes,  les  uns  sapant  la  religion,  les  autres  TEtat, 
des  nobles  ou  ignorants  ou  atteints  des  vices  du  jour,  des  ecclé- 
siastiques à  Paris,  la  honte  de  leur  ordre,  dans  les  provinces, 
pleins  de  préjugés^  on  eût  dit  une  foule  de  manœuvres  empres- 
sés àdémolir  un  grand  édifice.  »  Et  cependant,  on  ne  peut  pas 
dire  qu'à  cette  époque  plus  qu'antérieurement  la  noblesse 
ait  été  opposée  à  la  diffusion  de  Tinstruction.  Dès  le  xvi'  siècle, 
les  trois  ordres  du  royaume,  dit  M.  Tartière  (3),  «  y  attachaient 
une  grande  importance.  Ils  demandaient  en  1560,  aux  Etats  gé- 
néraux d'Orléans,  la  formation,  auprès  de  chaque  église  cathé- 
drale on  collégiale,  d'établissements  pour  instruire  la  jeunesse 
gratuitement  et  sans  salaire.  »  —  «  Les  Etats  généraux  de 
1614»,  dit  de  son  côté  M.  Louandre,  «  réclamèrent  encore.  La 
noblesse  fut  la  première  à  s'alarmer  de  l'ignorance  de  ses 
tenanciers  et,  devançant,  de  plus  de  deux  siècles,  la  loi 
de  1853,  les  candidats  à  la  députation  et  la  Ligue  de  l'en- 
seignement, elle  demanda  qu'un  traitement  fixe  fât  fait  aux 
instituteurs  et  l'instruction  rendue  obligatoire.  » 
En  ce  qui  concerne  spécialement  les  Landes  : 
Aire  a  son  collège  dès  1553,  Saint-Sever  a  son  premier  en 


(1)  Théodore  Meignan.  Uive  nouoelle  source  <t informations  historiques,  dans 
la  Reo,  des  questions  historiques,  janvier  1879. 

(2)  Etudes  historiques, 

(8)  De  l'instruction  publique  dans  les  Landes  acant  la  Révolution  et  spéria- 
lement  en  1189, 


—  541  — 

i532>  son  second  en  1699.  Celui  de  Dax  remonte  au  xvi' 
siècle  pareillement  et  celai  de  Monl-de-Marsan  au  xvii*.  Au 
xviu*  siècle,  d'un  autre  côté,  des  bourses  étaient  accordées 
aux  jeunes  nobles  de  la  province,  à  Bordeaux  au  collège  de 
Guienne.  Il  est  vrai  que  ces  âi£Eerents  établissements  traver- 
saient des  crises  fréquentes  qui  les  désorganisaient  pour  un 
temps  plus  ou  moins  long.  Aussi,  en  1789,  la  noblesse  des 
Landes  demande-t-elle  encore  en  son  cahier,  qu'il  soit  formé 
un  ce  établissement  d'éducation  nationale  dans  la  Sénéchaus- 
sée des  Lannes,  entièrement  privée  de  ce  précieux  avantage 
et  très  éloignée  de  tout  secours  de  cette  espèce  (1)  » . 

On  peut  admettre»  nonobstant  ces  divers  empêchements, 
que  la  plupart  des  gentilshommes  dont  nous  nous  occupons 
possédaient  une  certaine  instruction,  puisqu'ils  occupaient  des 
charges  de  magistrature.  Pour  les  autres,  c'est  plus  douteux. 

M.  de  Rolye  pourtant,  ainsi  que  M.  le  comte  d'Uza  et  mes- 
sire  de  Fayard,  mettent  passablement  une  orthographe  quel- 
conque. Quant  à  M.  Duvignac,  qui  parait  être  un  des  rares 
gentilshommes  oisifs  du  pays,  sa  signature  trahit  une  certaine 
recherche.  Il  est  fâcheux,  au  point  de  vue  du  jugement  que 
nous  sommes  amené  à  porter  ici  sur  son  compte,  qu'il  ait  cru 
devoir  céder  à  certaines  inspirations  trahissant  trop  leur  par- 
venu. Cetle  réflexion  nous  est  inspirée  par  la  signature  de  ce 
personnage,  qui  subit,  de  1721  à  1724,  une  modiQcation 
complète.  A  la  première  de  ces  deux  dates,  il  signe  encore 
Duvignac;  à  la  seconde,  il  signera  :  himizan  (2)  ! 

Voilà,  si  l'on  veut,  pour  l'ignorance.  Voyons  pour  les 
«  vices  du  jour  »,  comme  dit  Chateaubriand.  A  la  fin  du 
xvni*  siècle,  un  curé  de  l'Orléanais  constatait  que  <  les  grands 
et  les  personnes  en  place  »  n'avaient  absolument  aucune  reli- 
gion. —  f  II  n'y  en  a  plus  »,  disait-il,  «  que  dans  ceux  du 

(1)  Arch,  parlementaires  de  1787  à  1960,  par  MM.  J.  Mavidal  et  L.  E.  Lau- 
rent, t.  m,  cités  par  M.  Tartière. 

(2)  Arch.  not.»  acte  du  7  mars  1724.  —  En  1730  (acte  du  29  juillet)  Jacques 
Dessans»  à  Mimizan,  s'intitulera  «  valet  de  chambre  io  M»  Miini«ao  », 


—  545  — 

second  rang  et  dans  nos  campagnes.  En  les  villes,  le  lune, 
les  dépenses  sont  à  leur  comble  et  le  débordement  du  vice 
ne  reconnaît  ancun  frein.  Deus  miserealur  nostri!  (1)  »  Celle 
opinion  d'un  prêtre  obscur  de  campagne  esl  absolument  con- 
forme au  jugement  général  porté  sur  le  xvm*  siècle.  C'est 
pourquoi  nous  pouvons  le  citer  ici.  Les  Landes,  en  leur  qua- 
lité (!e  campagne,  de  campagne  reculée,  de  campagne  pauvre, 
furent  certainement  à  Tabri  de  cette  contagion  du  siècle.  Elles 
avaient  leurs  vices  locaux,  traditionnels,  et  anciens  sans 
doute  :  Tivrognerie,  le  libertinage.  Les  curés  les  signalent  à 
maintes  reprises  et  les  flétrissent  dans  la  personne  du  pay- 
san. Certes,  ils  n'eussent  point  manqué  d'y  faire  au  moins 
de  fugitives  allusions  pour  peu  que  les  nobles  se  fussent 
montrés  accessibles  aux  vices  de  leurs  tenanciers.  Le  curé  de 
Mimizan  ne  néglige  pas  de  rappeler  les  contestalions  soule- 
vées par  le  seigneur;  celui  de  Pontenx  n'omet  pas  de  signa- 
ler les  usurpations  de  la  famille  de  Rolye,  sa  récente  conver- 
sion, ses  habitudes  d'absentéisme.  Si  même  un  simple  acci- 
dent se  produit,  il  le  révélera,  non  pas  avec  la  liberté  de  cer- 
tains curés  qui,  comme  celui  du  Porge  que  cite  Billaudel  (2), 
caractérisait,  sur  les  registres  des  sépultures,  la  vie  du  défunt 
des  épilhèles  de  :  «  ivrogne,  paresseux,  menteur  »,  mais 
simplement,  et  il  écrira,  par  exemple  :  «  Le  18  du  mois 
de  mars  1746,  est  née  et  a  esté  baptisée  une  fille  des  œuvres 
de  M.  de  Serres  et  de  Marguerite. Ddpuchs,  sa  servante  (3).» 
Ainsi,  sans  réclamer  pour  eux  des  prix  de  vertu  ou  des  cou- 
ronnes de  rosières,  nous  sommes  autorisé  à  croire  qu'à  tout 
le  moins  ils  ne  provoquaient  pas  de  scandale. 

Leurs  distractions,  leurs  plaisirs  devaient  se  réduire  à  fort 
peu  de  chose  et  j'imagine  que  la  chasse  occupait  surtout 
leurs  loisirs.  C'est  le  plaisir  landais  par  exce  llence.  Sans 


(1)  Cité  par  Théodore  Meignan,  article  oit«^. 

(2)  Les  Landes  en  1826.  Bordeaux,  1837,  p.  90. 

(3)  Etat  dvil  de  Pontenx. 


—  643  — 

rechercher  où  M.  Elisée  Reclas  a  vu  les  seigneurs  du  moyen 
âge  chassant  dans  les  dunes  le  cerf,  le  sanglier,  le  che- 
vreuil (1),  Ausone,  qui  connaissait  tant  le  pays,  neparle-t-il 
pas  en  plusieurs  endroits  des  attraits  qu'offrait  sous  ce  rap- 
port la  terre  des  Landes  à  son  ami  Théon?  —  «  Comment  va 
ta  santé  »,  lui  écrit-il,  «  au  bout  du  monde  où  est  ton 
gîte,  poète  laboureur  de  sables?..  Quelle  vie  mènes-tu  sur 
les  plages  des  Médules?..  Ne  vas-tu  pas,  avec  ton  frère,  enve- 
lopper dans  tes  mailles  et  tes  longs  réseaux  emplumés  les 
cerfs  errants  par  les  halliers  sauvages  ou  poursuivre  de  tes 
clameurs  le  sanglier  écumant  et  le  pousser  dans  tes  piè- 
ges (2)?  »  Et  sur  ces  étangs  bleus,  et  sur  ces  rivières  mugis- 
santes (5)  du  littoral,  et  dans  les  vignobles  et  les  landes  du 
temps,  ne  tuait-on  pas  déjà  «  la  grive  au  croupion  dodu  et 
blanc  »,  et  «  les  canards  aux  pieds  rameurs  (4)  » ,  et  quelques- 
uns  de  ces  lièvres  auxquels  Nammalias  tendait  des  rets, 
aux  plaines  d'Oléron  (5)?  Ne  sont-cc  pas  ces  derniers,  les  liè- 
vres, qui  ont  donné  leur  nom  au  bourg  dé  Labrlt  (6),  comme 
leurs  congénères,  les  lapins,  ont  baptisé  un  village  voisin, 
Garein  (7)?  Au  reste,  chacun  sait  que  la  bêle  noire  n'a  pas 
complètement  déserté  nos  dunes  et  nos  pignadars  et  Saint- 


Ci)  Noueelle  géographie  unioerselle.  France,  pp.  93  el  suiv. 

(2)  Quid  geris,  extremis  positus  telluris  ia  oris, 
Cnltor  arenaruiu  vatesT... 

Quam  tamen  exerces  Medulorum  in  litore  vitamî... 
An  cum  fratre  vagos  dumeta  per  a  via  cervos 
Circumdas  maculis,  et  multa  indagine  pinnaef 
A  ut  spumantis  apii  oiirsum  clamoribus  urges, 
Subsidisque  feroî  Cp.  145.) 

(3)  Te  stagais  ego  cseruleis,  magnumque  sonoris 
Amnibus,  asquorcse  te  commendabo  Garumnaî.  (P.  122.) 

(4)  Tum  quas  vicinae  siiggessit  prseda  laoun?e, 
Anates  maritas  junximus 
Remipedes...  (p.  144.)  Ed.  Nisard. 

(5)  «  Et  insidiari  lepusculis  Olarionensibus  d.  Sidoine  Apollinaire.  Lettre 
XXXVII.  Ed.  Nisard.) 

(6)  De  Leporetum. 

(7)  Garenne?  Dans  Aureillian  on  remarque  (Arch.  not.,  acte  du  18>oût  1773), 
«  le  bois  des  Gonins  »,  ainsi  appelé  sans  doute  parce  que  les  lapins  (cunicuU 
d'où  l'on  a  fait  le  Tieux  mot  «  connins  »)  y  pullulaient. 


Amans  (1),  en  1818,  la  signalait  encore,  concurremment  avec 
le  chevreuil  dans  les  forêts  de  Salles.  Et  puis,  il  y  avait  les 
renards,  dont  la  chasse  est  si  attrayante,  et  les  loups,  nom- 
breux, à  cette  époque,  dans  toute  la  contrée.  Une  gravure, 
en  léte  du  volume  de  Saint-Amans,  représente  une  de  ces 
dernières  chasses  :  au  premier  plan,  un  berger  et  son  trou- 
peau, plus  loin  la  lande  avec  ses  pins  clairsemés,  et  un  loup* 
aux  trousses  duquel  galopent  une  meute  et  un  cavalier  son- 
nant de  la  trompe.  Parmi  les  différentes  espèces  de  gibier  très 
abondant  alors  dans  le  pays«  il  convient  de  citer  encore  la 
bécasse  comme  ayant  laissé  le  plus  de  souvenirs.  Nous  avons 
cité  ailleurs  (2)  ce  prieur  de  Mimizan  qui>  en  4773,  exige 
d^un  de  ses  fermiers,  six  paires  de  bécasses  par  an.  On 
ménageait  dans  les  pins  des  clairières  appelées  «  fenêtres  à 
bécasses»  pour  les  attirer,  et  les  tuer  plus  commodément.  Une 
de  ces  fenêtres,  entre  autres,  se  rencontre  dans  une 
pièce  de  pins  vendue  par  un  paysan  à  un  autre  paysan, 
en  4721  (3).  Une  fois  prise,  il  s'agit  de  la  préparer  et  là  se 
trahit  un  rafûnement  culinaire  encore  en  usage  aujourd'hui. 
Nous  voulons  parler  de  Topération  qui  consiste  à  «  flamber 
la  bécasse  »,  opération  qui  s'exécute  avec  un  petit  instru- 
ment spécial  :  «  le  flamboir  (4)  » .  On  chassait  aussi  la  pa- 
lombe avec  des  filets  (5).  Et  là,  il  nous  est  permis  d'imagi- 
ner la  monotonie  sévère  des  grands  pins  rompue  par  la  note 
claire  d'une  robe  de  satin  ou  d'une  «  houpelourde  de  toile 
peinte  » .  Et  l'on  se  livrait  déjà  à  la  triste  et  peu  intelligente 
distraction  qu'on  appelait  alors  comme  maintenant  «  la  chasse 
aux  petits  oiseaux  (6)  » .  Mais  les  Landais  du  xvni*  siècle  ne 

(1)  Voy.  agricole,   botanique  ot  pittorosque  dans  une  partie  des  Landes, 
Agen  et  Paris,  1818. 

(2)  Les  curés  de  campagne  au  xviii*  siècle,  (Correspondant  des  25  septem- 
bre et  10  octobre  1887.) 

(3)  Arch.  net.»  acte  du  15  juin  1721. 

(4)  «  Un  flamboir  ».  Acte  du  11  vendémiaire  an  vi. 

(5)  «  Une  paire  de  Ûllets  pour  prendre  lespalomes  ».  —  Ibid. 

(6)  «  Un  âUet  pour  les  petits  oiseaux,  un  autre  en  soye  pour  les  mûrierg  ». 
Ibid. 


—  545  — 

poussaient  pas  sans  doute  Tinconséquence,  ainsi  que  font 
leurs  descendants  du  xix%  jusqu'à  se  plaindre  ensuite  de  la 
dévastation  de  leurs  jardins  par  les  insectes  de  tout  genre. 
Quoi  qu'il  en  soit,  on  voit  que  nos  gentilshommes  n'avaient 
que  rembarras  du  choix. 


IV 


Un  des  points  les  plus  curieux  à  étudier  est  celui  des  rela- 
tions des  nobles  entre  eux  et  de  ceux-ci  avec  les  autres  clas* 
ses  de  la  société.  Nous  en  avons  eu  dans  ce  qui  précède 
quelques  exemples  que  nous  rappellerons  en  leur  place  et 
nous  n'hésiterons  pas  davantage  à  redire  ici  ce  que  nous 
avons  dit  ailleurs  touchant  les  rapports  de  nobles  à  curés. 
Ces  rapports,  avons-nous  remarqué,  n'étaient  pas  toujours 
aussi  bons  qu'on  le  pourrait  supposer.  A  Pontenx,  en  1729, 
le  curé  se  plaint  de  ce  que  le  seigneur  était  «huguenaut  » . 
C'est  en  cette  qualité  sans  doute  que  ses  ancêtres  s'étaient 
emparés  vers  1630  de  la  «  maison  presbytérale  »  pour  y 
bâtir  leur  château.  Un  procès  s'en  était  suivi.  Mais  en  1731, 
les  vieilles  querelles  se  sont  assoupies,  «  la  famille  du  sei- 
gneur est  de  nouveau  convertie  »,  et  le  procès  pendant  en  la 
Cour  n'est  plus  poursuivi  (1).  A  Mimizan,  le  curé  a  aussi  à 
se  plaindre  du  seigneur  qui  lui  intente  procès  «  pour  des 
vétilles  ».  En  effet,  on  trouve  en  1730  (2),  un  acte  par 
lequel  — 

Noble  Jean  Marc  Duvignac  dit  et  remontre  à  M.  M*  Bernard 
Bouty^  curé  de  Mimizan^  que  les  droits  honorifiques  sont  dûs  au  sei- 
gneur haut-justicier  réglés  par  les  arrêtés  du  parlement  de  Bordeaux 
et  par  toutes  les  autres  cours  du  Royaume.  Néanmoins  le  dit  sieur 
Bou  ty  n'a  jamais  tenu  comte  de  les  y  donner  q  ueUe  sommation  verbaUe  que 

(1)  Procès  verbal  de  visite  de  Téglise  de  Pontenx.  (Arch.  de  l'arch.  de  Bor- 
deaux.) 

(2)  Ajch.  not.  Acte  du  27  mars. 


—  546  — 

le  dit  sieur  Duvignac  luy  ait  fait,  ce  qui  loblige  de  sommer  le  dit  sieur 
Bouty  de  lui  donner  les  droits  honorifiques  à  luy  dus  en  ladite  qua- 
litlé...  ce  faisant  luy  donner  PEau  Bénite  le  jour  de  dimanche  à  la 
messe  paroissiale  par  présentation  du  houpillon^  le  nommer  aux  priè- 
res nomminalles  distinctement,  luy  donner  les  enoenscmens  les  jours 
des  grandes  messes  parroissiales  en  se  tornant  du  cotté  de  son  bancq, 
et  aux  vespres  au  cantique  du  magnificat,  et  lors  des  encensemens  ordi- 
naires se  transporter  devant  son  bancq  pour  faire  lesdits  encensemens; 
et  luy  donner  le  premier  la  paix  à  baiser,  le  recevoir  le  premier  a  lof- 
frande,  et  faire  la  bénédiction  du  pain  pendant  la  messe  et  après  le 
canon  pour  qu'il  puisse  luy  estre  presanté  le  premier,  déclarant  ledit 
seigneur  qu'il  se  rendra  dimanche  prochain  à  la  messe  parroissialle,  et 
faute  par  ledit  sieur  curé  de  satisfaire  à  tout  ce  dessus  ledit  seigneur 
requérant  proleste  contre  luy  de  tout  ce  qu'il  peut  et  doit  protester. 

Le  curé  répond  qu'il  est  prêt  à  rendre  ces  honneurs;  tou- 
tefois, comme  «  c'est  un  droit  nouveau  dans  ladite  esglize,  il 
se  réserve  de  se  pourvoir  si  le  cas  y  eschoit  par  devant  qui 
la  cognoissance en  appartiendra  ».  En  4751,  il  y  a  contesta- 
tion pendante  entre  le  curé  et  le  seigneur  à  propos  d'un  che- 
min dans  le  cimetière  (1). 

A  côté  de  cela  il  est  certain  que  les  nobles  entretenaient 
parfois  d'excellentes  relations  avec  les  curés.  Elles  ne  parais- 
sent pas  avoir  été  toujours  aussi  tendues  entre  celui  de  Pon- 
tenx  et  la  famille  de  Rolye.  En  1774,  le  curé  loge  son  bou- 
vier dans  une  maison  du  seigneur  (2)  et  on  ne  dit  pas  que  ce 
soit  à  litre  de  bail.  Celui  du  Vignac,  en  1663,  confond  si 
bien  ses  intérêts  avec  ceux  de  la  dame  seigneuresse  du  lieu 
qu'on  n'hésite  pas  à  dire  que  «  il  est  homme  de  sa  mai- 
son (3)  » .  Il  est  vrai  que  le  mot  émane  d'un  personnage  qui 
avait  à  se  plaindre  également  de  la  dame  et  du  curé. 

De  seigneur  à  seigneur,  certains  froissements  aussi  étaient 
inévitables,  comme  ils  le  sont,  de  nos  jours,  entre  grands 
propriétaires  voisins.  Mais  ce  qu'il  est  intéressant  de  mettre 

(1)  Procès  verbal  de  visite  de  l'église  de  iMimizan.  (Arch.  de  Tarchev.  de 
Bordeaux.) 

(2)  Arch.  not.  Acte  du  31  décembre. 

(3)  Arch.  de  Tarchev.  de  Bordeaux.  Requête. 


—  547  — 

en  relief,  ce  sonlles  procédés.  En  1770,  le  comte  de  Rolye, 
pour  garantir  les  landes  de  l'incendie,  y  fait  pratiquer  «  un 
i^Biveleii  ou  espèce  de  fossé  (1)  ».  En  quoi  ce  travail  nuisait-il 
à  M.  Forest,  seigneur  de  Bouricos?  Constituait-il  une  entre- 
prise contre  la  propriété  de  ce  dernier?  On  le  laisse  suppo- 
ser. Ce  que  nous  savons,  c'est  qu'instruit  de  la  chose,  il  se 
rend  sur  les  lieux,  accompagné  de  trente  hommes  et  armé  de 
pistolets.  «  Après  avoir  uzé  de. plusieurs  menaces  à  Tégard 
des  travailleurs  et  les  avoir  épouvantés  »,  il  leur  fait  combler 
le  fossé.  Puis  il  élève  un  parc  à  la  place.  «  Le  tout  seroit  suf- 
fisant pour  prendre  la  voy  criminelle,  mais  M.  de  Rollye  se 
contente  de  demander  dans  la  huitaine  le  rétablissement  du 
fossé  ou  parefeu  et  l'enlèvement  du  parcq  (2)  ». 

Entre  seigneurs  et  bourgeois,  c'est  un  peu  la  même  chose, 
j'entends  quand  les  bourgeois  étaient  gros  propriétaires 
fonciers  et  que  leur  fortune  les  rapprochait  de  la  noblesse. 
M.  de  Salusse  est  en  compte  avec  Bonnan,  de  Mézos,  à  la 
fin  du  XYU!"*  siècle.  Bonnan  paie  pour  lui  des  frais,  des  trans- 
ports, des  impositions;  pour  lui,  il  reçoit  des  prix  de  vente 
de  résines  (3).  En  1742,  madame  Marip-Anne  de  Soustras, 
seigneuresse  de  Mimizan,  est  marraine  d'une  fille  de  bour- 
geois (t).  On  se  prête  de  l'argent  (5),  on  se  vend  ou  on 
s'achète  des  terres  (6)  et  des  métairies;  il  se  trouvera  un 
bourgeois  pour  «  supplier  très  humblement  ^  un  noble,  dans 
son  testament  de  vouloir  accepter  une  pièce  de  pignadar  à 
Sainte-Eulalie,  à  Maunains  et  deux  autres  à  Saint-Paul  dont 

(l)  Ces  ouvrages  de  défense  sont  anciens  dans  le  pays.  Dans  le  terrier  de  Pon- 
tenx,  qui  contient  des  exporles  de  1661  à  167:^,  le  «  vireffeu  »  sert  souvent  de 
limite  aux  propriétés.  Enfin  on  trouve,  dans  la  matrice  de  Pontenx,  la  dénomi- 
nation cadasU^le  :  a  birehucg  m,  qui  assigne  à  ce  genre  de  travail  une  ancien- 
neté plus  grande  encore.  Quoi  qu'il  en  soit,  la  comparaison  que  Ton  fait  du  pare- 
feu  avec  une  espèce  de  fossé,  indiquerait  que  le  travail  n'a  pas  toujours  été  fait 
comme  il  Test  de  nos  jours. 

(2;  Arch.  not.  Acte  du  25  janvier  1770.  i 

(3)  Papiers  de  la  famille  Luxey,  à  Mézos.  Pièces  de  1787  et  années  suivantes. 

(4)  Etat  civil  de  Mimizan. 

(5)  Arch.  not.  —  Notanunent  actes  des  18  août  1719  et  15  mai  1735. 

(6)  ibid.  Acte  du  3  octobre  1739  notamment. 


—  548  — 

Tune  à  la  Martiaut  (1).  Cela,  naturellement,  n'empêchera  pas 
les  procès  ensuite  (2),  et  dame  Marie  de  Barbotan,  tout 
abbesse  qu'elle  est  de  Tabbaye  Sainte-Claire  de  Monl-de-Mar- 
san,  fera  saisir  en  1752  Jean  Saint-Martin,  un  autre  bour- 
geois, pour  des  arrérages  de  rente  (5).  Ces  revirements  dans 
la  nature  des  relations  sont  de  tous  les  temps.  Ce  qui  est  peut- 
être  plus  spécial  à  Fépoque,  ce  sont  la  haine  que  porte,  en 
1665,  dame  Isabelle  de  Sainte-Maure,  comtesse  d'Uza  et  du 
Vignac,  à  Pierre  de  Neurisse,  juge  de  la  baronnie  de  Magescq, 
pourvu  de   l'office  de  monge  et  sacristain  de  Tèglise  du 
Vignac,  et  les  vexations  qu'elle  lui  fait  subir.  Elle  lui  en- 
lève ses  bestiaux,  ses  mouches  à  miel,  ses  meubles,  elle  les 
emporte  au  château  d'Uza,  elle  fait  défense  aux  fermiers  et 
commis  dudit  sacristain  de  faire  le  service,  sous  peine  d'être 
maltraités.  On  va  jusqu'à  les  sortir  du  clocher  dont  on  enlève 
les  clés.  On  les  rendra  quelques  jours  plus  tard,  mais  par 
dérision  pure,  car  on  change  les  serrures.  Le  sacristain 
recourt  à  l'archevêque,  en  obtient  un  monitoirequi  est  publié 
à  l'église.  La  dame  y  fait  faire  des  oppositions  par  son  pro- 
cureur d'office.  On  la  cite  pour  dire  ses  causes  d'opposition: 
elle  fait  défaut.  En  présence  de  l'autorité  de  l'archevêque,  elle 
semble  pourtant  s'adoucir.  Vaine  apparence.   Le  pauvre 
sacristain  est  contraint  de  quitter  le  pays,  car,  dit-il,  «  sy 
lad.  dame  et  le  seigneur  compte  d'Uza  son  fils,  quy  sont  des 
personnes  puissantes  et  d'authoritté  dans  leur  terre  et  qui  ont 
leur  château  d'Uza  dans  lad.  parroisse  du  Yignacq,  scauoict 
que  le  suppliant  fust  un  moment  dans  ce  lieu  ils  luy  fairoict 
hoster  la  vie  comme  ils  ont  entreprins  asses  souuant  (4).  »  11 
ne  paraît  pas  que  les  bourgeois,  dans  des  circonstances  analo- 
gues, aient  employé  d'autres  modes  de  vengeance  que  des 
plaintes  adressées  aux  autorités  compétentes  et  des  procès, 

(1)  Testament  de  Henri  François  de  Saint-Martin,  du  21  novembre  1736.  (Note 
communiquée  par  M.  le  curé  de  Mimizan). 

(2)  Arch.  not.  Acte  du  S  juillet  1764. 

(3)  Note  de  M.  le  curé  de  Mimizan. 

(4)  Arcli.  derarchev.  de  Bordeaux.  Requête. 


—  549  — 

Mais  tout  autre  la  conduite  des  paysans.  Avec  eux,  quand 
les  nobles  entreprendront  de  les  tourmenter  ou  même  peut- 
être  sans  provocation,  nous  tomberons  dans  la  petite  guerre 
sournoise,  anonyme,  guerre  de  coups  d'épingle,  inoffensive 
en  somme,  qui  ne  tue  ni  ne  ruine,  mais  qui,  sans  cesse 
agissante  dans  les  moindres  riens,  énerve  et  fatigue  à  la 
longue.  Le  paysan  du  xviii'  siècle,  le  fait  est  constaté  dès 
longtemps,  ne  se  résigne  plus  facilement  à  courber  la  tête  et 
à  se  taire.  Qu'on  en  donne  telles  explications  qu'on  voudra, 
il  est  incontestable  qu'un  souffle  d'indépendance  a  passé  sur 
les  têtes.  Dès  le  début  du  siècle,  au  reste,  des  esprits  attentifs 
et  qui  avaient  su  garder  leur  liberté  de  penser  et  de  dire 
signalaient  d'une  façon  saisissante  l'évolution  rapide  à 
laquelle  ils  assistaient.  N'est-ce  pas  Fénelon  qui,  en  1709, 
disait  du  gouvernement  et  de  l'organisation  séculaires  de  la 
France  cette  parole  remarquée  :  «  La  vieille  machine  se  bri- 
sera au  premier  choc.  » 

Et  d'abord,  pris  en  masse  et  comme  membres  de  la  com- 
munauté, les  paysans,  nous  avons  eu  plusieurs  fois  occasion 
de  le  montrer,  offraient  une  résistance  très  ferme  et  la  plupart 
du  temps  très  sage  aux  empiétements  des  seigneurs.  En  1777, 
Pierre  Tassard,  seigneur  de  la  Ruade  (1),  désire  s'approprier 
par  voie  de  perprise  (2),  une  étendue  considérable  de  lande 
attenant  à  ses  vacants  sur  la  paroisse  de  Lue.  Il  a  fait  faire, 
à  cet  effet,  des  «  proclamats  et  affiches  sur  la  place  publique, 
issue  de  messe.  *  Mais  les  habitants  s'assemblent  capitulaire- 
ment  et,  considérant  que  cette  perprise  porterait  un  préjudice 
considérable  à  la  communauté,  «  soposent  formelement  à  ce 
qu'il  saproprie  en  tout  ny  en  partie  les  courgeiresdonts'agit... 
que  par  justice  il  en  soit  autrement  ordonné;  dans  laquelle 
opposition  les  comparants  sont  fondés  aux  termes  de  la  cou- 
ci)  n  agissait  au  nom  de  sa  femme  «  dame  Julie  Pic  de  Biais,  »  c'est  pourquoi 
nous  le  citons  ici.  Arch.  not.,  acte  du  23  juillet. 

(2)  Droit  qu'avait  anciennement  tout  propriétaire  d'augmenter  sa  propriété  aux 
dépens  des  terres  vacantes  qui  l'entouraient. 

Tome  XXX.  36 


—  550  — 

tume  localle,  privilèges  et  usages  de  là  juridiction,  le  soment 
de  se  renfermer  dans  les  bornes  de  ses  légitimes  posses- 
siens...  »;  faute  de  quoi  «...  les  comparants  prendront  la  voye 
rigoureuse  pour  le  faire  condamner  à  quitter  et  déguerpir...  » 
Même  conduite  à  Pontenx  en  1769.  Les  habitants  «  voyent 
avec  douleur  que  M.  le  conte  de  Rolye  s'est  porté  à  les  trou- 
bler dans  le  droit  et  la  possession  où  ils  sont  de  Tusage  des 
landes,  bois,  padouens,  passages,  herbages  et  foreslages  de 
ladite  seigneurie,  réglés  entre  l'auteur  dudit  seigneur  et  les 
deuan tiers  desdits  habitans»,  de  même  que  ceux  achetés  par 
transaction  du  10  nove  iibre  1599  (1).  M.  de  Rolye  prétendait 
se  faire  payer  certaines  contributions  à  raison  de  la  jouissance, 
par  les  habitants,  de  ces  landes  qui  leur  appartenaient. 
Gomme  ceux-ci  résistent,  une  plainte  est  faite  «  en  la  maîtrise 
particulière  de  Guienne.  »  La  communauté  nomme  un  syndic 
pour  soutenir  le  procès  (2).  En  vain  M.  de  Rolye,  qui  peut- 
être  sentait  sa  cause  mauvaise,  essaie-t-il  d'intimider  le  syn- 
dic; celui-ci  refusant  d'agir,  on  le  remplace  par  un  autre  (5). 
A  Mézos,  en  1760,  Pêtre  et  Magnes  qui,  en  leur  qualité,  l'un, 
d'acquéreur  de  terre  noble,  l'autre,  d'ancien  garde  du  corps, 
ainsi  que  nous  Tavons  dit,  tranchaient  du  gentilhomme,  pré- 
tendent imposer  aux  habitants  des  rôles  de  taille  arbitraire- 
ment dressés  par  eux,  concurremment  avec  le  collecteur  qui 
était  à  leur  dévotion.  Mais  les  habitants  ne  s'y  méprennent 
pas  et  font  preuve  d'une  grande  présence  d'esprit.  Ils  se 
retirent,  protestent  et  malgré  des  essais  de  récidive  de  la  part 
de  ces  messieurs,  obligent  le  collecteur  à  faire  les  rôles  sui- 
vant les  formes  (4). 

(1)  Cette  transaction  aurait  détruit  les  effets  d'un  arrêt  de  la  cour  de  parlement 
de  Bordeaux  du  8  avril  1596,  rendu  contre  les  «  syndicqs  des  paroisses  de  Saint- 
Paul,  Sainte-Aulaye,  Àureillan,  Castes,  Pontenx  et  Parentis,  et  aux  termes 
duquel  le  seigneur  de  Rollie  avait  été  autorisé  à  bailler  à  fief  les  landes,  vacants» 
boscs,  padouensages,  herbages  et  forestages,  aux  fins  destre  réduits  en  oulture.  o 
Papiers  de  madame  veuve  Delest,  à  Pontenx.  Aveu. 

(2)  Aroh.  not.  Acte  du  4  mai  1769. 

(3)  Arch.  not.  Acte  du  23  juillet  1769. 

(4)  Ibid.  Acte  du  2  mars  1760. 


—  551  — 

La  lutte  est  plus  longue  et  plus  mouvementée  encore  à 
Mimizan.  Quelles  exigences  n'avait  pas  M.  Buvignac?  nous 
avons  vu  ses  prétentions  vis  à  vis  du  curé  et  des  habitants.  Il 
avait  fait  publier  «  clandestinement  (ce  sont  les  habitants  qui 
parlent)  un  dénombrement  très  préjudiciable  à  la  commu- 
nauté. »  Celle-ci  y  forme  une  opposition  énergique. 

Ils  demandent  qu'on  raye  du  dénombrement  ce  qui  concerne  la  taxe 
des  vin,  pain,  viande,  poisson  et  autres  choses.  Ils  font  opposition 
pour  le  droit  d*herbage  sur  les  bestiaux  des  pasteurs  béarnais  et  étran- 
gers, pour  les  droits  de  carnelage  sur  les  bestiaux  étrangers  ou  sur 
ceux  de  la  paroisse...  Ils  s'opposent  à  ce  qu'il  s'arroge  le  droit  défaire 
porter  le  poisson  dans  sa  maison,  l'usage  étant  qu'on  doit  le  porter  sur 
la  place  publique  pour  y  être  vendu  publiquement  aux  habitants  de 
Mimizan  par  préférence  aux  étrangers;  à  ce  qu'il  ait  d'autres  droits 
dans  la  paroisse  que  celui  de  la  justice  et  des  honneurs  qui  lui  sont 
dus;  à  céqueledit  du  Vignae  ait  le  droit  de  posséder  noblement  lamaison 
qu'il  prétend  seigneuriale,  ni  autres  biens,  ne  les  possédant  que  comme 
un  des  habitants,  étant  cotisé  à  la  taille  et  autres  impositions  du  roi. 
Ils  s'opposent  enfin  à  ce  que  ledit  du  Vignae  puisse  posséder  le  grand 
et  le  petit  bois  dcMaumen  et  autres  landes  vacantes,  le  tout  appartenant 
à  la  communauté  (1). 

Ceci  se  passait  au  commencement  de  1731.  Un  long  pro- 
cès s'ensuivit  pour  lequel  la  communauté  s'endetta.  En 
4  ans,  elle  emprunta  1902  livres  (2).  Enfin  au  commence- 
ment de  1735,  elle  obtint  un  arrêt  contre  le  seigneur  (3). 
Malgré  cela  Du  vignae  exigeait  encore  que  les  pêcheurs  lui 
portassent  le  poisson  préalablement  à  Texposition  qui  en 
était  faite  pour  la  vente,  sur  la  place  publique  (4). 

Messire  Jean  Estienne  Forest  Colomb,  seigneur  de  Bouri- 
cos,  est  bien  exigeant  aussi  vis-à-vis  des  habitants.  Etant 
«  seul  fonctier  »  de  la  paroisse,  «  il  a  pris  la  précaution  de 

(1)  Communiqué  par  M.  le  curé  de  Mimizan. 

(2)  Arch.  not.  Actes  des  26  mai  1733,  15  février  et  7  mai  1734,  26  avril  1735. 
Le  remboursement  fut  long  et  difficile.  C'est  seulement  quarante  ans  plus  tard 
que  la  communauté  put  se  libérer  entièrement.  Arch.  not.,  actes  des  17  juillet 
1740, 16  août  1767, 16  mars  et  20  septembre  1772. 

(3)  Arch.  not.,  acte  du  26  avril  1735. 

(4)  Ibid.,  acte  du  31  mai  1738. 


—  552  — 

faire  faire  un  parefeu  tout  à  Tenlour  et  à  une  cerlaine  dis- 
tance des  pignadars  qu'il  possède  »,  et  voilà  que, 

au  mépris  de  Tarrest  de  la  cour  de  parlement  de  Bordeaux  concernant 
lesincendies  à  la  date  du  16  juin  1755,  les  pasteurs  ont  eu  la  témérité  de 
mètre  le  feu  le  17  mars  1778  à  la  lande.  Sy  le  feu  avait  eu  la  même  force 
qu'il  auroit  dans  une  autre  saison  il  auroit  infailliblement  insendié 
toute  la  paroisse  de  Bouricos. 

Voilà  le  danger  couru;  voici  le  remède  appliqué  : 

Défense  de  mener  les  bestiaux  sur  la  lande  en  quel  tems  et  saison 
que  ce  ce  soit,  prohibition  aux  habilans  de  ne  pas  entrer  ny  se  prome- 
ner eux  mêmes  ny  aucun  de  leurs  familles  dans  lesdits  biens  ny  sur 
la  lande  pour  quelque  cause  ou  raison  que  ce  puisse  être,  étant  sensé 
et  positif  que  toutes  les  fois  qu'ils  y  vont  ce  n*est  que  pour  y  faire  quel- 
quelque  avarie...  faute  de  quoi  les  bestiaux  seront  pignorés  et  menés 
au  parcq  de  justice,  pour  être  ensuite  procédé  contre  les  délinquants 
aux  formes  de  droite  et  pour  eux,  s'ils  y  sont  surpris,  il  prendra  contre 
eux  la  voix  (aie)  rigoureuse  de  la  justice  dans  Tobjet  de  les  faire  punir 
comme  perturbateurs  du  repos  peubliq  et  incendiaires.  [Au  surplus] 
il  n'entant  pas  priver  les  habitants  de  passer  par  les  chemins  peubliqs 
etautres routes  ordinaires  pourallerdans  les  paroisses  circon voisines (1). 

En  effet  il  n'eût  plus  manqué  que  cela.  Ne  se  trouvait-il 
donc  pas  près  de  M.  Foresl  Colomb  quelque  ami  dévoué 
pour  lui  rappeler  que  la  colère  est  mauvaise  conseillère? 

Pris  isolément,  les  paysans  ont  des  rapports  fréqnents  avec 
les  gentilshommes.  Non  seulement  ils  sont  fermiers  et  méta- 
yers des  seigneurs,  mais  ceux-ci  ne  dédaignent  pas  de  faire 
avec  eux  ces  arrangements  si  communs  dans  les  Landes  et 
qui  y  portent  les  noms  de  «  gazailles,  »  de  «  consorces.  » 
Le  seigneur  deMimizan,  Duvignac,  fait  en  1721,  une  «con- 
sorce  d'abeilles  »  avec  un  paysan.  Chacun  d'eux  met  en  un 
apier  cinquaate  ruches,  pour  sept  ans.  Le  paysan  devra  les 
soigner  «  eu  bon  père  de  famille,  »  et,  pour  sa  peine,  il 
prendra  une  parlie  des  bénéfices  en  plus  de  ceux  qui,  de  même 

(1)  Arûh.  net.,  acte  du  20  mars  1778. 


—  553  — 

que  les  frais,  seront  partages  par  moitië  (1).  Les  gazailles  de 
bestiauxnesoDtpas  précisément  rares  non  plus  (2).  M.  de  Rolye, 
en  \  770,  fait  le  commerce  des  bœufs  avec  un  paysan.  11  lui  four 
nil  moilié  de  Targent  nécessaire;  on  partage  le  gain  et  la 
perte  (3).  En  1778  (4),  il  partage  avec  un  cabaretier  de  Castes 
«  un  pignadar,  brocar  et  places  vuides  »,  qu'ils  possédaient 
indivisément.  En  1779,  nous  le  voyons  presque  faire  de  la 
banque.  Un  hboureur  de  Mimizan  avait  déposé  entre  ses  mains 
une  somme  de  3,000  livres  quMl  parait  lui  rembourser  ensuite 
au  fur  et  à  mesure  de  ses  besoins  (5). 

Par  la  création  des  forges  qui  jusqu'à  nos  jours  n'ont  plus 
cessé  de  fonctionner,  M.  de  Rolye  peut  être  considéré  comme 
un  des  bienfaiteurs  du  pays.  Sa  sollicitude  pour  ses  ouvriers 
se  révèle  dans  une  pièce  où  il  est  question  de  la  fondation 
d'une  chapelle  près  de  son  établissement  métallurgique. 
?a  forge  est  distante  de  l'église  «  d'une  grosse  demi  lieue,  » 
dit-il;  «  il  a  veu  avec  bien  de  la  paine  que  parmy  la  grande 
quantité  du  monde  qui  ce  trouve  occupé  au  travail  beaucoup 
ne  se  rendoient  pas  à  la  messe  les  dimanches  et  festes,  surtout 
en  hiver.  Il  y  a  d'ailleurs  des  gens  proposés  pour  la  garde  du 
fourneau  qui  ne  peuvent  pas  le  quitter.  C'est  pourquoi  il  a 
faitbatlir  une  chapelle  à  la  forge  »  (6).  S'il  chasse  et  maltraite 
des  ouvriers  des  fourneaux  et  forges  d'Uza,  vers  la  même 
époque,  c'est  probablement  parce  que  ceux-ci  venant  extraire 
du  minerai  à  Mimizan  pour  le  compte  du  seigneur  d'Uza, 
leur  maître,  il  les  considérait  comme  empiétant  sur  sa  pro- 
priété (7). 

Au  commencement  du  xvm*  siècle,  le  comte  d'Uza  fonde 
une  mission  dans  l'église  de  Vignac.  On  la  fait  tous  les  douze 


(1)  Arcb.  not.  Actes  des  25  mars  1721  et  6  février  1736. 

(2)  Ibid.  Acte  du  20  avril  1729  notamment. 

(3)  Ibid.  Acte  du  23  juiUet  1770. 

(4)  Ibid.  Acte  du  7  septembre  1778. 

(5)  Ibid.  Acte  du  1"  mai  1779. 

(6)  Arch.  de  Tarchev.  de  Bordeaux,  Requête  du  10  janvier  1770. 

(7)  Ine.  6om.  des  arch,  du  dép,  des  Landee,  B.  19, 


—  564  — 

ans  (1).  Gomme  les  curés,  les  seigneurs  permetteot  à  certains 
paysans  de  faire  faire  parle  notaire  leurs  actes  au  château  (2), 
et  parfois  même  ils  consentent  à  servir  de  témoins  (5).  En 
1773,  M.  de  Rolye  marie  son  jardinier  avec  une  de  ses  filles  de 
service.  Il  assiste  naturellement  au  mariage  et  signe  Tacte  de 
rétat  civil  (4).  En  1771,  le  seigneur  de  Bouricos  assiste  de 
même  au  mariage  d'une  de  ses  filles  de  service  (5).  Messire 
de  Gastetja,  seigneur  de  Mëzos,  est  moins  heureux  dans  le 
mariage  d'un  paysan,  qu'il  projette  concuremment  avec  le 
curé.  Maurice  Gaule  doit  épouser  Marie  Barbeyron.  11  est  con- 
venu que  le  mariage  se  fera  au  commencement  de  mars. 
Mai  arrive  et  toutest  sur  le  point  de  se  rompre.  G'est  que  le  père 
Barbeyron,  dont  la  conduite  est,  parait-il,  des  plus  irrégulières, 
<  voulant  mettre  le  comble  à  ses  dérèglements  dont  il  suit  le 
torrent,  s'est  retracté  et  désavoue  les  conventions  qui  sont 
l'ouvrage  de  deux  personnes  respectables  »  (6).  M.  d'Artigue 
d'Ossaux,  enfin  vers  1752,  paie  annuellement  35  1. 10  s.  de 
pension  pour  la  nourriture  et  l'entretien  d'un  orphelin  de 
Bias  (7). 

A  côté  de  ces  bons  procédés  certaines  brutalités  de  paysans 
vont  forcément  détonner.  Gonstituaient-elles  de  la  haine  pure 
et  simple  et  sans  motif  avouable  ou  bien  une  vengeance  ayant 
un  semblant  de  légitimité?  La  provocation  pouvait  venir  non 
seulement  des  nobles  eux-mêmes,  mais  encore  de  leurs  agents  : 
gardes,  receveurs,  fermiers;  carsouvent  pour  se  décharger  du 
soin  et  des  difficultés  de  recouvrement  des  renies  qui  leur 
étaient  dues,  les  nobles  affermaient  ces  rentes  moyennant  une 
somme  fixe  à  un  tiers  qui  entrait  alors  directement  en  rapport 
avec  les  tenanciers.  Ges  intermédiaires  se  montraient  souvent 


(1)  Arcb.  de  l'archev.  de  Bordeaux,  visite. 

(2)  Arch.  not.  Acte  du  12  juin  1775  notam. 

(3)  Ibid.  Acte  du  28  septembre  1739  notara. 

(4)  Etat  civil  de  Pontenx. 

(5)  Arch.  not.,  acte  du  28  octobre  1771. 

(6)  Ibid.  Acte  du  7  mai  1779. 

(7)  Note  de  M.  le  curé  de  Mimixan. 


—  555  — 

insupportables.  Leur  arrogance  était  même  parfois  d'autant 
plus  grande  que  la  situation  de  leurs  maîtres  était  moins  bri^ 
lante.  Nous  avons  sous  les  yeux,  en  écrivant  ceci,  des  reçus  de 
lods  et  ventes  délivrés  par  Thumble  receveur  d'une  humble 
famille  noble.  Ce  personnage  s'exprime  ainsi  :  «Je  soussigné, 
receveur.,.,  reconnais  avoir  reçu  de  Tacquéreur dénommé... la 
somme  de. . .,  à  quoifaibien  voulu  me  restreindre.  »  Ailleurs  il 
écrira  :  «  à  quoi  j'ai  modéré  le  droit  seigneurial  (1  )  » .  Des  imper- 
tinences dans  ce  goût-là  peuvent  expliquer  bien  des  petites  cho- 
ses. Ne  dirai t*on  pas,  en  vérité,  le  :  «  car  tel  est  notre  f^isir,  » 
du  roi  lui-même?  Le  comle  de  Rolye  avait  en  1769  un  garde 
dont  les  exploits  ont  dû  soulever  plus  d'une  colère.  Pierre 
Robin,  c'était  son  nom,  se  qualiOait  tantôt  :  «  garde  des  eaux 
et  forêts  » ,  tantôt  plus  modestement  :  «garde  chasse»  (2).  C'est 
lui  qui  verbalise  notamment  contre  les  habitants  qui  refusent 
de  payer  les  contributions  exigées  par  son  matlre;  c'est  lui  qui 
pignore  les  bestiaux  surpris  dans  les  propriétés  de  M.  de  Rolye. 
Peutélre  verbalise-t-il  encore  à  la  suite  d'un  vol  de  fer  et  d'acier 
fait  aux  forges  (5).  Bref,  «  le  20  mars  1776,  jour  de  mercredy, 
à  six  heures  du  matin,  un  inconnu  tire  sur  lui  un  coup  de 
fusil  dans  le  bois  de  la  Tareyre  »  (4).  Sans  doute  on  voulait  ainsi 
lui  faire  payer  ses  dettes,  capital  et  intérêts.  Le  coup  manqua^ 
car  on  revoit  la  victime  dans  la  suite.  M.  de  Rolye  dut  cer* 
tainement  faire  rechercher  l'auteur  de  l'attentat,  qu'il  ne 
parait  pas  toutefois  avoir  découvert.  M.  Duvignac  avait  été 
plus  heureux  auparavant,  dans  un  cas  analogue.  Le  7  octo- 
bre 1736, 

il  auroit  donné  ordre  à  son  domestique  de  mettre  un  cheval  robe  iza- 
belle  au  vert...  lequel  seroit  entré  avecq  d'autres  chenaux  dans  le  champ 
que  trauaille  Simon  de  Menant  dit  hillote destain  laboureur...  auquel 
ledit  Menaut  auroit  tiré  ou  fait  tirer  un  coup  de  f uzj  a  gros  plom,  tel- 

(1)  Papiers  de  l'auteur,  pièce  de  1786. 

(2)  Arch.  not.  acte  du  4  mai  1769. 

(3)  Ibid.  Acte  du  9  décembre  1776. 

(4)  Etat  civil  de  Pontenx,  notes  de  Dufau. 


—  556  — 

lôment  que  ledit  cheval  se  trouve  blessé  aux  quatre  jambes,  aux  ja- 
rets,  aux  cuisses  et  au  flan,  tellement  qu'il  est  à  craindre  qu'il  ne 
meure  desdites  blessures. 

M.  Duvignac  abandonne  le  cheval  à  Menaul, 

pour  en  faire  ce  qu'il  trouvera  à  propos  et  pour  cest  effet...  luy  dé- 
clare qu^il  va  faire  mettre  tout  présentement  ledit  cheval  ches  Jean  de 
St  Jours,  tailleur  d'habits...,  pour  qu'il  le  traite  aux  périls,  risques  et 
fortunes  dudit  Menaut. 

Au  surplus,  il  se  réserve  «  de  se  pourvoir  contre  luy  ainsy 
qu'il  auizera  pour  le  contraindre  au  paiement  dud.  cbeua), 
protestant. ••  de  tous  les  dèpans,  domages  et  intrels  »  (i).  Et 
dès  lors  on  n'entend  plus  parler  de  rien.  11  y  a  lieu  de  croire 
que  raffaire  s'arrangea  comme  s'arrangeaient  la  plupart  du 
temps  à  celte  époque  ces  affaires  qui  s'annonçaient  à  leur 
début  comme  devant  être  grosses  de  conséquences.  C'est  ainsi 
qu'en  1775  «certains  quidams»  ayant  «  thué  pareillement 
d'un  coup  de  fusil  une  vache  »  qu'un  sieur  Raba,  de  Pon- 
Xenx,  destinait  à  la  boucherie,  on  convient  d'un  prix  pour 
étouffer  toute  tentative  de  procès  (2). 

En  outre  de  ces  agents  et  de  ces  gardes,  les  seigneurs  avaient 
encore  à  leur  dévotion  la  plupart  des  officiers  de  justice  qu'ils 
nommaient  et  les  notaires.  «Chaque  gentilhomme  »,dit  Loyseau 
«veut  avoir  son  notaire  à  sa  porte  qui  refera  trois  fois  s'il  est 
besoin  son  contrat  de  mariage  ou  lui  fera  tant  d'obligations 
antidatées,  si  les  affaires  se  portent  mal,  ou  s'il  y  a  un  coup  à 
faire  :  notaire  qui,  de  longue  main,  se  pourvoit  de  témoins 
aussi  bons  que  lui,  ou  bien  qui  en  sait  choisir  après  leur 
mort  de  ceux  qui  ne  savoient  signer».  En  1656,  on  peut 
dire  de  m*  François  de  Castetja  qu'il  est  le  •  procureur  d'of- 
fice et  domestique  ordinaire  "»  de  la  comtesse d'Uza.  En  1731, 
Duvignac,  seigneur  de  Mimizan,  octroie  provision  de  procu- 


(1)  Aroh.  not.  Acte  du  8  octobre  1736. 

(2)  Ibid.  Acte  du  21  août  1775. 


—  557  — 

reur  d'office  dans  les  termes  suivants^  qu'il  est  iatèressant  de 
relever  : 

Nous  Jean  Marcq  Davignac,  seigneur  haut  justicier  delà  juridiction 
de  Mimizan,  scauoir  fesons  que  nous  étant  bien  informé  des  bonnes 
vie  et  mœurs  et  religion  catholique  apostolique  et  romaine  de  la  per- 
sonne de  Pierre  Texoeres,  praticien,  nous  lui  avons  donné,  concédé, 
donnons,  concédons  par  les  présentes  TEstat  et  office  de  notre  procu- 
reur de  notre  seigneurie  dudit  Mimizan  et  juridiction  d'icelle,  séné- 
chausée  de  Tartas,  à  présent  vacant  par  le  décès  de  feu  Antoine  de 
Loupit,  dernier  procureur  dudit  office,  pour  par  ledit  Texoeres  en 
jouir  et  user  et  dors  en  avant  exercer  tant  qu'il  nous  plaira  aux  hon- 
neurs et  authorités,  prérogatives,  pouuoirs,  fonctions,  prééminences, 
franchises,  libertés,  droits,  profits,  revenus,  émoluments,  qui  appar* 
tiennent  audit  office  de  procureur  de  ladite  juridiction;  et  pour  cette 
effet,  consentons  qu'il  se  fasse  recevoir  audit  office  à  toutes  heures  et 
qu'il  se  fasse  installer  dans  la  possession  et  jouissance  dudit  office 
pour  en  jouir  pleinement  et  paisiblement  comme  dessus.  En  foi  de  ' 
quoi  nous  avons  signé  et  fait  signer  notre  secrétaire  ces  présentes  et 
sceller  apposer  notre  sceau  et  armes  pour  valoir  et  servir  en  faveur  du 
dit  Texoeres.  —  Donné  à  Mimizan,  dans  notre  maison  seigneuriale^ 
le  huitième  mai  1731  (1). 

En  1772,  le  seigneur  de  Pontenx  nomme  lieutenant  de  juge 
un  notaire  du  lieu,  maître  Dufau  (2). 

EnQn  il  y  avait  les  domestiques.  Chez  M.  de  Rolye,  à  Pon- 
tenx, on  en  compte  un  certain  nombre  :  un  jardinier,  un 
maître  d'hôtel,  des  valets  d'écurie.  Vers  1771,  il  y  a  même  un 
gardien  des  archives  (3).  M.  Duvignac  possède  un  valet  de 
chambre  en  1730.  Comme  dans  les  grandes  maisons,  il  paraît 
y  avoir  pour  les  domestiqu'îs,  chez  Mme  deCaupenne  d'Amou, 
une  certaine  étiquette.  On  trouve  parmi  le  linge  6  nappes 
grosses  pour  la  cuisine. 

Arrivé  où  nous  en  sommes,  jetons  maintenant  un  rapide 


(1)  Papiers  de  la  famille  Texoeres,  à  Mimizan.  Note  communiquée  par  M.  le 
curé  de  Mimizan. 

(2)  Etat  civil  de  Pontenx.  Notes  dudit  Dufau. 

(3)  Arch.  not.  Acte  du  8  juin  1771. 


—  558  — 

regard  sur  Teûsemble  des  faits  que  nous  avons  groupés, 
afin,  s'il  est  possible,  d'en  dégager  une  conclusion.  Cette  con« 
clusion,  si  nous  nous  souvenons  ici  des  remarques  faites  en 
leur  place,  s'impose,  il  nous  semble,  dès  rabord  :  la  noblesse 
landaise  du  siècle  dont  nous  nous  occupons  est  peu  brillante 
à  tous  points  de  vue.  Ses  châleaux  ne  sont  que  des  maisons 
un  peu  plus  confortables  que  les  autres,  mais  qui  n'ont  guère  de 
noble  que  le  nom.  Ses  propriétés  sont  peut-être  considérables 
en  étendue,  mais  d'un  rapport  médiocre.  Ses  droits  seigneu- 
riaux peu  nombreux  sont  tout  à  fait  insignifiants  comme  pro- 
duit, même  y  compris  les  lods  et  ventes,  qui  exceptionnelle- 
ment peuvent  lui  procurer  quelques  réels  avantages.  Aussi, 
elle  s'occupe  et  travaille.  Certains  trafics  même,  qui  eussent 
été  une  cause  de  dérogeance  aux  époques  antérieures,  lui 
sont  familiers.  Son  instruction,  à  tout  prendre,  est  faible; 
mais  elle  semble  être  demeurée  à  l'abri  de  l'impiété  et  des 
mauvaises  mœurs  du  siècle.  Il  est  vrai  qu'elle  est  redevable 
de  cet  état  d'esprit,  non  pas  tant  probablement  à  la  profondeur 
des  ses  convictions  qu'à  la  situation  écartée  du  pays  et  à  la 
vie  primitive  et  rude  qui  s'y  perpétue.  Quelques  faits  de  vio- 
lence et  d'arbitraire  jalonnent  encore  de  loin  en  loin  le  terrain 
de  ses  rapports  avec  le  clergé  et  la  classe  non  privilégiée; 
mais  les  idées  de  droit,  de  justice,  de  modération,  de  bien- 
veillance même,  tendent  de  plus  en  plus  à  prendre  le  dessus. 
Peut-être  cependant  n'y  a-t-il  pas  lieu  de  lai  en  savoir  trop 
de  gré.  Elle  subit  sans  doute  ce  progrès  plus  qu'elle  ne  l'ac- 
cepte. Le  temps  a  marché,  le  peuple  a  gagné  du  terrain,  elle 
en  a  perdu.  Par  suite  de  l'assistance  que  prête  la  royauté  au 
peuple,  ses  prétentions  viennent  souvent  se  heurter  contre 
le  bon  droit  éclairé  et  opiniâtre  des  communautés,  voire  du 
premier  venu.  En  somme,  elle  se  rapproche  rapidement  de  la 
bourgeoisie.  Ce  qui  l'en  distinguera  toujours,  ce  que  ne  pour- 
ront lui  ravir  ni  les  révolutions,  ni  les  essais  de  nivellements 
sociaux,  ce  sont  les  traditions  de  famille,  ces  traditions  qui 


—  569  — 

font  sa  réelle  distiDction,  sod  indiscutable  grandeur.  —  En 

sorte  qu'on  peut  dire  avec  Challamel  :  «  Le  seigneur  de 

village  n'est  plus  dans  sa  paroisse  que  Tombre  de  Tancien 

châtelain;  il  n'administre  plus,  ne  surveille  plus,  n'applique 

plus  les  lois  générales  de  l'Etat,  n'y  assemble  plus  la  milice, 

n'y  lève  plus  les  taxes,  n'y  publie  plus  les  mandements  du 

prince,  n'en  distribue  plus  les  secours.  Le  seigneur  n'est  qu'un 

premier  habitant.  » 

Georges  BEAURÀIN. 


LETTRES    INEDITES 

DE  QUELQUES  MEMBRES 

DE  LA  FAMILLE  DE  MONLUG^*^ 

(Suite  et  fin.) 


IV 

Arreat  du  Conseil  d* Estai  de  Navarre  d^ entre  M,  le  comte  de 
Carmain  et  les  habitants  de  la  Vallée  d^ Andorre, 

Entre  messire  Adrian  de  Monluc,  comte  de  Carmain,  senechal  et 
gouverneur  pour  le  Roy  en  ses  oomtez  de  Foix  et  terres  souveraines 
û'Andorre  et  Donezain,  demandeur  pour  estre  maintenu  en  sa  charge 
de  gouverneur  de  la  vallée  d'Andorre,  conformément  à  ses  provisions 
et  celles  de  ses  prédécesseurs  en  la  dicte  charge,  d'une  part,  et  les  habi- 
tans  de  la  dicte  vallée,  deffendeurs  d'autre; 

Veu  par  le  Roy  en  son  conseil  l'arrest  d'icelluy  du  23*  jour  de  jan- 
vier 1617,  donné  sur  la  requeste  du  dict  sieur  comte,  tendant  à  ce  que 
attendu  le  reffus  desdicts  habitans  de  le  recognoistre  comme  gouver- 
neur de  la  dicte  vallée  il  pleust  à  Sa  Majesté  y  pourveoir,  par  lequel 
arrest  auroit  esté  ordonné  que  dans  deux  mois  après  la  signification 
d'icelluy  aux  consulz  d'Andorre,  ilz  deputeroient  par  devers  elle  telle 
personne  qu'ilz  adviseroient  bon  estre  pour  aporter  leurs  privilèges  ou 

(*}  Yoif  cHdssttS,  p.  525r 


—  658  — 

regard  sur  Pensemble   des  ^'         ^  >«  desqtielz  ilz  prétendent 
afin,  s'il  est  possible.  **'  ^P^^^emeur  pour  iceux;  veuz  et 

clusion.  si  nou^  ^,,:^'';:^:!:^f'^  ^^^^^  «^  ^  »"^i^*  «stre  or- 

leur  place  ^.^/^';h'^^^'^^^^®^^^^"  ^"^^^^  ^^^^^  ^^^^^  ^^^ 

,  .  .-^V^*S*^^f'''^*^IWe  29  décembre  audict  an  aveccom- 

laimdibt-  cr-^^;;^'^^^^  /«  ^i^^  <^«lay;  autre  ari-est  du  Conseil  en 

a  lOUf  /*":^,'r^'^Y  y*'''''  .^(?iiné  sur  la  requeste  des  habitans  requerans 

un  r  >^';'p''^'^J//-'^^t,ininandeaient  ayant  envoyé  exprès  par  devers 

D^  x^/A'  '^'V/ >' '*''  de  1^^^  communauté  avec  leurs  privilèges  et  exemp- 

^^"^^^^'^Ct^i^^^^^  ^^  aoust  1598  il  luy  plaise  pour  les  conside- 
'^' [' et^'  f^aes  les  maintenir  et  garder  en  la  faculté  et  jouissance 
^^,7//^.^' ^^iicu lierement  en  l'exemption  qu'ils  ont  et  ont  tousiours 
^v^"^'  ^jiduitz  et  gouvernez  conjoincteraent  par  les  officiers  com- 
eii  ^^^5.  M.  et  du  ^ieur  evesque  d'Urgel  en  tout  temps  soit  de  paix 
^^A  g^^^^  ^^^  avoir  autre  gouverneur,  et  que  ceux  qui  ont  esté  cy 
^^rani  sénéchaux  de  Foix  aient  eu  aucun  pouvoir,  jurisdiction  et  com- 
^^fiement  sur  eux,  avec  deffenses  audict  sieur  comte  de  Carmaing 
Je  Jes  inquiéter  ou  molester  pour  ce  regard  ny  s'ingérer  de  prendre 
aucune  auctorité  en  ladicte  qualité  de  gouverneur  en  ladicte  vallée 
d'Andorre,  par  lequel  arrest  auroit  esté  ordonné  que  le  sieur  Caute, 
ayant  charge  des  affaires  dudict  sieur  comte  de  Carmaing  en  cette  ville^ 
auroit  communication  desdicts  privilèges  et  lettres  patentes  et  que 
d'icelles  seroient  faictes  copies  pour  estre  envoiées  et  pareillement  com- 
muniquées audict  sieur  comte  de  Carmaing  afin  de  dire  par  luy  sur 
icelles  tout  ce  que  bon  luy  sembleroit,  et  ce  dans  trois  mois,  pour  sur  le 
tout  estre  faict  droict  aux  parties  ainsi  que  de  raison;  Requeste  présen- 
tée par  lesdicts  habitans  tendant  à  ce  que  ledict  sieur  comte  bien  que 
demandeur  originaire  n'ayant  daigné  comparoir  pour  justiffier  les  fins 
de  ses  demandes  et  prétentions  dans  le  dici  temps  et  delay  de  trois  mois 
pendant  lequel  lesdits  députez  ont  depuis  séjourné  à  la  suitte  du  conseil 
à  grands  frais  et  despens,  il  plaise  à  Sa  Majesté  les  conserver  en  leurs 
droicts,  privilleges  et  exemptions,  faire  deffenses  audict  sieur  oomle  de 
les  y  troubler,  et  outre  le  condamner  au  remboursement  de  leurs  frais 
et  despens  ou  autrement  y  pourvoir  par  Sa  Majesté;  Mémoires  et  ins- 
ti-uctions  envoiées  au  Conseil  de  Sa  Majesté  par  le  dict  sieur  exjmte  de 
Carmaing  après  avoir  par  luy  eu  communication  desdicts  privilèges  et 
lettres  patentes  desdicts  habitans  pour  monstrer  et  justifier  que  les  actes 
et  prétendus  privilèges  desdicts  habitans  sont  contraires  à  ce  qu'ils  ont 
mis  en  avant  et  particulièrement  à  ce  qu'ilz  prétendent  estre  exemptz 
de  le  reoognoistre  comme  gouverneur;  Requeste  présentée  par  lesdicts 


—  561  — 

habitons  de  là  vallée  d'Andorre  au  dict  sieur  comte  de  Cannaing  en 
la  dict*  qualité  de  gouverneur  pour  Sa  Majesté  au  pays  de  Foix  et  terres 
souveraines  de  Donezan  et  Andorre  tendant  à  ce  qu'il  lay  pleust  les 
descharger  d'un  droict  de  Gabelle  que  ledit  comte  pretendoit  lever  sur 
eux,  au  bas  de  laquelle  requeste  qui  est  signée  des  consulz  de  la  dicte 
vallée  est  Tappointement  dudict  sieur  comte  signé  de  sa  main  le  30  no- 
vembre 1611,  par  lequel  il  est  ordonné  que  lesdicls  habitans  f croient 
apparoir  des  privilèges  mentionnés  en  icelle;  ung  extrait  de  convention 
ou  concordat  escrit  en  parchemin  passé  entre  Roger  Bernard,  comte  de 
Foix,  et  ledict  evesque  d'Urgel,  le  sixiesme  jour  de  septembre  1278,  sur 
plusieurs  et  diverses  questions,  demandes  et  contentions  qui  estoient 
entre  eulx  touchant  la  vallée  ou  les  vallées  d'Andorre;  ung  autre  extraict 
en  parchemin  d'une  information  faicte  en  Tan  1346  non  signé  sur  les 
prétendus  debalz  et  differens  entre  lesdicts  sieurs  comte  de  Foix  et  eves- 
que d'Urgel;  lettres  patentes  du  feu  Roy  Henri  le  Grand,  expédiées 
soubs  le  seing  et  scel  de  Navarre  le  xxv®  jour  d'aoust  1598,  obtenues  par 
lesdicts  habitans  sur  les  remonstrances  qu'ils  auroient  faict  à  Sa 
Majesté  qui  par  autres  ses  lettres  patentes  du  xvi«  de  febvrier  au  dict 
an  expédiées  au  dict  sieur  vicomte  de  Mirapoix  pour  lestât  et  charge 
de  gou  vernenr  du  comté  de  Foix,  vallée  de  Pamiers  et  terres  adjacentes, 
lesdictes  vallées  d'Andorre  y  aiant  esté  comprises,  ilz  craignoient  que 
la  dicte  expression  dans  ledict  pouvoir  fist  préjudice  à  la  liberté  du  pai- 
rage  d'entre  Sa  Majesté  et  le  dict  d'Urgel  (sic),  par  lesquelles  Sa  dicte 
Majesté  déclare  par  lesdictes  provisions  expédiées  audict  sieur  vicomte 
de  Mirapoix  n'avoir  entendu  ny  entendre  prejudicier  directement  ny 
indirectement  aux  privilèges,  libertez,  franchises  et  immunitez  desdicts 
habitans,  ains  veult  qu'ilz  en  jouissent  plainement  et  paisiblement  et 
tout  ainsy  qu'ont  faict  leurs  prédécesseurs  et  eux  sous  les  autres  séné- 
chaux et  gouverneurs  dudict  comté;  autre  requeste  présentée  au  Con- 
seil par  lesdits  habitans  contenant  leurs  contredits  aux  raisons  et 
moiens  alléguez  par  ledict  sieur  comte  de  Carmain  ;  copie  des  lettres 
patentes  d'Anthoine  et  Jeanne,  Roy  et  Reyne  de  Navarre,  données  à 
Paris  le  xxv  febvrier  1556,  par  lesquelles  leurs  Majestés  ont  pourveu 
Jacques  de  Villommil,  sieur  et  baron  de  Pailles,  de  Testât  et  charge  de 
gouverneur  et  lieutenant  gênerai  pour  leurs  Majestés  es  comté  de  Foix, 
terres  et  pays  de  Donezan  et  d'Andorre,  en  fin  de  laquelle  copie  est 
l'acte  de  prestation  de  serment  es  mains  de  Sa  Majesté,  par  ledict  sieur 
de  Pailles  pour  raison  desdit  estât  et  charge;  Extraict  du  concordat  faict 
en  la  ville  de  Tarascon  en  Foix,  régnant  Philippe  roy  de  France  en 
l'année  1275,  entre  Roger  Bernard,  comte  de  Foix,  d'une  part,  et  les 


—  562  — 

habitans  des  vallées  d'Andorre,  par  lequel  ledict  Roger  Bernard  leur 
remet  et  quitte  le  droict  Cugutia,  lequel  il  souloit  prendre  sur  t9us  les 
hommes  et  femmes  desdites  vallées,  moyennant  ce  que  lesdicts  habitans 
luy  donnèrent  toute  justice  sur  eux  haute,  moyenne  et  basse,  ledict 
exlraict  tiré  de  son  original  trouvé  es  archives  de  Foix  et  collationné 
partie  appellée  par  le  juge  mage  du  senechal  de  Foix  le  12  may  dernier 
signé  dudict  juge  mage,  et  tout  ce  qui  a  esté  mis  et  produict  par  les 
parties  par  devers  les  commissaires  députez,  et  tout  considéré  : 

Le  Roy  estant  en  son  conseil  a  ordonné  et  ordonne  que  le  sieur  comte 
de  Carmaing,  senechal  et  gouverneur  du  comté  de  Foix,  sera  maintenu 
et  gardé  en  la  qualité  de  lieutenant  de  sa  dicte  Majesté  es  terres  souve- 
raines d'Andorre,  et  ce  sans  prejudicier  à  la  liberté  du  pariage,  privi- 
lèges et  franchises  dont  lesdicts  habitants  d'Andorre  ont  jouy  sous  les 
autres  sénéchaux  et  gouverneurs  dudict  comté.  Ordonne  Sa  dicte 
Majesté  qu'iceux  habitans  vivront  sous  les  mesmes  oflBiciers  de  justice 
ainsi  qu'ils  ont  cy  devant  faict  et  comme  ils  vivent  encore  aujourd'huy 
bien  et  deument  et  sans  aucune  innovation. 

Faict  au  conseil  d'Estat  du  Roy  tenu  à  Paris  pour  ses  affaires  et 
finances  de  Navarre  et  Bearn  le  xviii®  jour  d'aoust  1618. 

Collationné  :  de  Loménie. 

Et  afin  que  ledict  arrest  feust  mis  à  deue  exécution,  le  Roy  donna  ses 
lettres  patentes  de  la  teneur  qui  ensuit  : 

Louis  par  la  grâce  de  Dieu,  Roy  de  France  et  de  Navarre,  seigneur 
souverain  d'Andorre,  au  premier  nostre  huissier,  sergent  ou  bailhe  sur 
ce  requis,  salut. 

Nous  te  mandons  et  commectons  par  ces  présentes  que  à  la  requeste 
de  nos  chers  et  bien  amez  les  habitans  de  la  vallée  d'Andorre,  l'arrest 
de  nostre  conseil  dont  l'extraict  est  cy  attaché  soubs  le  ^contre  scel  de 
nostre  chancellerie  soit  mis  à  deue  et  entière  exécution  selon  sa  forme 
et  teneur,  faisant  en  vertu  d'icelluy  tous  commandemens,  signiffications, 
deffences  et  autres  exploicts  requis  et  nécessaires,  etc. 

Extraict  faict  et  collationné  par  moy  Anthoine  Depeyre,  notaire  royal 
du  lieu  de  Luzonac,  pais  de  Foix,  sur  l'arrest  expédié  en  forme,  tiré  des 
archives  du  pays  d'Andorre,  m'aiant  esté  exhibé  et  après  deue  collation 
retiré  par  ceux  du  conseil  dudict  pays  dans  leur  maison  commune  le 
29  octobre  1618.  En  foy  de  quoy  me  suis  soubz  signé  : 

De  Peyre,  notaire  (1). 

Ph.  TAMIZEY  de  LARROgUE. 

(1)  Bibliothèque  Nationale,  collection  Brienne,  volume  300,  t  295. 


Eieore  de  la  Galtare  de  la  Vigne  dans  le  Bas-Arnapae. 

En  commençant  ma  petite  notice  sur  la  Culture  de  la  vigne  à  Cazau- 
bon  et  aux  environs  (ci-dessus,  p.  245),  j'émis  la  pensée  que  les  con- 
clusions de  ce  travail  pourraient  s'appliquer  à  toute  l'étendue  du  Bas- 
Armagnac.  Ce  n'était  qu'une  simple  conjecture,  qui  se  trouve  fausse 
pour  certains  points  de  la  partie  méridionale,  du  moins  pour  les  temps 
antérieurs  au  xvii*  siècle.  Il  résulte,  en  effet,  d'un  ancien  document 
très  intéressant,  cité  par  M.  l'abbé  Breuils  (ci-dessus,  p.  455),  qu'en 
1346,  à  Sainte-Christie  près  Nogaro,  les  vignes  constituaient,  quant  à 
la  valeur,  la  neuvième  partie  des  terres  sujettes  à  la  taille.  D'un  autre 
côté,  M.  Breuils  m'apprend  que,  d'après  une  enquête  des  premiers 
temps  du  xv®  siècle,  consignée  dans  le  Bulletin  Borda j  année  1888,  la 
petite  commune  de  Montégut  près  Montguilhem  récoltait,  même  dans 
les  années  médiocres,  beaucoup  plus  de  vin  qu'elle  n'en  consommait. 
Il  conclut  de  là  très  légitimement  que,  dès  cette  époque  reculée,  certai- 
nes parties  du  Bas-Armagnac  pouvaient  en  livrer  au  commerce  une 
quantité  assez  considérable. 

Puis,  sans  motif  bien  sérieux,  ce  me  semble,  il  étend  sa  conclusion  à 
toutes  les  terres  du  Bas-Armagnac,  sans  en  excepter  celles  de  Cazau- 
bon  et  des  environs,  objet  principal  de  mes  études.  Il  pense  que,  mon 
affirmation  sur  le  peu  de  vignes  que  possédait  cette  dernière  contrée 
avant  le  xvii*  siècle  manque  d'exactitude,  parce  que  la  Reconnaissance  y 
que  lui  sert  de  base,  a  laissé  de  côté,  comme  tous  les  documents  de  ce 
genre,  les  terres  qui  étaient  exemptes  des  droits  de  fief.  Il  ignore  évi- 
demment que  Cazaubon  n'avait,  en  fait  de  terres  nobles  non  assujetties 
au  droits  de  fief,  qu'une  modeste  métairie  près  du  village  de  Barbotan. 
Or  une  trentaine  de  journaux,  alors  même  qu'on  leur  attribuerait  en 
vignes  le  8®,  comme  à  Sainte-Christie,  ne  sauraient  apporter  une  modi- 
fication sensible  à  la  proportion  que  j'ai  établie  entre  les  possesseurs 
de  vignes  et  ceux  qui  en  étaient  privés.  Mon  hésitation  à  appliquer  à 
toute  la  communauté  le  rapport  de  28  à  80,  seul  nombre  que  je  trouve 
dans  la  partie  conservée  de  la  Reconnaissance,  vient  de  ce  qu'il  m'a 
paru  que  80  propriétaires  sur  environ  500,  quoique  pris  sur  les  diver- 
ses sections,  pouvaient  ne  pas  reproduire  d'une  manière  tout-à-fait 
précise  les  proportions  de  l'ensemble. 

Au  reste,  si  nous  acceptions  pour  Cazaubon  et  les  environs  les  don- 
nées du  document  de  Sainte-Christie,  il  faudrait  supposer  que  la  culture 
de  la  vigne^  au  lieu  de  progresser  chez  nous  pendant  le  xv«  et  le  xvi^ 


—  564  — 

siècles,  comme  elle  a  fait  depuis,  serait  très  fortement  déchue  de  sa  pre- 
mière prospérité.  Car  sa  situation  au  commencement  du  xvii^  siècle, 
d'après  le  terrier  complet  de  cette  époque  que  nous  possédons  encore, 
était  bien  inférieure  à  celle  de  Sainte-Christie  en  1346.  Un  pareil  déchet 
dans  cette  culture  nous  parait  absolument  invraisemblable.  Les  longues 
guerres-du  xv«  et  du  xvi*'  siècles  ont  dû,  par  temps,  faire  négliger  Tagri- 
culture;  mais  il  n'est  pas  probable  que  les  belligérants,  qui^  sans  aucun 
doute,  vidaient  volontiers  les  tonneaux  qu'ils  pouvaient  saisir,  en  soient 
venus  à  arracher  les  vignes. 

Il  serait  très  intéressant  de  connaître  l'état  de  cette  culture  soit  à 
Sainte  Christie,  soit  dans  toute  la  partie  méiidionale  du  Bas-Arma- 
gnac, pendant  le  xvi«  et  surtout  au  commencement  du  xvn«  siècle.  Il 
doit  rester  un  peu  partout,  mais  principalement  dans  les  centres  de 
quelque  importance,  des  terriers  de  cette  dernière  date,  ensevelis,  quel- 
quefois depuis  longtemps,  dans  des  papiers  de  famille. 

J'espère  que  mon  jeune  et  bienveillant  contradicteur  ne  s'arrêtera 
pas  en  si  beau  chemin.  Ses  travaux  passés  nous  sont  garants  de  ceux 
à  venir.  Un  jour  ou  l'autre  il  nous  dira  certainement  si  les  deux  faits 
de  Sainte-Christie  et  de  Montégut  sont  particuliers  à  ces  deux  paroisses 
ou  communs  à  toute  la  région.  Peut-être  découvrira-t-il  encore  quelque 
vieux  document  propre  à  jeter  un  nouveau  jour  sur  l'ancienne  culture 
des  baronnies  d'Auzan. 

En  attendant  cette  découverte,  je  crois  devoir,  dans  l'intérêt  de  la 
vérité,  et  tout  en  remerciant  M.  l'abbé  Breuils  de  ses  paroles  trop  flat- 
teuses au  sujet  de  mes  petits  travaux,  maintenir  contre  lui  dans  son 
intégrité  la  conclusion  de  mon  premier  article,  et  affirmer  de  nouveau 
que  Cazaubon  et  les  environs  possédaient  peu  de  vignes  avant  le 

XVII*  siècle. 

DUCRUC, 

Curé-doyen  de  Cazaubon. 


CHRONIQUE 


Nécrologie  :  MM.  Tabbé  Ducruc,  J.   Solon,  Julien  Sacaze.  —  Archives 
historiques.  —  Réunion  de  la  Société  historique  de  Gascogne. 

M.  l'abbé  Ducruc  me  remettait  la  note  qu'on  vient  de  lire,  à  mon 
départ  de  Cazaubon,  dans  les  premiers  jours  d'octobre;  et  malgré  son 
état  habituel  de  faiblesse,  rien  ne  faisait  prévoir  sa  fin  prochaine. 
Quinze  jours  plus  tard,  j'apprenais  sa  mort,  sans  pouvoir  me  rendre  à 
ses  funérailles  qui  ont  eu  lieu,  avec  un  grand  couoours  de  prêtres  et  de 


—  565  — 

fidèles,  le  26  octobre,  dans  sa  chère  paroisse  de  Cazaubon,  qu'il  gouver- 
nait depuis  quarante  ans  (1).  Les  lecteurs  de  la  Revue  de  Gascogne  ont 
pu  apprécier  par  eux-mêmes  la  clarté,  la  méthode,  la  solidité  qui  carac- 
térisaient ses  travaux  historiques.  Il  faut  l'avoir  vu  de  près,  deti'èsprès, 
pour  bien  connaître  toutes  ses  qualités  d'intelligence  et  de  cœur.  Chez 
lui  la  rigueur  inflexible  du  jugement,  la  fermeté  du  caractère,  et  aussi 
une  certaine  raideur  de  manières,  ne  laissaient  apercevoir  qu'après 
expérience  la  largeur  des  vues  et  la  chaleur  de  l'âme.  L'éooroe  était 
rude,  mais  elle  cachait  des  trésors  de  sympathie  et  d'indulgence.  La 
meilleure  partie  de  la  carrière  de  M.  Ducruc  a  été  employée  à  doter  sa 
paroisse  d'établissements  importants,  avant  tout  d'une  très  belle  église, 
et  l'Armagnac  sait  bien  qu'il  a  fallu  toute  son  énergie  personnelle  pour 
mener  à  bonne  fin  de  tels  travaux.  Quant  à  ses  études,  elles  ae  portè- 
rent longtemps  de  préférence  sur  les  scienoes  exactes  et  sur  la  théolo- 
gie; les  premiers  loisirs  de  son  ministère  furent  employés  à  étudier 
sainte  Thérèse  et  à  traduire  les  sermons  de  saint  Bernard,  son  patron. 
Plus  tard  l'archéologie  eut  son  tour.  Ce  n'est  guère  que  depuis  une  ving- 
taine d'années  qu'il  s'était  mis  avec  suite,  et  bientôt  avec  passion,  à 
recueillir,  à  déchiffrer  et  à  extraire  tous  les  vieux  papiers  de  l'hôtel  de 
ville  et  des  familles  de  Cazaubon.  C'est  ainsi  que  peu  à  peu,  sans  avoir 
fait  d'études  historiques  générales  en  dehors  des  éléments  les  plus 
ordinaires,  il  a  pu  acquérir  une  connaissance  très  exacte  de  l'état  du 
Bas- Armagnac  depuis  trois  ou  quatre  siècles  et  dresser  une  foule  de 
monographies  qui  sont  des  modèles  de  précision;  j'y  comprends  des 
généalogies,  qui  ne  sont  pas  destinées  à  la  publicité,  mais  dont  l'ex- 
cellent curé  était  heureux  d'offrir  une  copie  aux  familles  intéressées. 
Ses  notes  sont  consignées  dans  de  nombreux  cahiers,  qui  resteront  aux 
Archives  paroissiales  de  Cazaubon  connue  une  mine  féconde  pour 
l'histoire  du  pays.  Un  cahier  plus  gros  que  tous  les  autres  renferme  la 
Chronique,  où  il  avait  lui-même  condensé  et  coordonné  la  meilleure 
partie  de  ses  recherches,  mais  qu'il  n'a  pu  achever.  Plusieurs  extraits 
de  ce  cahier  ont  paru  dans  nos  pages  sous  divers  titres;  mais  j'y  ai  lu 
pourtant,  ces  vacances,  au  moins  trois  bons  chapitres  inédits  sur  les 
mœurs  et  usages  de  l'Armagnac  noir,  que  j'espère  pouvoir  communi- 
quer bientôt  aux  lecteurs  de  la  Revue  de  Gascogne. 

La  Société  historique  de  Gascogne  a  perdu  quelques  jours  plus 
tard  (17nov.)  un  de  ses  membres  les  plus  éminents  et  les  plus  dévoués 
dans  la  personne  de  M.  Jules  Solon,  si  apprécié  à  Auch  comme  ma- 
gistrat intègre  et  comme  grand  chrétien,  homme  de  foi  et  d'œuvres. 

Nous  devons  encore  un  sou  venir  à  notre  correspondant  très  sympathi- 
que, le  président  de  la  Société  des  Etudes  du  Comminges,  Tun  des  fon- 
dateurs de  la  Société  eX  de  la  Revue  des  Pyrénées^  M.  Julien  Sacaze, 

(1)  L'éloge  funèbre  a  été  prononcé  par  M.  Soacaret,  archiprétre  de  Ck>ndoin, 
natif,  comme  M.  Ducruc,  de  Sarragachies,  et  son  ami  de  tous  les  temps,  qui  de- 
vrait bien  publier  la  notice  biograpmque  du  regretté  doyen. 

Tome  XXX.  37 


—  566  — 

enlevé  à  la  fleur  de  l'âge  le  20  novembre.  Nous  avons  eu  plus  d'une 
occasion  de  louer  ici  quelques-uns  de  ses  travaux  historiques  et  surtout 
épigraphiques.  «  La  science  fait  en  lui  une  vériuble  perte,  »  m'écrit 
un  de  mes  correspondants,  qui  a  le  droit  d'être  sévère  et  qui  en  use  au 
besoin;  «  Julien  Sacaze  n'avait  pas  encore  donné  toute  sa  mesure.  » 

Si  notre  œuvre,  comme  toutes  les  œuvres  humaines,  ne  s'avance 
qu'en  laissant  des  morts  sur  la  route,  du  moins  l'activité  de  nos  mem- 
bres vivants  n'éprouve,  grâce  à  Dieu,  aucun  affaiblissement.  Le  comité 
de  publication  des  Archives  historiques  de  la  Gascogne  est  loin  de 
chômer.  Il  vient  de  distribuer  un  fascicule  des  plus  importants,  le 
Livre  des  Syndics  de  Béarn,  complément  naturel  du  beau  livre  de 
M.  Cadier  sur  les  Etais  de  ce  pays  souverain.  J'y  re\iendrai,  mais  on 
voudra  bien  me  faire  crédit  de  quelques  mois,  d'autant  plus  que  j'ai 
laissé  en  arrière  d'autres  faî?cicules  que  je  ne  veux  pas  mettre  en  oubli. 
Je  songe  d'ailleurs  que  les  presses  de  M.  Cocharaux,  qui  marchent 
à  la  fois  vite  et  bien,  nous  offriront  bientôt  d'autres  textes  non  moins 
intéressants,  et  d'abord  le  Livre  des  frères  Bonis,  négociants  montal- 
banais  du  xiv«  siècle...  Cela  m'amène  naturellement  à  la  fête  archéolo- 
gique célébrée  à  Auch  le  22  octobre  dernier. 

Mais,  par  respect  pour  la  chronologie,  un  mot  d'abord  de  la  réunion 
au  même  lieu,  le  5  octobre,  des  délégués  des  divers  diocèses  de  lan- 
cienne  province  d' Auch  pour  la  grande  affaire  du  Bullaire  de  Gascogne. 
J'ai  dit  l'essentiel  sur  ce  sujet  en  rendant  compte,  le  mois  dernier,  du 
premier  rapport  de  M.  l'abbé  Louis  Guérard.  On  sait  donc  quelle 
œuvre  poursuit  ce  jeune  prêtre  tarbais,  avec  la  collaboration  d'un  prê- 
tre de  Bayonne,  M.  Ambroise.  La  réunion  d'Auch  avait  à  régler  l'or- 
ganisation, le  plan  et  la  méthode  de  leur  travail.  Voici  ce  qu'en  dit 
M.  Paul  Labrouche  dans  un  article  que  je  connais  uniquement  par  la 
Semaine  religieuse  d'Auch  de  ce  jour,  30  novembre  (la  Revue  de 
Gascogne  aura  lieu  d'y  revenir  plus  d'une  fois)  :  «  MM.  Guérard  et 
Ambroise,  qui  viennent  d  être  nommés  chapelains  de  Saint-Louis-des- 
Français,  ont  i*eçu  la  confirmation  et  le  renouvellement  de  leur  man- 
dat. La  Société  des  Archives  de  Gascogne  accepte  d'être  l'éditeur  de 
l'œuvre.  Quant  au  plan  de  publication,  l'unanimité  des  suffrages  s'est 
ralliée  au  programme  suivant  :  les  deux  publications  proposées  (?) 
seront  réduites  à  une,  donnant  par  pontificat  et  dans  l'ordre  chronolo- 
gique, selon  leur  importance,  des  extraits  ou  le  texte  intégral  des  bulles 
sous  la  forme  latine;  chaque  pontificat  sera  suivi  de  deux  tables  en 
français  :  table  chronologique  des  documents;  table  alphabétique  des 
noms  de  personnes  et  de  lieux,  avec  identification,  notes  et  références. 
Le  premier  volume  paraîtra  en  1891  et  commencera  au  pontificat  de 
Clément  V.  » 

Le  22  octobre,  notre  Société  accueillait  à  Auch  la  Société  archéologi- 
que de  Tarn-et -Garonne.  Ici  je  ne  puis  plus  dire  comme  tout  à  l'heure 
«  nous  en  reparlerons  »;  et  la  place  me  fait  défaut  pour  noter  même 


—  567  — 

summa  capita  rerum.  D'ailleurs  mon  malheureux  sort  m'a  privé  d'as- 
sister à  cette  fête,  aussi  bien  qu'à  la  réunion  précédente.  Heureusement 
je  puis  renvoyer  mes  lecteurs,  en  attendant  la  publication  montalba- 
naise,  à  une  délicieuse  plaquette  de  mon  ami  Charles  Palanque  (1). 
C'est  là  qu'ils  liront  en  leur  entier  la  piquante  circulaire  du  savant  et 
spirituel  président  de  la  Société  de  Montauban,  M.  l'abbé  Pottier,  invi- 
tant ses  confrères  à  visiter  Lectoui^e  et  Auch,  les  détails  de  leurs  obser- 
vations dans  ces  deux  villes,  le  récit  du  festin  et  de  la  réunion  scienti- 
fique où  les  deux  sociétés  ont  chaudement  fraternisé,  et  surtout  les 
toasts  en  vers  et  en  prose  par  lesquels  MM.  de  Carsalade,  Pottier, 
Tamizey  de  Larroque,  Ed.  Forestié,  l'abbé  Calhiat  ont  montré  la  por- 
tée et  doublé  le  charme  de  ces  amicales  agapes.  Quelque  étroite  que  soit 
la  place  qui  me  reste,  je  veux  insérer  ici  au  moins  un  de  ces  toasts, 
celui  de  M.  Ph.  Tamizey  de  Larroque,  qui  est  un  curieux  spécimen  du 
gascon  septentrional  d'Outre-Garonne.  On  le  trouvera  sous  forme  de 
note  au  bas  de  cette  page  (2).  On  lira  un  peu  plus  loin  (p.  573)  une  curieuse 
Question  de  géographie  typographique,  qu'il  a  soumise  à  la  réunion 

des  deux  Sociétés. 

!L.  c. 

(1)  Une  checauchée  archéologique  au  paya  de  Gascogne.  Auch,  typogr.  et 
llthogr.  J.  Capin,  1889.  —  Iîi-16  de  20  pages,  litre  rouge  et  noir. 

(2)  Sabens  moussus  et  bouns  amies, 

Ey  lou  malhur 
Se  bouley  me  ' 

bien  pendudo  ^  ^  .   .   , 

damen  que  de  s'espouti  en  camin.  Ev  Doulut  bous  saluda  en  gascoun  per  bous 
hese  mey  plazé.  Lou  francés  es  bien  bet,  me  lou  gascoun  es  mey  amistous.  Nya 
que  pretenden  que  fau  pas  lou  parla  daban  tout  lou  mounde,  me  assi  soun  en 
ramillo  et  lou  gascoun  es  la  lenguo  de  noste  may.  Decha  me  doun  bous  dise  en 
quate  mots  que  sen  bien  counten  de  bous  bese,  sabens  moussus  et  bouns  amies; 
que  la  heste  d'aney  es  uno  de  las  pu  aimables  qu'ey  bistes;  que  rejgretti  bleu  de 
n'y  pareche  que  coumo  un  lugret,  me  que,  coiuno  cantauc  lou  cronicur  Froissart, 


se 


I  lou  cors  s'en  bay ,  lou  cur  demore  dam  bous  ;  que  bous  coumplimenti  de  la 
superbe  médaille  qu'abets  ga^at  à  TExpousitieun.  Bous  en  souheyti  uno  en- 
quero  pu  belle  per  lou  Bulian  gascoun,  eunte  beyran  luzi  lou  mérite  trop  ente- 
nebrat  de  nostes  papes  d'Abignoun,  prinoipalomen  de  Jean  bint-et-dus,  que  jeu 
eymi  mey  ^ue  leus  autes,  parcequé  ère  un  admirable  trabaiUur  (a  dechat  den  sus 
registres,  dit  lou  grand  histeurien  Paster,  mey  de  soixante  mille  pèces),  et  par- 
cequé a  establit  l'unibersitat  de  Cahers  eunte  ey  estât  elebat,  eunte  aben  estât 
aban  jeu  aquets  Sents  qu'appëlen  Francés  Régis  et  Feneloun,  eunte  an  estât 
elebats  tabe,  si  fau  tout  dise,  quauques  diables  que  boy  pas  nouma,  san  compta 
lou  qu'a  rhonnur  de  bous  parla,  qu  es  pas  beleu  dos  pu  méchants  diables. 

Bubi  à  la  santat  de  noste  soucietat,  de  soun  aymable  se  la  seucietat  de  Moun- 
tauban,  à  la  santat  de  bous  aous  tous.  Remercie  de  toute  moun  ame  nostes  tant 
balens  et  tant  sabens  presiden  et  secretari  (auren  bet  cerca  leus  pareils  pertout 
que  leus  treuberen  pas).  Remercie  tabé  boste  Arquebesque  que  nous  a  tant 
assistât,  aquet  trésor  de  bountat,  de  pietat  et  de  sabe  que  Bourdeu  beudré  bien 
bous  prene  per  li  bailia  la  cadiere  et  la  raube  rouge  dos  Cheverus,  des  Donnet 
et  des  Guilbert.  Enfin  metti  nostes  pu  bius  sentimens  de  beneratieun  et  de  recou- 
nechence  aus  pès  de  Leoun  treize,  que  counduis  ta  bien  lou  bachet  que  porte 
lou  sort  dau  meunde,  un  des  pu  grands  papes  qu'ajen  bis  dimpey  Sent  Pey, 
enquere  mev  aimable  pretectur  dos  sabens  que  Leoun  dets,  et  que  nous  a  oubert 
dan  sa  braoe  clau  sas  crambes  dau  Batican  pleignes  de  biels  papeys,  et  que 
nous  a  baillât  las  obres  dau  pape  Clément  cinq,  et  que  fau  prega  de  l>enezi  touts 
lous  bouns  gascouns  en  gênerai  et  nous  aou  en  particuliè. 


BIBLIOGRAPHIE 


Littérature  populaire. 

1.  Annuaire  du  petit  séminaire  de  saint-pé.  15*  année,  1889.  Bagnères,  Péré, 
1  vol.  in-18  de  408  pp. —  2,  Massât,  chansons,  danse,  usages  et  charte  com- 
munale, d'après  la  monographie  de  M.  Ruffié,  instit.  à  Massât,  av.  préf.  et 
notes  de  M.  Pasquier,  arcniviste  de  TAriège.  FoeV»,  Gadrat.  1889. 32pp.  gr.  m-8. 
—  3.  Proverbes  patois  de  la  vallée  de  Biros  en  Couserans  (Ariège), 
publ.  p.  M.  Tabbé  Castet,  curé  d'Uchentein,  av.  une  préf.  par  M.  Fasquier. 
Ibid.  1889.  58  pp.  gr.  in-8. —  4.  Contes  populaires  recueillis  dans  la  Grands 
Lande,  le  Born,  les  Petites  Landes  et  le  Marensin,  par  F.  Arnaudin. 
Paris,  Le  Chccalier;  Bordeauw,  Veuoe  Moqaot,  1887.  ln-16  de  312  pp. 

1.  —  On  crie  déjà  dans  les  rues  :  Almanachs  nouveaux,  et  je  viens 
parler  d'un  almanach  de  Tannée  qui  achève  son  cours.  Ce  n'est  pas 
que  V Annuaire  de  Saini-Pé  ait  manqué  cette  fois  d'exactitude  :  il  a 
paru  à  temps,  c'est  le  critique  de  la  Revue  de  Gascogne  qui  s'est  mis 
en  retard  avec  lui.  Ne  croyez  pas  au  moins  que  V Annuaire  ait  été  né- 
gligé pour  avoir  lui-même  négligé  nos  chères  études  ;  non,  au  contraire. 
Il  est  vrai  qu'il  n'a  pas  donné  de  Documents  historiques  faute  de 
place;  il  s'est  contenté  d'annoncer,  en  ce  genre,  une  bonne  nouvelle 
(4  bulles  de  Clément  V  pour  le  monastère  de  Saint-Pé,  découvertes  à 
Rome  par  un  ancien  élève  du  Petit  Séminaire,  M.  Tabbé  Louis  Gué- 
rard)  et  de  promettre  pour  1890  un  Voyage  à  Sainct-Pé  de  Gênerez 
en  l'an  de  grâce  1689,  plus  une  soixantaine  de  pages  de  documents 
édités  par  M.  Gaston  Balencie.  D'ici  deux  mois  environ,  nous  en  re- 
parlerons, amis  lecteurs.  Mais,  cette  année  même,  V Annuaire  a  bien 
mérité  de  la  Gascogne,  et  en  particulier  de  notre  modeste  Revue,  en 
mettant  en  pratique  le  conseil  indirect  qu'elle  lui  donnait  en  mars 
1888  :  «  En  fait  de  parémiologie,  pourquoi  ne  ferait-on  pas  avant  tout 
la  part  de  la  sagesse  indigène?  Recueillir  dans  la  Bigorre  et  placer  vis 
à  vis  de  chaque  mois  les  proverbes  et  les  dictons  patois,  soit  agricoles, 
soit  hygiéniques,  etc.,  qui  s'y  rapportent,  ce  serait  une  contribution  pré- 
cieuse au  folk-lore  gascon.  »  Les  rédacteurs  veulent  bien  déclarer  qu'ils 
ont  apprécié  ce  conseil  et,  ce  qui  vaut  mieux  encore,  ils  l'ont  suivi;  ou, 
pour  employer  leurs  propres  termes,  ils  ont  «  commencé  à  le  mettre 
en  pratique  ».  A  merveille  I  j'espère  donc  que  nous  aurons  encore  une 
nouvelle  moisson  de  proverbes  pour  nos  étrennes  de  1890;  ce  sera 
pour  tous  nouveau  plaisir  et  nouveau  profit;  pour  la  Revue  en  parti- 
culier, ce  sera  l'occasion  de  revenir  sur  un  sujet  qu'elle  peut  à  peine 
effleurer  aujourd'hui.  Mon  projet,  qui  explique  mes  retards,  avait  été 
d'étudier  un  peu  sérieusement  les  «  proverbes  mensuels,  »  en  rappro- 
chant de  V Annuaire  d'autres  recueils  parémiologiques  et  surtout  les 
articles  afférents  du  Dictionnaire  béarnais  de  M.  Lespy  (1).  L'espace 

(i)  Je  ne  puis  citer  sans  un  remords  cet  excellent  livre,  dont  j'aurais  dû  parler 
bien  davantage.  Mes  lecteurs  ni  l'auteur  lui-même  ne  se  doutent  que  j  en  ai 
été  privé  plus  de  deux  ans.  Et  pourtant,  il  faut  prêter  ses  livres  I 


—  569  — 

me  manque  ici  pour  oe  travail;  je  me  contente,  en  attendant  mieux,  de 
citer,  pouraflEriander  mes  lecteurs,  quelques  proverbes  relatifs  aux  deux 
mois  qui  viennent. 

Vis  à  vis  du  calendrier  de  décembre  VAnniuzire  place  d'abord  divers 
pronostics  populaires  sur  la  gelée,  la  neige  et  le  froid  de  Thiver.  «  An 
de  neu,  an  de  frut.  —  An  de  yelade,  an  de  roument.  —  Après  iouèr 
pla  umit,  bèt  estiu.  —  louer  trop  bètproumet  mâchant  estiu.  »  Le  vul- 
gaire a  aussi  des  dictons  de  pur  «  sentiment  j>  sur  la  saison  froide  : 
«  louer  n'ey  bou  qu'entau's  cauletz.  —  L'iouèr  qu'ey  pla  bouno  sasou 
ta  qui  a  de  que  ha  tisou.  »  D'autres  sont  pour  ainsi  dire  scientifiques 
et  répondent  au  désir  de  M.  Jourdain  demandant  des  leçons  d'alma- 
nach  :  «  Nadau  e  Sen  louan  que  partatyen  et  (l)an  »,  dit-on  aux  environs 
de  Bagnères.  Et  on  entend  un  peu  partout  le  proverbe  sur  Sainte-Luce 
que  M.  Tabbé  Canéto  commentait  savamment  ici  môme,  il  y  a  vingt- 
neuf  aus  (il,  615)  :  «  Et  die  qu'alounque,  a  sente  Luce,  d'u  saut  de 
puce;  enta  Nadau,  d'u  saut  de  lebraut;  enta  cat  d'an,  et  petit  e't  gran 
qu'at  counecheran.  » 

Voici  maintenant  la.  parémiologie  de  janvier,  en  gascon  gèr  ou  yé  : 
«  Lou  mes  de  yé  descausse  lou  poumé.  —  Lous  mes  de  yé  et  de  reaè 
(février)  qu'emplien  ou  boeyten  lou  soulè.  —  A  Sent-Bizens  (22janv.), 
bachen  lous  tors  (gelées),  puyen  lous  bens.  —  Neu,  neu  à  Sent- 
Bizens,  enta  que  nou  pousquen  bié  (venir)  lous  parens.  »  Evidemment 
il  y  a  «  nopces  et  festins  »  le  jour  de  Saint- Vincent  ;  on  appelle  la  neige 
pour  écarter  les  visites  importunes  :  pure  plaisanterie,  qui  atteste  gaieté 
d'esprit  plutôt  que  sécheresse  de  cœur.  Voici  maintenant  un  dicton  qui 
témoigne,  chez  les  vieux  bigourdans,  d'une  certaine  poésie  d*imagina- 
tion  ;  «  Et  mes  de  yé,  ère  baque  que  dit  :  Barre  ère  porte  e  da-m 
hé.  » 

Je  m'abstiens  de  toute  comparaison;  les  comparaisons  sont  le  char- 
me et  l'intérêt  principal  de  ces  études,  mais  elles  font  longueur,  et  je 
dois  être  court.  Je  conclus  en  engageant  les  rédacteurs  de  V Annuaire 
à  poursuivre  leur  récolte  parémiologique,  tout  en  revenant  aux  docu- 
ments; leur  méthode  est  bonne,  quoiqu'on  puisse  toujours  épiloguer  sur 
quelques  détails  d'orthographe;  peut-être  feraient-ils  bien  d'ajouter 
pourj^lus  d'un  lecteur  une  traduction  française,  au  moins  des  mots  les 
plus  étranges.  Nul  doute  d'ailleurs  qu'ils  ne  trouvent  l'an  prochain  et 
au-delà  un  bon  regain  de  proverbes.  En  voici,  par  exemple,  deux  pour 
le  mois  d'août,  que  me  dicte  un  de  mes  collègues,  natif  de  Visquers 
(H.- F.)  :  «  A  Sent-Laurens,  pailhade  de  mens.  —  Plouje  de  Sent- 
Roch,  ardailh  e  milhoc  (2).  » 

(1)  Kn  Bigorre,  le  pays  haut  emploie  Tarticle  et,  ere^  au  Ueu  de  lou,  la, 

(2)  Pour  mettre  ma  pratique  d'accord  avec  mes  conseils,  j'ajoute  un  mot  d'ex- 

{>lication  à  chacun  de  ces  deux  proverbes.  Dans  le  premier,  paillade  indique 
e  blé  étendu  sur  l'aire,  et  le  sens  est  que  le  dépiquage  est  fait  en  partie  à  la 
Saint -[.aurent.  Dans  le  second,  milloc  est  le  nom  gascon  du  mais,  et  ardait 
(ou  redail)  est  le  regain,  littér.  la  recoupe. 


^  670  — 

2,  —  Notre  savant  et  laborieux  confrère,  M.  Pasquier,  archiviste  de 
rAriëge,  a  extrait  d'une  monographie  communale  manuscrite  de  Mas- 
sât (1),  par  rinstituteur  du  lieu,  M.  Ruffié,  divers  morceaux  de  litté- 
rature populaire,  qu'il  nous  présente  avec  des  notes  instructives.  Ce 
sont  d'abord  quatre  chansons.  Les  deux  premières,  la  cansou  des  se- 
gadouSy  —  Vefan  de  Lisardou  (Lisard,  quartier  de  la  vallée  de  Mas- 
sât), en  couplets  de  deux  vers  octosyllabiques,  les  vers  impairs  (1,  3, 
5,  etc.)  masculins  sans  rime,  les  vers  pairs,  féminins  et  assonances 
tous  ensemble,  sont  des  légendes  ou  récits  d'aventure,  sur  une  mélo- 
die traînante  et  mélancolique.  Les  deux  autres  sont  plutôt  des  roman- 
ces, dont  le  rythme  même  semble  indiquer  une  origine  littéraire;  cepen- 
dant la  rime  ou  l'assonance  ne  porte  guère,  encore  ici,  que  sur  les 
vers  féminins.  —  Suit  un  court  récit  légendaire  très  curieux,  où  Ton 
voit  Jésus-Cbrist  et  saint  Pierre  voyageant  et  demandant  l'aumône  au 
pays  de  Massât.  Comme  le  remarque  très  bien  l'éditeur,  c'est  la  fable 
de  Philémon  et  Baucis,  «  avec  une  réminiscence  de  l'histoire  de  la 
femme  de  Loth  changée  en  statue.  »  —  Je  passe  par-dessus  huit  pro- 
verbes, dont  six  sont  des  pronostics  atmosphériques  ou  pastoraux,  pour 
recommander  plus  spécialement  la  description  et  surtout  la  musique 
de  la  bourrée  de  Massât,  et  deux  chapitres  d'usages  populaires,  maria- 
ge et  funérailles.  M.  Pasquier  y  a  joint,  avec  une  sage  discrétion,  des 
comparaisons  avec  les  habitudes  d'autres  pays.  C'est  un  bon  apport  au 
folk-lore  nuptial  et  funèbre  de  nos  contrées.  —  La  brochure  se  termine 
par  la  coutume  municipale  de  Massât,  qu'on  fait  remonter  à  1346, 
mais  dont  le  texte,  gascon  mêlé  de  languedocien,  est  évidemment 
rajeuni.  M.  Pasquier  l'a  fait  précéder  d'une  notice  et  d'une  analyse 
très  utiles.  Au  reste,  tout  dans  celte  petite  publication,  textes,  commen- 
taires, notation  musicale,  m'a  paru  fort  bien  établi. 

3.  —  Il  faut  dire  encore  plus  de  bien  des  Proverbes  patois  de  la 
vallée  de  Biros  en  Couserans,  recueillis  par  M.  Castet,  curé  d'Uchen- 
tein,  et  offerts  au  public  dans  une  savante  préface  de  M.  Pasquier.  Ce 
dernier  expose  en  ces  termes  le  classement  de  cet  important  recueil,  qui 
ne  renferme  guère  moins  de  500  adages  :  «  Les  proverbes  sont  répar- 
tis en  huit  chapitres  correspondant  chacun,  autant  que  possible,  à 
un  même  ordre  d'idées,  à  un  ensemble  d'observations  analogues.  Les 
divisions  ont  été  multipliées,  autant  que  cela  était  nécessaire  pour 
comprendre  tous  les  sujets  auxquels  se  rapportent  plus  ou  moins 
directement  les  adages.  La  difficulté  de  cette  classification  n'est  pas 
d'assigner  à  chaque  proverbe  tel  ou  tel  chapitre,  mais  de  les  disposer 
en  ordre,  de  manière  à  présenter  au  lecteur  un  ensemble  méthodi- 
que de  sentences  se  confirmant,  se  complétant  les  unes  les  autres...  » 
L'idée  est  excellente  et  suffisamment  réalisée  pour  mériter  tous  les 
encouragements  de  la  critique,  il  est  en  effet  bien  à  désirer,  les  pro- 

(1)  Les  lecteurs  de  la  Reo.  de  G.  n'ont  pas  oublié  le  travail  do  M.  Azémar  sur 
Massât  au  xviir  siècic  (xxiv,  322,  523). 


—  571  — 

verbes  étant  les  formules  arrêtées  de  la  science  populaire,  de  les  clas- 
ser dans  un  ordre  méthodique  qui  ne  fixe  pas  seulement  les  têtes  de 
chapitre,  mais  encore,  autant  que  possible,  la  place  relative  de  chaque 
formule.  Voici  les  divisions  du  recueil  parémiologique  de  M.  Tabbé 
Castet  :  1°  amitié,  reconnaissance,  ingratitude,  défiance  de  soi- 
même  et  du  prochain;  29  travail,  profit,  paresse;  3°  fortune,  infor- 
tune, ambition;  4°  jeunes  filles,  amour,  mariage,  maris  et  femmes; 
5*^  nourriture,  médecine,  maladie;  6°  pronostics  du  temps,  agricul- 
ture; 7°  animaux;  8°  sentences  diverses.  —  Ne  fût-ce  que  sur  ce 
dernier  titre,  on  pourrait  bien  reprendre  quelque  chose  dans  ce  cadre. 
Mais  il  est  bon  en  somme,  et  ne  voit-on  pas  qu'à  réunir  et  à  coordon- 
ner les  dictons  vulgaires  sous  chacun  de  ces  chefs,  on  a  tout  un  traité 
suivi  de  sagesse  populaire?  —  Les  proverbes  de  Biros  sont  énoncés 
dans  une  langue  rude,  mais  originale,  qui  est  un  dialecte  du  gascon 
pyrénéen,  et  dont  M.  Pasquier  a  indiqué  dans  sa  préface  les  traits  les 
plus  saillants.  La  transcription  des  proverbes  et  les  explications  four- 
nies en  note  au  bas  des  pages  ne  méritent  que  des  éloges,  et  la  publica- 
tion entière  doit  prendre  un  rang  des  plus  honorables  dans  les  biblio- 
tliéques  de  littérature  populaire.  La  Revue  aura  soin  d'y  revenir  à  l'oc- 
casion de  travaux  du  même  genre  qui  s'annoncent  déjà. 

4.  —  Après  un  recueil  de  proverbes,  voici  un  recueil  de  contes, 
toujours  de  pays  gascon.  Il  est  vrai  qu'il  va  nous  faire  passer  d'une 
extrémité  à  Taulre  de  notre  province,  de  l'extrême  sud-est  à  l'extrême 
noixl-ouest  ou  peu  s'eii  faut,  des  hautes  vallées  du  Couserans  à  la 
grande  Lande.  M.  F.  Arnaudin,  de  Labouheyre,  dont  le  nom  et  l'érudi- 
tion historique  ne  sont  pas  inconnus  de  nos  lecteurs  (1),  nous  expose 
ainsi  dans  la  préface  de  ses  Contes  populaires^  le  grand  projet  qu'il 
poursuit  et  dont  nous  n'avons  encore  qu'un  léger  spécimen.  «  Depuis 
plusieurs  années  j'occupe  mes  loisirs  à  recueillir  les  restes  de  la  littéral 
iure  orale  de  huit  ou  dix  cantons  que  forment  la  Grande-Lande,  le 
Born  et  les  parties  du  Marensin  et  des  Petites-Landes  qui  en  sont  voi- 
sines :  contes,  légendes  et  superstitions,  chants,  proverbes  et  formulettes 
enfantines,  jusqu'aux  simples  devinettes,  j'ai  tout  collectionné  avec  un 
soin  égal,  assistant  aux  veillées  des  fileuses,  aux  noces,  aux  batierieSy 
aux  égrenages,  errant  de  lande  en  lande  à  la  poursuite  des  vieux 
pâtres,  écoutant,  questionnant,  ajoutant  chaque  jour  quelque  épi  à  la 
gerbe,  au  demeurant  n'ayant  nulle  illusion  sur  le  cas  que  le  grand 
public  ferait  de  mcn  entreprise  —  des  contes  et  des  chansons,  ce  n'est 
pas  de  ce  bois-là  que  le  grand  public  se  chauffe, —  mais  travaillant  sur- 
tout pour  le  petit  nombre  d'érudits  et  de  curieux  qui  s'intéressent  aux 
recherches  dont  le  folk-lore  est  devenu  aujourd'hui  un  peu  partout 
l'objet.  De  cîeux-là  j'ai  à  cœur  d'obtenir  le  suffrage;  et  avant  de  m'en- 
gager  définitivement,  du  moins  pour  ce  qui  est  des  contes,  dans  la  pré- 
paration du  recueil  général  dont  j'ai  réuni  la  matière,  j'ai  tenu  à  pres- 

(1)  Voir  surtout  son  article  sur  Labouheyre,  Reoue  de  G,,  xiv,  267. 


—  572  — 

sentir  leur  verdict...  »  Je  ne  sais  si  les  folk-loristes  ont  répondu  en 
grand  nombre  à  cet  appel  consciencieux  et  modeste.  Je  sais  au  moins 
que,  pour  mon  humble  part^  j'ai  eu  le  tort  de  mettre  beaucoup  trop  de 
temps  à  faire  connaître  l'impression  vraiment  excellente  que  m'ont 
faite  les  diverses  parties  du  volume  de  M.  Arnaudin,  je  veux  dire  : 
1^  ses  dix  contes  donnés  en  français  comme  spécimen;  2^  le  texte  patois 
des  mêmes  contes,  avec  les  pages  philologiques  qui  le  précèdent;  3°  son 
simple  catalogue  de  chansons  populaires  déjà  recueillies. 

Les  dix  contes  sont  tous  empruntés  à  la  Grande-Lande;  on  peut 
reprocher  à  M.  Arnaudin,  qui  est  d'ailleurs  le  premier  k  s'en  accuser, 
de  n'avoir  pas  mis  assez  de  variété  dans  son  choix,  de  ne  citer  aucun 
de  ces  grands  contes  merveilleux  que  M.  Bladé  appelle  a  épiques  »,  et 
de  fournir,  sur  dix  unités,  trois  fables  animalières.  Le  zélé  collecteur 
nous  assure  qu'il  y  a  bien  plus  d'éléments  variés  d'intérêt  dans  son 
trésor  complet,  et  on  doit  l'en  croire.  Mais  il  faut  reconnaître  d'abord 
que  tous  les  récits  qu'il  en  a  extraits  pour  former  ce  volume  sont  du 
meilleur  cru  et  que  le  style  en  est  de  la  plus  savoureuse  originalité 
populaire.  Le  fond  même  de  plusieurs  est  nouveau  pour  moi,  quoique 
probablement  ils  puissent  se  rencontrer  ailleurs.  Mais  dans  ceux  mêmes 
qui  sont  très  répandus,  comme  le  forgeron  Misère  {suv  lequel  on  a  des 
recherches  de  Champfleury),  Compère  Louisoriy  qui  se  lit  en  partie 
dans  le  recueil  de  Grimm,  Grain-de-mil,  qui  est  si  populaire  dans 
toute  la  Gascogne  et  au-delà,  le  tour  est  souvent  neuf  et  profondément 
marqué  au  cachet  de  la  verve  landaise  (1). 

Ce  qu'on  lit  avec  tant  de  plaisir  en  français,  on  aura  plus  de  plaisir 
encore,  pour  peu  qu'on  aime  nos  patois,  à  le  goûter  dans  l'authenticité 
du  texte.  M.  Arnaudin  sait  son  lanusquet  sur  le  bout  du  doigt;  il  se 
reconnaît  à  merveille  dans  les  variations  locales  de  ce  dialecte;  il  fixe 
sans  la  moindre  hésitation  les  sons,  parfois  étrangement  assourdis,  de 
son  vocalisme.  Il  donne  dès  sa  préface,  sur  divers  faits  grammaticaux, 
des  avertissements  utiles  à  M.  Luchaire,  qui  n'a  pas  été  toujours  par- 
faitement exact  dans  sa  caractéristique,  d'ailleurs  très  méritoire,  de 
nos  patois  gascons.  Il  établit  aussi  pour  le  sien  une  graphie  raisonnée 
et  fort  plausible  en  somme;  je  lui  reprocherai  néanmoins  de  ne  pas 
adopter  (bien  entendu  pour  les  sons  communs  augasconetau  provençal) 
la  notation  du  félibrige,  qui  a  pour  elle  latradition,  uu  usage  actuel  très 
répandu  et  la  simplicité  qui  la  distingue. 

Ces  dix  récits,  admirables  de  franchise  et  de  verdeur  dans  leur  lan- 
gue native,  et  de  plus  admirablement  rendus  en  français,  donnent  une 
excellente  idée  du  recueil  entier  qu'ils  annoncent.  Mais  peut-être  serji- 
i-OTL  encore  plus  mis  en  goût  par  les  dernières  pages  (265-300),  qui 

(1)  Je  citerai  seulement  la  formule  finale  des  contes,  qui  est  propre  à  la  région 
où  M.  Arnaudin  a  fait  sa  chasse  : 

Jou  que  boutéri  lou  pé  su'ou'tapouéyre. 
Que  m'en  tournéri  à  le  Bouhéyre. 


—  573  — 

donnent  la  simple  indication,  parle  premier  ou  les  deux  premiers  vers, 
des  Chants  populaires  déjà  recueillis  par  M.  Amaudin  :  berceuses, 
chansons  de  danses,  chants  de  moisson,  chansons  diverses,  complain- 
tes, chants  religieux,  chants  de  mariage.  Certaines  de  ces  catégories 
renferment  un  nombre  très  considérable  de  timbres.  Ainsi,  en  tète  des 
chansons  à  danser,  il  y  en  a  une  vingtaine  qui  sont  toutes  des  rondes 
de  neuf  (roundes  de  nau)y  composées  de  couplets  dont  le  premier  ren- 
ferme le  nombre  neuf,  remplacé  dans  les  suivants  par  huit,  sept,  etc. 
jusqu'à  un.  —  Quelle  moisson  a  recueillie  le  laborieux  et  délicat  cher- 
cheur de  Labouheyre  1  Puisse-t-il  nous  la  livrer  bientôt  tout  entière, 
contes  et  chansons  1  Elle  sera  certainement  bien  accueillie  des  folk- 
loristesde  l'Europe  entière.  Quant  à  la  Revue  de  Gascogne,  elle  mettra 
d'autant  plus  de  zèle  à  l'acbalander  dans  sa  modeste  sphère  qu'elle  a 
été  bien  négligente  pour  annoncer  ce  spécimen  si  court,  mais  si  char- 
mant. 

L.  C. 


QUESTION 


256.  Du  lieu  dlmpreasion  nommé  Galonges. 

La  librairie  Labitte  a  fait  paraître,  Tété  dernier,  le  catalogue  d'une 
importante  collection  spéciale  de  livres  sur  le  protestantisme,  formée  par 
un  pasteur  célèbre  à  fois  comme  théologien  et  comme  journaliste,  feu  Henri 
Lutteroth,  qui  dirigea  le  Semeur  pendant  vingt  ans.  On  mentionne  sous  le 
n'  455  dudit  catalogue  un  opuscule,  de  format  in-12  et  de  42  feuillets,  inti- 
tulé :  Le  nouoeau  visionnaire  de  Rotterdam,  ou  examen  des  pararelles 
(sic)  mystiques  de  M.  Jurieu,  par  Théognoste  de  Bérée.  La  pièce,  qui 
est  d'une  rareté  excessive,  et  que  le  Manuel  du  Libraire  ne  connaît  pas,  a 
été  imprimée  en  1686  à  Callonge.  Quelle  est  cette  localité?  Je  n'en  vois 
qu'une  seule  portant  ce  nom,  laquelle  n'a  jamais  été  citée  par  les  bibliogra- 
phes. C'est  aujourd'hui  une  commune  de  l'arrondissement  de  Marmande  et 
du  canton  du  Mas  d'Agenais,  à  19  kilomètres  de  la  première  de  ces  villes^ 
à  5  kilomètres  de  la  seconde.  On  y  voit  les  ruines  d'un  château  qui  appar- 
tenait, dans  le  siècle  dernier,  aux  comtes  de  La  Vauguyon  et  qui,  au  xvn* 
siècle,  était  possédé  par  la  famille  de  Chaussade.  Un  membre  de  cette 
famille  protestante,  Jacques  de  Chaussade,  baron,  puis  marquis  de  Calongea, 
fut  maître  de  camp  d'un  régiment  d'infanterie  et  gouverneur  de  Montpel- 
lier sous  Louis  XIII;  il  était  proche  parent  du  duc  do  Rohan.  (Voir  sur  lui. 
les  Mémoires  de  Bassompierre,  V Histoire  de  Louis  XIII  par  notre  cher 
Scipion  Du  Pleix,  etc.).  Le  marquis,  de  Calonges  eut  deux  filles  :  une, 
Marie,  qui  devint  la  femme  de  Jean  Révérend,  marquis  de  Bougy,  lieute- 
nant-général des  armées  de  Louis  XIV  (1),  l'autre  Judith,  connue  sous  le 

(1)  Bayle  (Dictionnaire  critique,  tome  xii  de  l'édition  Beucbot)  lui  a  consacré 
un  long  et  intéressant  article  (p.  511-516).  Dans  cet  article  Torthographe  du  nom 
du  château  où  mourut  le  marquis  de  Bougy  (à  l'âge  de  40  ans,  en  1658)  est  la 
même  que  sur  le  titre  de  la  plaquette  de  1^. 


—  674  -. 

nom  de  M"*  dô  Calonges,  qui  mourut  célibataire  et  très  Agée  en  Hollande,  h 
la  Haye,  en  1701.  C'était,  dît  Bayle,  une  (allé  d'une  piété  et  d'une  vertu 
exemplaires,  et  qui  entendait  fort  bien  l'hébreu.  J'ajoute  qu'elle  l'entendait 
si  bien,  qu'elle  a  mérité  de  figurer  dans  le  recueil  de  Colomiès  {Gallia 
Orientalisjy  où  elle  reçoit  cet  éloge  redoublé,  perlllustriSy  et  où  l'on  apprend 
qu'elle  communiqua  au  docte  Bochart  «  des  notes  judicieuses  sur  le  texte 
hébreu  de  la  Genèse.  »  C'estjcette  même  M"'  de  Calonges  qui  a  été  mêlée 
à  une  aventure  assez  semblable  à  celle  qu'Alphonse  Daudet,  dans  son  roman 
tapageur  appelé  VImmortelj  attribue  h  un  académicien  oublieux  de  son 
âge  et  de  sa  situation.  On  raconte  (je  marche  sur  un  terrain  brûlant,  mais 
je  passerai  vite),  on  raconte,  dls-je,  que  le  fameux  Jean  Labadie,  étant  à 
Montauban  et  ayant  été  choisi  par  l'austère  et  savante  fille  pour  guide 
«  dans  la  voie  de  la  spiritualité,  »  se  permit  sur  elle  certaines  privautés, 
voulant  s'assurer,  disait  le  bon  apôtre,  «  si  elle  était  tout  à  fait  absorbée  dans 
l'oraison  mentale.  »  On  ajoute  qu'à  cause  du  scandale  de  ce  commencement 
d'attentat  contre  une  mère  de  l'église...  protestante,  le  prétendu  mystique 
fut  expulsé  de  Montaul)an,  d'où  il  gagna  Genève  (juin  1659).  Nous  laisse- 
rons à  nos  chers  voisins  et  amis  de  Tarn-et-Garonne  le  soin  de  vérifier 
l'exactitude  de  l'historiette  dont  Basnage  prétend  avoir  entendu  le  récit  de 
la  bouche  même  de  la  demi-victime,  et  nous  reviendrons  à  nos  moutons, 
je  veux  dire  à  notre  problème  bibliograpliique.  N'est-ce  pas  M"*  Judith  de 
Chaussade,  si  zélée  huguenote,  qui  aurait  fait  imprimer  dans  son  château 
le  livret  contre  Jurieu,  composé  sans  doute  sous  le  pseudonyme  de  Théo- 
gnoste  de  Bérée  par  la  vieille  fille  elle-même,  qui  était  non  moins  théolo- 
gienne qu'hébraïsante?  Nous  savons  par  l'article  La  Chaussade  de  la 
France  protestante  qu'elle  était  encore  à  Calonge  à  la  fin  de  1684.  De  1684 
à  1686  survint,  il  est  vrai,  la  révocation  de  l'édit  do  Nantes,  mais  Judith 
n'émigra  peut-être  pas  tout  de  suite,  et  je  suis  fort  tenté  de  croire  que  le 
très  exact  auteur  de  la  Bibliographie  générale  de  l'Agenais,  M.  Jules 
Andrieu,  pourra  signaler  en  ma  chère  petite  province  natale  un  lieu  d'im- 
pression de  plus,  quand  il  publiera  un  nouveau  supplément  de  son  excel- 
lent recueil.  Je  serais  encore  plus  tenté  de  le  croire, Jsi  mes  bienveillants 
auditeurs  daignaient  approuver  ma  conjecture,  moins  téméraire,  en  tous  les 
cas,  que  l'entreprise  de  Labadie. 

T.  DE  L. 


ERRATA    DTJ  TOME  XXX 

P.  93,  1.  10,  altharbc,  lisez  :  althabe. 
P.  247,  1.  25,  terrains,  L  :  terriers. 
P.  251,  1.  12,  après  oscille,  ajoutez  :  entre  6  et  25  livres,  mais  très 

fréquemment  entre  10  et  12. 
P.  332,  1.  19,  22,'  Castex,  lisez  :  Caslels. 
P.  356,  note  1, 1.  3,  Sembeye,  Usez:  Lembeye. 
P.  386,  l.  24,  en  40 manuscrits  (î),  lisez:  in-4*^ manuscrits. 
P.  387,  1.  33,  effacez  les  mois  de  l'impôt. 
P.  512-525.  Plusieurs  fautes  typogr.  de  cet  article  de  M.  Plieux  seront 

corrigées  au  début  du  chapitre  suivant. 


r  TABLE  QUINQUENNALE 

DE  LA 

REVUE  DE  aASCOQNE  (1) 

(Tomes  XXVI  à  XXX) 


ARCHEOLOGIE  ET  BEAUX-ARTS 

Arehé«l«sle  «n  général. 

Excursions  de  la  Soc.  française  d'archéol.  dans  leCouserans  {A,  Lacer- 
gné)y  VI,  29. 

Ar«hé«l«sle  préhl«t«rl4«e. 

Groltes  préhistoriques  delà  Ténarèze  {A,  Breuils),  ix,  304;  x,  483. 
Note  sur  le  préhistorique  dans  le  Gers  (Z)*"  Lougé)^  viii,  569. 

Archéologie  gallo-ronalne. 

Cimetière  à  La  Hourre  près  d'Aucli  (CA.  Palanqué)^  x,  207. 
Villa  gallo-rom.  au  Glésia,  près  Montréal  {Breuiis),  ix,  304;  x,  33. 
Mosaïques  et  ruines,  Montréal  et  Eauze  (id.),  viii,  577. 

ArehéoUgle  médléirale. 

Monographie  de  Flaran,  partie  descriptive  (Benouville)^  ix,  289. 
Un  château  gascon,  Madaillan,  p.  Benouville  et  Tholin,  viii,  385. 
Basilique  de  Sainte- Quitierie  au  Mas  d'Aire,  p.  Cazauran  {E.  St-- 

Raymond,  ix,  466. 
Tombeau  du  card.  Jn  d'Armagnac  (Palanque),  ix,  422. 

Eplgraphle. 

Epigraphie  antique  de  la  Gasc.  d'après  M.  Bladé  (L,  C),  vi,  127. 
Mars  Lelhunnus  {D^  Sorbets),  vi,  541  ;  (Laoergne),  vu,  35. 
Le  temple  de  Mars  Lelhunnus,  p.  Taillebois,  vi,  581. 
Une  marque  de  verrier  gallo-rom.  (Espérandieu),  x,  197. 
L'inscription  du  château  de  Madirac  (Lavergne),  vu,  33. 
Cours  d'épigraphie  pyrénéenne  p.  J.  Sacaze  (id.),  ix,  44. 

(1)  Voyez  les  tables  précédentes  aux  tomes  iv,  x,  xv,  xx,  xxv. 

Avis  bssentibl  Dans  cette  6*  table,  vi  vaut  xzvi,  vii-xxvii,  vin  «xx  vin, 
IX- XXIX,  x-xxz. 

I^s  caractères  italiques  disting[uent  les  articles  bibliographiques  des  articles 
de  fond.  Les  articles  bibliographiques  qui  ne  sont  pas  suivis  de  nom  d'auteur 
entre  parenthèses  sont  de  M.  L.  Couturb. 


—  576  — 

flrnmlfliiiatlqae,  apliraslatlqvey  lila««n. 

Bech.  numiamatiques,  p.  Tâillebois,  vu,  426;  x,  196,  482. 

Sceaux  gascons  au  m.  àge^  p.  p.  la  Soc.  hist.  de  G.,  ix,  26;  x,  244. 

Blasons  peints  au  Mas  d' Aire ^  p.  Sorbets,  x,  532. 

leoB«sraplile. 

La  croix  de  Bias  (G.  Beaurain)^  viii,  418. 

■•Itoea  «rtijillqiiea. 

Pierre  Souffron,  architecte  auscitain  {Palanque),  x,  53. 
Une  confrérie  de  musiciens  à  Sarrant  (CA.  ae  la  Hiiie),  vu,  129. 
J.-B.  Re.y,  m®  de  chapelle  à  Auch  (7.  Dufresne),  ix,  145. 
Pierre  Benouville,  note  nécrologique,  x,  533. 


HISTOIRE 

I.  ETUDES  PRÉLIMINAIRES 

Oé^graphle  hUCorlque. 

Note  sur  Toppidum  des  Sotiates  (Breuils),  ix,  399. 

L'oppidum  des  Tarusates,  p.  le  D**  Sorbets,  vu,  262. 

Pouillé  du  dioc,  d'Aire,  p.  p.  M.  Cazauran  {St'Raymond)^  ix,  467. 

Les  clavériats  du  dioc.  d'Auch  (Breuils),  ix,  402. 

L'ancienne  étendue  de  la  forôt  de  Bouconne  {Cabié)y  vu,  197. 

Bourjac  et  Serrière  en  Comminges  (id.),  x,  160. 

Châteaux  d'ictium,  Izc,  et  de  FIsle-Jourdain  {id,),  viii,  53. 

Podiodalphinum  en  Agenais  (7\  de  Z.),  viii,  78. 

Les  chemins  de  Saint- Jacques  en  Gascogne  {Laoergne\  vu,   484; 

VIII,  5,  67,  171,  329. 
Lettre  sur  le  chemin  de  Tolose  à  Saint-Jacques  {L,  C),  viii,  346. 
La  Gascogne  dans  la  légende  carolingienne  (Bladé),  x,  5,  168,  253, 

365,  496. 
La  Salvetat-s.-  Garonne  dans  la  guerre  des  albigeois  (Cabié),  vi,  201. 
Enquête  de  1300  sur  le  comté  de  Bigorre,  p.  p.  Balencie,  vi,  288. 
Notes  sur  Tarchiprêtré  de  Lomagne  (C.  Daux)y  vu,  397. 

IL  HISTOIRE  CIVILE  ET  POLITIQUE 

niMloIre  rëglonalo. 

L'Aquitaine  avant  Auguste,  p.  Bladé,  vu,  479. 

Mém.  sur  l'hist.  relig.  de  la  Novempop,,  p.  le  m.,  vi,  574. 

Instit.  de  TAquit.  avant  la  conquête  (Bladé),  vu,  149. 

Le  S,-0,  de  la  Gaule  sous  l'Empire  rom.,  p.  le  m.,  vu,  574. 

La  Novempop.  wisigothique  {Bladé),  viii,  393,  496;  ix,  71,  160,  224, 

Hist,  du  droit  en  Gasc»  durant  le  haut  m.  ége  (id.),  ix,  91. 

Hist,  de  la  prov,  de  Bigorre,  p.  Colomez,  éd.  Duffau,  vu,  467. 

Etudes  sur  le  pays  basque,  p.  Haristoy,  x,  89. 

Les  Etats  de  Béarn,  p.  Cadier,  x,  374. 


—  577  — 

Armoriai  de  Béam^  p.  de  Jaurgain  et  de  Duffau,  x,  470. 
Sénéch.  des  Lannes  sous  Charles  VII^  p.  Gààier {Par/ouru) ,  vu,  426. 
Les  Huguenots  en  Navarre  et  Béam,  p.  Communay,  vi,  452. 
Itinéraire  de  Louis  XI  dauphin^  p.  p.  U.  Chevalier,  vu,  575. 
Cahiers  du  tiers-état  d'Agenais,  p.  p.  Tholin,  viii,  377. 
Lettres  et  mém.  de  d'Etigny,  p.  p.  Parfouru,  vi,  292. 
Administrât,  des  eaux  et  forêts  dans  le  Gers,  p.  Vivier,  vu,  141. 

■I«l«lre  urbaine. 

Archives  de  Lectoure,  p.  p.  P.  Druilhet,  vi,  563. 

UIsle-en-Dodony  p.  l'abbé  Magre,  x,  43, 

L'ormée  à  Bordeaux,  p.  Communay,  ix,  468. 

Les  rues  de  Bagonne,  p.  Ducéré,  x,  379, 

Etudes  sur  la  vie  hayonnaise,  p.  le  m.,  vu,  235. 

L'artillerie  et  les  arsenaux  de  Bay.,  p.  l.  m.,  vu,  283. 

A.  Navagero  elle  Tasse  à  Bayonne(Z.  C),  vu,  512. 

Un  document  sur  Cauteretz,  p.  p.  Duhourcau,  vu,  96. 

La  seigneurie  de  Bourrouillan,  p.  Cazauran  {St-Raymond),  ix,  462. 

Notice  s.  le  château  de  Mauvexin,  p.  Alis,  viir,  476. 

Astafort  en  Agenais,  p.  Baradat  de  Lacaze,  vu,  428. 

Cazaubon  pendant  la  Révolution  {Ducruc),  vi,  315. 

Un  mémoire  de  1657  sur  Pessan,  p.  le  D**  Desponts,  viii,  172. 

Lettre  sur  la  bibliographie  de  Barbotan  (£.  C),  194. 

Documents  s.  Roy  an  et  Cordouan,  p.  Labat  (T.  de  L.),  ix,  474. 

Voyages  de  deux  bourgeois  d'Auch  à  la  cour  {Parfouru)^  x,  485. 

Histoire  moreley  Judlelelre,  prefeeelemnelle,  asrleeley  eie. 

Histoire  du  Pari,  de  Toulouse,  p.  Dubédat,  vi,  448. 

Le  Pari,  de  Bordeaux,  p.  A.  Communay,  vu,  330. 

Un  châtiment  singulier,  p.  Andrieu,  vi,  389. 

Gentilshommes  landais  au  xviii®  siècle  (0.  Beaurain),  x,  293, 539. 

L'étude  de  notaire  de  Saint-Sauvy  (de  Ruble),  viii,  446. 

Quelques  textes  sur  le  roi  des  merciers  {Cabié),  x,  533. 

J.  Pardiac  et  la  commun,  des  chirurg.  d'Auch  (D^  Desponts),  viii, 

297,231,513;  ix,  191,  120. 
Fabric.  des  draps  à  Bigorre,  p.  Dejeanne,  ix,  478. 
Le  Marais,  notice  agricole  (C***  de  Neuville),  ix,  241. 
Culturedela vigneen  Armagnac(/)acrac),  X,  245, 563;  (Breuils)^  x,  455. 
L'eau-de-vie  d'Armagnac  à  Cazaubon  (Ducruc),  x,  450. 

déBéalegle  et  IHegraylile. 

Notices  Galard  et  Béam,  p..  de  Jaurgain,  viii,  483. 

Les  Du  Cos  sgrs  de  TIsle-Arné  (O.  de  la  Hitte),  ix,  519. 

Généalogie  Lacarry  {de  Jaurgain),  vu,  222. 

Notice  s.  la  famille  d*Anglade,  p.  J.  Solon,  vu,  97. 

Gascons  en  Italie.  BemardondelaSalle(P.i)ttmea),vi,5,65, 112, 167. 

—  Bernardon  de  Serres  (irf.),  vi,  209,  258. 

—  Lamarque  et  Durrieu  (id.),  vi,  297. 
Bernard,  dem.  baron  de  Castelbajac  {de  Carsalade),  vin,  17. 
Aventure  du  bar,  de  Lusignan^  p.  T.  de  L.,  vni,  49. 
Petits  mémoires  de  G.  d^Antin,  p.  p.  de  Carsalade,  vi,  466. 
Achèvement  de  Titinér.  d'Henri  IV  {T.  de  L.)y  vi,  369. 


—  578  — 

Un  amour  d'Henri  IV,  Capchicot,  p.  Andrieu,  vi,  389. 

Une  lettre  de  Margucr.  de  Valois  (C.  de  la  Hiiie\  vu,  456, 

Faits  alarmes  de  G.  de  Vivant  y  p.  p.  Magen,  ix,  526. 

Le  second  mariage  duducd'Epernon(c?c  Caaielbajac),  vi,  365;  {A,  de 

Lantenay),  vi,  509. 
Brochures  sur  ce  mariage,  de  MM.  Mireur  et  Cazauran,  vu,  481  ; 

vm,  387;  ix,  140. 
J.-P.  de  Lescun,  sgr  de  Piets  {Communay),  vin,  249. 
Troiscilles,  d  Artagnan  et  les  trois  Mousq,,  p.  deJaurgain,  vi,  243, 
Le  duc  de  Gramont  et  les  gardes  fr.  (Communay),  vu.  36. 
Le  comte  de  Toulouse,  etc.,  p.  A.  Communay,  vi,  387. 
Légende  et  histoire  d*H.  de  Barbotan  {L.  C),  viii.  486. 
Grands  négociants  du  xviii*  siècle,  p.  Communay,  ix,  470. 
Deux  agenais  du  xvni®  siècle,  p.  Andrieu,  vi,  389. 
Un  bavonnais  presque  oublié,  Du  Tillot  {T,  de  L,),  ix,  233. 
Un  cadet  en  1792,  p.  de  Vivie  (T.  de  i.),  vn,  286. 
Le  comte  de  Barbotan,  victime  du  tribunal  révol.  (Palanque)^  x,  389. 
Marins  des  B.-Pyr.  J.  d'Albarade  (Communay),  ix,  485. 
.— .  MM.  de  Charritte  (id.),  x,  21,  68. 

—  J.  Dulivier  (irf.),  x,  234,  343. 


III.  HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE 

HUtoIro  pr«¥liicl«le  et  dl^oéaalne. 

Les  possessions  de  Téglisede  Bethléem  en  Gasc.  ((>•  Riant),  vnr,  97. 
Meurtre  d'Anesance  et  ses  suites  (/.  Dudon  et  Gaubin),  ix,  109, 184. 
Projet  d'un  Bullaire  de  la  Gasc.  (C.  Douais),  vm,  554. 
Rapport  sur  le  Bull,  de  Gasc,  par  L.  Guérard,  x,  530. 

Bl«(«lre  par«lcalale  ei  lecale. 

Les  églises  de  l'Annagnac  d'après  une  enquête  de  1547  [A,  Breuils)^ 

IX,  193,  249,  537;  x,  73,  352. 
Notice  sur  Theus  et  Tieste  (/.  Gaubin)^  vi,  424;   viii,  136,  351; 

IX,  217,  426. 
Notice  sur  FIsle-Amé  (Dubord),  vni,  284,  360. 
Les  curés  de  Garbiey  aux  deux  dem.  siècles  [Ducruc],  vu,  504,  545. 
Les  curés  de  Cazaubon  depuis  le  Concordat  (id,),  vu,  70. 
Notre-Dame  de  Médoux,  p.  Théas,  vni,  468. 
Notre-Dame  de  Goueyte,  p.  Gaubin,  x,  242,  292. 
Eglises  du  Gers  tendues  récolutionnairementy  p.  Parfouru,  x,  194. 

m 

Histoire  de  Flaran  (PA.  Lauzun),  viii,  575;  ix,  504;  x,  221,  406. 

Le  cartulaire  de  Nizors  (Douais),  viii,  565. 

Cartulaire  de  Sainte-Foi  de  Morlaas,  p.  Cadier  (Par/burw),  vn,  424. 

Une  pièce  sur  Saint-Orens  d'Auch  (L,  C),  557. 

Partie  hisU  des  Annuaires  de  Saint-Pé,  vi,146;  vu,  95;  vm,145;  ix,138. 

Inventaire  de  Saint- Sernin  de  Toulouse,  p.  C.  Douais,  viii,  48. 

Les  Frères  prêch.  en  Gasc,  au  m,  âge,  p.  le  m.,  vi,  461. 

Capucins  et  huguenots  sous  Henri  IV,  p.  le  m.,  ix,  482. 


—  679  — 

La  comm.  d'Ordiarp,  les  Carmes  de  BayonnCy  p.  Dubarat,  x,  92. 
La  fin  des  Minimes  de  Samatan  (D^  Lacome),  vi,  249. 
CanneldeLectoure  (Plieux),  vu,  437,491,  535;  vin,  23,  80,  119,  231. 
Labadie  et  le  carmel  de  la  Graville  {A,  de  Lantenay\  vu,  107,  162, 

255,  300,  378,  527. 
U Oratoire  à  Bordeaux,  par  A.  de  Lantenay,  vu,  527. 

Biographie)  haglocraplile. 

Sainte  Quitterie  gasconne,  p.  Dudon,  vi,  384. 

Sainte  Bazeille,  v.  et  m.,  p.  le  P.  Caries,  x,  291. 

Lieu  de  naiss.  de  S.  Philibert  (Z)adon),  vu,  293;  (id,  eiL,  C),  vu,  421. 

Saint  Philibert  et  sa  chapelley  p.  Dudon,  viii,  293. 

Saint  Vincent  de  Paul  et  M"®  Legras,  lettres  inéd.  (Z.  C),  viii,  201. 

Saint  Vincent  de  P,  est  né  en  France,  p.  Pémartin,  x,  192. 

Le  fr.  Louis  Bitoz,  p.  Dubarat,  x,  92. 

Vita  Sancti  Rochi,  p.  J.  de  Pins,  éd.  Lazaire  {Douais),  vi,  520. 

Vie  du  vén,  J.  de  la  Barrière,  p.  A.  Bazy,  vi,  523. 

Titulaires  et  patrons  du  dioc.  de  Périgueux,  p.  Carie,  vi,  47. 

Raimond  Ebo,  évêque  de  Lectoure  {Douais),  vi,  497. 

Biogr,  d'Arnaud  Sorbin,  p.  Forestié,  vi,  240. 

Pièces  s,  Arnaud  de  Pontac,  éo,  de  Bazas,  p.  p.  T.  de  L.,  vi,  235. 

Jean  des  Montiers  de  Presse,  év.  de  Bayonne  (Communay),  vi,  101. 

Fr.  Bosquet,  év,  de  Montpellier,  p.  Henry,  x,  240. 

Louis  de  Nogaret  {A.  de  Lantenay),  vu,  83. 

Mgr  de  Langalerie,  arch.  d'Auch  {L.  C),  vu,  101. 

Eloge  de  M.  Vabbé  Boubée,  p.  Tabbô  Campistron,  ix,  92. 

L'abbé  Bartherote,  p.  A.  Breuils,  ix,  574. 

Mélanges  de  biographie,  p.  A.  de  Lantenay,  vi,  470. 

IV.  HISTOIRE  LITTÉRAIRE 

Phiiei^sle,  f«lk«lore. 

Origine  des  noms  patronym.  gascons  {L,  Cazaubon),  vi,  393. 

Les  contes  familiers  de  la  Gascogne,  d'après  Bladé  {L.  C.),  vu,  341. 

Les  animaux  dans  les  contes  gasc.  (Z.  Cazaubon),  viii,  149,  216,  264. 

Contes  populaires  de  la  Grande-Lande,  p.  Arnaudin,  x,  571. 

La  superstition  des  neuf  chandelles  {Breuils),  viii,  375. 

Un  faux  chevalier  de  Saint-Hubert  {Gardèré),  viii,  92. 

Sur  la  formation  du  mot  «  Comminges  »,  p.  A.  Thomas  {L.  C.  et 

Câblé),  \in,  241,  291. 
Le  chant  de  la  Sibylle,  gasc.  et  catalan  {L.  C),  vu,  214. 
Dictionnaire  béarnais  de  V.  Lespy,  vu,  51. 
Proverbes  de  V Annuaire  de  St-Pé,  x,  568. 
Proverbes  patois  de  Biros,  p.  Tabbé  Castet,  x,  570. 
Massai,  chansons^  danse^  etc.  p.  RufRé  et  Pasquier,  x,  570. 

Bi«t«lre  de  reB«elsBeiii#Bl. 

Contrib.  à  Thist.  de  Tinstr.  publ.  dans  les  Landes  {Beaurain)j  ix,  5, 60. 

L'Académie  d'Orihez,  p.  CoudiroUe,  x,  479. 

Les  écoles  de  Condom  avani  le  collège  {Oardèré),  vs,  411. 


—  580  — 

Le  collège  de  Condom  (id.),  vi,  481  ;  vu,  20,  115,  271^  315,  362,  551  ; 

VIII,  311  ;  IX,  49,  172,  256. 
Le  séminaire  diocésain  de  Condom  (id.),  x,  269,  333. 
Ecx)les  de  filles  à  Condom  (id,),  x,  149. 

Un  collège  municipal  (Bayonne),  p.  Drevon  (T.  de  L.),  x,  475. 
Le  grand  séminaire  de  Bayonne,  p.  Soubielle,  viii,  142. 
Etude  s.  Finsir.  publ.  à  Lectoure  {Plieux),  ix,  197,  203,  324,  404,  550; 

X,  122,  209,  315,  423,  512. 
L'instruction  publ.  à  Samatan  (D^  Lacome),  vu,  184,  207. 
L'école  de  Mirande  aux  xvi*  et  xvn®  siècles  (/.  Maumus),  vi,  533. 
L'instr,  publ,  à  Fleurance  avant  89 y  p.  Parfouru,  viii,  243. 

Bl«sr«pkl««  el  B«Cleefl  littéraire*. 

S.  Silviœ  peregrinaiio,  éd.  Gamurrini,  viii,  475;  ix,  575. 

Publicat.  de  M.  de  NoUiac  sur  Pétrarque ^  vu,  431;  viii,  50;  ix,  481.  1 

Le  chsmin  de  rhospital,  de  R.  de  Balzac,  éd.  T.  de  L.,  viii,  245.  ' 

Discours  de  la  vigne  de  Roaldès,  éd.  T.  de  L.,  viii,  196. 

Le  véritable  auteur  du  «  Voyage  à  Jérusalem  »  de  Ph.  de  Montaut 

{de  Carsalade),  vu,  533. 
Corresp.  de  Bulliaud,  év.  de  Bazas,  av.  C.  Agrippa  {Prosf),  vu,  391. 
Olivier  de  Alagny,  p.  J.  Favre  {T.  de  Z.),  vi,  378. 
Arn,  d'Oihénart  et  safamille^  p.  de  Jaurgain,  vu,  334. 
Théoph.  de  Viau^  p.  Andrieu,  vu,  373. 

Jean  Charron  de  Lacarry  {D^  Noulei),  vi,  149;  {L,  C),  viii,  44. 
Dates  de  la  biogr.  de  Dom  Brugèles  (C.  Durier),  vu,  502. 
Le  minéralogiste  Palassou  (A,  Communay)^  vu,  324. 
Gilles  de  Bertrand- Pihrac,  p.  le  D*"  Desponts,  viii,  294. 
B.  de  Saint-Salvy,  poète  beaumontois  {Cazaubon)^  vu,  5,  53. 
Souvenirs  du  D^  Léon  Dufour  (T.  de  L,),  ix,  579. 
M.  Tabbé  Canéto  {L.  C),  vi,  77. 
M.  l'abbé  Dupuy,  vi,  582. 
Mme  Marie  de  Raymond  {T.  de  Z.),  vu,  245. 
M.  Paul  La  Plagne-Barris  {L.  C),  ix,  533. 
Ans,  Batbie,  p.  Tabbé  Ducasse,  ix,  94. 
Un  nouveau  poète  gascon,  M.  L  Salles  (L,  C.J,  vu,  461. 
Bibliographie  génér.  de  l'Agenais,  p.  J.  Andrieu,  vi,  391;  vu,  571. 
Hist,  de  l'imprimerie  dans  l  AgenaiSy  p.  le  m.,  vu,  K)6. 

Blbllogniplile  (étrMisère  h  riil«t.  de  Oase.)* 

Travaux  de  M.  le  comte  Riant,  viii,  95;  —  de  M.  Tamizey  de  Larro- 
que,  VI,  93,  475,  577;  vu,  433;  viii,  391  ;  ix,  45, 145  ;  x,  531  ;  —  de 
M.  Gust.  Saige,  vi,  519;  —de  M.  Tabbé  Dulac,  viii,  146;  ix,  382; 
—  de  M.  Th.  Poydenot,  de  Jean  de  Verdun,  ix,  378;  — de  M.  l'abbé 
Marquet,  ix,  143;  —  de  l'abbé  Lucante,  vni,  146;  x,  46. 

V.  DOCUMENTS  INÉDITS 

Arehlvee  et  celleetleB*. 

Catalogue  du  fonds  Raymond,  p.  G.  Tholin,  x,  188. 
Catalogue  des  actes  de  Franc,  r^  (  T.  de  L.),  x,  36. 


JU 


—  581  — 
Aete«  oceléiil«a(lqiie«. 

Doc.  pontificaux  sur  révêché  de  Couserans  {Douais),  ix,  349,  439. 

€barle«  do  c«n(nnio«« 

Couiumeê  d'Ax-sur-Ariège,  p.  p.  Pasquier,  ix,  480. 

—  de  Castelnau'JR.-B.,  p.  p.  Malartic,  ix,  575. 

—  de  Meilhan  en  Basadais,  p.  p.  Baradat  de  Lacaze,  viii,  94.' 
Des  coût,  de  Mauvesin  et  du  Fezensagnet  (id,),  viii,  567. 

Aeto*  privés,  llvren  do  ral««ii. 

Registre  domestique  de  la  famille  Verduzan  (P.  La  P.-B.),  ix,  276. 
Testament  d'A.  de  Saint-Pastou  {F,  Abbadie)^  x,  458. 
Testament  de  J.  de  Pardaillan  (  7*.  deL.),  vu,  474. 

Aele  Judiciaire. 

Mém.  de  Gassion-Bergeret  contre  Mongelos  {Communay)^  vi,  47. 

DoeaniPDt  mllKalro. 

Proclamation  de  lord  Wellington  (P.  L,-B,),  ix,  376. 

■èslemoiiC  rellsleas* 

Articles  de  la  confrérie  Saint-Pierre  de  Tlslette  {Dubord)^  ^ii,  372. 

IiOtCre*  tnïtutiwem 

Lettre  du  chev.  de  Rpmegas  (jT.  de  L,),  vu,  133. 
Lettres  du  card.  de  Joyeuse  (irf.),  li,  518. 

—  complet,  la  not.  La  Chapelle-Lauzières  {de  Carsalade),  vi,340. 

—  de  divers  membres  de  la  fam.  Monluc  (T.  de  L,),  ix,  40,  189, 
.    375,  522;  x,  180,  283,  530,  559. 

—  de  Paul  de  Lescun  et  le  concernant  {Communay)^  vni,  259, 

448;x,  84,  230,  276,358. 
Deux  1.  de  la  maréchale  de  Biron  (2^.  de  Z.),  vin,  22. 
Lettres  de  la  reine  de  Navarre  à  Paul  III^  p.  p.  Nolhac,  ix,  48. 
Reliquiae  benedictinse  {T.  de  L,\  vi,  39,  143,  281,  438,  547. 
Deux  1.  d'A.  de  Cours,  év.  de  Condom  (id^,  vni,  140. 

—  de  Br.  Ruade,  év.  de  Couserans  (rc?.),  vni,  238. 

Corresp.  de  Gramont  av.  Louis  XV  {Communay),  vu,  45, 136, 224, 408. 
Lettres  du  m'"  d'Anlin  {T.  de  L.),  vu,  520. 


Tome  XXX.  38 


TABLE  MÉTHODIQUE 
DF.S  MATIÈRES  CONTENUES  DANS  LE  TOME  TRENTIÈME. 


ARCHEOLOGIE  ET  ART. 

Archéologie  prfÊblatorl^uc. 

Grottes  préhistoriques  de  la  Ténarèze,  p.  M.  Breuils,  483. 

Archéologie    sallo-romalne. 

Villa  du  Glésia,  nouv.  découvertes  fA.  Breuils)^  33. 
Le  cimetière  de  la  Hourre  {Ch,  PalamjueJ,  207. 

Epi  graphie- 

Marque  d'un  verrier  découv.  à  Auch  (Espérandieu)^  197. 

IVumlaniall^uc,    héral«lii|ae. 

Numismatique  y  var.  inédites,  p.  Era.  Taillebois,  196. 
Recherches  sur  la  numism,  de  la  Novemp.  p.  le  même,  482. 
Blasons  peints  au  Mas  d'Aire ,  p.  le  D^  Sorbets,  592. 

Biographie  ortlnUque. 

Pierre  Souffron,  archit.  d'Auch  (Ch.  Palanque),  53. 
P.  Benouville,  note  nécroL,  233. 

HISTOIRE. 

ÉTUDES  PRÉLIMINAIRES. 

CSéographIe  hlMlorl^qoe* 

Pays  de  Bourjac  et  de  Serrière  en  Comminges  (E.  Cabié),  160. 

I^a  Gascogne  dans  la  légende  carolini^ienne  {J,-F.  Bladé),  5, 168, 253, 
365,  49(3. 

HISTOIRE  CIVILE  ET  POLITIQUE. 

nislolre  proviDclale. 

Les  Etats  de  Béarn,  par  E.  Cadier,  374. 
Etudes  sur  le  pays  basque,  par  IlaristO}',  89. 
Armoriai  de  Béarn,  par  de  Duflau  et  de  Jaurgain,  470. 


583  — 


[IsCoIre  urkalne. 


Voyage  de  deux  bourgeois  d'Auch  à  la  cour  (P.  Par/ouru),  485. 
Les  rues  de  Bayonne,  par  Ducéré,  379. 
L'Isle-en-Dodon,  psiv  l'abbé  Magre,  43. 

nUCoIre  morale,  proffesnloDDelle,  etc. 

Gentilshommes  landais  au  xviii*  siècle  (G,  Beaurain),  293,  539. 
Culture  de  la  vigne  en  Armagnac  (DucruCy  Breuils),  245,  455,  563. 
L'eau-de-vie  d'Armagnac  à  Cazaulx)n  (Ducruc),  450. 

Biographie. 

Marins  basques  et  béarnais  :  MM.  de  Charitte  (A .  Communay),  21 ,  68. 

—  J.  Dulixier  (id.),  234,  343. 

Le  comte  de  Barbotan-Carrilz  (Ch:  Palanque),  389. 

HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE. 

Paroisse*  eC  lleax  de  dévollon. 

Eglises  de  l'Armagnac  en  1547  (A,  Breuils),  73,  452- 

Notre-Dame  de  Goueyte^^hv  l'abbé  J.  Gaubin,  242,  292. 

Eglises  du  Gers  vendues  comme  biens  nation.,  par  Parfouru,  194. 

HIsloIre  nionaiilli|ne. 

Monographie  de  Flaran  (P.  Benouville,  Ph.  Laujsun),  115,  221,  401. 

L'a  Commanderie  d'Ordiarp  et  les  Carmes  de  Bayonne,  par  Tabbé 
Dubarat,  92. 

Hagiosr^pkle  e^  blogr.  eeeléola«Cfi|ae. 

Sainte  Ba^eillCy  parle  P.  Caries,  291. 

Saint  Vincent  de  Paul  est  né  en  France ,  par  M.  Pémartin,  102. 
-Vie  rfe  Zoaw  Bi7o/,  par  l'abbé  Dubarratj  92.  ;        - 

François  Bosquet,  par  Tabbé  Henri,  288. 

HISTOIRE  LITTÉRAIRE. 

LHIéralnre  populaire. 

Contes  de  la  Grande-Lande,  p.  F.  Arnaudin,  571. 
Proverbes  dans  Y  Annuaire  de  Saint-Pé,  568. 
Proverbes  de  Biros,  p.  l'abbé  Casier,  570. 
ChansonSj  danse,  etc.  de  Massât,  p.  Pasquier,  570, 

iDaCraetloa  pabllqae. 

Etude  sur  l'instruction  publique  à  Lectoure  (A.  Plieux),  122, 209,  315, 
423,  512.   ■'